• Psychiatrie : des « traitements inhumains » à l’hôpital de Saint-Etienne
    http://www.lemonde.fr/sante/article/2018/03/01/psychiatrie-des-traitements-inhumains-a-l-hopital-de-saint-etienne_5263957_1

    La dernière fois que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait fait usage de la procédure d’urgence pour alerter publiquement le gouvernement sur une situation qu’il jugeait alarmante, c’était en décembre 2016 au sujet de la prison de Fresnes (Val-de-Marne), notoirement insalubre et occupée à plus de 200 %.

    Les mêmes termes de « traitement inhumain ou dégradant », se retrouvent aujourd’hui sous sa plume au sujet des conditions de vie de certaines personnes hospitalisées au pôle de psychiatrie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne.

    Les constats établis lors d’une visite réalisée du 8 au 15 janvier, résumés dans ses recommandations publiées au Journal officiel (JO) du jeudi 1er mars, sont édifiants. Faute de lits disponibles en psychiatrie, certains patients sont stockés au service des urgences. Au moment du passage du Contrôleur général, cinq patients relevant de la psychiatrie se trouvaient ainsi aux urgences générales du CHU depuis trois ou sept jours. « Ils n’avaient pu ni se laver, ni se changer, ni avoir accès à leur téléphone portable », écrit Adeline Hazan, la contrôleure générale.
    « Pratique générale d’isolement et de contention »

    Au total, les urgences de l’hôpital accueillaient, à la mi-janvier, vingt patients de psychiatrie, dont treize étaient sur des brancards dans les couloirs. Sept personnes « faisaient l’objet de contentions au niveau des pieds et d’une ou des deux mains », qu’elles soient sous le régime de l’hospitalisation sans consentement ou en soins libres.

    Depuis sa nomination en 2014, Adeline Hazan a accentué l’inspection, en plus des établissements pénitentiaires, des lieux de privation de liberté que sont aussi les hôpitaux et les unités psychiatriques. Son objectif est que chaque établissement soit visité au moins une fois d’ici à la fin de son mandat, en 2020. Aucun signalement n’avait attiré son attention sur le CHU de Saint-Etienne avant sa visite de routine.

    Lire aussi : « Troubles psychiques et problèmes de santé mentale ne sont plus seulement des questions de santé »

    Dans le service de psychiatrie (216 lits) de l’établissement de la Loire, la situation ne semble pas plus conforme au droit. « Une patiente non agitée mais souffrant de troubles compulsifs est ainsi placée en isolement dans sa chambre ordinaire depuis plusieurs mois, avec porte des toilettes fermée à clé et quatre sorties d’un quart d’heure autorisées par jour pour fumer », note l’autorité indépendante. En l’absence de « projet médical de pôle », l’hôpital recourt de manière abusive à « une pratique générale d’isolement et de contention ».
    « Le patient, un sujet de droit »

    Selon les règles publiées en mars 2017 par la Haute Autorité de santé, un patient susceptible d’être dangereux pour lui-même ou pour les autres ne devrait pas être enfermé plus de douze heures et attaché plus de six, même si des prolongations limitées sont possibles. Au CHU de Saint-Etienne, l’isolement et la contention sont décidés « de manière fréquente » pour des durées de plusieurs jours.

    « En matière de psychiatrie, le patient ne doit plus être un objet de soins, mais un sujet de droit », a l’habitude de dire la contrôleure générale. Elle dresse une liste de recommandations pour faire cesser « immédiatement », ces violations de la dignité et des droits des patients.

    Le ministère de la santé, qui avait trois semaines pour lui répondre avant publication au JO, ne l’a pas encore fait. En revanche le contrôleur a reçu un courrier du directeur de l’hôpital qui témoigne « d’une réelle volonté de changement ».

    • « Accueil des patients de psychiatrie : au CHU de Saint-Etienne, la parole se libère » tandis que la contention aggrave également la santé des vieux
      http://www.lemonde.fr/sante/article/2018/03/17/accueil-des-patients-de-psychiatrie-au-chu-de-saint-etienne-la-parole-se-lib

      Personnels médicaux et paramédicaux, médecins, cadres, infirmiers, psychologues, assistants sociaux… à l’initiative des syndicats, un collectif a été créé le 27 février, qui s’est déjà réuni deux fois. Il entend faire des propositions à la direction pour pallier les dysfonctionnements pointés par les contrôleurs lors de leur visite du 8 au 15 janvier et réclamer à nouveau l’obtention de moyens supplémentaires à l’Agence régionale de santé. Les syndicats restent cependant circonspects : « On ne parle pas le même langage », notent des représentants CGT et FO. Depuis 2005, une logique financière prime. Priorité a été donnée au retour à l’équilibre budgétaire – en 2016, le CHU a affiché un excédent net consolidé de 7,5 millions d’euros. Les alertes multiples lancées par les syndicats sur la situation du pôle psychiatrie, l’embolie des urgences, les contentions abusives, n’ont guère été prises en considération, avancent-ils.

      La situation s’est dégradée depuis la fermeture de l’hôpital psychiatrique de Saint-Jean-Bonnefonds transféré sur le site de l’hôpital Nord du CHU en 2004. La fermeture d’un service à l’hôpital Bellevue en 2017 n’a rien arrangé. La création d’une équipe mobile en soins ambulatoires est certes « louable », disent les infirmiers, mais elle ne dispose pas d’« assez de moyens humains et logistiques ». La vétusté de certains bâtiments, l’institutionnalisation de la contention partielle ou totale, le déficit en médecins, tentés par le privé, toutes ces questions ont été soulevées lors d’une assemblée générale houleuse fin janvier devant le directeur général et le chef du pôle de psychiatrie. La grande majorité des 150 salariés présents a eu l’impression d’être traitée par le mépris. « On nous a dit qu’on était des doctrino-populistes », déplorent les infirmiers.

      Etat de santé dégradé
      Après la parution du rapport, une famille – tous les proches des malades tiennent à rester anonymes – a contacté Le Monde pour témoigner de mauvais traitements constatés ailleurs. Dans un service de l’unité neuro-psycho-gériatrique à l’hôpital de la Charité dans le centre de Saint-Etienne, composante du CHU, elle a trouvé des personnes âgées attachées dans des fauteuils dans la salle à manger ou entravées dans leur lit par des liens de contention pelvienne ou/et au pied, des boîtes de liens au-dessus des armoires ou stockées dans des placards.

      D’autres familles contactées au téléphone font le même constat : l’état de santé de leur proche s’est dégradé après l’admission dans des services de gériatrie. Autonomes physiquement à leur entrée, ils sont vite devenus dépendants.
      « Est-ce que la personne (et sa famille) est respectée dans sa dignité ? Est-ce une atteinte à ses libertés ? N’y a-t-il pas d’autres moyens à trouver plutôt que de choisir l’option contention systématique ? Parce que dans ces conditions, quiconque attaché pendant des heures, de jour comme de nuit, ne pourra que perdre sa dignité humaine », dénonce la parente d’une personne qui a été hospitalisée dans cette unité et qui refuse cette fatalité.
      Interrogée sur ces situations, Floriane Loctin, directrice de cabinet du directeur général du CHU, estime qu’il « ne faut pas tout mélanger. Le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté porte uniquement sur le pôle de psychiatrie ». Elle indique qu’un groupe travaille depuis plusieurs années sur les questions de la bientraitance et de la maltraitance des personnes âgées, sur la contention, en relation avec des familles. Travaux qui ont donné lieu à des publications.
      Le CHU n’a pas contesté les observations du CGLPL. Mme Loctin explique que « les problèmes soulevés avaient été repérés par l’institution depuis plusieurs années, les mesures prises pour y remédier n’ayant pas suffi dans une période de particulière densité en termes d’activité, comme ce fut le cas du 8 au 15 janvier ». Un plan d’action « énergique » a été mis en œuvre, une « enquête administrative et des audits diligentés ». Une réflexion sur un projet médical pour le pôle psychiatrique recommandée par le CGLPL et réclamée plusieurs fois en vain jusqu’à présent par le CHSCT va notamment être engagée.

      #psychiatrie #logique_comptable #contention

  • Christophe Dejours, psychiatre : « Les soignants sont contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/15/christophe-dejours-psychiatre-les-soignants-sont-contraints-d-apporter-leur-

    Depuis quatre ans, ce psychiatre reçoit en consultation des « grappes » de médecins, souvent chefs de service, dans des états psychiques préoccupants.

    Psychiatre, psychanalyste, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Christophe Dejours est spécialiste en psychodynamique du travail. Il a récemment publié Le Choix. Souffrir au travail n’est pas une fatalité (Bayard, 2015) et Situations du travail (PUF, 2016).

    Depuis quelques années, vous recevez dans votre cabinet des psychiatres des hôpitaux en grande souffrance. Que se passe-t-il ?

    Il s’agit souvent de chefs de service, qui sont dans des états psychiques préoccupants – états de confusion mentale, problèmes somatiques gravissimes. J’ai commencé à les voir arriver par grappes il y a environ quatre ans. Or, si de nouvelles formes de pathologie liées au travail apparaissent, c’est que quelque chose a changé dans son organisation. En l’occurrence, la généralisation des méthodes du New Public Management [« nouvelle gestion publique », NPM] aux services de soins.

    En quoi ces techniques de gestion rendent-elles malades les psychiatres hospitaliers ?

    Tous me font une description similaire de leur situation. Ce sont toujours des cliniciens fortement engagés, depuis de longues années, dans la pratique en institution. La décompensation psychopathologique survient quelques mois ou quelques années après l’arrivée d’un nouveau directeur, le plus souvent un jeune gestionnaire. Après un audit, celui-ci met en place des outils d’évaluation et des protocoles de soins. Avec deux priorités : des objectifs quantitatifs et des performances mesurables. Entre les deux, le gestionnaire ne veut rien savoir. Résultat : des conditions de travail ingérables pour les chefs de service. Ils doivent d’un côté diriger des équipes qui n’arrivent plus à fonctionner, de l’autre affronter une administration qui ne cesse de les harceler avec une série d’exigences n’ayant rien à voir avec leur métier. Cela provoque chez nombre d’entre eux des décompensations brutales qu’on ne voyait pas auparavant.

    Recevez-vous également des médecins hospitaliers non psychiatres ?

    Moins. D’une part parce que les psychiatres sont plus habitués que d’autres, quand ils vont mal, à aller voir un psychanalyste, d’autre part parce qu’ils connaissent mieux la psychodynamique du travail. Mais la souffrance est la même pour le cardiologue, le radiologue, l’anesthésiste ou le diabétologue.

    Pourquoi les méthodes du NPM sont-elles néfastes au travail des praticiens ?

    Autrefois, les hôpitaux étaient systématiquement dirigés par un médecin formé en administration-gestion. Depuis le tournant gestionnaire des années 2000, ils sont dirigés par un gestionnaire. La gouvernance par les nombres a ainsi remplacé un gouvernement qui faisait référence à des règles. Des règles de droit (du travail, de la protection des salariés), mais aussi des règles de métier, des manières de travailler qui exigent le respect de certains principes. L’administrateur d’un service hospitalier dirigeait sur la base de ces règles de métier, dont il connaissait le langage et les valeurs. Cela produisait ce qu’on appelle l’ethos professionnel : une éthique fondée sur la connaissance du métier, qui organise le savoir-vivre, la convivialité et le respect de l’autre sur le lieu du travail.

    Comment cet ethos est-il affecté par la gouvernance du nombre ?

    Les gestionnaires ne connaissent pas le travail et ne veulent pas le connaître. Cela fait partie des principes des sciences de la gestion : ne rien savoir des règles de métier, pour asseoir sa domination et ne pas avoir à faire de compromis. Tout ce qui importe, c’est de mesurer les performances. Or les performances en question ne mesurent pas le travail du soin, et ne le mesureront jamais. On peut mesurer la qualité d’un traitement – et encore. Mais la relation avec le patient est du domaine de la subjectivité, sa qualité ne dépend pas que du soignant. Elle dépend aussi du patient, de la coopération qui se constitue entre le prestataire et le destinataire du service du soin. Que vous soyez cardiologue, gastro-entérologue ou cancérologue, il faut que le patient travaille avec vous à son traitement. Et ça, ce n’est pas mesurable.

    Les médecins en souffrance que vous recevez évoquent toujours un contexte marqué par la solitude. Que devient, dans ce système managérial, la solidarité professionnelle ?

    Elle est réduite à néant, à l’aide d’un outil très simple : l’évaluation individualisée des performances. Cette dernière, qui est aussi une menace de sanction ou de licenciement, a des effets extrêmement puissants sur les relations entre les gens. Elle ouvre la voie à la concurrence déloyale, elle altère le savoir-vivre, le respect de l’autre, la solidarité, elle casse le collectif et introduit la peur dans le monde du travail. Il en résulte un affaiblissement de chacun et un accroissement de la solitude.

    Cette gestion entraîne donc la détérioration de notre travail, qui fait elle-même le lit de la maltraitance. Les soignants sont ainsi contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent moralement : c’est ce que l’on appelle la souffrance éthique. Or cette souffrance est extrêmement grave : à force de trahir les règles du métier, à force de trahir les collègues qu’on ne défend pas, on finit par se trahir soi-même, ce qui ruine les bases éthiques de l’identité.

    Avec quelles conséquences ?

    Face à cette souffrance éthique, il y a deux réactions possibles. Soit on parvient à développer une stratégie de défense, ce qui produit une insensibilisation du soignant à la souffrance de l’autre. C’est la porte ouverte à la maltraitance chronique, et cela explique également les mauvais traitements que subissent, sur leurs lieux de stage, les étudiants – dont la bonne volonté et la sensibilité à la souffrance des malades réveillent la mauvaise conscience des soignants, heurtant de plein fouet leurs stratégies de défense. L’autre réaction, c’est la décompensation brutale, avec le risque de passage à l’acte. Cette souffrance éthique est l’élément déterminant de l’apparition des suicides sur les lieux de travail, chez les médecins et soignants hospitaliers comme partout ailleurs.

  • Le nombre de suicides reste élevé mais diminue
    La France se classe au dixième rang sur 32 pays européens. Les hommes sont plus touchés que les femmes , L’éMonde

    En 2014, 8 885 décès par suicide ont été enregistrés en France métropolitaine, soit un par heure en moyenne. Un chiffre élevé, mais en diminution de près d’un quart (– 26 %) par rapport à 2003, et qui confirme une baisse tendancielle entamée en 1985. C’est ce que révèle le rapport de la troisième édition de l’Observatoire national du suicide, publié le 5 février par le ministère de la santé et l’agence Santé publique France, à l’occasion de la Journée nationale de prévention du suicide.

    Le rapport précise que ce chiffre de 8 885 suicides est sous-évalué de 10 %, car il ne prend en compte que les décès officiellement enregistrés comme morts volontaires. En incluant ceux pour lesquels il existe une « très forte certitude », mais pas de certificat, on atteindrait quasiment 10 000 décès, soit près de trois fois le nombre de personnes tuées dans les accidents de la route (3 384) en 2014.

    Ces chiffres ne sont pas bons. Avec un taux de suicide de 14,9 pour 100 000 habitants en 2014, la France présente un des taux les plus élevés en Europe. Elle se situe au dixième rang sur trente-deux, après la Finlande, la Belgique et la plupart des pays de l’Est. Le suicide est d’ailleurs la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans (16,2 % des décès de cette tranche d’âge en 2014, après les accidents de circulation). Une mauvaise place européenne que les autorités sanitaires appellent toutefois à interpréter « avec une extrême prudence »." La France a un moyen relativement précis de connaître le nombre de suicides, ce qui n’est pas le cas de tous les pays « , souligne Jean-Marc Aubert, à la tête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques,au ministère de la santé, qui copilote l’observatoire. Le relativement bon recensement des suicides jouerait donc en défaveur de la France dans les comparaisons internationales.

    Interrogé sur les raisons de cette » baisse tendancielle « du nombre de suicides dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques depuis 1990 (exceptés le Japon et la Corée), et depuis 1985 en France, M. Aubert assure que le phénomène est » complexe « , » multifactoriel « et fait l’objet de travaux de recherche. » Malgré toutes ces recherches, on ne sait pas pourquoi ça baisse « , reconnaît-il.

    Et si le nombre de suicides diminue, le profil des personnes qui se donnent la mort reste, lui, globalement similaire d’une année sur l’autre. Ce sont surtout des hommes (23,1 décès pour 100 000 habitants, contre 6,7 chez les femmes). Le taux de suicide » augmente fortement avec l’âge « , note le rapport. Autre constante : des taux de suicide plus élevés sont enregistrés dans la moitié nord du pays. La pendaison reste le mode de suicide le plus fréquent (57 % des décès), loin devant les armes à feu (12 %), les prises de médicaments et autres substances (11 %) et les sauts d’un lieu élevé (7 %).

    Numéro de secours
    L’observatoire rapporte enfin que 78 128 personnes (47 981 femmes et 30 147 hommes) ont été hospitalisées en 2015, dans des services de médecine et de chirurgie, pour tentative de suicide. Un chiffre stable depuis 2013, en baisse après un pic à 91 203 en 2010. Ce nombre de patients est sans doute bien en dessous de la réalité, car il ne prend pas en compte ceux passés aux urgences après une tentative de suicide, mais non hospitalisés, ou ceux hospitalisés en psychiatrie sans être passés auparavant par un service de médecine.

    Afin d’améliorer la prévention et de faire diminuer le nombre de décès par suicide, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a annoncé, le 26 janvier, lors d’un discours consacré à la psychiatrie, qu’elle allait étendre, ces deux prochaines années, le dispositif pour recontacter les » suicidants " à leur sortie des urgences ou d’hospitalisation et mettre en place un numéro de secours pour les personnes en détresse psychique extrême.

    François Béguin

    Dans « Suicide. L’envers de notre monde », à paraître le 8 février, les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet analysent la surprenante baisse du taux de suicides en France et dans la plupart des pays, en dehors des plus pauvres - Bonnes feuilles

    Depuis 2006, des changements importants sont intervenus dans l’évolution du suicide, dans notre pays et dans une grande partie du monde. Un rapide coup d’œil sur la courbe d’évolution du suicide en France depuis le début du XIXe siècle suffit pour constater une tendance à la baisse à partir de 1985. Depuis plus de trente ans, le mouvement est net, régulier et de grande ampleur. Le taux de suicides s’établissait au cours des années 1985 et 1986 à 22,5 pour 100 000 habitants, soit un niveau voisin des années précédant la Première Guerre mondiale, très proche du maximum jamais enregistré une seule fois dans notre pays (25 en 1908). Il est tombé en 2013 à 15,1 et à 13,8 en 2014, soit un niveau identique ou légèrement inférieur à celui que la France a connu dans les années 1950, dans l’immédiat après-guerre et au tout début des années de forte croissance : l’un des plus faibles qui ait jamais été enregistré au cours du XXe siècle, à l’exception des années de guerre. En résumé, au cours des trente dernières années, le taux de suicides est passé du niveau maximum au niveau minimum !

    Il ne s’agit pas d’un effet de structure provoqué par la fonte au cours de la période des effectifs de catégories particulièrement suicidaires, comme les agriculteurs ou les ouvriers. Ce mouvement à la baisse n’est pas non plus le fait d’une catégorie particulière de la population. Il affecte, bien qu’à des degrés divers, l’ensemble des composantes de la population, les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, les agriculteurs, les employés, les ouvriers et les cadres. C’est parmi les personnes âgées de plus de 60 ans que la baisse est la plus accentuée : sur les 9 715 décès par suicide enregistrés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2012, la moitié (47 %) concerne des personnes de 55 ans et plus. La baisse la plus marquée du taux de suicides est observée dans les classes d’âge où les suicides sont les plus nombreux. Il en résulte une baisse importante du taux de suicides global. Une baisse du taux de suicides des jeunes ne se traduirait pas par une baisse « visible » du taux global. Le constat est clair, mais son explication n’est pas évidente.

    La forte hausse qui l’a précédée entre 1975 et 1985 était, en revanche, plus compréhensible. S’ouvre en effet à partir de la fin des années 1970, suite aux « chocs pétroliers », une nouvelle conjoncture économique qui met à mal nombre de protections et de sécurités dont jouissaient les travailleurs au cours des trente années de croissance. L’instauration d’un chômage de masse, durable et à un niveau élevé, en est le trait le plus marquant. La compétition internationale et la mondialisation des marchés conduisent les entreprises à s’adapter à la nouvelle donne : fermetures d’entreprises, délocalisations et vagues massives de licenciements d’un côté ; intensification du travail, précarisation des emplois et flexibilité croissante des rythmes de travail de l’autre. La dictature grandissante des impératifs du capital financier, de la spéculation boursière et des crises qu’elle entraîne ébranle durablement la société française dans son ensemble. Un monde nouveau est en train de naître, engendrant un surcroît d’incertitude et d’insécurité. La raideur de la pente ascendante de la courbe du suicide de 1975 à 1986 ressemble fort à celle qui a accompagné, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la mutation d’une société paysanne et artisanale en une société industrielle et capitaliste.

    La baisse du suicide observée depuis 1985 étonne du fait qu’aucune des dimensions de cette nouvelle donne n’a aujourd’hui disparu. Le chômage demeure à un niveau élevé, les fermetures d’entreprise vont bon train, les salaires stagnent, des régions entières sont frappées par la désindustrialisation. Le cercle de la précarité s’est élargi, affectant désormais tous les secteurs d’activité et même la fonction publique. Et pourtant, le suicide baisse, même si, autour de la crise de 2008, une relation positive entre chômage et suicide a pu être observée chez les hommes en âge de travailler. Comment l’expliquer ?

    Répondre à cette question n’est pas simple, tant sont multiples et diverses les causes qui peuvent affecter l’évolution d’un phénomène aussi complexe que le suicide. (…) Cette tendance prononcée à la baisse n’est pas propre à la France. On l’observe dans un grand nombre d’autres pays. Le « Panorama de la santé » établi chaque année par l’OCDE en fait même état dans son édition de 2015 : « Depuis 1990, les taux de suicides ont diminué de 30 % environ dans les pays de l’OCDE et ont même été divisés par deux dans des pays comme la Hongrie et la Finlande. En Estonie, après une hausse initiale au début des -années 1990, les taux ont également fortement diminué. » Il ne s’agit donc pas d’un artefact produit par des modifications intervenues au cours de l’enregistrement statistique du phénomène en France.

    Le rôle des médecins généralistes
    À l’échelle mondiale, le taux de suicides standardisé selon l’âge, qui corrige les différences de taille et de pyramide des âges des populations dans l’espace et dans le temps, affiche de 2000 à 2012 une baisse de 26 % : 23 % chez les hommes et 32 % chez les femmes. Cette baisse affecte toutes les régions du monde à l’exception des pays pauvres d’Afrique et les hommes des pays les moins développés de la Méditerranée orientale.

    (…)

    Dans les pays développés qui accusent une baisse sensible du suicide, les dates d’inflexion des courbes varient, mais se situent toutes dans les dernières des années 1980 et les premières des années 1990. Compte tenu de la diversité des situations économiques propres à tous ces pays, il est difficile d’établir une relation simple entre la baisse observée des taux de suicides et des facteurs économiques et sociaux qui seraient identiques et communs à tous ces pays. D’autant que dans aucun des pays de l’OCDE et de ceux de l’ancien bloc soviétique cette inversion des pentes du taux de suicides des années 1980 et 1990 ne correspond à une amélioration notable de la conjoncture économique.

    On est alors tenté d’aller chercher les causes de cette baisse spectaculaire ailleurs que dans les variations des conjonctures économiques, et pour commencer du côté des progrès réalisés dans le domaine médical. Existerait-il un lien entre ces baisses exceptionnelles et mondialisées du suicide et les débuts de la diffusion massive, elle aussi mondialisée, d’une nouvelle classe de médicaments, les antidépresseurs, pour soigner la dépression ? La mise au point et la diffusion de ces traitements sont récentes, les tout premiers datant des années 1960. Accueillis au départ avec scepticisme par les psychiatres, ils n’ont commencé à être utilisés à une large échelle que dans le milieu des années 1980, lorsque apparaît la classe des inhibiteurs de recapture de la sérotonine (IRS). Le plus connu d’entre eux est le Prozac, produit par le grand laboratoire américain Lily, qui devient très vite le troisième médicament le plus vendu au monde. Les facilités de son usage lui permettent d’être prescrit, dans la quasi-totalité des pays, par des médecins généralistes et pas seulement par des psychiatres.

    La consommation d’antidépresseurs a considérablement augmenté dans la plupart des pays de l’OCDE depuis le milieu des années 1980 et surtout depuis 2000. Toutefois, la consommation d’antidépresseurs est très variable d’un pays à l’autre. Leur niveau de consommation dépend de la prévalence de la dépression dans chaque pays et de la manière dont elle est diagnostiquée et traitée, mais aussi de la disponibilité d’autres thérapies, des recommandations locales et des habitudes de prescription. Avec 50 cachets pour 1 000 habitants par jour, la France se situe en dessous de la moyenne des 28 pays de ce classement (58 doses). Il n’en est pas de même pour tous nos voisins européens : au Por-tugal, par exemple, la consommation d’antidépresseurs a presque triplé entre 2000 et 2013, passant de 33 doses journalières à 88.

    En dehors des psychiatres qui affirment que, « bien prescrits, les antidépresseurs ont un effet antisuicidaire évident », un argument fort milite pour leur attribuer une part importante dans la baisse du suicide au cours des trente dernières années : cette baisse généralisée n’a pas substantiellement modifié la hiérarchie des pays. En effet, malgré la baisse notable qu’ils ont connue, les pays de l’ancien bloc de l’Est se distinguent toujours des autres par des taux de suicides très supérieurs, l’Italie et l’Espagne par des taux très inférieurs à ceux de leurs voisins européens. Elle n’a pas non plus affecté les grandes tendances observées au cours des périodes précédentes : les hommes se suicident toujours plus que les femmes, les vieux plus que les jeunes, les pauvres plus que les riches, etc. En somme, l’usage des antidépresseurs aurait agi sur le niveau du suicide en le faisant sensiblement baisser sans modifier qualitativement les facteurs sociaux qui le produisent.

    Après avoir été âprement discuté au sein de la psychiatrie, certains soulignant des risques accrus de suicide chez les jeunes provoqués par cette médication, l’effet bénéfique de l’usage des antidépresseurs sur la baisse du suicide semble aujourd’hui reconnu par tous les professionnels. Une grande enquête internationale publiée en juin 2013 analyse en détail les relations entre le taux de suicides et la consommation d’antidépresseurs. Portant sur 29 pays européens au cours d’une période étendue correspondant aux années d’inflexion de la courbe et de la baisse du suicide qui s’ensuivit (1980-2009), elle calcule dans chaque pays les corrélations entre la consommation d’antidépresseurs et le taux de suicides afin d’explorer le sens et l’ampleur des associations entre les deux phénomènes. Des régressions linéaires associées permettent ensuite de préciser la nature et l’évolution de ces relations. Les résultats sont clairs : dans tous les pays sauf un, le Portugal, le suicide diminue à mesure que s’accroît la consommation d’antidépresseurs.

    (…)

    L’effet positif des antidépresseurs sur la baisse du suicide est aujourd’hui un fait avéré, mais le recours généralisé à ces médicaments n’a pas surgi du néant comme par un coup de baguette magique. Il est lui-même un effet des transformations notables intervenues en amont à la fois dans la prise en charge médicale des maladies mentales et dans la perception sociale de la dépression et du suicide. En France comme dans beaucoup de pays européens, toute une organisation sociale s’est progressivement mise en place pour prendre en charge les souffrances psychiques des individus. Les effectifs de « psys » au sens large (psychiatres, psychanalystes, psychologues, infirmières en psychiatrie) se sont étoffés et se sont répartis sur le territoire grâce à la sectorisation.

    Mutation culturelle
    Comparée à d’autres pays, l’offre de soins française en psychiatrie est de bonne qualité, notamment en termes d’équipement et de ressources humaines. Elle a aussi beaucoup innové par l’organisation pionnière, en réseau, de son offre hospitalière publique sur la base d’une sectorisation géographique originale : le « secteur psychiatrique ». Mis en place par la circulaire du ministère de la santé publique datée de mars 1960, celui-ci constitue l’unité de base de la délivrance de soins en psychiatrie publique. Il dispense et coordonne, pour une aire géo-démographique de proximité, l’ensemble des soins et services nécessaires à la couverture globale des besoins : prévention, soins, postcure et réadaptation. La prise en charge et la coordination des soins sont assurées par des équipes pluridisciplinaires. Avec 815 secteurs de psychiatrie générale, soit en moyenne un secteur pour 56 100 habitants âgés de plus de 20 ans, l’offre publique de psychiatrie représentait, en 2003, 80 % de l’activité psychiatrique réalisée par les établissements de santé. L’autorisation accordée aux généralistes de prescrire des antidépresseurs a aussi favorisé, lors des consultations, le dialogue sur les problèmes psychologiques. Parallèlement à la prise en charge médicale s’est développé, dans la plupart des pays développés, un tissu d’associations qui se sont donné pour mission la prévention du suicide.

    (…)

    Toutes ces initiatives ont été rendues possibles par un changement radical intervenu dans la perception sociale des maladies mentales et du suicide. Le suicide a cessé progressivement d’être un tabou dont on ne parlait pas. La France comme la plupart des pays européens a connu depuis un demi-siècle une forte élévation de son niveau d’instruction. La part des emplois occupés par les cadres supérieurs et les professions intermédiaires s’élève à 43,1 % contre 48,4 % pour les employés et ouvriers. Or les catégories sociales les plus diplômées, davantage à l’écoute des messages de leur organisme, mieux -informées que les autres sur les possibilités de traitement, ont toujours développé un rapport aux soins qui privilégie l’anticipation. Elles consultent avant qu’il ne soit trop tard. Dans une France plus instruite où les professions supérieures sont aussi nombreuses, les maladies mentales ne sont plus associées à la folie ni perçues comme des tares irrémédiables condamnant nécessairement ses victimes à l’asile. Dans la conversation courante et dans tous les milieux, le terme de « déprime » a acquis droit de cité. C’est un mal répandu dont on mesure les risques mais dont on parle sans honte et dont on peut sortir, si on le prend à temps, et parfois en meilleure forme qu’avant. Le recours fréquent aux antidépresseurs est ainsi rendu possible et favorisé par cette mutation culturelle. La transformation médicale de la prise en charge de la déprime et du suicide ne se borne donc pas à la prescription d’antidépresseurs, même si celle-ci l’accompagne.

    #suicide #dépression #antidépresseurs #psychiatrie

  • La psychiatrie en grande souffrance, Journal officiel de tous les pouvoirs

    Ecrasés par les restrictions budgétaires, les soignants se disent à bout et dénoncent une « perte de sens » de leur travail

    Il y a chez eux de la fatigue, du désarroi et de la colère. Depuis des mois, des médecins et des soignants du secteur psychiatrique multiplient grèves et lettres ouvertes aux autorités sanitaires pour alerter sur la dégradation de leurs -conditions de travail en raison des restrictions budgétaires. Et, par conséquent, sur la détério-ration de la prise en charge des malades.

    Après des années de restructurations et de non-remplacement systématique des départs, plusieurs responsables syndicaux estiment que ce service public est désormais « à l’os ». « On nous pressurise depuis des années, on est arrivé à un point de bascule », assure Jean-Pierre Salvarelli, membre du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et chef de pôle au Vinatier, à Lyon, l’un des plus gros hôpitaux psychiatriques de France. L’année dernière, 52 postes de soignants ont été supprimés dans cet établissement. « Les infirmières et les aides-soignantes se démultiplient pour boucher les trous, dit-il. Mais les équipes n’en peuvent plus. »

    Turnover et absentéisme

    D’un bout à l’autre de la France, les mêmes maux et les mêmes symptômes : des taux d’absentéisme élevés, un fort turnover des personnels, des postes de médecins non pourvus (il manquerait 900 à 1 000 psychiatres, selon le SPH), des lits en nombre insuffisant dans certains services, notamment aux urgences, et des patients à accueillir toujours plus nombreux.

    Entre 2010 et 2016, près de 300 000 personnes supplémentaires ont été suivies en psychiatrie. « Les ressources n’ont pas augmenté proportionnellement à la croissance de la file active, constate Magali Coldefy, géographeà l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes). Faute de moyens, la psychiatrie a tendance à se replier sur l’intra-hospitalier et la gestion de la crise et de l’urgence. »

    Signes extérieurs du malaise ambiant, les établissements -d’Allonnes (Sarthe), Bourges (Cher) ou Rennes (Ille-et-Vilaine) ont connu ces derniers mois des mouvements de grève. Le 5 janvier, sept anciens psychiatres de l’hôpital Philippe-Pinel, à Amiens (Somme), ont écrit à la ministre de la santé Agnès Buzyn pour lui expliquer pourquoi la « dégradation continuelle des conditions de prise en charge des patients » avait pesé dans leur choix « douloureux » de quitter l’hôpital public. Dans leur courrier, ils dénoncent un « hôpital en déshérence » et une « souffrance éthique et professionnelle à son paroxysme ».

    La gravité de la crise commencerait-elle à être perçue au-delà des enceintes des hôpitaux psychiatriques ? La députée (La République en marche) de la Somme Barbara Pompili a dit sa « honte » après avoir visité l’établissement d’Amiens le 3 novembre 2017. « La faiblesse hallucinante des effectifs transforme cet hôpital en gigantesque garderie, avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour ceux qui sortent, comme pour ceux qui ne sortent pas », avait-elle écrit. Quant à François Ruffin (La France insoumise), l’autre député du département, il a récemment publié un livre (Un député à l’hôpital psychiatrique, Fakir éditions) dans lequel il raconte les difficultés et les dysfonctionnements de ce même hôpital.

    Les restrictions budgétaires ont différents types de conséquences. Au sein même des hôpitaux, de nombreux infirmiers, dont les témoignages ont été recueillis après un appel lancé sur le site du Monde, disent ne plus avoir le temps de parler avec les patients hospitalisés ou d’effectuer avec eux des activités thérapeutiques. « On est accaparé par l’urgence et le quotidien. Nous n’avons plus le temps de faire des entretiens avec les patients, de prendre un café avec eux, ou de les accompagner pour qu’ils puissent téléphoner. Cela génère des situations d’agressivité et de violence plus fréquentes. Et nous, on a le sentiment de mal faire notre travail, d’être maltraitants », raconte Marion, 25 ans, infirmière dans un gros hôpital de province.

    Motivation en berne

    « Quand je suis arrivé à l’hôpital il y a quelques années, on faisait encore des sorties au musée, au cinéma ou au cirque, témoigne-Cyril, infirmier dans un hôpital du sud de la France. Cette année, nous n’avons pas prévu d’en faire car nous arrivons à peine à tenir le planning et à assurer la continuité du service. » " Je ne suis qu’un garde-fou, nous n’avons plus les moyens et la motivation d’être soignant « , estime un infirmier à Agen, résumant ainsi la » perte de sens « ou l’amertume racontées au Monde par de nombreux professionnels de santé.

    Car pour répondre à la violence, lorsque les effectifs manquent, les recours à la chambre d’isolement (une pièce sécurisée avec matelas fixé au sol) et à la contention peuvent augmenter. En 2016, le contrôleur général des privations des lieux de liberté avait dénoncé la » banalisation « de ces pratiques.

    Après avoir fermé près de 15 000 lits de psychiatrie entre 1997 et 2015, les hôpitaux n’arrivent pas aujourd’hui à prendre en charge correctement tous les patients. Face à la hausse du nombre d’hospitalisations sous contrainte (92 000 personnes en 2015), il n’est pas rare que des unités de soins prévues pour 20 patients en accueillent davantage. » C’est la course aux lits, pour faire de la place, on fait sortir les malades dès qu’ils ne représentent plus un danger direct pour eux ou pour les autres, raconte Marie, 41 ans, psychiatre dans un établissement de la région parisienne. L’absence de lits est devenue un critère dans la durée de soins des patients, autant, voire parfois plus, que l’aspect médical. « 
    Une autre infirmière exerçant dans un hôpital du sud de la France fait état de patients obligés de rester en chambre d’isolement, » alors qu’ils n’en ont plus besoin au niveau psychiatrique « , par manque de place.

    Jean Vignes, le secrétaire général du syndicat SUD-Santé-Sociaux, juge d’ailleurs la situation » tellement tendue « qu’il plaide pour la réouverture » au moins de façon provisoire « d’un millier de lits. Pour justifier cette revendication en demi-teinte, il explique que son organisation était historiquement » pour la diminution du nombre de lits « , mais » à condition d’avoir les moyens d’assurer le suivi en extra-hospitalier « .

    Or, c’est cette prise en charge, assurée hors des murs des établissements psychiatriques, par notamment les centres médico-psychologiques (CMP), émanations de l’hôpital présentes partout sur le territoire, qui semble aujourd’hui le plus souffrir des restrictions budgétaires. » On a mécaniquement tendance à alléger l’ambulatoire - le suivi à l’extérieur - et à rapatrier les ressources vers les services d’hospitalisation. C’est l’hôpital qui prime, c’est un retour à l’asile « , déplore Isabelle Montet, la secrétaire générale du SPH.
     » On est obligé de se retirer des endroits où vivent les gens parce que nous sommes contraints de centrer nos efforts sur ce qui est incontournable pour la société, c’est-à-dire accueillir les patients qui relèvent de soins non consentis « , explique le docteur Marie-José Cortes.

    Une nouvelle organisation

    Un poids grandissant de l’hôpital, vu comme un retour en arrière par de nombreux professionnels, qui heurte aussi les associations de patients. » Je ne pense pas qu’il y ait un manque réel de moyens, de personnels et de lits « , estime ainsi Claude Finkelstein, la présidente de la Fédération nationale des associations en psychiatrie (Fnapsy). Pour elle, » on travaille encore à l’ancienne « dans le domaine de la psychiatrie, et » trop de gens sont à l’hôpital parce qu’on ne sait pas où les mettre « . » Il ne faut pas colmater, mais réfléchir à une nouvelle organisation des soins « , ajoute -Fabienne Blain, porte-parole du collectif Schizophrénie, qui demande une vaste réallocation des moyens consacrés à la psychiatrie.

    François Béguin

    Pour les enfants, jusqu’à un an d’attente avant un rendez-vous

    Du côté des petits patients, des délais d’attente inadmissibles pour une première consultation et un manque de lits d’hospitalisation. Du côté des pédopsychiatres, une crise démographique et universitaire, qui rend la spécialité de moins en moins attrayante. La psychiatrie des enfants et des adolescents est » sinistrée « , selon le sénateur (LRM) et médecin Michel Amiel, rapporteur, en mai 2017, d’un volumineux rapport d’information parlementaire sur la psychiatrie des mineurs en France.

    Le repérage et la prise en charge précoce des troubles psy des jeunes sont considérés comme une priorité. Mais au regard de la forte hausse des besoins et aux nouveaux défis liés notamment au décrochage scolaire, au harcèlement ou aux traumatismes liés aux attentats, » le nombre de structures de prise en charge et leurs effectifs ont très peu augmenté « , constate ce rapport. Les CMP (centres médico-psychologiques) et CMPP (centres médico-psychopédagogiques), bien souvent structures d’entrée dans le parcours de soins psychiatriques, sont engorgés. Le délai pour une première consultation dépasse un an dans certains départements, désespérant familles et professionnels. » On a des demandes de 2016 auxquelles on n’a pas répondu. On a honte. On voit tous les dégâts qu’on aurait pu éviter, les souffrances qu’on aurait pu atténuer « , témoigne une pédopsychiatre exerçant dans un CMP de province.

    Le nombre de lits d’hospitalisation en pédopsychiatrie est en augmentation depuis 2001, mais les capacités sont encore trop limitées, avec de fortes inégalités territoriales, souligne le rapport. Le délai d’obtention d’une place en hôpital de jour – l’essentiel des prises en charge hospitalières des mineurs – est lui aussi jugé important.

    Cercle vicieux

    Quant au nombre de pédopsychiatres inscrits en tant que tels au conseil de l’ordre des médecins, il a été divisé par deux en dix ans. De 1 235 en 2007, il est passé à 593 en 2017, dont 80 % ont plus de 60 ans. Certes, ces chiffres sont à prendre avec précaution, car le dénombrement précis de ces praticiens est complexe,la pédopsychiatrie n’étant pas une spécialité médicale distincte de la psychiatrie. Mais la désaffection est indéniable, et contribue à un cercle vicieux. Moins il y a de pédopsychiatres, moins il y a de formateurs et donc de nouvelles vocations.

    En France, une faculté de médecine sur cinq n’a pas de professeur d’université en pédopsychiatrie. » A Nantes, je suis le seul enseignant universitaire de psychiatrie de l’enfant pour la soixantaine d’internes en psychiatrie. Comment les former convenablement et quelle perspective de carrière académique puis-je proposer aux jeunes qui voudraient travailler avec moi ? « , s’interroge le professeur Olivier Bonnot, chef du service de pédopsychiatrie du CHU. » Le constat est connu, la solution aussi, mais on reste souvent dans l’injonction paradoxale, regrette le pédopsychiatre et chercheur Bruno Falissard. Les politiques demandent de nommer un professeur de pédopsychiatrie dans chaque université, mais celles-ci sont autonomes, ce sont elles qui jugent si le cursus d’un candidat est suffisant. « 
    Sandrine Cabut

    Agnès Buzyn : » Il faut préserver les moyens de la psychiatrie « 

    La ministre de la santé annonce un plan comportant des mesures de formation, de hausses de tarifs et la création d’indicateurs de qualité

    La ministre de la santé Agnès Buzyn présente, vendredi 26 janvier, un plan de douze mesures d’urgence en faveur de la psychiatrie. Dans un entretien au Monde, elle livre son constat sur ce secteur, » paupérisé « et » en souffrance «  : » En psychiatrie, il y a le pire et le meilleur. « 

    Plusieurs grèves ont eu lieu ces derniers mois dans les -hôpitaux psychiatriques pour dénoncer les conditions de -travail et la dégradation de -l’accueil des patients. Y a-t-il une » crise « de la psychiatrie ?

    C’est une discipline qui s’est paupérisée et sur laquelle il n’y a pas eu un vrai investissement depuis des années. Pourtant les besoins sont en constante augmentation, parce que la société est de plus en plus dure, qu’il y a plus d’addictions, moins d’accompagnement des familles… On peut dénoncer des conditions de travail parfois très dures, ainsi que des conditions d’hospitalisation parfois dégradées, mais il faut être attentif à ne pas généraliser les -situations dramatiques que l’on peut observer dans certains endroits. Ce -serait dévaloriser le travail -formidable qui est fait dans beaucoup d’établissements de santé mentale. En psychiatrie, il y a le pire et le meilleur.

    Qu’allez-vous faire face à un tel constat ?

    Ces cinq dernières années, il y a eu six rapports sur la situation de la psychiatrie. Les constats et les recommandations étaient souvent les mêmes. Je me suis dit qu’il n’était donc pas nécessaire d’en commander un nouveau. Les douze mesures d’urgence que je présente aujourd’hui sont issues des propositions formulées en décembre par l’ensemble des représentants de la psychiatrie française. Il me semble important de donner un signal de prise en compte de cette souffrance générale, des professionnels et des malades. Ce faisant, je veux parvenir à déstigmatiser ces derniers, et rendre leur dignité à ceux qui sont pris en charge dans des conditions déplorables. Le regard de la société sur ce secteur doit changer.

    Le manque de moyens financiers mis en avant par les soignants est-il une réalité ?

    Dans beaucoup d’endroits, les psychiatres tirent la sonnette d’alarme sur les moyens parce que leur activité est la variable d’ajustement du budget du reste de l’hôpital. Vu la faiblesse et la souffrance du secteur psychiatrique, je souhaite que les moyens de cette discipline soient préservés. Cela n’a pas de sens - pour un établissement - de compenser une baisse d’activité dans des services de médecine ou de chirurgie par un prélèvement sur la psychiatrie. Par ailleurs, cette discipline doit totalement être intégrée au monde de la santé, avec la même exigence de qualité, de sécurité des pratiques et de pertinence des soins qu’ailleurs. Or aujourd’hui des patients hospitalisés en psychiatrie n’accèdent pas suffisamment à des soins somatiques, ce qui peut être délétère pour leur santé. Leur espérance de vie est plus courte, ce n’est pas tolérable. Il faut que les filières de soins s’organisent et que ces malades puissent bénéficier du même suivi que les autres.

    Vous dites que les budgets hospitaliers seront » préservés « . Donc pas augmentés…

    Annoncer des moyens sup-plémentaires n’est pas toujours -l’alpha et l’omega en matière de bonnes pratiques. C’est même parfois la solution de facilité. Il vaut mieux d’abord faire en sorte que les professionnels s’organisent et se parlent plutôt que de systématiquement rajouter des moyens dans des endroits qui sont mal organisés ou qui ne respectent pas les bonnes pratiques.

    Comment remédier à cette -hétérogénéité des pratiques et de l’offre ?

    L’organisation en secteurs, créée dans les années 1960 pour garantir un accès aux soins sur tout le territoire, doit être maintenue mais améliorée. Il faut que les psychiatres de secteur, les généralistes et les acteurs du médico-social se parlent et mettent en place des filières de prise en charge. Les différentes chapelles de professionnels de santé mentale doivent aussi un peu baisser la garde, car nous avons besoin de tout le monde pour assurer les soins sur le territoire. D’ailleurs j’ai décidé de créer et de présider un comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, qui va remplacer l’actuel conseil national de santé mentale.

    Jusqu’ici la psychiatrie a » échappé « à tout système d’évaluation…

    Il y a trop peu d’indicateurs de qualité en psychiatrie. Il faut pouvoir mesurer l’usage de médicaments, la précocité des diagnostics ou la rapidité d’une prise en charge. On ne peut pas restructurer une discipline sans avoir une vision claire de l’état des pratiques. Quand j’étais présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), j’ai lancé cette démarche sur les recours à l’isolement ou à la contention, dont le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait dénoncé la banalisation. Aujourd’hui ministre, j’ai demandé à la HAS de travailler sur des nouveaux indicateurs pertinents. Mon objectif est que partout en France, on ait les mêmes chances d’accéder à une filière de qualité.

    Qu’en est-il de la pédopsychiatrie, où jusqu’à un an d’attente est parfois nécessaire pour un premier rendez-vous ?

    La démographie est en chute libre dans cette spécialité. Les professionnels sont débordés, et les universitaires ne peuvent plus faire d’enseignement et de recherche tellement il y a de patients à prendre en charge. C’est un cercle vicieux, plus personne ne veut s’investir. Il y a des régions entières où il n’y a pas de formation. Je souhaite donc qu’il y ait au moins un poste de professeur de pédopsychiatrie par faculté de médecine. C’est un premier pas indispensable pour retrouver l’attractivité.

    Cela suffira-t-il à résoudre une situation aussi critique ?

    Nous allons, avec l’Assurance-maladie, réévaluer les tarifs d’un certain nombre de consultations qui ne sont pas assurées en libéral aujourd’hui parce que trop longues par rapport au tarif de la Sécurité sociale. Recevoir un enfant, cela prend du temps. Résultat : on ne trouve pratiquement pas de pédopsychiatres en ville. Ce sera également le cas pour les consultations complexes de psychiatrie en médecine générale. Le suivi ambulatoire est souvent perçu comme moins stigmatisant que le suivi hospitalier, il va permettre de réduire les ruptures de soins

    Quel doit être le rôle des médecins généralistes ?

    Ils sont plus ou moins bien armés vis-à-vis des problèmes de santé mentale, notamment des enfants. Il faut qu’ils soient formés de manière à les repérer, puis qu’ils sachent à qui adresser les malades. Beaucoup de situations pourraient être prises en charge en médecine générale. C’est pourquoi tous ces futurs praticiens effectueront un stage obligatoire en psychiatrie au cours de leurs études. Trois ou six mois, les modalités restent à discuter.

    La suppression il y a vingt-cinq ans de la spécialisation des infirmiers en psychiatrie est pointée comme un problème. Faut-il revoir leur formation ?

    Je souhaite que les infirmiers qui exercent dans ces services acquièrent une » sur-spécialité « dans ce domaine, par le biais des pratiques avancées. Sans pour autant recréer un corps spécifique, cela permettra de répandre la bonne pratique dans les établissements, et d’assurer certaines tâches aujourd’hui dévolues aux psychiatres.

    Les prisons traversent une grave crise. Or autour d’un quart des détenus souffre de troubles psychiatriques. Que doit-on faire avec eux ?

    Il existe des unités hospitalières spécialement aménagées pour recevoir des détenus présentant un trouble de santé mentale. La première unité s’est ouverte à Marseille en septembre 2017 avec 440 places. La stratégie nationale de santé prévoit de poursuivre la création de ces unités.

    Propos recueillis par François Béguin, Sandrine Cabut, et Laetitia Clavreul

    LES MESURES
    Agnès Buzyn, la ministre de la santé, présentait vendredi 26 janvier son plan d’action

    Stage obligatoire
    Un stage sera obligatoire en -psychiatrie ou en santé mentale pour tous les futurs médecins généralistes lors de leur -internat

    Formation continue » Sur-spécialisation " des infirmiers travaillant en psychiatrie, via la formation continue [la suppression du diplôme d’infirmier psychiatrique date de 1994 nec
    http://psychiatriinfirmiere.free.fr/formation/infirmier/psychiatrie/infirmier-secteur-psychiatrique.htm

    Bonnes pratiques
    Mise en place d’indicateurs de la qualité des soins et de recommandations de bonnes pratiques en psychiatrie

    Révision des tarifs
    Revalorisation du montant des consultations de pédopsychiatrie et des consultations complexes de psychiatrie en médecine générale lors d’une prochaine révision de la convention médicale

    Budget des hôpitaux
    Préservation des budgets consacrés à la psychiatrie au sein des -groupements hospitaliers de -territoires et dans les hôpitaux généraux d’ici la fin d’année

    De la psychiatrie vers la santé mentale, Rapport de mission , Dr Eric Piel, Dr Jean-Luc Roelandt, juillet 2001
    https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2001-4-page-9.htm

    Entre 1990 et 1997, dans le secteur public, l’évolution des pratiques de prise en charge s’est traduite à la fois par une augmentation du nombre de places d’hospitalisation partielle (+25 %) et par une forte baisse du nombre de lits d’hospitalisation complète (-32 %). La hausse des capacités d’hospitalisation partielle (+4 861) n’a toutefois pas compensé la diminution des lits d’hospitalisation complète (-26 711), d’où un recul de la capacité totale en lits et places de 21 % sur sept ans.

    #psychiatrie #soin #management

    • Christophe Dejours, psychiatre : « Les soignants sont contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent », Propos recueillis par Catherine Vincent, LE MONDE IDEES | 15.02.2018

      Depuis quatre ans, ce psychiatre reçoit en consultation des « grappes » de médecins, souvent chefs de service, dans des états psychiques préoccupants.

      Psychiatre, psychanalyste, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Christophe Dejours est spécialiste en psychodynamique du travail. Il a récemment publié Le Choix. Souffrir au travail n’est pas une fatalité (Bayard, 2015) et Situations du travail (PUF, 2016).

      Depuis quelques années, vous recevez dans votre cabinet des psychiatres des hôpitaux en grande souffrance. Que se passe-t-il ?

      Il s’agit souvent de chefs de service, qui sont dans des états psychiques préoccupants – états de confusion mentale, problèmes somatiques gravissimes. J’ai commencé à les voir arriver par grappes il y a environ quatre ans. Or, si de nouvelles formes de pathologie liées au travail apparaissent, c’est que quelque chose a changé dans son organisation. En l’occurrence, la généralisation des méthodes du New Public Management [« nouvelle gestion publique », NPM] aux services de soins.

      En quoi ces techniques de gestion rendent-elles malades les psychiatres hospitaliers ?

      Tous me font une description similaire de leur situation. Ce sont toujours des cliniciens fortement engagés, depuis de longues années, dans la pratique en institution. La décompensation psychopathologique survient quelques mois ou quelques années après l’arrivée d’un nouveau directeur, le plus souvent un jeune gestionnaire. Après un audit, celui-ci met en place des outils d’évaluation et des protocoles de soins. Avec deux priorités : des objectifs quantitatifs et des performances mesurables. Entre les deux, le gestionnaire ne veut rien savoir. Résultat : des conditions de travail ingérables pour les chefs de service. Ils doivent d’un côté diriger des équipes qui n’arrivent plus à fonctionner, de l’autre affronter une administration qui ne cesse de les harceler avec une série d’exigences n’ayant rien à voir avec leur métier. Cela provoque chez nombre d’entre eux des décompensations brutales qu’on ne voyait pas auparavant.

      Recevez-vous également des médecins hospitaliers non psychiatres ?

      Moins. D’une part parce que les psychiatres sont plus habitués que d’autres, quand ils vont mal, à aller voir un psychanalyste, d’autre part parce qu’ils connaissent mieux la psychodynamique du travail. Mais la souffrance est la même pour le cardiologue, le radiologue, l’anesthésiste ou le diabétologue.

      Pourquoi les méthodes du NPM sont-elles néfastes au travail des praticiens ?

      Autrefois, les hôpitaux étaient systématiquement dirigés par un médecin formé en administration-gestion. Depuis le tournant gestionnaire des années 2000, ils sont dirigés par un gestionnaire. La gouvernance par les nombres a ainsi remplacé un gouvernement qui faisait référence à des règles. Des règles de droit (du travail, de la protection des salariés), mais aussi des règles de métier, des manières de travailler qui exigent le respect de certains principes. L’administrateur d’un service hospitalier dirigeait sur la base de ces règles de métier, dont il connaissait le langage et les valeurs. Cela produisait ce qu’on appelle l’ethos professionnel : une éthique fondée sur la connaissance du métier, qui organise le savoir-vivre, la convivialité et le respect de l’autre sur le lieu du travail.
      Comment cet ethos est-il affecté par la gouvernance du nombre ?

      Les gestionnaires ne connaissent pas le travail et ne veulent pas le connaître. Cela fait partie des principes des sciences de la gestion : ne rien savoir des règles de métier, pour asseoir sa domination et ne pas avoir à faire de compromis. Tout ce qui importe, c’est de mesurer les performances. Or les performances en question ne mesurent pas le travail du soin, et ne le mesureront jamais. On peut mesurer la qualité d’un traitement – et encore. Mais la relation avec le patient est du domaine de la subjectivité, sa qualité ne dépend pas que du soignant. Elle dépend aussi du patient, de la coopération qui se constitue entre le prestataire et le destinataire du service du soin. Que vous soyez cardiologue, gastro-entérologue ou cancérologue, il faut que le patient travaille avec vous à son traitement. Et ça, ce n’est pas mesurable.

      Les médecins en souffrance que vous recevez évoquent toujours un contexte marqué par la solitude. Que devient, dans ce système managérial, la solidarité professionnelle ?

      Elle est réduite à néant, à l’aide d’un outil très simple : l’évaluation individualisée des performances. Cette dernière, qui est aussi une menace de sanction ou de licenciement, a des effets extrêmement puissants sur les relations entre les gens. Elle ouvre la voie à la concurrence déloyale, elle altère le savoir-vivre, le respect de l’autre, la solidarité, elle casse le collectif et introduit la peur dans le monde du travail. Il en résulte un affaiblissement de chacun et un accroissement de la solitude.
      Cette gestion entraîne donc la détérioration de notre travail, qui fait elle-même le lit de la maltraitance. Les soignants sont ainsi contraints d’apporter leur concours à des actes qu’ils réprouvent moralement : c’est ce que l’on appelle la souffrance éthique. Or cette souffrance est extrêmement grave : à force de trahir les règles du métier, à force de trahir les collègues qu’on ne défend pas, on finit par se trahir soi-même, ce qui ruine les bases éthiques de l’identité.

      Avec quelles conséquences ?

      Face à cette souffrance éthique, il y a deux réactions possibles. Soit on parvient à développer une stratégie de défense, ce qui produit une insensibilisation du soignant à la souffrance de l’autre. C’est la porte ouverte à la maltraitance chronique, et cela explique également les mauvais traitements que subissent, sur leurs lieux de stage, les étudiants – dont la bonne volonté et la sensibilité à la souffrance des malades réveillent la mauvaise conscience des soignants, heurtant de plein fouet leurs stratégies de défense. L’autre réaction, c’est la décompensation brutale, avec le risque de passage à l’acte. Cette souffrance éthique est l’élément déterminant de l’apparition des suicides sur les lieux de travail, chez les médecins et soignants hospitaliers comme partout ailleurs.

  • La grande misère des hôpitaux psychiatriques - Le Point
    http://www.lepoint.fr/sante/la-grande-misere-des-hopitaux-psychiatriques-05-01-2018-2184213_40.php

    10 à 20 % des Français sont concernés, mais la psychiatrie publique est le parent pauvre de la médecine. À Rennes, les soignants sont en grève.

    « Le patient est devenu un objet. Je dis aux jeunes de fuir », se désole Michel Roy, infirmier à l’hôpital psychiatrique de Rennes, en grève depuis deux mois. La psychiatrie publique, parent pauvre de la médecine, traverse un malaise profond : soignants, patients et familles réclament un plan ambitieux. À l’entrée principale de l’établissement Guillaume-Régnier, dans la capitale bretonne, le ton est donné : « hôpital sans lits », « redonnons du sens à notre travail », « souffrance au travail » figurent parmi les nombreuses banderoles accrochées aux grilles.

    Les pathologies relevant de la psychiatrie sont en France au troisième rang des maladies les plus fréquentes, après le cancer et les maladies cardiovasculaires. Entre un dixième et un cinquième de la population risque d’être atteint par un trouble mental à un moment quelconque de la vie, selon le rapport de la Cour des comptes de 2011. Pour la ministre de Santé Agnès Buzyn, « la santé mentale est un enjeu important des besoins de santé des Français ». « Cette discipline a été un peu trop délaissée ou mise à l’écart ces dernières années », a-t-elle affirmé jeudi à l’AFP. Malgré un constat unanime, les acteurs du secteur se sentent abandonnés par l’État.

    « On n’en peut plus », déplore Jean-Pierre Salvarelli, membre du bureau national du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et chef de pôle au CH du Vinatier, près de Lyon. Il est l’un des signataires de l’appel des psychiatres et médecins pour dénoncer une dégradation de la prise en charge des patients et la « tyrannie des économies comptables », en février 2017.

    Soit on supprime des postes, soit on supprime des lits.
    Des praticiens du CH de Montfavet, près d’Avignon, se sont associés en avril à leurs collègues lyonnais et plusieurs mouvements de grève ont émergé ces derniers mois, notamment à Rennes, Allonnes (Sarthe), Amiens (Somme), Bourges (Cher) et Cadillac (Gironde). « On est sans cesse en train de se restructurer. Aujourd’hui, notre idée est d’entrer en résistance et d’interpeller les pouvoirs publics. Les impacts budgétaires, c’est soit on supprime des postes, soit on supprime des lits », expose le Dr Salvarelli, psychiatre depuis vingt-cinq ans au Vinatier, structure de 750 lits, 2 500 membres du personnel hospitalier et 22 500 patients suivis chaque année.

    C’est l’un des trois plus gros hôpitaux de France en psychiatrie avec Sainte-Anne à Paris et Guillaume-Régnier à Rennes. Dans cet établissement breton, « le ras-le-bol et la tentative de suicide d’une collègue » ont décidé les syndicats à lancer un mouvement de grève, explique Goulven Boulliou, de Sud Santé Sociaux.

    Il n’est pas rare de retrouver un collègue seul à 23 heures pour gérer 15 personnes. (...)

    Pour mémoire, c’est la gauche gouvernante des années 80 qui a commencé à supprimer des milliers de lits en psychiatrie. C’est aussi la « gauche plurielle » qui a supprimé la formation d’infirmier psy. La politique sécuritaire est venue s’ajouter au manque de moyens, avec le retour de la #contention.

    #folie (pas de droit à la) #psychiatrie #logique_comptable #sous_effectifs #maltraitance #grève

    • La psychiatrie publique : Guillaume Régnier à Rennes symbole d’un malaise profond
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/rennes/psychiatrie-publique-guillaume-regnier-rennes-symbole-m

      Depuis le 7 novembre, les soignants se relaient 24h sur 24 pour assurer le piquet de grève. « On pose des heures, des jours », détaille l’infirmier.
      Devant le bâtiment rennais datant du XVIIe siècle, grévistes, patients et familles se retrouvent sous un barnum autour d’un brasero et d’un thermos de café.

      « Avec cette tente, on a recréé un lien social. C’est un espace de parole qui dans les murs de l’hôpital n’existe pas », explique Myriam, aide-soignante. « Le mardi on propose galette-saucisse », sourit cette mère de trois enfants. Cette journée est surtout celle de l’Assemblée générale où est décidée la poursuite du mouvement, reconduit sans discontinuer à l’exception de la trêve de Noël.

      Au fil des années, un mal-être s’est installé à Guillaume-Régnier. En 2016, l’absentéisme était de 8,5%, une progression de 1,5 points en deux ans, selon Sud Santé et la CGT. Près de 1.400 signalements liés à des dysfonctionnements (violence, manque de lits, sous-effectifs) ont été adressés à la direction, à l’inspection du travail et au préfet. « Il n’est pas rare de retrouver un collègue seul à 23 heures pour gérer 15 personnes », dénonce Goulven Boulliou de Sud Santé.

      « Les collègues ont des idées noires. On a peur que cela se termine en suicide », craint Martine, 58 ans, qui s’occupe des soins paramédicaux. Pour Sud Santé, la dégradation des conditions d’accueil comme « l’admission sur des fauteuils dans l’attente de la libération d’un lit » ou « des chambres dont la température est tellement froide que même quatre couvertures ne suffisent pas à se réchauffer » génère des comportements violents chez certains patients et par effet domino conduit à des comportements maltraitants.

      « Prioriser la psychiatrie »

      Sous couvert d’anonymat, plusieurs soignants à Rennes ont confié avoir recours « à des camisoles chimiques », pas forcément nécessaire pour
      certaines pathologies. « Il y a des années que je n’ai pas pris le temps d’aller au café d’en face avec un patient et discuter », regrette Michel Roy, infirmier à deux ans de la retraite.

      « On est devenu des gestionnaires de lits, le soin a perdu son sens. La première chose que l’on demande lorsqu’on prend le service, c’est si on est en nombre suffisant de personnel et de lits », renchérit son collègue Antoine. Alors que la demande psychiatrique est exponentielle, le secteur se retrouve « en tension », analyse Dr. Salvarelli. « Le soin psychique demande temps, répétition, accompagnement ». « On est plus aujourd’hui dans la prescription, dans l’automatisation, dans la protocolisation », déplore-t-il.

      À Guillaume-Régnier, le directeur, Bernard Garin, doit composer avec un « contexte budgétaire extrêmement serré ». « Notre dotation annuelle de fonctionnement est stable depuis trois-quatre ans alors que les charges de personnel augmentent », indique-t-il.

      #parole

  • ★ Dépression & Oppression - ★ Zinzin Zine
    http://www.zinzinzine.net/depression-et-oppression.html

    Alisha Ali interviewée par Will Hall (2016)

    La recherche est principalement axée sur les médicaments, le cerveau et la pathologie individuelle. Les contextes sociaux et économiques sont ignorés. Notre étude va à l’encontre de cela et suggère que la dépression implique la société dans son ensemble.
    #dépression #oppression #psychiatrie #système_carcéral

  • Gynécologie, pédiatrie, psychiatrie... l’inquiétante fracture sanitaire
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/12/27/l-inquietante-fracture-sanitaire_5234862_3232.html

    Editorial du « Monde ». C’est devenu l’un des thèmes imposés des campagnes présidentielles. Au printemps, à nouveau, tous les candidats ont promis de s’attaquer au problème des « déserts médicaux ». Et pour cause : la pénurie de médecins généralistes ou de spécialistes libéraux ne cesse de s’étendre à de nouveaux pans du territoire. Si le nombre de généralistes diminue fortement, on n’a jamais compté autant de spécialistes en France. Mais tous ces praticiens sont de plus en plus concentrés dans les grandes villes et absents des zones périphériques.

    Bon, en gros les toubibs vont vers les spécialités et les localisations les plus rémunératrices qui sont aussi les plus « nobles ». Roturiers et roturières passez votre chemin.

    Dans cette édition, un focus sur la gynécologie
    https://seenthis.net/messages/655870

    #santé #médecine #psychiatrie #pédiatrie #profession_libérale

  • A l’hôpital psychiatrique de Rennes, les patients « ne se plaignent pas, alors on s’en fout qu’ils souffrent »
    http://www.lemonde.fr/sante/article/2017/12/12/a-l-hopital-psychiatrique-de-rennes-les-patients-ne-se-plaignent-pas-alors-o

    Dans cet établissement employant plus de 2 000 personnes, « impossible de savoir le nombre de soignants en détresse », estime Jacques Meny, secrétaire de SUD-Santé pour l’hôpital. Un jour d’octobre comme un autre, alors qu’un énième soignant est venu faire part de ses idées noires, l’organisation syndicale a décidé d’« agir avant un drame, plutôt qu’après ». Le 6 novembre, plus d’une centaine de membres du personnel ont débuté une grève, qui a été reconduite mardi 12 décembre, marquant la sixième semaine d’un mouvement renouvelé quasiment chaque année.
    Ces « blocs de mal-être » accueillent 30 000 patients par an

    Demandez au personnel soignant ce qu’il pense des conditions de soins du CHGR, il résume ainsi la situation : aucun ne souhaiterait que lui ou ses « proches soit accueilli dans l’établissement ». Tous savent trop bien ce qu’il se passe derrière ces « blocs de mal-être » qui accueillent 30 000 patients chaque année. D’une même voix, les membres de l’hôpital dénoncent la « dégradation » de leurs conditions de travail, avec des conséquences sur « la prise en charge des patients ». Selon le personnel, la liste illustrant ce « délitement » est longue, et dramatiquement ordinaire...

    #paywall #psychiatrie #santé #surnuméraire #validisme

  • Durant 50 ans, 84 % des lobotomies furent réalisées sur des femmes, en France, Belgique et Suisse | Lynda Zerouk
    http://information.tv5monde.com/terriennes/durant-50-ans-84-des-lobotomies-furent-realisees-sur-des-femme

    Une étude, menée par trois neurochirurgiens français, révèle que sur 1129 patients lobotomisés entre 1935 et 1985 en Belgique, en France et en Suisse, 84% des sujets étaient des femmes. Un chiffre qui montre combien les discriminations et les préjugés liés au genre influencent les pratiques médicales et comment la psychiatrie s’insère dans les rapports de domination. Source : Terriennes

    • #sexisme #femmes #psychiatrie #lobotomie #medecine #violences_medicales #violences_masculines

      La première à passer sur la table d’opération sera une femme. Egas Moniz pratique, le 12 novembre 1935, sa première lobotomie sur une ancienne prostituée de 63 ans, souffrant de mélancolie et d’idées paranoïaques. Son histoire ou plutôt son triste sort, Carlos Parada le raconte en détail dans Toucher le cerveau, changer l’esprit (Editions PUF) et le neurochirurgien Marc Lévêque dans son ouvrage, La chirurgie de l’âme (JC Lattès), co-écrit avec Sandrine Cabut. On y apprend que la patiente avait été transférée la veille, « de l’asile de Bombarda vers le service de Moniz », qui avait programmé cette intervention dans le plus grand secret. Deux mois après l’opération, le médecin conclut « au succès ». La femme étant devenue plus « docile », « le bilan n’est pas si négatif ».

      L’absence de consentement d’une femme ou d’une jeune fille était moins grave que pour un homme.
      David Niget, historien
      Qui viendra la plaindre ? « C’est l’une des clés de la lobotomie explique David Niget, maître de conférence en Histoire à l’université d’Angers et chercheur au Laboratoire CERHIO. Cette pratique était controversée, mais l’absence de consentement d’une femme ou d’une jeune fille était moins grave que pour un homme, qui par ailleurs pouvait demander plus facilement une intervention chirurgicale sur son épouse que l’inverse. Et socialement, le corps des femmes est davantage considéré comme disponible à l’expérimentation. »
      Un traitement différencié dès l’adolescence
      Loin d’être l’unique facteur, cet universitaire, co-auteur avec Véronique Blanchard de l’ouvrage Mauvaises filles (Editions Textuel), rappelle que le tout début du 20 ème siècle est marqué par « une progressive médicalisation de la déviance juvénile féminine ». La science va se conjuguer avec la morale pour renforcer le contrôle de leurs comportements.

      « A travers les statistiques des institutions dites d’observation de l’époque et qui appartiennent au champ de la justice des mineurs, on va s’apercevoir qu’il existe des prises en charge psychiatriques beaucoup plus fréquentes pour les filles que pour les garçons, souligne David Niget. En effet, quand le comportement des garçons est un peu irrégulier, erratique, ou violent, on considère que le problème est social. Qu’il peut se régler avec de l’encadrement, la réinsertion par le travail et puis une bonne hygiène de vie. » Les garçons pouvaient même être facilement « héroïsés ». Comme on peut le voir aujourd’hui autour de la figure du « bad boy » censé représenter la virilité.

      « Pour les filles, de manière très différenciée, on demeure dans le registre de la moralité, du danger social, d’un problème mental psychiatrique qu’il faut prendre en charge, poursuit-il. Avec l’idée générale que l’objet à traiter c’est le corps. Un corps problématique, dangereux, malsain dévié d’une certaine manière de sa finalité qui est de donner la vie, de procréer. »

      Lire aussi :
      > Qui sont "ces mauvaises filles " ? Des rebelles subversives
      En outre, les filles séjournent bien plus longtemps dans ces institutions et développent par conséquent des comportements anti-institutionnels. « Dans cette logique, poursuit le chercheur, elles vont être étiquetées comme « des incorrigibles » ou encore comme des hystériques - terminologie qui signifiait par étymologie une excitation anormale de l’utérus qui produit des comportements désordonnés - ou bien comme des déprimées et des suicidaires qu’il faut protéger d’elles-mêmes, ce qui va, là encore, justifier et même imposer un mode de traitement lourd. »
      La lobotomie hors contexte psychiatrique
      Aussi n’est-il pas étonnant de voir certains patients subir une lobotomie sans qu’aucune maladie psychiatrique ne soit diagnostiquée. Comme le rapporte Louis-Marie Terrier, « des personnes ont également été lobotomisées pour des problèmes de douleurs secondaires découlant de cancers et qui résistaient aux traitements médicaux ».

      Un cas est d’ailleurs resté célèbre, celui d’Eva Peron, la femme du dirigeant populiste argentin
      Eva Peron, épouse du dictateur argentin, Juan Peron lobotomisée pour soulager des douleurs provoquées par un cancer de l'utérus. (c) DR
      Eva Peron, épouse du dictateur argentin, Juan Peron lobotomisée pour soulager des douleurs provoquées par un cancer de l’utérus. (c) DR

    • « A ce moment-là, la lobotomie perd de son effet de mode et de sa pertinence, parce que la chimie va permettre d’intervenir sur le cerveau des malades, explique l’historien David Niget. « Ce qui est clair, c’est qu’on va beaucoup plus utiliser les neuroleptiques à l’égard des filles qu’à l’égard des garçons et ce, dès la fin des années 1950 et de manière assez massive. »

  • Colloque Fondamental : « Prévention en psychiatrie : les clés de l’efficacité » -
    https://www.youtube.com/watch?time_continue=22&v=u72tB5IK3j8

    Les maladies psychiatriques constituent un enjeu majeur de santé publique méconnu et sous-estimé en France. Une personne sur cinq souffre d’un ou plusieurs troubles psychiatriques, de façon passagère ou chronique, au cours de sa vie. Tabous, peurs et idées reçues prédominent encore, reléguant les personnes qui en sont atteintes à l’abandon et la stigmatisation. Pourtant, les récentes avancées de la recherche plaident en faveur d’une lecture nouvelle des maladies mentales et démontrent notamment que leur pronostic s’améliore dès lors que le diagnostic est posé précocement et que la prise en charge est adaptée. À l’heure où la prévention constitue un enjeu majeur des réflexions sur la rénovation des politiques de santé, il y a urgence à réinscrire la psychiatrie dans une politique de prévention globale et à en repenser les modèles à la lueur des progrès accomplis et des expérimentations comme des pratiques les plus porteuses d’espoir. Ce premier colloque s’intéressera aux avancées à l’œuvre dans les soins et la recherche. À travers l’espoir suscité par ces expériences prometteuses, vers quel modèle de prévention la psychiatrie peut-elle évoluer ? Que peut-on en attendre face aux pathologies les plus sévères, dont le fardeau est le plus lourd en termes de souffrances humaines et de poids économique ? Après un rappel des enjeux de la prise en charge des maladies psychiatriques et une relecture du concept de prévention, ce colloque s’intéressera à un modèle de prévention autour de trois exemples de prise en charge sur les troubles bipolaires, le suicide et la schizophrénie.

    Ca dure 6h ! - pas encore écouté
    #conférence #psychiatrie

  • Internements psychiatriques : « J’étais rentré libre, j’aurais dû en sortir libre » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2017/11/28/internements-psychiatriques-j-etais-rentre-libre-j-aurais-du-en-sortir-li

    Des histoires parmi tant d’autres, recueillies ces dernières semaines. Avec en toile de fond, un chiffre qui peut faire frémir : l’an dernier en France, ce sont près de 100 000 patients qui ont été hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement. 92 000 personnes enfermées contre leur gré, parfois pour quelques jours, d’autres fois pendant plusieurs semaines. Soit 12 000 de plus qu’en 2012. Cette hausse sensible fait suite à une augmentation encore plus forte entre 2006 et 2011, atteignant presque les 50 %. Au total, depuis dix ans, on peut parler d’un doublement de ces hospitalisations sans consentement. Et parallèlement, durant cette même période, on a constaté une multiplication des pratiques d’isolement et de contention.

    #psychiatrie #sécuritaire #isolement #contention

  • Pour une approche #politique de la #santé mentale – CONTRETEMPS
    http://www.contretemps.eu/approche-politique-sante-mentale

    Quand le stress et l’anxiété liés à des conditions de vie mouvantes, des emplois mal payés et souvent précaires, un régime d’assurance sociale brutal et les effets plus généraux de l’#austérité font que de plus en plus de personnes font face à des pensées suicidaires, à la #dépression, à des troubles de la personnalité et d’autres problèmes mentaux. Dans le même temps, les services qui prennent en charge les personnes atteintes de troubles mentaux ont été étranglés financièrement et se sont souvent avérés incapables de fournir le soutien dont les personnes ont besoin. On estime que trois quarts des personnes atteintes par un trouble mental durable, par exemple, ne reçoivent aucun soutien ni aucune aide psychiatrique, et un quart de celles pour qui un trouble mental sérieux a été diagnostiqué sont dites à risque important en raison d’une prise en charge inadéquate et d’un soutien indisponible. Dans cet article, je cherche à développer quelques idées au sujet de la #psychiatrie et de la santé mentale aujourd’hui, en me penchant sur l’évolution de la compréhension, des diagnostics et du traitement de la santé mentale.

    #suicide

  • Hausse du nombre d’hospitalisations psychiatriques forcées en Suisse RTS - Isabelle Gonet/kg 19 Novembre 2017 _

    La modification du code civil a redéfini les conditions des placements forcés dans les établissements psychiatriques. Leur nombre a augmenté de près de 30% entre 2014 et 2015, selon l’Observatoire suisse de la santé.

    « Je me suis réveillée dans une chambre fermée à double tour où il faisait nuit avec un matelas en mousse. Donc pas de WC non plus. Ils appellent ça la chambre de soins. Ils m’ont contrainte à prendre des médicaments, à faire des injections et à cette condition là seulement je pouvais sortir. »

    Le témoignage de cette jeune femme n’est pas un cas isolé. En 2014, 11’000 placements forcés dans des hôpitaux psychiatriques ont été ordonnés en Suisse. Une année plus tard, leur nombre a grimpé à 14’000, soit une hausse de près de 30%. Cette tendance devrait se poursuivre en 2016, selon les premières estimations de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan).

    Médecins non-spécialistes
    Comment expliquer une telle augmentation ? La modification du code civil, en 2013, a largement redéfini les conditions de ces hospitalisations qui concernent des personnes atteintes d’une maladie psychique, d’une déficience mentale ou d’une dépression grave.

    Depuis lors, tout médecin reconnu par les autorités peut ordonner une hospitalisation non-volontaire. Parallèlement, l’entourage, même éloigné, est de plus en plus pris en considération. Il peut demander de l’aide au médecin afin qu’il prononce un placement.

    « Le problème, c’est que ce ne sont pas forcément des spécialistes (...) et ils ont tendance à plus facilement placer pour protéger l’entourage ou tout simplement parce qu’ils ont peur eux-mêmes », relève Shirin Hatam, juriste auprès de l’association Pro Mente Sana, à Genève. Et de préciser : « En comparaison internationale, lorsque ce sont des spécialistes qui prononcent des placements, il y en a deux fois moins ».
    . . . . . .
    La suite : http://www.rts.ch/info/suisse/9071819-hausse-du-nombre-d-hospitalisations-psychiatriques-forcees-en-suisse.htm

    #Suisse #internement #médecin #santé #psychiatrie

  • Un travail sans qualité - Mon blog sur l’écologie politique
    http://blog.ecologie-politique.eu/post/Un-travail-sans-qualite

    Pour tenir ensemble, apprenais-je à mes dépens, il faut un sort commun, une nécessité partagée. Il peut s’agir d’un squat ou d’un boulot mais rarement d’une activité où l’on s’investit trois heures par semaine et dont la disparition ne modifierait pas fondamentalement son existence. Ainsi l’animatrice de groupe décroissance, l’organisatrice communautaire que j’étais découvrait que ses efforts ne contribuaient pas à une communauté humaine bâtie sur des obligations réciproques mais à une convergence de désirs instables. Finalement, cette liberté essentielle à nos activités collectives et celle dont je jouissais à titre personnel ont été très ambivalentes. L’absence de nécessité ou de contrainte font un monde social insécurisant, dans lequel j’ai appris à me soumettre au désir des autres par crainte de leur défection et où j’ai découvert ce dont en tant que femme je n’aurais jamais dû me croire à l’abri : le fait d’être un paillasson. Alors que des collègues de travail sont tenu·es de se supporter et que cette contrainte (pénible) permet d’inclure chacun·e avec plus ou moins de succès, les groupes de bénévoles se reconfigurent constamment au gré des désirs individuels et le moindre conflit peut donner lieu à des ruptures définitives. Ce qui en fait, malgré les belles intentions, un monde au moins aussi violent que l’autre.

    #travail #bénévolat #association #lien_social #revenu_garanti

  • Psychiatrie : le nombre d’internements sans consentement en augmentation
    http://sante.lefigaro.fr/article/psychiatrie-le-nombre-d-internements-sans-consentement-en-augmentatio

    Selon une étude publiée en février 2017 dans la revue Questions d’économie de la Santé , plus de 92.000 personnes ont été hospitalisées au moins une fois sans leur accord en psychiatrie en 2015 en France. Soit environ 5% des 1,7 million de personnes suivies en psychiatrie la même année. Une tendance à la hausse, puisque le nombre de personnes soignées contre leur gré a augmenté de 15% entre 2012 et 2015. Ces personnes étaient en majorité des hommes (60%), avec une moyenne d’âge de 43 ans. Près de la moitié souffrait de troubles schizophréniques ou psychotiques. « Ce sont donc les personnes souffrant des troubles psychiatriques les plus sévères qui nécessitent plus fréquemment que les autres, à un moment de leur parcours de soins, une prise en charge non consentie », analysent les auteurs de l’étude.
    (...)
    Plus récemment, une loi de juillet 2011 a introduit un nouveau mode de placement appelé « admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent », supposé favoriser l’accès aux soins des personnes isolées ou désocialisées. Le recours à cette mesure ne peut avoir lieu qu’en cas d’absence d’un proche et il doit être motivé par un certificat médical établi par un médecin extérieur à la structure d’accueil.
    « Dans quelle mesure les soins pour péril imminent facilitent-ils l’accès aux soins (...) ou portent-ils atteinte à la liberté des personnes par la simplification des procédures d’admission ? »
    Selon les auteurs de l’étude, cette nouvelle mesure explique en partie l’augmentation importante du nombre d’internements forcés. Depuis sa mise en place en 2011, ce nombre a plus que doublé (8.500 personnes en 2012 contre 19.500 en 2015). Des chiffres qui témoignent d’une banalisation de cette procédure, même si sa fréquence varie grandement d’un hôpital à l’autre. « Dans quelle mesure les soins pour péril imminent facilitent-ils l’accès aux soins dans des situations complexes et des contextes d’urgence ou portent-ils atteinte à la liberté des personnes par la simplification des procédures d’admission ? », s’interrogent les auteurs de l’étude.
    Le nombre d’internements réalisés à la demande d’un représentant de l’État a également augmenté, mais dans une moindre mesure (8% de plus entre 2012 et 2015). Quant au placement à la demande d’un tiers, il est resté constant sur cette période (près de 60.000 personnes concernées).
    Plus d’une décision sur 10 annulée par le juge des libertés en 2016

    La loi de juillet 2011 prévoit un contrôle obligatoire du juge des libertés et de la détention dans les 12 jours suivants l’hospitalisation complète. Selon le ministère de la Justice, 2.300 demandes d’annulation d’une mesure d’hospitalisation complète ou partielle ont été faites par le patient ou par ses proches au juge des libertés et de la détention en 2016. Pour 305 d’entre elles, la médicalisation contrainte a été annulée, ce qui représente 13% de ces demandes.

    demandes de mainlevée auprès du #JLD
    http://www.lefigaro.fr/assets/infographie/print/highcharts/graphiques/web_201741_3123_Demandes_et_obtentions_de_mainlevee_d_unehospitalisation_complete_ou_partielle_sans_consentement/web_201741_3123_Demandes_et_obtentions_de_mainlevee_d_unehospitalisation_co

    #psychiatrie #psychiatrisés #internements_d'office

  • 1967. Frederick Wiseman tourne Titicut Follies, son premier #film, dans une prison d’État psychiatrique et atteste de la façon dont les détenus sont traités par les gardiens, les assistants sociaux et les médecins à l’époque. Ce qu’il révèle a valu au film d’être interdit de projections publiques aux États-Unis pendant plus de 20 ans. Témoin discret et vigilant des institutions, #Frederick_Wiseman pose, avec Titicut Follies, les bases de ce qui fait son #cinéma depuis 50 ans.

    #psychiatrie #prison #anti_psychiatrie #censure
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Frederick_Wiseman
    https://zeitgeistarts.com/event/titicut-follies-part-of-art-house-theater-day

    Frederick Wiseman dans le moteur de recherche de nova-cinema @cinema
    http://www.nova-cinema.org/prog/2008/104/school-s-out/article/high-school-1-6036#article-6036

    et aussi le doc de Nicolas Droc : https://seenthis.net/messages/630119
    plusieurs fois signalé sur @seenthis images d’archives, Drolc a retrouvé certains protagonistes de cette émeute historique. Palpitant de bout en bout.

  • Pratiquée jusque dans les années 80, la lobotomie visait surtout les femmes
    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/09/12/les-femmes-premieres-victimes-des-lobotomies_5184188_1650684.html

    Sur les 1 340 opérations menées en France, Belgique et Suisse entre 1935 et 1985, 84 % des patients étaient des patientes. Retour sur une des pages les plus noires de l’histoire de la psychiatrie.

    #sexisme #psychiatrie #medecine #violence_masculine #femmes #paywall

  • The Psyche of Fascists

    The experience of the Second World War prompted the in-depth reform of psychiatry, as social factors were included in the explanation of psychic illnesses. It also served as a justification for the psychiatric and political re-education of political opponents—as Ana Antic shows, based on patient files from a Yugoslav institute.


    http://www.booksandideas.net/The-Psyche-of-Fascists.html
    #psychologie #fascisme #livre #histoire #histoire_de_la_psychologie #psychiatrie #Yougoslavie #santé_mentale #rééducation #nazisme #nazis #nazification

  • Encore un tué par la police.

    Une video tournée cet après-midi à #Montargis est apparue sur les réseaux sociaux. Pas de détail sur le contexte pour l’instant.

    dit "AlertesInfos sur leur blue bird.

    On voit une dizaine de policiers qui, après avoir essayé d’interpeller, sans succès...

    tirent une vingtaine de fois contre une tentative de fuite alors qu’aucun keuf n’était menacé... L’#impunité_policière, eux, ils n’en doutent pas. La vidéo montre une séance collective de ball-trap au sol sur la caisse à une distance de quelques mètres...
    https://twitter.com/AlertesInfos/status/899022772487303174

    puis, parait ensuite :

    L’homme armé d’un couteau et menaçant a été abattu à Chalette-sur-Loing près de #Montargis. Il aurait blessé des policiers. (BFMTV)

    C p’têtre un terroriste, un voyou, force doit rester à la loi !, se disent-ils. Désarmer ? Viser les pneus ? Noway #éxécutionextrajudiciaire

    #tué_par_la_police #police #justice

  • La psyché des fascistes
    http://www.laviedesidees.fr/La-psyche-des-fascistes.html

    L’expérience de la Seconde #guerre_mondiale a réformé en profondeur la #psychiatrie en intégrant les facteurs sociaux dans l’explication des maladies psychiques. Elle a aussi servi de justification à la rééducation psychiatrique et politique des opposants, comme le montre Ana Antic à partir de dossiers de patients d’un institut yougoslave.

    Livres & études

    / psychiatrie, #nazisme, #communisme, guerre mondiale

    #Livres_&_études

  • Therapists Are Using Dungeons & Dragons To Get Kids To Open Up
    http://kotaku.com/therapists-are-using-dungeons-dragons-to-get-kids-to-1794806159

    Adam Davis, co-founder of the Dungeons & Dragons therapy group Wheelhouse Workshop, thinks kids with social issues aren’t being asked the right questions. In a dreary school counselor’s office, it can be hard to engage with “Why aren’t you doing your homework?” and “Have you tried joining clubs?” For Davis, more fruitful lines of inquiry start with “Who has the axe? Is it two-handed? What specialty of wizard to you want to be?”

    #thérapie #psychiatrie #donjonsetdragons

  • L’hôpital psy lyonnais du Vinatier vent debout contre la réforme
    https://www.mediapart.fr/journal/france/030417/l-hopital-psy-lyonnais-du-vinatier-vent-debout-contre-la-reforme

    Les professionnels de la #pédopsychiatrie de l’hôpital du Vinatier, dans la région lyonnaise, refusent de sacrifier la proximité des soins au nom de l’efficacité budgétaire. Une mobilisation sans précédent agite le premier hôpital psychiatrique de #France, en grève lundi 3 avril.

    #Le_Vinatier #Lyon #Ondam #psychiatrie #sante #Santé_mentale #sectorisation

  • La #pédopsychiatrie lyonnaise vent debout contre une réforme des soins de proximité
    https://www.mediapart.fr/journal/france/030417/la-pedopsychiatrie-lyonnaise-vent-debout-contre-une-reforme-des-soins-de-p

    Les professionnels de la pédopsychiatrie de l’hôpital du Vinatier, dans la région lyonnaise, refusent de sacrifier la proximité des soins au nom de l’efficacité budgétaire. Une mobilisation sans précédent agite le premier hôpital psychiatrique de #France, en grève lundi 3 avril.

    #Le_Vinatier #Lyon #Ondam #psychiatrie #sante #Santé_mentale #sectorisation

  • La #pédopsychiatrie lyonnaise vent debout contre une réforme du soin de proximité
    https://www.mediapart.fr/journal/france/030417/la-pedopsychiatrie-lyonnaise-vent-debout-contre-une-reforme-du-soin-de-pro

    Les professionnels de la pédopsychiatrie de l’hôpital du Vinatier, dans la région lyonnaise, refusent de sacrifier la proximité des soins au nom de l’efficacité budgétaire. Une mobilisation sans précédent agite le premier hôpital psychiatrique de #France, en grève lundi 3 avril.

    #Le_Vinatier #Lyon #Ondam #psychiatrie #sante #Santé_mentale #sectorisation