• #Université, service public ou secteur productif ?

    L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.

    L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).

    Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.

    La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.

    Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.

    Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État

    Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.

    À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
    L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche

    La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).

    Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).

    Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.

    C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.

    Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.

    La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.

    La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.

    La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :

    "Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."

    La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).

    Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).

    On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).

    Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste

    L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.

    La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.

    C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.

    La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.

    C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.

    Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.

    Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.

    Un régime face à ses contradictions

    Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.

    Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels

    Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.

    La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.

    La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.

    Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.

    Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs

    Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.

    La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.

    Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.

    Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.

    Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire

    En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.

    Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.

    La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.

    Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).

    Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.

    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
    #ESR #facs #souffrance

  • #Recherche : les tours de #passe-passe d’#Emmanuel_Macron

    Le chef de l’Etat s’est targué d’un #bilan flatteur en matière d’investissement pour le monde de la recherche, en omettant des #indicateurs inquiétants et des promesses non tenues, tout en vantant une #concurrence délétère.

    Devant un parterre de plusieurs centaines de scientifiques, le 7 décembre, à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, était à l’aise, volontaire, et « en compagnonnage » avec la communauté académique, comme il l’a confessé. Mais c’est moins en passionné de science qu’en magicien qu’il s’est en fait comporté, escamotant ce qui ne rentrait pas dans son cadre, multipliant les tours de passe-passe, sortant quelques lapins du chapeau, pour aboutir à transformer les flatteries adressées à son auditoire en cinglantes critiques. Au point de faire « oublier » un autre discours célèbre, celui de Nicolas Sarkozy en janvier 2009, qui avait lâché : « Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu’un chercheur britannique. (…) Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé… »

    Premier tour de magie classique, celui de l’embellissement du bilan. Comme une baguette magique, son arrivée en 2017 aurait mis fin à des années de « #désinvestissement_massif ». Sauf que cela ne se voit pas dans le critère habituel de la part du PIB consacrée en recherche et développement (R&D), qui est restée stable depuis le début du premier quinquennat, à 2,2 %. Les estimations indiquent même une baisse à 2,18 % pour 2022.

    Cela ne se voit pas non plus dans la part des #publications nationales dans le total mondial, dont il a rappelé qu’elle a baissé, sans dire qu’elle continue de le faire malgré ses efforts. Même les annexes au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que cela va continuer. Pire, côté bilan, compte tenu de l’inflation, la « magique » #loi_de_programmation_de_la_recherche de 2020 donne en fait des #moyens en baisse aux #laboratoires l’an prochain.

    Avec plus de « réussite », le président de la République a littéralement fait disparaître du paysage 7 milliards d’euros. Il s’agit de l’enveloppe, dont se prive volontairement l’Etat chaque année, pour soutenir la recherche et développement des entreprises – le #crédit_d’impôt_recherche – sans résultat macroéconomique. La part des dépenses de #R&D des #entreprises ne suit pas la progression du crédit d’impôt recherche. Mais il n’est toujours pas question d’interroger l’#efficacité du dispositif, absent de l’allocution, comme celle des mesures sur l’#innovation, le 11 décembre à Toulouse.

    Autre rituel classique des discours, faire oublier les précédents. Le chef de l’Etat l’a tenté à deux reprises sur des thèmes centraux de son argumentaire : l’#évaluation et la #simplification. Dans son allocution de 2023, il regrette qu’en France « on ne tire toujours pas assez conséquence des évaluations », quand en novembre 2019, pour les 80 ans du CNRS, il critiquait « un système mou sans conséquence ». Entre ces deux temps forts, il a nommé à la tête de l’agence chargée des évaluations son propre conseiller recherche, #Thierry_Coulhon, qui n’a donc pas réussi à « durcir » l’évaluation, mais a été nommé à la tête du comité exécutif de l’Institut polytechnique de Paris.

    Il y a quatre ans, Emmanuel Macron promettait également la « simplification », et obtenu… le contraire. Les choses ont empiré, au point qu’un rapport publié en novembre du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur enjoint au CNRS de lancer une « opération commando » pour régler des #problèmes_administratifs, qu’un médaillé d’argent, ulcéré, renvoie sa médaille, et que le conseil scientifique du #CNRS dénonce les « #entraves_administratives ».

    #Violence_symbolique

    L’#échec de la #promesse de simplifier pointe aussi lorsqu’on fait les comptes des « #annonces » concernant le « #pilotage » du système. Emmanuel Macron a prévu pas moins de cinq pilotes dans l’avion : lui-même, assisté d’un « #conseil_présidentiel_de_la_science » ; le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le « ministère bis » qu’est le secrétariat général à l’investissement, qui distribue des milliards jusqu’en 2030 sur des thématiques pour la plupart décidées à l’Elysée ; auxquels s’ajoutent les organismes de recherche qui doivent se transformer en « #agences_de_programmes » et définir aussi des stratégies.

    Au passage, simplification oblige sans doute, le thème « climat, biodiversité et société durable » est confié au CNRS « en lien naturellement avec l’#Ifremer [Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer] pour les océans, avec l’#IRD [Institut de recherche pour le développement] pour le développement durable » ; enfin, dernier pilote, les #universités, qui localement géreront les personnels employés souvent par d’autres acteurs.

    Finalement, le principal escamotage du magicien élyséen consiste à avoir parlé pendant une heure de recherche, mais pas de celles et ceux qui la font. Ah si, il a beaucoup été question des « meilleurs », des « gens très bons », « des équipes d’excellence » . Les autres apprécieront. Le Président promet même de « laisser toute la #liberté_académique aux meilleurs », sous-entendant que ceux qui ne sont pas meilleurs n’auront pas cette liberté.

    Cette #invisibilisation et cette #privation_de_droits d’une bonne partie des personnels fonctionnaires sont d’une rare violence symbolique pour des gens qui, comme dans d’autres services publics, aspirent à bien faire leur métier et avoir les moyens de l’exercer. Ces derniers savent aussi, parfois dans leur chair, quels effets délétères peuvent avoir ces obsessions pour la #compétition permanente aux postes et aux moyens. Et accessoirement combien elle est source de la #complexité que le chef de l’Etat voudrait simplifier.

    La « #révolution », terme employé dans ce discours, serait évidemment moins d’accélérer dans cette direction que d’interroger ce système dont on attend encore les preuves de l’#efficacité, autrement que par les témoignages de ceux qui en bénéficient.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/recherche-les-tours-de-passe-passe-du-president-macron_6207095_3232.html
    #ESR #Macron #France #université #facs

  • Lettre ouverte à Routledge – Taylor & Francis Group
    https://academia.hypotheses.org/52769

    Censure académique des violences sexuelles et des abus de pouvoir : pas dans notre milieu universitaire ! #NotInOurAcademia #NoEnNuestraAcademia #NãoNaNossaAcademia #MeTooAcademia #MeTooESR Pour signer cette lettre, utiliser le formulaire sous ce lien et nous ajouterons votre nom. Les violences sexuelles sont très … Continuer la lecture →

    #Academic_Feminist_Fight_Club #Libertés_académiques_:_pour_une_université_émancipatrice #censure #Études_de_genre #Études_globales #publication_scientifique

  • Comment faire face aux revues scientifiques prédatrices ?

    Le système de publication scientifique est sous tension : l’accès aux publications doit être libre et gratuit, mais publier a un coût. Historiquement, ce coût revenait aux lecteurs. Désormais, il incombe souvent aux auteurs, permettant un accès gratuit aux lecteurs, avec en 2019 31 % de tous les articles scientifiques publiés qui étaient accessibles à tous. La note, souvent réglée avec de l’#argent_public, peut atteindre plus de 10 000 euros par article. Ce #marché juteux, avec des marges bénéficiaires pouvant atteindre 40 %, a conduit nombre de scientifiques à ne plus accepter que des maisons d’édition profitent d’un travail intellectuel qu’elles ne financent et ne rémunèrent pas.

    Simultanément, le système d’évaluation conventionnel des scientifiques, fondé notamment sur le nombre de publications en général et dans des périodiques à haut facteur d’impact (IF, correspondant au nombre moyen annuel de citations des articles d’un périodique parus les deux années précédentes) en particulier, est remis en question depuis la Déclaration sur l’évaluation de la recherche de San Francisco (#DORA). DORA est une déclaration collective internationale, initialement élaborée lors d’une réunion annuelle de la Société américaine de biologie cellulaire en 2012, et qui a été progressivement ratifiée par nombre d’universités et d’organismes de recherche, par exemple en France le CNRS et le CEA.

    La collision de ces deux changements débouche sur de nouveaux questionnements :

    - Quels impacts ces transformations ont-elles sur la qualité de la science ?

    – Peut-on raisonner l’usage fait de l’argent public dans la #publication_académique ?

    L’émergence des revues prédatrices

    La transition actuelle du système lecteur-payeur vers le système auteur-payeur s’est accompagnée de l’émergence de maisons d’édition scientifique qualifiées « de prédatrices ». Développant des démarches commerciales agressives, notamment via quantité de numéros spéciaux, leur objectif principal étant de « faire du #profit » en imposant des coûts de publication démesurés (#article-processing_charges ou #APC), et non de promouvoir une #science de qualité.

    En effet, le processus d’évaluation des articles y est souvent médiocre (brefs délais d’évaluation, évaluateurs peu compétents), parfois inexistant, conduisant à une pollution massive de la littérature par des résultats mal, voire pas vérifiés. En 2015, déjà un cinquième de la production scientifique mondiale paraissait dans des maisons d’édition prédatrices.

    Un effet secondaire est l’érosion de la confiance des scientifiques dans le processus d’évaluation par les pairs, pourtant robuste et éprouvé depuis plus d’un siècle.

    À la racine du problème, un cercle vicieux : les chercheurs sont engagés dans une course frénétique à la publication et les évaluateurs disponibles, non rémunérés pour ce travail d’évaluation et devant eux-mêmes publier, deviennent une ressource limitante.

    Quand des périodiques traditionnels s’échinent à dénicher des évaluateurs compétents et disponibles, les prédateurs se contentent d’évaluateurs peu compétents qui, contre des rabais sur des APC futurs, écriront de brefs rapports justifiant d’accepter au plus vite un article. Couper le robinet des évaluateurs et refuser d’y soumettre ses travaux, soit par décision personnelle, soit collectivement, permettrait de contrer l’émergence et le développement de ces maisons d’édition prédatrices.

    Mais la volonté d’aller dans ce sens est-elle là ? Reconnaître les travers de ce système prédateur est nécessairement lent, en particulier lorsqu’on y a largement contribué.

    Il est difficile de définir le caractère prédateur d’un éditeur et certaines revues vont donc se situer dans une zone grise, à la limite de la prédation. De plus, si l’objectif des revues prédatrices est avant tout le profit, le montant des APC n’est pas une condition suffisante pour qualifier un périodique de prédateur – les APC de revues liées à des sociétés savantes (à but non lucratif) sont parfois élevés, mais tout ou partie de ces APC leur sert à développer leur mission dont l’utilité sociale est avérée.

    Couper les ailes de l’édition prédatrice passe aussi par une évaluation différente de l’activité des scientifiques, en s’écartant d’une évaluation actuellement trop quantitative, car largement fondée sur le nombre d’articles et sur l’IF des revues (une métrique mesurant leur audience et non leur qualité).

    Un appel collectif pour de meilleures pratiques

    DORA et l’appel de Paris vont dans ce sens en proposant la fin de l’utilisation de l’IF, mais aussi du nombre de publications, comme métriques centrales de l’évaluation. Ainsi, des institutions françaises, dont le CNRS, INRAE, l’ANR et l’Hcéres, demandent non pas la liste exhaustive des productions, mais une sélection que la personne évaluée souhaite mettre en avant, avec une explication détaillant les qualités, la signification et la portée de cette sélection dans son projet. Ce changement d’évaluation, simple à mettre en œuvre, permet de limiter une course aux publications faciles et coûteuses. Ces initiatives de réforme du système d’évaluation académique fleurissent dans d’autres pays, par exemple aux Pays-Bas et au Canada, ou encore au niveau européen avec la coalition CoARA.

    Bien entendu, il est peu probable que les chercheurs évaluateurs des dossiers ou des projets de collègues jettent les indicateurs aux orties, IF ou autres, surtout quand l’évaluation, qui prend un temps considérable lorsqu’elle est menée sérieusement, est si mal valorisée en tant qu’activité dans l’évaluation des chercheurs. Mais combiner évaluation quantitative et qualitative à d’autres critères tels le prix des APC, les profits et leurs usages, la durabilité numérique, la transparence des évaluations ou la reproductibilité des résultats publiés, est souhaitable.

    Les comités d’évaluation des chercheurs, par exemple au niveau national le Conseil national des universités et au Comité national de la recherche scientifique, doivent se saisir de ces nouveaux critères, les expliciter et les rendre publics. Il serait aussi souhaitable qu’ils statuent sur les maisons d’édition prédatrices ou semi-prédatrices, ou à la manière de la conférence des Doyens des facultés de médecine, sur les maisons d’édition non prédatrices.

    Ils doivent se saisir au plus vite de la question de l’articulation entre modèles de publication et évaluation des chercheurs, pour ne pas se faire devancer par les maisons d’édition susceptibles de proposer elles-mêmes des outils d’évaluation ou de faire changer les règles du jeu.

    Dans le contexte actuel de pénurie d’évaluateurs, les périodiques à IF élevé et coûteux jouent sur le prestige supposé d’être évaluateur. Un levier permettant d’attaquer cette situation serait l’assurance que les « lignes de CV » concernant l’évaluation des manuscrits ne soient pas appréciées à l’aune du prestige de périodique coûteux par les comités d’évaluation de l’activité des chercheurs. De cette manière, un scientifique aurait a priori autant intérêt à évaluer pour tout périodique qu’il estime de qualité, et non pas prioritairement pour le peloton de tête de l’IF.

    Ainsi, on tarirait l’offre en évaluateurs pour ces périodiques ; ces évaluateurs seraient alors plus disponibles pour des périodiques aussi sérieux, mais moins onéreux. De plus, un processus d’évaluation transparent (c’est-à-dire public) permettrait la valorisation des évaluations, et aux comités de jauger qualitativement l’implication des scientifiques dans ce processus.

    Contre la monétarisation de la publication scientifique, il faut séparer l’impératif de l’accès libre et le système de publications en accès libre avec APC obligatoires : les scientifiques doivent rendre leurs publications accessibles, mais sans payer pour cela. L’utilisation de plates-formes de textes non évalués pour rendre accessibles les travaux est une option possible. Cela permettrait de piéger les éditeurs prédateurs au jeu de leur argument de choc (« rendre accessible une publication sans restriction »). Reste alors à imaginer des modèles alternatifs, tel que Peer Community In, proposant un système d’évaluation transparent, exigeant et gratuit à partir d’articles déposés sur des serveurs en accès libre.

    Nos actions, via le choix d’un support de publication ou de notre modèle d’évaluation, s’inscrivent dans un contexte politique national et européen parfois contradictoire : certains établissements suggèrent aux chercheurs d’éviter les APC tout en prônant l’accès libre à toutes les publications sortant de leurs laboratoires. D’autres initiatives, comme la création de Open Research Europe par l’Union européenne, révèlent en creux le poids de certains lobbys puisque les projets européens pourront de ce fait publier en accès libre tous leurs résultats dans des périodiques ad hoc et financés par l’UE. L’injonction à une « science ouverte » devrait plutôt encourager à l’utilisation des plates-formes de textes non évalués. Elle ne doit pas être un argument pour justifier la publication dans des revues avec APC, souvent prédatrices. Autrement dit : ne sacrifions pas la qualité sur l’autel de l’accès libre, et les plates-formes de textes non évalués sont là pour ça.

    À nous, chercheurs, de retourner le jugement d’Yves Gingras pour démontrer que nous sommes capables d’actions collectives. Avec quelques règles, de la pédagogie et un système de valorisation pluriel de la qualité des périodiques scientifiques, nous pouvons endiguer le phénomène des maisons prédatrices.

    https://theconversation.com/comment-faire-face-aux-revues-scientifiques-predatrices-206639

    #ESR #recherche #université #résistance #revues_prédatrices #édition_scientifique #impact_factor

  • Où le #classement_de_Shanghaï mène-t-il l’#université française ?

    Le classement de #Shanghaï, dont les résultats sont publiés mardi 15 août, a façonné une idée jamais débattue de l’« #excellence ». Des universitaires appellent à définir « une vision du monde du savoir » propre au service public qu’est l’enseignement supérieur français.

    Des universités à la renommée mondiale qui attirent les meilleurs étudiants, les chercheurs les plus qualifiés et les partenaires financiers les plus magnanimes : depuis l’avènement des classements internationaux dans l’#enseignement_supérieur, il y a vingt ans, la quête d’une certaine idée de l’« excellence » a intégré le vocabulaire universitaire, jusqu’à se muer en un projet politique.

    En France, en août 2003, la première édition du classement de Shanghaï, qui publie mardi 15 août son édition 2023, a été un coup de tonnerre : ignorant les subtilités administratives hexagonales et la tripartition entre #universités, grandes écoles et organismes de recherche, le palmarès n’avait distingué dans son top 50 aucun des fleurons nationaux. Piqués au vif, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans la brèche et ont cherché les outils pour se conformer aux #standards. En 2010, le président de la République, #Nicolas_Sarkozy, avait fixé à sa ministre de l’enseignement supérieur, #Valérie_Pécresse, un #objectif précis : placer deux établissements français dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers du classement de Shanghaï.

    La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, votée en 2007, portait alors ses premiers fruits, présentés en personne par Mme Pécresse, en juillet 2010, aux professeurs #Nian_Cai_Liu et #Ying_Cheng, les deux créateurs du classement. Les incitations aux #regroupements entre universités, grandes écoles et organismes de recherche ont fleuri sous différents noms au gré des appels à projets organisés par l’Etat pour distribuer d’importants investissements publics (#IDEX, #I-SITE, #Labex, #PRES, #Comue), jusqu’en 2018, avec le nouveau statut d’#établissement_public_expérimental (#EPE). Toutes ces tactiques politiques apparaissent comme autant de stigmates français du palmarès chinois.

    Ces grandes manœuvres ont été orchestrées sans qu’une question fondamentale soit jamais posée : quelle est la vision du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que véhicule le classement de Shanghaï ? Lorsqu’il a été conçu, à la demande du gouvernement chinois, le palmarès n’avait qu’un objectif : accélérer la #modernisation des universités du pays en y calquant les caractéristiques des grandes universités nord-américaines de l’#Ivy_League, Harvard en tête. On est donc très loin du #modèle_français, où, selon le #code_de_l’éducation, l’université participe d’un #service_public de l’enseignement supérieur.

    « Société de marché »

    Pour la philosophe Fabienne Brugère, la France continue, comme la Chine, de « rêver aux grandes universités américaines sans être capable d’inventer un modèle français avec une #vision du savoir et la perspective d’un bonheur public ». « N’est-il pas temps de donner une vision de l’université ?, s’interroge-t-elle dans la revue Esprit (« Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023, 22 euros). J’aimerais proposer un regard décalé sur l’université, laisser de côté la question des alliances, des regroupements et des moyens, pour poser une condition de sa gouvernance : une #vision_du_monde_du_savoir. »

    Citant un texte du philosophe Jacques Derrida paru en 2001, deux ans avant le premier classement de Shanghaï, la professeure à Paris-VIII définit l’université comme « inconditionnelle, en ce qu’elle peut #repenser_le_monde, l’humanité, élaborer des #utopies et des #savoirs nouveaux ». Or, « vingt ans après, force est de constater que ce texte reste un objet non identifié, et que rien dans le paysage universitaire mondial ne ressemble à ce qu’il projette, regrette Fabienne Brugère. Les grandes universités américaines que nous admirons et dans lesquelles Derrida a enseigné sont habitées par la société de marché ».

    Ironie du sort, c’est justement l’argent qui « coule à flots » qui garantit dans ces établissements de l’hyperélite des qualités d’étude et de bon encadrement ainsi qu’une administration efficace… Autant de missions que le service public de l’université française peine tant à remplir. « La scholè, le regard scolastique, cette disposition à l’étude, ce temps privilégié et déconnecté où l’on apprend n’est possible que parce que la grande machine capitaliste la fait tenir », déplore Mme Brugère.

    En imposant arbitrairement ses critères – fondés essentiellement sur le nombre de #publications_scientifiques en langue anglaise, de prix Nobel et de médailles Fields –, le classement de Shanghaï a défini, hors de tout débat démocratique, une #vision_normative de ce qu’est une « bonne » université. La recherche qui y est conduite doit être efficace économiquement et permettre un #retour_sur_investissement. « Il ne peut donc y avoir ni usagers ni service public, ce qui constitue un #déni_de_réalité, en tout cas pour le cas français », relevait le sociologue Fabien Eloire dans un article consacré au palmarès, en 2010. Est-il « vraiment raisonnable et sérieux de chercher à modifier en profondeur le système universitaire français pour que quelques universités d’élite soient en mesure de monter dans ce classement ? », questionnait le professeur à l’université de Lille.

    Derrière cet effacement des #spécificités_nationales, « une nouvelle rhétorique institutionnelle » s’est mise en place autour de l’« #économie_de_la_connaissance ». « On ne parle plus de “l’#acquisition_du_savoir”, trop marquée par une certaine #gratuité, mais de “l’#acquisition_de_compétences”, efficaces, directement orientées, adaptatives, plus en phase avec le discours économique et managérial », concluait le chercheur.

    Un poids à relativiser

    A y regarder de plus près, Shanghaï et les autres classements internationaux influents que sont les palmarès britanniques #QS_World_University_Rankings (#QS) et #Times_Higher_Education (#THE) valorisent des pays dont les fleurons n’accueillent finalement qu’un effectif limité au regard de leur population étudiante et du nombre total d’habitants. Le poids réel des « #universités_de_prestige » doit donc être relativisé, y compris dans les pays arrivant systématiquement aux tout premiers rangs dans les classements.

    Pour en rendre compte, Le Monde a listé les 80 universités issues de 16 pays qui figuraient en 2022 parmi les 60 premières des classements QS, THE et Shanghaï. Grâce aux sites Internet des établissements et aux données de Campus France, le nombre total d’étudiants dans ces universités a été relevé, et mis en comparaison avec deux autres statistiques : la démographie étudiante et la démographie totale du pays.

    Le cas des Etats-Unis est éclairant : ils arrivent à la 10e position sur 16 pays, avec seulement 6,3 % des étudiants (1,2 million) dans les 33 universités classées, soit 0,36 % de la population américaine.

    Singapour se place en tête, qui totalise 28,5 % des étudiants inscrits (56 900 étudiants) dans les huit universités de l’hyperélite des classements, soit 0,9 % de sa population. Suivent Hongkong, avec 60 500 étudiants dans quatre universités (20,7 % des étudiants, 0,8 % de sa population), et la Suisse, avec 63 800 étudiants dans trois établissements (19,9 % des étudiants, 0,7 % de sa population).

    Avec 98 600 étudiants dans quatre universités classées (Paris-Saclay, PSL, Sorbonne Université, Institut polytechnique de Paris), la France compte 3,2 % des étudiants dans l’hyperélite universitaire mondiale, soit 0,1 % de la population totale.

    La Chine arrive dernière : 255 200 étudiants sont inscrits dans les cinq universités distinguées (Tsinghua, Peking, Zhejiang, Shanghai Jiao Tong et Fudan), ce qui représente 0,08 % de sa population étudiante et 0,018 % de sa population totale.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/08/14/ou-le-classement-de-shanghai-mene-t-il-l-universite-francaise_6185365_440146

    #compétences #critique

    • Classement de Shanghaï 2023 : penser l’enseignement supérieur en dehors des palmarès

      Depuis vingt ans, les responsables politiques français ont fait du « standard » de Shanghaï une clé de #réorganisation des établissements d’enseignement supérieur. Mais cet objectif d’inscription dans la #compétition_internationale ne peut tenir lieu de substitut à une #politique_universitaire.

      Comme tous les classements, celui dit « de Shanghaï », censé comparer le niveau des universités du monde entier, suscite des réactions contradictoires. Que les championnes françaises y soient médiocrement placées, et l’on y voit un signe de déclassement ; qu’elles y figurent en bonne place, et c’est le principe du classement qui vient à être critiqué. Le retour de l’université française Paris-Saclay dans le top 15 de ce palmarès de 1 000 établissements du monde entier, établi par un cabinet chinois de consultants et rendu public mardi 15 août, n’échappe pas à la règle. Au premier abord, c’est une bonne nouvelle pour l’enseignement supérieur français, Paris-Saclay se hissant, derrière l’américaine Harvard ou la britannique Cambridge, au rang de première université non anglo-saxonne.

      Pourtant, ce succès apparent pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses sur l’état réel de l’enseignement supérieur français. Certes, la montée en puissance du classement chinois, créé en 2003, a participé à l’indispensable prise de conscience de l’inscription du système hexagonal dans un environnement international concurrentiel. Mais les six critères qui président arbitrairement à ce « hit-parade » annuel, focalisés sur le nombre de prix Nobel et de publications dans le seul domaine des sciences « dures », mais qui ignorent étrangement la qualité de l’enseignement, le taux de réussite ou d’insertion professionnelle des étudiants, ont conforté, sous prétexte d’« excellence », une norme restrictive, au surplus indifférente au respect des libertés académiques, politique chinoise oblige.

      Que les responsables politiques français aient, depuis vingt ans, cédé à ce « standard » de Shanghaï au point d’en faire une clé de réorganisation des établissements d’enseignement supérieur ne laisse pas d’étonner. Le principe « grossir pour être visible » (dans les classements internationaux) a servi de maître mot, il est vrai avec un certain succès. Alors qu’aucun établissement français ne figurait dans les cinquante premières places en 2003, ils sont trois aujourd’hui. Paris-Saclay résulte en réalité de la fusion d’une université, de quatre grandes écoles et de sept organismes de recherche, soit 13 % de la recherche française.

      Mais cette politique volontariste de #fusions à marche forcée, soutenue par d’importants crédits, n’a fait qu’alourdir le fonctionnement des nouvelles entités. Surtout, cette focalisation sur la nécessité d’atteindre à tout prix une taille critique et de favoriser l’excellence n’a fait que masquer les #impensés qui pèsent sur l’enseignement supérieur français : comment améliorer la #qualité de l’enseignement et favoriser la réussite du plus grand nombre ? Quid du dualisme entre universités et grandes écoles ? Quelles sources de financement pour éviter la paupérisation des universités ? Comment éviter la fuite des chercheurs, aux conditions de travail de plus en plus difficiles ? Et, par-dessus tout : quel rôle dans la construction des savoirs dans un pays et un monde en pleine mutation ?

      A ces lourdes interrogations, l’#obsession du classement de Shanghaï, dont le rôle de promotion des standards chinois apparaît de plus en plus nettement, ne peut certainement pas répondre. Certes, l’enseignement supérieur doit être considéré en France, à l’instar d’autres pays, comme un puissant outil de #soft_power. Mais l’objectif d’inscription dans la compétition internationale ne peut tenir lieu de substitut à une politique universitaire absente des débats et des décisions, alors qu’elle devrait y figurer prioritairement.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/15/classement-de-shanghai-2023-penser-l-enseignement-superieur-en-dehors-des-pa

    • Au même temps, #Emmanuel_Macron...

      Avec 27 universités représentées, le classement de Shanghai met à l’honneur l’excellence française.

      Acteurs de l’enseignement et de la recherche : merci !

      Vous faites de la France une grande Nation de formation, de recherche et d’innovation. Nous continuerons à vous soutenir.


      https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1691339082905833473
      #Macron

    • Classement de Miamïam des universités françaises.

      Ayé. Comme chaque année le classement de Shangaï est paru. Et l’auto-satisfecit est de mise au sommet de l’état (Macron, Borne, et bien sûr Oui-Oui Retailleau). Imaginez un peu : 27 de nos établissements français (universités et grandes écoles) y figurent.

      Rappel pour les gens qui ne sont pas familiers de ces problématiques : le classement de Shangaï est un classement international très (mais vraiment très très très) sujet à caution, qui s’est imposé principalement grâce à une bonne stratégie marketing (et à un solide lobbying), et qui ne prend en compte que les publications scientifiques des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de l’université : ce qui veut dire qu’il ne regarde pas “l’activité scientifique” dans sa globalité, et que surtout il n’en a rien à secouer de la partie “enseignement” ni, par exemple, du taux de réussite des étudiants et étudiantes. C’est donc une vision a minima hémiplégique de l’université. Il avait été créé par des chercheurs de l’université de Shangaï comme un Benchmark pour permettre aux université chinoises d’essayer de s’aligner sur le modèle de publication scientifique des universités américaines, donc dans un contexte très particulier et avec un objectif politique de soft power tout à fait explicite. Ces chercheurs ont maintenant créé leur boîte de consultants et se gavent en expliquant aux universités comment l’intégrer. L’un des co-fondateurs de ce classement explique notamment : “Avant de fusionner, des universités françaises nous ont demandé de faire une simulation de leur future place dans le classement“.

      Bref du quantitatif qui vise à souligner l’élitisme (pourquoi pas) et qui n’a pour objet que de le renforcer et se cognant ostensiblement de tout paramètre qualitatif a fortiori si ce qualitatif concerne les étudiant.e.s.

      Mais voilà. Chaque été c’est la même tannée et le même marronier. Et les mêmes naufrageurs de l’action publique qui se félicitent ou se navrent des résultats de la France dans ledit classement.

      Cette année c’est donc, champagne, 27 établissements français qui se retrouvent “classés”. Mal classés pour l’essentiel mais classés quand même : les 4 premiers (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) se classent entre la 16ème (Paris-Saclay) et la 78ème place (Paris Cité) et à partir de la 5ème place (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) on plonge dans les limbes (Aix-Marseille est au-delà de la 100ème place, Nantes au-delà de la 600ème). Alors pourquoi ce satisfecit du gouvernement ? [Mise à jour du 16 août] Auto-satisfecit d’ailleurs étonnant puisque si l’on accorde de la valeur à ces classements, on aurait du commencer par rappeler qu’il s’agit d’un recul : il y avait en effet 30 établissements classés il y a deux ans et 28 l’année dernière. Le classement 2023 est donc un recul. [/mise à jour du 16 août]

      Non pas parce que les chercheurs sont meilleurs, non pas parce que la qualité de la recherche est meilleure, non pas parce que les financements de la recherche sont plus importants et mieux dirigés, mais pour deux raisons principales.

      La première raison est que depuis plusieurs années on s’efforce d’accroître le “rendement” scientifique des personnels en vidant certaines universités de leurs activités et laboratoires de recherche (et en y supprimant des postes) pour le renforcer et le concentrer dans (très peu) d’autres universités. C’est le grand projet du libéralisme à la française qui traverse les présidences de Sarkozy à Macron en passant par Hollande : avoir d’un côté des université “low cost” dans lesquelles on entasserait les étudiant.e.s jusqu’à bac+3 et où on ferait le moins de recherche possible, et de l’autre côté des “universités de recherche et d’excellence” où on n’aurait pas grand chose à foutre de la plèbe étudiante et où on commencerait à leur trouver un vague intérêt uniquement à partir du Master et uniquement pour les meilleur.e.s et uniquement dans certains domaines (genre pas en histoire de l’art ni en études littéraires ni dans la plupart des sciences humaines et sociales).

      La seconde raison de ce “bon” résultat est que les universités se sont regroupées administrativement afin que les publications de leurs chercheurs et chercheuses soient mieux prises en compte dans le classement de Shangaï. Exemple : il y a quelques années, il y avait plusieurs sites universitaires dans les grandes villes. Chaque site était celui d’une discipline ou d’un regroupement de discipline. On avait à Toulouse, à Nantes et ailleurs la fac de droit, la fac de sciences, la fac de lettres, etc. Et les chercheurs et chercheuses de ces universités, quand ils publiaient des articles dans des revues scientifiques, “signaient” en s’affiliant à une institution qui était “la fac de sciences de Toulouse Paul Sabatier” ou “la fac de lettre de Toulouse le Mirail” ou “la fac de droit de Toulouse”. Et donc au lieu d’avoir une seule entité à laquelle rattacher les enseignants-chercheurs on en avait trois et on divisait d’autant les chances de “l’université de Toulouse” de monter dans le classement.

      Donc pour le dire rapidement (et sans pour autant remettre en cause l’excellence de la recherche française dans pas mal de disciplines, mais une excellence dans laquelle les politiques publiques de ce gouvernement comme des précédents ne sont pas pour grand-chose), la France gagne des places dans le classement de Shangaï d’une part parce qu’on s’est aligné sur les règles à la con dudit classement, et d’autre part parce qu’on a accepté de sacrifier des pans entiers de financements publics de la recherche dans certains secteurs (notamment en diminuant drastiquement le nombre de postes disponibles).

      Allez je vous offre une petite comparaison. Évaluer la qualité de l’université et de la recherche française à partir du classement de Shangaï c’est un peu comme si on prétendait évaluer la qualité de la gastronomie française à partir d’un référentiel établi par Mac Donald : on serait rapidement en capacité de comprendre comment faire pour gagner des places, mais c’est pas sûr qu’on mangerait mieux.

      Je vous propose donc un classement alternatif et complémentaire au classement de Shangaï : le classement de Miamïam. Bien plus révélateur de l’état actuel de l’université française.
      Classement de Miamïam.

      Ce classement est simple. Pour y figurer il faut juste organiser des distributions alimentaires sur son campus universitaire.

      Le résultat que je vous livre ici est là aussi tout à fait enthousiasmant [non] puisqu’à la différence du classement de Shangaï ce sont non pas 27 universités et établissements mais (au moins) 40 !!! L’excellence de la misère à la française.

      Quelques précisions :

      – ce classement n’est pas exhaustif (j’ai fait ça rapidement via des requêtes Google)
      – l’ordre des universités ne signifie rien, l’enjeu était juste de lister “l’offre” qu’elles proposaient sans prendre en compte l’ancienneté ou la fréquence de ces distributions ni le nombre d’étudiant.e.s touché.e.s
      - ce classement est très en dessous de la réalité : par exemple je n’ai inscrit qu’une seule fois l’université de Nantes alors que des distributions alimentaires sont aussi organisées sur son campus de la Roche sur Yon. Beaucoup des universités présentes dans ce classement organisent en fait des distributions alimentaires sur plusieurs de leurs campus et devraient donc y figurer 2, 3 ou 4 fois au moins.
      - je me suis autorisé, sans la solliciter, à utiliser comme crédit image la photo de Morgane Heuclin-Reffait pour France Info, j’espère qu’elle me le pardonnera.

      [Mise à jour du 16 Août]

      On invite aussi le gouvernement à regarder le classement du coût de la vie pour les étudiantes et étudiants : en constante augmentation, et atteignant une nouvelle fois, pour cette population déjà très précaire, des seuils d’alerte indignes d’un pays civilisé.

      Enfin on pourra, pour être complet dans la recension de l’abandon politique de l’université publique, signaler la stratégie de mise à mort délibérée par asphyxie conduite par les gouvernements successifs depuis plus de 15 ans. Extrait :

      “En dix ans, le nombre de recrutements d’enseignants-chercheurs titulaires a diminué de près de moitié, avec 1 935 ouvertures de poste en 2021, contre 3 613 en 2011. En 2022, on enregistre un léger sursaut, avec 2 199 postes de professeur d’université et de maître de conférences ouverts.

      La situation est d’autant plus paradoxale que les universités se vident de leurs enseignants-chercheurs chevronnés, avec un nombre de départs à la retraite en hausse de + 10,4 % en 2021 et de + 10,5 % en 2022, selon une note statistique du ministère publiée en juin. Un avant-goût de la décennie qui vient, marquée par des départs massifs de la génération du baby-boom : entre 2021 et 2029, le ministère prévoit une augmentation de 53 % en moyenne, et de 97 % en sciences – le bond le plus élevé.“

      https://affordance.framasoft.org/2023/08/classement-shangai-miam-miam

    • #Roberto_Mozzachiodi, UK

      SOLIDARITY WITH ROBERTO MOZZACHIODI

      After years of unparalleled academic and political work at Goldsmiths, our colleague, friend, teacher, caseworker, union branch co-Secretary #Roberto_Mozzachiodi has been put through an unfair employment process, and as a result no longer holds a substantive teaching position at the College. Roberto’s case reflects the working conditions of hundreds of staff at Goldsmiths, and thousands of staff employed on precarious, fixed-term, temporary contracts across British Higher Education. It also reflects the risks that come with openly committing to collective, ground-up solidarity that challenges the principles of how university work is organised, and reimagines union work accordingly.

      Roberto has been a leading figure in the fight against casualisation at Goldsmiths, and has been at the heart of campaigns that have radically transformed our place of work and study. He was core in the Goldsmiths #Justice_for_Cleaners and Goldsmiths #Justice_for_Workers movements that brought cleaning and security staff in-house, and core in the fight to extend basic rights to casualised workers at Goldsmiths at the height of the pandemic. He has supported countless staff and students through the grinding labour of union casework, and has worked tirelessly on strengthening and transforming the Goldsmiths branch of UCU through a radical commitment to anti-casualisation, anti-racism, and anti-factionalism, often fighting and organising for the rights of others in far more secure positions.

      Roberto’s specific case mirrors that of thousands across the country employed on temporary, fixed-term, and casualised contracts. Roberto was denied his redundancy-related employment rights when his contract came to an end. This involved, amongst other things, not being consulted on suitable alternative employment, including a permanent position very similar to the role he had been performing on a fixed-term basis over three terms. This amounts to a denial of casualised workers’ employment rights, and is something that is commonplace at Goldsmiths, and across the sector.

      As signatories of this letter, we call on Goldsmiths to act on the unjust treatment of Roberto. We also urge all at Goldsmiths and beyond to actively resist and challenge the endemic nature of precarious work in university life - at all times and at all scales, as Roberto has always done.

      Signed,

      Alice Elliot, Lecturer, Goldsmiths University of London
      Victoria Chwa, President, Goldsmiths Students’ Union
      Alicia Suriel Melchor, Operations Assistant, Forensic Architecture / Goldsmiths.
      Vicky Blake, UCU NEC, former president & Uni of Leeds UCU officer, former Chair of UCU Anti-Casualisation Committee
      Cecilia Wee, Associate Lecturer, Royal College of Art & co-Chair/co-Equalities RCA UCU branch
      Joe Newman, Lecturer, Goldsmiths, University of London
      James Eastwood, Co-Chair, Queen Mary UCU
      S Joss, HW UCU Branch President
      Rehana Zaman, Lecturer Art Department, Goldsmiths University of London
      Marina Baldissera Pacchetti, anti-cas officer, Leeds UCU
      Sam Morecroft, USIC UCU Branch President and UCU Anti Casualisation Committee
      Kyran Joughin, Anti-Casualisation Officer, UCU London Region Executive Committee, UCU NEC Member, former Branch Secretary, UCU-UAL
      Rhian Elinor Keyse, Postdoctoral Research Fellow; Birkbeck UCU Branch Secretary; UCU Anti-Casualisation Committee; UCU NEC
      Joanne Tatham, Reader, Royal College of Art and RCA UCU branch committee member, London
      Bianca Griffani, PhD candidate, Goldsmiths University of London, London
      Paola Debellis, PhD student, Goldsmiths, University of London.
      Ashok Kumar, Senior Lecturer, Birkbeck, University of London
      Chrys Papaioannou, Birkbeck UCU
      Fergal Hanna, PhD Student, University of Cambridge, UCU Anti-Casualisation Committee and Cambridge UCU Executive Committee member
      Robert Deakin, Research Assistant, Goldsmiths, University of London
      Grace Tillyard, ESRC postdoctoral fellow, MCCS Goldsmiths
      Yari Lanci, Associate Lecturer, Goldsmiths University of London.
      Caleb Day, Postgraduate researcher, Foundation tutor and UCU Anti-Casualisation Officer, Durham University
      Rachel Wilson, PhD Candidate, Goldsmiths University of London
      Sean Wallis, Branch President, UCL UCU, and NEC member
      Yaiza Hernández Velázquez, Lecturer, Visual Cultures, Goldsmiths.
      Akanksha Mehta, Lecturer, Goldsmiths, University of London
      Cathy Nugent, PhD Candidate, Goldsmiths, University of London
      Janna Graham, Lecturer Visual Cultures, Goldsmiths
      Isobel Harbison, Art Department, Goldsmiths
      Susan Kelly, Art Department, Goldsmiths
      Jessa Mockridge, Library, Goldsmiths
      Vincent Møystad, Associate Lecturer, MCCS, Goldsmiths
      Dhanveer Singh Brar, Lecturer, School of History, University of Leeds
      James Burton, Senior Lecturer, MCCS, Goldsmiths
      Louis Moreno, Lecturer, Goldsmiths
      Jennifer Warren, Visiting Lecturer, Goldsmiths MCCS
      Anthony Faramelli, Lecturer, Visual Cultures, Goldsmiths, University of London
      Billy Godfrey, Doctoral Researcher, Loughborough University; GTA, University of Manchester
      Fabiana Palladino, Associate Lecturer, Goldsmiths, University of London
      Morgan Rhys Powell, Doctoral Researcher and GTA; University of Manchester
      Tom Cowin, Anti-Casualisation Officer, Sussex UCU
      Conrad Moriarty-Cole, Lecturer, University of Brighton, and former PhD student at Goldsmiths College
      Marina Vishmidt, MCCS Lecturer, Goldsmiths University of London
      George Briley, Universities of London Branch Secretary, IWGB
      Callum Cant, Postdoctoral Researcher, Oxford Internet Institute
      Daniel C. Blight, Lecturer, University of Brighton
      Marion Lieutaud, Postdoctoral Research Fellow, LSE UCU anti-casualisation co-officer, London School of Economics
      Lukas Slothuus, LSE Fellow, LSE UCU anti-casualisation co-officer, London School of Economics
      Matthew Lee, UCL Unison Steward & IWGB Universities of London Representative
      Jamie Woodcock, University of Essex
      Dylan Carver, Anti-Casualisation Officer, University of Oxford
      Annie Goh, Lecturer, LCC UAL
      George Mather, PGR Anti-Casualisation Officer, University of Oxford
      Zara Dinnen, Branch co-chair QMUCU
      Henry Chango Lopez - IWGB Union, General Secretary
      Rhiannon Lockley - Branch Chair Birmingham City University UCU; UCU NEC
      Sol Gamsu, Branch President, Durham University UCU
      Ben Ralph, Branch President, University of Bath UCU
      Myka Tucker-Abramson, University of Warwick UCU
      Lisa Tilley, SOAS UCU
      James Brackley, Lecturer in Accounting, University of Sheffield
      Alex Fairfax-Cholmeley, Communications Officer, Uni of Exeter UCU
      Ioana Cerasella Chis, University of Birmingham (incoming branch officer)
      Muireann Crowley, University of Edinburgh, UCU Edinburgh
      Jonny Jones, associate lecturer, UCL
      Danai Avgeri, University of Cambridge, postdoctoral fellow
      Stefano Cremonesi, Durham University UCU
      Jordan Osserman, Lecturer, Essex UCU Member Secretary
      Danny Millum, Librarian, Sussex UCU Exec Member
      Sanaz Raji, ISRF Fellow, Northumbria University, Founder & Caseworker, Unis Resist Border Controls (URBC)
      Alex Brent, GMB South London Universities Branch Secretary
      Gareth Spencer, PCS Culture Group President
      Floyd Codlin, Environmental & Ethics Officer, Birkbeck
      Clare Qualmann, Associate Professor, University of East London and UCU branch treasurer, UEL
      Kevin Biderman, Brighton UCU anti-casualisation officer
      David Morris, CSM / University of the Arts London UCU
      Ryan Burns, Brighton UCU Secretary
      Julie canavan Brighton UCU
      Charlotte Terrell, Postdoc, Oxford UCU
      Clara Paillard, Unite the Union, former President of PCS Union Culture Group
      Jasmine Lota, PCS British Museum United Branch Secretary
      Joe Hayns, RHUL.
      Adam Barr, Birkbeck Unison
      Dario Carugo, Associate Professor, University of Oxford
      Jacob Gracie, KCL Fair Pay for GTAs
      Rahul Patel, UCU London Region Executive and Joint Sec University of the Arts London UCU
      Billy Woods, Essex UCU
      Lucy Mercer, Postdoctoral Research Fellow, University of Exeter
      Goldsmiths Anti-Racist Action (GARA)
      Saumya Ranjan Nath, University of Sussex
      Islam al Khatib, 22/23 Welfare and Liberation Officer, Goldsmiths SU
      Mijke van der Drift, Tutor, Royal College of Art
      Marini Thorne, PHD student and teaching assistant, Columbia University and member of Student Workers of Columbia
      Genevieve Smart, PhD student, Birkbeck
      Francesco Pontarelli, Postdoctoral fellow, University of Johannesburg
      Gloria Lawton, Outreach Homeless Worker, HARP and undergraduate Birkbeck University.
      Grant Buttars, UCU Scotland Vice President
      Goldsmiths Community Solidarity
      Nicola Pratt, Professor, University of Warwick
      Robert Stearn, Postdoctoral Research Associate, Birkbeck, University of London
      Jake Arnfield, UVW Union
      Jarrah O’Neill, Cambridge UCU
      Owen Miller, Lecturer, SOAS
      Marissa Begonia, Director, The Voice of Domestic Workers
      Neda Genova, Research Fellow, University of Warwick
      Joey Whitfield, Cardiff University UCU
      Leila Mimmack, Equity Young Members Councillor
      Ross Gibson, University of Strathclyde
      Phill Wilson-Perkin, co-chair Bectu Art Technicians, London
      Isabelle Tarran, Campaigns and Activities Officer, Goldsmiths Students Union
      Leila Prasad, lecturer, Goldsmiths
      Malcolm James, University of Sussex
      Natalia Cecire, University of Sussex
      Daniel Molto, University of Sussex
      Emma Harrison, University of Sussex
      Margherita Huntley, University of the Arts London (Camberwell UCU)
      Gavin Schwartz-Leeper, Warwick University UCU Co-Chair
      Mary Wrenn, University of the West of England
      Aska Welford (United Voices of the World)
      855 Unterschriften:Nächstes Ziel: 1.000

      https://www.change.org/p/solidarity-with-roberto-mozzachiodi?recruiter=false

      #petition #UK #Goldsmiths #precarity #union_work #British_Higher_Education #fixed_term #UCU

    • #Maria_Toft, Denmark

      In #Denmark #scientists are rolling out a nationwide #petition for a commission to investigate #research_freedom

      –> https://seenthis.net/messages/1009865

      PhD student at the Department of Political Science #Maria_Toft, in addition to the mentioned petition, also started a campaign under the hashtag #pleasedontstealmywork to stop the theft of research.

      –> https://seenthis.net/messages/1009866

      The national conversation about exploitation with #pleasedontstealmywork campaign was at the cost of #Maria_Tofts Copenhagen fellowship.

      –> https://www.timeshighereducation.com/news/campaigning-doctoral-candidate-resigns-hostile-environment (access if registered)

      This article assesses the #working_conditions of #precariat_researchers in #Denmark.

      –> https://seenthis.net/messages/1009867

      Twitter link: https://twitter.com/GirrKatja/status/1640636016330432512

    • #Heike_Egner, Austria

      Unterstütze #Heike_Egner für Grundrechte von Profs

      https://youtu.be/6w-deHpsmr4

      Ich sammle Spenden für eine juristische Klärung, die zwar meine Person betrifft, jedoch weitreichende Bedeutung für Professorinnen und Professoren im deutschsprachigen Wissenschaftsbereich hat. Die Entlassung einer Professorin oder eines Professors aus einer (unbefristeten) Professur galt bis vor kurzem noch als undenkbar. Mittlerweile ist das nicht nur möglich, sondern nimmt rasant zu.

      Der Sachverhalt: Ich wurde 2018 als Universitätsprofessorin fristlos entlassen. Für mich kam das aus heiterem Himmel, da es keinerlei Vorwarnung gab. Erst vor Gericht habe ich die Gründe dafür erfahren. Der Vorwurf lautet, ich hätte Mobbing und psychische Gewalt gegen wissenschaftliche Nachwuchskräfte und andere Mitarbeiter ausgeübt. Vor Gericht zeigte sich, dass die Vorwürfe durchwegs auf von mir vorgenommene Leistungsbewertungen basieren, die von den Betreffenden als ungerecht empfunden wurden. Die Bewertung von Leistungen von Studierenden und Nachwuchswissenschaftlern gehört zu den Dienstaufgaben einer Universitätsprofessorin, ebenso wie die Evaluierung von Leistungen der Mitarbeiter jenseits der Qualifikationserfordernisse zu den Dienstaufgaben einer Institutsvorständin an einer Universität gehört.

      Mittlerweile liegt der Fall beim Obersten Gerichtshof in Österreich. Ich habe eine „außerordentliche Revision“ eingereicht, da ich der Meinung bin, dass die Art meiner Entlassung von grundlegender Bedeutung für die Arbeitsbedingungen von Professoren an Universitäten ist. Unter anderem ist folgendes zu klären:

      Darf eine Universitätsprofessorin oder ein Universitätsprofessor aufgrund von anonym vorgetragenen Vorwürfen entlassen werden?
      Darf eine Universitätsprofessorin oder ein Universitätsprofessor aufgrund von ihr oder ihm durchgeführten negativen Leistungsbewertungen entlassen werden?

      Sollte die Berufungsentscheidung rechtskräftig bleiben, ist damit legitimiert, dass eine Professorin oder ein Professor aufgrund von freihändig formulierten und anonym vorgetragenen Behauptungen jederzeit entlassen werden kann. Dies entspricht einer willkürlichen Entlassung und öffnet Missbrauch Tür und Tor, da es Universitäten ermöglicht, sich jederzeit ihrer Professoren zu entledigen. Eine Universität ist aufgrund ihrer Struktur und ihres Auftrags eine grundsätzlich spannungsgeladene Organisation; hier lassen sich jederzeit unzufriedene Studenten, Nachwuchskräfte oder Mitarbeiter finden, die eine Beschwerde äußern. Die Möglichkeit willkürlicher Entlassung steht nicht nur in Konflikt mit den Formulierungen und der Zielsetzung des Arbeitnehmerschutzes, sondern auch mit der in der Verfassung verankerten Freiheit von Wissenschaft, Forschung und Lehre.

      Wofür bitte ich um Unterstützung?
      Es ist ein ungleicher Kampf, da die Universität Steuergelder in unbegrenzter Höhe zur Verfügung hat und ich – ohne Rechtsschutzversicherung – das volle Risiko des Rechtsstreits persönlich trage. Die bisherigen Kosten des Verfahrens belaufen sich auf etwa 120.000 € (eigene Anwaltskosten und Anwaltskosten der Gegenseite). Damit sind meine Ersparnisse weitgehend aufgebraucht.

      Mein Spendenziel beträgt 80.000 €.
      Dies umfasst die etwa 60.000 € Anwaltskosten der Gegenseite, die ich aufgrund des Urteils in zweiter Instanz zu tragen habe. Die weiteren 20.000 € fließen in die Forschung über die Entlassung von Professorinnen und Professoren, die ich seit 2020 mit einer Kollegin aus privaten Mitteln betreibe.

      Publizierte Forschungsergebnisse zur Entlassung von Professorinnen und Professoren

      Egner, Heike & Anke Uhlenwinkel (2021). Entlassung und öffentliche Degradierung von Professorinnen. Eine empirische Analyse struktureller Gemeinsamkeiten anscheinend unterschiedlicher „Fälle“. Beiträge zur Hochschulforschung, 43(1-2), 62–84. Download PDF
      Egner, Heike & Anke Uhlenwinkel (2021). Zur Rechtsstaatlichkeit universitätsinterner Verfahren bei Entlassung oder öffentlicher Degradierung von Professor*innen. Ordnung der Wissenschaft, 3(3), 173–184. Download PDF
      Egner, Heike & Anke Uhlenwinkel (2023). Über Schwierigkeiten der betriebsrätlichen Vertretung von Professor(innen). Zeitschrift für Hochschulrecht(22), 57–64.
      Egner, Heike & Anke Uhlenwinkel (2023). Zertifikat als Grundrecht? Über Leistungsansprüche und -erwartungen im Kontext struktureller Veränderungen an Universitäten. Hochschulwesen(1+2), 28–43.

      https://www.gofundme.com/f/fur-grundrechte-von-professoren

      Aus dem Video: Rektor hat Betriebsratsvorsitzenden aufgetragen gezielt belastbares Material in Schriftform gegen Heike Enger zu sammeln. Betreibsrat kam Auffroderung bereiwilling nach und sprach gezielt Mitarbeitende an und bat sie aufzuschreiben, worüber sie sich geärgert haben und dies auszuhändigen. Zeuge der Universität hat dieses Vorgehen vor Gericht vorgetragen.

      #academia #university #Austria #Klagenfurt #professor #dismissal #arbitrary #publications #lawsuit #evaluation #scientific_freedom

    • #Susanne_Täuber, Netherlands

      Reinstate #Susanne_Täuber, protect social safety and academic freedom at the RUG

      10 March 2023

      To prof. Jouke de Vries, President, and members of the Board of the University of Groningen,

      We, the undersigned employees and students of the University of Groningen (UG), joined by concerned observers and colleagues at institutions around the world, are appalled at the firing of Dr. Susanne Täuber. The facts of this case are clear: Dr. Täuber was punished for exerting her academic freedom. The same court that allowed the UG to fire her also made it clear that it was the university’s negative reaction to an essay about her experiences of gender discrimination at the university that “seriously disturbed” their work relationship. Alarming details have also been made public about how the university pressured Dr. Täuber to censor future publications, in order to retain her position.

      The protest in front of the Academy Building on 8 March, International Women’s Day, and the continuing press attention and social media outcry, demonstrate that this case has consequences far beyond one university. Firing a scholar who publishes work that is critical of powerful institutions, including the university itself, sets a disturbing precedent for us all. We, the employees and students, ARE the UG, and we refuse to let this act be carried out in our names. We call on the University Board to reinstate Dr. Täuber, without delay, as an associate professor, and to ensure that she is provided with a safe working environment.

      The firing of Dr. Täuber has surfaced structural problems that necessitate immediate action by the University Board and all UG faculties. It is unacceptable that when a “disrupted employment relationship” emerges within a department, the more vulnerable person is fired. This points to a broader pattern at Dutch universities, as evidenced by the YAG Report (2021), the LNVH Report (2019), and other recent cases: in cases of transgressive behavior, Full Professors, Principal Investigators (PIs), and managers are protected, while employees of lower rank, or students, bear the consequences. If we are to continue performing our education and research mission, then this practice must be reformed, and the University of Groningen has an opportunity to lead here. We call on the University Board to work with labor unions, the LNVH, the University Council, and Faculty Councils to design and implement a safe, independent procedure for addressing violations of social safety: one that prioritizes the protection and support of vulnerable parties.

      Internal reforms will help ensure the safety of students and employees, but they will not repair the damage these events have caused to the reputation of the University of Groningen. The termination of a scholar who publishes field-leading research that is critical of academia has triggered doubts among employees, students, and the public about the UG’s commitment to academic freedom. This action is already raising concerns from talented job candidates, and we fear a chilling effect on critical research at the UG and beyond. We call on the University of Groningen, in partnership with the Universities of the Netherlands (UNL), the Ministry of Education, and the labor unions, to enshrine protections for academic freedom in the Collective Labor Agreement.

      Reinstate Dr. Täuber, reform complaint procedures, and establish binding protections for academic freedom. The relationship between the University of Groningen and the people it employs, teaches, and serves has been severely disrupted in the past weeks, but that relationship can be repaired if the Board begins taking these actions today.

      Sincerely,

      References:
      Leidse hoogleraar ging ‘meerdere jaren’ in de fout. (2022, October 25). NRC. https://www.nrc.nl/nieuws/2022/10/25/leidse-hoogleraar-ging-meerdere-jaren-in-de-fout-a4146291

      LNVH. (2019). Harassment in Dutch academia. Exploring manifestations, facilitating factors, effects and solutions. https://www.lnvh.nl/a-3078/harassment-in-dutch-academia.-exploring-manifestations-facilitating-factors-eff.

      Täuber, S. (2020). Undoing Gender in Academia: Personal Reflections on Equal Opportunity Schemes. Journal of Management Studies, 57(8), 1718–1724. https://doi.org/10.1111/joms.12516

      Upton, B. (2023, March 8). Court rules Groningen is free to fire critical lecturer. Times Higher Education (THE). https://www.timeshighereducation.com/news/court-rules-groningen-free-fire-critical-lecturer

      Veldhuis, P., & Marée, K. (2023, March 8). Groningse universiteit mag kritische docent ontslaan. NRC. https://www.nrc.nl/nieuws/2023/03/08/groningse-universiteit-mag-kritische-docent-ontslaan-a4158914

      Young Academy Groningen. (2021). Harassment at the University of Groningen. https://www.rug.nl/news/2021/10/young-academy-groningen-publishes-report-on-harassment-in-academia

      https://openletter.earth/reinstate-susanne-tauber-protect-social-safety-and-academic-freedom-at

      The article:

      Täuber, S. (2020) ‘Undoing Gender in Academia: Personal Reflections on Equal Opportunity Schemes’, Journal of Management Studies, 57(8), pp. 1718–1724.

      –> https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/joms.12516

  • Markdown & vous – Publication de livres en toute simplicité
    https://e-publish.uliege.be/md

    Avec le numérique et ce qu’il peut nous offrir mais aussi ce qu’il a tendance à nous imposer, il devient nécessaire de s’arrêter un moment. Ce manuel est consacrés à l’écriture académique avec Markdown et Pandoc.

    À la fois plaidoyer pour l’écriture numérique ouverte et introduction à Markdown et à Pandoc, il propose une réflexion sur nos outils et méthodes d’écriture académique. Il n’en est pas pour autant limité aux seuls débutants. L’idée est de revenir aux fondamentaux et donc de ne pas essayer de reproduire coûte que coûte tout ce qui est possible avec un traitement de texte classique (dont on peut se passer).

    L’objectif de ce manuel est d’expliquer pourquoi il est possible de changer ses habitudes pour rédiger, structurer ses idées, produire des documents de qualité et de montrer ce qui est possible avec Markdown au travers de quelques méthodes.

  • Faut-il bannir ChatGPT du monde de la recherche ? - Educpros
    https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/faut-il-bannir-chatgpt-du-monde-de-la-recherche.html

    ChatGPT : allié ou ennemi des chercheurs ? La réponse n’est pas si manichéenne. Un modèle de langue peut rendre certaines tâches plus simples, tant qu’il est utilisé comme une source d’aide perfectible. Les chercheurs vont-ils un jour utiliser ChatGPT comme appui à la rédaction de leurs travaux et articles de recherche ?

    Le 16 décembre 2022, la revue Nurse Education in Practice publie un article sur son site. En apparence rien d’anormal, l’article traite de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les études en soins infirmiers. Pourtant aux côtés du nom de la chercheuse britannique Siobhan O’Connor, apparaît celui de ChatGPT. Que fait-il ici  ? « L’utilisation de cet outil par un chercheur ou une chercheuse n’est pas différente de celle d’une autre personne : paraphraser, traduire, résumer… », annonce Teven Le Scao, chercheur au Loria et chez Hugging Face, spécialisé en modèle de langue.

    « Si on demande à ChatGPT de rédiger un article de recherche, il pourrait le faire de façon convaincante », assure Teven Le Scao. Une aubaine pour une personne peu honnête dans un monde aussi compétitif que celui de la recherche. « Il y a une crainte qu’il y ait énormément de papiers générés : pour avoir plus de citations ou simplement pour s’amuser à voir si un tel article pourrait être publié », convient Rachel Bawden, chercheuse à Inria spécialisée dans le traitement automatique des langues.

    L’irruption de ChatGPT bouscule les usages du monde enseignant
    L’usage de ChatGPT, contraire aux principes de publication de recherche

    Or cela est contraire aux principes derrière une publication. « Cela pose des problèmes de fiabilité des arguments avancés et de réplicabilité des résultats », prévient Dominique Boullier, professeur de sociologie à Science po Paris et spécialiste des usages du numérique.

    Si on demande à ChatGPT de rédiger un article de recherche, il pourrait le faire de façon convaincante. (T. Le Scao, chercheur)

    Faut-il pour autant le bannir en prévision de telles dérives  ? Déjà, cela s’avèrerait très difficile. Il faudrait alors être en mesure d’identifier avec certitude qu’un texte a été produit par un modèle de langue. Or, les outils actuels ne sont pas toujours en mesure de trouver l’auteur d’un texte – surtout s’il a été par la suite modifié par un humain.

    Mais surtout, ce serait occulter l’aide qu’il peut apporter. « C’est par exemple un outil intéressant pour les non-anglophones, soutient Rachel Bawden. Pour un anglophone natif, il est souvent très facile de reconnaître que l’article n’a pas été écrit par un anglophone. Or un anglais de mauvaise qualité peut diminuer l’impact du travail de recherche, surtout s’il rend l’article difficile à comprendre. »

    Les modèles de langues peuvent donc aider des chercheurs dans leur rédaction en langue anglaise. Ces modèles peuvent générer un code informatique, reformuler un passage, trouver un titre ou rédiger un abstract de façon convaincante. Dans une pré-publication déposée sur le site bioRXiv, la chercheuse Catherine Gao de l’université Northwestern et ses collègues ont généré les abstracts de 50 articles de recherche avec ChatGPT et ont demandé à des chercheurs et chercheuses de les retrouver. Dans 32% des cas, la patte de l’IA n’a pas été reconnue.

    Demain, tous formés dans le métavers  ?
    Utiliser ChatGPT en connaissance de ses limites

    Une pratique honnête tient aussi à l’utiliser en toute connaissance de ses limites. Même si ce qu’écrit ce chatbot ressemble à un texte « humain », il y a un risque que des erreurs se glissent dans ses lignes. Il a tendance à mélanger des citations, à renvoyer des choses fausses, à ne pas citer ses sources et, quand il le fait, à inventer des références ou des auteurs.

    Il est important de savoir faire les choses mieux que la machine, ainsi on peut l’utiliser et détecter la moindre erreur. (R. Bawden, Inria)

    « Il est important de savoir faire les choses mieux que la machine, ainsi on peut l’utiliser et détecter la moindre erreur », prévient Rachel Bawden. Il ne faut pas se reposer sur l’aspect convaincant, et au contraire privilégier son esprit critique. « Les chercheurs et chercheuses sont formés à ne pas faire de raccourci quand ils doivent trouver une réponse. Or la génération de texte tend à favoriser les réflexions courtes et rapides pour obtenir cette réponse », analyse Dominique Boullier. « Si ces outils s’améliorent dans le futur, cela peut poser des problèmes pour notre capacité à raisonner », ajoute Rachel Bawden.
    Une vigilance sur la collecte de données de recherche

    Une autre vigilance à garder en tête : celle des données récoltées. « Comme ce qui se passe pour les réseaux sociaux, nous contribuons à entraîner ces modèles », prévient Dominique Boullier. Or, quand certaines données sont sensibles, il serait bon qu’elles ne soient pas collectées. Cette petite révolution des chatbots oblige en tout cas les acteurs du monde de la recherche à fournir leurs directives d’utilisation.

    L’Association de Linguistique Computationnelle (Association for Computational Linguistics, ACL), qui organise des conférences, déconseille de s’aider d’un modèle de langue pour un nouveau texte sur de nouvelles idées. Également, au mois de janvier la revue Nature s’est positionnée : l’utilisation de ChatGPT n’est pas prohibée, elle doit être mentionnée mais pas parmi les auteur(e)s. « Cette recommandation est naturelle : l’auteur doit endosser la responsabilité et pouvoir être contacté. ChatGPT ne répond pas à ces critères », justifie Teven Le Scao.

    Pour l’instant, ChatGPT reste marginal dans le monde de la recherche. Comme le souligne Rachel Bawden : « Je ne crois pas avoir rencontré un article écrit avec ce chatbot. Mais si c’était le cas, je regarderais sûrement les références plus en détail. Même si s’aider de ChatGPT ne me pose pas de problème, je me méfierais certainement un peu plus. »

    Charlotte Mauger | Publié le 03.04.2023 à 14H00

    #ChatGPT #Recherche #Publications_scientifiques

  • The Perth dog that’s probably smarter than you | PerthNow
    https://www.perthnow.com.au/news/wa/the-perth-dog-thats-probably-smarter-than-you-ng-a4de0d201ce420e0302c69

    Quand un chercheur fait inscrire son chien dans le conseil scientifique de revues scientifiques voyous ("predatory")

    MOVE aside quokkas and black swans, Perth is now home to the world’s smartest dog, at least on paper.

    Local “academic” Dr Olivia Doll — also known as Staffordshire terrier Ollie — sits on the editorial boards of seven international medical journals and has just been asked to review a research paper on the management of tumours.

    Her impressive curriculum vitae lists her current role as senior lecturer at the Subiaco College of Veterinary Science and past associate of the Shenton Park Institute for Canine Refuge Studies — which is code for her earlier life in the dog refuge.

    Ollie’s owner, veteran public health expert Mike Daube, decided to test how carefully some journals scrutinised their editorial reviewers, by inventing Dr Doll and making up her credentials.

    The five-year-old pooch has managed to dupe a range of publications specialising in drug abuse, psychiatry and respiratory medicine into appointing her to their editorial boards.

    Dr Doll has even been fast-tracked to the position of associate editor of the Global Journal of Addiction and Rehabilitation Medicine.

    Several journals have published on their websites a supplied photo of Dr Doll, which is actually of a bespectacled Kylie Minogue.

    Professor Daube said none of them smelt a rat, despite Dr Doll’s listed research interests in “the benefits of abdominal massage for medium-sized canines” and “the role of domestic canines in promoting optimal mental health in ageing males”.

    Today Ollie is being featured in a more reputable publication, the Medical Journal of Australia’s Insight magazine, which is looking at the surge in journals which charge desperate would-be researchers up to $3000 to get their studies published.

    “While this started as something lighthearted, I think it is important to expose shams of this kind which prey on the gullible, especially young or naive academics and those from developing countries,” Professor Daube said.

    He said the authors would be gutted to know their papers were being reviewed by a dog, who often needed to be offered a treat before she dragged herself in front of the laptop. “It gives all researchers paws for thought,” Professor Daube said.

    Dr Doll refused to comment unless she was taken for walkies.

    #Publications_scientifiques #Revues_scientifiques #Au_voleurs

  • Une Bd sur un Écolieu
    https://ecovillageglobal.fr/22248

    Projet : Dans la forêt de Réno-Valdieu, en plein cœur du Perche, une bande d’utopistes s’est installée avec l’envie de célébrer le vivant et de s’émanciper petit à petit du système en place. Dans ce lieu collectif, on a rêvé d’un laboratoire d’avenirs et de présents désirables. Après un an et demi, le projet a évolué... et a finalement pris fin. Mais que s’est-il passé durant toute cette période ? Quels apprentissages garder de cette aventure ? C’est avec la volonté de partager cette histoire, mes questionnements et nos outils que j’ai écrit cette BD. - Plus d’info et contact : https://ecovillageglobal.fr/22248 Rubriques : #Contacts_et_Echanges / #Publications / (...)

    #Manche

  • The giant plan to track diversity in research journals
    https://www.nature.com/articles/d41586-022-00426-7

    In the next year, researchers should expect to face a sensitive set of questions whenever they send their papers to journals, and when they review or edit manuscripts. More than 50 publishers representing over 15,000 journals globally are preparing to ask scientists about their race or ethnicity — as well as their gender — in an initiative that’s part of a growing effort to analyse researcher diversity around the world. Publishers say that this information, gathered and stored securely, will help to analyse who is represented in journals, and to identify whether there are biases in editing or review that sway which findings get published. Pilot testing suggests that many scientists support the idea, although not all.

    The effort comes amid a push for a wider acknowledgement of racism and structural racism in science and publishing — and the need to gather more information about it.

  • Antivax - Les marchands de doute

    Comment se propagent le refus de la vaccination contre le Covid-19 et les théories aussi fantaisistes que complotistes qui l’accompagnent ? Une incursion éclairante au coeur de la galaxie antivax, auprès de ses adeptes et de ses réseaux d’influence.

    Alors que se déroule la plus grande campagne de vaccination de l’histoire, la contestation enfle partout dans le monde. Suscitant espoir mais aussi crainte et colère, les injections anti-Covid fracturent l’opinion. Victime de ses succès, qui rendent le danger moins tangible, critiquée pour ses effets secondaires, la vaccination, qui engage de manière intime la confiance des citoyens dans les institutions, s’est toujours attiré des adversaires. Reste que le mouvement antivax, ultraminoritaire, mais très actif, prospère aussi sous l’influence de personnalités parfaitement intéressées à qui la pandémie actuelle offre un tremplin. Figure de proue du mouvement, Andrew Wakefield, un gastro-entérologue britannique radié en 2010, s’est fait connaître par une étude frauduleuse, publiée dans « The Lancet » en 1998, établissant un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole) et l’autisme. Le scandale qui a suivi va paradoxalement lui donner des ailes. Il quitte l’Angleterre pour les États-Unis, où il monte un business en exploitant les peurs liées à la vaccination. Aujourd’hui, Wakefield, devenu prospère jet-setteur, et ses pairs, comme le producteur Del Bigtree, surfent sur l’épidémie de Covid-19 et sèment la désinformation en propageant des théories complotistes sur les réseaux sociaux afin de faire basculer les hésitants dans le camp de l’opposition vaccinale systématique.

    Propagande et récupération
    Cette enquête au cœur du mouvement antivax, tournée entre les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, lève le voile sur le commerce lucratif de traitements alternatifs dangereux, des levées de fonds au profit de causes douteuses, une redoutable machine de propagande et des partis extrémistes en embuscade. Un aréopage de scientifiques, lanceurs d’alerte ou journalistes, parmi lesquels Fiona Godlee, la rédactrice en chef du "British Medical Journal "qui a révélé l’imposture de Wakefield, apporte un regard critique sur ce mouvement. Le film fait aussi entendre les doutes de ceux qui, sans être complotistes, rejettent les vaccins, les accusant de causer plus de dommages qu’ils ne permettent d’en éviter, avec, en contrepoint, le témoignage d’une jeune femme restée paraplégique après une rougeole contre laquelle elle n’avait pas été vaccinée. Sans exprimer de ressentiment vis-à-vis de ses parents, elle indique néanmoins que « c’est trop bête de laisser le hasard choisir quand il y a des solutions ».

    https://www.arte.tv/fr/videos/103025-000-A/antivax-les-marchands-de-doute

    signalé aussi par @odilon ici :
    https://seenthis.net/messages/940747

    #vaccinations #vaccins #vaccin #anti-vax #anti-vaxx #doutes #confiance #Andew_Wakefield #publications_scientifiques #édition_scientifique #business #manipulation #The_Lancet #Thoughtful_house #Jane_Johnson #Lisa_Selz #Strategic_Autism_Initiative #Mark_Geier #sentiments #émotions #autisme #Andew_Hall_Cutler #Mark_Grenon #Jenny_McCarthy #Robert_De_Niro #Vaxxed #Donald_Trump #Trump #rougeole #Ardèche #Evee #justiceforevee #multi-level_marketing #Elle_Macpherson #Ethan_Lindenburger #Facebook #réseaux_sociaux #complotisme #Querdenke #liberté #Louis_Fouché #Réinfocovid #Les_Patriotes #extrême_droite #Florian_Philippot

  • Brochure : « Sans droit ni titre, vraiment ? »
    https://fr.squat.net/2022/01/31/brochure-sans-droit-ni-titre-vraiment

    Sans droit ni titre, vraiment ? Auto-formation juridique sur le squat en France et ressources pour un vrai droit au logement pour toutes Guide d’auto-formation juridique sur le squat en France, étape par étape. « Nous occupons des logements vides, nous ne payons pas de loyer, nous habitons des lieux dans lesquels nous construisons nos histoires. […]

    #lois #publication

  • Le site pirate #Sci-Hub : menace ou bénédiction pour la science ?
    https://actualitte.com/article/104041/legislation/le-site-pirate-sci-hub-menace-ou-benediction-pour-la-science

    Le site pirate Sci-Hub : menace ou bénédiction pour la science ?

    Vit-on les derniers instants du site Sci-Hub ? Un procès est en tout cas engagé par Elsevier et d’autres éditeurs universitaires en Inde pour permettre de bloquer enfin le site pirate. Ces entreprises considèrent le site Sci-Hub comme une menace majeure pour la science, par corollaire, leur propre industrie florissante. Un avis que ne partage pas la fondatrice du site, Alexandra Elbakyan, pour qui les éditeurs sont la véritable menace pour le progrès de la science, décidant ainsi de contre-attaquer.

    #open_source

  • #Publications_scientifiques : à Lille comme ailleurs on paie le prix fort

    Trois millions d’euros. C’est le coût de l’#abonnement annuel aux #revues_scientifiques, rien que pour l’#Université_de_Lille. C’est dans ces revues, aux mains de « grands éditeurs », que sont publiés les travaux des chercheurs des universités ou des laboratoires. Un système que beaucoup d’universités qualifient de « monopolistique ». À Lille comme ailleurs, on tente de faire émerger des solutions.

    (#paywall)
    https://www.lavoixdunord.fr/1120519/article/2021-12-29/publications-scientifiques-lille-comme-ailleurs-paie-le-prix-fort

    #édition_scientifique #prix #université #facs

  • Brochure : « Toutes les portes s’ouvrent – Quelques techniques de squatteur·euses pour venir à bout des serrures »
    https://fr.squat.net/2021/11/05/brochure-toutes-les-portes-s-ouvrent

    « Il y a plein de raisons de vouloir ouvrir une porte fermée, mais cette brochure a été pensée pour des ouvertures de squats ». Voici donc quelques techniques de squatteur·euses pour venir à bout des serrures. Sommaire : – De la porte au squat – Anatomie d’une serrure – Les techniques pour en venir à bout […]

    #ouverture #publication

  • Brochure : « Comment accéder à un logement, à #Grenoble, en 2021 »
    https://fr.squat.net/2021/08/07/brochure-comment-acceder-a-un-logement-a-grenoble-en-2021

    Avoir un logement social, c’est toute une galère, et dans cette brochure on essaye d’y voir un peu plus clair, que ce soit des prérequis nécessaires quand on est SDF, ou voir des recours juridiques possibles quand ça avance pas. Cette brochure a été écrite grâce à mon vécu, celui de potes et aussi grâce […]

    #logements_sociaux #publication

  • Sciences : le déclin français s’accentue

    La #géopolitique de la science annonce souvent la géopolitique de demain. Il est donc utile de se plonger dans le dernier #rapport de l’#Observatoire_des_sciences_et_des_techniques. Il nous dit vers quoi le monde tend. Et permet aussi de dresser un bilan en un seul mot des politiques menées par Jacques #Chirac, Nicolas #Sarkozy et François #Hollande en (dé)faveur de la #recherche_scientifique publique : catastrophique.

    L’OST a donc publié, avant-hier, un rapport sur « La position scientifique de la France », fondé sur des chiffres couvrant la période 2005 à 2018. En quelques graphiques, commentés, il permet d’aller à l’essentiel.

    Un, le rouleau compresseur chinois (aidé par la Corée du Sud, l’Inde, le Brésil et l’Iran) fait reculer fortement la domination américano-européenne (plus le Japon) qui a marqué la #science_mondiale de la seconde moitié du 20ème siècle. Deux : les trois pays qui reculent le plus dans cette compétition sont le #Japon, la France et les #Etats-Unis. Trois : dans le cas de la France, le déclin annoncé par les contestataires des #réformes de la recherche scientifique publique des trois derniers quinquennats (pour Macron, il a continué dans la même ligne, mais les chiffres en seront connus plus tard) s’est produit.

    En 2018, les États-Unis, avec 19%, sont devancés par la Chine dont la part mondiale atteint 20 %. Suivent le Royaume-Uni (4,5 %), l’Allemagne (4,3 %), le Japon (3,9 %), l’Inde (3,8 %), l’Italie (3,0 %), la Corée du Sud (2,9 %) et la France (2,8 %).

    En 2018, j’avais souligné la vigoureuse « remontada » de la Chine, partie des tréfonds du classement mondial à la fin des années 1980. Et Le Monde avait fait sa Une avec mon article. Le mouvement ne s’est pas ralenti, et la Chine a dépassé les Etats-Unis en nombre d’#articles publiés bien avant ce qui avait été anticipé par les observateurs de la géopolitique de la science.

    pas jusqu’au ciel

    Mais, ronchonnerait un sceptique… et la qualité ? De la science. Eh bien, elle monte, elle monte. Pas jusqu’au ciel, mais…. au dessus de celle de la France. C’est ce qu’indique le graphique suivant qui montre les parts mondiales du top du top, les articles faisant partie du club très sélect du 1% des plus cités par les autres chercheurs après leur parution. Et dans ce 1%, si les Etats-Unis sont toujours en première place, ils sont désormais talonnés par une Chine qui augmente sa part à une vitesse sidérante.

    D’ailleurs, si l’on mesure cette qualité non par les articles les plus cités mais par le nombre de citations de l’ensemble des publications, la Chine est désormais au niveau de la moyenne mondiale, après une remontée aussi spectaculaire que celle de la quantité de sa production. Et si les Etats-Unis ont un impact supérieur de 25% à la moyenne mondiale, celui des publications chinoises était en 2017 au même niveau que celui de l’Allemagne, et un peu supérieur à celui de la France.

    Le déclin de la France

    La France recule. C’est incontestable. Les chiffres sont là. On peut toujours pinailler, contester la mesure, souligner qu’elle ne dit pas tout. Après tout, le champion toutes catégories du nombre d’articles publiés… c’est Didier Raoult, l’homme aux milliers d’articles la plupart publiés dans des revues qu’il contrôle et d’un intérêt scientifique médiocre.

    Les critiques de l’analyse bibliométrique comme mesure de la qualité de la science produite tant au plan individuel que collectif sont nombreuses et tout à fait bienvenues. La montée en puissance des pays émergents et surtout de la Chine va dans le sens de l’histoire et la fin de l’hégémonie de la triade USA/Europe/Japon sur la production de sciences est tout à la fois inéluctable et un moyen de rééquilibrer les puissances technologiques au niveau des démographies.

    Mais l’ironie de l’affaire est que c’est justement au nom d’une mesure de l’efficacité d’un système de recherche par une #bibliométrie simpliste, voire bête et méchante (si bête qu’elle calcule que Didier Raoult vaut deux fois Albert Einstein… ), que les pouvoirs politiques de droite et socialiste ont imposé les réformes des 15 dernières années. Du coup, au nom de quoi pourraient-ils maintenant prétendre à l’erreur de mesure, lorsqu’elle leur dit « vous avez eu tout faux ! »

    #Démissions massives

    Ce constat ne peut éluder les responsabilités de tous les gouvernements qui, depuis l’élection de Jacques Chirac en 2002, ont prétendu agir de manière vigoureuse pour réformer le système public de recherche au nom de l’#efficacité. Vigoureuse au point de susciter des contestations parfois spectaculaires – rappelez-vous la démissions massive des directeurs de laboratoires en 2004, ou les manifestations et grèves des universitaires en 2009 pour protester contre les réformes de Nicolas Sarkozy. Quant à François Hollande, après avoir beaucoup promis en 2012, il a beaucoup déçu de 2012 à 2017.

    Quant à la ministre d’Emmanuel Macron, Frédérique Vidal, elle fait autre chose que des provocations sur l’islamo-gauchisme qui ravagerait nos Universités. Elle poursuit la même politique. Médiocrement lorsqu’elle ment à nos parlementaires en prétendant que nos biologistes disposent des cryo-microscopes avec lesquels on peu élucider la structure en 3D du Sars-Cov-2 alors qu’ils les réclament en vain depuis des années. Et plus encore avec la loi sur la recherche dont on peut lire ici la colère qu’elle a soulevée.

    Le rapport de l’OST ne dit rien des causes de ce déclin. Dommage. Il agite le moindre insuccès des publications sortant des laboratoires… qui ont gagné les compétitions incessantes pour l’accès aux crédits. Constater que ceux qui sont mieux financés que d’autres produisent plus est pour le moins trivial. Il est certain qu’un athlète bien nourri court plus vite qu’un affamé. Ce rapport sonnera t-il le tocsin, alors que la biologie française a très peu contribuée à l’analyse du coronavirus et échoué à produire un vaccin ?

    https://www.lemonde.fr/blog/huet/2021/02/25/sciences-le-declin-francais
    #science #France #déclin #recherche #université #facs #Chine #chiffres #statistiques #publications #publications_scientifiques

    • #StartUp_Nation : le modèle qui prédomine chez est le modèle américain. Former des chercheurs coute cher en effort de formation. Donc, l’idée est de garder le pognon pour débaucher les chercheurs déjà opérationnels formés à la charge des autres pays.

      Quant au modèle éducatif interne : en avoir selon ses moyens et obtenir une classe éduquée endettée, donc moins encline à faire chier et plus prompte à obéir.

      Est-ce que c’est tenable au long terme ? Non. Surtout si les pays pourvoyeurs se mettent à faire la même chose.

  • Research ethics: a profile of retractions from world class universities

    This study aims to profile the scientific retractions published in journals indexed in the Web of Science database from 2010 to 2019, from researchers at the top 20 World Class Universities according to the Times Higher Education global ranking of 2020. Descriptive statistics, Pearson’s correlation coefficient, and simple linear regression were used to analyze the data. Of the 330 analyzed retractions, #Harvard_University had the highest number of retractions and the main reason for retraction was data results. We conclude that the universities with a higher ranking tend to have a lower rate of retraction.

    https://link.springer.com/article/10.1007/s11192-021-03987-y

    #rétraction #invalidation #articles #édition_scientifique #publications #recherche #université #science #ranking #rétractions_scientifiques #articles_scientifiques #universités_classées #statistiques #chiffres #Harvard #honnêteté #excellence #classement

    ping @_kg_

    • Retracted Science and the Retraction Index

      Articles may be retracted when their findings are no longer considered trustworthy due to scientific misconduct or error, they plagiarize previously published work, or they are found to violate ethical guidelines. Using a novel measure that we call the “retraction index,” we found that the frequency of retraction varies among journals and shows a strong correlation with the journal impact factor. Although retractions are relatively rare, the retraction process is essential for correcting the literature and maintaining trust in the scientific process.

      https://journals.asm.org/doi/full/10.1128/IAI.05661-11

    • Knowledge, Normativity and Power in Academia
      Critical Interventions

      Despite its capacity to produce knowledge that can directly influence policy and affect social change, academia is still often viewed as a stereotypical ivory tower, detached from the tumult of daily life. Knowledge, Normativity, and Power in Academia argues that, in our current moment of historic global unrest, the fruits of the academy need to be examined more closely than ever. This collection pinpoints the connections among researchers, activists, and artists, arguing that—despite what we might think—the knowledge produced in universities and the processes that ignite social transformation are inextricably intertwined. Knowledge, Normativity, and Power in Academia provides analysis from both inside and outside the academy to show how this seemingly staid locale can still provide space for critique and resistance.

      https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/distributed/K/bo33910160.html

      ...written by Cluster of Excellence employees on Academic Excellence —> Based on: Conference “The Power of/in Academia: Critical Interventions in Knowledge Production and Society”, Cluster of Excellence, The Formation of Normative Orders, Goethe University Frankfurt

  • Tribune de l’#Observatoire_du_décolonialisme
    –-> observatoire déjà signalé ici :
    https://seenthis.net/messages/901103
    https://seenthis.net/messages/905509

    « #Décolonialisme et #idéologies_identitaires représentent un quart de la #recherche en #sciences_humaines aujourd’hui »

    Les tenants du décolonialisme et des idéologies identitaires minimisent ou nient leur existence. La montée en puissance de ces #idéologies dans la recherche est pourtant flagrante et on peut la mesurer, démontrent les trois universitaires.

    Dans les débats sur le terme d’#islamo-gauchisme, beaucoup ont prétendu qu’il n’existait pas, puisque ni les islamistes ni les gauchistes n’emploient ce terme. De même, dans de multiples tribunes et émissions, les tenants du décolonialisme et des idéologies identitaires minimisent ou nient leur existence en produisant des chiffres infimes et en soulignant qu’il n’existe pas de postes dont l’intitulé comprend le mot décolonialisme. À ce jeu-là, un essai intitulé « Les Blancs, Les Juifs et nous » [nom du livre de Houria Bouteldjane, porte-parole du Parti des Indigènes de la République, NDLR] ne serait évidemment pas #décolonial, puisqu’il n’y a pas le mot « décolonial » dedans.

    Parler de « décolonialisme », ce n’est donc pas s’intéresser au mot « décolonial » mais aux notions qui le structurent dont le vocabulaire est un reflet, mais pas seulement. La rhétorique, la syntaxe, la stylistique : tout participe à un ensemble qui détermine le caractère d’un écrit. Par exemple, « pertinent » est un adjectif qui nous sert à caractériser un essai. On dit par exemple d’un article qu’il est « pertinent » - Mais le mot « pertinent », c’est nous qui l’employons. Il n’est pas présent dans le texte évalué. C’est le propre du jugement de dégager une idée synthétique à partir des mots exprimés.

    Mais soit, faisons le pari des mots et jouons le jeu qui consiste à croire que les #mots disent le contenu. Mais alors : de tous les mots. Et pas seulement de ceux que l’on nous impose dans un débat devenu byzantin où un chef d’entreprise-chercheur nous explique que tout ça est un micro-phénomène de la recherche qui n’a aucun intérêt, que le mot ne pèse que 0,001% de la recherche en sciences humaines et où, par un psittacisme remarquable, on en vient presque à prouver que la sociologie elle-même ne publie rien.

    Partons simplement d’un constat lexical : sous le décolonialisme tel que nous pensons qu’il s’exprime en France dans l’université au XXIe siècle, nous trouvons les idées qui « déconstruisent » les sciences - la #race, le #genre, l’#intersectionnalité, l’#islamophobie, le #racisme. Que ces mots occupent les chercheurs avec des grilles de lecture nouvelles, tantôt pour les critiquer tantôt pour les étayer et que ces mots - dans le domaine bien précis des Lettres - occupent une place qu’ils n’occupaient pas autrefois - ce qui dénote une évolution de la discipline.

    Dans un premier temps, nous nous intéresserons au fonctionnement des #blogs à visée scientifique, dont nous pensons qu’ils constituent un lieu de la littérature marginale scientifique. Puis dans un second temps, à la #production_scientifique au prisme des #publications présentes à travers les revues et les livres. On s’intéressera en particulier à l’#OpenEdition parce que c’est précisément un lieu-outil où la recherche se présente aux instances gouvernantes comme un mètre-étalon des livrables de la recherche.

    Notre vocabulaire réunit quelques mots identifiés comme représentatifs des thématiques décoloniales et intersectionnelles, sans préjuger du positionnemenent de l’auteur soit pour ou contre (décolonial, #postcolonial, #discriminations, race(s), genre(s), racisme(s), intersectionnalité et synonymes). Il nous suffit d’acter que le sujet occupe une place plus ou moins importante dans le débat.

    Sur OpenEdition, réduit à la part des blogs (Hypotheses) et événements annoncés (Calenda) : une recherche « courte » sur « genre, race et intersectionnalité » donne près de 37578 résultats sur 490078 (au 20 mars 2021) soit 7% de la recherche globale. Ce qui à première vue semble peu. Une recherche étendue sur « racisme et #discrimination » présente d’ailleurs une faible augmentation avec 32695 occurrences sur 39064 titres, soit 8% des objets décrits sur la plateforme.

    Toutefois, si on s’intéresse à la période 1970-2000, le nombre de résultats pour le motif « racisme discrimination » est de 9 occurrences sur 742 documents soit à peine 1% des objets d’études. En 20 ans, la part représentée par des sujets liés à ces mots-clés a donc été multipliée par 7.

    À ce volume, il faut maintenant ajouter les recherches sur « décolonial ». Le mot est totalement absent de la recherche avant 2001, comme le mot « #islamophobie ». Le mot « #post-colonial », c’est 76 documents. Après 2002, le mot « décolonial » pèse 774 tokens ; « post-colonial » (et son homographe « postcolonial »), c’est 58669 ; islamophobie : 487. Au total, ces mots comptent donc au 20 mars 59930 occurrences et représentent 12% des blogs et annonces de recherche. Maintenant, si nous prenons l’ensemble des mots du vocabulaire, ils représentent 89469 documents soit 20% des préoccupations des Blogs.

    Si maintenant, on s’intéresse à la production scientifique elle-même représentée par des articles ou des livres : une recherche sur « racisme genre race intersectionnalité discrimination » renvoie 177395 occurrences sur 520800 documents (au 20 mars), soit 34% des documents recensés.

    Le rapport entre le volume de résultats montre que la part d’étude sur « racisme et discrimination » ne pèse en fait que 43962 documents (au 20 mars), soit 9% de la recherche globale mais 25% des résultats du panel. Si nous réduisons la recherche à « genre, race et intersectionnalité », on trouve en revanche 162188 documents soit 31% du volume global - un tiers - mais 75% du panel.

    Cet aperçu montre à quel point ces objets occupent une place importante dans les publications, sans préjuger de l’orientation des auteurs sur ces sujets : critiques ou descriptifs. Simplement on montre ici que les préoccupations pressenties par l’Observatoire du Décolonialisme et des idéologies identitaires ne sont pas vaines.

    À titre de comparaison, pour toute la période 1970-2021, la recherche sur « syntaxe et sémantique » c’est 55356/520849 items, soit 10% de la recherche pour une thématique qui représente 48% des enjeux de recherches en linguistique qui elle-même ne pèse que 115111 items en base toute sous-discipline confondue, soit 22% de la recherche (22% qui peuvent parfaitement créer une intersection avec l’ensemble de la recherche décoloniale comme par exemple cet article : « Quelle place occupent les femmes dans les sources cunéiformes de la pratique ? » où l’on identifie les tokens linguistiques comme « écriture cunéiforme » et des tokens intersectionnels dans le sommaire : « De l’histoire de la femme à l’histoire du genre en assyriologie » ).

    Maintenant, si on reprend ces mêmes motifs de recherche globaux appliqués aux seuls revues et livres, on réalise que le total de publications sur ces sujets est de 262618 sur 520809 (au 20 mars) soit 50.4% de la recherche exprimée à travers les publications scientifiques.

    La recherche en décolonialisme pèse donc 20% de l’activité de blogging et d’organisation d’événements scientifiques et la moitié (50%) de la part des publications.

    Que faut-il comprendre d’une telle donnée ? Dans un premier temps, il faut déjà acter la forte pénétration des enjeux de recherches liés aux thématiques décoloniales, pour d’excellentes raisons sans doute qu’il n’est pas question de discuter.

    Presque la moitié des activités du cœur de l’évaluation des carrières - revues et livres - passe par la description toutes disciplines confondues des objets de la sociologie. La disparité avec les activités scientifiques d’édition journalière ou d’annonces d’événements ne contredit pas bien au contraire cette envolée.

    Le marché symboliquement lucratif en termes d’enjeux de carrière de l’édition est saturé par les thématiques décoloniales qui sont porteuses pour les carrières jugées sur les publications sérieuses. Cette situation crée un #appel_d’air du côté de l’activité fourmillante des marges de la recherche où se reportent les activités scientifiques « fondamentales » parce qu’elles trouvent dans ces nouveaux lieux des moyens de faire subsister simplement leurs thématiques.

    Andreas Bikfalvi dans son article intitulé « La Médecine à l’épreuve de la race » rappelle certaines données de la science qui confirment l’orientation générale. Car, si les sciences sociales sont très touchées par l’idéologie identitaire, les #sciences_dures et même les #sciences_biomédicales n’en sont pas exemptées.

    Une recherche sur la plateforme scientifique Pubmed NCBI avec comme mot-clé racism ou intersectionality montre des choses étonnantes. Pour racism, il y avait, en 2010, seulement 107 entrées, avec ensuite une augmentation soutenue pour atteindre 1 255 articles en 2020. Par ailleurs, en 2018, il y avait 636 entrées et, en 2019, 774 entrées, ce qui signifie une augmentation de 100 % en à peine deux ans, et 62 % en à peine un an.

    Avant 2010, le nombre d’entrées s’était maintenu à un niveau très faible. Pour intersectionality, il n’y avait que 13 entrées en 2010, avec, en 2020, 285 entrées.

    L’augmentation de ces deux mots-clés suit donc une évolution parallèle. C’est certainement explicable par les événements récents aux États-Unis, à la suite de l’apparition de groupes militants de « #justice_sociale », dans le sillage du mouvement « #Black_Lives_Matter », qui ont eu un impact significatif dans les différentes institutions académiques. Cela ne reflète donc pas l’augmentation des problèmes raciaux, mais une importation récente de ces problématiques dans la recherche.

    Le rapport entre les différentes entrées lexicales dans la galaxie de la pensée décoloniale à travers certaines unités lexicales caractérise un discours hyperbolique. On voit parfaitement que la comparaison de l’emploi de certaines expressions comme « #écriture_inclusive » ou « #place_de_la_femme » qu’un regard hâtif pourrait dans un premier temps juger faible est en nette surreprésentation par rapport à des unités liées comme « place de l’enfant » ou « écriture cursive ».

    Inutile d’effectuer ici une analyse scientométrique précise. Mais on peut dire que la qualité des divers articles des journaux est variable si on se réfère au facteur impact, depuis des publications marginales comme Feminist Legal Studies (IF : 0,731) à des revues parmi les plus prestigieuses au monde, comme New England Journal of Medicine (NEJM) (IF : 74.699) et The Lancet (IF : 60.392). Les titres et le contenu de ces articles sont aussi évocateurs.

    Pour citer quelques exemples : « Devenir une communauté antiraciste néonatale » (1). L’article prône une prise de conscience critique basée sur les stratégies visant à améliorer l’équité en santé, à éliminer les biais implicites et à démanteler le racisme en néonatalogie et périnatalogie. « Vers une neuroscience compassionnelle et intersectionnelle : augmentation de la diversité et de l’équité dans la neuroscience contemplative » (2). Un cadre de recherche appelé « neuroscience intersectionnelle » est proposé, qui adapte les procédures de recherche pour être plus inclusif et plus « divers ». « Intersectionnalité et traumatologie dans la bio-archéologie » (3). Ici, les auteurs parlent de l’utilité du concept d’intersectionnalité de K. Crenshaw dans l’examen des squelettes lors des fouilles archéologiques. « Six stratégies pour les étudiants en médecine pour promouvoir l’antiracisme » (4). Ici, on prône l’introduction de l’activisme racialiste dans les programmes des études de médecine à la suite du racisme anti-noir, de la brutalité policière et de la pandémie de Covid-19. 1

    Entre les 0,01% de mots de la recherche décoloniale identifiés par certains lexicomètres et nos 50%, la marche est grande. On entend déjà les uns hurler au blasphème, les autres à la caricature et les troisièmes déclarer qu’entre deux extrêmes, la vérité est forcément entre les deux.

    Ce #dogme de la #parité d’où émerge la voie médiane est une illusion rhétorique - mais quand bien même : disons que de 1 à 50, la vérité soit 25 : cela signifie donc qu’un quart de la recherche en Sciences Humaines est occupée aujourd’hui par ces questions transverses - ce qui est non négligeable. Mais pour couper court au débat stérile qu’entraîneront les ratiocinations, rappelons deux ou trois choses que l’on voit en première année de licence de lettres :

    Il n’est pas exclu qu’une idéologie repose sur des mots, mais une idéologie repose surtout et avant tout sur une argumentation : le #vocabulaire n’en est que le grossissement superficiel. Supposer que des mots-clés permettent le recensement d’une idéologie est une proposition à nuancer : elle néglige la stylistique des titres et résumés de thèses, la façon contournée de dire les choses. Bref, comme le disait un kremlinologue, les mots servent à cacher les phrases.

    Or, dans leur étude reprise par « Le Monde », nos collègues n’ont retenu que trois mots et sous une forme unique (racialisé et pas racisé, intersectionnalité et pas intersectionnel, etc.). Ils négligent par exemple genre ou #féminin ou islamophobie…

    Cette étude suppose aussi que l’ idéologie qu’ils minimisent se trouve dans les documents officiels qui ont été choisis par eux. Mais le corpus dans lequel nos collègues cherchent est nécessairement incomplet : les annonces de colloques et de journées d’étude, les interventions ponctuelles dans les séminaires et les séminaires eux-mêmes ne sont pas pris en compte, ni les ateliers et autres événements para-institutionnels.

    Les écrits des universitaires dans la presse ne figureront pas non plus. Un site comme GLAD ne sera vraisemblablement pas pris en compte alors qu’il est saturé de ces mots clés. Un titre comme « Les blancs, les juifs et nous » ne comporte aucun mot déclencheur et n’apparaît ni dans son étude, ni dans la nôtre. On peut multiplier les exemples : il suffit qu’au lieu de genre on ait « féminin » (« Déconstruire le féminin ») pour que cette thématique soit gommée. Efficace ?

    En réalité, partir de #mots-clés suppose le principe de #déclarativité : l’idéologie serait auto-déclarée, conformément à la théorie performative du langage propre au discours intersectionnel. Selon ce principe, il n’existerait aucun texte islamo-gauchiste ni antisémite, puisqu’ils ne comportent pas ces mots-clés dans leur propre description.

    Avec ce raisonnement, il n’existerait pas non plus de thèse médiocre, ni excellente puisque ces mots n’y seront pas repérables… Les termes à repérer sont donc nécessairement neutres axiologiquement : si des mots sont repérables, c’est qu’ils sont considérés comme acceptables et qu’ils pénètrent le champ de la recherche. La recrudescence repérée de ces mots-clés indiquerait alors une idéologie de plus en plus affichée. Il faut donc prendre en compte l’évolution numérique comme un indice fort.

    Pour obtenir des conclusions plus solides, il faudrait contraster des chiffres relatifs, pour comparer ce qui est comparable : les thématiques ou les disciplines (avec des termes de niveaux différents comme « ruralité » ou « ouvrier » ; voire des domaines disciplinaires plus larges : narratologie, phonologie…). On peut aussi circonscrire d’autres champs d’analyse (Paris 8 sociologie, au hasard) ou regarder combien de thèses ou articles en sociologie de la connaissance ou en esthétique, etc. Il y aurait de quoi faire un état des lieux de la recherche…

    1. Vance AJ, Bell T. Becoming an Antiracist Neonatal Community. Adv Neonatal Care 2021 Feb 1 ;21(1):9-15.

    2. Weng HY, Ikeda MP, Lewis-Peacock JA, Maria T Chao, Fullwiley D, Goldman V, Skinner S, Duncan LG, Gazzaley A, Hecht FM. Toward a Compassionate Intersectional Neuroscience : Increasing Diversity and Equity in Contemplative Neuroscience. Front Psychol 2020 Nov 19 ;11:573134.

    3. Mant M, de la Cova C, Brickley MB. Intersectionality and Trauma Analysis in Bioarchaeology. Am J Phys Anthropol 2021 Jan 11. doi : 10.1002/ajpa.24226.

    4. Fadoju D, Azap RA, Nwando Olayiwola J. Sounding the Alarm : Six Strategies for Medical Students to Champion Anti-Racism Advocacy. J Healthc Leadersh, 2021 Jan 18 ;13:1-6. doi : 10.2147/JHL.S285328. eCollection 2021.

    https://www.lefigaro.fr/vox/societe/decolonialisme-et-ideologies-identitaires-representent-un-quart-de-la-reche

    et déjà signalé par @gonzo ici :
    https://seenthis.net/messages/908608

    #Xavier-Laurent_Salvador #Jean_Szlamowicz #Andreas_Bikfalvi
    –—

    Commentaire sur twitter de Olivier Schmitt, 27.03.2021 :

    Cette tribune est tellement bourrée d’erreurs méthodologiques qu’elle en dit beaucoup plus sur la nullité scientifique des auteurs que sur la recherche en SHS.
    Pour gonfler leurs stats, ils comptent toutes les occurrences du mot « racisme ». Vous travaillez sur le racisme et avez ce terme dans votre publication ? Vous êtes forcément un postcolonial tenant des idéologies identitaires...
    Idem, et ce n’est pas anodin, ils incluent l’occurence « post-colonial » (avec le tiret). Qui est simplement un marqueur chronologique (on parle par exemple couramment de « sociétés post-coloniales » en Afrique ou en Asie) et n’a rien à voir avec une idéologie « postcoloniale »
    Et oui, un tiret à de l’importance... Mais donc vous êtes historien et travaillez sur, au hasard, Singapour après l’indépendance (donc post-colonial), et bien vous êtes un tenant des idéologies identitaires...
    Et même en torturant les données et les termes dans tous les sens pour gonfler complètement artificiellement les chiffres, ils arrivent à peine à identifier un quart des travaux...
    C’est définitivement pathétiquement débile.
    Et puisqu’ils veulent « mesurer » et « objectiver », un truc comme ça dans n’importe quelle revue un minimum sérieuse, c’est un desk reject direct...

    https://twitter.com/Olivier1Schmitt/status/1375855068822523918

    Sur les #chiffres en lien avec les recherches sur les questions post- / dé-coloniales, voir ce fil de discussion :
    https://seenthis.net/messages/901103
    #statistiques

    ping @isskein @cede @karine4

    • Les fallaces de l’anti-décolonialisme

      fallace
      (fal-la-s’) s. f.
      Action de tromper en quelque mauvaise intention.
      Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1873-1874, tome 2, p. 1609.

      Vendredi 26 mars 2021 le journal Le Figaro a mis en ligne sur son site internet une tribune signée par #Xavier-Laurent_Salvador, #Jean_Szlamowicz et #Andreas_Bikfalvi intitulée « Décolonialisme et idéologies identitaires représentent un quart de la recherche en sciences humaines aujourd’hui ». Ce texte qui avance à grandes enjambées vers un résultat fracassant tout entier contenu dans le titre est fondé sur une méthodologie défaillante et une argumentation confuse. Il a principalement provoqué des éclats de rire, mais aussi quelques mines attérées, parmi les sociologues, les géographes, les historiens, les politistes, les linguistes ou les anthropologues de ma connaissance qui ont eu la curiosité de le lire. Cependant sa publication était attendue et constitue, en quelque sorte, l’acmé de la maladie qui frappe le débat public sur l’Université en France depuis de longs mois. Le contexte impose donc de s’y attarder un peu plus.

      Je voudrais le faire ici en montrant la série impressionnante de fallaces logiques qu’il contient. Des fallaces que l’on retrouve d’ailleurs, avec quelques variations, dans d’autres productions de l’Observatoire du décolonialisme que les trois auteurs ont contribué à fonder. En employant ce terme un peu désuet je désigne un ensemble d’arguments ayant les apparences de la logique mais dont l’intention est de tromper ceux à qui ils sont adressés. Le terme est toujours fréquemment employé en anglais sous la forme fallacy pour désigner des ruses argumentatives que le raisonnement scientifique devrait s’interdire, particulièrement dans les sciences humaines et sociales. Il est évidemment ironique de constater que des intellectuels qui prétendent depuis des mois que l’Université française est corrompue par l’idéologie et le manque d’objectivité le font au moyens de procédés d’argumentation grossièrement fallacieux. C’est pourtant le cas et ce constat, à lui seul, justifie d’exposer les méthodes de ce groupe. Au-delà, ces procédés en disent aussi beaucoup sur l’offensive idéologique menée par ceux qui, à l’image des trois signataires, prennent aujourd’hui en otage l’Université, et particulièrement les sciences humaines et sociales, pour accréditer l’idée selon laquelle toute critique des inégalités et des discrimnations, comme toute entreprise d’élaboration conceptuelle ou méthodologique pour les mettre en évidence — particulièrement celles qui touchent aux questions du genre et de la race — devrait être réduite au silence car suspecte de compromission idéologique « décoloniale » ou « islamo-gauchiste ».

      Les auteurs de cette tribune, deux linguistes et un médecin, sont familiers des prises de position dans les médias. On ne peut donc les suspecter d’avoir fait preuve d’amateurisme en publiant cette tribune. Tous les trois sont par exemple signataires de l’appel des cent qui dès novembre 2020 exigeait de la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qu’elle rejoigne son collègue de l’Éducation nationale dans la lutte contre « les idéologies indigéniste, racialiste et ‘décoloniale’ » à l’Université. Si l’on doit au Ministre de l’Intérieur Géral Darmanin d’avoir le premier agité le spectre de l’islamo-gauchisme dans la société française à l’automne 2020, c’est en effet Jean-Michel Blanquer qui marqua les esprits au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty en évoquant les « complices intellectuels » de ce crime et en déclarant que, je cite, « le poisson pourrit par la tête ». Il n’est évidemment pas possible de déterminer si l’activisme des cent, qui a conduit à la création de l’Observatoire du décolonialisme en janvier 2021 et à de très nombreuses interventions médiatiques de ses animateurs depuis, est à l’origine du changement de cap de Frédérique Vidal ou s’il n’a fait que l’accompagner, ce qui est plus probable. Il est certain, en revanche, que la Ministre de l’Enseignement supérieur, en évoquant à son tour la « gangrène » islamo-gauchiste à l’Université le 14 février 2021 et en annonçant une enquête sur le sujet, a satisfait les demandes de ces cent collègues. Ceux-ci sont d’ailleurs, de ce fait, les seuls à pouvoir se féliciter de l’action d’une ministre qui a réussi à fédérer contre elle en quelques mois — la polémique sur l’islamo-gauchisme étant la goutte d’eau qui fait déborder le vase — tout ce que le monde de la recherche compte de corps intermédiaires ou d’organismes de recherche ainsi que 23.000 signataires d’une pétition demandant sa démission.

      Que signifient exactement « décolonial » et « idéologies identitaires » pour ces auteurs ? Il n’est pas aisé de répondre à cette question car les définitions proposées sur le site de l’association sont assez sibyllines. On devine cependant que ces labels s’appliquent à tout un ensemble d’idées qui ont pour caractéristique commune de questionner la domination masculine et le racisme mais aussi la permanence du capitalisme et contribuent de ce fait, pour les membres de l’Observatoire, à une « guerre sainte menée contre l’occident ». Dans cette auberge espagnole conceptuelle il n’est cependant pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que les convives ont quelques obsessions. L’écriture inclusive, l’identité, l’intersectionalité, le « wokisme », la racialisation, les études sur le genre ou l’analyse du fait « postcolonial » en font partie.

      À défaut d’une définition claire, concentrons-nous sur la stratégie d’argumentation des membres de l’Observatoire. Jusque là ceux-ci ont adopté une stratégie que l’on peut qualifier, sans jugement de valeur, d’anecdotique. Elle vise en effet à isoler dans le flot de l’actualité universitaire un événement, un livre ou une prise de position et à réagir à son propos de manière souvent brève ou ironique, voire sur le ton du pastiche que prisent ces observateurs. On trouve par exemple en ligne sur leur site un recueil de textes « décoloniaux », un générateur de titres de thèses « décoloniales », un lexique humoristique du « décolonialisme »… Quant aux interventions dans les médias elles se font l’écho des initiatives du gouvernement en soulignant leurs limites (par exemple en réfutant l’idée que le CNRS puisse mener l’enquête demandée par la ministre), ciblent des institutions soupçonnées de trop grande compromission avec le « décolonialisme » comme la CNCDH qui publie l’enquête la plus approfondie et la plus reconnue sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en France. Elles relaient aussi les positions d’intellectuels critiques des discriminations positives ou du « multiculturalisme ».

      Ces interventions privilégient un mode d’action singulier dans l’espace académique qui constitue la première fallace que nous pouvons attribuer à ce groupe, à savoir l’attaque ad hominem contre des chercheuses et des chercheurs (mais aussi contre des militantes et militants des mouvements anti-raciste et féministe). Nahema Hanafi, Nonna Mayer et plus récemment Albin Wagener en ont par exemple fait les frais. En soi, critiquer les arguments avancés par des personnes n’est évidemment pas un problème (c’est d’ailleurs ce que je fais ici). Mais critiquer, plus ou moins violemment, des personnes dont on ignore ou déforme les arguments en est bien un. On ne compte plus dans les textes ou interviews des membres de cet Observatoire les références à des ouvrages cités par leur quatrième de couverture, les allusions moqueuses à des recherches dont les auteur•es ne sont même pas cité•es et peut-être pas connu•es, les références à des saillies d’humoristes pour analyser des travaux de recherche ou les petites piques visant à disqualifier telle ou tel collègue. Cette fallace a d’autres variantes comme celle de l’homme de paille (on devrait d’ailleurs dire ici dela femme de paille tant il existe un biais genré dans le choix des cibles de cet Observatoire) qui consiste à fabriquer des individus imaginaires qui incarnent de manière stylisée la dangereuse chimère « décoloniale ». Le travail ethnographique de Nahema Hanafi est par exemple violemment attaqué au motif qu’il ferait « l’éloge d’un système criminel », rien de moins.

      Une autre variante de cette fallace consiste à suggérer des associations d’idées saugrenues par le détour du pastiche ou de l’ironie qui permettent aussi de critiquer sans lire mais qui remplissent un autre rôle, plus original : celui de détourner l’attention du public quant on est soi-même critiqué. Albin Wagener, qui a mené un travail d’objectivation précis de certains mots-clés considérés comme « décoloniaux » dans la production des sciences humaines et sociales (voir plus bas), est par exemple moqué dans une vidéo imitant la propagande nord-coréenne. Plus grave encore, les sciences sociales « décoloniales » et « intersectionnelles » selon l’Observatoire sont incarnées dans une autre vidéo sous les traits du personnage de Hitler joué par Bruno Ganz dans une scène très souvent détournée du film « La Chute » d’Oliver Hirschbiegel. La stratégie d’argumentation emprunte ici à la fallace du « hareng rouge » consistant pour ces auteurs à utiliser des arguments grotesques ou scandaleux pour détourner l’attention de critiques plus fondamentales qui leur sont faites. En l’occurrence, suggérer que les sciences sociales « décoloniales » ou l’analyse du phénomène raciste sont nazies est à la fois pathétique et insultant. Mais ce parallèle permet aussi de faire diversion — par l’absurde. Ce qu’il s’agit en effet de cacher c’est justement que la version du républicanisme « anti-décolonial » proposée par l’Observatoire reproduit dans ses modes d’intervention des pratiques de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la droite « alternative » ou alt-right. Le paralogisme « c’est celui qui dit qui l’est » — aujourd’hui courant dans les milieux d’extrême-droite — fait donc son entrée, avec l’Observatoire du décolonialisme, dans le milieu académique.

      Une seconce fallace de l’argumentation est à l’oeuvre dans les prises de position des anti-décolonialistes : l’argumentation ad nauseam ou répétition sans fin des mêmes arguments. Au lieu de faire ce qui est attendu dans le monde académique, à savoir une enquête sérieuse et patiente sur chaque cas de « décolonialisme » que l’on voudrait critiquer, les membres de l’Observatoire emploient depuis des mois une stratégie consistant plutôt à distiller quelques éléments de langage sur de multiples supports en profitant des effets de caisse de résonance des réseaux sociaux. Le mécanisme est simple : tel article sur le site de l’Observatoire s’appuie sur une tribune du Point qui suscite elle-même un autre article dans le Figaro qui provoque un tweet d’une figure politique ou journalistique très suivie, lequel suscite des dizaines ou des centaines de réponses, mentions et autres retweets. De cette manière l’Observatoire et ses membres s’installent dans l’espace public sur la simple base de leur activisme de la visibilité. Ironie : un journal un peu plus sérieux cherchera alors à analyser ce phénomène et pour cela donnera la parole de manière disproportionnée aux membres de l’Observatoire ou ravivera le cliché éculé des « guerres de tranchées » universitaires qui laisse penser que tout cela, au lieu d’être une offensive inédite contre la liberté de l’enseignement et de la recherche est un effet pervers de la vie universitaire elle-même. À n’en pas douter, un autre journal trouvera bientôt ces personnalités singulières ou attachantes et se proposera d’en faire le portrait…

      Pourquoi, dès lors, des réactions plus nombreuses peinent-elles à émerger pour contrer cette logorrhée anti-décoloniale ? L’explication tient dans la loi dite de Brandolini, ou « bullshit asymmetry principle » : énoncer une ineptie ne prend que quelques minutes alors que la réfuter sérieusement prend du temps. Celles et ceux qui sont la cible des attaques de l’Observatoire ou qui envisagent de critiquer ses thèses déclarent donc souvent forfait par manque de temps mais aussi par manque d’intérêt pour la polémique en elle-même dont le niveau est accablant. Plus grave, critiquer les thèses de l’observatoire ou émettre des idées considérées comme lui par « décoloniales » expose de plus en plus souvent à des tirs de barrage considérables sur les réseaux sociaux et à des insultes et des menaces. La fallace de l’argumentation ad nauseam porte, en effet, bien son nom : dès lors que l’un des membres de l’observatoire, ou un influenceur qui se fait le relais de ses thèse, désigne aux réseaux de ses soutiens une cible à viser, celle-ci reçoit des centaines de messages infamant qui sont en soi un motif légitime d’inquiétude et supposent un surcroit de travail pour les signaler aux autorités, quand bien même il est très probable que rien ne sera fait pour les arrêter.

      La troisième fallace que l’on peut observer dans les prises de position de l’Observatoire du décolonialisme consiste évidemment à ne sélectionner dans l’ensemble de la production des sciences sociales que les quelques exemples de travaux susceptibles d’alimenter la thèse défendue, à savoir celle d’une augmentation de la production académique sur le genre, le racisme ou le « décolonialisme ». Cette fallace, que l’on qualifie souvent de « cueillette de cerises » (cherry picking) est inhérente à l’argumentation anecdotique. On ne s’attend évidemment pas à ce que les cas sélectionnés par l’Observatoire soient choisis autrement que parce qu’ils valident la thèse que celui-ci défend. Ceci étant dit on peut quand même faire remarquer que s’il existait un Observatoire de l’inégalitarisme celui-ci montrerait sans peine que la thématique du creusement des inégalités progresse fortement dans les SHS en ce moment. Un observatoire du pandémisme montrerait que de plus en plus d’articles s’intéressent récemment aux effets des structures sociales sur les pandémies et un observatoire du réseautisme que la métaphore du « réseau » a plus le vent en poupe que celle de la « classe ». En bref : le fait que des chercheurs inventent des concepts et les confrontent à la réalité sociale est inhérent à l’activité scientifique. Le fait qu’ils le fassent de manière obsessionnelle et à partir de ce qui constitue leur rapport aux valeurs, comme dirait Max Weber, aussi. La seule question qui vaille au sujet de ces recherches est : sont-elles convaincantes ? Et si l’on ne le croit pas, libre à chacun de les réfuter.

      Venons donc maintenant à l’originalité de la tribune du Figaro. Elle propose en effet un nouveau style argumentatif fondé sur une étude empirique aspirant à une telle quantification. Il s’agit en effet ni plus ni moins que d’évaluer la part des sciences humaines et sociales gangrénées par le « décolonialisme ». On imagine que les auteurs se sont appliqués puisque cette mesure est d’une certaine façon ce qui manquait jusque là à leur bagage et qu’elle répond à la demande de la ministre Frédérique Vidal tout en ambitionnant de contrer les arguments quantitatifs avancés par deux collègues qui ont au contraire montré la faiblesse de l’idée de conversion des sciences sociales au décolonialisme à partir d’analyses de corpus.

      Rappelons ces deux études dont nous disposons. D’un côté Albin Wagener a mesuré le poids quelques mots-clé dans un éventail assez large de sources (theses.fr, HAL, Cairn et Open Edition). Sa conclusion : les travaux employant des termes comme « décolonial », « intersectionnel », « racisé » ou « islamo-gauchisme » augmentent depuis les années 2010 mais restent marginaux (0,2% des thèses soutenues ou à venir en 2020, 3,5% du total des publications dans Open Editions et 0,06% dans HAL). D’un autre côté David Chavalarias a analysé le contenu de 11 millions de comptes Twitter pour mettre en évidence la marginalité du terme « islamo-gauchisme » et de ses variantes qui ne sont présents que dans 0,019% des tweets originaux analysés mais dont on peut caractériser l’origine dans des comptes de l’extrême-droite dont beaucoup ont été suspendus par Twitter parce qu’ils pratiquaient l’astroturfing, un ensemble de pratique visant à diffuser massivement des contenus en automatisant l’envoi de tweets ou les retweets de ces tweets. David Chavalarias a souligné la singularité de la stratégie du gouvernement français qui a contribué massivement en 2020 à faire sortir ce terme des cercles d’extrême-droite pour l’amener sur le devant de la scène, une stratégie proche de celle de l’alt-right américaine.

      La fallace la plus évidente que contient le texte du Figaro relève du domaine des conclusions hâtives (hasty conclusion). Les auteurs en arrivent en effet à une conclusion impressionnante (« La recherche en décolonialisme pèse donc 20% de l’activité de blogging et d’organisation d’événements scientiques et la moitié (50%) de la part des publications. ») mais au prix de raccourcis logiques si évidents et grossiers qu’ils ont conduit la plupart des lecteurs de ce texte à déclarer forfait après quelques lignes et qu’ils auraient dû mettre la puce à l’oreille de tous ceux qui eurent à le lire jusqu’au bout, par exemple au Figaro (à moins que personne ne l’ait lu jusqu’au bout dans ce journal ?). Citons les quatre plus importants : le manque de spécificité de la méthode, son manque d’homogénéité, l’introduction de biais massifs d’échantillonnage et un problème confondant de mesure.

      La méthode retenue consiste d’abord à identifier quelques mots-clé considérés comme des signaux permettant de constituer un corpus de documents représentatifs des idées « décoloniales ». On en s’attardera pas sur un des problèmes possibles de ce type de méthodes qui est qu’elle conduisent à mêler dans le corpus des documents mentionnant ces mots-clés pour des raisons très différentes (pour adhérer à un chois de concept, pour le critiquer, pour le moquer…). Les auteurs évoquent ce défaut au début de l’article et ce n’est pas le plus grave. Beaucoup plus stupéfiante en effet est l’absence de prise en compte de la polysémie des termes choisis. Faisons-en la liste : « genre », « race » et « intersectionnalité » sont d’abord mentionnés mais la recherche a été vite élargie à « racisme » et « discrimination » puis à « décolonial », « post-colonial » et « islamophobie ». Les auteurs prennent la peine de signaler qu’ils ont inclus un « homographe » de « post-colonial » (à savoir « postcolonial ») mais il ne leur vient semble-t-il pas à l’esprit que certains de ces termes sont surtout polysémiques et peuvent être employés dans des contextes totalement étrangers aux questions idéologiques qui obsèdent l’Observatoire du décolonialisme. C’est notamment le cas de « genre » et de « discrimination » dont l’emploi conduit à compter dans le corpus des articles sur le genre romanesque ou la discrimination entre erreur et vérité. Un collègue m’a même fait remarquer que les trois auteurs se sont, de fait, inclus dans leur propre corpus dangereusement décolonial, sans doute par mégarde. L’un a en effet utilisé le mot « genre », pour décrire « un navigateur d’un genre un peu particulier », l’autre le même terme pour parler de de musique et le troisième — qui n’a pas de publications dans OpenEdition — mentionne quant à lui dans PubMed des méthodes permettant de « discriminer des échantillons ». Nos auteurs ont cru avoir trouvé avec leurs calculs l’arme fatale de l’anti-décolonialisme. Il semble que c’est une pétoire qui tire sur leurs propres pieds…

      Un autre problème mérite aussi d’être soulevé concernant les mots-clé choisis. Ceux-ci mélangent des concepts des sciences sociales et des termes décrivant des faits qui sont reconnus comme tels très largement. Ainsi, même si l’on laisse de côté la question de l’islamophobie, le « racisme » et les « discriminations » sont des faits reconnus par le droit et mesurés régulièrement dans quantité de documents. On pourrait comprendre que la méthode des auteurs consiste à cibler des concepts dont ils pensent qu’ils sont problématiques et dont il s’agirait dès lors de suivre l’expansion. Mais en incluant « racisme » et « discriminations » dans la sélection du corpus les auteurs trahissent une partie de l’obsession qui est la leur. Ils ne contestent en effet pas seulement le droit des sciences sociales à élaborer comme bon leur semble leur vocabulaire mais aussi leur droit à s’intéresser à certains faits comme le racisme ou les discriminations. Faudrait-il donc confier l’objectivation de ces faits à d’autres disciplines ? Ou bien tout simplement décider que ces faits n’existent pas comme le font certains régulièrement ?

      La méthode pose aussi un problème d’échantillonnage qui ne semble pas avoir vraiment effleuré les auteurs. Ceux-ci construisent un corpus fondé principalement sur la plateforme OpenEdition considérée comme « un lieu-outil où la recherche se présente aux instances gouvernantes comme un mètre-étalon des livrables de la recherche » Il faut sans doute être assez éloigné de la recherche pour considérer ce choix comme pertinent, surtout lorsque l’on restreint encore le corpus en ne gardant que les blogs et événements scientifiques… Les instances d’évaluation de la recherche sont en effet — c’est d’ailleurs heureux — bien plus intéressées par les publications dans des revues de premier rang, qu’elles soient en accès libre ou pas, que par des billets de blog. Et il est de notorité commune que OpenEdition ne couvre pas tout le champ de la production scientifique et n’a pas été créé pour cela.

      Enfin, last but not least, les auteurs de ce texte utilisent pour mesurer le phénomène qui les intéresse une fallace très connue — mais dont beaucoup pensaient qu’elle avait été éradiquée de la recherche en sciences sociales — la fallace du juste milieu (ou golden mean fallacy). Celle-ci consiste à considérer que si l’on dispose de deux évaluations discordantes d’un même phénomène on peut utiliser la moyenne des deux comme solution. Essayons de suivre le raisonnement des auteurs de la tribune : « Entre les 0,01% de mots de la recherche décoloniale identiés par certains lexicomètres et nos 50%, la marche est grande. On entend déjà les uns hurler au blasphème, les autres à la caricature et les troisièmes déclarer qu’entre deux extrêmes, la vérité est forcément entre les deux. Ce dogme de la parité d’où émerge la voie médiane est une illusion rhétorique - mais quand bien même : disons que de 1 à 50, la vérité soit 25 : cela signie donc qu’un quart de la recherche en Sciences Humaines est occupée aujourd’hui par ces questions transverses - ce qui est non négligeable. » On admirera la logique qui consiste à déclarer le choix moyen — et pas médian d’ailleurs comme l’écrivent les auteurs (mais laissons cela de côté) — comme une « illusion rhétorique » (imputée à un étrange « dogme de la parité », encore un hareng rouge sans doute…) tout en faisant ce choix dans la même phrase à coups de tirets et de guillemets… On admirera aussi la logique qui assimile 0,01 à 1… À ce niveau de pifométrie, il est dommage que les auteurs ne soient pas allés jusqu’au bout de leur logique en déclarant que 100% de la recherche en sciences humaines et sociales est gangrénée par le décolonialisme. Ils auraient pu alors, comme le Dr Knock de Jules Romains, ériger en maxime le fait que, dans ces disciplines, « tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ».

      On pourrait encore signaler au moins deux autres fallaces logiques dans ce texte. La première est l’absence de la moindre préoccupation pour la littérature pertinente sur le problème abordé. La bibliométrie (le fait de compter des publications) est pourtant une méthode reconnue de la sociologie comme de l’histoire des sciences et de nombreuses recherches l’ont appliquée au sciences sociales. Si les auteurs de ce texte avaient fait preuve d’un peu de modestie et s’étaient intéressés à cette littérature — ce qu’auraient fait des chercheurs — ils auraient évité de se fourvoyer à ce point. Ils auraient aussi découvert qu’un des résultats les plus fondamentaux de ces disciplines est que les « fronts de la recherche » progressent non pas à la mesure des occurrences de mots-clé dans la littérature scientifique mais à celle des citations des articles qui la composent.

      On peut dès lors invoquer une dernière fallace qui caractérise ce texte, celle du raisonnement circulaire : les résultats de la recherche étaient évidemment entièrement contenus dans ses prémisses et tout l’appareil méthodologique employé ne visait qu’à prouver des préjugés et à recouvrir ce tour de magie d’un voile de scientificité au moyen de divers artifices comme celui de l’argument d’autorité dont relèvent dans ce texte l’usage de mots compliqués employés à plus ou moins bon escient comme « panel », « token » ou « principe de déclarativité » et celui de raisonnements si manifestement confus qu’ils semblent forgés pour un canular scientifique. Le raisonnement établissant qu’en élargissant la recherche on arrive à baisser le nombre total d’articles décomptés est un modèle du genre : « Sur OpenEdition, réduit à la part des blogs (Hypotheses) et événements annoncés (Calenda) : une recherche « courte » sur « genre, race et intersectionnalité » donne près de 37578 résultats sur 490078 (au 20 mars 2021) soit 7% de la recherche globale. Ce qui à première vue semble peu. Une recherche étendue sur « racisme et discrimination » présente d’ailleurs une faible augmentation avec 32695 occurrences sur 39064 titres, soit 8% des objets décrits sur la plateforme. » Tempête sous un crâne !

      À quoi peut donc bien servir ce texte si malhonnête dans son argumentation ? Il semble évident qu’il ne sert à rien pour l’avancement des connaissances sur l’évolution des sciences humaines et sociales. Reste donc son efficacité politique. En affirmant haut et fort que le quart de la recherche française en sciences humaines et sociales est gangréné par le « décolonialisme » (une affirmation que n’importe quel journaliste un peu au fait du monde de la recherche aurait dû trouver immédiatement ridicule, mais semble-t-il pas celles et ceux qui éditent les tribunes du Figaro) les auteurs de ce texte alimentent évidemment une panique morale dont l’Université est aujourd’hui la cible et qui vise à justifier des politiques de contrôle gouvernemental sur l’activité d’enseignement et de recherche et, pour faire bonne mesure, la baisse des budgets qui leur sont consacrés (tout ceci étant déjà en bonne voie). Une panique morale qui vise aussi à intimider et menacer celles et ceux qui travaillent sur les inégalités et les discriminations liées au genre et à l’expérience raciale dans notre société. Une panique morale qui vise enfin à polariser l’opinion en lui livrant — pour quel profit politique à venir ? — des boucs émissaires décoloniaux, intersectionnels et islamo-gauchistes à blâmer pour toutes les calamités qui affligent aujourd’hui notre société.

      https://gillesbastin.github.io/chronique/2021/04/07/les-fallaces-de-l'antidecolonialisme.html

    • Leila Véron sur twitter

      Je vous résume l’"Observatoire" du décolonialisme en quatre points (les gens, le propos, la rhétorique, les méthodes)
      1) « observatoire » autoproclamé sans légitimité institutionnelle, composé de chercheuses et de chercheurs et de leur cercle amical bien au-delà de la recherche
      2) le propos. Propos proclamé : défendre la science, la rationalité, le débat contradictoire. Propos réel : en grande partie, des billets d’humeur sur la société, la politique, et leurs collègues.
      3) le ton : celui de la constatation indignée (ça me fait penser à ce que disait Angenot sur le style pamphlétaire, ça évite d’avoir à argumenter, genre c’est EVIDENT que c’est scandaleux), de l’insulte peu originale (ils aiment bcp liberté égalité débilité), tendance à la litanie
      La rhétorique : un peu de vrai, pas mal de faux, et beaucoup d’invérifiable/ fantasmé/ présenté de manière exagérée/tordue/de mauvaise foi. Ca me fait penser aux rhétoriques des théories du complot.
      Quand ces gens qui prétendent défendre la science ont essayé d’appuyer leurs propos sur une étude chiffrée argumentée, que croyez-vous qu’il arriva ? Ils racontèrent n’importe quoi, @gillesbastin a relevé leurs erreurs grotesques : https://gillesbastin.github.io/chronique/2021/04/07/les-fallaces-de-l'antidecolonialisme.html

      Je ne sais pas ce que je préfère, le fait d’assimiler 0,01 à 1 ou de dire « certains disent que c’est 0,01% de la recherche qui est décoloniale, nous on disait 50%, ben on n’a qu’à choisir le milieu ma bonne dame ». La rigueur scientifique !

      4) la méthode : le contraire de l’argumentation scientifique et en plus ils l’assument : « On fait dans le pamphlet et dans l’ironie » déclare M. Salvador (co-fondateur). On pourrait rajouter le trollage, avec des vidéos et montages de collègues

      Je ne me remets pas de cette citation de XL Salvador « Si on est réduits à sortir un observatoire qui a ce ton, c’est bien parce qu’on n’arrive pas à mener ce débat. C’est un appel au secours d’amant éconduit »
      Bien vu pour l’incapacité à mener un débat scientifique...
      .. mais cette métaphore sérieusement ! J’ai envie de dire qu’il y a d’autres moyens que l’insulte et le pleurnichage pour gérer sa peine d’amant éconduit, non ?
      Conclusion : contradictions, les gens de l’observatoire hurlent au danger de la politisation dans la science et sont archi engagées politiquement dans des sujets divers qui excèdent largement la recherche (ce qui est leur droit, mais le niveau de mauvaise foi est énorme).
      J’ai oublié, stratégie : le matraquage. Les mêmes dénonciations, les mêmes textes vides, les mêmes pastiches, les mêmes vannes dans des bouquins, articles, site1, site2, site3... et sur twitter.
      Ca conduit à des situations où ces gens qui dénoncent l’écriture inclusive et la recherche sur l’écriture inclusive finissent par ne quasi plus parler que de l’écriture inclusive (alors que ce qu’ils et elles faisaient avant avait un autre niveau !) Marche aussi pour la race.
      On leur souhaite une bonne fin de carrière chez Causeur ou CNews, et un bon courage à toutes les chercheuses et chercheurs qui ont déjà assez de luttes à mener et qui se prendront leurs attaques. Par expérience : n’hésitez pas à porter plainte si besoin est (insulte, diffamation).

      https://twitter.com/Laelia_Ve/status/1405257470709317634

  • Who is #Camille_Noûs, the fictitious French researcher with nearly 200 papers?

    Camille Noûs first appeared on the research scene 1 year ago, as a signatory to an open letter protesting French science policy. Since then, Noûs has been an author on 180 journal papers, in fields as disparate as astrophysics, molecular biology, and ecology, and is racking up citations.

    But Noûs is not a real person. The name—intentionally added to papers, sometimes without the knowledge of journal editors—is meant to personify collective efforts in science and to protest individualism, according to RogueESR, a French research advocacy group that dreamed up the character. But the campaign is naïve and ethically questionable, says Lisa Rasmussen, a bioethicist at the University of North Carolina, Charlotte. It flouts the basic principle of taking responsibility alongside the credit of authorship, she says. And some journal editors are balking at going along with the protest.

    RogueESR has spent the past year protesting a French research reform law that introduced new types of temporary research jobs. The group, which has no formal leader, says the changes threaten academic freedom and job security, and that the law’s focus on metric-based research evaluation—such as numbers of publications or citations—emphasizes individual accomplishment too much and is damaging to the research culture.

    Amid the protests, members of RogueESR had a subversive idea: What if they slipped a fictitious researcher in their author lists? “Hundreds of articles will make this name the top author on the planet,” they wrote in a newsletter, “with the consequence of distorting certain bibliometric statistics and demonstrating the absurdity of individual quantitative assessment.” The group christened the allegorical author Camille—a gender-neutral name associated with political protest in France—and chose the surname Noûs, a play on the French nous, meaning “we,” and the ancient Greek νοῦς, meaning reason. Invoking the name is meant to be a public statement of a researcher’s values, says a spokesperson for RogueESR, who asked to remain anonymous because she’s concerned about the possible consequences of her activism.

    But the idea runs into dangerous ethical territory, Rasmussen says: Responsibility and accountability must accompany the credit that comes with authorship, she says, and in the case of Noûs, no one can take on those burdens. RogueESR says Noûs would withdraw from any paper with a breach of integrity (via the secretaries managing the email account). But as Noûs grows, RogueESR might lose control of the brand, Rasmussen says. “At a certain point, if it does grow beyond them, who’s yanking Camille Noûs’s name?”

    Jean-Philippe Lansberg, a physicist at CNRS, the French national research agency, says the name is “an elegant and harmless way of protesting.” Lansberg, who included Noûs on a paper in Physics Letters B—the most highly cited of Noûs’s work to date—thinks Noûs serves as a kind of sting operation to expose the weaknesses in authorship conventions. In high-energy physics, long author lists make it impossible for everyone to meaningfully take responsibility for the research. Noûs shows these authorship standards, and the metrics that draw on them, are impoverished and absurd, he says.

    Some authors, like Lansberg, did not inform editors that Noûs is not a real person. A spokesperson for Scientific Reports told Science that “concerns have been raised” about authorship on a paper in the journal that lists Noûs, and the journal is investigating. And a paper in Physical Review B has published a correction stating that the inclusion of Noûs’s name was contrary to journal policy, and that it had been removed.

    This potential for corrections raises another problem, Rasmussen says: Students or early-career researchers who go along with senior authors’ enthusiasm for Noûs might face a correction or even retraction. “That’s going to be with them for the rest of their career,” she says.

    RogueESR did not initially offer guidance on transparency with editors, but now explicitly encourages authors to tell editors what Noûs stands for. Many editors of French journals are OK with the idea, says RogueESR’s spokesperson, but international journals have been a harder sell.

    In one case, a group of mathematicians committed to the idea of Noûs chose to withdraw a paper from consideration at the Proceedings of the Royal Society of Edinburgh Section A after the editorial board decided Noûs could not be included. In another case, an editor at Solar Physics declined to allow the submission of Noûs papers, citing the authorship standards recommended by the Committee on Publication Ethics, which require every author to make substantial contributions to the work and to take responsibility for its contents.

    The collective goals of open and collaborative science are admirable, Rasmussen says, and there are good reasons to challenge authorship standards. But, she says, “It’s not clear to me that you need this author to achieve any of those things.”

    https://www.sciencemag.org/news/2021/03/who-camille-no-s-fictitious-french-researcher-nearly-200-papers

    #ESR #recherche #ESR #université #publications_scientifiques #science
    #Cogitamus #signature_collective #Laboratoire_Cogitamus
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    voir aussi:
    https://seenthis.net/messages/881727