#purpan

    • J’ai acheté mon premier FTB à 14 ans pour aller photographier les manifs. La présence d’un·e photographe était à l’époque aussi un moyen de témoigner et de protéger les manifestant·es.
      Mais cette situation s’est retournée avec la multiplication des smartphones et les publications de visages non anonymisés. Au début des années 2000, préoccupée du consentement et du « droit à l’image » ou plutôt du droit de ne pas être filmé·e photographié·e et de fait fiché·e, je n’arrivais plus qu’à photographier des pieds …

      Hier, j’ai ressenti qu’avec les masques qui protègent un peu mieux l’anonymat, je pouvais reprendre mon appareil sans trop m’inquiéter (bon, c’est des photos témoins sans prétention). J’ai même fait quelques photos des pieds des flics qui dépassaient sous l’abribus, histoire de rire un peu de les voir si mal se cacher.
      C’est aussi un des points qui me rend sensible aux photographies de @val_k

    • Si tu savais toutes les questions que je me pose, @touti, en ce moment ! D’où aussi ma lecture récente, https://seenthis.net/messages/851712 : le texte n’est absolument pas exhaustif mais il m’aide a avancer dans ma réflexion et je crois que je me rapproche du cœur du problème : comment se rendre « irrécupérable » ? Et son corolaire : est-ce par le dénuement, puisque le « ne pas faire » est problématique tout autant !

    • @val_k C’est tout à fait le type de questions qui me turlupinent depuis longtemps. Pas seulement sur le pouvoir/image et la représentation photographique/médiatique nourries de la lecture de Barthes, Deleuze, Daney, Walter Benjamin … ou sur l’utilité de l’amoncellement de productions artistiques en général mais particulièrement sur le positionnement social, est-ce qu’on peut se dire artiste quand on ne produit pas, qu’est-ce que ça veut dire, est-ce qu’il y a possibilité de choisir de participer ou pas à la société ? de produire ou non, et dans ce cas dans quel cadre ? en refusant d’être récupérée comment ne pas tomber dans la schizophrénie du faire sans faire. Toutes ces questions insolubles à « refuser de parvenir » tout en voulant ouvrir sa gueule et vivre pleinement.

      Et il y a dans la responsabilité de faire des images avec la réalité et de les publier, un acte de représentation qui inflige un rôle de représentant·e. Représenter ce n’est pas seulement servir de médiatrice artistique (capter et émettre le monde) pour partager sa vision, ça peut aussi prendre la place de l’autre comme le font les députés qui ne représentent qu’eux mêmes, comme le sont les représentants de commerce qui vendent leur soupe, comme l’est une photographie produite sans conscience.
      Je pense qu’à contrario de la croyance en l’immortalité photographique, la photographie tue. C’est aussi une des raisons qui me rendent difficile l’idée d’arrêter le temps sur un visage, je perçois alors une sorte de fascination à laquelle il est difficile de résister.
      Oui, nous sommes responsables de ce que nous publions comme représentation du monde, parce que cela porte à conséquence, par exemple dans le texte que tu lis, sur les violences policières dont on ne peut pas stopper le massacre à flux tendu par une image « pour que cela cesse ».
      Et puis, quand la vacuité et la simplicité reprennent leurs danses joyeuses, je me sens absolument libre d’appuyer sur ma gâchette à images, d’attraper ce qui me plait, de me vautrer dans la médiocrité libre et détacher du monde, de ne pas devenir une photographe politique usée par des dogmes :)