• Une organisation en #souffrance

    Les Français seraient-ils retors à l’effort, comme le laissent entendre les mesures visant à stigmatiser les chômeurs ? Et si le nombre de #démissions, les chiffres des #accidents et des #arrêts_de_travail étaient plutôt le signe de #conditions_de_travail délétères.

    Jeté dans une #concurrence accrue du fait d’un #management personnalisé, évalué et soumis à la culture froide du chiffre, des baisses budgétaires, le travailleur du XXIe siècle est placé sous une #pression inédite...

    L’étude de 2019 de la Darès (Ministère du Travail) nous apprend que 37% des travailleurs.ses interrogés se disent incapables de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Que l’on soit hôtesse de caisse (Laurence) ou magistrat (Jean-Pierre), tous témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’impact que ces dégradations peuvent avoir sur notre #santé comme l’explique le psychanalyste Christophe Dejours : “Il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la #santé_mentale. Grâce au travail, votre #identité s’accroît, votre #amour_de_soi s’accroît, votre santé mentale s’accroît, votre #résistance à la maladie s’accroît. C’est extraordinaire la santé par le travail. Mais si on vous empêche de faire du travail de qualité, alors là, la chose risque de très mal tourner.”

    Pourtant, la #quête_de_sens est plus que jamais au cœur des revendications, particulièrement chez les jeunes. Aussi, plutôt que de parler de la semaine de quatre jours ou de développer une sociabilité contrainte au travail, ne serait-il pas temps d’améliorer son #organisation, d’investir dans les métiers du « soin » afin de renforcer le #lien_social ?

    Enfin, la crise environnementale n’est-elle pas l’occasion de réinventer le travail, loin du cycle infernal production/ consommation comme le pense la sociologue Dominique Méda : “Je crois beaucoup à la reconversion écologique. Il faut prendre au sérieux la contrainte écologique comme moyen à la fois de créer des emplois, comme le montrent les études, mais aussi une possibilité de changer radicalement le travail en profondeur.”

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/une-organisation-en-souffrance-5912905

    #travail #audio #sens #reconnaissance #podcast #déshumanisation #grande_distribution #supermarchés #Carrefour #salariat #accidents_du_travail # location-gérance #jours_de_carence #délai_de_carence #financiarisation #traçabilité #performance #néo-taylorisme #taylorisme_numérique #contrôle #don #satisfaction #modernisation #mai_68 #individualisation #personnalisation #narcissisation #collectif #entraide #épanouissement #marges_de_manoeuvre #intensification_du_travail #efficacité #rentabilité #pression #sous-traitance #intensité_du_travail #santé_au_travail #santé #épidémie #anxiété #dépression #santé_publique #absentéisme #dégradation_des_conditions_de_travail #sommeil #identité #amour_de_soi #santé_par_le_travail #tournant_gestionnaire #gouvernance_de_l'entreprise #direction_d'entreprise #direction #règles #lois #gestionnaires #ignorance #objectifs_quantitatifs #objectifs #performance #mesurage #évaluation #traçabilité #quantification #quantitatif #qualitatif #politique_du_chiffre #flux #justice #charge_de_travail

    25’40 : #Jean-Pierre_Bandiera, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes :

    « On finit par oublier ce qu’on a appris à l’école nationale de la magistrature, c’est-à-dire la motivation d’un jugement... On finit par procéder par affirmation, ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps. On a des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction de toute une série d’éléments qui sont pourtant importants : s’attarder sur les faits ou les expliquer de façon complète. On se contente d’une qualification développée : Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait 3 véhicules, 4 téléviseurs au préjudice de Madame Durant lors d’un cambriolage » mais on n’est pas du tout en mesure après de préciser que Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durant ou qu’il ne connaissait absolument pas Madame Durant. Fixer les conditions dans lesquelles ce délit a été commis de manière ensuite à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge ! Il faut avoir à chaque fois qu’il nous est demandé la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu. C’est très important. On finit par mettre des tarifs. Quelle horreur pour un juge ! On finit par oublier la quintessence de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur de faits, la victime, et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine, c’est aussi le devenir de l’auteur de cette infraction de manière à éviter la récidive, prévoir sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle du juge, ce qui, de plus en plus, est ratatiné à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins tarifées. Et ça c’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, c’est quelque chose qui me posait de véritables problèmes d’éthique, parce que je ne pensais pas ce rôle du juge comme celui-là. Du coup, la qualité de la justice finit par souffrir, incontestablement. C’est une évolution constante qui est le fruit d’une volonté politique qui, elle aussi, a été constante, de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle devait disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’ai jamais été interrompue. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. La France est donc ??? pénultième au niveau européen sur les moyens budgétaires consacrés à sa justice. Le Tribunal de Nîme comporte 13 procureurs, la moyenne européenne nécessiterait qu’ils soient 63, je dis bien 63 pour 13. Il y a 39 juges au Tribunal de Nîmes, pour arriver dans la moyenne européenne il en faudrait 93. Et de mémoire il y a 125 greffiers et il en faudrait 350 je crois pour être dans la moyenne. Il y avait au début de ma carrière à Nîmes 1 juge des Libertés et de la détention, il y en a aujourd’hui 2. On a multiplié les chiffres du JLD par 10. Cela pose un problème moral et un problème éthique. Un problème moral parce qu’on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. Un problème éthique parce qu’on finit par prendre un certain nombre de recul par rapport aux valeurs que l’on a pourtant porté haut lorsqu’on a débuté cette carrière. De sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps et au final un certain découragement me guettaient et m’ont parfois atteint ; mes périodes de vacances étant véritablement chaque année un moment où la décompression s’imposait sinon je n’aurais pas pu continuer dans ces conditions-là. Ce sont des heures de travail qui sont très très chargés et qui contribuent aussi à cette fatigue aujourd’hui au travail qui a entraîné aussi beaucoup de burn-out chez quelques collègues et puis même, semble-t-il, certains sont arrivés à des extrémités funestes puisqu’on a eu quelques collègues qui se sont suicidés quasiment sur place, vraisemblablement en grande partie parce que... il y avait probablement des problèmes personnels, mais aussi vraisemblablement des problèmes professionnels. Le sentiment que je vous livre aujourd’hui est un sentiment un peu partagé par la plupart de mes collègues. Après la réaction par rapport à cette situation elle peut être une réaction combative à travers des engagements syndicaux pour essayer de parvenir à faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres. Ces engagements syndicaux peuvent permettre cela. D’autres ont plus ou moins rapidement baissé les bras et se sont satisfaits de cette situation à défaut de pouvoir la modifier. Je ne regrette rien, je suis parti serein avec le sentiment du devoir accompli, même si je constate que en fermant la porte du tribunal derrière moi je laisse une institution judiciaire qui est bien mal en point."

    Min. 33’15, #Christophe_Dejours, psychanaliste :

    « Mais quand il fait cela, qu’il sabote la qualité de son travail, qu’il bâcle son travail de juge, tout cela, c’est un ensemble de trahisons. Premièrement, il trahi des collègues, parce que comme il réussi à faire ce qu’on lui demande en termes de quantité... on sait très bien que le chef va se servir du fait qu’il y en a un qui arrive pour dire aux autres : ’Vous devez faire la même chose. Si vous ne le faites pas, l’évaluation dont vous allez bénéficier sera mauvaise pour vous, et votre carrière... vous voulez la mutation ? Vous ne l’aurez pas !’ Vous trahissez les collègues. Vous trahissez les règles de métier, vous trahissez le justiciable, vous trahissez les avocats, vous leur couper la parole parce que vous n’avez pas le temps : ’Maître, je suis désolé, il faut qu’on avance.’ Vous maltraitez les avocats, ce qui pose des problèmes aujourd’hui assez compliqués entre avocats et magistrats. Les relations se détériorent. Vous maltraitez le justiciable. Si vous allez trop vite... l’application des peines dans les prisons... Quand vous êtes juges des enfants, il faut écouter les enfants, ça prend du temps ! Mais non, ’va vite’. Vous vous rendez compte ? C’est la maltraitance des justiciables sous l’effet d’une justice comme ça. A la fin vous trahissez la justice, et comme vous faites mal votre travail, vous trahissez l’Etat de droit. A force de trahir tous ces gens qui sont... parce que c’est des gens très mobilisés... on ne devient pas magistrat comme ça, il faut passer des concours... c’est le concours le plus difficile des concours de la fonction publique, c’est plus difficile que l’ENA l’Ecole nationale de magistrature... C’est des gens hyper engagés, hyper réglo, qui ont un sens de la justice, et vous leur faites faire quoi ? Le contraire. C’est ça la dégradation de la qualité. Donc ça conduit, à un moment donné, à la trahison de soi. Ça, ça s’appelle la souffrance éthique. C’est-à-dire, elle commence à partir du moment où j’accepte d’apporter mon concours à des actes ou à des pratiques que le sens moral réprouve. Aujourd’hui c’est le cas dans la justice, c’est le cas dans les hôpitaux, c’est le cas dans les universités, c’est le cas dans les centres de recherche. Partout dans le secteur public, où la question éthique est décisive sur la qualité du service public, vous avez des gens qui trahissent tout ça, et qui entrent dans le domaine de la souffrance éthique. Des gens souffrent dans leur travail, sauf que cette souffrance, au lieu d’être transformée en plaisir, elle s’aggrave. Les gens vont de plus en plus mal parce que le travail leur renvoie d’eux-mêmes une image lamentable. Le résultat c’est que cette trahison de soi quelques fois ça se transforme en haine de soi. Et c’est comme ça qu’à un moment donné les gens se suicident. C’est comme ça que vous avez des médecins des hôpitaux, professeurs de médecine de Paris qui sautent par la fenêtre. Il y a eu le procès Mégnien, au mois de juin. Il a sauté du 5ème étage de Georges-Pompidou. Il est mort. Comment on en arrive là ? C’est parce que les gens ont eu la possibilité de réussir un travail, de faire une oeuvre, et tout à coup on leur casse le truc. Et là vous cassez une vie. C’est pour cela que les gens se disent : ’Ce n’est pas possible, c’est tout ce que j’ai mis de moi-même, tous ces gens avec qui j’ai bossé, maintenant il faut que ça soit moi qui donne le noms des gens qu’on va virer. Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas possible.’ Vous les obligez à faire l’inverse de ce qu’ils croient juste, de ce qu’ils croient bien. Cette organisation du travail, elle cultive ce qu’il y a de plus mauvais dans l’être humain. »

    #suicide #trahison #souffrance_éthique

    • Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail #jusqu’à_la_retraite ?

      En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des #risques_professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’#insoutenabillité du travail.

      Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.

      Une organisation du travail qui favorise l’#autonomie, la participation des salariés et limite l’#intensité_du_travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.

      https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quels-facteurs-influencent-la-capacite-des-salaries-faire-
      #statistiques #chiffres

  • Report: Arlington’s first guaranteed income pilot boosted quality of life for poorest residents

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    En résumé:
    Employment INCREASED by 16%, and their incomes from paid work INCREASED by 37%. The control group saw no such gains.
    https://hachyderm.io/@scottsantens/111890582659889973

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    Results from Arlington’s first guaranteed income pilot reveal that an additional $500 per month significantly enhanced the quality of life for impoverished families.

    Parents with children under 18, earning less than $46,600 annually, reported that the additional $500 monthly helped them obtain better-paying jobs, address basic needs and improve their overall well-being, according to a new report by the Arlington Community Foundation (ACF), the local nonprofit that oversaw the pilot.

    Moreover, the monthly payments enabled individuals to invest in certifications and educational advancement and tackle their medical bills, credit card debt and student loans.

    Between September 2021 and last December, ACF provided the monthly stipend to families earning 30% of the area median income so they could continue living in Arlington, which is known for having some of the highest living costs in the nation.

    The pilot sought to challenge the stigma associated with guaranteed income, which grants a minimum income to those who do not earn enough to support themselves. It drew inspiration from similar programs in Stockton, California, and Jackson, Mississippi.

    In the long term, Arlington’s Guarantee is meant to persuade state and federal lawmakers to implement some form of guaranteed income. This is not to be confused with universal basic income, another touted policy reform that guarantees income to people regardless of their eligibility for government assistance or their ability to work.

    Findings from the pilot come on the heels of a separate report, which found that more than half of families living in South Arlington cannot afford basic food, housing, medical and childcare expenses, compared to just 15% of families in North Arlington. ACF noted that most guaranteed income pilot participants reside in South Arlington.

    While private donations and philanthropy fully funded the $2 million program, Arlington County’s Department of Human Services (DHS) helped select, track and evaluate participants.

    DHS randomly chose 200 households to receive $500 a month and created a control group with similar demographics and income levels, which did not receive stipends, to compare the results. Most (53%) of participants identified as Black or African-American, followed by people who identify as white (23%). Thirty percent identified as Hispanic or Latino and 70% as non-Hispanic.

    With the extra $500 a month, most participants reported putting the money toward groceries, paying bills, buying household essentials, rent and miscellaneous expenses including car repairs.

    Individuals who received the stipend reported increasing their monthly income by 36%, from $1,200 to $1,640, compared to the control group, whose income only rose 9%. ACF says the extra cash gave participants breathing room to make investments that could improve their job prospects.

    “Rather than working overtime or multiple jobs to meet basic needs, some participants reported using the time to pursue credentials… that could lead to a higher-paying job or starting their own business,” ACF said. “Other participants indicated that Arlington’s Guarantee helped them pursue better-paying jobs by allowing them to purchase interview clothes or cover the gap between their old and new jobs.”

    By the end of the study, nearly three-quarters of participants who received a guaranteed income reported improved mental and physical well-being and an increased sense of control, compared to the control group.

    “It’s a mental thing for me. Just the fact that I knew that I had an income coming, it helped me not have panic attacks,” said one participant. “I knew I could have food for the kids and pay the bills. It allowed me to use my time to be wise about money and not stressed about money.”

    Still, most participants reported they still could not cover an unexpected $400 expense from their savings and said they would need to borrow money, get a loan or sell their belongings in case of an emergency. Income, food and housing insecurity were most acute among undocumented immigrants and those who were once incarcerated.

    Arlington County is not the only locality in Northern Virginia experimenting with a guaranteed income program. Last year, Fairfax County also supported a guaranteed income pilot, offering a monthly stipend of $750 to 180 eligible families over 15 months.

    Although the Arlington County Board signed a resolution imploring state and federal lawmakers to implement a guaranteed income program, neither it nor Fairfax County has indicated that a permanent version of these programs would be implemented locally.

    Meanwhile, ACF said it has been engaging state lawmakers about the prospect of restoring the child tax credit, which expired in 2021, to help raise families out of poverty.

    “This expanded federal CTC in 2021 was a game changer: it reduced child poverty by 46% by lifting 3.7 million children out of poverty before it was allowed to lapse in 2022,” the report said. “This was effectively a trial of guaranteed income policy by the federal government.”

    The U.S. House of Representatives recently passed legislation to expand this credit, which has headed to the Senate for a vote. The tax credit offers a break of up to $2,000 per child, with potentially $1,600 of that being refundable. If signed into law, it would incrementally raise the tax credit amount of $100 annually through 2025.

    Democrats in the Virginia General Assembly, meanwhile, have proposed establishing a child tax credit that would extend until 2029. A House of Delegates subcommittee voted yesterday to delay consideration of the bill until next year.

    https://www.arlnow.com/2024/02/06/report-arlingtons-first-guaranteed-income-pilot-boosted-quality-of-life-for-

    #rdb #revenu_de_base #revenu_garanti #qualité_de_vie #réduction_de_la_pauvreté #travail #Arlington #USA #Etats-Unis #statistiques #chiffres

  • « La ruée minière au XXIe siècle » : le #mensonge de la #transition_énergétique

    La transition énergétique telle qu’elle est promue par les entreprises, les institutions et les gouvernements partout dans le monde repose sur l’extraction d’une quantité abyssale de #métaux. C’est ce paradoxe que décortique la journaliste et philosophe #Celia_Izoard dans son essai intitulé La ruée minière au XXIe siècle, qui paraît cette semaine au Québec aux Éditions de la rue Dorion.

    « Pour régler le plus important problème écologique de tous les temps, on a recours à l’industrie la plus polluante que l’on connaisse », résume l’autrice en visioconférence avec Le Devoir depuis son domicile, situé en pleine campagne dans le sud-ouest de la France.

    Cette dernière examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques des nouvelles technologies. Elle a notamment publié un livre sur la vie des ouvriers de l’entreprise chinoise Foxconn, le plus grand fabricant de produits électroniques au monde. Ironiquement, nos outils numériques font défaut au cours de l’entrevue, si bien que nous devons poursuivre la discussion par le biais d’une bonne vieille ligne téléphonique résidentielle.

    Les métaux ont beau être de plus en plus présents dans les objets qui nous entourent, dont les multiples écrans, l’industrie minière fait très peu partie de l’imaginaire collectif actuel, explique Mme Izoard d’un ton posé et réfléchi. « Je croise tous les jours des gens qui me disent : “Ah bon, je ne savais pas que notre système reposait encore sur la #mine.” Ça me conforte dans l’idée que c’était utile de faire cette enquête. Notre système n’a jamais autant reposé sur l’#extraction_minière qu’aujourd’hui. »

    L’extraction de métaux a déjà doublé en vingt ans et elle n’est pas en voie de s’amenuiser, puisque les #énergies dites renouvelables, des #batteries pour #voitures_électriques aux panneaux solaires en passant par les éoliennes, en dépendent. Elle est susceptible d’augmenter de cinq à dix fois d’ici à 2050, selon une évaluation de l’Agence internationale de l’énergie.

    « Électrifier le parc automobile français nécessiterait toute la production annuelle de #cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de #lithium dans le monde. Donc soit cette transition prendra beaucoup trop longtemps et ne freinera pas le réchauffement climatique, soit elle se fera dans la plus grande violence et une destruction incroyable », rapporte l’autrice.

    On bascule d’une forme d’extraction, du pétrole, à une autre, des métaux. « Cela n’a pas plus de sens que d’essayer de venir à bout de la toxicomanie remplaçant une addiction par une autre », juge-t-elle.

    Une justification officielle

    Les pouvoirs publics ne semblent pas y voir de problème. Ils font largement la promotion de cette #ruée_minière, promettant le développement de « #mines_responsables ». La #transition est la nouvelle excuse pour justifier pratiquement tous les #projets_miniers. « Une mine de cuivre est devenue miraculeusement une mine pour la transition », souligne Mme Izoard. Pourtant, le #cuivre sert à de multiples usages au-delà de l’#électrification, comme l’électronique, l’aérospatiale et l’armement.

    C’est dans ce contexte que la journaliste est partie à la recherche de mines responsables. Elle s’est documentée, elle a visité des sites d’exploitation, elle a consulté des experts de ce secteur d’activité et elle a rencontré des travailleurs, tout cela en #France, au #Maroc, au #Suriname et en #Espagne.

    Malgré les engagements publics et les certifications de plusieurs #entreprises_minières envers des pratiques durables et les droits de la personne, Celia Izoard n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait. Au cours de cette quête, elle a publié une enquête pour le média Reporterre au sujet d’une mine marocaine mise en avant par les constructeurs automobiles #BMW et #Renault comme étant du « #cobalt_responsable ». Or, il s’est avéré que cette mine empoisonne les sols à l’#arsenic, dessèche la #nappe_phréatique et cause des maladies aux travailleurs.

    « La #mine_industrielle est un modèle qui est voué à avoir des impacts catastrophiques à moyen et long terme. Ce n’est pas parce que ces entreprises sont méchantes et malhonnêtes, mais parce qu’il y a des contraintes physiques dans cette activité. Elle nécessite énormément d’#eau et d’énergie, elle occupe beaucoup d’espace et elle déforeste. »

    #Boues_toxiques et pluies d’oies sauvages

    Dans son livre, Mme Izoard décrit de nombreux ravages et risques environnementaux qui sont matière à donner froid dans le dos. Les premières pages sont notamment consacrées au phénomène du #Berkeley_Pit, une ancienne mine de cuivre devenue un lac acide causant la mort de milliers d’oies sauvages.

    « Rappelons-nous la rupture de digue de résidus de la mine de cuivre et d’or de #Mount_Polley en 2014, lors de laquelle 17 millions de mètres cubes d’eau chargée en #métaux_toxiques ont irréversiblement contaminé de très grandes superficies et des ressources en eau d’une valeur inestimable, a-t-elle souligné au sujet de cette catastrophe canadienne. Or, des bassins de résidus de même type, il y en a 172 rien qu’en #Colombie-Britannique, et les boues toxiques qui y sont stockées représentent l’équivalent d’un million de piscines olympiques. Malheureusement, avec le chaos climatique, les risques de rupture accidentelle de ces barrages sont décuplés. » Elle considère d’ailleurs que le Canada est « au coeur de la tourmente extractiviste ».

    Les gouvernements du #Québec et du #Canada soutiennent généralement que le développement minier sur leur territoire respectera des #normes_environnementales plus strictes, en plus d’utiliser de l’énergie plus propre. Cet argument justifierait-il l’implantation de nouvelles mines ? Non, estime Mme Izoard.

    « Aucun État puissant industriellement ne relocalise sa #production_minière ni ne s’engage à cesser d’importer des métaux. Ce qui est en train de se passer, c’est que les besoins en métaux explosent dans tous les domaines et que les entreprises minières et les États se sont mis d’accord pour créer des mines partout où il est possible d’en créer. Ce n’est pas parce qu’on accepte une mine dans sa région qu’il n’y aura pas de mine pour la même substance à l’autre bout du monde. » Il est peu probable, par exemple, que des batteries produites au Québec s’affranchissent totalement des métaux importés.

    Pour une #décroissance_minérale

    Celia Izoard estime plutôt qu’une grande partie des mines du monde devraient fermer, puisqu’elles sont situées dans des zones menacées par la sécheresse. Nous n’aurions alors pas d’autre choix que de nous engager dans une désescalade de la consommation de métaux, « une remise en cause radicale de la manière dont on vit ». Selon cette vision, il faudrait contraindre l’ensemble du secteur industriel à se limiter, tout comme on lui demande de réduire ses émissions de GES. Les métaux devraient être réservés aux usages alors déterminés comme étant essentiels. Les immenses centres de données, les avions, les VUS électriques et les canettes d’aluminium sont-ils nécessaires à la vie humaine ?

    « Il faut arrêter de se laisser intimider par le #déterminisme_technologique, soit l’idée que le #progrès suit cette direction et qu’on ne peut rien changer. Ce sont des choix idéologiques et politiques très précis avec du financement public très important. Il faut cesser de penser que les technologies sont inéluctablement déployées et qu’on ne peut pas revenir en arrière. »

    https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique
    #mines #extractivisme #terres_rares #pollution

  • Faire justice. #Moralisme_progressiste et #pratiques_punitives dans la lutte contre les violences sexistes

    Là où il est admis que le recours à la #police en cas de violence n’est pas la solution mais plutôt un problème supplémentaire, la tentation est de s’y substituer. Si l’intention est louable, son application l’est moins. Les mesures sont expéditives et les outils pour faire justice sont encore profondément empreints d’une philosophie punitive : menace, exclusion, harcèlement, dénonciation publique et discréditation politique. Comment sortir de cette impasse ? La question est d’autant plus difficile qu’elle surgit au moment où les forces réactionnaires mènent une large offensive contre le wokisme pour mieux protéger ceux qui organisent les violences dans nos sociétés.
    Écrit par une « militante gouine », ce livre propose une critique fine du moralisme progressiste et des pratiques punitives dans les luttes sociales. En se saisissant d’exemples concrets rencontrés au gré de son militantisme et en discutant précisément l’abolitionnisme pénal, elle pose les jalons d’une justice transformatrice inventive, capable de prendre soin des victimes et de transformer les individu.es comme les groupes.
    Endiguer les violences c’est aussi ne plus craindre le conflit, ne plus avoir peur de lutter.

    https://lafabrique.fr/faire-justice
    #justice #justice_transformatrice #livre #VSS #violences_sexistes

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/1027419

    ping @_kg_

  • Sahra Wagenknecht und Co. : Im Zweifel nennt man sie „Querfront“
    https://www.berliner-zeitung.de/kultur-vergnuegen/sahra-wagenknecht-und-co-im-zweifel-nennt-man-sie-querfront-li.2180

    Une vérification de quelques faits historique révèle pourquoi les accusation de collaboration avec la droite sont des prétextes pour nuire au mouvement contre l’extrême droite.

    27.1.2024 von Dennis Desoi - Politischen Widersachern wird allzu schnell der Kampfbegriff „Querfront“ angehängt. Wieso sieht man in neuen linken Bewegungen keine Chance? Ein Gastbeitrag.

    Der Gebrauch von Kampf- und Schimpfbegriffen hat in den letzten 20 Jahren inflationär zugenommen. Bereits die „Schurken“-Staatschefs Milosevic, Saddam, Gaddafi, Assad und Putin waren wahlweise „Hitler II“. Mediale, elektronisch geladene Kontaktsperrgitter werden errichtet um sogenannte Nach-rechts-Offene, Verschwörungstheoretiker, Querdenker, Klimaleugner oder Schwurbler.

    Sogar der Begriff „links“, einst aus Parlamentssitzordnungen abgeleitet, droht als Worthülse zu versanden. Jedenfalls hat es nichts mit „links“ zu tun, wenn Leitmedien auf sogenannte bildungsferne AfD-Wähler herabschauen. Das führt nur dazu, dass sich sozial Abgehängte zusätzlich noch kulturell abgehängt fühlen.

    Auch „Querfront“ wurde ein solcher Kampfbegriff: Sehnsucht für die einen, wenn sich im Wagenknecht-Büro die Appelle stapeln, „doch endlich mit Alice zusammenzugehen“. Und Hassfigur für die anderen, besonders für „woke“ Journalisten. Die hätten zwar nichts dagegen, wenn das Bündnis Wagenknecht die AfD zerkleinerte. Aber nach den Europa- und Thüringen-Wahlen wird es dann schnell wieder totgeschwiegen. Und höchst vorsorglich schon jetzt als „Querfront“ dämonisiert.

    Goebbels Teilnahme am BVG-Streik

    In der Realität gelingt die Verteidigung der Demokratie nur mit einer breiten Bündelung der Kräfte und in aller Öffentlichkeit. Und genau dagegen wird das sperrige Wort aus den letzten Tagen der Weimarer Republik in Stellung gebracht, leichtgläubig und quellenfrei: Querfront.

    Um es vorwegzunehmen: In der deutschen Geschichte hat es eine demokratieschädigende Querfront nie gegeben. Früher wurde linken Schülern vom Lehrpersonal ein Foto gezeigt, auf dem Walter Ulbricht neben Joseph Goebbels zu sehen war. Angeblich auf einem Lohnstreik-Podium der Berliner Verkehrsbetriebe am 4. November 1932. Der Tenor: wie „Extremisten von links und rechts“ gemeinsam die Weimarer Republik zerstört hätten. Doch das Foto stammt aus dem Januar 1931 und zeigt ein Streitgespräch, das in einer Saalschlacht zwischen Kommunisten und Nazis endete. Goebbels Teilnahme am BVG-Streik brachte ihm in seinem Wahlbezirk bei der Reichstagswahl am 6. November 1932 erhebliche Stimmenverluste.

    Schleicher präsentierte sich als „sozialer General“

    Der Begriff Querfront erweist sich bei historischer Betrachtung als Wortpatronenhülse. „Quer“ – das soll eine angebliche „Front“ gewesen sein: vom KPD-Führer Ernst Thälmann bis zu Adolf Hitler. Doch erstens war Thälmann zu keinem „Querfront“-Gespräch je eingeladen. Und zweitens richtete sich das Ganze gegen Hitler. Georg Fülberth im „Freitag“ (48/22) beschreibt jene schicksalhaften Tage differenzierter als viele Kritiker: „Kurt von Schleicher versucht als Reichskanzler Ende 1932, den ‚linken‘ Flügel der NSDAP, die SPD und Gewerkschaften zu gewinnen, um mit einer Links–Rechts-Front die Nazi-Diktatur zu verhindern. Industrie und Banken jedoch wollten Adolf Hitler.“

    Nach links versprach Schleicher die Intensivierung gemeinsamer Manöver der Reichswehr und der Roten Armee als friedensbildende Maßnahme. Außerdem bot er an: weitergehende soziale Rechte und die Eindämmung der politischen Macht des extremen Hitlerflügels im Monopolkapital um Krupp und Thyssen. Schleicher wollte tatsächlich – sicher auch aus egoistischen Motiven – ein Massenbollwerk aus Teilen der Arbeiterbewegung, der Bauern und der Reichswehr formen. Er präsentierte sich als „sozialer General“ gegen Hitler – von Goebbels prompt als „der rote General“ verspottet.

    Auch Gregor Strasser, der den Arbeiterflügel in der NSDAP anführte, war zu jener Zeit bereits Hitlers Gegner, nicht anders als sein Bruder Otto, der schon zwei Jahre zuvor aus der Nazipartei ausgetreten war. Prominente Führungskader der SA, etwa Bodo Uhse, traten in die KPD über. Andere folgten, beispielsweise der auf der Rechten hochgeachtete Offizier und Großbauer Richard Scheringer, der sich 1931 mit Anhängern und Familie von der NSDAP abwandte und nach dem Krieg die KPD/DKP aufbauen half.

    Schleicher und Strasser wurden erschossen

    Zum Jahreswechsel 1932/33 hatten die Geheimgespräche Hitlers mit dem inzwischen abgelösten Reichskanzler Franz von Papen Fahrt aufgenommen. Im Kern ging es darum, Kurt von Schleicher, Reichskanzler seit Anfang Dezember, zum Abschuss freizugeben. Anfang Januar schockten dann der Industrielle Gustav Krupp, Papen und dessen Vorgänger Heinrich Brüning den Reichspräsidenten mit einer heißen Information: Reichskanzler von Schleicher organisiere einen „Querfront-Staatsstreich“. Deshalb müsse Hindenburg so schnell wie möglich Hitler an dessen Statt zum Reichskanzler ernennen.

    In der Tat hatte Schleicher den Reichstag auflösen wollen. Doch trotz der Nazi-Wahlschlappe im November 1932 (gegenüber der Juli-Wahl hatte die NSDAP 4,2 Prozent verloren) wuchs die Reputation des „kleinen Gefreiten Hitler“ (Hindenburg) beim Großkapital. Von ziemlicher Bedeutung war dabei ein Treffen am 3. Januar 1933 im Kölner Haus des Bankiers Kurt Freiherr von Schröder. Die Unterredung war auf Initiative rheinisch-westfälischer Industrieller um die Frontkämpfer-Vereinigung „Stahlhelm“ zustande gekommen. Bei dem Treffen hatte Hitler sich als „wirtschaftlichen Liberalen“ bezeichnet und dem Industriekapital angedient. Dem Journalisten Hellmuth Elbrechter, einem Vertrauten Schleichers und Gregor Strassers, gelang ein Foto, das die Beteiligten beim Betreten der Villa zeigte.

    Noch am selben Abend legte Elbrechter dem Reichskanzler das Foto vor. Schleichers Zornesausbruch sprach sich bis zu Hitlers Kadern rum. Am 5. Januar titelte die „Tägliche Rundschau“: „Hitler und Papen gegen Schleicher.“ Die beiden „Querfrontler“ Schleicher und Strasser wurden im Jahr darauf, im Rahmen der sogenannten Röhm-Morde um den 1. Juli 1934, erschossen.
    Die demokratische Linke war vor 1933 gespalten

    In der Rückschau waren Schleichers Bemühungen vielleicht der letzte ernsthafte Versuch, die Naziherrschaft abzuwenden. Dennoch schlagen einige Journalisten heute mit den Begriffen „Querfront“ und „nach rechts offen“ in Richtung linker Rüstungsgegner. (Aber in welche Richtung sollten marxistische Ohren sonst offen sein? Richtung linksaußen, wo die Sekten sitzen?) Und: hatte nicht die Weimarer Linke mit ihrem viel zu kleinlauten Protest gegen die Versailler Vertragsdiktate besonders die Langzeitarbeitslosen und Kleinstunternehmer den Rechtsextremen in die Küche getrieben? Und das, obwohl Paul Levi, Karl Radek, Clara Zetkin, Ernst Bloch, Bert Brecht, Hanns Eisler, Wolfgang Abendroth und andere linke Querdenker für breitere Volksbündnisse geworben hatten?

    Im August 1930 verabschiedete die KPD immerhin ihre Programmerklärung zur „Nationalen und sozialen Befreiung des deutschen Volkes“. Auf deren Grundlage konnten die Kommunisten im November 1932 den Nazis noch rund 700.000 Stimmen abnehmen. Dennoch warf ihnen Ernst Bloch später vor: „Kampflos, Genossen, habt ihr das Kleinbürgertum dem Faschismus überlassen!“

    Die demokratische Linke war vor 1933 gespalten und daher zu keiner breiten Volksfront fähig. Dabei ist schon richtig: Die ganze Monstrosität des Hitlerflügels innerhalb des Monopolkapitals konnte sie kaum vorausahnen. Ein medial bis heute gut gehütetes Geheimnis blieben auch die eiskalten Spekulationen des späteren Deutsche-Bank-Chefs Hermann Josef Abs von „innerdeutscher Kapitalbindungskraft (…) von ungeheurem Reiz (…) durch den siegreichen Ausgang des Krieges“ vor Bankenvertretern und Reichswirtschaftsführern am 25. Oktober 1940, acht Monate vor dem Überfall auf Sowjetrussland.
    Anstrengungen der Patrioten aller Parteien zur Rettung des Vaterlands

    Aber „Mein Kampf“ war bekannt. Dennoch begnügten sich die meisten Nicht-Faschisten mit passiver Beobachtung der Kräfteverschiebungen im Berliner Regierungsviertel – die sie dann allenfalls wie nörglerische Zuschauer mit spöttischem Agitprop kommentierten. Jedoch dort keineswegs eingriffen.

    Dabei hatte Lenin schon 1920 gerade die deutschen Linken gemahnt, die „feinsten Risse“ im gegnerischen Mauerwerk zu nutzen – ansonsten hätten sie vom „Marxismus keinen Deut verstanden“. Die Kommunisten hatten zwar im April 1932 zur Reichspräsidentenwahl plakatiert: „Wer Hindenburg wählt, wählt Hitler. Wer Hitler wählt, wählt den Krieg“ – aber dann doch nur ihren Parteivorsitzenden Thälmann gegen Hindenburg aufgeboten. Und – was viele abstieß – von „Sowjetdeutschland“ geschwärmt, statt an einem wirklich breiten Anti-Hitler-Angebot zu arbeiten und etwa einen Carl von Ossietzky zur Kandidatur zu bewegen.

    Während die KPD die SPD-Führung als „Sozialfaschisten“ beschimpfte, ließen SPD-Beamte auf KPD-Leute als „rot lackierte Faschisten“ knüppeln und schießen. Diese Spaltung auf der Linken begünstigte die Überlegenheit des vom „terroristischsten, imperialistischsten Finanzkapital“ (Georgi Dimitroff) geförderten Hitlerflügels auf der Rechten. Dagegen musste Schleichers Anlauf saft- und kraftlos bleiben.

    Heißt das nun postum, dass es keine außerordentlichen Bündnisanstrengungen gegen außerordentliche Bedrohungen geben darf? Etwa, wenn jetzt öffentliche Aufrufe von Wolodymyr Selenskyj und Joschka Fischer für atomare Abschreckung gegen Russland ertönen? Wer sagt, wir befänden uns bereits mit einem Zeh im Dritten Weltkrieg, dem steht Engstirnigkeit schlecht zu Gesicht.

    Andere hatten „ihren“ Lenin besser verstanden. Mao Zedong zum Beispiel. Im Krieg gegen die massenmörderischen japanischen Besatzer und Hitler-Verbündete appellierte er im Oktober 1943 eindringlich an das 11. Plenum der Kuomintang-Partei (seine Gegner!) und besonders an deren rechten Flügel um Tschiang Kai-schek, „die Anstrengungen der Patrioten aller Parteien (…) zur Rettung des Vaterlands zu vereinen“.
    Sozialstaatlichkeit kann gesetzlich nur im Nationalstaat abgesichert werden

    Oder: Wie breit mussten die Alliierten aufgestellt sein, um den Hauptfeind Faschismus zu schlagen – vom Antikommunisten Winston Churchill bis zu Josef Stalin. Weitsichtige Antiimperialisten wollten selten Macht und Köpfe kampflos ihren Todfeinden überlassen. Als der „Faschistische Großrat“ in Italien am 25. Juli 1943 Mussolini absetzte und durch eine Regierung der nationalen Einheit ohne faschistische Parteimitglieder, aber unter dem militant-monarchistischen Marschall Pietro Badoglio ersetzte, traten schließlich (gegen harte innerlinke Widerstände) zwei Kommunisten in die Regierung ein, unter ihnen Palmiro Togliatti. Und zwar mit einer Erklärung unter dem Titel „Liebe zum Vaterland“. Alles „Querfront“?

    Ebenfalls „nach rechts offen“ hat Erich Weinert agitiert, als er für das „Nationalkomittee Freies Deutschland“ mit patriotischen Parolen Wehrmachtssoldaten zum Desertieren aufrief – im Übrigen erfolgreich. Oder war es falsch von Walter Ulbricht, in der „Nationalen Front“ um Breite und Traditionen zu ringen - und damit um kleine NS-Mitläufer? Während in Westdeutschland der Justiziar der Judenausrottung, Hans Globke, Chef in Adenauers Kanzleramt wurde? Während der Auschwitz-Kreditgeber Abs zu Adenauers Chefverhandler in Geldfragen werden und Polen wie Griechenland um Wiedergutmachung prellen durfte? Während der Wehrmachtsgeneral Reinhard Gehlen zu Adenauers Geheimdienstchef wurde und - freilich mit Geleitschutz der CIA - linke Journalisten niedermachen konnte?

    Das alles wird beim Querfront-Vorwurf vieler Medien totgeschwiegen. Dafür warf in der FAZ vom 5. September 2022 der Leiter der Augsburger Brecht-Forschungsstätte dem Dichter vor, mit einstigen „Günstlingen des NS-Regimes zusammengearbeitet“ zu haben. Gemeint waren unter anderem Brechts Jugendfreund und Bühnenbildner Caspar Neher und Gustaf Gründgens.

    Im Grunde geht es bei dem Querfront-Vorwurf darum, populäre Positionen für die Nation und für die Heimat von Linken fernzuhalten. Das Spiel heißt: „Teile und herrsche!“ Es reduziert den Wirkungskreis Intellektueller auf die Universitätshörsäle und öffnet den Rechten die Festzelte und Plenarsäle. In demagogischer Weise werden chauvinistischer Nationalismus und nationalstaatliche Vernunft gleichgesetzt. Heute können sich transnational agierende Konzernchefs bei woken Medien bedanken, wenn sie Nationalstaaten und deren Grenzen schleifen und zu Failed States machen.

    Sozialstaatlichkeit kann gesetzlich nur im Nationalstaat abgesichert werden. Das Recht der Freihandelszone EU bietet nämlich der Sozialstaatlichkeit per se keinen Platz – allen „Pro-EU-Gesängen“ zum Trotz, die zum Europa-Wahljahr von neuem gegen die Nationalstaaten angestimmt werden. Auch heute wieder wird der werktätige und kleinbürgerliche Alltagsverstand kampflos dem Chauvinismus überlassen. Dabei hatten bereits Marx und Engels im „Kommunistischen Manifest“ geschrieben, dass im Bewusstsein und „der Form nach der Kampf des Proletariats gegen die Bourgeoisie zunächst ein nationaler“ sei.

    Joschka Fischer, der Völkerrechtsbrecher gegen Jugoslawien, schlug 1982 im „Pflasterstrand“ vor, „deutsche Helden wie tollwütige Hunde“ zu erschlagen. Aber wer waren die eigentlichen „deutschen Helden“? Waren es nicht die des Widerstands? Hießen sie nicht Robert Blum, Rosa Luxemburg und Sophie Scholl?

    #Allemagne #,politique #antifascisme #histoire #front_populaire #Querfront

  • Les « stages kebab », reflets des difficultés dès la 3ᵉ pour les jeunes des quartiers populaires
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/23/les-stages-kebab-reflets-des-difficultes-des-la-3-pour-les-jeunes-des-quarti


    AUREL

    Chaque année, de nombreux #élèves issus de milieux défavorisés effectuent un #stage d’observation par défaut, n’ayant pu trouver des #entreprises plus prestigieuses prêtes à les accueillir. Une première expérience de discrimination.

    Quand Maric (il n’a pas souhaité donner son nom) était petit, il rêvait de devenir avocat. Alors, en classe de 3e, pour son stage d’observation, ce jeune homme habitant à Grigny (Essonne) envoie une poignée de CV préparés en classe à des cabinets d’avocats à Paris. « On m’a dit que ce n’était pas possible parce que j’étais trop jeune, ou alors qu’ils ne prenaient pas de stagiaires », se souvient l’adolescent, qui a 16 ans aujourd’hui. Il fait finalement son stage dans un supermarché tenu par son oncle, « par manque de choix ». Un an plus tard, son petit frère a fait le même stage. « Les gens autour de moi ne tentent pas trop les cabinets d’avocats, les banques ou ce genre de choses à Paris, reconnaît-il. Ils se disent que ça ne sert à rien. On va les envoyer balader. »
    Dans les quartiers populaires, on les appelle les « stages kebab ». Ces stages par défaut que de nombreux jeunes de #banlieue vont faire dans un kebab, une épicerie, un centre social, une pharmacie du quartier, souvent tenus par un proche, faute d’avoir trouvé une expérience plus enrichissante dans la grande #ville du coin. Se tenant sur cinq jours, généralement entre décembre et février en fonction des établissements, le stage d’observation en milieu professionnel, obligatoire en classe de 3e, devient ainsi le reflet des discriminations vécues par les jeunes issus de familles défavorisées, souvent sans réseau professionnel, et illustre la difficulté, dès le plus jeune âge, de s’extraire du quartier.

    https://justpaste.it/dh2nb

    #école #collège #quartiers_populaires #formation #emploi

  • Un long article de synthèse sur un débat en cours : jusqu’à quel point la société française actuelle est-elle marquée par des legs coloniaux ? A retenir, notamment, les noms et analyses des philosophes Souleymane Bachir Diagne et Nadia Yala Kisukidi.
    (la suite de l’article est à lire en vous connectant au site du Monde)

    Comment la question coloniale trouble les sociétés occidentales
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/comment-la-question-coloniale-trouble-les-societes-occidentales_6211842_3232

    Comment la question coloniale trouble les sociétés occidentales
    Par Nicolas Truong, le 19 janvier 2024

    Si l’histoire des colonisations se renouvelle en France, ses approches théoriques restent déconsidérées par une frange de l’opinion qui en refuse les conclusions et les réduit à leurs aspects les plus controversés.

    C’est une histoire qui travaille les mémoires. Un passé qui pèse sur le présent. La question coloniale ne cesse de hanter la politique nationale. A croire que chaque fracture française réveille ce passé qui a encore du mal à passer. Dans certaines de ses anciennes colonies, notamment africaines, où la France est conspuée et même chassée de pays longtemps considérés comme des prés carrés. Dans ses banlieues paupérisées au sein desquelles les émeutes contre les violences policières ravivent le sentiment du maintien d’une ségrégation sociale, spatiale et raciale héritée de la période coloniale. Dans des stades où La Marseillaise est parfois sifflée.

    Une histoire qui s’invite jusque dans les rangs de l’Assemblée nationale, où l’usage du terme « métropole » pour désigner la France continentale sans les territoires d’outre-mer est désormais rejeté, car considéré comme colonialiste. Et jusqu’à l’Elysée : après avoir affirmé, lors de la campagne présidentielle de 2017, que la colonisation était un « crime contre l’humanité » qui appartient à un « passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », Emmanuel Macron a finalement estimé, en 2023, qu’il n’avait « pas à demander pardon ». Un ravisement contemporain d’un ressassement idéologique et médiatique permanent contre la « repentance », la « haine de soi » et l’« autoflagellation ».

    Cependant, il semble difficile pour une société d’éviter les sujets qui finissent inexorablement par s’imposer. Il en va de la colonisation comme de la collaboration. La génération Mitterrand et les années Chirac ont été ponctuées par des révélations, débats et discours marquants liés à la période du gouvernement de Vichy. La France d’Emmanuel Macron n’échappe pas à l’actualité de l’histoire de ses anciennes colonies. Car « le passé colonial est partout », résume l’historien Guillaume Blanc, l’un des quatre coordinateurs de Colonisations. Notre histoire, ouvrage collectif dirigé par Pierre Singaravélou (Seuil, 2023).

    (...).

    #colonisation #colonialité #racisme #antiracisme #émancipation #universalisme

    • Suite de l’article :

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/19/comment-la-question-coloniale-trouble-les-societes-occidentales_6211842_3232

      « Le colonialisme n’est pas achevé »

      Au Sahel, la présence de la France est devenue indésirable. Bien sûr, la stratégie africaine de la Chine comme l’emprise de la Russie, à travers les milices privées du Groupe Wagner, n’y sont pas étrangères. Mais « il faut souligner l’épaisseur historique de ce sentiment », insiste Guillaume Blanc. L’histoire de cette réprobation est « à la fois récente et ancienne », ajoute-t-il, en référence aux analyses d’Ousmane Aly Diallo, chercheur à Amnesty International, selon qui les interventions militaires de la France dans ses anciennes colonies en Afrique – près de cinquante depuis 1960 – ont pérennisé « l’hégémonie française dans ces espaces ». Ainsi, à partir de 2022, lorsque l’armée française quitte le Mali et le Burkina Faso et se replie au Niger, « elle a beau dire y lutter contre le djihadisme, les populations y voient une ingérence française de plus », constate Guillaume Blanc.

      Cette histoire est également plus ancienne et « nous ramène notamment aux années 1950 », explique-t-il, à la lumière des apports de l’historienne Gabrielle Hecht : c’est à cette époque, selon elle, que la France a construit sa prétendue « indépendance énergétique » en exploitant l’uranium du Gabon et du Niger. En échange de prix avantageux, la France soutenait les dirigeants gabonais et nigériens au pouvoir.
      Lire aussi la tribune | Article réservé à nos abonnés « La question du passé colonial est le dernier “tabou” de l’histoire de France des XIXᵉ et XXᵉ siècles »

      C’est pourquoi « les sociétés africaines sont des sociétés postcoloniales, tout simplement au sens où le passé colonial pèse encore sur le présent », observe Guillaume Blanc, qui estime que « la France est, elle aussi, une société postcoloniale ». En effet, rappelle le philosophe Souleymane Bachir Diagne, l’Organisation des Nations unies (ONU) considère toujours que la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont des territoires « non autonomes », ce qui signifie que leurs populations « ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes ». Pour le professeur d’études francophones à l’université Columbia (New York), « cela veut dire que la majorité des nations qui composent l’ONU, et qui pour la plupart ont conquis leur souveraineté contre le colonialisme, estime que le mouvement des décolonisations, qui a défini l’histoire du XXe siècle, n’est pas achevé ».

      Souleymane Bachir Diagne rappelle une situation encore assez méconnue. Car si les recherches sur les colonisations et décolonisations sont nombreuses, novatrices et fécondes, la diffusion de ces savoirs reste parcellaire. Afin d’enseigner l’histoire de la colonisation et aussi « combattre les clichés », Guillaume Blanc, maître de conférences à l’université Rennes-II, trouve « assez utile » de partir des chansons, des bandes dessinées ou des films lors de ses cours sur les sociétés africaines et asiatiques du XIXe au XXIe siècle. Dans les amphithéâtres, l’auteur de Décolonisations (Seuil, 2022) n’hésite pas à diffuser le tube de Michel Sardou Le Temps des colonies (1976), où l’on entend : « Y a pas d’café, pas de coton, pas d’essence en France, mais des idées, ça on en a. Nous on pense », ou à évoquer certains albums d’Astérix « qui parlent de “nègres” aux lèvres protubérantes et ne sachant ni lire ni écrire ».

      La popularité du couscous

      D’autres contributeurs de Colonisations, comme la linguiste et sémiologue Marie Treps, s’attachent à l’actualité des « mots de l’insulte », comme « bougnoul », emprunté à la langue wolof où il signifie « noir », apparu au Sénégal à la fin du XIXe siècle, terme vernaculaire transformé en sobriquet « lourdement chargé de mépris » qui désigne désormais « un étranger de l’intérieur ». Les experts du fait colonial mobilisent l’analyse des objets ou de la cuisine – avec la popularité du couscous ou du banh mi – mais aussi du paysage urbain, comme le géographe Stéphane Valognes, qui montre la façon dont les rues de Cherbourg (Manche) portent encore les traces de la conquête coloniale, avec ses maisons de style néomauresque et ses rues estampillées du nom d’anciens généraux coloniaux. Sans oublier le palais de l’Elysée, à Paris, ancien hôtel particulier financé pour la monarchie par Antoine Crozat (1655-1738), qui bâtit sa fortune, dans les années 1720, grâce à la traite transatlantique, après avoir obtenu le monopole de la fourniture en esclaves de toutes les colonies espagnoles.

      « Si l’histoire de la colonisation est bien connue des spécialistes, en revanche, en France, il y a encore un refus de voir ce que fut la colonisation », estime Guillaume Blanc, qui trouve « aberrant » d’entendre encore des hommes politiques et certains médias évoquer les routes et les écoles que la France aurait « amenées » dans ses colonies : « Sans le travail forcé, la mort et la sueur des Congolais, des Malgaches ou des Vietnamiens, il n’y aurait jamais eu de routes. Quant à l’école, les petits garçons et les petites filles colonisés n’y allaient tout simplement pas : l’enseignement était réservé à une élite restreinte, et la France n’a jamais eu l’intention de scolariser les millions d’enfants qu’elle colonisait. »

      Nous vivons un moment postcolonial parce que notre époque est postérieure à l’ère des grandes colonisations – d’où le préfixe « post » – mais aussi, selon certains chercheurs, parce qu’il convient d’analyser ce passé qui pèse sur le présent en dépassant les anciennes dichotomies forgées aux temps des colonies. Notamment celles entre Orient et Occident, centre et périphérie ou civilisation et barbarie. « Postcolonial » est ainsi à la fois le marqueur d’une période historique et la désignation d’un mouvement théorique : après la critique du « néocolonialisme » des années 1960-1970, à savoir de l’emprise occidentale encore manifeste au cœur des nouvelles nations indépendantes, les études postcoloniales – postcolonial studies – émergent à la fin des années 1970. Elles prennent leur essor dans les années 1980 sur les campus américains et s’attachent à montrer comment les représentations et les discours coloniaux, en particulier ceux de la culture, ont établi une différence radicale entre les colonisés et le monde occidental, notamment forgé sur le préjugé racial.

      Publié en 1978, L’Orientalisme, ouvrage de l’écrivain palestino-américain Edward Said (1935-2003) consacré à la façon dont un Orient fantasmé a été « créé » par l’Occident (Seuil, 1980), est considéré comme l’un des premiers jalons du courant postcolonial, même s’il n’en revendique pas le terme. Au cours d’une déconstruction des représentations et clichés véhiculés sur l’Orient depuis le siècle des Lumières, ce défenseur lettré de la cause palestinienne assure que « le trait essentiel de la culture européenne est précisément ce qui l’a rendue hégémonique en Europe et hors de l’Europe : l’idée d’une identité européenne supérieure à tous les peuples et à toutes les cultures qui ne sont pas européens ». Se réclamant d’un « humanisme » qui ne se tient pas « à l’écart du monde », cet ancien professeur de littérature comparée à l’université Columbia estimait dans une nouvelle préface publiée en 2003, en pleine guerre en Irak à laquelle il était opposé, que « nos leaders et leurs valets intellectuels semblent incapables de comprendre que l’histoire ne peut être effacée comme un tableau noir, afin que “nous” puissions y écrire notre propre avenir et imposer notre mode de vie aux peuples “inférieurs” ».
      « La continuation du rapport de domination »

      La pensée postcoloniale fut largement inspirée par les subaltern studies, courant né en Inde dans les années 1970, autour de l’historien Ranajit Guha (1923-2023), études consacrées aux populations à la fois minorées par la recherche et infériorisées dans les sociétés récemment décolonisées. Une volonté de faire « l’histoire par le bas », selon les termes de l’universitaire britannique Edward Palmer Thompson (1924-1993), une façon de rompre avec l’idée d’un progrès historique linéaire qui culminerait dans l’Etat-nation, une manière de réhabiliter des pratiques et des savoirs populaires mais aussi d’exercer une critique des élites indiennes souvent constituées en mimétisme avec l’ancienne bourgeoisie coloniale.

      L’ambition des intellectuels postcoloniaux est assez bien résumée par l’Indien Dipesh Chakrabarty, professeur d’histoire, de civilisations et de langues sud-asiatiques à l’université de Chicago : il s’agit de désoccidentaliser le regard et de Provincialiser l’Europe (Amsterdam, 2009). L’Europe n’est ni le centre du monde ni le berceau de l’universel. Incarnée par des intellectuels comme la théoricienne de la littérature Gayatri Chakravorty Spivak ou l’historien camerounais Achille Mbembe, cette approche intellectuelle « vise non seulement à penser les effets de la colonisation dans les colonies, mais aussi à évaluer leur répercussion sur les sociétés colonisatrices », résume l’historien Nicolas Bancel (Le Postcolonialisme, PUF, 2019).
      Lire aussi l’enquête (2020) : Article réservé à nos abonnés « Racisé », « racisme d’Etat », « décolonial », « privilège blanc » : les mots neufs de l’antiracisme

      L’empreinte de l’époque coloniale n’est pas seulement encore présente à travers des monuments ou les noms des rues, elle l’est aussi dans les rapports sociaux, les échanges économiques, les arts ou les relations de pouvoir. Car une partie de ses structures mentales se serait maintenue. « La fin du colonialisme n’est pas la fin de ce que l’on appelle la “colonialité” », explique Souleymane Bachir Diagne. Forgé au début des années 1990 par le sociologue péruvien Anibal Quijano (1928-2018), ce terme désigne un régime de pouvoir économique, culturel et épistémologique apparu à l’époque moderne avec la colonisation et l’essor du capitalisme mercantile mais qui ne s’achève pas avec la décolonisation.

      La colonialité, c’est « la continuation du rapport de domination auquel les décolonisations sont censées mettre fin », poursuit Souleymane Bachir Diagne. « Et les jeunes ont une sensibilité à fleur de peau à ces aspects », relève-t-il, en pensant notamment aux altercations entre policiers et adolescents des « quartiers ». Pour le philosophe, une définition « assez éclairante de cette colonialité structurelle » a été donnée par le poète et homme d’Etat sénégalais Léopold Sédar Senghor (1906-2001), selon qui « l’ordre de l’injustice qui régit les rapports entre le Nord et le Sud » est un ordre fondé sur « le mépris culturel ». Ainsi, poursuit l’auteur du Fagot de ma mémoire (Philippe Rey, 2021), « on peut se demander si les populations “issues de l’immigration” dans les pays du “Nord” ne constituent pas une sorte de “Sud” dans ces pays ».

      « Le concept de colonialité ouvre des réflexions fécondes », renchérit la philosophe Nadia Yala Kisukidi, maîtresse de conférences à l’université Paris-VIII. Loin du terme « néocolonialisme » qui réduit la domination à une cause unique, la colonialité permet « d’articuler les formes de la domination politico-économique, ethnoraciale, de genre, culturelle et psychosociale, issues du monde colonial et de déceler leur continuation dans un monde qu’on prétend décolonisé. Ce qui permet de dire que, dans un grand nombre de cas, les décolonisations apparaissent comme des processus inachevés », poursuit l’autrice de La Dissociation (Seuil, 2022).

      Souleymane Bachir Diagne insiste sur le fait que Léopold Sédar Senghor, en « grand lecteur de Jean Jaurès », croyait comme le fondateur du journal L’Humanité en un monde où « chaque nation enfin réconciliée avec elle-même » se verrait comme « une parcelle » de cette humanité solidaire qu’il faut continûment travailler à réaliser. « Mais pour cela il faut combattre la colonialité, le mépris culturel, l’ordre de l’injustice. D’un mot : il faut décoloniser. L’impensé colonial existe : il consiste à ignorer la colonialité. »
      Universalisme eurocentré

      C’est ainsi que l’approche décoloniale, nouveau paradigme apparu dans les années 1990, est venue s’ajouter aux études postcoloniales autour de cette invitation à « décoloniser ». Née en Amérique du Sud au sein d’un groupe de recherche intitulé Modernité/Colonialité, la pensée décoloniale se donne notamment comme ambition de décoloniser les savoirs. Et de revisiter l’histoire. C’est pourquoi, selon ce courant théorique, la date capitale de la domination occidentale est 1492, le moment où Christophe Colomb ne « découvre » pas l’Amérique, mais l’« envahit ». C’est la période lors de laquelle naît la modernité par « l’occultation de l’autre », explique le philosophe et théologien argentino-mexicain Enrique Dussel (1934-2023). Un moment où la « reconquête » menée par la chrétienté expulsa les musulmans de la péninsule Ibérique et les juifs d’Espagne. Ainsi, une « désobéissance épistémique » s’impose, enjoint le sémiologue argentin Walter Mignolo, afin de faire éclore des savoirs alternatifs à une conception de l’universalisme jugée eurocentrée.

      Tous les domaines politiques, sociaux, économiques et artistiques peuvent être analysés, réinvestis et repolitisés à l’aide de cette approche décoloniale, à la fois savante et militante. L’écologie est notamment l’un des nombreux thèmes investis, car « la double fracture coloniale et environnementale de la modernité » permet de comprendre « l’absence criante de Noirs et de personnes racisées » dans les discours sur la crise écologique, assure l’ingénieur en environnement caribéen Malcom Ferdinand dans Une écologie décoloniale (Seuil, 2019). « Faire face à la tempête écologique, retrouver un rapport matriciel à la Terre requiert de restaurer les dignités des asservis du navire négrier tout autant que celles du continent africain », écrit Malcom Ferdinand.

      Partis d’Amérique latine, « ces travaux ont essaimé dans le monde entier », explique Philippe Colin, coauteur avec Lissell Quiroz de Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine (Zones, 2023). Dans les années 1990, les lectures partisanes des théories postcoloniales ont suscité des controverses dans l’espace public, notamment autour de la notion de « discrimination positive » et du « politiquement correct ». Une discorde qui se rejoue aujourd’hui, notamment avec les attaques menées par les néoconservateurs américains contre ce qu’ils appellent, de manière péjorative, la « cancel culture », cette culture dite « de l’annulation » censée être portée par un « maccarthysme de gauche » et même un « fascisme d’extrême gauche », résume d’un trait Donald Trump.
      Pensées « victimaires »

      Aux Etats-Unis, les études postcoloniales et décoloniales, « forgées dans une matrice marxiste au sein d’une diaspora d’intellectuels indiens, africains ou sud-américains enseignant dans les campus américains, se sont déployées d’abord dans le champ académique », précise Philippe Colin. Alors qu’en France, la réception de ces travaux s’est faite immédiatement de façon polémique. « Le concept a été revendiqué par le Parti des indigènes de la République à partir de 2015 de manière explicite, et cela a changé beaucoup les choses en France », analyse l’historien Pascal Blanchard. « Il est alors devenu une cible idéale pour ceux qui cherchaient un terme global pour vouer aux gémonies les chercheurs travaillant sur la colonisation », poursuit-il dans le livre collectif Les Mots qui fâchent. Contre le maccarthysme intellectuel (L’Aube, 2022).

      Dans L’Imposture décoloniale (L’Observatoire, 2020), l’historien des idées Pierre-André Taguieff se livre à une critique radicale de « l’idéologie postcoloniale et décoloniale, centrée sur la dénonciation criminalisante de la civilisation occidentale ». Une position que l’on retrouve également au sein de L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, un site Web dont les contributeurs alimentent régulièrement les dossiers à charge des médias en guerre contre le « wokisme ».
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le « wokisme », déconstruction d’une obsession française

      Les critiques ne viennent toutefois pas uniquement de la galaxie conservatrice, des sites de veille idéologique ou des sphères réactionnaires. Auteur d’un ouvrage critique sur Les Etudes postcoloniales. Un carnaval académique (Karthala, 2010), le politologue Jean-François Bayart leur reproche de « réifier le colonialisme » car, affirme-t-il, aujourd’hui, « le colonial n’est pas une essence mais un événement ». Par ailleurs, rappelle-t-il, « le colonialisme n’a pas été l’apanage des seuls Etats occidentaux ». Des chercheurs insistent également sur le fait que la colonisation est un fait historique pluriel et qu’il convient de tenir compte de la diversité des sociétés où elle s’est exercée. Or, la prise en compte des formes de pouvoir propres à chaque société anciennement colonisée serait parfois omise par les approches décoloniales.

      Auteur de L’Occident décroché (Fayard, 2008), l’anthropologue Jean-Loup Amselle estime que ce courant de pensée a « détrôné l’Occident de sa position de surplomb, ce qui est une bonne chose, mais a entraîné des effets pervers », puisque, selon lui, elle reprend parfois à son compte « les stigmates coloniaux en tentant d’en inverser le sens ». Sur le site Lundimatin, l’essayiste Pierre Madelin critique, lui, les travers du « campisme décolonial » notamment apparu après le déclenchement de la guerre en Ukraine, à l’occasion de laquelle, dit-il, « plusieurs figures de proue des études décoloniales » ont convergé vers la rhétorique anti-occidentale de Vladimir Poutine.

      Procès en relativisme

      Comme toute théorie, ces approches postcoloniales et décoloniales sont critiquables, estime Nicolas Bancel, « mais à partir de textes, de positions théoriques et épistémologiques, et non à partir de tribunes maniant l’invective, la désinformation, la dénonciation ad hominem, sans que leurs auteurs sachent rien de la réalité et de l’importance de ce champ intellectuel », juge-t-il. D’ailleurs, prolonge Nadia Yala Kisukidi, au-delà de l’université, les termes « décolonial » ou « postcolonial », dans le débat public français, « fonctionnent comme des stigmates sociaux, pour ne pas dire des marqueurs raciaux. Loin de renvoyer à des contenus de connaissance ou, parfois, à des formes de pratiques politiques spécifiques, ils sont mobilisés pour cibler un type d’intellectuel critique, souvent non blanc, dont les positionnements théoriques et/ou politiques contribueraient à briser la cohésion nationale et à achever le déclassement de l’université française. Comme si le mythe de la “cinquième colonne” avait intégré le champ du savoir ». D’autant que « décoloniser n’est pas un mot diabolique », relève le sociologue Stéphane Dufoix (Décolonial, Anamosa, 2023)

      Un reproche résume tous les autres : celui du procès en relativisme. Une critique qui est le point de discorde de tous les débats qui opposent de façon binaire l’universalisme au communautarisme. Or, cette querelle a presque déjà été dépassée par deux inspirateurs historiques de ces mouvements postcoloniaux et décoloniaux : Aimé Césaire (1913-2008) et Frantz Fanon (1925-1961). Dans sa Lettre à Maurice Thorez, publiée en 1956, dans laquelle il explique les raisons de sa démission du Parti communiste français, à qui il reproche le « chauvinisme inconscient » et l’« assimilationnisme invétéré », le poète martiniquais Aimé Césaire expliquait qu’« il y a deux manières de se perdre : par la ségrégation murée dans le particulier ou par la dilution dans l’“universel” ».

      Aimé Césaire a dénoncé « un universalisme impérial », commente Souleymane Bachir Diagne, auteur de De langue à langue (Albin Michel, 2022). Mais, dans le même temps, « il a refusé avec force de s’enfermer dans le particularisme ». Au contraire, poursuit le philosophe, Césaire « a indiqué que s’il a revendiqué la “négritude”, c’était pour “contribuer à l’édification d’un véritable humanisme”, l’“humanisme universel”, précise-t-il, “car enfin il n’y a pas d’humanisme s’il n’est pas universel” ». Des propos que le Frantz Fanon des dernières pages de Peau noire, masques blancs (Seuil, 1952) « pourrait s’approprier », estime Souleymane Bachir Diagne.

      Ces exemples remettent en cause l’idée selon laquelle les études, réflexions et théories actuelles sur le fait colonial, postcolonial ou décolonial seraient des importations venues des campus américains et issues du seul frottement des études subalternes avec la French Theory, du tiers-monde et de la déconstruction. « Il n’est donc tout simplement pas vrai que les penseurs du décolonial soient unanimement contre l’universel », déclare Souleymane Bachir Diagne, qui, loin de tous les impérialismes et réductionnismes, appelle à « universaliser l’universel ».

      Nicolas Truong

    • « La question du passé colonial est le dernier “tabou” de l’histoire de France des XIXᵉ et XXᵉ siècles », Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, historiens

      L’#histoire_coloniale est désormais à l’agenda des débats publics. Et si les débats sont très polarisés – entre les tenants d’une vision nostalgique du passé et les apôtres du déclin (de plus en plus entendus, comme le montre la onzième vague de l’enquête « Fractures françaises ») et les décoloniaux les plus radicaux qui assurent que notre contemporanéité est tout entière issue de la période coloniale –, plus personne en vérité ne met aujourd’hui en doute l’importance de cette histoire longue, en France, de cinq siècles.

      Loin des conflits mémoriaux des extrémistes, l’opinion semble partagée entre regarder en face ce passé ou maintenir une politique d’amnésie, dont les débats qui accompagnèrent les deux décrets de la loi de 2005 sur les « aspects positifs de la #colonisation » furent le dernier moment d’acmé. Vingt ans après, les politiques publiques sur le sujet sont marquées par… l’absence de traitement collectif de ce passé, dont l’impossible édification d’un musée colonial en France est le symptôme, au moment même où va s’ouvrir la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

      Si l’histoire coloniale n’est pas à l’origine de l’entièreté de notre présent, ses conséquences contemporaines sont pourtant évidentes. De fait, les récents événements au Niger, au Mali et au Burkina Faso signent, selon Achille Mbembe, la « seconde décolonisation », et sont marqués par les manifestations hostiles à la #France qui témoignent bien d’un désir de tourner la page des relations asymétriques avec l’ancienne métropole. En vérité, malgré les assurances répétées de la volonté des autorités françaises d’en finir avec la « Françafrique », les actes ont peu suivi les mots, et la page coloniale n’a pas véritablement été tournée.

      Relation toxique

      La France souffre aussi d’une relation toxique avec les #immigrations postcoloniales et les #quartiers_populaires, devenus des enjeux politiques centraux. Or, comment comprendre la configuration historique de ces flux migratoires sans revenir à l’histoire coloniale ? Comment comprendre la stigmatisation dont ces populations souffrent sans déconstruire les représentations construites à leur encontre durant la colonisation ?

      Nous pourrions multiplier les exemples – comme la volonté de déboulonner les statues symboles du passé colonial, le souhait de changer certains noms de nos rues, les débats autour des manuels scolaires… – et rappeler qu’à chaque élection présidentielle la question du passé colonial revient à la surface. C’est très clairement le dernier « tabou » de l’histoire de France des XIXe et XXe siècles.

      Ces questions, la France n’est pas seule nation à se les poser. La plupart des anciennes métropoles coloniales européennes sont engagées dans une réflexion et dans une réelle dynamique. En Belgique, le poussiéreux Musée de Tervuren, autrefois mémoire d’une histoire coloniale chloroformée, a fait peau neuve en devenant l’AfricaMuseum. Complètement rénové, il accueille aujourd’hui une programmation ambitieuse sur la période coloniale et ses conséquences. Une commission d’enquête nationale (transpartisane) a par ailleurs questionné le passé colonial.

      En France, le silence

      En Allemagne, outre le fait que les études coloniales connaissent un développement remarquable, plusieurs expositions ont mis en exergue l’histoire coloniale du pays. Ainsi le Münchner Stadtmuseum a-t-il proposé une exposition intitulée « Decolonize München » et le Musée national de l’histoire allemande de Berlin consacré une exposition temporaire au colonialisme allemand en 2017. Et, si le Humboldt Forum, au cœur de Berlin, fait débat pour son traitement du passé colonial et la présentation des collections provenant du Musée ethnologique de Berlin, la question coloniale est à l’agenda des débats publics de la société allemande, comme en témoigne la reconnaissance officielle du génocide colonial en Namibie.

      En Angleterre, le British Museum consacre une partie de son exposition permanente à cette histoire, alors que l’#esclavage colonial est présenté à l’International Slavery Museum à Liverpool. Aux Pays-Bas, le Tropenmuseum, après avoir envisagé de fermer ses portes en 2014, est devenu un lieu de réflexion sur le passé colonial et un musée en première ligne sur la restitution des biens culturels. Au Danemark, en Suisse (où l’exposition « Helvécia. Une histoire coloniale oubliée » a ouvert ses portes voici un an au Musée d’ethnologie de Genève, et où le Musée national suisse a programmé en 2024 une exposition consacrée au passé colonial suisse), au Portugal ou en Italie, le débat s’installe autour de l’hypothèse d’une telle institution et, s’il est vif, il existe. Et en France ? Rien. Le silence…

      Pourtant, le mandat d’Emmanuel Macron faisait espérer à beaucoup d’observateurs un changement de posture. Quoi que l’on pense de cette déclaration, le futur président de la République avait déclaré le 15 février 2017 à propos de la colonisation : « C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face. »

      Notre pays est à la traîne

      Puis, durant son mandat, se sont succédé les commissions d’historiens sur des aspects de la colonisation – avec deux commissions pilotées par Benjamin Stora entre 2021 et 2023, l’une sur les relations France-Algérie durant la colonisation, l’autre sur la guerre d’#Algérie ; et une autre commission sur la guerre au #Cameroun, présidée par Karine Ramondy et lancée en 2023 – qui faisaient suite au travail engagé en 2016 autour des « événements » aux #Antilles et en #Guyane (1959, 1962 et 1967) ou la commission sur les zoos humains (« La mémoire des expositions ethnographiques et coloniales ») en 2011 ; alors qu’était interrogée parallèlement la relation de la France à l’#Afrique avec la programmation Africa 2020 et la création de la Fondation de l’innovation pour la démocratie confiée à Achille Mbembe en 2022. En outre, le retour des biens culturels pillés lors de la colonisation faisait également l’objet en 2018 d’un rapport détaillé, piloté par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy.

      Mais aucun projet de musée d’envergure – à l’exception de ceux d’un institut sur les relations de la France et de l’Algérie à Montpellier redonnant vie à un vieux serpent de mer et d’une maison des mondes africains à Paris – n’est venu concrétiser l’ambition de regarder en face le passé colonial de France, aux côtés du Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre (#Guadeloupe) qui s’attache à l’histoire de l’esclavage, des traites et des abolitions… mais se trouve actuellement en crise en matière de dynamique et de programmation.

      Situation extraordinaire : en France, le débat sur l’opportunité d’un musée colonial n’existe tout simplement pas, alors que la production scientifique, littéraire et cinématographique s’attache de manière croissante à ce passé. Notre pays est ainsi désormais à la traîne des initiatives des autres ex-métropoles coloniales en ce domaine. Comme si, malgré les déclarations et bonnes intentions, le tabou persistait.

      Repenser le #roman_national

      Pourtant, des millions de nos concitoyens ont un rapport direct avec ce passé : rapatriés, harkis, ultramarins, soldats du contingent – et les descendants de ces groupes. De même, ne l’oublions pas, les Français issus des immigrations postcoloniales, flux migratoires qui deviennent majoritaires au cours des années 1970. On nous répondra : mais ces groupes n’ont pas la même expérience ni la même mémoire de la colonisation !

      C’est précisément pour cela qu’il faut prendre à bras-le-corps la création d’un musée des colonisations, qui sera un lieu de savoir mais aussi d’échanges, de débats, de socialisation de cette #histoire. Un lieu majeur qui permettra de relativiser les mémoires antagonistes des uns et des autres, d’éviter la polarisation mortifère actuelle entre les nostalgiques fanatiques et les décoloniaux radicaux, mais aussi d’intégrer à l’histoire les millions de personnes qui s’en sentent exclues. Une manière de mettre les choses à plat, pour tourner véritablement la page.

      De toute évidence, l’histoire coloniale est une page majeure de notre histoire, et l’on doit désormais repenser notre roman national à l’aune de la complexité du passé et d’un récit qui touche dans leur mémoire familiale des millions de familles françaises. Ce n’est pas là la lubie de « sachants » voulant valoriser les connaissances accumulées. Les enjeux sont, on le voit, bien plus amples.

      Mais comment concevoir ce musée ? Ce n’est pas à nous d’en décrire ici les contours… Mais on peut l’imaginer comme un carrefour de l’histoire de France et de l’histoire du monde, ouvert aux comparaisons transnationales, à tous les récits sur cinq siècles d’histoire, ouvert à toutes les mémoires et à inventer en collaboration avec la quarantaine de pays et de régions ultramarines qui en sont parties prenantes. Un musée qui mettrait la France à l’avant-garde de la réflexion mondiale sur le sujet, dans une optique résolument moderne, et permettrait de mettre en perspective et en récit les politiques actuelles de retour des biens coloniaux pillés et des restes humains encore présents dans nos musées.

      Allons-nous, à nouveau, manquer ce rendez-vous avec l’histoire, alors que dans le même temps s’ouvre la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, installée dans le château de François Ier avec « 1 600 m² d’expositions permanentes et temporaires ouvertes au public, un auditorium de 250 places, douze ateliers de résidence pour des artistes… », dotée de plus de 200 millions d’investissements ? Si nous sommes capables d’édifier cette cité, nous devons imaginer ce musée. Sinon, la page coloniale ne pourra être tournée.
      Nicolas Bancel et Pascal Blanchard sont historiens (université de Lausanne), et ils ont codirigé Histoire globale de la France coloniale (Philippe Rey, 2022). Pascal Blanchard est également codirecteur de l’agence de communication et de conseil Les bâtisseurs de mémoire.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/30/la-question-du-passe-colonial-est-le-dernier-tabou-de-l-histoire-de-france-d

      (candidature d’intellectuel éclairé)

      #1492 #Indochine (omise) #colonialité

    • La « cancel culture » avec les historiens Henry Laurens et Pierre Vesperini
      Publié le : 17/06/2022

      https://www.rfi.fr/fr/podcasts/id%C3%A9es/20220617-la-cancel-culture-avec-les-historiens-henry-laurens-et-pierre-vesperini

      Pierre-Édouard Deldique reçoit dans le magazine Idées, pour le thème la « cancel culture » ou « culture de l’annulation » en français : Henry Laurens, historien, titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, qui vient d’écrire Le passé imposé (Fayard) et Pierre Vesperini, historien, spécialiste de l’Antiquité grecque et latine, auteur de Que faire du passé ? Réflexions sur la cancel culture (Fayard).

  • Action de visibilité : 1er féminicide de l’année

    Québec, 11 janvier 2024 – Le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN) a organisé une action de visibilité suite à l’annonce du premier féminicide de l’année 2024.

    Chloé Lauzon-Rivard a été tuée par son conjoint le 5 janvier à Granby. L’action, qui a réuni plusieurs militantes au coin des rues Cartier et René-Lévesque sur l’heure du midi, visait à briser le silence, exprimer notre colère, visibiliser les féminicides et exiger du gouvernement de faire de la lutte aux violences faites aux femmes et aux enfants une priorité.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/19/action-de-visibilite-1er-feminicide-de-lannee

    #féminisme #féminicide #quebec

  • Marx et la question juive : Retour d’un procès anachronique
    https://www.nonfiction.fr/article-4435-marx-et-la-question-juive-retour-dun-proces-anachronique.htm
    Très intéressante comparaison de l’émancipation juive au dix neuvième siècle en France et Allemagne à travers une critique du livre malhonnête d’André Sénik « Marx, les Juifs et les droits de l’homme ».

    D’après ce texte il y a quelques omissions et différences non-négligeables entre le texte allemand
    Zur Judenfrage , 1843
    http://www.mlwerke.de/me/me01/me01_347.htm
    et sa traduction française
    La Question Juive
    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1843/00/km18430001c.htm

    28.3.2011 par Frédéric MÉNAGER-ARANYI - Un ouvrage qui place la judéophobie au cœur de la pensée de Marx. Une thèse sans nuances, peu propice au débat et souvent simplificatrice sur le rapport de Marx à sa judaïté, plus complexe qu’il n’y paraît.

    Il n’est pas rare que des anciens staliniens repentis, deviennent les premiers contempteurs de leur ancienne foi.
    La démarche est souvent courageuse, lucide et instructive. Chez un auteur comme François Fejtö, elle s’accompagnait au cœur des années 70 d’un travail d’historien des démocraties populaires sans concession, tout en demeurant d’une fidélité exemplaire à une gauche démocratique que le stalinisme abhorrait par dessus tout. Il est d’autres attitudes beaucoup plus radicales qui consistent à prendre le contre-pied de ses anciennes passions. Chez Annie Kriegel, mère spirituelle de ce courant et redoutable apparatchik du PCF dans sa jeunesse, elle s’accompagnait d’un talent d’historienne reconnu qui éclate dans son livre ethnographique "Les Communistes" et d’un revirement politique clairement affiché.

    André Senik est de cette dernière famille de pensée, décidée à régler son compte au marxisme en même temps qu’à son passé. Ancien militant du PCF, Il a été un des leaders de ce qu’on a appelé à l’ époque le groupe des "italiens" de l’ UECI qui souhaitaient voir le PCF évoluer vers les positions du PCI et entamer une critique de l’ URSS ainsi qu’une libéralisation interne.
    Il est désormais membre du comité de rédaction de la revue "Le meilleur des mondes", née du rapprochement de plusieurs intellectuels ayant quitté l’extrême-gauche et se regroupant autour d’une analyse de la situation internationale fondée sur le choc des attentats du 11 septembre. Cela valut à cette revue quelques polémiques lors du déclenchement de la guerre en Irak lorsque ses rédacteurs soutinrent la position américaine.
    Cette mouvance est souvent présentée aujourd’hui comme un bastion du néo-conservatisme à la française.

    L’émancipation contre les Droits de l’Homme

    Il faut tout d’abord reconnaître les vertus formelles de ce livre.
    La première d’entre elles est la clarté du raisonnement et de la thèse défendue, l’exposé d’André Senik obéissant à un fil conducteur bien identifié.
    Souvent synthétique et accessible, agréable à lire, Senik a indéniablement trouvé un ton serein et posé.
    Développé de manière pédagogique, son propos s’articule autour du concept d’émancipation développé par le jeune Marx, pour en contester la teneur et tenter de prouver que ce concept contient en germe toute la violence inhérente au marxisme et aux régimes qui s’en réclameront.

    Pour cela il faut différencier l’émancipation humaine, concept utilisé par Marx, qui s’appliquerait à l’essence générique de l’homme, de l’émancipation politique qui serait le fruit de la déclaration des droits de l’homme et se fonderait sur une anthropologie individualiste reconnaissant à chacun des droits inaliénables.
    D’un côté, une émancipation qui se rangerait sous la bannière d’un universalisme totalisant, de l’autre un individualisme personnaliste bienveillant qui ferait de l’individu l’objet central de sa conception du monde et serait respectueuse de la liberté de conscience.
    Ainsi, la critique de la religion de Marx laisserait transparaître derrière le terme d’émancipation un refus de la liberté de croyance. La politique antireligieuse des démocraties populaires serait donc directement liée par exemple à la philosophie de Marx bien que Engels ait, pour sa part, critiqué toute forme de mesures de rétorsion sur cette question précise.
    Sénik nous rappelle par la suite que Marx n’appréciait guère les Droits de l’homme.
    Quelques décennies de rhétorique marxiste autour de la distinction entre droits formels et réels auraient suffi à nous rappeler que le philosophe de Trèves et ses disciples proclamés n’ont jamais été des tenants du libéralisme politique.
    Cet aspect de la pensée de Marx ne sera donc pas véritablement une révélation pour des lecteurs avertis.
    A l’exception, donc, de sa focalisation sur le concept d’émancipation, on ne trouvera rien de très bouleversant dans le premier tiers du livre. Toutefois, c’est ce concept, précisément, qui va amener André Sénik à développer son interprétation ultérieure et à cristalliser son opposition à la pensée de Marx.

    C’est donc dans un deuxième temps que l’auteur décide de passer à un degré supérieur.
    Il est désormais visible grâce à une analyse de "sur la question juive", un des premiers livres de Marx, que ce dernier, petit fils de rabbin, né de père et de mère juive, symbole aux yeux des nazis du caractère "enjuivé" du communisme, que ce Marx-là est rien moins qu’un des grands initiateurs de la haine antisémite moderne. Pour convaincre le lecteur, convoqué comme juré de l’histoire, on ne lésine pas sur l’exposé des preuves toutes issues de "la question juive", placées sous nos yeux en évidence et ne pouvant nous laisser d’autre choix que l’acquiescement au propos ou la complicité avec l’accusé.

    Rarement une lecture, jusqu’alors assez banale sans être inintéressante, n’aura si soudainement donné la désagréable sensation d’une prise d’otage de son lectorat, d’une convocation forcée devant le tribunal de l’histoire sans délibération ni recul.
    Il nous faut soudain partager le verdict de l’auteur qui ne cherche pas tant à convaincre qu’à imposer son point de vue en isolant les phrases les plus choquantes, en évoquant les témoignages les plus navrants.

    Que "Sur la question juive" soit un livre qui provoque le malaise, nul ne le niera.

    L’expression y est souvent violente et bien que juif, Marx emploie à l’ égard de l’univers dont il est issu des termes blessants particulièrement insupportables à des esprits contemporains.
    Qu’ André Senik en propose une lecture dé-concontextualisée, dénuée de toute perspective critique, sans jamais replacer l’ouvrage dans l’économie générale de l’œuvre, ni dans le contexte historique et intellectuel de son temps s’apparente néanmoins à du littéralisme pur et simple.
    On remarque également que les éléments biographiques sont également passés sous silence sauf lorsqu’ils sont favorables à la démonstration et servent de pièce à conviction.
    Peu importe que Marx ait été le disciple de Moses Hess, ancêtre du sionisme, puisqu’il détestait Lassalle, haine non pas politique mais judéophobe, bien entendu.
    D’ailleurs Engels était lui aussi atteint du même mal judéophobe : Peu importe également qu’il ait consacré un ouvrage à critiquer le philosophe Eugen Dühring et théorisé l’incompatibilité entre socialisme et antisémitisme. Rien ne vaut une belle phrase tronçonnée, hachée au sécateur, isolée dans une correspondance, pour établir un acte d’accusation.
    La procédure est donc à charge sans que les éléments de la défense puissent être produits.

    Il s’ensuit une peu convaincante analyse psychanalytique du cas Marx.
    Aux humiliations subies par son père s’ajouterait une haine de sa propre judaïté, poids social dont Marx aurait voulu se soulager en construisant sa théorie autour de l’émancipation hors de la Judaïté de la Société toute entière. Il aurait ainsi projeté sur le monde sa problématique personnelle. Le marxisme serait donc la grande névrose d’un juif honteux.
    Cette interprétation, s’agissant d’un homme décédé avant l’avènement de la psychanalyse, fera sans doute rêver les amateurs d’uchronie imaginant Marx sur le divan du Dr Freud, est elle d’un grand secours dans l’explication théorique ? N’est ce pas plutôt réduire une pensée à un simple symptôme ? C’est d’ailleurs ce terme de "symptôme" que l’auteur emploiera lorsqu’il s’agira de délégitimer toute interprétation non-littérale du texte marxien en particulier, la lecture althussérienne, sans doute une des plus subtiles et des plus abouties théoriquement.

    La critique des défenseurs de Marx

    On aurait aimé que Karl Popper, grand adversaire du marxisme s’il en est, ait pu tenir ce livre entre ses mains, il y aurait vu une vérification de ses thèses sur la notion de falsifiabilité.
    Que la démarche de l’auteur soit politique avant d’être critique éclate dans ce fait : pas de critique de la critique possible puisque celles-ci sont par avance déconstruites et surtout délégitimées politiquement et moralement.

    Non seulement la défense de Marx ne serait pas "morale" mais,de plus, serait de l’ordre de l’aveuglement volontaire, issue d’une mauvaise foi toute sartrienne. Ainsi, Sénik utilise le terme de lecture "symptomale" pour regrouper ceux qui, avec Althusser, refuseraient de s’arrêter à l’ évidence du texte et demeureraient dans le déni.
    Dans l’économie générale de la thèse du livre, la critique de l’ Althussérisme est d’ailleurs une étape majeure sur laquelle repose l’économie de la démonstration.
    En effet, admettre que l’oeuvre de Marx serait faite de ruptures épistémologiques ou simplement d’un affinement progressif ruinerait l’hypothèse selon laquelle la vérité du marxisme tout entière résiderait dans "la question juive", dont elle serait sortie telle Athéna casquée du cerveau de Zeus.

    Il faut donc invalider la thèse de la coupure épistémologique entre un jeune Marx post-hégelien et un Marx "scientifique".

    L’ habituelle caricature de la thèse althussérienne dite de l’"Anti-humanisme théorique" est encore une fois présentée de manière ironique alors qu’elle est simplement une transcription en vocabulaire structuraliste de l’abandon progressif par Marx de certaines positions qui relevaient encore d’une forme d’idéalisme lors de ses premiers écrits. Marx a effectivement délaissé la centralité du sujet dans le processus historique d’aliénation dépeint dans ses oeuvres de jeunesse pour laisser place à une société vue comme un ensemble structurel de rapports invariants. Les révolutions seraient les épiphénomènes évènementiels des brusques transformations de rapports entre les éléments de la structure. A ce titre, l’interprétation althussérienne en introduisant au sein du marxisme des processus historiques non dialectiques et une discontinuité se veut profondément novatrice.

    L’ "Anti-humanisme théorique" de Marx version Althusser n’est donc pas une apologie du totalitarisme, contrairement à des interprétations abusives, mais un positionnement scientifique de ce grand lecteur de Marx que fut Althusser.
    Citer "D’une sainte famille à l’autre" de Aron, c’est évidemment recourir à l’un des critiques les plus convaincants d’Althusser. Pour autant, la thèse de Aron est bien plutôt un plaidoyer pour l’unité de l’oeuvre de Marx et sa cohérence interne. Elle est une contestation de la coupure épistémologique mais pas du caractère évolutif de l’oeuvre de Marx.
    On ne fera pas l’insulte à André Senik de penser qu’il ne maîtrise pas son sujet , le contraire est même évident, il est simplement pris ici en flagrant délit de positionnement stratégique.
    Détourner un concept pour en diminuer la portée, en affadir les significations,c’est aussi ne pas donner à la défense le droit de réplique et clore le débat.

    Ce n’est pas tant le propos d’ André Sénik qui provoque un malaise que la sensation que l’auteur n’a pas véritablement écrit un livre pour susciter le débat, mais au contraire dans le but de l’empêcher en stigmatisant la pensée de Marx sans que l’on puisse nuancer, argumenter ou analyser le discours,
    Le texte d’André Senik ne laisse aucun droit à la distanciation et en cela il semble aussi totalisant que l’idéologie qu’il souhaite dénoncer.

    La postface de Taguieff : l’émancipation, voilà l’ennemi !

    La postface de Pierre André Taguieff se révèle particulièrement emblématique d’une certaine confusion qui règne actuellement entre procès des violences du XXème siècle et condamnation latente de l’ "idéologie"des Lumières jusque dans ses valeurs les moins contestées.

    La notion d’émancipation y subit par exemple une attaque en règle comme concept témoignant d’une violence universaliste qui aurait imposé aux juifs un renoncement à leur identité propre.

    L’attaque est très bien amenée , l’argumentaire de Taguieff est souvent habile et puissamment construit.

    Contrairement aux distinctions qu’effectuait prudemment Senik, dans cette postface, la notion d’émancipation devient soudainement beaucoup plus ambivalente revêtant tantôt un aspect politique et historique et tantôt un aspect philosophique, révélant l’inconscient de la focalisation de Senik sur ce terme.

    On ne s’embarrasse plus de distinguer deux formes d’émancipation, c’est le procès des "Lumières" qui,derrière celui de Marx ,est intenté. Le lecteur fera alors son opinion : Assistons nous à une répartition des rôles, Taguieff achevant le travail initié par Sénik, assistons nous à un abus de position dominante, Taguieff imposant sa propre vision à un Senik plus modéré ou à la révélation par un lecteur avisé et informé de l’inconscient profond de l’ouvrage ?

    Si on demeure en effet dans le domaine des idées pures, la logique d’émancipation relèverait d’une forme progressiste d’assimilation qui exige un certain renoncement aux particularismes et inflige une violence anti-identitaire.

    Elle nierait tout autant l’identité juive que des formes plus coercitives comme la conversion forcée, elle serait une forme d’aliénation impliquant une déperdition nécessaire de la mémoire pour se tourner vers un avenir ayant fait du passé table rase. Entre la violence universaliste chrétienne de Paul de Tarse et Les Lumières, il règnerait une connivence qui viserait à nier l’identité juive pour la recouvrir du voile d’un humanisme chrétien laïcisé dont Marx serait la nouvelle épiphanie.

    L’émancipation, une réalité historique concrète

    Pour autant, si l’on revient à la réalité de la réception historique de l’idée d’émancipation, tout de même sensiblement différente de l’image qui nous en est dépeint. Quittons donc le ciel des idées désincarnées pour rétablir quelques faits historiques et les nécessaires proximités entre les deux formes.

    La question de l’émancipation au sein de la communauté juive allemande répondit à plusieurs impératifs : Le premier fut celui de la pauvreté et de la marginalisation sociale et politique, le second, celui de la première crise de modernité qui affecta toutes les religions implantées en Occident au cours de la période 1750-1850 et résulta d’une confrontation directe entre les avancées scientifiques, y compris en matière de science historique, et les grands récits religieux.

    Ainsi, En Allemagne, lorsque Karl Marx écrit sa "question juive", et contrairement à la France, où l’Etat napoléonien prit en charge l’intégralité du processus d’émancipation, ce sont les juifs eux mêmes qui formulent les axiomes de leur aspiration à la citoyenneté ainsi qu’aux évolutions religieuses, questionnements qu’ils vont souvent accoler l’un à l’autre.
    C’est donc tout un pan du judaïsme allemand qui va adopter la position réformée et émancipatrice mais aussi une importante partie de l’orthodoxie qui acquiesce au "projet émancipateur" y compris dans sa dimension universaliste par volonté de conciliation avec les Nations et l’Etat séculier.
    Dans ce processus, dont Moses Mendelssohn fut un père fondateur, ce sont les rabbins allemands, qui jouèrent le rôle de vecteur et de propagateur de ce débat quelle que puisse être leur sensibilité, libérale, conservatrice ou orthodoxe "moderne".

    Interrogés par la modernité philosophique, les juifs élaborent leurs propres réponses au discours des Lumières, mieux, ils participent à l’élaboration de ce discours à leur tour, en adoptant une vision juive de l’universalisme fondé sur la non-contradiction entre loi religieuse et autorité civile.
    Ainsi, contrairement à ce qu’affirme P-A. Taguieff dans sa critique de P. Birnbaum, c’est bien ce dernier qui a raison lorsqu’il différencie assimilation et émancipation, à moins de considérer les rabbins allemands de l’époque comme des victimes de la mystification émancipatrice, historiquement aliénés, position finalement très marxiste..........

    En outre, les écrits de Marx prennent place dans une période très ambiguë de l’histoire juive allemande, celle de la fin du reflux post-napoléonien de la conquête des droits des juifs dans les états allemands. C’est un période de grand désespoir collectif et en particulier dans le monde intellectuel où ceux d’entre eux qui, instruits, avaient vu s’ouvrir les portes d’une intégration dans la société environnante, voient cet horizon se refermer brusquement.
    C’est une époque où des juifs comme Heinrich Heine, Rahel Varnhagen, lassés des obstacles qui leur sont opposés, finissent par se convertir. L’époque est la dénégation, au refus de soi-même, à l’absence de perspectives. C’est ce contexte historique qui permet de lire "la question juive" non comme cause du mal mais comme symptôme de ce dernier, témoignage masochiste du mal-être juif en ces années sombres auquel Marx a cru trouver remède par le dépassement vers le messianisme révolutionnaire.

    La question juive : Marx avant Marx ?

    Entre l’influence intellectuelle de la philosophie post-romantique et cette atmosphère de haine de soi due à la réaction anti-libérale du premier dix-neuvième siècle, il faut rappeler donc que la

    Marx se voulut le Feuerbach du judaïsme et confondit ainsi critique de la religion, qui n’a jamais été dans l’histoire une entreprise effectuée sans violence et sans injustice quelle qu’en soit la nécessité sociale, et reprise d’une vision sociologique caricaturale du Juif telle que portée par les représentations dominantes, utilisées avec peu de discernement dans sa critique anti-religieuse. Elle souligne le caractère encore inabouti de sa réflexion économique à l’ époque.

    Le drame de la question juive est de ne pas être un livre suffisamment "marxiste" précisément. Cette oeuvre souligne l’aveuglement de Marx au processus historique qui a amené nombre de juifs à posséder du capital circulant du fait de l’interdiction de la propriété foncière. Fait également très grossi puisque les statistiques historiques montrent que la plupart d’entre eux étaient des artisans et commerçants ruraux.

    Elle souligne également l’incorporation au sens sociologique du terme par un certain nombre de juifs et d’intellectuels de l’époque d’une idéologie préexistante et dominante. Elle montre la soumission intellectuelle du jeune Marx aux présupposés hégeliens voyant le peuple Juif comme "peuple hors de l’histoire", vision développée dans de nombreux écrits.
    Elle témoigne enfin de l’influence négative du romantisme sur la problématique sociale de l’émancipation juive autour de l’idée nationale allemande. La progressive émancipation (osons le mot) de Marx de la logique hégelienne qui préside aux destinées du "Capital" et constitue une coupure dans l’œuvre, n’est donc pas simplement une vue de l’esprit de Louis Althusser. Cette réflexion doit amener à ne pas englober l’ensemble de l’œuvre de Marx sous la marque infamante d’une judéophobie qui en constituerait l’origine, l’essence et la finalité.

    Enfin, simple point de détail sans doute, quel est le sens, au final, de prétendre que Marx était judéophobe, pouvait il l’être, lui, issue d’une lignée de rabbins, à la manière d’un Gobineau ou d’un Vacher de Lapouge ? Prétendre comme on le lit à un moment que Marx est racialiste relève de l’aberration la plus totale, ce dernier n’ayant jamais cru aux races biologiques et, de plus, totalement contradictoire avec la thèse de l’universalisme totalitaire qui implique pour le moins une croyance très forte en l’égalité du genre humain.

    Relire Birnbaum et Aron : un exercice de détachement

    Lire avec lucidité "la question juive" et ne pas sombrer dans l’émotion mais savoir raison garder est une entreprise difficile mais que beaucoup de penseurs juifs l’ont réalisée avec succès.
    Si elle n’innocente pas Marx, cette constatation doit nous permettre d’éclairer sa position de jeunesse due principalement à la forte influence hégelienne antérieure. Il est cependant moins à la mode et moins porteur de nos jours d’attaquer le philosophe d’Iéna.

    La problématique de Marx est une problématique biographique que rencontrèrent de nombreux savants juifs comme l’explique remarquablement P. Birnbaum dans sa "géographie de l’espoir". Ceux-ci en vinrent souvent à bannir de leur horizon de pensée le particularisme juif en cultivant l’indifférence ou, à défaut, l’hostilité.
    Birnbaum avait, d’ailleurs, dans cet ouvrage consacré un chapitre à la problématique de la "question juive" tout aussi peu complaisant pour Marx que le présent ouvrage. Il soulignait même l’incroyable et complaisant phénomène d’autocensure des versions françaises des oeuvres de Marx, ce que ne fait pas Senik, par exemple.
    Par contre, l’analyse demeurait d’ordre explicatif et ne visait pas à tirer de conclusions générales
    Sur cette question, il semble donc préférable pour avoir un regard d’une parfaite objectivité et pas moins critique, de consulter Birnbaum, de plus, mieux documenté.

    En effet, s’il est louable de dénoncer et d’interroger la part de haine de soi que comporte l’ouvrage de Marx et l’entreprise de censure de son oeuvre, on reste dubitatif sur le projet idéologique que porte le livre d’André Senik en arrière-plan.

    Attaquer le concept d’émancipation chez Marx est une chose, laisser subsister suffisamment d’ambiguïtés pour tenter de discréditer le projet progressif des Lumières en est une autre. L’histoire quand elle est sérieusement écrite est heureusement un puissant instrument de démystification qui nous laisse devant quelques faits bruts.
    On ne peut ainsi nier que c’est grâce à l’idée d’émancipation d’abord générique que les juifs obtinrent de considérables avancées quant à leurs droits élémentaires à vivre individuellement quand bien même ce mouvement se serait effectivement centré autour d’un humanisme abstrait anti-particulariste.

    Or, ce livre s’inscrit de manière implicite dans une tendance latente très contemporaine à contester au nom de la logique identitaire toute prétention universaliste et à soutenir la thèse selon laquelle toute vision de ce type est nécessairement une violence envers les particularismes dont la métonymie serait l’antisémitisme. Ce point néglige d’une part, la dimension universaliste du judaïsme et d’autre part l’adhésion sociologique et historique des juifs à un universalisme politique qui comprend nécessairement une part d’universalisme générique, cette séparation étant très artificielle.
    Critiquer le lien entre émancipation politique et émancipation générique chez Marx et adopter cette idée forte contestable pour la renverser en faveur du premier terme semble assez peu conséquent.

    Le risque d’une telle thèse est de légitimer et d’essentialiser les différentialistes, rendant suspecte toute vision républicaine universaliste. Elle tend, en outre, à séparer vision politique et anthropologique rendant impossible scientifiquement tout fondement d’une anthropologie politique, et en second lieu, laisse croire que le Politique est dissociable d’une anthropologie philosophique et donc d’une conception de l’Homme.

    Elle présente en outre une vision caricaturale de l’histoire qui serait, pour résumer, une trajectoire tragique reliant Voltaire à Hitler en passant par Rousseau et Marx.

    Enfin, considérer que la vérité de l’œuvre de Marx réside dans "la question juive" et doit discréditer "le Capital" par exemple est un raccourci à peu près aussi pertinent que de reléguer l’œuvre de Keynes dans le domaine des "gay studies". On ne peut adopter la syllogistique développée par Senik qui consiste à dire a) que la question juive est un livre judéophobe b) que l’œuvre de Marx est un bloc indissociable et continu c) que le Capital est donc un livre contaminé et que le marxisme en général est une doctrine suspecte

    En fait, derrière le revirement idéologique, l’auteur n’a pas perdu le vieux réflexe stalinien qui visait, dans les années 50, à ranger dans le camp du fascisme et du nazisme toute pensée qui n’allait pas dans le sens voulu par les dirigeants de la Place du Colonel Fabien. Si la méthode n’a pas beaucoup changé, l’objet en est désormais l’icône tant adorée par le passé : Karl Marx lui même. Pas plus aujourd’hui qu’hier cette méthode de réflexion n’arrive à nous convaincre, tant elle repose sur l’amalgame et parfois, hélas, le sophisme.

    Et quitte à lire une critique importante de l’œuvre de Marx, mieux vaut en effet relire d’abord Raymond Aron, un de ces juifs universalistes héritier des Lumières tant décriés. On découvrira un penseur qui n’a jamais eu le besoin de recourir à l’argumentaire utilisé dans ce livre et que l’hypothèse d’un Marx "judéophobe" » aurait probablement fait sourire. Enfin, On lira également avec profit un autre Aron, Jacques, cette fois, qui consacra il y a quelques années une étude à la question de l’antisémitisme supposé de Marx pour mieux monter l’anachronisme de cette accusation. On préférera donc avoir tort deux fois avec Aron que raison avec Senik.

    Charles Boyer , Marx et les droits de l’homme
    https://www.cairn.info/revue-l-enseignement-philosophique-2014-3-page-54.htm

    #anticommunisme #antisemitisme #France #Allemagne

  • Foundiougne / Émigration irrégulière : Démantèlement d’un réseau dont le cerveau est un étranger, 28 personnes arrêtées !
    https://www.dakaractu.com/Foundiougne-Emigration-irreguliere-Demantelement-d-un-reseau-dont-le-cerv

    Foundiougne / Émigration irrégulière : Démantèlement d’un réseau dont le cerveau est un étranger, 28 personnes arrêtées !
    Foundiougne / Émigration irrégulière : Démantèlement d’un réseau dont le cerveau est un étranger, 28 personnes arrêtées !
    Dans sa dynamique de lutte contre l’émigration irrégulière, la brigade territoriale de Foundiougne a organisé une opération qui a permis de démanteler un vaste réseau de trafic de migrants composés de sénégalais et d’étrangers. Le départ était prévu ce 15 janvier 2024 au quai de pêche de Foundiougne.Le cerveau est un étranger, propriétaire du bateau destiné au transport des migrants.
    Au cours de l’opération, 28 personnes ont été interpellées dont 01 Bissau guinéen, 10 gambiens, 17 sénégalais. En outre, 01 moteur hors bord a été saisi...

    #Covid-19#migration#migrant#senegal#migrationirreguliere#reseau#traficmigrant#quaidepeche

  • Why Biden Ordered the Attack on the Houthis
    https://weapons.substack.com/p/why-biden-ordered-the-attack-on-the

    (...)

    It is likely the appearance of rocket powered ballistic anti-ship missiles forced the US and UK to make the decision to finally strike the Houthis and not just stay on the defensive. The only other choice would be to stop protecting shipping in the Red Sea, but that would negatively impact Europe, including the UK, and it would deprive Egypt of its top asset, the Suez Canal, with monthly revenues of around $750 million.

    C’est bien la #quincaillerie qui dirige le monde. Si tu as la quincaillerie qui va bien, tu fais ce que tu veux, sans nécessité de respecter les autres règles.

  • QSPTAG #302 — 12 janvier 2024
    https://www.laquadrature.net/2024/01/12/qsptag-302-12-janvier-2024

    Société de contrôle (1) : les outils illégaux de la surveillance municipale Notre campagne Technopolice a déjà quatre ans, et les acteurs de l’industrie française de la surveillance sont bien identifiés. Lobby industriel, député porte-cause, discours sécuritaire…

    #Que_se_passe-t-il_au_Garage_ ?

  • Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes : un regards critique sur les résultats

    Montréal, le 14 décembre 2023 – Aujourd’hui, plusieurs associations provinciales et chercheures universitaires oeuvrant en matière de violences envers les femmes, émettent des réserves quant aux résultats de la première édition de l’Enquête québécoise sur la violence commise par des partenaires intimes menée en 2021-2022. Alors que l’importance de dresser un portrait en vue de mieux comprendre la violence conjugale [1] est indéniable, nous remettons en question la capacité de cette enquête à saisir pleinement sa complexité.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/01/07/enquete-quebecoise-sur-la-violence-commise-par

    #feminisme #violence #québec

  • À l’approche de Noël, il peut arriver d’être à court d’idées de cadeaux. Pour t’aider, nous t’avons préparé une sélection spéciale Noël d’idées cadeaux à (s’) offrir !

    Pour tes potes féministes, taon partenaire ou ta famille, notre collection Bad Bitches Only ou nos jeux de discussions Discultons et Constellations sauront te combler !
    Découvres aussi notre tout nouveau Calendrier féministe et queer dans lequel représentation et inclusivité sont de mises ! Nous t’avons aussi composé des packs spéciaux pour Noël à prix réduit alors n’hésites pas à en profiter ! 🎁
    Cette année, Noël sera éthique, inspirant, féministe et solidaire‧https://www.playgendergames.com/collections/noel-feministe #féminisme#bad_bitches#queer#jeu

  • Faire le premier pas
    http://carfree.fr/index.php/2023/12/15/faire-le-premier-pas

    Dans le premier article (Carbusters #38), nous avons examiné les principes de base de la conversion #sans_voiture tels qu’ils ont été établis dans le Protocole de Lyon. Nous avons Lire la suite...

    #Quartiers_sans_voitures #Transports_publics #Vie_sans_voiture #Ville_sans_voitures #aménagement #carfree #reconversion #Suisse #transports_en_commun #urbanisme #ville

  • Je me suis « amusé » à calculer mon empreinte carbone avec leur simulateur ...
    Résultat : 3 t eqCO2/an ce qui représente un « score de financier à la retraite » :-/ Je me suis senti insulté ...
    Le poste le plus émetteur restant le logement. Mais quelle surprise !
    La moyenne se situe à 11 t. Et on veut m’inciter à descendre à 2.

    #qu'est-ce_qu'on_rigole

    Comment calculer son empreinte carbone
    https://bonpote.com/comment-calculer-son-empreinte-carbone

  • Paris 2024 : ces signaux qui invitent à ne pas rester en région parisienne pendant les Jeux olympiques
    https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/12/09/conditions-de-deplacement-et-de-securite-prix-des-transports-tous-ces-signau

    Paris 2024 : ces signaux qui invitent à ne pas rester en région parisienne pendant les Jeux olympiques
    Chronique

    Le ministre des transports a appelé les Franciliens à « prendre [des] congés » pendant les Jeux. Façon de dire que s’ils ne se déplacent pas cela facilitera la tâche pour accueillir les 800 000 spectateurs attendus chaque jour.

    https://archive.is/20trj#selection-2039.0-2197.75

    #qu'est-ce_qu'on_rigole

  • À compter du 25 novembre, les Québécoises travaillent gratuitement – et certaines femmes le font depuis quelques semaines déjà

    Ce 25 novembre, les Québécoises commencent une période d’un peu plus d’un mois de travail « gratuit ». En effet, les données de l’Enquête sur la population active (EPA) du Canada montrent qu’en 2022, une disparité salariale persiste entre les hommes et les femmes du Québec puisque le salaire horaire moyen de ces dernières s’élevait à 29,29$ alors que celui de leurs homologues masculins était de 32,54$. Les Québécoises ont donc l’an dernier gagné 90% du salaire des Québécois, ce qui nous amène à cette fatidique date du 25 novembre qui, pour cette année, marque symboliquement le jour à partir duquel les femmes travaillent gratuitement. Malgré son pouvoir d’évocation, cette date ne révèle qu’une partie de l’iniquité salariale qui a cours au Québec puisque pour plusieurs femmes et personnes immigrantes et racisées, la date à partir de laquelle elles se retrouvent en « déficit salarial » est en fait depuis longtemps passée.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/12/07/a-compter-du-25-novembre-les-quebecoises-travaillent-gratuitement-et-certaines-femmes-le-font-depuis-quelques-semaines-deja/#

    #féminisme #québec

  • [Les #quenouilles] #métal-métaux
    https://www.radiopanik.org/emissions/les-quenouilles/metal-metaux

    “Le ciel comprend cinq éléments : le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau ; le bois est le premier du cycle, l’eau le dernier et la terre est au centre du cercle. Tel est l’ordre naturel : le bois produit le feu, le feu produit la terre, la terre produit le métal, et le métal produit l’eau. Les cinq éléments constituent un cercle parfait mais chacun d’entre eux a sa fonction spécifique.” Tung Shung Su, cité dans le livre de Roland Habersetzer “Kung fu, 3000 ans d’histoire des arts martiaux chinois”

    Ces cinq éléments correspondent aux cinq organes internes principaux du corps humain : le rein, le foie, le poumon, la rate et le coeur.

    Métal, petit mot quenouille du mois qu’on pourrait isoler et qu’on va essayer de garder en relation, de garder bien entier dans ce qui le lie et nous lie à lui.

    Métal, toi (...)

    #chroniques #féronerie #chroniques,métal,quenouilles,féronerie
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/les-quenouilles/metal-metaux_16958__1.mp3