• Comment les #entreprises_polluantes ont transformé les #quotas gratuits de #CO₂ en un marché de plusieurs milliards d’euros
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/05/30/comment-les-entreprises-polluantes-ont-transforme-les-quotas-gratuits-de-co-

    C’est une histoire de trente ans qui se chiffre en milliards d’euros. Trente longues années qui ne resteront pas dans les annales de l’Union européenne (#UE) comme étant les plus glorieuses dans sa lutte contre le réchauffement climatique. Trois décennies au cours desquelles les #industries les plus #polluantes du Vieux Continent – l’acier, le ciment, le pétrole, l’aluminium et d’autres – auront reçu gratuitement des quotas d’#émissions_de_CO2, sortes de « droits à polluer » supposés être réduits dans le temps, afin de les inciter à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

    Or, le dispositif a rapidement été détourné de son objet pour devenir un outil financier permettant à ses bénéficiaires d’augmenter leurs profits, grâce à la revente de ces quotas. Rien qu’entre 2013 et 2021, estime le Fonds mondial pour la nature, les plus grosses industries émettrices ont empoché 98,5 milliards d’euros et n’ont consacré qu’un quart de cette somme (25 milliards d’euros) à l’action climatique.

    Le système des #quotas_gratuits, lancé le 1er janvier 2005 et toujours en vigueur, est appelé à disparaître en 2034. Le 18 avril, le Parlement européen a en effet adopté un nouveau plan pour le climat prévoyant son remplacement progressif par un « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » de l’Union, dans le but de verdir, cette fois, les importations des secteurs les plus émetteurs de CO2. L’UE, en optant pour un dispositif plus simple, n’a pas fait officiellement son mea culpa. Mais c’est bien de cela qu’il s’agit.

    Détournement « légal »
    Comme nous le révélons au terme de huit mois d’enquête avec le soutien financier du fonds Investigative Journalism for Europe (IJ4EU), ce système, qui se voulait bienveillant à l’égard des industriels, a été détourné de son but initial. Nous nous sommes intéressés aux sidérurgistes et aux cimentiers de France et d’Espagne, deux secteurs qui font partie des plus gros bénéficiaires.

    L’analyse approfondie des transactions financières enregistrées par ces acteurs sur le système d’échange de quotas d’émissions (SEQE-EU-ETS en anglais) confirme ce que certains supposaient depuis longtemps : les entreprises ont revendu une partie de leurs quotas gratuits pour des centaines de millions d’euros, parfois des milliards. Mais, contrairement à l’énorme fraude à la TVA qui avait ébranlé le dispositif à ses débuts, faisant perdre 6 milliards d’euros aux pays de l’UE et donnant lieu à des condamnations en justice bien des années après, le détournement dont il est question s’opère de façon légale.