• Les enseignants entre métier et profession : une identité introuvable ? (Éduveille)
    https://eduveille.hypotheses.org/9239

    Le « monde enseignant » est en effet un objet de fantasme social et politique de longue date. Les « profs » peuvent être tour à tour des professionnels de « vocation » à qui l’on confie ses enfants, des agents du service public en premier ligne pour défendre les valeurs républicaines, des fonctionnaires maltraités et injustement reconnus ou au contraire trop à l’abri de toute critique derrière leurs syndicats corporatistes, des professions libérales rétives au changement ou des cadres faisant preuve d’innovation et de créativité, etc.

    Malgré cette diversité des « missions » ou des « fonctions », l’illusion d’une certaine unité du monde enseignant perdure largement dans les représentations, en décalage avec les analyses et les études qui soulignent les segmentations voire les fractures de ce groupe social.

    Par ailleurs le métier enseignant est loin d’être autonome et bien clôturé au regard de ses conditions d’accès (une grande partie des enseignants n’est pas passée par les concours censés organiser son recrutement) comme de ses savoirs de référence ou de son positionnement au sein de l’Etat et de la société, et l’on doute aujourd’hui encore qu’il obéisse aux critères de maîtrise d’un savoir expert l’autorisant à affirmer un pouvoir social à l’instar de la profession médicale.

    Au sein même du monde enseignant, la caractérisation de la « professionalité » est loin d’être consensuelle, et les définitions de la « compétence » se concurrencent. Malgré la production de nombreux et récents référentiels de compétences, ce qui fait aujourd’hui un « bon enseignant » n’est pas évident. Selon les personnes et les contextes, la référence principale sera plutôt la maitrise disciplinaire, la gestion de la classe, l’ingénierie pédagogique, l’engagement collectif, la maitrise didactique…

    En matière de politique publique, il n’y a pas non plus de référentiels univoque : parfois, la figure implicite de l’enseignant qui transpire des circulaires et des grands discours ministériels est celle du professionnel agile, inventif, qui innove et ré-invente chaque jour de nouveaux chemins pour faire apprendre. D’autres fois, c’est celle de l’agent public qui a besoin d’être strictement contrôlé, à qui il faut rappeler quelles sont les méthodes pédagogiques efficaces, quels sont les manuels utiliser, les gestes légitimes.

    Ce modèle de référence peu stabilisé a des implications très concrètes dans le domaine de la formation des enseignants, des modes de régulation imaginés pour l’activité pédagogique, de l’évaluation des carrières, du cadrage des contextes de travail, etc.

    Selon les contours privilégiés, sa prescription peut donner une place différente à la question des programmes et du curriculum, du pilotage par les résultats ou les standards, des évaluations du système éducatif, du mode de diffusion ou de mutualisation des pratiques…Il explique aussi peut-être la perte d’attractivité de la profession enseignante et des niveaux importants de sortie du métier, particulièrement chez les jeunes enseignants.

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