« Comment expliquer qu’une réforme aussi importante pour la vie des gens puisse être adoptée par le mensonge, contre la majorité de l’opinion, contre tous les syndicats, en brutalisant le parlement et en exerçant une répression policière massive contre les opposants ? » #ReformeDesRetraites
👉Mensonge : sur le déficit excessif du système, sur une retraite "pour les femmes", sur la volonté de rassurer les marchés, sur les 1 200€, sur les carrières longues, sur l’indice sénior, etc. Même Macron trouvait hypocrite en 2019 de décaler l’âge de départ à la retraite.
👉Contre la majorité de l’opinion : les sondages sont relativement stables avec 90% des actifs contre et plus de 2/3 de la population contre. Cela se retrouve dans les statistiques de soutien au manifestations – et même de soutien à ce que certains appellent les violences.
👉Contre tous les syndicats : l’intersyndicale est restée unie dans l’opposition à la réforme depuis le début de la mobilisation. En 1995, la CFDT était pour la réforme qui a été vaincue. En 2019 la CFDT était favorable à la réforme des retraites stoppée pour cause de pandémie.
👉En brutalisant le parlement : usage de procédures exceptionnelles telles que le PLFSS (possibilité de 49-3) plutôt que la loi, le 47-1 (limiter le temps de discussion), l’article 38 au Sénat (limitation des débats), adoption par 49-3, motion de censure qui échoue de peu.
👉Répression policière contre les manifestants : arrestations arbitraires, violences policières nombreuses causant blessures et mutilations, interdictions de manifester, PV à l’encontre des manifestants, pression sur la justice de la part des ministres, etc.
👉Répression policière contre les syndicats : depuis la multiplication des grèves, avec le soutien actif du ministre du travail, la police a réprimé violemment de nombreux piquets de grève et a participé à la réquisition de syndicalistes exerçant leur droit de grève.
Depuis quelques jours le débat médiatique se focalise sur les « violences » des manifestants et chacun est invité à se positionner en soutien ou non à ces violences. Rien cependant ou si peu sur les violences répétées du pouvoir qui ont conduit à cette situation.
Par ailleurs, l’insistance à condamner les feux de poubelles ou les jets de projectiles sur des policiers ne cache que très mal le fait que les mutilés sont du côté des manifestants. Doigt arraché, éborgné, blessures diverses, humiliations, etc.
Si on se souvient de ces dernières années, pas de trace d’un policier tué par des manifestants alors que l’on a facilement en mémoire le nom de manifestants (ou non) décédés dans le cadre d’interventions de la police. Comment faire croire que la réponse est "proportionnée" ?
Dans la lutte contre la réforme des retraites, la possibilité même de contester est niée en réduisant toute forme d’opposition à un esprit factieux. On entend désormais que l’opposition ne serait que le fait de l’extrême gauche. 90% des actifs seraient donc d’extrême gauche ?
Ce qui se passe aujourd’hui n’est qu’un énième épisode. La mobilisation des gilets jaunes ou celles contre les projets destructeurs type Sainte-Soline ou Notre-Dame-Des-Landes témoignent de l’aggravation de la crise politique et économique.
Quel type d’action reste-t-il aux opposants lorsque toutes les modalités jugées acceptables par l’État ont été vidées de leur capacité à changer le réel ? Pense-t-on que les gens qui se sentent lésées et méprisés vont pour toujours se laisser faire poliment sans résister ?
Comment pense-t-on que l’argument de la victoire aux élections peut suffire quand le président et le groupe le soutenant à l’assemblée nationale n’ont obtenu qu’environ 20% des voix des personnes en âge de voter ? Le problème serait le même avec une autre couleur de "majorité".
De nouvelles élections risquent peu de changer les choses. Les personnes qui se mobilisent aujourd’hui (jeunes, ouvriers, employés) sont celles qui votent le moins, c’est-à-dire qu’elles ne conçoivent pas les institutions actuelles comme susceptibles de défendre leur intérêt.
Les institutions économiques et politiques permettent à ce qu’une minorité très fortement organisée soit en capacité d’imposer à tous les autres contre leur avis un mode de vie de plus en plus destructeur. Cette situation n’est pas vraiment neuve mais de moins en moins supportée.
La crise des institutions est profonde et on ne les change pas en demandant la permission. Comment imaginer que des gens qui refusent le jeu des institutions pour changer une politique particulière acceptent ce même jeu pour changer l’ordre social dans son ensemble ?
Il faut probablement s’habituer à voir des feux dans Paris et ailleurs si parmi les classes dirigeantes personne ne cherche à trouver un compromis pour changer ces institutions.
L’usage de méthodes d’action politiques dites violentes ne provient pas d’une prédisposition. L’État fixe le niveau de la violence dans une société. C’est lui qui est en train de produire une masse de révoltés prêts à adopter des stratégies radicales et même révolutionnaires.
L’enjeu ce n’est donc pas pour ou contre les violences. L’enjeu est pour ou contre les institutions qui produisent ces violences. Dans ce cadre, les radicaux ou les révolutionnaires paraissent de loin les plus raisonnables.
Nicolas Da Silva