• L’#Espagne stimule sa prospérité grâce à l’immigration, un cas unique en Europe

    Madrid assume une politique migratoire ouverte. Portée par l’afflux de travailleurs latino-américains, l’économie espagnole devrait croître de 2,6 % en 2025.

    A rebours d’une Europe obsédée par la fermeture, l’Espagne affiche un visage singulier. Son économie tourne à plein régime, 2,6 % de croissance estimée pour 2025, selon les prévisions de Madrid, dopée par une #immigration massive, venue en grande partie d’Amérique latine. Une vague migratoire assumée, encouragée par le gouvernement du premier ministre socialiste, #Pedro_Sanchez.

    Les #chiffres sont éloquents : depuis 2023, la population espagnole s’est accrue de 1,2 million de personnes, portée par l’arrivée d’étrangers. En un an et demi, plus de 800 000 nouveaux venus se sont installés dans la péninsule. Le pays compte désormais un peu plus de 49 millions d’habitants, dont 7 millions d’étrangers (14,3 %).

    Le Maroc reste le premier pays d’origine, avec plus de 1 million de ressortissants, mais les flux latino-américains ont explosé : + 74 % pour la Colombie depuis 2020, + 57 % pour le Venezuela et + 60 % pour le Pérou. Ces migrants, dispensés de visa, entrent le plus souvent en Espagne comme touristes avant de s’y installer durablement. Les aéroports sont ainsi devenus la principale porte d’entrée du pays.

    Réponse à « l’#hiver_démographique »

    Selon une étude publiée en juin par la Banque d’Espagne, l’immigration a contribué pour 0,4 à 0,7 point à la croissance du produit intérieur brut par habitant entre 2022 et 2024, soit près d’un quart de la hausse totale du niveau de vie. L’agence de notation américaine S&P, qui a relevé en septembre la note souveraine du pays de A à A+, a souligné « un #marché_du_travail dynamique nourri par une migration ciblée destinée à compenser les pénuries de main-d’œuvre nées après la pandémie ».

    Depuis quelques années, la croissance de la #population_active espagnole a été presque entièrement portée par l’immigration. D’après l’Institut national de la statistique (INE), en 2022 et en 2023, les étrangers ont représenté près de 80 % des nouveaux actifs. En 2024, ils ont entièrement compensé la baisse du nombre de travailleurs espagnols.

    Les étrangers sont surreprésentés dans les secteurs moteurs de la croissance espagnole. Ils constituent 28 % de la main-d’œuvre dans l’#hôtellerie et la #restauration et 20 % dans la #construction. Mais leur présence dépasse désormais les emplois peu qualifiés. « On les trouve dans la santé, la technologie, l’entrepreneuriat ; 90 % des nouveaux travailleurs indépendants sont des migrants », souligne Gonzalo Fanjul, directeur de recherche de la fondation PorCausa, spécialisée dans l’analyse des phénomènes migratoires.

    Ce n’est pas la première fois que l’Espagne ouvre grand ses portes. Au début des années 2000, l’économie, portée par la bulle immobilière, réclamait déjà de la main-d’œuvre : entre 2000 et 2010, la population étrangère a progressé de façon exponentielle pour atteindre 6 millions de personnes. « Cette première expérience, globalement réussie, a préparé le terrain », estime Gonzalo Fanjul.

    Conscient du #vieillissement accéléré du pays – le solde naturel est négatif depuis 2015 –, le gouvernement socialiste a choisi d’en faire un levier. Depuis mai 2025, la réforme du règlement sur les étrangers a encore assoupli la procédure d’« #arraigo » (« #enracinement ») afin de régulariser progressivement les 500 000 à 700 000 personnes actuellement en situation irrégulière. Cette voie, fondée sur la preuve d’une #résidence de deux ans seulement, offre cinq types d’ancrage : social, socioprofessionnel, familial, de « formation » et de « seconde chance ».

    Pedro Sanchez revendique cette singularité. Au #récit sécuritaire dominant en Europe, il oppose une vision pragmatique et humaniste : l’immigration comme #richesse et comme réponse à « l’hiver démographique ». Il rappelle volontiers qu’« il n’y a pas si longtemps, l’Espagne était aussi un pays de migrants ».

    Tendance irréversible

    Les #entreprises, confrontées à des pénuries de main-d’œuvre dans le #tourisme, la construction ou les services, soutiennent ouvertement cette approche. « Nous sommes un pays d’accueil et nous avons besoin de travailleurs venus d’ailleurs ; il faut former les jeunes migrants pour qu’ils deviennent nos futurs ingénieurs », a déclaré Antonio Garamendi, président de la Confédération espagnole des entreprises.

    Mais le succès a son revers. L’afflux de nouveaux habitants accentue les tensions sur le #logement : il en manquerait près de 700 000, selon la Banque d’Espagne. Si l’immigration reste plutôt bien perçue, elle figurait parmi les principales préoccupations des Espagnols en septembre 2024, avant d’être dépassée par le logement et l’accès à la santé. Les émeutes racistes de Torre-Pacheco, en Murcie, en juillet, ont toutefois rappelé la fragilité de cet équilibre.

    Pour contrecarrer le discours de Pedro Sanchez et se distinguer de l’extrême droite de Vox, qui appelle à l’expulsion de « tous ceux venus vivre de l’effort des autres » ou « imposer une religion bizarre », le Parti populaire (PP, conservateur) a esquissé, en septembre, une « #troisième_voie », prônant une immigration « légale et utile ». Le texte souligne « le lien spécial qui unit l’Espagne aux nations sœurs de l’Amérique hispanique, avec lesquelles nous partageons langue, histoire et valeurs ».

    Derrière les débats politiques, la tendance paraît irréversible. Dès 2000, un rapport de l’Organisation des nations unies prévenait que l’Espagne aurait besoin de 12 millions de migrants, d’ici à 2050, pour maintenir son équilibre démographique. Vingt-cinq ans plus tard, la Banque d’Espagne estime ce besoin à 24 millions. « L’immigration est ici pour rester, il n’y a pas de retour en arrière possible », conclut M. Fanjul.

    Pour un pays qui fut longtemps une terre d’émigration, cette conversion rapide en destination d’accueil pourrait bien devenir son nouvel atout stratégique et, peut-être, le visage le plus inattendu de sa réussite économique.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/10/21/singuliere-en-europe-l-espagne-stimule-sa-prosperite-grace-a-l-immigration_6

    #ouverture #économie #démographie #migrations #travail #régularisation #pragmatisme #statistiques

    ping @karine4

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    ajouté à la métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration... des arguments pour détruire l’#idée_reçue : « Les migrants profitent (voire : viennent POUR profiter) du système social des pays européens »...
    https://seenthis.net/messages/971875

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    voir aussi :
    First refugees arrive in tiny Catalan villages under repopulation plan
    https://seenthis.net/messages/983054

    • ‘It’s a question of humanity’: how a small Spanish town made headlines over its immigration stance

      Mayor explains why #Villamalea unanimously backed call to regularise undocumented migrants – across party lines.

      Flanked by farmland and nestled among the deep valleys of central Spain, few in Villamalea, a town of 4,200 people, expected to find their tranquil home splashed across Spanish media this summer.

      “I’ve never been contacted by so many media outlets in my life,” said José Núñez Pérez, the conservative mayor of Villamalea. With a laugh, he added: “It made me question, just what have we done here?”

      Everyone wanted to speak to him about the same thing; a town council motion, approved unanimously and across party lines, calling on the central government to push forward with a stalled proposal to regularise undocumented migrants in Spain.

      “To us, it was the most natural thing in the world,” explained Núñez Pérez, as he paused to greet residents in the town’s central plaza. In recent decades, migrants from across the globe had been atrracted to Villamalea for the many jobs on offer.

      The steady supply of labour had helped turn the town into an agricultural heavyweight – about 70% of the mushrooms sold in Spain come from here – while also transforming Villamalea into a rich tapestry of residents whose roots trace back to 32 countries.

      For the 11 town councillors who backed the motion to grant papers to undocumented migrants – from Núñez Pérez’s People’s party to the Socialists and the United Left – this reality took precedence over party lines.

      “We didn’t even debate it, we were all onboard right away,” said Núñez Pérez. “There’s a lot of work to be done here. And there could be even more – the problem for these companies is that they can’t find enough people to work.”

      With the town’s companies weighing up whether to bring in temporary foreign workers, it only made sense to allow those who were already here a fair chance at a foothold. “It’s not just economics, it’s a question of humanity,” said the mayor.

      In late August, the president of the European Central Bank, Christine Lagarde, said gross domestic output in Germany would have been about 6% lower in 2019 if it hadn’t been for foreign workers. The picture was similar across the eurozone, she said. “Although they represented only around 9% of the total labour force in 2022, foreign workers have accounted for half of its growth over the past three years.”

      In Spain, where the Socialist prime minister has insisted that migration is an opportunity, a surge in arrivals has helped to make the country a bright spot among Europe’s plodding economies.

      Of late, even some of the most ardent critics of immigration have conceded its necessity; in June Italy’s Giorgia Meloni, the far-right leader who has long called irregular migrants a threat to Europe’s future, said her government would issue nearly 500,000 new work visas for non-EU nationals in the coming years, in addition to the 450,000 handed out since she took power.

      While regularisation programmes have long been used across the EU, with 43 put in place by more than a dozen countries between 1996 and 2008, in Villamalea the push to grant papers was also rooted in the town’s history.

      During much of the 20th century, the town’s residents were forced to fan out across Europe in search of work, said Venancio Cuenca Lopéz, the head of a local retiree association. “Some of them had papers, but some had no papers, no job offers, nothing,” he said. “We can’t say: ‘Well we did it, but now we’re against it.’ We’re all human beings, we need to have some empathy.”

      He pushed back against claims that regularisation would push down wages. “There are companies that take advantage of undocumented workers, forcing them to work in poor conditions and paying them little. Then Spaniards can’t work because they’re competing with people who are getting paid peanuts,” he said. “So we regularise them, everyone has the same conditions.”

      The Guardian spoke to 10 or so residents, all of whom expressed support for the motion. From the pensioners who make up about a quarter of the town’s population to the around 20% who were born abroad – the majority from Morocco or Romania – residents shrugged off the far-right’s efforts to disparage diversity. “Here everyone has their life and their world, but when we get to together we all get along,” said María Anguix García.

      At Villamalea’s town hall, officials are swift to cite the efforts many have made to foster integration, keenly aware that they’re doing so against a backdrop of swirling disinformation about migration.

      “There was a day when people who practise Islam went to the church and got to know the prayer space and then they did the reverse; the Catholics went to the mosque and experienced it,” said the mayor “And around two months later, the five religions we have in Villamalea came together to pray in the church.”

      When the flood of media requests poured in earlier this year, most wanted to know how Núñez Pérez reconciled his stance with others in the conservative People’s party, particularly as the leader, Alberto Núñez Feijóo, was increasingly linking immigration to insecurity.

      Across the country, PP politicians have entered into governments supported by the far-right, anti-immigrant Vox party. As a result, PP politicians have lurched further to the right, leading to motions such as the one recently seen in Jumilla, a town of about 27,000 residents, where the PP-led council backed a ban on religious gatherings in public sports centres that appeared to target Muslims.

      Núñez Pérez bristled at the comparison. “I’ve always said that I’m not paid by my party, I’m paid by the people of this town,” he said. “In my party, as in all parties, there are differences of opinion. But if you look at the wider picture, we’re not that different.”

      It was, after all, the PP who had carried out more regularisation programmes than any other party since Spain returned to democracy.

      Others in the PP had also followed in Núñez Pérez’s footsteps; in late September, about 20 miles (32km) away in the town of Tarazona de la Mancha, a similar mix of councillors, though headed by a Socialist mayor, had come together to unanimously pass their own motion calling on the central government to grant papers to undocumented migrants.

      Even so, Núñez Pérez knew that the fact that he was a conservative mayor backing regularisation had become a “morbid” fascination for many. “But I think it’s the most natural thing; I know what happens in my town, we live quietly, we live in peace and we learn from each other,” he said. “In interviews they always ask me about my political party. But just because someone fires a shot over there, it doesn’t mean we’re all going to do the same.”

      https://www.theguardian.com/world/2025/oct/11/small-spanish-town-headlines-immigration-villamalea
      #villes-refuge #régularisation #José_Núñez_Pérez

    • #Torre_del_Burgo, en Espagne, un village qui revit grâce aux immigrés

      Isolement, exode rural et fermeture de services publics : au nord de Madrid, dans une région parfois surnommée la « Laponie espagnole », plusieurs villages étaient voués à disparaître. L’arrivée et l’installation de personnes migrantes ont tout changé.

      Depuis Guadalajara, il faut quitter la route départementale et s’enfoncer dans une rue étroite pour apercevoir les maisonnettes, l’église et la mairie. Vendredi 3 octobre, à l’heure du déjeuner, les ruelles de Torre del Burgo sont désertes. Seuls des chats osent s’aventurer sur la Plaza Major, égayée de façades colorées. Certaines maisons tombent en ruine, et un vieux terrain vague n’a visiblement jamais trouvé preneur. On fait le tour du village en dix minutes.

      À environ une heure de route au nord de Madrid, Torre del Burgo aurait pu tout bonnement disparaître si des personnes étrangères ne s’y étaient pas installées dans les années 2000. Ici, les immigré·es représenteraient entre 70 et 90 % de la population. Mais dans son bureau, le maire, José Carlos Moreno, insiste sur un point : « On n’a pas de réfugiés ni de migrants illégaux. » De sa voix rauque, il le répète une seconde fois pour être sûr d’être bien compris.

      Lui qui n’aime pas tellement l’exercice des interviews ne voudrait surtout pas que l’image de son parti soit entachée. Le Parti populaire (PP, droite) ne cache pas ses positions sur l’immigration, qu’il souhaite « ordonnée et régulée, en lien avec le marché du travail ». Il va jusqu’à reprendre les thèses racistes de l’extrême droite, comme le prétendu « appel d’air », qui laisse entendre que de bonnes politiques d’accueil pousseraient d’autres personnes à venir en Espagne.

      Le maire de Torre del Burgo adopte donc la ligne du parti, mais il reconnaît tout de même que sans les étrangers « légaux », le village serait sans doute mort. Au total, 21 nationalités s’y côtoient, entre les Bulgares (majoritaires), les Marocain·es, un Camerounais, des Italien·nes ou des Ukrainien·nes. « Vous savez ce que c’est, quand une famille vient, elle en amène une autre », commente le maire, en poste depuis quatorze ans.

      Les rares Espagnol·es qui possèdent un logement ici ne viennent que l’été, pour profiter de leur résidence secondaire. Les immigré·es y vivent à l’année, et travaillent le plus souvent dans l’agriculture et la logistique, deux secteurs florissants dans la région, connue notamment pour sa production d’asperges vertes.
      Déclin démographique

      Outre les questions liées à la régularisation des sans-papiers, qui ont occupé le débat public en Espagne ces dernières années, un autre volet pousse le gouvernement socialiste à prendre position en faveur de l’accueil des étrangers et étrangères : celui de la démographie. Sans l’immigration, « la population espagnole pourrait chuter de 48 à 24 millions [d’habitant·es] d’ici 2100 », soulignent les auteurs du rapport « Politique migratoire : l’exception espagnole », réalisé par la chercheuse en droit européen Tania Racho et le consultant indépendant Antoine de Clerck.

      Les Marocain·es, les Colombien·nes et les Vénézuélien·nes représentent les trois premières nationalités d’origine parmi la population espagnole ; et seuls deux pays de l’Union européenne (UE) figurent dans le top 10, la Roumanie et la France. Ces arrivées s’expliquent par les anciennes colonies en Amérique latine, la proximité géographique de certains pays et la liberté de circulation pour les pays de l’UE. Les immigré·es qui viennent en Espagne sont « globalement plus jeunes que la population espagnole », relève le rapport.

      Sans immigration, « l’Espagne est exposée à une décroissance démographique majeure d’ici 2040, qui mettrait son modèle social et économique sous forte tension », affirment l’auteur et l’autrice, en s’appuyant sur les données de l’institut national de la statistique espagnol (INE). Une solution, donc, aux problèmes démographiques en Espagne ? « Les sans-papiers dans le pays, c’est une folie, tranche le maire de Torre del Burgo. Mais pour les autres [les étrangers en situation régulière – ndlr], oui, ça peut être une solution. »

      La province de Guadalajara, aux mains des socialistes depuis 2019, semble avoir fait ce pari, au point de proposer une aide pour le paiement de l’impôt foncier, afin d’inciter les jeunes de moins de 35 ans à acheter un bien immobilier dans la région. Ainsi, le taux de prélèvement chute à 3 % (contre 10 % à Madrid). « Sans ça, le village allait disparaître », explique Daria, une jeune trentenaire qui pensait en bénéficier lorsqu’elle a acquis, avec son mari, sa maison deux ans plus tôt.

      Mais alors qu’elle répondait aux critères, elle s’est heurtée à un refus lorsqu’elle est allée prendre des nouvelles de sa demande, un an plus tard : « On m’a dit qu’on n’aurait rien, sans explication », dit-elle depuis sa cuisine, ouverte sur le salon, où des pizzas maison sont tout juste sorties du four. Ici, elle a retrouvé le calme auquel elle aspirait, après avoir quitté en 2017 la ville de Melitopol, en Ukraine, désormais aux mains des Russes.

      D’une voix forte et dans un espagnol quasi parfait, qu’elle a appris seule, elle raconte avoir suivi son mari, venu en Espagne en 2015 pour travailler dans le BTP. « À combien s’élève le salaire minimum en Ukraine, déjà ? », interroge Daria en s’adressant à sa mère, venue lui rendre visite. Réponse : « 120 euros ». Daria lève les sourcils : « En Espagne, on peut gagner 1 000 euros par mois. » Le choix était vite fait.

      Son mari a des déplacements un peu partout, « alors [ils] n’avai[ent] pas vraiment besoin d’être basés à Madrid ». Le couple a choisi de s’installer ici, où ils pouvaient acheter une maison moins chère. Leur fille aînée, âgée de 7 ans, se plaît bien mieux au village que dans la capitale, où la famille a vécu un temps.
      Des opportunités

      « C’est un village d’immigrés, lance Daria, tout en précisant qu’il compte quinze enfants, contre deux seulement dans le village voisin. Tout le monde se connaît, il y a de l’entraide, de la sécurité. » L’école, située à l’entrée du village au bord de la route, tombe en ruine depuis bien longtemps. Alors Daria a passé le permis, afin de pouvoir déposer et récupérer ses filles chaque jour à Tortola de Henares, à onze kilomètres de là.

      Elle regrette l’absence d’une école et d’un vrai parc de jeu et voudrait voir plus d’investissements pour la rénovation de vieilles bâtisses. Mais lorsqu’on lui a récemment demandé quelle était sa « ville préférée » en Espagne, elle a répondu sans hésiter « Torre del Burgo ».

      Au milieu du village, vendredi après-midi, Sabina* s’avance vers les poubelles collectives pour y déposer un sac. À 38 ans, elle a donné naissance à deux enfants ici, après avoir rejoint son mari, venu pour travailler en Espagne dix ans plus tôt. « C’est sûr que le village serait beaucoup plus désert sans nous », dit-elle.

      Vêtue de noir, les cheveux tirés en arrière et le teint halé, elle raconte avoir préféré éviter une grande ville comme Madrid, « où tout est plus compliqué pour les étrangers ». « Ici, on a trouvé un logement facilement car il y avait peu d’habitants, et on travaille dans la cueillette des asperges, la logistique ou le ménage. »

      En quelques années, le village aurait doublé sa population grâce à l’arrivée des immigré·es, atteignant aujourd’hui 493 habitant·es selon l’INE. Il serait celui qui compte le taux le plus élevé d’étrangers et étrangères en Espagne.

      Non loin de là, le village de Heras de Ayuso s’est lui aussi repeuplé grâce aux immigré·es. Lui aussi a été confronté à l’exode rural et à la fermeture d’entreprises et de services publics, comme l’explique un article d’El Confidencial, réalisé avec la fondation PorCausa, qui tente de changer les regards sur les migrations. Surnommée la « Laponie espagnole », cette région souffre du taux de dépeuplement le plus élevé d’Europe.

      Daria, qui espère demander bientôt sa naturalisation, compte bien rester à Torre del Burgo. Sa mère, qui a fui l’Ukraine en 2022 après le début de la guerre d’invasion russe, apprend petit à petit l’espagnol et travaille comme cuisinière. Elle se dit heureuse d’avoir retrouvé sa fille, mais aussi sa sœur (la tante de Daria), installée en Espagne depuis plusieurs années. Et si la guerre s’arrêtait ? « Je crois que nous resterons, répond Daria. Mes filles ont grandi ici, elles parlent espagnol, elles ont la culture espagnole. On a tous envie de rester. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/241025/torre-del-burgo-en-espagne-un-village-qui-revit-grace-aux-immigres

  • Portugal : le Parlement adopte une loi qui durcit les conditions d’entrée dans le pays - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/67261/portugal--le-parlement-adopte-une-loi-qui-durcit-les-conditions-dentre

    Portugal : le Parlement adopte une loi qui durcit les conditions d’entrée dans le pays
    Par La rédaction Publié le : 01/10/2025
    Le Parlement portugais a adopté mardi, avec les voix du camp gouvernemental et de l’extrême droite, une réforme de sa loi sur l’immigration qui durcit les conditions d’entrée dans le pays, notamment l’accès au regroupement familial.Une semaine après sa présentation par le gouvernement, la réforme de la loi sur l’immigration a été adoptée mardi 30 septembre par le Parlement portugais, avec les voix du camp gouvernemental et de l’extrême droite. Le texte est une version amendée de celui voté en juillet dernier, qui s’était heurté à un véto présidentiel en raison des objections soulevées par la Cour constitutionnelle concernant les dispositions sur le regroupement familial.
    Lors du débat précédant le vote, le porte-parole du gouvernement, Antonio Leitao Amaro, a défendu la réforme en affirmant que « le temps d’une immigration irresponsable est terminé », tout en soulignant la nécessité de « contrôler et réguler les flux pour pouvoir intégrer avec humanisme ».
    La nouvelle loi maintient un délai minimum de deux ans de résidence légale avant de pouvoir demander un regroupement familial, comme stipulait l’ancien texte. Toutefois, la dernière version de cette réforme prévoit des exceptions permettant de raccourcir ce délai, notamment pour les couples mariés, voire de le supprimer lorsqu’il s’agit d’enfants mineurs. La disposition réservant les visas de recherche d’emploi aux travailleurs hautement qualifiés est maintenue, ainsi que celle qui met fin à la possibilité pour les Brésiliens, le plus important contingent immigré, de régulariser leur situation après leur arrivée au Portugal avec un visa touristique.
    Le paquet de mesures voté en juillet prévoyait également la création d’une nouvelle unité au sein de la police nationale, chargée de lutter contre l’immigration illégale et d’organiser les expulsions. Cette disposition est entrée en vigueur. En revanche, un troisième volet de cette réforme portant sur les conditions d’accès à la nationalité portugaise reste toujours en discussion.
    « Ceci n’est pas la loi initiale que nous avions proposée, mais elle poursuit l’objectif de réguler l’immigration de façon humaniste », avait déclaré la semaine dernière en conférence de presse le ministre et porte-parole du gouvernement, Antonio Leitao Amaro, en estimant que cette réforme était « urgente, nécessaire et importante ». « Il faut des règles et un contrôle. C’est important pour le Portugal, pour les Portugais, mais aussi pour que les citoyens étrangers et les immigrants soient accueillis dignement ».
    Arrivé au pouvoir en avril 2024, le gouvernement minoritaire de droite de Luis Montenegro a décidé de durcir la politique migratoire. L’an dernier, l’exécutif avait déjà abrogé une disposition qui permettait à tous les immigrés de demander leur régularisation en prouvant qu’ils travaillaient depuis au moins un an et cotisaient à la sécurité sociale, même s’ils étaient entrés sur le territoire avec un visa touristique. Fin 2024, le nombre d’étrangers établis au Portugal a dépassé 1,5 million, soit environ 15% de la population totale et près de quatre fois plus qu’en 2017.
    Longtemps pays d’accueil, le Portugal bénéficiait d’une politique migratoire parmi les plus ouvertes d’Europe. Pendant de nombreuses années, les migrants pouvaient obtenir un statut légal en travaillant, en créant une entreprise ou en étant freelance, qu’ils soient entrés de manière régulière ou non dans le pays. La loi adoptée en 2018 par l’ancien gouvernement socialiste qui permettait aux immigrés de demander une régulation s’ils prouvent avoir travaillé depuis au moins un an en cotisant pour la sécurité sociale, a ainsi été abrogée en juin 2024.

    #Covid-19#migrant#migration#portugal#politiquemigratoire#immigration#economie#regularisation#regroupementfamilial

  • L’Espagne, un #modèle_migratoire à contre-courant

    Population immigrée multipliée par treize depuis vingt-cinq ans et programmes de #régularisation : par #pragmatisme plus que par #humanisme, l’Espagne a ouvert ses frontières. Et cette politique obtient un large #soutien.

    (#paywall)

    https://www.alternatives-economiques.fr/lespagne-un-modele-migratoire-a-contre-courant/00116201
    #politique_migratoire #migrations #réfugiés #alternative #ouverture_des_frontières
    ping @karine4

  • La #migration est un #fait_social_total

    Parti pris · Omniprésente dans le paysage audiovisuel et les discours politiques, la question de l’immigration est sans conteste l’#obsession du #complexe_politico-médiatique français. Mais les deux visions principales qui s’affrontent – à #droite et à #gauche – pêchent considérablement par #distorsion et #omissions et peinent à embrasser la #dimension_globale de ce fait social.

    Si l’entrée de l’immigration dans le #débat_public fut progressive, on peut considérer comme un premier tournant les #agressions_racistes de #1973 et leur #médiatisation. En effet, le sujet va gagner en #visibilité à partir de ces événements et de leurs conséquences politiques, bien avant, comme on peut le lire parfois, la percée du #Front_national, au milieu des années 1980, et son affrontement avec les mouvements antiracistes.

    L’occasion est alors donnée aux immigrés de se présenter à la société française et de raconter leurs #conditions_de_travail et de vie. C’est aussi une opportunité, pour la société française, de débattre d’un sujet qui ne quittera plus les champs médiatique et politique, au point d’éclipser toutes les autres préoccupations citoyennes et même de les absorber, puisque le traitement qui en est fait suggère insidieusement sa responsabilité dans tous les #problèmes_sociaux.

    Si l’on peut penser que la surreprésentation de la question de l’immigration est imputable aux exigences et aux intérêts propres au secteur des médias, au vu de l’appétence de ces derniers pour les polémiques, on est bien en peine de justifier son #omniprésence dans le #discours_politique qui en a fait un #enjeu_électoral majeur. Cette évolution du #débat, en ampleur et en intensité, s’est accompagnée d’une #polarisation de plus en plus marquée et de la résurgence d’un #racisme_décomplexé, qui dénonce l’immigration comme un #poids pour le pays d’accueil et n’est contré que par une #rhétorique utilitariste qui associe immigration et #bénéfices_économiques.

    « #Grand_remplacement », « #invasion_migratoire » et « #submersion_migratoire »

    Porté par la droite et l’#extrême_droite, mais pas seulement, ce discours raciste développe l’idée que l’immigration représente non seulement une #charge_sociale, mais aussi une #menace_identitaire et sécuritaire pour les Français. Les immigrés sont ici présentés comme des individus #indésirables et en surnombre – on parle de « grand remplacement », d’« invasion migratoire » et de « submersion migratoire » – qui menaceraient la #sécurité et l’#identité nationales. L’argumentaire principal mobilisé pour défendre cette thèse est l’#incompatibilité des caractéristiques culturelles et religieuses des populations immigrées avec les valeurs de la #République, avec une focalisation sur l’#islam. Ce discours prône ouvertement l’arrêt des flux migratoires et même la possibilité du retour dans le pays d’origine. Sauf que…

    Lorsqu’il s’agissait de répondre à un besoin de #main-d’œuvre et d’abaisser les #coûts_du_travail, la droite, de connivence avec le #patronat, était favorable à l’immigration, notamment dans les années 1960, lorsque les constructeurs automobiles et les patrons des mines recrutaient massivement dans les pays du Maghreb. Ou encore au début des années 2000, lorsque le discours gouvernemental a fait de « l’#immigration_choisie » un leitmotiv. Aujourd’hui encore, cette pratique est maintenue et « protégée » parce que voulue par les élites économiques, bien que décriée sur les plateaux télévisés.

    De l’autre côté du spectre politique, l’argument utilitaire est mobilisé pour défendre les populations immigrées. Il est de plus en plus porté par la gauche, qui aime à rappeler la contribution des étrangers pendant la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale ainsi que dans les #mines, les #usines et sur les grands #chantiers portés par le développement de l’#industrialisation, et qui souligne aujourd’hui le rôle des #médecins_étrangers dans le maintien du système de #santé_publique. Discours utilitariste donc (qui s’appuie sur les résultats de recherches en sciences économiques et en démographie conduites notamment par l’OCDE, la Banque mondiale et le FMI) mais qui est présenté comme humaniste par ses tenants, qui mettent en avant la #solidarité avec les immigrés et défendent une politique de #régularisation des #sans-papiers.

    Justifier le jeu du #capitalisme

    Ce discours est apprécié par la population concernée et il est souvent et naïvement repris par elle, puisqu’elle y trouve une justification à sa présence, au point de faire son totem de cette phrase qu’on entend souvent dans les bouches d’immigrés : « On travaille. » Mais la gauche dénie ici le fait que l’importation de populations étrangères dévalue les #classes_populaires (son principal électorat), qui se sont d’ailleurs progressivement détournées d’elle. En effet, valoriser la #participation des immigrés revient à justifier le jeu du capitalisme, qui utilise la #concurrence entre travailleurs et l’importation de main-d’œuvre pour casser les grèves, baisser les #salaires et ne pas améliorer les conditions de travail.

    Autrement dit, lorsqu’une partie de la gauche renonce à sa position historique sur la #régulation de l’immigration, elle protège ce que #Karl_Marx qualifie de « secret grâce auquel la classe capitaliste maintient son #pouvoir ». Elle devient dès lors ce que le sociologue #Ramón_Grosfoguel appelle une #gauche_impérialiste, dans le sens où « elle construit un #projet_politique où elle ne demande qu’à améliorer sa situation à l’intérieur des murs [frontières], à l’intérieur des espaces impérialistes, sans les remettre en cause, sans problématiser la #domination que ce #système-monde exerce sur les habitants à l’extérieur des murs [frontières]… Elle ne remet pas en question les #structures_de_pouvoir qui produisent le #pillage et l’#appauvrissement de la grande majorité de la population mondiale, qui vit juste à l’extérieur des murs et est soumise aux formes les plus despotiques, les plus appauvries et les plus violentes de l’accumulation du capital ». Pire, dans une démarche paternaliste, elle appelle à renforcer l’#aide_publique_au_développement au lieu de militer pour la #désimpérialisation.

    Dans les deux discours présentés ci-dessus, il y a des omissions et des distorsions si considérables qu’elles altèrent complètement l’appréhension du sujet de l’immigration. Il s’agit également de discours prisonniers de leurs points de vue et de leurs antagonismes réciproques, jusqu’à donner parfois l’impression qu’ils se définissent non pas en fonction des besoins de la réalité et des idées qu’ils défendent mais bien en réaction l’un à l’autre. À cela s’ajoute le fait que l’immigré est systématiquement abordé comme #objet et non comme #sujet, ce qui contribue à normaliser une #pensée_impérialiste qui ne participe qu’à stigmatiser les populations immigrées et à les dépouiller de leur #agentivité.

    Les trois quarts des migrations africaines sont intracontinentales

    Il s’agit d’un double phénomène : émigration-immigration. Toute étude ou tout discours qui ferait l’économie de l’un se condamnerait à l’incompréhension de l’autre, car l’un et l’autre sont les deux faces d’une même pièce. On comprend donc qu’une réflexion sur les conséquences de l’#immigration dans les pays d’arrivée doit nécessairement et impérativement s’accompagner d’une réflexion sur les #causes de l’#émigration dans les pays de départ.

    Une mise en perspective plus large permettra donc de montrer que les migrations ne concernent pas seulement les pays occidentaux – il s’agit d’un phénomène mondial –, voire qu’ils ne sont concernés que dans une moindre mesure, puisque les trois quarts des migrations africaines, par exemple, sont intracontinentales. Cela permettra également de jeter la lumière sur les problèmes réels ou supposés qui poussent des personnes du Sud à affluer en masse vers le Nord (pauvreté, conflits armés, accroissement démographique…), ainsi que sur les problèmes réels ou supposés qui poussent l’Occident à recruter des étrangers (déclin démographique, pénurie de main-d’œuvre, déserts médicaux…).

    Cette approche, qu’on pourrait qualifier de globale, est cruciale, parce qu’elle permet de démontrer combien une réflexion intramuros est vouée à l’échec, la seule manière de comprendre et de gérer la question migratoire étant d’établir un dialogue bilatéral, qui implique non seulement les pays d’émigration et les pays d’immigration mais aussi les populations migrantes et les sociétés d’accueil.

    L’immigration en #France est liée à l’#histoire_coloniale

    Il est aussi nécessaire de prendre en considération le rôle de l’histoire coloniale (esclavage, mobilisation militaire forcée et recrutement de travailleurs dans les colonies) dans la création des schémas migratoires ainsi que les rapports de force qui existent entre pays anciennement colonisateurs et pays anciennement colonisés. En effet, l’histoire de l’immigration en France est fondamentalement liée à l’histoire coloniale qui l’a créée, ce qui implique que, pour comprendre les migrations aujourd’hui volontaires, il est essentiel de revenir sur les #migrations_forcées dans les anciennes colonies, puisqu’elles ont des trajectoires identiques mais surtout qu’elles obéissent d’abord et avant tout aux besoins des pays occidentaux.

    Qualifiée comme telle – parce que c’est ce qu’on veut voir en elle, ce qu’on aimerait qu’elle soit et qu’elle le demeure –, l’#immigration_de_travail est une expression qui porte en elle un refus : regarder l’immigré autrement que comme un agent au service du capital, un corps au service des possédants. Or l’immigré est une personne, qui vient avec son histoire, sa religion, sa langue, sa façon d’être au monde, ses représentations et ses croyances, bref sa #culture. Il vient également avec ses besoins et ses aspirations : se marier, se perpétuer et vivre auprès de sa famille. Pourtant, et alors que, comme l’écrit le sociologue et non moins émigré-immigré #Sayad_Abdelmalek, « la chose était prévisible dès le premier acte d’immigration », tout semble se réaliser, du moins dans un premier temps, dans une logique du #provisoire.

    Ce sont là les #illusions qui accompagnent le phénomène migratoire, très bien expliquées par Abdelmalek Sayad. « L’image de l’émigration comme “#rotation” continuelle exerce sur chacun un fort pouvoir de séduction : la société d’accueil a la conviction de pouvoir disposer éternellement de #travailleurs […] sans avoir pour autant à payer (ou fort peu) en problèmes sociaux ; la société d’origine croit pouvoir se procurer de la sorte et indéfiniment les ressources monétaires dont elle a besoin, sans qu’il résulte pour elle la moindre altération ; les émigrés sont persuadés de s’acquitter de leurs obligations à l’égard de leur groupe […] sans avoir pour cela le sentiment de se renier. »

    L’illusion du provisoire

    C’est cette triple fonction des illusions qui maintient la notion de provisoire et lui donne une place centrale dans les #imaginaires de chacun, malgré sa mise en défaut par la réalité. C’est-à-dire, même après que le turnover a été révolu, que les séjours de travail se sont allongés jusqu’à devenir quasi permanents (transformant radicalement les rapports aux groupes d’appartenance et au #pays_natal), que les profils et les trajectoires migratoires se sont complexifiés, et que l’immigration de travail s’est transformée en #immigration_familiale, puis en #immigration_de_peuplement. La notion de provisoire est une consolation pour l’émigré face à sa désertion, pour la société d’origine face à sa désintégration et pour la société d’accueil dans son rêve de purification.

    La #délocalisation d’une partie de la société vers un autre pays, comme l’entretien de relations sociales et affectives entre ceux qui partent vivre à l’étranger et ceux qui restent dans le pays natal, semble créer une route qui grandit en même temps que la communauté d’expatriés. L’existence d’une solidarité intracommunautaire semble également faciliter, quand elle ne l’encourage pas directement, le passage à l’acte. En effet, l’idée de trouver des compatriotes ou même des membres du cercle familial (qui peuvent aider financièrement et psychologiquement) rassure le candidat à l’émigration sur la faisabilité de son #projet_migratoire et elle atténue sa peur de la #solitude et de l’#isolement. C’est ce qui explique le fait qu’on retrouve dans des villes et des quartiers à fortes densités immigrantes toute une communauté d’immigrés souvent originaires d’une même région et ayant parfois des liens de parenté.

    Les coûts importants des procédures administratives pour les demandes de visa et le pourcentage très élevé de refus dans certains pays (plus de 50 % en Algérie) rendent la voie légale souvent inaccessible. Le recours à la #clandestinité devient une possibilité de dépasser ces #blocages. En effet, traverser la Méditerranée dans une embarcation et franchir la frontière illégalement est une option choisie par des milliers de personnes chaque année, malgré les #risques et malgré les actions de prévention et de lutte contre la migration illégale.

    Maintenir coûte que coûte une #hiérarchie_sociale

    Ce qu’on peut relever du débat tel qu’il se présente aujourd’hui autour de la migration, c’est qu’elle est posée comme problème pour certaines populations et pas pour d’autres. Par exemple, en France ou en Allemagne, les réfugiés syriens ou afghans ne sont pas perçus comme les réfugiés ukrainiens. Le #traitement_médiatique qui leur est réservé n’est pas le même, pas plus que les dispositions prises pour leur #accueil et leur #insertion.

    Cet exemple permet d’inscrire la question dans le tableau plus large de la migration des pays du Sud vers les pays du Nord. Cette migration a ses spécificités et ses problématiques propres et elle ne saurait être confondue avec les mobilités intra-européennes ou euro-australo-américaines, par exemple, qui ne sont pas source de tensions, les populations qui en sont issues étant considérées comme assimilables, sinon semblables. Il n’en a pas toujours été ainsi. On se souvient du racisme envers les Bretons à Paris, des Britanniques envers les Irlandais, des Français envers les Italiens, les Espagnols, les Portugais…

    Ainsi posée, c’est la question du #racisme qui émerge comme point nodal de la migration, considérée par les uns comme phénomène social et par les autres comme problème social. Cette discrimination, qui a longtemps trouvé sa justification dans la #théorie_des_races et l’#infériorité_biologique supposée des uns par rapport aux autres, est remplacée, depuis la Seconde Guerre mondiale, par un #racisme_culturel, c’est-à-dire par un ensemble de pratiques et de discours dans lesquels la culture de certains groupes sociaux (généralement racisés) est essentialisée et infériorisée, l’objectif étant toujours le même : maintenir coûte que coûte une hiérarchie sociale.

    Faire l’impasse sur le #système-monde

    Penser l’État-nation dans un contexte d’#interdépendance_internationale est une ineptie, tout comme l’est le fait de chercher à préserver les intérêts d’un État ou à établir un #ordre_national plus juste dans un monde ravagé par les injustices, où l’on assiste au pillage des richesses humaines et naturelles par des multinationales occidentales ; un monde où rien ne protège les plus démunis de la prédation des États les plus puissants, qui se maintiennent par une #force_de_travail bon marché et des #matières_premières bradées. En effet, dans ce marché international qu’est devenu le monde et qui est régi par les intérêts économiques du capital et ses injonctions, le racisme apparaît comme une condition essentielle pour conserver une main-d’œuvre privée de droits, une force de travail à bas coût, non seulement dans les périphéries mais aussi au cœur des puissances économiques.

    Le racisme fonctionne donc selon des besoins cycliques. D’une part, il permet d’offrir des compétences à la demande et une main-d’œuvre bon marché dans les périodes de croissance, et, d’autre part, il permet d’exclure certaines populations du marché du travail dans les périodes de crise. Pour que cette mécanique puisse se perpétuer, les discriminations doivent persister, les frontières se renforcer et les populations « déplaçables » se résigner à leur #instrumentalisation. C’est ainsi que la splendide forteresse (le #centre) se protège contre les populations issues des #périphéries. C’est à ces conditions que peut se maintenir indéfiniment cet #ordre inique à l’échelle mondiale et c’est à ce niveau que doit s’inscrire la lutte pour la #justice_sociale.

    Ainsi déployée, la question migratoire déborde complètement celle des attitudes individuelles ou collectives vis-à-vis des immigrés, tout comme elle ne saurait être attribuée aux seuls faits politique ou économique, puisqu’elle est un fait social total, et que toute tentative de la saisir par un seul bout est vouée à l’échec. Il faut donc réinventer le débat, lui donner l’ampleur qu’il mérite et mettre à jour le lien direct qui lie les migrations avec les #guerres menées en Afrique et au Moyen-Orient, avec l’#extractivisme effréné et l’#exploitation irresponsable des #ressources des pays du Sud. Ce faisant, la question migratoire reprendra la place qui est la sienne au cœur de la lutte anti-impérialiste.

    https://afriquexxi.info/Migration-fait-social-total
    #utilitarisme #humanitarisme #paternalisme #diaspora #approche_globale #voies_légales #Etat-nation #nationalisme #nationalisme_méthodologique #périphérie #anti-impérialisme
    ping @reka @karine4 @_kg_ @isskein

  • Admission exceptionnelle au séjour après la circulaire Retailleau : quelles possibilités de régularisation ? ⋅ GISTI
    https://www.gisti.org/article7522

    Petites nouvelles du front... Pendant que ministres, élu·es, responsables de partis rivalisent d’idées de mesures plus régressives les unes que les autres en matière de politique migratoire, que se passe-t-il « sur le terrain », aux guichets des administrations, pour les personnes étrangères résidant en France, et tout particulièrement pour les 300, 600, ou 800 000 d’entre elles, en situation irrégulière, qui, parce que leur vie, leurs attaches, leur travail sont en France, cherchent à obtenir un titre de séjour ?

    .... en Île-de-France justement, les départements 75 (Paris), 77, 78, 92 et 93 viennent de mettre en place une plateforme commune sur le site « démarches simplifiées » pour les demandes d’admission exceptionnelle au séjour (AES), c’est-à-dire les demandes de #régularisation.

    Et alors que ce nouvel outil pourrait avoir été conçu pour permettre de traiter enfin les milliers de dossiers dont l’instruction est en panne depuis des mois, voire des années, on voit arriver des annonces de clôture de dossier, accompagnées de la suggestion de... reformuler la demande de rendez-vous en préfecture ! Des mois d’attente pour rien...

    Les personnes, plus chanceuses, qui parviennent aux guichets des préfectures se voient, de plus en plus fréquemment depuis quelque temps, soumises à des procédures qui ne sont prévues par aucun texte : on teste leur maîtrise de la langue française, on les interroge sur leurs connaissances de l’histoire de France, des « valeurs de la République », etc.

    Quant aux sans-papiers qui pouvaient prétendre à être régularisé·es en raison de divers motifs que listait la circulaire Valls du 28 novembre 2012, aujourd’hui abrogée – parents d’enfants scolarisés, conjoint·es d’une personne en situation régulière, jeunes devenu·es majeur·es, personnes vivant dans une structure agréée Oacas, victimes de traite, de proxénétisme, de violences conjugales – la nouvelle circulaire sur l’AES en fait des catégories qui ne sont plus à privilégier.

    #étrangers #étrangers_en_situation_irrégulière #OQTF

  • En Italie, les référendums sur la naturalisation et le droit du travail, voulus par l’opposition, échouent
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/09/en-italie-les-referendums-sur-la-naturalisation-et-le-droit-du-travail-voulu

    En Italie, les référendums sur la naturalisation et le droit du travail, voulus par l’opposition, échouent
    Par Allan Kaval (Rome, correspondant)
    L’Italie progressiste avait une occasion de se compter. L’échec est patent. Alors que la législature qui a vu arriver à la présidence du conseil la figure d’extrême droite Giorgia Meloni est entrée dans sa seconde moitié, sans que le socle électoral de la coalition se soit érodé, les principales forces d’opposition ont perdu leur pari. Lundi 9 juin, à la fermeture des bureaux de vote ouverts la veille, les référendums d’initiative populaire sur le droit du travail et l’accès à la citoyenneté, voulus par l’opposition, n’ont pas réuni suffisamment de votants pour que leurs résultats soient validés, le taux de participation étant resté bien inférieur au quorum, fixé à 50 % des inscrits plus une voix. A la sortie des urnes, la participation pour l’ensemble des scrutins plafonnait à moins de 30,6 %.
    Les Italiens étaient invités à s’exprimer sur cinq questions distinctes. Trois d’entre elles visaient à revenir sur des mesures législatives ayant retiré des garanties aux employés en cas de licenciement ou ayant facilité, pour les employeurs, l’usage des contrats à durée déterminée. Un autre référendum renforçait les responsabilités des entreprises donneuses d’ordre en cas d’accident du travail dans le cadre de sous-traitance, une problématique récurrente en Italie et très présente dans les médias.
    Le oui l’a très largement emporté sur ces questions liées au monde du travail, avec des résultats qui, bien qu’oscillant entre 87,1 % et 88,8 % des voix, resteront sans effets faute de participation. En revanche, le référendum le plus attendu et le plus débattu a donné lieu à un score beaucoup plus modeste. Portant sur les modalités d’accès à la citoyenneté, il devait ouvrir la voie au passage à cinq années de séjour régulier nécessaires pour effectuer une demande de naturalisation, contre dix aujourd’hui. Seuls 60 % des votants se sont prononcés en faveur de cette évolution.
    « Il s’agit d’une défaite claire pour l’opposition qui, en plus d’échouer à rassembler les électeurs, s’est montrée divisée », analyse Lorenzo Pregliasco, fondateur de l’institut de sondages YouTrend. De fait, si le front était large, il s’est avéré confus. Ainsi, le Parti démocrate (centre gauche) défendait le oui aux cinq questions mais comptait en interne des voix centristes dissidentes concernant celles liées au droit du travail, sur lesquelles s’est en revanche singulièrement impliquée la Confédération générale italienne du travail, le principal syndicat (gauche) du pays. Les antisystèmes du Mouvement 5 étoiles, qui ont gouverné avec la Ligue (droite radicale) en 2018-2019, n’avaient, pour leur part, pas donné de consigne à leurs électeurs sur la question portant sur la citoyenneté.
    Ce thème, récurrent lui aussi, avait surgi de nouveau au lendemain des Jeux olympiques de Paris 2024. L’Italie se découvrait une nouvelle fois, à travers les histoires familiales de ses champions, un pays divers où des communautés d’origine étrangère étaient désormais inséparables du corps national, malgré des conditions d’accès à la nationalité restrictives. Les résultats de lundi ont de quoi congeler ces débats à moyen terme, confortant la droite nationaliste. « L’écart entre les scores du oui sur les questions sociales et sur la citoyenneté montre que, quand les thèmes identitaires sont en jeu, même l’électorat de gauche se montre prudent », explique Lorenzo Pregliasco, qui souligne que le poids de l’abstention aux référendums est le corollaire d’une crise profonde, la participation n’ayant été que de 64 % aux élections législatives de 2022. Exception faite d’un scrutin de 2011, aucun référendum d’initiative populaire organisé en Italie n’a jamais atteint le quorum.
    Le scrutin sans lendemain de dimanche et lundi a fourni un succès à peu de frais aux forces d’extrême droite et de droite qui composent le gouvernement Meloni. Pour célébrer cette issue, Fratelli d’Italia, le parti de la présidente du conseil, qui avait déclaré qu’elle se rendrait dans son bureau de vote mais ne placerait pas de bulletin dans l’urne, a choisi un message élémentaire. Sur son compte Instagram, la formation d’extrême droite a fait publier une photographie des principaux leaders de l’opposition, accompagnée de cette mention : « Vous avez perdu. » En lettres capitales.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#regularisation#referendum#immigration#citoyennete#sante

  • Travailleurs sans-papiers : la nouvelle liste des métiers en tension a été publiée - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/64721/travailleurs-sanspapiers--la-nouvelle-liste-des-metiers-en-tension-a-e

    Travailleurs sans-papiers : la nouvelle liste des métiers en tension a été publiée
    Par Romain Philips Publié le : 22/05/2025
    La liste des dizaines de métiers en tension en France, base de référence pour accorder des titres de séjour aux travailleurs en situation irrégulière, a été publiée ce jeudi au Journal officiel. Cette version finale était très attendue mais ne convainc toujours pas les partenaires sociaux et collectifs de sans-papiers.
    Le gouvernement français a publié jeudi 21 mai la liste actualisée des métiers en tension. Elle énumère les quelque 80 métiers en manque de main-d’œuvre et doit permettre aux travailleurs étrangers de prétendre à un titre de séjour en France s’ils justifient de 12 mois de bulletins de salaire au cours de 24 derniers mois et trois ans de résidence en France.
    Disposition de la loi immigration de 2024, ce document vient remplacer la liste établie en 2021 et doit être mis à jour chaque année. Comme avant - et jusqu’à fin 2026 - les agriculteurs salariés", « infirmiers », « aides à domicile et aides ménagères », « aides de cuisine », « cuisiniers », « employés de maison et personnels de ménage », « maraîchers/horticulteurs salariés », ainsi que les employés de l’hôtellerie et du secteur du bâtiment figurent, entre autres, parmi les métiers dits « en tension » dans toutes les régions de France.
    Ce qui change, ce sont les métiers en tension selon les régions. C’est le cas des géomètres, recherchés en Normandie, des tuyauteurs en Ile-de-France ou des « ingénieurs et cadres télécommunications » dans les Hauts-de-France.
    « Enfin ! Ça faisait des mois et même des années qu’on l’attendait. Je pense à tous ces employeurs et ces salariés sous alias qui attendaient cette liste pour déposer leur dossier de demande de régularisation. C’est un soulagement pour eux », a réagi Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR) auprès de l’AFP. Selon France Travail, le besoin de main-d’œuvre dans ce secteur en 2025 est estimé à 336 000 emplois (CDI et CDD de plus de six mois) avec des « difficultés » de recrutement pour la moitié d’entre eux.
    S’il reconnait de « bonnes choses », comme la présence des aides à domicile et ménagères en Ile-de-France ajoutée sur la nouvelle liste, Jean-Albert Guidou, secrétaire général de l’union locale de la CGT à Bobigny (Seine-Saint-Denis) regrette toutefois « l’absence de pans entiers de l’économie où se trouvent une grande majorité de travailleurs sans-papiers ». En Ile-de-France par exemple, « le gros-œuvre du bâtiment, une grosse partie de la restauration, la logistique ou les déchets » ne sont pas dans la liste, réagit-il auprès d’InfoMigrants.
    « Cette liste devait être établie sur la base du nombre de travailleurs étrangers dans les secteurs économiques. Quand on reprend la liste, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas », tance-t-il. Les aides de cuisine ou les serveurs sont recherchés dans toutes les régions, sauf l’Ile-de-France, principale région touristique du pays, avec des milliers de restaurants, « où les cuisines sont remplies de personnes en situation irrégulière », dit-il.
    Il cite également les métiers du nettoyage. Dans ce secteur, 95 100 actifs sont des immigrés, ce qui représente 45,8% du secteur, selon une enquête de l’Insee en 2022. « Entre les annonces au moment du projet de loi sur la liste et la réalité de ce qui sort aujourd’hui, il y a un fossé énorme. C’est une liste qui a pour objectif de laisser ces travailleurs dans la situation d’irrégularité qu’ils connaissent déjà aujourd’hui », dénonce le syndicaliste.
    Des postes qualifiés (ingénieur, cadre, agent de maîtrise, informaticien...) figurent dans la liste francilienne, des secteurs qui ne sont pas occupés par les travailleurs en situation irrégulière. « Les sans-papiers sont très peu à avoir les compétences pour ces métiers-là », explique à InfoMigrants Kemoko Sow, membre de la CSP75 (Coordination des sans-papiers de Paris).
    « Il faut faciliter la tâche aux sans-papiers qui travaillent, pas la compliquer », ajoute-t-il, très peu soulagé par la publication du document. Il craint même de voir les conditions de travail de sans-papiers se dégrader des certains secteurs car "pour les métiers qui ne sont pas dans la liste, l’obtention du titre de séjour sera plus difficile donc ça va pousser les employeurs à profiter de notre
    Pour la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, « cette nouvelle liste permet de répondre aux difficultés de recrutement persistantes, tout en favorisant l’intégration des personnes déjà présentes sur notre territoire ». Elle est « le fruit d’un dialogue social approfondi et attentif » qui « articule les exigences du marché du travail, les réalités humaines et les priorités économiques du pays », pour la ministre chargée du Travail et de l’Emploi Astrid Panosyan-Bouvet.
    Des négociations ont eu lieu mais « elles n’ont rien donné », selon Jean-Albert Guidou, rappelant que la liste « est fondamentalement la même que celle présentée avant les discussions ». Entre les deux listes, les « ouvriers qualifiés de la maintenance en mécanique » ont été ajoutés en Bretagne et les « pêcheurs, aquaculteurs salariés » l’ont été en Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire.
    Fin février dernier, une réunion entre syndicats et le gouvernement avait été organisée. « On a senti un ministère du Travail dans l’embarras lors de la réunion. Ils ont demandé nos remarques mais il n’y a pas eu de suite, sauf un courrier. Le ministre de l’Intérieur a imposé sa patte. Comme Retailleau l’avait annoncé quand il était sénateur, il ne veut pas de régularisation sous forme de métiers en tension », estime le syndicaliste.
    La secrétaire nationale de la CFDT en charge des politiques migratoires Lydie Nicol a, elle aussi, dénoncé auprès de l’AFP « une concertation qui n’en a eu que le nom ». « Cette liste tombe au moment où il faudrait déjà discuter de sa mise à jour annuelle (...) ce qui prouve que le gouvernement joue la montre afin de ne pas mettre en œuvre la seule mesure de la loi immigration permettant d’améliorer la régularisation par le travail », a estimé la représentante syndicale.

    #Covid-19#migrant#migration#france#politiquemigratoire#regularisation#economie#metierentension#travailleurmigrant#sante#droit

  • Immigration : comment Bruno Retailleau a retardé la publication de la liste des métiers en tension
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/05/22/immigration-comment-bruno-retailleau-a-retarde-la-publication-de-la-liste-de

    Immigration : comment Bruno Retailleau a retardé la publication de la liste des métiers en tension
    Par Thibaud Métais
    Il aura fallu attendre plus d’un an pour connaître la nouvelle liste des métiers en tension. L’arrêté qui l’actualise a été publié, jeudi 22 mai, au Journal officiel. Cette liste, qui répertorie les professions en manque de main-d’œuvre par régions, servira désormais de base aux préfets pour examiner les demandes de régularisation des travailleurs sans papiers. Fruit d’une concertation entre les partenaires sociaux en début d’année, elle avait été présentée fin février, et sa publication devait initialement avoir lieu début mars, comme l’avait annoncé la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet. Mais elle a été retardée pour des raisons politiques.
    L’actualisation des métiers en tension était prévue par la loi relative à l’immigration, promulguée en janvier 2024. L’objectif du ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, était de favoriser la régularisation des travailleurs sans papiers, face aux pénuries de main-d’œuvre que connaissent certains secteurs de l’économie.
    Mais la dissolution a totalement ralenti le processus. Notamment parce que le successeur de Gérald Darmanin place Beauveau, Bruno Retailleau, tenant d’une ligne dure, a fait de la baisse des chiffres de l’immigration un de ses premiers objectifs. Le ministre ne voulait ainsi pas que le sujet parasite la campagne dans laquelle il était lancé pour prendre la présidence du parti Les Républicains (LR). D’autant que c’est lui, lorsqu’il était à la tête de groupe LR au Sénat, qui a mené la bataille contre le titre de séjour pour les métiers en tension lors de l’examen du projet de loi.
    Il n’y a donc pas de hasard à voir l’arrêté publié quelques jours à peine après sa victoire, dimanche 18 mai, face à Laurent Wauquiez. Ce retard a exaspéré certaines fédérations, en particulier l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), alors que la saison estivale approche. Du côté des partenaires sociaux, on regrette que le ministre de l’intérieur ait pesé de tout son poids pour que la liste des métiers en tension, trop restrictive, n’ait qu’un impact limité. Car celle-ci n’a quasi pas évolué entre la fin du mois de février, lorsque sa version finale a été présentée au patronat et aux syndicats et, aujourd’hui, les remarques des uns et des autres n’ayant pas été prises en compte. L’UMIH verra probablement d’un mauvais œil l’absence de métiers comme celui de serveurs dans des régions telles que Provence-Alpes-Côte d’Azur ou Bretagne, alors qu’elle demandait qu’il soit ajouté en février.
    « Certaines branches professionnelles vont être très en colère, on demandait simplement au moins de la cohérence nationale, déplore Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. On est face à une position totalement dogmatique. Notre discours est toujours le même, il faut arrêter de faire de la politique avec ce sujet. » Le Medef regrette, lui aussi, que la liste soit « toujours aussi resserrée, même après ce délai d’attente ». « Au final, ça ne va pas changer beaucoup les choses », considère-t-on au sein de l’organisation patronale.
    « Depuis le début, il y a une forte pression du ministre de l’intérieur qui ne voulait pas de titre de séjour pour les métiers en tension, il n’est pas loin d’avoir réussi, en tout cas il a réussi à bien freiner les choses », déplore Lydie Nicol. Pour la secrétaire nationale de la CFDT, cette liste est le résultat d’une « politique hors sol menée au service d’ambitions personnelles ».
    Mme Panosyan-Bouvet, elle, défend, dans un communiqué de presse, le « fruit d’un dialogue social approfondi et attentif ». « [La publication de la liste] et son utilisation vont de pair avec la poursuite de nos efforts pour lutter contre le chômage des étrangers en France et le remplissage des postes pourvus par une immigration de travail régulière, sélective, régulée et conforme à nos intérêts nationaux », se réjouit-elle également.
    La liste n’avait pas été révisée depuis 2021, sauf à la marge. Désormais, « les besoins évoluant », elle a vocation à être mise à jour annuellement, précise-t-on au ministère du travail. Depuis la promulgation de la loi sur l’immigration, les critères de régularisation des travailleurs sans papiers ont été simplifiés, et ceux-ci doivent désormais justifier de trois ans de présence en France et de douze mois d’ancienneté dans le travail (contre vingt-quatre mois auparavant).
    Ceux qui exercent des métiers en tension figurant sur la liste pourront demander une régularisation à titre personnel, sans l’accord de leur employeur. Mais, contrairement à ce qui était initialement prévu dans le projet de loi, la régularisation ne se fait pas de plein droit pour les travailleurs sans papiers. Elle reste finalement soumise à la décision des préfets. Nul doute qu’avec le positionnement de Bruno Retailleau ces derniers ne recevront pas de consignes pour réguler en masse.

    #Covid-19#migrant#migration#france#politiquemigratoire#regularisation#metierentension#droit#sante#prefecture

  • Invisibles

    Invisibles raconte des métiers mal connus, des parcours ignorés, des corps et des esprits abîmés. Des métiers dits « essentiels » et pourtant, les moins valorisés socialement et économiquement. À travers des récits intimes, cette série documentaire sonore met en lumière ce que certaines formes de travail font à nos vies et interroge nos responsabilités collectives. À qui profite cette #invisibilisation ? Qu’est-ce que ces récits racontent de notre système ?

    https://www.blast-info.fr/podcasts/invisibles-X4cDgcbvSW6qbsX-wTW3aA
    #travail #invisibilisation #récits #responsabilité
    #audio #podcast #sans-papiers #travailleurs_sans-papiers #égoutiers #métiers #pénibilité #retraite #BTP #métiers_en_tension #régularisation #stigmatisation

    ping @karine4

  • Pour Terra Nova, « sans les travailleurs immigrés, une partie essentielle de notre économie s’arrête »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/05/12/pour-terra-nova-sans-les-travailleurs-immigres-une-partie-essentielle-de-not

    Pour Terra Nova, « sans les travailleurs immigrés, une partie essentielle de notre économie s’arrête »
    Par Sidonie Davenel
    Sans les travailleurs immigrés, l’économie française vacille. Ce constat est connu. Mais dans un moment politique où la lutte contre le « désordre migratoire » se hisse en tête des priorités du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, il trouve rarement sa place dans le débat public. Or, pour maintenir la soutenabilité de son modèle social et économique, la France devra accueillir entre 250 000 et 310 000 étrangers supplémentaires par an à l’horizon 2040-2050. C’est ce qui ressort d’un rapport intitulé « Les travailleurs immigrés avec ou sans eux ? » publié par le centre de réflexion Terra Nova, lundi 12 mai.
    L’estimation se situe entre le niveau moyen de l’immigration légale des années 2010 (245 000 entrées par an) et celui de 2022 (331 000 premiers titres délivrés). Pas de hausse significative, donc, mais simplement une continuité dans le recours à l’immigration, qui « sera décisif dans les années et décennies qui viennent si l’on veut maintenir le ratio de soutien entre actifs et inactifs à un niveau raisonnable », écrivent l’essayiste Hakim El Karoui et l’économiste Juba Ihaddaden, précisant que « sans les travailleurs immigrés, une partie essentielle de notre économie s’arrête ». Cette nécessité est à lire dans un contexte démographique particulier : la population française vieillit, la natalité baisse. Parallèlement, les besoins en services essentiels grimpent et de nombreux secteurs peinent à recruter.
    Les scénarios envisagés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour assurer une population active suffisante – un taux de fécondité à deux enfants par femme et un solde migratoire de 120 000 personnes par an – ne permettent pas « d’empêcher une telle dégradation ». Selon les projections dévoilées par le rapport de Terra Nova, « l’évolution de la fécondité ne jouera qu’un rôle marginal » dans la progression du nombre d’actifs et le solde migratoire – soit la différence entre les entrées et les sorties d’immigrés – fixé à 120 000 personnes permettrait seulement de « contenir la baisse de la population active ». Le nombre d’actifs « s’élèvera à 32,2 millions de personnes en 2040 », ce qui impliquerait d’augmenter le solde migratoire annuel à 139 318 personnes. Or, en tenant compte des sorties d’immigrés, le nombre total d’entrées nécessaires serait de 309 758 par an. Comment les atteindre ? « En inventant une nouvelle politique d’immigration, où le travail aura une place centrale », déclare Hakim El Karoui.
    De façon générale, les immigrés occupent majoritairement les postes que les employeurs n’arrivent plus à pourvoir. En Ile-de-France, ils représentent 61,4 % des aides à domicile, 60,8 % des ouvriers du gros œuvre et près de la moitié des personnels de nettoyage. A l’échelle nationale, ils constituent 39 % des employés de maison, 28 % des agents de sécurité et 22 % des cuisiniers. Leur présence est également essentielle dans des secteurs plus qualifiés : 14 % des ingénieurs informatiques sont des travailleurs immigrés.
    Le rapport s’attache aussi à détricoter le mythe d’un coût démesuré de l’immigration pour la société. La Seine-Saint-Denis, un territoire avec une forte proportion d’immigrés (31,4 % en 2024, selon les chiffres du ministère de l’intérieur), est par exemple hautement contributrice au financement du système solidaire français, du fait de sa population active importante. « La protection sociale dépend avant tout du travail, et non de l’origine des travailleurs », conclut Hakim El Karoui.
    Qu’en est-il de la tolérance des Français à l’égard de l’immigration de travail ? Le deuxième volet du dossier se penche sur cette question, à partir d’une enquête réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) auprès de 2 000 personnes. L’enquête révèle d’abord que les Français sont très mal informés au sujet de l’immigration, et ce, « dans des proportions spectaculaires ». Ainsi, les trois quarts d’entre eux surestiment la part des immigrés dans la population, qui s’élève à 10,7 % en 2023, selon l’Insee : un gros tiers pense qu’elle est supérieure à 25 %, et un sur dix que plus d’un habitant sur deux est un immigré. Au total, 84 % des Français se trompent et 12 % « ne savent pas ». « Cette méconnaissance nourrit une anxiété généralisée », commente Hakim El Karoui.
    Plus éloquent encore : 89 % des répondants sous-estiment le taux d’emploi des immigrés. Une « erreur de perception » qui contribue à ancrer dans les esprits l’idée que les immigrés vivraient principalement des aides sociales. Or, les données exposées plus haut montrent l’inverse : 62,5 % d’entre eux exercent un emploi – souvent précaire – dans des secteurs délaissés par les travailleurs nationaux et pourtant essentiels au bon fonctionnement de l’économie.
    Par ailleurs, « l’opinion publique se montre bien plus favorable à l’immigration lorsqu’elle est associée au travail », toujours selon l’enquête du Crédoc. Ainsi, 77 % des Français estiment qu’un travailleur étranger cotisant depuis plusieurs années mérite d’obtenir la nationalité française et 66 % se disent favorables à la régularisation des sans-papiers exerçant des métiers en tension. Des opinions qui entrent en dissonance avec la circulaire révélée le 5 mai par Bruno Retailleau, visant au contraire à limiter les naturalisations et à diminuer considérablement les régularisations.
    Pour Hakim El Karoui, ces résultats révèlent une ambivalence : si l’immigration est souvent présentée comme « un problème qui n’a pour seul destin que d’être combattu », elle est plus facilement acceptée lorsqu’elle est associée à une contribution concrète à l’économie et à la société. Une brèche dans laquelle se glisser pour ouvrir « un discours politique plus lucide et rationnel, fondé sur les faits et non sur les fantasmes ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#economie#regularisation#travailleurmigrant#sante#politiquemigratoire

  • Le Portugal annonce l’expulsion prochaine de près de 18 000 immigrés irréguliers - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/64349/le-portugal-annonce-lexpulsion-prochaine-de-pres-de-18-000-immigres-ir

    Le Portugal annonce l’expulsion prochaine de près de 18 000 immigrés irréguliers
    Par Clémence Cluzel Publié le : 05/05/2025
    Au Portugal, le gouvernement sortant a annoncé samedi son projet d’expulser à court terme environ 18 000 étrangers en situation irrégulière dans le pays. La déclaration coïncide avec le lancement de la campagne électorale pour les élections législatives anticipées du 18 mai. Autrefois pays d’accueil, le Portugal voit sa politique migratoire se durcir ces dernières années.
    Environ 18 000 étrangers vivant sans autorisation au Portugal doivent prochainement être expulsés du pays, a annoncé samedi 3 mai, le ministre de la Présidence, António Leitão Amaro. Les notifications de départ à l’intention des migrants présents illégalement doivent être transmises dès la semaine prochaine.
    Dans un premier temps, 4 500 étrangers clandestins vont recevoir un ordre de départ volontaire pour un délai de 20 jours, a précisé le ministre. Les autorités portugaises misent d’abord sur ces départs volontaires, d’autant plus qu’elles bénéficient de peu de moyens pour reconduire les migrants clandestins aux frontières.
    Le gouvernement intérimaire sortant, issu du centre-droit, justifie cette opération inédite, par le besoin de “réguler les flux migratoires afin de pouvoir offrir des conditions d’accueil plus dignes” selon la déclaration du Premier ministre Luis Montenegro faite devant le Conseil européen le 17 octobre dernier.
    Le pays a vu sa population étrangère doubler en cinq ans pour atteindre 15 % de sa population totale, soit 1,55 million en 2024 selon l’Agence pour l’intégration, la migration et l’asile (AIMA). Beaucoup d’entre eux sont originaires d’Inde, du Népal et du Bangladesh. L’annonce a aussitôt suscité de vives critiques. Les associations d’aide aux migrants imputent à l’État cette situation. Face à la hausse des demandes de régularisation, l’agence gouvernementale, déjà en manque d’effectifs, se retrouve incapable de traiter tous les dossiers. Les demandes de papiers sans réponse dépassent les 400 000 d’après le gouvernement et atteindraient même les 500 000 selon la presse locale.
    Une situation qui fait craindre aux associations et avocats en droit des étrangers “une augmentation du nombre de migrants en situation irrégulière et une aggravation de leurs souffrances”.
    La temporalité de l’annonce a aussi été très critiquée puisqu’elle survient la veille du lancement de la campagne électorale pour les législatives anticipées du 18 mai, convoquées en mars dernier. Candidat à sa succession, le Premier ministre, Luis Montenegro, est accusé de vouloir séduire l’électorat d’extrême-droite pour obtenir la majorité au Parlement.
    Comme ses voisins européens, le pays n’échappe pas à la vague de populisme de ces dernières années. Depuis les élections de 2024, le parti d’extrême-droite Chega (“Assez” en portugais) constitue la troisième force politique au Portugal. Le parti réclame la suspension de l’émission de nouveaux titres de séjour tant que l’agence gouvernementale AIMA n’aura pas traité toutes les demandes déjà déposées.
    Longtemps pays d’accueil, le Portugal bénéficiait d’une politique migratoire parmi les plus ouvertes d’Europe. Pendant de nombreuses années, les migrants pouvaient obtenir un statut légal en travaillant, en créant une entreprise ou en étant freelance, qu’ils soient entrés de manière régulière ou non dans le pays. Adoptée fin juillet 2022 par l’Assemblée Nationale, une loi favorisait grâce à des accords de mobilité notamment avec le Cap-Vert, le Maroc ou l’Inde, la délivrance de visas courts et renouvelables pour les travailleurs dans des secteurs en tension comme le tourisme, la construction, l’industrie textile et chaussure ainsi que les technologies de pointe.
    Cette main-d’œuvre, saisonnière le plus souvent, permet de pallier la démographie en déclin et l’exode rural dans le pays. En 2023, environ 180 000 migrants avaient été régularisés, selon des données du gouvernement.
    Désormais cependant, les autorités opèrent un net virage. Arrivé au pouvoir en avril 2024, le gouvernement de droite modérée de Luis Montenegro a décidé de durcir la politique migratoire. "Nous sommes prêts à accueillir au Portugal des migrants en provenance de pays où les gens ne voient pas leurs opportunités garanties. Nous avons besoin de main-d’œuvre, de main-d’œuvre qualifiée, de main-d’œuvre pour les différents secteurs de l’activité économique et nous sommes ouverts à cela, mais cette ouverture ne doit pas être confondue avec une politique de portes grandes ouvertes", avait-il expliqué au Conseil européen le 17 octobre 2024.
    La loi adoptée en 2018 par l’ancien gouvernement socialiste qui permettait aux immigrés de demander une régulation s’ils prouvent avoir travaillé depuis au moins un an en cotisant pour la sécurité sociale, a ainsi été abrogée en juin dernier.Quelques jours avant l’annonce du plan d’expulsion, le ministre António Leitão Amaro avait déjà déclaré à la presse locale que le Portugal devait “revoir son système d’expulsion, qui ne fonctionne pas". "Il est important de réaliser que le Portugal est l’un des trois pays d’Europe qui exécutent le moins d’expulsions de personnes ayant reçu l’ordre de partir pour avoir enfreint les règles, y compris pour des raisons de sécurité", avait-il déclaré.

    #Covid-19#migrant#migration#portugal#politiquemigratoire#expulsion#sante#regularisation#droit

  • "Il y a une vraie crainte de se faire contrôler" : En #Mauritanie, les vagues d’arrestations de migrants sèment la peur

    Depuis presque deux mois, les #arrestations de personnes en situation irrégulière sont quasi-quotidiennes en Mauritanie. Après un passage en #détention, elles sont ensuite renvoyées aux frontières avec le Sénégal ou le Mali. Un climat qui sème la #peur dans le pays où sont présents quelque 200 000 migrants.

    « Surtout pour les migrants Subsahariens, la situation peut être qualifiée de critique », estime Abdoulaye Diallo, président de l’association Ensemble pour un avenir meilleur, contacté par InfoMigrants. Depuis fin-février, la Mauritanie mène une campagne d’arrestations et d’#expulsions de migrants en situation irrégulière. Selon l’OIM en 2024, ils sont environ 200 000 migrants en Mauritanie. « C’est tous les jours qu’il y a des #refoulements. La police arrête même des gens dans leurs maisons, des hommes lorsqu’ils vont au travail... Les refoulements ne touchent plus que les migrants en transit mais tout le monde », raconte l’associatif.

    De nombreux migrants arrêtés sont envoyés notamment à #Rosso, au #Sénégal, à la frontière mauritanienne. C’est le cas de Diallo, arrêté par la police à Nouakchott, la capitale. « Ils te disent ’tu es un étranger non ?’, tu dis oui, on te prend. Pendant deux jours, on est enfermés dans un centre où si tu n’as pas l’argent pour acheter à manger, tu vas mourir dans la salle », raconte-t-il à RFI.

    Même scène pour Camara, vêtue d’un grand voile mauritanien, qui a été expulsée à Rosso malgré sa grossesse et sa fille de deux ans. « (Un policier) m’a attrapé à la maison, j’étais couchée donc, il (est venu), il (a cogné). Moi, j’ai fait une semaine en prison. Il n’y avait pas à manger », confie la jeune femme à RFI.

    « Les gens se cachent »

    Si les précédentes vagues d’interpellations touchaient principalement les migrants interceptés en partance vers l’Europe, cette fois-ci, tous les profils semblent concernés. Adamou*, un étudiant d’une trentaine d’années craignant de se faire refouler à son tour malgré sa carte d’étudiant, a décidé de faire un aller-retour au Sénégal pour assurer son avenir en Mauritanie. « Comme ça si on me contrôle, je peux dire que j’ai un visa pour 3 mois », explique-t-il à InfoMigrants. Car lorsqu’un ressortissant d’un pays de la Cédéao rentre en Mauritanie, il dispose d’un visa valable 90 jours.

    Selon lui, nombre de ses compatriotes en Mauritanie ont été arrêtés puis refoulés. « Certains avec qui je suis en contact sont à Rosso mais le Sénégal ne veut pas d’eux, d’autres ont été renvoyés vers le Mali. Il y en a un aujourd’hui qui est à Bamako », indique-t-il. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, il y a une vraie crainte de se faire contrôler et arrêter. Chaque jour ça arrive ».

    Et cette peur se ressent dans les rues, selon Abdoulaye Diallo. « Avant, il y avait beaucoup de taxis, conducteurs de tuks-tuks, tous ces petits jobs occupés par des migrants… Mais maintenant, on voit vraiment l’absence des migrants dans la ville. Les gens se cachent », raconte-t-il.

    « Ici, les migrants vivent du #travail_informel parfois depuis plusieurs années »

    Une situation qui risque de plonger nombre de personnes en situation irrégulière dans la #précarité car l’augmentation des arrestations et des contrôles « crée un #climat_répressif », analyse une humanitaire, contactée par InfoMigrants, qui a souhaité rester anonyme. « Depuis le mois de mars, les arrestations ne sont plus uniquement liées aux interceptions et débarquements de pirogues en direction de l’Europe », dit-elle.

    Pour éviter d’être arrêtés, les migrants sont de plus en nombreux à demander un titre de séjour. Ainsi, « les services d’enregistrement de migration sont débordés et il y a énormément de queues », explique l’humanitaire. À ça, « il faut ajouter les nouveaux visas électroniques ». Ainsi, entre le nouveau système et l’augmentation de la demande, « on a un ralentissement général de la #régularisation ». « Ils auraient pu laisser un délai avant d’arrêter les gens afin qu’ils puissent faire les demandes », souffle Amadou.

    « Un travail de routine »

    Selon le ministre mauritanien des Affaires étrangères interrogé par RFI, Mohamed Salem Ould Merzoug, « il n’y a pas, à proprement parler, de mesures particulières enclenchées ». « Notre politique vis-à-vis de la migration irrégulière est restée la même : appliquer la règle de droit et être très ferme, par rapport aux réseaux de migrants irréguliers en particulier », a-t-il dit.

    Ces opérations sont « un travail de routine », concernant des migrants n’ayant pas régularisé leur situation, selon le ministre qui n’a pas donné de chiffres sur l’ampleur de ces refoulements. Il assure que sur les 130 000 migrants recensés en 2022, seulement 7 000 ont renouvelé leur titre de séjour.

    Dans ces vagues d’arrestation, certains y voient un lien avec l’#accord conclu entre la Mauritanie et l’#Union_européenne. En mars 2024, la Mauritanie a signé avec Bruxelles un partenariat visant à lutter contre l’immigration illégale. Au programme : renforcement de la coopération entre agences, démantèlement des réseaux de passeurs, construction de centres de rétention et délégation des contrôles, le tout grâce à une enveloppe de 210 millions d’euros accordée au pays saharien.

    Ces dernières années, la Mauritanie est devenue l’un des premiers points de départ des migrants en direction de l’Europe. En 2024, près de 47 000 personnes ont débarqué aux Canaries, un record. Et le nombre de morts n’a jamais été aussi nombreux sur cette route migratoire. Près de 10 000 exilés ont péri dans l’Atlantique en 2024, d’après le dernier rapport de Caminando Fronteras. Et « la majorité des victimes avaient pris la mer depuis la Mauritanie », selon Helena Maleno de l’ONG espagnole.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64098/il-y-a-une-vraie-crainte-de-se-faire-controler--en-mauritanie-les-vagu
    #rafles #migrations #réfugiés #répression

    voir aussi :
    La Mauritania di nuovo nel mirino della Spagna e dell’Unione europea
    https://seenthis.net/messages/1069805

    Réadmission des migrants venant d’Europe : #Soueisssya, ciblée pour un centre de transit ?
    https://seenthis.net/messages/1044463

    L’UE octroie 210 millions d’euros à la #Mauritanie pour lutter contre l’immigration clandestine
    https://seenthis.net/messages/1041503

    • À Rosso, à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, des centaines de migrants « dans une situation de #détresse »

      Plusieurs semaines après le début de la campagne d’expulsions de migrants menée par les autorités mauritaniennes, des centaines de migrants se retrouvent bloqués à Rosso, ville transfrontalière entre la Mauritanie et le Sénégal. Un afflux qui rend la situation humanitaire difficile dans la région.

      « Les policiers nous ont arrêtés alors qu’on se rendait au travail. Je n’ai pas les moyens pour retourner chez moi. Je n’ai pas non plus d’argent pour manger ou acheter des médicaments, je ne sais pas quoi faire ». Dans une vidéo transmise à InfoMigrants, un migrant nigérian raconte sa détresse après avoir été arrêté en Mauritanie puis envoyer à la frontière avec le Sénégal, à Rosso. Son corps est couvert de blessures.

      Depuis le début de l’année, de tels témoignages se multiplient. « Ils nous ont tabassés et amenés en prison sans rien nous dire » et « pris tout ce qu’on possédait : argent, montres, téléphones », racontait Ismaïla à l’AFP après son arrestation par la police mauritanienne. « Ils nous ont (ensuite) menottés et nous ont mis dans des bus surchargés pour nous expulser comme des vauriens », raconte-t-il depuis Rosso, du côté sénégalais de la frontière.
      « Nous n’avons pas assez pour tout le monde »

      Si des centaines de migrants se retrouvent à errer dans la précarité dans cette localité frontalière du Sénégal, c’est parce que depuis plusieurs semaines, la Mauritanie mène une campagne d’expulsions de migrants en situation irrégulière. Ainsi, des centaines d’exilés, notamment sénégalais, maliens, ivoiriens, guinéens ou encore gambiens, sont bloqués de chaque côté de la frontière « dans une situation de détresse ». Leur nombre total est difficile à établir.

      « Nous essayons de les aider mais nous n’avons pas assez pour tout le monde. Ils manquent d’eau, de nourriture, de médicaments, n’ont pas de logements », raconte un humanitaire mauritanien sur place à InfoMigrants.

      Selon lui, des refoulements ont lieu quasiment tous les jours. « Au moins deux bus d’au moins 60, voire 70 personnes, arrivent régulièrement à Rosso », commente-t-il. Un flux ininterrompu de personnes qui fait grossir les bidonvilles de la région. « On a ouvert deux foyers ces deux derniers mois dans deux maisons qu’on a réhabilitées - qui n’ont toutefois par l’eau courante, ni l’électricité - parce que les gens arrivent et restent. Ils errent dans la ville », raconte-t-il. « On essaye de trouver un représentant pour chaque nationalité afin d’organiser les choses mais chaque jour presque, on nous appelle pour nous signaler un nouveau groupe (qui arrive) », ajoute-t-il.
      « On ne peut pas jeter les gens comme du bétail »

      Conséquences de ces expulsions mauritaniennes, des centaines de personnes se retrouvent coincés dans cette ville à la frontière avec le Sénégal. Faute de documents de séjour en règle, elles ne peuvent ni retourner en Mauritanie, ni transiter par le Sénégal - qui refusent de laisser passer des personnes sans documents d’identité valides.

      « La Mauritanie n’a pas respecté les règles. Les autorités ont juste envoyé ces gens à la frontière. Mais on ne peut pas jeter les gens comme du bétail », tance le président du conseil des Guinéens au Sénégal, Diallo Amadou Oury, qui s’inquiète pour sa communauté à Rosso. Et d’ajouter : « La Mauritanie aurait dû aviser ces ressortissants puis les expulser en bonne et due forme, vers leur pays ».

      Actuellement, quelque 300 ressortissants guinéens sont à Rosso, des deux côtés de la frontière « et d’autres arrivent presque tous les jours ».

      « Ces gens sont dans une situation humanitaire grave. Ils sont exposées à tout à Rosso : faim, maladies, problèmes sanitaires, etc. Il y a des femmes et des enfants. Certains vivent à même le sol sur de la terre battue », commente de son côté le président du conseil des Guinéens en Mauritanie, Mamadou Bobo Bah.

      Côté sénégalais, les plus chanceux atterrissent dans les locaux de la Croix-Rouge où ils sont pris en charge. Mais selon le président du comité local de l’organisation à Rosso, Mbaye Diop à l’AFP, l’affluence de migrants est telle que début mars, ils n’avaient déjà plus de place pour tous les accueillir.

      Ces expulsions de migrants sont des opérations de « routine » qui visent les personnes en situation irrégulière, selon les autorités mauritaniennes qui n’ont pas donné de chiffres sur l’ampleur de ces refoulements. Face aux critiques d’ONG ou d’autres pays qui ont dénoncé des expulsions « inhumaines », le ministre mauritanien de l’Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, a déclaré que les expulsions étaient « faites dans le respect des conventions internationales ». Et selon le gouvernement, les migrants sont refoulés vers les postes frontières par lesquels ils sont entrés dans le pays.
      « Ils résidaient en Mauritanie et travaillaient »

      Certains voient dans ces vagues d’arrestations un lien avec l’accord conclu entre la Mauritanie - pays devenue l’un des principaux points de départ pour les migrants souhaitant rejoindre l’Europe en prenant la mer - et l’Union européenne.

      En mars 2024, la Mauritanie a signé avec Bruxelles un partenariat visant à lutter contre l’immigration illégale. Au programme : renforcement de la coopération entre agences, démantèlement des réseaux de passeurs, construction de centres de rétention et délégation des contrôles, le tout grâce à une enveloppe de 210 millions d’euros accordée au pays saharien.

      Mais les migrants l’assurent, ils ne voulaient pas « prendre la pirogue » pour rejoindre l’Europe.

      « Ils résidaient en Mauritanie et travaillaient. Certains ont même encore une famille en Mauritanie qui n’a pas été arrêtée », assure Diallo Amadou Oury. La semaine dernière, plusieurs sources confiaient déjà à InfoMigrants que, contrairement à de précédentes vagues d’interpellations, les migrants interceptés n’étaient plus seulement des personnes en partance vers l’Europe mais que tous les profils semblaient concernés.

      « Il y avait beaucoup de taxis, conducteurs de tuks-tuks, tous ces petits jobs occupés par des migrants », racontait Abdoulaye Diallo, président de l’association Ensemble pour un avenir meilleur. « Mais maintenant, on voit vraiment l’absence des migrants dans la ville ».

      https://www.infomigrants.net/fr/post/64210/a-rosso-a-la-frontiere-entre-le-senegal-et-la-mauritanie-des-centaines

    • #Mauritanie : le nombre de « #retours_volontaires » via l’#OIM a doublé par rapport à l’année dernière

      Depuis le début de l’année, 322 migrants ont bénéficié d’un « retour volontaire » de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Ils n’étaient que 150 en 2024 sur la même période. Une hausse qui s’explique notamment par la politique migratoire de Nouakchott : depuis le début de l’année, la Mauritanie mène de vastes opérations d’expulsions de personnes en situation irrégulière.

      Les « retours volontaires » de l’Organisation internationale des migrations (OIM) se multiplient en Mauritanie. Entre le 1er janvier et le 16 mai, 322 migrants ont été rapatriés dans leur pays, a déclaré l’agence onusienne à InfoMigrants.

      C’est plus du double par rapport à la même période l’année dernière durant laquelle 153 « retours volontaires » avaient été effectués. Et sur l’ensemble de l’année 2024, l’OIM Mauritanie a facilité 995 rapatriements.

      Selon l’organisation, les personnes ayant bénéficié de ce programme proviennent « principalement de pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale, de la Corne de l’Afrique, ainsi que, dans une moindre mesure, d’Asie du Sud ».
      « J’attends que l’OIM me recontacte »

      C’est le cas d’Oumar, un Gambien de 29 ans, qui vit à Nouakchott. Il s’est rendu aux locaux de l’OIM le 30 avril dernier pour faire une demande de « retour volontaire ». « Sur place, il y avait des ressortissants de pleins de pays. J’ai simplement déposé une demande avec ma carte d’identité. Ils ont pris mon numéro et maintenant, j’attends que l’OIM me recontacte », explique-t-il à InfoMigrants.

      Installé en Mauritanie depuis près d’un an, le jeune homme explique que c’est « le climat actuel » qui l’a poussé à demander un rapatriement.

      Depuis le début de l’année, la Mauritanie mène de vastes opérations d’expulsions de personnes en situation irrégulière dans le pays. « Au début du mois de mars, c’était le pire. C’était très compliqué. Les gens se faisaient arrêter. Il y avait la police partout, parfois même sur les lieux de travail », raconte encore Oumar.

      « Quand je vois ce qui arrive à d’autres migrants, expulsés vers les frontières, je préfère partir avant que ça ne m’arrive », ajoute-t-il. Une fois arrêtés, les exilés sont emmenés dans des centres de rétention avant d’être expulsés. Les Africains sont envoyés aux frontières avec le Mali et le Sénégal. Les Asiatiques, eux, sont expulsés à travers des vols.

      À Rosso, ville transfrontalière entre le Sénégal et la Mauritanie, des dizaines de migrants arrêtés par les autorités de Nouakchott patientent actuellement dans l’attente d’un retour dans leur pays. « Côté Sénégal, une cinquantaine de Guinéens vivent à la Croix-Rouge et attendent leur ’retour volontaire’, parfois depuis plusieurs semaines », détaille Mamadou Dia, membre de la Croix-Rouge à Rosso.

      Une fois recontacté par l’OIM, Oumar devra passer deux entretiens « pour évaluer la composition familiale, vérifier les documents, recenser les vulnérabilités et discuter des modalités du retour », indique l’OIM. Puis, après un examen médical, il sera raccompagné en Gambie.

      Le dispositif peut mettre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. « Le délai d’un ’retour volontaire’ varie en fonction du pays de retour, la situation administrative de la personne, la composition familiale, la présence de vulnérabilités, ainsi que la disponibilité ou non de documents de voyage », signale l’organisation.
      Empêcher les départs vers les Canaries

      Nouakchott intensifie ses efforts pour combattre l’immigration irrégulière qui a souvent pour projet de rejoindre les Canaries espagnoles, via l’Atlantique. Plus de 30 000 migrants ont été interceptés sur le sol mauritanien entre janvier et avril 2025.

      La Mauritanie, vaste pays désertique situé sur la côte atlantique ouest-africaine, est devenue le principal lieu de départ des canots arrivés dans l’archipel espagnol, selon Helena Maleno de l’ONG Caminando Fronteras. Au cours de l’année 2024, 46 843 exilés ont atteint les Canaries, du jamais vu.

      Ce tournant dans la politique de Nouakchott s’est opéré suite à la signature en mars 2024 d’un accord avec l’Union européenne, inquiète de voir cette route migratoire se réactiver. Au programme : renforcement de la coopération entre agences, démantèlement des réseaux de passeurs, construction de centres de rétention et délégation des contrôles, le tout grâce à une enveloppe de 210 millions d’euros accordée au pays saharien.

      Le ministre mauritanien de l’Intérieur, Mohamed Ahmed Ould, a mis en avant la nécessité de lutter contre une migration qui n’est plus « individuelle » mais « une activité transfrontalière organisée » et a dénoncé « une augmentation sans précédent du nombre d’étrangers en situation irrégulière ».

      Depuis le début de l’année, le nombre d’arrivées aux Canaries a, lui, chuté. Entre le 1er janvier et le 15 mai 2025, 10 882 personnes sont arrivées dans l’archipel, soit une diminution de 34,4% par rapport à la même période en 2024 durant laquelle 16 586 migrants avaient atteint les iles espagnoles.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/64696/mauritanie--le-nombre-de-retours-volontaires-via-loim-a-double-par-rap

  • Dans la Creuse, #Manssour_Sow, ouvrier agricole sans papiers, est suspendu à la décision de la #préfecture

    Cet exilé mauritanien travaille dans trois fermes et permet de nourrir de nombreux habitants, participant au « dynamisme » de tout un territoire. Mais depuis le 3 avril, il est assigné à résidence et menacé d’expulsion. Ses soutiens invitent les autorités à le régulariser.

    « Je n’aurais jamais cru en arriver là », soupire Manssour Sow. À l’autre bout du fil, le trentenaire se dit fatigué. Il explique qu’il « travaille », dans un métier en tension qui plus est, et qu’il a « tous les documents qui le prouvent ». « Je n’arrive pas à comprendre », dit-il.

    Quelques semaines plus tôt, cet exilé mauritanien a reçu un courrier de la préfecture de la Creuse, une convocation pour lui faire signer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et une assignation à résidence (depuis contestée en justice). Manssour Sow avait déjà fait l’objet d’une OQTF en août 2022, après avoir vu sa première demande de régularisation rejetée.

    Finalement, « ils ne [lui] ont pas fait signer la nouvelle #OQTF, en disant que c’était une erreur ». Mais la première mesure d’éloignement étant toujours en cours (elles sont exécutoires durant trois ans depuis la loi Darmanin), il est assigné à résidence depuis le 3 avril, contraint de pointer chaque jour à la gendarmerie.

    « Ça me fait mal, c’est comme si j’étais un criminel. Cette situation m’empêche de dormir la nuit. » La gendarmerie étant éloignée de son lieu de vie, la préfecture a depuis accepté de réduire la fréquence des pointages à trois fois par semaine. De nombreux soutiens de Manssour Sow invitent la préfecture à réexaminer sa situation.

    Sollicités par Mediapart, ni les services de la préfète de la Creuse ni le cabinet du ministre de l’intérieur n’ont répondu à l’heure où nous publions cet article. Selon nos informations, la préfecture a accepté de prendre un nouveau dossier le 16 avril, après qu’une délégation a été reçue par le secrétaire général la semaine précédente. « On a compris que ce qui bloquait, c’était la circulaire Retailleau », raconte une source ayant participé à l’entrevue.

    Adressées aux préfets le 23 janvier, ces consignes venues du ministre de l’intérieur durcissent les conditions de régularisation des sans-papiers, en imposant un délai de présence en France de sept ans et l’absence d’OQTF pour toute demande. « La circulaire met la pression sur les préfets aujourd’hui. Peu importe la situation des gens, ils l’appliquent », poursuit cette source.
    Un secteur et un territoire qui peinent à recruter

    Le dossier de Manssour Sow n’est pas anodin : il se trouve à la croisée de plusieurs chemins, entre agriculture et monde rural, métiers en tension et régularisation des travailleurs sans papiers… Et c’est sans doute ce qui explique le soutien très large dont le jeune homme bénéficie depuis l’annonce de son assignation à résidence.

    « Tout le monde me connaît dans le coin », confie l’intéressé à Mediapart. « Quand les habitants ont appris ce qui lui arrivait, ils sont allés se rassembler devant la préfecture, et ce alors qu’ils ne sont pas forcément militants », complète Olivier Thouret, représentant de la Confédération paysanne creusoise.

    Ce dernier est témoin des difficultés de recrutement que connaît le secteur, notamment « pour les petites fermes en vente directe » – Manssour Sow travaille depuis deux ans dans trois fermes différentes dans la Creuse. Pour pouvoir tenir dans la durée, précise Olivier Thouret, « on a besoin d’emplois, parce que c’est aussi très chronophage ». Ces emplois ne sont pas toujours à temps plein, mais permettent d’assurer la « vivabilité » des fermes. Et « ni France Travail ni les services de remplacement ne permettent de trouver la polyvalence » dont elles ont besoin.

    « Le travail se passe bien, raconte Manssour Sow. Je m’occupe des vaches laitières et des vaches limousines, mais aussi de la volaille et des cochons. Je dois les nourrir, les sortir, les soigner. Je fais plein d’activités différentes. » Il participe aussi à la fabrication de yaourts et de fromages vendus aux particuliers.

    L’une des fermes qui l’embauchent a également une serre pour le maraîchage ; une autre activité qu’il maîtrise. « Manssour est d’une polyvalence quasi extrême, commente Olivier Thouret. Cela montre sa volonté de s’adapter aux besoins locaux. »

    Selon Catherine Couturier, ancienne députée de la première circonscription de la Creuse (La France insoumise) ayant suivi le dossier de Manssour Sow, les services de la préfecture seraient « embêtés » par la situation, et par la mobilisation qui l’accompagne. Lors du rendez-vous auquel elle a participé, la délégation « a insisté sur les spécificités du métier et la difficulté que les fermes rencontrent pour trouver de la main-d’œuvre formée ».

    « On parle d’une agriculture qui fait de la vente directe, avec des marchés de proximité et des livraisons en épicerie dans de petits bourgs. Cela vient donc en contradiction avec les objectifs affichés par l’État », souligne-t-elle, comme pour le programme « villages d’avenir » et les projets alimentaires territoriaux (PAT).

    « Ces fermes participent à l’animation du territoire et apportent une dynamique sociale », reprend Olivier Thouret, qui rappelle que les marchés sont aussi l’occasion de se rencontrer, d’échanger et de s’alimenter en mangeant local. « On ne peut pas faire croire qu’en enlevant ce maillon de la chaîne [Manssour Sow – ndlr], ça continuera de fonctionner comme avant. »
    Une rencontre décisive

    Pour la société creusoise, perdre Manssour Sow serait une « catastrophe », estime Fabien, lui aussi paysan et atterré par la situation. « On nous parle sans arrêt de repeupler la Creuse, on a trois fermiers qui sont unanimes sur son savoir-faire, sa connaissance de la vie des sols et des bêtes… »

    Si Manssour Sow connaît aussi bien son métier, c’est parce qu’il était éleveur dans son pays d’origine, la Mauritanie, qu’il a dû quitter en 2019 après avoir vu ses terres accaparées par autrui. Son père a été emprisonné durant huit mois et a perdu la vie deux mois après sa libération, du fait de « mauvais traitements ».

    Manssour Sow fuit et vit un temps au Maroc, sans se douter une seconde, dit-il, qu’il gagnerait l’Europe un jour. « J’étais avec des amis d’enfance, du même village que moi, et ils ont décidé de partir parce qu’ils n’arrivaient plus à gagner leur vie au Maroc. »

    Après un passage par la rue à Paris, il rejoint un hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda) à Peyrat-le-Château (Haute-Vienne), heureux de s’éloigner des grandes villes pour retrouver le calme auquel il était habitué. Mais sa demande d’asile finit par être rejetée et il se voit contraint de quitter son lieu d’hébergement.

    Il est alors pris en charge par une association locale, qui lui propose une chambre. « Je faisais du bénévolat pendant ma demande d’asile, j’ai donc connu plein de gens, ça m’a aidé. » Il apprend également le français, qu’il maîtrise depuis.

    Une rencontre change le cours de sa vie alors qu’il fait du stop au bord de la route : « Une dame qui m’a parlé des fermes alentour qui avaient besoin de travailleurs déjà formés. » Il fait alors un stage découverte. « Je suis né et j’ai grandi avec les animaux, ils ont tout de suite vu que je connaissais le métier. »

    Membre de Réseau éducation sans frontières (RESF) et mère de l’une des employeuses de Manssour Sow à Maisonnisses, Pierrette Bidon vante ses qualités. « C’est quelqu’un de discret et de droit, qui aime son travail et sait faire énormément de choses. Il est décrit comme un “pilier” par l’un de ses collègues. »
    Une première tentative de régularisation qui a échoué

    La retraitée se souvient des premières tractations avec la préfecture de la Creuse, lors du refus de sa demande d’admission exceptionnelle au séjour en 2022, doublé d’une OQTF. Le dossier est alors déposé « trop tôt », et ne remplit pas les conditions de la circulaire Valls – qui permettait, jusqu’à la circulaire Retailleau, de régulariser les personnes sans papiers selon divers motifs et critères précis.

    « Mais la préfète de l’époque avait accepté notre recours gracieux, et était prête à réexaminer sa situation si de nouveaux éléments étaient apportés. » Dont un CDI et des fiches de paie qui démontreraient son insertion professionnelle.

    Manssour Sow est embauché par trois fermes dans la foulée, début 2023, mais la préfète de l’époque est entre-temps remplacée. « Il a déposé une nouvelle demande en 2024 », témoigne Pierrette Bidon.

    En dehors de la circulaire Retailleau, Manssour Sow pourrait prétendre à un titre de séjour en vertu de la loi Darmanin, qui ouvre la voie à la régularisation pour les travailleurs des métiers en tension. Mais la demande reste sans réponse durant plusieurs mois.

    En juillet 2024, après une relance auprès de la préfecture, il lui est demandé d’envoyer le timbre fiscal pour compléter son dossier. « On pensait que c’était bon signe, mais il ne s’est rien passé ensuite », regrette Pierrette Bidon. Jusqu’à ce courrier l’invitant à se rendre en préfecture pour son assignation à résidence en 2025.

    « J’ai dit à la préfecture de ne pas me renvoyer en Mauritanie, car c’est dangereux pour moi là-bas », confie Manssour Sow, dont la mère et la petite sœur ont fui pour le Sénégal. « Je ne m’imagine pas quitter la France, mais ce n’est pas moi qui décide. Ça fait bientôt cinq ans que je vis ici et j’ai toujours été actif : on ne peut pas dire que je ne me suis pas intégré », conclut-il.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/170425/dans-la-creuse-manssour-sow-ouvrier-agricole-sans-papiers-est-suspendu-la-
    #sans-papiers #migrations #France #agriculture #élevage #dynamisme_territorial #assignation_à_résidence #expulsion #régularisation #travail #intégration_professionnelle #métiers_en_tension #Creuse #assignation_à_résidence #loi_Darmanin #criminalisation_de_la_migration #circulaire_Retailleau #travailleurs_sans-papiers #titre_de_séjour

    via @karine4

  • La #circulaire_Retailleau vient briser les espoirs de #régularisation des #sans-papiers

    Adressées aux préfets le 23 janvier, de nouvelles consignes imposent des critères très contraignants aux personnes qui espèrent obtenir un droit au séjour en France. L’étau se resserre contre les immigrés, dans un contexte politique de plus en plus hostile.

    « Retailleau fait ça pour décourager les gens. » Sur la place de la République à Paris, le 4 avril, la voix de Mariama Sidibé est contrariée. C’est là que se retrouvent les membres de la Coordination des sans-papiers de Paris (CSP 75) depuis tant d’années pour revendiquer leurs droits. Des pancartes à la main, ils et elles s’élancent chaque vendredi après-midi vers un lieu différent, encadrés par la police et tantôt applaudis par les passant·es, tantôt maudit·es par les automobilistes.

    Aux côtés de Mariama, une septuagénaire se plaint de devoir travailler alors que son corps est usé. « Je suis restée sans-papiers vingt ans. » Elle n’aime pas raconter son histoire. « Trop dur », dit-elle. « Les gens meurent noyés pour venir ici. Ils ne savent pas la souffrance qu’on connaît. » Régularisée trois ans plus tôt – « un vrai soulagement » –, elle a travaillé le plus gros de sa vie sans pouvoir cotiser à la retraite, faute de titre de séjour.

    Originaire de Côte d’Ivoire, une autre membre du collectif n’en mène pas large à l’écoute des nouveaux critères de régularisation imposés par le ministre de l’intérieur, #Bruno_Retailleau, dans sa #circulaire adressée aux préfets et préfètes le 23 janvier, par laquelle il entend rendre l’#admission_exceptionnelle_au_séjour (#AES dans le jargon) encore plus « exceptionnelle ». « Ne jamais avoir eu d’#OQTF, c’est impossible. » Aide-soignante, elle en a fait l’objet, en 2021, après avoir été déboutée du droit d’asile.

    Installée en France depuis six ans, il lui faudrait attendre encore un an pour pouvoir déposer une demande de régularisation – la nouvelle circulaire impose une présence de sept ans en France, contre cinq ans auparavant, voire trois selon les cas. Mais avec l’OQTF dont elle a fait l’objet, le doute persiste.

    « Il y a plusieurs points imprécis, et donc laissés à la libre interprétation des préfets », souligne Joëlle, fervent soutien de la CSP 75. Pour les OQTF, « on ne sait pas s’il faut ne jamais en avoir eu, ou n’avoir aucune OQTF en cours ». Depuis la loi Darmanin, celles-ci ont une durée de vie de trois ans.
    Les portes se referment

    « On pensait avoir touché le fond au moment de cette loi, réagit Anzoumane Sissoko, mais là c’est pire encore. » Avec ces nouveaux critères, estime cet élu du XVIIIe arrondissement, lui-même ancien sans-papiers, « ils rendent la régularisation quasiment impossible ». Et même si certain·es cochent toutes les cases, « ils ne trouveront pas de rendez-vous en préfecture » du fait de la dématérialisation des démarches et des dysfonctionnements associés.

    Au milieu des manifestant·es, Yoro, l’un des porte-parole de la CSP 75, avance, un sweat-shirt blanc sur le dos. Il présente ses excuses pour son retard : « Je devais m’occuper du dossier d’un collègue », pour qui la situation se complique. Celui-ci avait pourtant obtenu un récépissé de six mois en 2024 grâce à la CSP 75, après des années de travail.

    « On a envoyé plusieurs fois le Cerfa et la promesse d’embauche de l’employeur, mais la préfecture a prétendu qu’elle n’avait rien reçu. » Le jeune homme s’est alors vu délivrer une OQTF, depuis suspendue grâce aux efforts de Yoro. Le concerné reste sceptique. « On verra », susurre-t-il, las des faux espoirs.

    Un autre cas vient illustrer ce tournant : « Un monsieur qui ne connaissait pas le collectif a déposé sa demande seul, en mars », rapporte Yoro. Avec huit années de présence en France, des fiches de paie et l’absence d’OQTF, l’homme pensait avoir toutes ses chances. « Il rentrait dans la circulaire Retailleau, mais il a eu un refus et une OQTF. » Il ajoute : « Tout est bloqué depuis Retailleau. »

    Fin janvier, la CSP 75 a reçu un mail de la préfecture l’informant qu’une nouvelle circulaire était passée et que les demandes collectives ne seraient plus acceptées, alors qu’elle parvenait à déposer régulièrement quatre voire cinq dossiers au nom du groupe. Jusqu’ici, aucun préfet ou ministre n’avait osé toucher à la relation privilégiée nouée avec ce collectif – obtenue grâce à une mobilisation continue.

    « Comment vont faire tous ceux qui ne maîtrisent ni le français ni les démarches ? », interroge Yoro. Pour Anzoumane Sissoko, le ministre de l’intérieur « met fin à tout ce qui a été construit depuis des décennies, alors que beaucoup disent [que celles et ceux qui soutiennent les sans-papiers font] un travail de service public ». L’élu invoque les milliers de personnes « sorties de la clandestinité », qui ont enfin pu obtenir des droits.

    Dans l’un des centres d’accueil pour étrangers et étrangères de la préfecture de Paris, où Mediapart a pu se rendre en avril et où il y a encore quelques mois, des sans-papiers affluaient pour demander leur régularisation, les demandes AES ne sont tout bonnement plus traitées. Sur ordre « venu d’en haut », priorité est désormais donnée aux personnes en situation régulière, surtout salariées, venant pour un renouvellement de titre de séjour, nous confie-t-on.

    Dans les Yvelines, un agent travaillant en préfecture explique que « tous les dossiers AES motif “travail” sont en stand-by ou proposés au refus ». « Ça se referme complètement, constate l’avocat Laurent Charles, spécialisé en droit des personnes étrangères. Il y a énormément d’OQTF, et très peu de rendez-vous pour l’AES. » Dans le Val-de-Marne, des sans-papiers de Chronopost ont reçu des OQTF juste après l’évacuation de leur piquet de grève, alors qu’ils attendaient une régularisation depuis trois ans.

    En Seine-Saint-Denis, et même à Paris, poursuit-il, « ils ont eu pour consigne de ne plus délivrer de rendez-vous, ou alors très peu ». À Nanterre aussi (préfecture des Hauts-de-Seine), « on sait qu’ils arrêtent de donner des rendez-vous, sauf cas exceptionnel », ajoute l’avocat. Désormais, la régularisation ne doit être envisagée que pour les métiers en tension (loi Darmanin), dont la liste définitive n’a pas encore été dévoilée.
    La question des demandes en cours

    « C’est une catastrophe », tranche Me Delphine Martin, également avocate en droit des étrangers et étrangères. Sur trois pages qui ne disent « pas grand-chose », la circulaire Retailleau vient « abroger la circulaire Valls » qui, malgré des défauts, offrait la possibilité d’une régularisation au titre du travail ou de la vie privée et familiale depuis 2012, avec des critères précis. Ces nouvelles consignes n’ont à ses yeux qu’un seul objectif : donner aux préfectures « la possibilité de rejeter massivement les demandes ».

    L’un de ses dossiers, déposé en janvier 2025, a été expédié « manu militari ». Un monsieur sénégalais ayant plus de cinq ans de présence en France, avec fiches de paie et promesse d’embauche, s’est ainsi vu délivrer un refus le 6 février ; quand, en temps normal, il faut attendre un an et demi, voire deux ans pour obtenir une réponse. « On voit déjà que les préfectures ont pris le virage », commente Me Martin.

    Elle reçoit de nombreux appels de clients inquiets, dont la demande a été déposée avant la circulaire Retailleau. « C’est très dur de leur expliquer. Ils rappellent qu’ils remplissent les critères de l’ancienne circulaire. » Pour l’une de ses clientes, « nounou colombienne » dont le dossier a été déposé en 2022, et qui aura sept ans de présence en France à la rentrée, l’avocate « joue la montre », espérant que l’examen de sa demande traîne encore un peu.

    Pour l’heure, Me Charles ne s’est désisté d’aucun dossier en cours. Il dit surtout compter sur la jurisprudence des tribunaux : la préfecture disposant d’un délai de quatre mois pour répondre (délai qu’elle respecte rarement, donnant lieu à un refus implicite), les avocat·es peuvent saisir la justice pour contester une décision de refus implicite. « Les juges voient s’il y a au moins cinq ans de présence en France », précise l’avocat, qui continuera donc de déposer des demandes pour des durées de présence équivalente.

    Contrariée par cette circulaire, Martine, qui accompagne les sans-papiers dans leurs démarches de régularisation depuis l’occupation de l’église Saint-Bernard en 1996, s’est rendue dans trois préfectures différentes – Paris, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne – depuis le passage de la circulaire Retailleau, pour des rendez-vous pris à chaque fois un an et demi, voire deux ans plus tôt.

    « Déjà, on ne dit pas assez que l’AES prend des années », lance-t-elle lorsque nous la rencontrons à son domicile en novembre 2024, où elle reçoit les intéressé·es pour les aider à préparer leur demande. Dans son salon, des piles de dossiers colorés occupent l’espace, empilés les uns sur les autres ou rangés sur des étagères ; et traduisent son investissement pour « la cause des sans-papiers ».

    Depuis la circulaire Retailleau, la militante va droit au but avec les agent·es qu’elle rencontre en préfecture : « Je leur dis qu’ils ne peuvent pas m’imposer la circulaire Retailleau pour des dossiers déposés en 2023, sur les critères de la circulaire Valls. Ce n’est pas de ma faute s’ils mettent deux ans pour donner un rendez-vous », lâche-t-elle.

    Pour les dossiers qu’elle avait tout juste constitués en revanche, il a fallu temporiser. « J’ai expliqué aux concernés qu’il valait mieux attendre d’avoir les sept ans de présence, au risque d’avoir une OQTF [dans sa circulaire, Retailleau invite les préfets et préfètes à délivrer une OQTF systématiquement après un refus – ndlr]. » Découragé, l’un d’eux envisage de retourner en Espagne.

    Alors qu’elle échange habituellement avec des responsables en préfecture, pour elle aussi, des portes se referment. « Ils ont le cul entre deux chaises. Retailleau a fait tellement de com’ autour des étrangers, des sans-papiers et des OQTF… » Elle trouve la situation « insupportable ».

    « Les sans-papiers ne sont pas des délinquants, ce sont des réfugiés économiques, qui viennent souvent des anciennes colonies françaises. » Les discours répressifs, les lenteurs de l’administration ou le manque de moyens relèvent à ses yeux d’un « choix politique ». « On exploite et on maltraite les immigrés. La France est à côté de la plaque. »
    La seule solution pour n’être plus exploité

    Pour l’avocate Delphine Martin, la France épouse la théorie de « l’environnement hostile », expérimentée au Royaume-Uni, qui ne vise qu’à « décourager et rendre impossible la régularisation », pour en arriver à l’idée qu’« il ne faut pas venir en France et que les personnes déjà présentes en situation irrégulière doivent partir ».

    C’est dans ce contexte peu favorable que des livreurs travaillant pour Uber Eats et Deliveroo, à Poitiers, ont déposé collectivement une demande de régularisation le 22 mars ; et ce, bien qu’ils n’aient pas tous sept ans de présence ou qu’ils soient sous OQTF. Lorsque nous les rencontrons dans les locaux de La Cimade, association qui les accompagne, ils reconnaissent qu’ils ne s’attendaient pas à « autant de difficultés ».

    Moustapha, Ibrahima, Mamadou ou Mohamed, âgés de 25 à 34 ans, rêvent de devenir chauffeur-routier, carreleur ou agent de sécurité – autant de professions qui manquent cruellement de main-d’œuvre. En attendant, ils livrent des repas ou des courses à des particuliers, participant ainsi au confort quotidien des Français·es.

    Ils racontent leurs conditions de travail extrêmes ; le froid l’hiver, qui paralyse mains et orteils ; la chaleur l’été, qui étouffe et épuise. « C’est très dur », souffle Mamadou. Et d’ajouter : « Tu parcoures 10 kilomètres pour gagner 5 euros… »

    Cette demande de régularisation était donc la « seule solution » pour sortir de cette précarité. « Pour être autonome, explique Moustapha, il faut avoir des papiers, se former, avoir un métier. » « Pour la République, on n’existe pas », regrette Mohamed.

    La circulaire Retailleau ? « On est au courant. Mais cette demande est notre dernier espoir, on ne peut pas rester comme ça », insiste le groupe, qui réclame de pouvoir vivre dans la « dignité ».

    Interrogée par Mediapart, la préfecture de la Vienne indique que « l’instruction des situations individuelles est en cours ». La Cimade entend entamer un « rapport de force » avec les autorités, grâce à l’existence de ce groupe « soudé, structuré et organisé » qui revendique ses droits, explique Mathis.

    Le jeune bénévole compte ainsi sur le caractère inédit de la mobilisation – une manifestation organisée le 22 mars a réuni cinq cents personnes, dont de nombreux soutiens, et une pétition circule en ligne –, mais aussi du dépôt collectif, une démarche assez exceptionnelle en dehors de la région parisienne.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/130425/la-circulaire-retailleau-vient-briser-les-espoirs-de-regularisation-des-sa

    #France #migrations #déboutés #préfectures
    via @karine4

  • Au Sénégal, l’Espagne plaide pour une politique migratoire « ouverte et respectueuse des droits de l’homme »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/04/10/au-senegal-l-espagne-plaide-pour-une-politique-migratoire-ouverte-et-respect

    Au Sénégal, l’Espagne plaide pour une politique migratoire « ouverte et respectueuse des droits de l’homme »
    Par Abbas Asamaan (Dakar, correspondance)
    L’Espagne a besoin de l’immigration et elle le fait savoir. Après la tournée ouest-africaine du premier ministre socialiste, Pedro Sanchez, en août 2024, la ministre espagnole de l’inclusion, de la sécurité sociale et des migrations, Elma Saiz, est de retour à Dakar, jeudi 10 et vendredi 11 avril, pour défendre la politique migratoire de son gouvernement. Se distinguant du discours sécuritaire de la plupart des capitales européennes, Madrid plaide pour un modèle « ouvert et respectueux des droits de l’homme », a expliqué la responsable au Monde.
    Confronté à une poussée migratoire sans précédent – 57 700 personnes ont débarqué en Espagne en 2024, soit deux fois plus qu’en 2022, notamment via l’archipel des Canaries –, le gouvernement de Pedro Sanchez doit résoudre une équation délicate : contre les discours des partis de droite et d’extrême droite qui crient à « l’invasion » tout en continuant d’attirer une main-d’œuvre immigrée bon marché dont l’économie du pays a besoin.
    Pour y parvenir, Madrid devrait régulariser dans les trois années à venir 900 000 ressortissants étrangers, avec l’entrée en vigueur le 20 mai d’un nouveau règlement. Aujourd’hui, la loi espagnole permet d’obtenir un titre de séjour à ceux qui peuvent prouver trois ans de présence sur le territoire – ce qui est facilité par la possibilité ouverte à tous de s’inscrire dans les registres municipaux. A partir du 20 mai, ce mécanisme de régularisation, dit par « enracinement », sera complété par la définition de cinq types d’ancrage – social, socio-éducatif, socioprofessionnel, familial et de seconde chance (pour ceux qui n’ont pas renouvelé leur titre de séjour) – et le temps nécessaire pour y accéder ramené à deux ans. Près de 80 000 Sénégalais pourraient être concernés, selon Elma Saiz.
    En outre, l’Espagne a conclu avec plusieurs pays africains des accords visant à développer la « migration circulaire » : des programmes d’embauche de saisonniers agricoles qui permettent à des étrangers de travailler jusqu’à neuf mois par an en Espagne pendant quatre années consécutives.En vigueur depuis 2021 au Sénégal, ils représentent aujourd’hui 250 emplois. Un chiffre qui pourrait être porté à « 600 » personnes, assure la ministre espagnole. Mais, dans un pays où le taux de chômage atteignait 20 % au dernier trimestre 2024 et où l’émigration illégale a explosé ces dernières années, le dispositif commence à susciter des frustrations côté sénégalais.
    Lors de la dernière vague d’embauches, fin janvier, les Bureaux d’accueil, d’orientation et de suivi (BAOS) chargés de recueillir les CV des candidats à la « migration circulaire » ont été pris d’assaut. Obligée de revoir son organisation pour de « raisons de sécurité », la direction des Sénégalais de l’extérieur, responsable de l’opération, a dû poursuivre les recrutements via une plateforme numérique dédiée où, au total, 40 000 personnes ont candidaté.
    Pour l’Espagne, « c’est avant tout un bon coup politique et une belle opération de communication, dénonce une ancienne haute responsable des BAOS, qui a souhaité conserver l’anonymat. Des travailleurs sénégalais avec qui j’ai été en lien m’ont parlé de conditions de travail déplorables. Ils étaient payés à l’heure, avec des écarts de rémunération très importants. Parfois, en raison d’intempéries, les employeurs ne les payaient tout simplement pas ».
    En juillet 2024, la Guardia Civil a interpellé treize personnes impliquées dans un réseau de traite d’êtres humains. Avec l’appui d’une entreprise agricole à Hellin, à 30 km au sud-est de Madrid, une organisation criminelle avait extorqué entre 4 000 et 6 000 euros à des ressortissants sénégalais en leur assurant qu’ils pourraient être régularisés. Prisonniers de ce réseau, les migrants avaient été exploités dans les champs contre une rémunération minimale de 200 euros, d’après des témoignages publiés dans la presse en Espagne et au Sénégal.
    Consciente de ces limites et de ces revers, Mme Saiz assure que démanteler ces réseaux constitue une « priorité », appelant à une « vigilance accrue dans la sélection des profils », sans donner davantage de détails sur les conditions de sécurité apportées aux futures recrues.« Ces programmes de migration circulaire sont des pièges », regrette Serigne Mbaye. Ce natif de Kayar, village de pêcheurs devenu l’une des zones de départ de migrants, a lui-même pris une pirogue il y a vingt ans pour rejoindre illégalement l’Espagne avant de s’y établir. Premier élu subsaharien à l’Assemblée de Madrid, ce militant de gauche devenu responsable des questions de discriminations raciales au parti Podemos espère davantage de la politique migratoire espagnole.
    « Avec ces quelques centaines d’emplois dans les champs, on ne s’attaque pas aux causes structurelles de l’immigration irrégulière, estime M. Mbaye. Les capitaines des cayucos [les embarcations de migrants, en espagnol] sont tous des pêcheurs sénégalais. Si on ne les implique pas directement en leur permettant de venir travailler légalement en Espagne alors que le secteur de la pêche en a besoin, cette politique ne sera jamais que de la poudre aux yeux ». Au cours de sa visite officielle, Elma Saiz doit précisément se rendre à Kayar, après avoir rencontré l’association des mères et des veuves de victimes de l’immigration irrégulière de Mbour, autre village de pêcheurs théâtre de tragédies à répétition en mer. Aucun visa de travail ne devrait être annoncé aux pêcheurs, au grand dam de Serigne Mbaye.

    #Covid-19#migration#migrant#sante#espagne#senegal#migrationcirculaire#economie#BAOS#droit#regularisation

  • #Daniel_Veron : « Le #rejet social des #travailleurs_migrants renforce leur attrait économique »

    Les travailleurs migrants sont souvent perçus comme indispensables pour l’économie de leur pays d’accueil, tout en étant stigmatisés et désignés comme indésirables. Cette apparente contradiction n’en est pas une, explique le sociologue Daniel Veron, maître de conférences à l’université de Caen et auteur de Le travail migrant, l’autre délocalisation (La Dispute, 2024).

    C’est justement parce que ces travailleurs étrangers sont stigmatisés qu’ils sont corvéables à merci et que leur embauche est si intéressante pour les employeurs, rappelle-t-il en soulignant notamment qu’avec l’intérim et l’ubérisation, les travailleurs sans papiers sont toujours les premières victimes de la précarisation du travail. Ils en sont même les cobayes, avant extension à l’ensemble des travailleurs.

    Le chercheur, qui voit dans le travail migrant une forme de « délocalisation sur place » et discute la notion de « métiers en tension », propose quelques pistes pour lutter contre le dumping social et améliorer le sort de ces travailleurs.

    Vous avez étudié l’exploitation moderne du travail des étrangers dans plusieurs pays (Argentine, France et Canada). Quand est-elle apparue et pourquoi ?

    Daniel Veron : L’histoire du recours à des déplacements de populations pour exploiter leur travail est très ancienne, on pourrait la faire remonter à l’esclavage. Mais dans sa forme moderne, cela se joue entre le XIXe et le XXe siècle, concomitamment au développement des Etats-nations et des balbutiements de la protection sociale. Les premières lois organisant la migration de travail apparaissent en même temps que les premières règles protégeant les droits des travailleurs, afin justement de commencer à contourner ces régulations, en faisant en sorte soit qu’elles ne s’appliquent pas aux étrangers, soit que le statut infériorisé de ces popula­tions justifie qu’on les paye – et les traite – mal.

    En France, comment se sont construites les politiques d’immigration qui font des travailleurs migrants des « indésirables mais indispensables » ?

    D. V. : L’édifice des politiques migratoires commence à se structurer au moment de la Première Guerre mondiale. Dès cette période, il oscille entre deux pôles. D’une part, la nécessité économique : des secteurs ont besoin de cette main-d’œuvre étrangère. D’autre part, ces mêmes personnes sont rejetées et pointées du doigt : on dénonce leur caractère inassimilable, en particulier si elles sont originaires des colonies françaises.

    On retrouve cette double logique dans d’autres pays, au Canada par exemple, où, à la fin du XIXe siècle, la migration chinoise est perçue à la fois comme une menace pour l’ordre social et racial, et comme indispensable, pour la construction des chemins de fer notamment.

    Ce qui apparaît comme une contradiction n’en est pourtant pas une. C’est précisément parce que ces hommes et ces femmes sont stigmatisés qu’ils sont désirables, d’un point de vue économique. Face à la dégradation de leurs conditions de vie, ils n’ont d’autre choix que d’accepter des conditions de travail au rabais et des salaires moindres. Leur relégation comme citoyens de seconde zone justifie ce traitement. Le rejet social renforce donc l’attrait économique.

    Dans votre livre, vous défendez l’idée que le travail migrant est une forme de « délocalisation sur place » des activités économiques non délocalisables ­physiquement. Pouvez-vous expliquer ?

    « Pour un certain nombre de secteurs dont la production n’est pas délocalisable, une opération équivalente est à l’œuvre, avec l’embauche des travailleurs sans papiers »

    D. V. : J’emprunte cette expression à l’anthropologue Emmanuel Terray 1, qui l’a forgée dès les années 1990 à propos, déjà, des travailleurs sans papiers. Pour un certain nombre de secteurs dont la production n’est pas délocalisable (le bâtiment, le nettoyage, l’aide à la personne, etc.), une opération équivalente est à l’œuvre, avec l’embauche de ces employés. Ils n’ont ainsi pas accès aux acquis et avantages sociaux dont bénéficie la main-d’œuvre locale en pleine possession de ses droits.

    Il existe en outre des formes légales de contournement, comme le travail détaché dans l’Union européenne. Ce dispositif permet d’asseoir une partie de la relation de travail sur la législation d’un autre pays et, in fine, de baisser le prix de certains segments de main-d’œuvre. Ce sont les faces légale et illégale d’une même pièce. Dans le premier cas, l’absence de droits permet de payer moins cher certains travailleurs, tandis que dans le second, c’est un montage légitime.

    Cette logique de délocalisation sur place est au cœur des métiers dits « en tension », dont le gouvernement est en train d’actualiser la liste et qui servira de base de référence pour accorder des titres de séjour aux travailleurs en situation irrégulière…

    D. V. : Tout à fait. Mais il y a un écueil important autour de la définition des secteurs dits en tension. On peut tout d’abord se demander si ce leitmotiv de la pénurie de main-d’œuvre ne relève pas d’une dimension plus qualitative que quantitative, une façon de dire que celles et ceux qui occupent ces emplois de facto ne seraient pas assez compétents, ce qui justifie de les payer moins cher.

    Et de fait, les présences et absences sur ces listes interrogent. Certains secteurs ne font pas face à des pénuries de main-d’œuvre, justement parce qu’ils recrutent beaucoup de salariés sans papiers. Ils ne sont donc pas sur la liste, voire n’y ont pas intérêt. Pour d’autres au contraire, cela facilite les recrutements de main-d’œuvre étrangère. Enfin, d’autres n’y sont pas parce que cela déboucherait sans doute, aux yeux du gouvernement, sur « trop » de régularisations.

    Vous écrivez que « le travail migrant est en première ligne des stratégies contemporaines du capital pour fissurer les institutions salariales ». Comment ?

    D. V. : A partir des années 1970, on assiste en France à deux mutations concomitantes. D’un côté, la désindustrialisation et la transformation de l’appareil productif accélèrent les phénomènes de sous-traitance et le développement de l’intérim. L’emploi se précarise et les étrangers sont les premiers touchés : ils ont supporté près de la moitié des suppressions d’effectifs dans l’industrie automobile entre 1975 et 1990. Ils subissent également de plein fouet l’expulsion du marché primaire du salariat, c’est-à-dire de l’emploi protégé par le contrat en CDI, vers le marché dit secondaire, avec des statuts plus précaires.

    « Depuis les années 1970, les travailleurs sans papiers subissent les premiers le mouvement de précarisation du monde du travail »

    De l’autre côté, les étrangers sont vulnérabilisés administrativement puisque la France met fin à l’immigration de travail en 1974 et instaure des politiques plus restrictives, qui produisent de l’illégalisation. Ainsi, depuis les années 1970, les travailleurs sans papiers subissent les premiers le mouvement de précarisation du monde du travail. Intérim structurel, travail au noir ou à temps partiel et multi-emploi pour les femmes dans le secteur domestique notamment, ubérisation aujourd’hui : ils sont systématiquement en première ligne face aux nouvelles formes d’emploi précaire. Ces innovations se diffusent bien sûr à d’autres franges du salariat et viennent fragiliser la protection du travail en général ainsi que les institutions salariales dans leur ensemble.

    Face à ces assauts contre les droits des travailleurs sans papiers, que faire ?

    D. V. : A chaque fois, l’exploitation du travail migrant repose sur la production d’un différentiel de traitement et donc de prix entre deux segments de main-d’œuvre. Ce qui crée, par répercussion, un effet de pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail de tous les travailleurs.

    Si l’on veut lutter contre ces effets de dumping social, il faut donc remédier à tout ce qui crée un différentiel de prix du travail, qu’il soit justifié par des formes légales (comme le travail détaché), par l’absence de droit (comme pour les sans-papiers), mais aussi parfois par des logiques racistes ou sexistes. Il est donc totalement contre-productif, pour qui défend les droits des salariés, de rendre la vie impossible aux personnes clandestines, à qui on refuse le droit au séjour.

    La remise en cause de l’aide médicale de l’Etat (AME), une proposition récurrente, réduirait les possibilités d’un arrêt de travail en cas de soucis de santé par exemple, renforçant l’effet d’emprisonnement dans le travail. La suppression de l’AME favoriserait au final ce différentiel de traitement. Pour améliorer les conditions salariales et de travail de toutes et tous, il faut donc exiger l’égalité pleine et entière pour les sans-papiers.

    https://www.alternatives-economiques.fr/daniel-veron-rejet-social-travailleurs-migrants-renforce-attra/00114504
    #migrations #économie #travail #travailleurs_étrangers #stigmatisation #corvéables #interim #ubérisation #précarisation #conditions_de_travail #sans-papiers #travailleurs_sans-papiers #cobayes #délocalisation_sur_place #métiers_en_tension #dumping #exploitation #déplacements_de_populations #esclavage #migration_de_travail #régulations #droits_des_travailleurs #indésirables #main-d'oeuvre_étrangère #menace #indispensabilité #désirabilité #attrait_économique #droits #travail_détaché #détachement #titres_de_séjour #régularisations #immigration_de_travail #illégalisation #emploi_précaire #salaires #dumping_social

    ping @karine4

    • Le travail migrant, l’autre délocalisation

      Alors que les lois anti-immigration s’empilent, durcissant chaque fois un peu plus les conditions des travailleur·ses migrant·es, la main-d’œuvre étrangère s’avère pourtant toujours aussi indispensable dans de nombreux secteurs (BTP, restauration, nettoyage, travail à domicile, etc.). Le recours à ce « travail migrant » se fait au travers d’une variété de statuts, légaux ou non, qui permettent la mise au travail des personnes migrantes dans des conditions moins favorables et plus intensives que celles qui ont cours sur le marché du travail français. Travailleurs et travailleuses « sans-papiers », « temporaires » ou « détaché·es » : le recours au travail migrant apparaît bien comme une modalité particulière de mise en œuvre d’une forme de « délocalisation », à ceci près qu’elle s’exerce « sur place ».

      Daniel Veron montre comment cette surexploitation des travailleur·ses migrant·es s’affirme comme l’un des outils cruciaux d’une dégradation générale des conditions de travail. Dès lors, le seul horizon pour déjouer la pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail ne peut passer que par la lutte pour l’égalité des droits de toutes et tous.

      https://ladispute.fr/catalogue/le-travail-migrant-lautre-delocalisation
      #livre #travail_migrant #délocalisation

  • La guerre à l’#accès_aux_droits des étrangers

    Pour les avocats spécialisés en #droit_des_étrangers, la tâche est ardue. Ils occupent une position dominée dans leur champ, les lois évoluent très vite, et une nouvelle forme de #violence se fait jour, y compris contre les magistrats : des campagnes diffamatoires par des médias d’extrême droite – jusqu’à rendre publics les noms des « coupables de l’invasion migratoire ».
    Le gouvernement Bayrou, dans une continuité incrémentale avec l’orientation répressive déjà actée par les gouvernements Attal puis Barnier, est entré dans une #guerre ouverte contre les étrangers.

    L’arsenal lexical et juridique déployé en témoigne : de la #rhétorique de la « #submersion » à l’enterrement du #droit_du_sol à #Mayotte, en passant par la restriction drastique des conditions pour l’#admission_exceptionnelle_auséjour, l’attitude belliqueuse de l’exécutif et de ses alliés dans l’hémicycle n’a de cesse de s’affirmer et de s’assumer, quitte à remettre en cause l’#État_de_droit qui, selon Bruno Retailleau, ne serait désormais ni « intangible, ni sacré ».

    Il faut dire aussi que le vent xénophobe qui souffle sur l’Europe ne fait qu’encourager ces choix nationaux décomplexés : le Nouveau Pacte européen sur l’asile et l’immigration, adopté au printemps 2024 et dont le Plan français de mise en œuvre n’a pas été rendu public malgré les diverses sollicitations associatives, a déjà entériné le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, la banalisation de l’#enfermement et du #fichage des étrangers[1],dans un souci de résister « aux situations de #crise et de #force_majeure ».

    C’est donc dans ce contexte politique hostile, caractérisé entre autres par une effervescence législative remarquable qui les oblige à se former constamment, que les avocats exercent leur métier. Ainsi, défendre les droits des personnes étrangères est difficile, d’abord et avant tout parce qu’ils en ont de moins en moins.

    Deuxièmement, les conditions pour exercer le métier afin de défendre ce qui reste de ces #droits peuvent être difficiles, notamment à cause des contraintes multiples d’ordre économique, symbolique ou encore procédural. Tout d’abord, ces professionnels savent qu’ils pratiquent un droit doublement « des pauvres » : d’une part, cette matière est plutôt dépréciée par une grande partie des collègues et magistrats, car souvent perçue comme un droit politique et de second rang, donnant lieu à des contentieux « de masse » répétitifs et donc inintéressants (on aurait plutôt envie de dire « déshumanisants ») ; d’autre part, ces mêmes clients ont souvent réellement des difficultés financières, ce qui explique que la rémunération de leur avocat passe fréquemment par l’#Aide_Juridictionnelle (AJ), dont le montant est loin d’évoluer suivant le taux d’inflation.

    Concernant les obstacles d’ordre procédural, la liste est longue. Que ce soit pour contester une décision d’éloignement du territoire ou une expulsion de terrain devenu lieu de vie informel, le travail de l’avocat doit se faire vite. Souvent, il ne peut être réalisé dans les temps que grâce aux collaborations avec des bénévoles associatifs déjà débordés et à bout de souffle, mais proches des situations de terrain, et donc seuls à même de collecter les nombreuses pièces à déposer pour la demande de l’AJ ou encore pour apporter les preuves des violences subies par les justiciables lors d’évacuations ou d’interpellations musclées. Pour gagner ? Pas autant de fois qu’espéré : les décisions de #justice décevantes sont légion, soit parce qu’elles interviennent ex post, lorsque la #réparation du tort n’est plus possible, soit parce qu’elles entérinent l’#impunité des responsables d’abus, soit parce que, même lorsqu’elles donnent raison aux plaignants, elles ne sont pas exécutées par les préfectures, ou encore elles ont peu de pouvoir dissuasif sur des pratiques policières ou administratives récidivantes.

    Enfin, même lorsque des droits des étrangers existent toujours sur le papier, en faire jouir les titulaires est un parcours du combattant : l’exemple de la #dématérialisation des services publics est un exemple flagrant. Assurément, Franz Kafka en aurait été très inspiré : toutes les démarches liées au #droit_au_séjour des étrangers doivent désormais se faire en ligne, alors que dans certaines préfectures l’impossibilité de prendre un rendez-vous en des temps compatibles avec le renouvellement du #titre_de_séjour fait plonger dans l’#irrégularité beaucoup de personnes parfois durablement installées et insérées professionnellement en France.

    Même la Défenseure des droits, dans un rapport rendu public le 11 décembre 2024, a épinglé l’#Administration_numérique_des_étrangers_en_France (#ANEF) en pointant du doigt sa #responsabilité en matière d’« #atteintes_massives » aux droits des usagers. Parmi ces derniers, les étrangers sont de plus en plus nombreux à faire appel à des avocats censés demander justice en cas de risque ou de perte du droit au séjour à la suite des couacs divers en #préfecture, dans sa version numérique ou non, comme dans le cas des « #refus_de_guichet ». Et encore une fois, pour les avocats il s’agit d’intenter des #procédures_d’urgence (les #référés), qui engorgent la #justice_administrative à cause de dysfonctionnements généralisés dont les responsables sont pourtant les guichets de ce qui reste du #service_public.

    Ces dysfonctionnements sont au cœur d’une stratégie sournoise et très efficace de #fabrication_de_sans-papiers, et les craintes des personnes étrangères sont d’ailleurs bien fondées : avec l’entrée en vigueur de la nouvelle #loi_immigration, dite Darmanin, les refus ou pertes de titre de séjours sont assorties d’obligations de quitter le territoire français (#OQTF), avec, à la clé, le risque d’enfermement en #Centre_de_Rétention_Administrative (#CRA) et d’#éloignement_du_territoire.

    Au vu du nombre grandissant d’étrangers déjà en situation irrégulière ou craignant de le devenir, des nouvelles entreprises privées y ont vu un marché lucratif : elles vendent en effet à ces clients potentiels des démarches censées faciliter leur #régularisation ou encore l’accès à la nationalité française. À coup de pubs sur les réseaux sociaux et dans le métro, puis de slogans aguicheurs (« Devenez citoyen français et démarrez une nouvelle vie ! ») et de visuels bleu-blanc-rouges, ces entreprises facturent des prestations de préparation de dossier à plusieurs centaines voire milliers d’euros, sans toutefois vérifier systématiquement l’éligibilité de la personne au titre demandé et donc sans même garantir le dépôt effectif du dossier[2].Qui sont donc ces magiciens autoproclamés des procédures, qui se font payer à prix d’or ? Les équipes sont présentées sur les sites de ces entreprises comme étant composées d’« experts spécialisés en démarches administratives », et encore de « conseillers dévoués ». Si l’accompagnement d’un avocat est nécessaire ou souhaité, mieux vaut aller voir ailleurs avant d’avoir signé le premier chèque…

    Les temps sont donc troubles. Et ils le sont aussi parce que les vrais professionnels du droit, celles et ceux qui ne cessent de se mettre à jour des derniers changements législatifs ou procéduraux, et de travailler en essayant de tenir les délais de plus en plus serrés de la justice (au rabais) des étrangers, sont ouvertement menacés.

    Le cas du hors-série n° 1 du magazine Frontières est exemplaire d’une attitude fascisante et décomplexée, déterminée à jeter le discrédit sur les avocats, les #magistrats et les #auxiliaires_de_justice (accompagnés bien sûr des ONG, associations, et universitaires « woke »), coupables de défendre les droits de celles et ceux que la fachosphère voudrait bien rayer de la catégorie de justiciables : les #étrangers. Discrédit qui devient #menace et #mise_en_danger, lorsque les noms, les prénoms, la fonction et le lieu d’exercice de ces maîtres à abattre sont rendus publics : en effet, ces supposés coupables du « #chaos_migratoire » sont explicitement identifiés dans ces pages. Plus précisément, plusieurs dizaines d’« #avocats_militants », profitant des dossiers de l’aide juridictionnelle pour « passer des vacances au soleil toute l’année », sont nommément pris à parti. Les magistrats ne sont pas épargnés dans cette cabale, et le magazine les épingle également.

    Plusieurs sonnettes d’alarme ont été tirées, du Conseil des barreaux européens (CCBE) au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTA) : cette dernière instance relevant du Conseil d’État, généralement très discrète, s’est exprimée publiquement le 11 février dernier pour dénoncer sans ambiguïté les injures et menaces proférées nominativement à l’encontre d’avocats et #juges, ainsi que la mise en cause de l’#indépendance et de l’#impartialité de la justice administrative, estimant que « toutes les suites pénales susceptibles d’être engagées doivent l’être ». La matière pour le faire ne semble pas manquer, et des #plaintes avec constitution de partie civile ont déjà été déposées par le passé par des magistrats, donnant lieu à des contentieux pénaux dont certains sont encore en cours. Mais face à la montée des récriminations violentes contre les juges « rouges », plusieurs juridictions s’organisent pour attribuer la #protection_fonctionnelle à leur personnel.
    Et ce n’est pas bon signe.

    Malgré le soutien de #Gérald_Darmanin aux magistrats menacés, dans ses nouvelles fonctions de Ministre de la Justice, son homologue de l’Intérieur a repris un vieux cheval de bataille qui revient à fustiger la supposée « #confiscation_du_pouvoir_normatif » par les juridictions européennes ou nationales : en défendant la légitimité du #non-respect_du_droit lorsqu’il est considéré incompatible avec les principes nationaux, une brèche de plus a été ouverte par #Bruno_Retailleau pour qui « on doit changer la loi. Aujourd’hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française ».

    En réalité, Gérald Darmanin doit en partager le raisonnement, puisque, lorsqu’il était lui-même à l’Intérieur, il avait osé autoriser l’expulsion d’un ressortissant Ouzbèke soupçonné de radicalisation malgré la décision contraire de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), pour ensuite être débouté par le juge des référés du Conseil d’État qui avait enjoint sa réadmission. Ce #contrôle_juridictionnel est considéré par un nombre croissant d’élus, et d’internautes violents, comme excessif et nuisible à l’efficacité du maintien de l’ordre. De là à traiter les avocats et magistrats « fautifs » de trop brider les ambitions sécuritaires du gouvernement comme des ennemis intérieurs, il n’y a qu’un pas.

    Les plus optimistes pourront toujours considérer le #Conseil_Constitutionnel comme le dernier rempart vis-à-vis des risques d’ingérence de l’exécutif sur le judiciaire. Mais que peut-on attendre de cette institution et de son #impartialité, lorsque l’on sait que les « Sages » sont souvent d’anciens professionnels de la politique, peu ou pas formés au droit, dont #Richard_Ferrand, à peine nommé, est un exemple parfait ?

    L’histoire nous le dira. En attendant, il serait opportun de penser à faire front.

    https://aoc.media/analyse/2025/03/16/la-guerre-a-lacces-aux-droits-des-etrangers
    #mots #vocabulaire #terminologie #Etat_de_droit #xénophobie #contrôles_frontaliers #avocats #juges_rouges
    ping @reka @isskein @karine4

  • La liste des métiers en tension par région laisse des « trous dans la raquette », déplorent les syndicats et les employeurs
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/02/28/la-liste-des-metiers-en-tension-par-region-laisse-des-trous-dans-la-raquette

    La liste des métiers en tension par région laisse des « trous dans la raquette », déplorent les syndicats et les employeurs
    Par Aline Leclerc et Julia Pascual
    Elle est attendue depuis plus d’un an, n’a toujours pas été publiée que, déjà, elle déçoit. Le gouvernement a fait part aux partenaires sociaux, vendredi 21 février, de son projet d’arrêté fixant la nouvelle liste des métiers en tension. Cette dernière est la base sur laquelle s’appuieront les préfets pour examiner l’opportunité de régulariser des travailleurs sans papiers. Selon le ministère du travail, l’arrêté définitif sera publié « début mars » alors que devait se tenir, vendredi 28 février, une ultime consultation nationale sur le sujet.
    La liste, qui n’avait pas été actualisée depuis 2021, sauf à la marge pour y inclure l’ensemble des métiers agricoles, était réputée déconnectée de la réalité. Une inadéquation qui semble perdurer, pour partie au moins. « La liste ne correspond pas aux réalités du pays, c’est un non-sens économique », remarque Lydie Nicol, secrétaire nationale de la CFDT, qui regrette un « simulacre de concertation ». « C’est du grand n’importe quoi, enfonce Jean-Albert Guidou, chargé des travailleurs migrants à la CGT Ile-de-France. Les maçons pourront bénéficier d’un titre de séjour dans toutes les régions françaises, sauf en Ile-de-France. On ne retrouve les agents de nettoyage que dans huit régions sur treize. Quant aux salariés du secteur des déchets, que ce soit pour la collecte ou le tri, ceux du secteur de la logistique, qu’ils soient manutentionnaires ou livreurs, ils n’apparaissent sur aucune liste ou si peu. »
    Bien que plus modérés, les employeurs constatent les mêmes écueils. Laurent Barthélémy, président de la commission formation-emploi à l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), déplore que seuls soient pris en compte « les besoins à l’année, permanents », pas les pics de demande saisonnière, dans les localités touristiques. Il relève également des « trous dans la raquette » : serveurs et chefs cuisiniers sont absents de la liste en Bretagne, en Corse, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Ile-de-France, où les postes de commis de cuisine ne sont pas non plus jugés « en tension ». « C’est totalement incohérent avec la réalité de nos besoins », dit-il. Pour cette raison, l’UMIH revendique d’obtenir, comme le secteur agricole en 2024, un arrêté spécifique reconnaissant des difficultés de recrutement pour tous les métiers du secteur sur l’ensemble de la France métropolitaine.
    Le président du Syndicat national des établissements, résidences et services d’aide à domicile privés pour personnes âgées, Jean-Christophe Amarantinis, formule le même regret : « Le manque d’aides-soignants et d’infirmiers, c’est sur tout le territoire qu’il se fait sentir. Il n’y a pas une zone où ne remonte pas de difficultés. On ne comprend donc pas qu’il ne soit pas retenu pour l’ensemble des régions. » Le métier d’aide-soignant n’apparaît en tension que dans huit régions, celui d’infirmier que dans sept.
    La révision des métiers en tension était une promesse de la loi « immigration », promulguée en janvier 2024. Elle devait accompagner le souhait du ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, de favoriser la régularisation des travailleurs sans papiers face aux besoins de certains secteurs de l’économie et au détriment des régularisations en raison de la vie privée et familiale des étrangers. Le ministre avait, pour cela, engagé une simplification des critères de régularisation des travailleurs sur lesquels s’appuient les préfets (qui restent, à l’arrivée, détenteurs d’un entier pouvoir d’appréciation). Les travailleurs sans papiers doivent désormais justifier de trois ans de présence en France et de douze mois d’ancienneté dans le travail (contre vingt-quatre mois auparavant). Restait à actualiser la liste des métiers en difficulté de recrutement.
    Pour cela, la ministre du travail de l’époque, Catherine Vautrin, avait demandé dans une instruction aux préfets de tenir compte non seulement des difficultés de recrutement, mais aussi des métiers ayant largement recours à une main-d’œuvre étrangère, afin de mieux refléter les réalités de terrain. Le cadre était toutefois circonscrit : chaque région ne pouvait pas lister plus de 40 métiers.
    La dissolution de l’Assemblée nationale, en juin 2024, et l’arrivée de Bruno Retailleau Place Beauvau, en septembre 2024, tenant d’une ligne dure, ont embourbé ce projet. Mais des concertations régionales se sont malgré tout tenues, réunissant localement les partenaires sociaux, l’Etat et les régions. Sans que leur résultat ne se retrouve totalement dans le projet d’arrêté ministériel. « Il y a des incohérences, reprend Lydie Nicol, à la CFDT. On avait respecté le fait de ne pas dépasser 40 métiers par région, mais, à l’arrivée, on se retrouve avec un nombre moyen de 26 métiers par région. » Du côté de la CGT, on regrette déjà un texte qui « n’aura que peu d’impact » sur des travailleurs « corvéables à merci ».
    Tout à son souhait affiché de « réduire l’immigration » (les régularisations sont d’ores et déjà en baisse de 10 % au cours de 2024 et pour la première fois depuis 2020), Bruno Retailleau a pesé dans les arbitrages finaux. Dans l’entourage du ministre, on assume avoir « poussé pour resserrer la liste » des métiers. Le ministère du travail ne fait pas de commentaire. Interrogé par Le Monde, jeudi 27 février, le président du Medef, Patrick Martin, se dit « très réservé sur le resserrement des contingents de régularisation tels que prévus par les derniers textes du gouvernement ». « Je pense que ça va un peu trop loin […] L’immigration est un enjeu pour notre économie », poursuit-il. Face aux difficultés de recrutement, dit-il encore, « dans des métiers où les gains de productivité sont faibles et où l’intelligence artificielle ne pourra pas grand-chose, comme l’aide à la personne, l’immigration choisie peut être un élément de réponse ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#economie#metierentension#regularisation#immigrationchoisie#sante

  • Espagne : 25 000 étrangers affectés par les inondations dans la région de Valence seront régularisés - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/62763/espagne--25-000-etrangers-affectes-par-les-inondations-dans-la-region-

    Espagne : 25 000 étrangers affectés par les inondations dans la région de Valence seront régularisés
    Par RFI Publié le : 11/02/2025
    Mardi 11 février, le Conseil des ministres espagnol va approuver une mesure fortement symbolique : la régularisation de 25 000 étrangers non communautaires affectés par la « goutte froide » qui s’était abattue dans la région de Valence, le 29 octobre. De terribles inondations firent 224 morts. Ces personnes se trouvent dans une situation d’extrême précarité.
    C’est un grand soulagement pour des milliers d’étrangers qui ont subi les affres des inondations gigantesques de la fin du mois d’octobre et qui ont tout perdu dans le sud-est de l’Espagne. Ils vont bénéficier d’un permis de résidence et d’un permis de travail d’un an.
    C’est la décision du gouvernement espagnol socialiste qui, par ailleurs, a lancé un vaste plan de sauvetage économique pour les dizaines de milliers de Valenciens qui ont tout perdu avec la « goutte froide » dévastatrice et meurtrière. Les terribles inondations avaient fait 224 morts.
    La seule condition imposée aux migrants ayant été affectés est qu’ils doivent être recensés dans une des municipalités ayant souffert des inondations. Une spécificité qui, d’après l’organisation non gouvernementale Oxfam, va faire que des centaines de migrants ne pourront pas en bénéficier.
    Les associations humanitaires rappellent qu’être migrant et avoir été touché par cette « goutte froide » est une double peine : avoir tout perdu, et en plus avoir peur de demander de l’aide, étant donné l’importance des déploiements policiers dans la région.
    Quant au responsable régional de la reconstruction, l’ancien militaire Gan Pampols, l’idéal serait, pour lui, de faire de ces mêmes immigrés en passe d’être régularisés, de la main-d’œuvre supplémentaire dans l’immense chantier consistant à nettoyer et déblayer.

    #Covid-19#migration#migrant#espagne#valence#regularisation#immigration#inondation#economie#sante

  • Immigration : des flux stables, moins de régularisations, plus d’expulsions
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/04/immigration-des-flux-stables-moins-de-regularisations-plus-d-expulsions_6531

    Immigration : des flux stables, moins de régularisations, plus d’expulsions
    Par Julia Pascual
    A l’heure où le premier ministre, François Bayrou, est prompt à reprendre à son compte l’idée de « submersion » migratoire, souvent agitée à l’extrême droite, la publication des chiffres annuels (provisoires) de l’immigration, mardi 4 février, par le ministère de l’intérieur, tend plutôt à illustrer une relative stabilité de l’entrée d’étrangers dans le pays.
    Au point qu’après plusieurs années consécutives de hausse des délivrances de premiers titres de séjour, tirée notamment par le dynamisme économique à la sortie de la crise liée au Covid-19, un plateau pourrait être atteint. Même la demande d’asile, qui reste à un niveau élevé, engage un reflux, à l’image d’une tendance observée en Europe.
    Enfin, conséquence logique du raidissement annoncé par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, depuis son arrivée Place Beauvau en septembre 2024, les régularisations sont en recul après cinq années de progression, tandis que les expulsions progressent, sans retrouver leur niveau d’avant la pandémie de Covid-19.
    L’administration française a délivré 336 700 premiers titres de séjour à des étrangers en 2024, soit un volume proche de celui de 2023, en hausse de 1,8 %. Ces titres correspondent à différents motifs de migration et, pour la troisième année consécutive, c’est le motif étudiant qui arrive en tête (près de 109 300, soit + 0,2 %), devant les motifs familial (près de 90 600, en baisse de 1,2 %), économique (près de 55 600, + 0,9 %) et humanitaire (près de 54 500, + 13,5 %). « Même s’il y a une stabilisation, on reste à un niveau relativement élevé et supérieur à avant le Covid-19, souligne Jean-Christophe Dumont, chef de la division chargée des migrations internationales à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). On peut noter une dynamique positive de l’immigration de travail, contrairement à ce qui est observé pour l’immigration familiale, qui baisse depuis 2022. La hausse significative des réfugiés traduit, quant à elle, le résultat de l’augmentation de la demande d’asile observée en 2023. »
    Sans surprise, les ressortissants du Maghreb sont les premiers bénéficiaires de titres de séjour, suivis des Chinois, des Américains et des Afghans. Derrière ce positionnement se trouvent des motifs de migration différents. Ainsi, environ les deux tiers des titres de séjour délivrés à des Marocains et des Tunisiens le sont pour des raisons familiales ou professionnelles, tandis que le motif familial préside à l’arrivée de 55 % des nouveaux immigrés algériens. A contrario, plus de la moitié des immigrants chinois et américains sont des étudiants, et 96 % des premiers titres accordés à des Afghans relèvent de la protection humanitaire.« Ces niveaux de flux migratoires, qui représentent environ 0,5 % de la population, sont deux fois plus faibles que la moyenne des flux migratoires dans l’OCDE en 2023 [0,97 %] », relativise encore Jean-Christophe Dumont.
    Au total, quelque 4,3 millions de ressortissants de pays tiers à l’Union européenne (UE) sont aujourd’hui détenteurs d’un titre de séjour, dont 650 000 Algériens, 617 000 Marocains et 304 000 Tunisiens. Leur présence est plus importante dans certains départements, parmi lesquels la Seine-Saint-Denis (26,9 % de la population), la Guyane (26,8 %), Mayotte (21,3 %) et l’ensemble de l’Ile-de-France.Quant à la catégorie des visas de court séjour, délivrés pour l’essentiel à des touristes, elle poursuit sa hausse en 2024 pour atteindre 2,5 millions de visas, sans retrouver les niveaux d’avant la crise liée au Covid-19, notamment pour les ressortissants chinois, qui en sont les premiers bénéficiaires.
    Si la France compte de plus en plus de réfugiés (630 000 titres humanitaires valides en 2024), la demande d’asile a amorcé, elle, une baisse en 2024 de 5,5 %, avec quelque 158 000 requêtes, selon les données provisoires du ministère de l’intérieur. Ukrainiens, Afghans et ressortissants de la République démocratique du Congo sont les premières nationalités représentées. Avec plus de 13 000 dossiers enregistrés, « la demande d’asile ukrainienne est un phénomène nouveau », a souligné, mardi, lors d’une conférence de presse, le directeur général des étrangers en France, Eric Jalon. Elle traduit la recherche d’un statut plus pérenne de la part de personnes déjà présentes sur le territoire et qui bénéficient jusque-là du statut particulier de la protection temporaire, accordée par tous les Etats membres de l’UE aux Ukrainiens après le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, en février 2022. Plus de 56 000 Ukrainiens continuent d’ailleurs de séjourner en France sous le régime de cette protection temporaire.
    Conséquence de la présence croissante de ressortissants de pays touchés par des conflits armés, le taux d’accord d’une protection progresse, pour atteindre près de 50 %. Même si elle reste à un niveau élevé, la demande d’asile fléchit donc « de façon sensible pour la première fois depuis 2007, en dehors de la période de la crise sanitaire », remarque le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, Julien Boucher. Une tendance qui fait écho à celle que l’on observe à l’échelle européenne. Les chiffres ne sont pas encore disponibles pour l’ensemble de l’année 2024, mais le ministère de l’intérieur table sur une baisse d’environ 10 % en Europe, avec une demande autour du million de requérants. La France se situerait dans le top 4, derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
    Elle se singularise en outre par la variété des nationalités requérantes, au contraire de pays comme l’Allemagne, où un tiers des demandeurs sont syriens, ou comme l’Espagne, où deux demandeurs d’asile sur trois sont vénézuéliens ou colombiens.
    Pour la première fois depuis 2020, les régularisations sont en baisse. Ainsi, 31 250 étrangers sans papiers en ont bénéficié en 2024, soit 3 500 de moins qu’en 2023. Un volume qui reste quoi qu’il en soit modeste, même si l’inflexion observée (− 10 %) tranche avec la progression des régularisations depuis 2020 et la sortie de la crise liée au Covid-19. Sans surprise, elle traduit le souhait de Bruno Retailleau, qui l’a plusieurs fois revendiqué, de réduire ces mesures d’admission exceptionnelle au séjour. Compte tenu de la circulaire ministérielle qu’il a diffusée aux préfets le 23 janvier, visant à durcir les critères d’examen de ces demandes de régularisation, le chiffre devrait continuer de baisser. Néanmoins, mardi, le directeur général des étrangers en France a expliqué qu’il n’existait « pas de prévisions » ni d’« objectifs », mais simplement « une orientation générale ».
    Le recul des régularisations tranche avec les déclarations du précédent ministre de l’intérieur (et actuel garde des sceaux), Gérald Darmanin, qui avait manifesté son souhait, au travers de sa loi sur l’immigration promulguée en janvier 2024, de faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers dans certains secteurs en tension, compte tenu des besoins de l’économie. Ce chiffre reste le mètre étalon de la lutte contre l’immigration irrégulière. Environ 21 600 étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, telle qu’une obligation de quitter le territoire ou une interdiction du territoire, ont été expulsés, dont 60 % de force (près de 13 000). Si ces éloignements sont en hausse, ils restent inférieurs au niveau d’avant la pandémie de Covid-19 (23 746 en 2019).
    Les premiers pays concernés sont ceux du Maghreb, mais aussi l’Albanie, la Géorgie et la Roumanie. Les mesures d’expulsion exécutées diffèrent selon les origines. Ainsi, les éloignements forcés sont surreprésentés parmi les Algériens (près de 73 %), les Marocains (près de 71 %), mais aussi les Afghans (près de 96 %, uniquement vers un autre pays de l’UE). A contrario, les Géorgiens et les Turcs éloignés le sont pour moitié ou presque à travers des dispositifs de retours volontaires aidés, c’est-à-dire assortis d’un pécule.
    Le ministère de l’intérieur a aussi communiqué sur les plus de 147 000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière en 2024 (à son niveau le plus élevé depuis 2014), reflet de l’action des forces de l’ordre davantage que de la présence de personnes sans papiers.

    #Covid-19#migration#migrant#france#statistique#immigration#regularisation#expulsion#OQTF#politiquemigratoire#sante#eloignement

  • #Témoignages : avec la #circulaire_Retailleau « de moins en moins de #sans-papiers demanderont leur #régularisation, ils auront trop peur »

    Rassemblés à Paris, vendredi 31 janvier, de nombreux travailleurs et travailleuses sans-papiers sont venus manifester contre la dernière loi Immigration et la nouvelle circulaire Retailleau qui durcit les #critères de régularisation. Un texte « injuste », selon eux, qui ne fait que précariser davantage les exilés en situation irrégulière. Témoignages.

    Ramata, Ivoirienne, en France depuis 2016

    "Je suis très stressée, je me sens tellement menacée. Dès que je parle, je pleure... Je travaille dans le ménage, je suis en grande souffrance. Quand on n’a pas de papiers, de toute façon, on souffre beaucoup. On travaille la boule au ventre. Nos employeurs nous donne 3h de travail.. 5h.. Parfois plus, parfois moins. Sans contrat, c’est un stress permanent. On ne sait jamais combien on va être payé.

    J’ai la foi de travailler pourtant, mais sans papiers, tu te décourages. J’ai déposé un dossier de régularisation en 2021, il a été refusé. Je n’ai pas baissé les bras. J’ai déposé un nouveau dossier. Là où je travaille aujourd’hui, j’ai eu des fiches de paie, alors j’ai redemandé un rendez-vous à la préfecture. C’était l’année dernière. Le rendez-vous est fixé au mois de juin 2025. J’ai dû attendre un an !
    Avec la nouvelle circulaire, que va-t-il se passer pour moi ? Il faut parler français, c’est mon cas, il faut des fiches de paie, c’est mon cas. Mais je suis quand même stressée. Si mon chef me renvoie avant le rendez-vous, je vais faire quoi ? Il faut que je travaille sans jamais m’arrêter.

    La nouvelle circulaire Retailleau, qui régit la régularisation des travailleurs étrangers est jugée « très contraignante » par les sans-papiers. Elle prévoit notamment d’apporter la preuve d’une présence d’au moins sept ans en France, contre cinq ou trois ans auparavant, de fournir une preuve avancée de maîtrise du français – un diplôme ou bien une certification linguistique. La précédente circulaire Valls demandait simplement une maîtrise orale de la langue française. Enfin, en cas de refus de la demande de régularisation, la préfecture devra « systématiquement » délivrer une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l’étranger sans-papiers concerné.

    J’ai laissé mes enfants en Côte d’Ivoire, ma dernière a un an... Je l’ai laissée pour venir ici, pensant que tout allait s’arranger, mais c’est tout le contraire. Ma première fille a maintenant neuf ans, elle me demande de rentrer... Elle me manque tellement. Je lui ai dit : ’Je me bats pour toi ici, ma chérie. Je ne peux pas rentrer sinon je ne pourrai jamais revenir en France, je ne pourrai pas payer tes études plus tard’. C’est pas facile..."
    Awa, Ivoirienne, en France depuis 2013

    "Je suis venue manifester par rapport à la circulaire Retailleau et à la loi Darmanin [loi sur l’immigration de janvier 2024, ndlr].

    J’ai appris qu’il fallait rester sept ans en France avant de demander une régularisation. Comment tu fais pour vivre pendant sept années sans papiers ? Moi, je travaille sous alias, parce mon employeur ne veut pas embaucher de sans-papiers. Je suis bloquée... Je n’ai pas de fiches de paie, je n’ai pas de preuves de mon travail à présenter en préfecture. Je ne peux donc pas déposer un dossier de régularisation.

    Travailler sous alias, c’est travailler illégalement avec les papiers d’identité d’une autre personne, qui est, elle, en règle. C’est donc cet « alias » qui reçoit les fiches de paie et perçoit le salaire du travailleur sans-papiers. « L’alias » lui reverse ensuite son dû, en partie ou en intégralité. C’est un système qui précarise les sans-papiers. C’est aussi une pratique que de nombreux employeurs feignent d’ignorer.

    J’ai aussi appris que si ton dossier est refusé, tu auras une OQTF [Obligation de quitter le territoire français, ndlr]. La conséquence, c’est que de moins en moins de personnes vont aller en préfecture, il y aura moins de demandes de régularisation, les gens auront trop peur d’être expulsés.

    Par contre je suis d’accord avec la mesure qui demande de parler un bon français. Tu ne peux pas venir dans un pays et ne pas parler sa langue."
    Oumar, Sénégalais, en France depuis six ans

    « Je travaille dans la logistique, dans la livraison, dans le transport, dans la restauration, dans le bâtiment. Je travaille un peu partout, en fait. Quand tu n’as pas de papiers, tu ne peux pas te reposer. Tu cherches constamment à travailler. Le pire, c’est que tu t’épuises et que tu n’es pas bien payé.

    J’ai déjà déposé un dossier de régularisation en préfecture et il a été refusé.

    Si je recommence, que va-t-il se passer ? Ce n’est pas une bonne chose, ces OQTF [délivrées systématiquement en cas de dossier de régularisation rejetée, ndlr]. C’est injuste. Je travaille pour nourrir ma famille au Sénégal. Je suis venu seul ici. Six ans que je suis là sans avoir vu ma famille... Et je ne peux pas rentrer chez moi.

    À cause de cette loi, à cause de cette circulaire, on est bloqué.

    Notre vie était déjà compliquée, elle va devenir infernale. Il va falloir attendre sept ans avant d’avoir une chance d’être en règle ! Trois ans de présence, c’était ok, mais sept ans, c’est quasiment une vie pour nous ! »
    Ibrahim, Sénégalais, en France depuis sept ans

    « Je suis là pour réclamer des droits. On est des citoyens nous aussi, on participe à faire tourner la vie économique de ce pays.

    Regardez, on manifeste sans faire de dégradations, on manifeste pour que le peuple français nous entende aussi. On appelle tous les sans-papiers à se réveiller. Attendre sept ans pour, au final, avoir peut-être un refus, et recevoir une OQTF... Franchement c’est pas sérieux... Maintenant les gens vont être terrifiés de sortir travailler, d’aller en préfecture.

    On cherche du travail, c’est tout. On n’est pas des délinquants. La plupart des immigrés viennent en France pour s’intégrer, pas pour faire n’importe quoi sur le territoire français.

    Moi, j’avais un titre de séjour d’un an qui a expiré il n’y a pas longtemps. J’ai fait ma demande de renouvellement, mais je dois attendre trois mois avant mon rendez-vous. Concrètement, je n’ai pas le droit de travailler pendant ces trois mois, comment je vais faire ? Et que se passera-t-il si je ne suis pas renouvelé ?

    Je n’ai pas le choix, je travaille actuellement à la plonge dans un restaurant, et franchement c’est dur. Parfois, tu travailles et puis un jour, tu te présentes, on te dit : ’Non, c’est fini’, et tu peux rien dire.

    Je gagne entre 900 et 1 200 euros par mois. Comme tout le monde ici, je travaille juste pour survivre, c’est tout.

    J’aimerais être régularisé et faire un meilleur boulot. Si ma situation s’améliore et se stabilise, j’aimerais faire une formation pour travailler dans la plomberie. »
    Shawon, Bangladais, en France depuis 2020

    "Je suis ici depuis quatre ans. Dès que je me présente pour un travail, on me demande des papiers, comme je n’en ai pas, on me refuse. Depuis mon arrivée en France, j’ai travaillé quelques mois, c’est tout. Et je n’ai pas eu de fiche de paie.

    Sans papiers, tu n’arrives à rien.

    Heureusement, j’ai de la famille ici pour m’aider et m’héberger. Ma femme, elle, a un titre de séjour. Mais j’aimerais faire plus, j’aimerais l’aider financièrement.

    La circulaire Retailleau parle d’un bon niveau de français. J’ai un certificat de français de niveau A1, alors je prépare le niveau A2, pour mettre toutes les chances de mon côté.

    Cette circulaire, ce n’est vraiment pas une bonne chose. Je vais devoir attendre encore deux ans, jusqu’en 2027, pour atteindre les « sept ans » de présence en France et demander des papiers... C’est trop long."

    https://www.infomigrants.net/fr/post/62587/temoignages--avec-la-circulaire-retailleau-de-moins-en-moins-de-sanspa
    #Bruno_Retailleau #France #migrations
    ping @karine4

  • François Héran : « Exploiter sans scrupule la xénophobie est la voie de la facilité en matière d’immigration »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/03/francois-heran-exploiter-sans-scrupule-la-xenophobie-est-la-voie-de-la-facil

    François Héran : « Exploiter sans scrupule la xénophobie est la voie de la facilité en matière d’immigration »
    Tribune François Héran, Professeur au Collège de France
    Jusqu’au 23 janvier, les sans-papiers en attente de régularisation pouvaient espérer une « admission exceptionnelle au séjour » (AES) grâce à la circulaire Valls de 2012. L’actuel ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, l’a remplacée par sa propre circulaire. Comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son rapport de 2013 sur le « droit souple », ces missives aux préfets ne créent pas de nouveau droit. Ce sont des recommandations de nature interprétative et non impérative.
    Personne n’est dupe : les destinataires de la nouvelle circulaire ne sont pas les préfets mais l’opinion publique, à qui l’on veut faire croire que MM. Manuel Valls et Gérald Darmanin autorisaient des régularisations « à tour de bras » (sic), « trop quantitatives » (re-sic). Les préfets ont dû apprécier ces tautologies : leur rappeler que les « admissions exceptionnelles au séjour doivent rester exceptionnelles » et qu’il n’y a « pas de droit automatique à la régularisation », c’est leur faire injure.
    Comment donc traitaient-ils les dossiers des sans-papiers ? Au cas par cas, et non au fil de l’eau. La décision finale sur les dossiers dépendait de leur pouvoir discrétionnaire, avec des chances de succès fort inégales d’une préfecture à l’autre. En octobre 2022, une enquête de la commission des lois a confirmé le témoignage des associations : un tiers environ des préfets renonçaient déjà à appliquer la circulaire Valls, faute de moyens ou de volonté. Les bureaux devaient privilégier le renouvellement des titres de séjour. Dans certaines préfectures, des dossiers de régularisation dûment remplis n’avaient toujours pas été ouverts au bout de trois ans.
    Quel est le bilan ? En 2023, le nombre d’AES octroyées grâce à la circulaire Valls s’élevait à 34 700 : 11 500 au titre du travail, 22 200 au titre de la famille et 1 000 à des étudiants. Ces chiffres absolus impressionnent à bon compte. Mais, rapportés aux 500 000 sans-papiers qui vivent en France (estimation plausible), c’est un taux de régularisation annuel de 7 %. Chiffre plus fiable : sur l’ensemble des nouveaux titres de séjour accordés en France en 2023, seulement 9,5 % étaient des AES. A supposer que M. Retailleau parvienne à réduire le nombre d’un tiers, le taux de régularisation chuterait de 7 % à 5 %. Comment croire qu’on passerait ainsi du prétendu « chaos migratoire » à la « reprise de contrôle » ?
    Au lieu d’exiger, comme naguère, des « preuves de présence » dans les sphères du travail, du logement, de l’école…, la nouvelle circulaire porte la durée de séjour de cinq ans à sept ans. Elle exige aussi l’absence d’obligation de quitter le territoire (OQTF) et une maîtrise du français certifiée. Seront donc retenus les postulants qui auront échappé aux OQTF pendant sept ans tout en fréquentant un institut de langue… La contradiction est flagrante : on invoque l’intégration pour relever le niveau de langue, mais on la retarde en différant de deux ans l’octroi d’un titre. Reclus dans sa tour d’ivoire, le ministre n’a aucune idée du parcours kafkaïen infligé aux intéressés, à commencer par les effets délétères de ces retards sur la santé morale des enfants et leur insertion scolaire, un lien attesté par nombre d’études recensées en 2021 par la Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (« plateforme de coopération internationale sur les sans-papiers »).
    A ce jeu du tour de vis, la vis est sans fin et l’on trouve toujours plus dur que soi. Le 25 janvier, sur Franceinfo, le député (Rassemblement national) de Moselle Laurent Jacobelli a traité le ministre de l’intérieur de « faux dur » : au lieu de différer la régularisation de deux ans, il faudrait l’abolir. Dans cette course effrénée, l’objectif rêvé est l’abolition de la réalité. « Les Français nous le demandent », martèle le ministre. Mais la vox populi est, au choix, vox Dei ou vox Diaboli : il faut l’écouter en matière d’immigration, surtout pas sur la réforme des retraites ou la fin de vie. Quand les deux tiers des Français s’opposaient à la réforme des retraites, M. Retailleau préconisait sur France Inter, le 15 mars 2023, de l’adopter par la voie « parfaitement démocratique » du 49.3. Il ne donnait alors pas cher de la demande du peuple…
    Certes, nombre de sondages menés en France et à l’étranger traduisent un sentiment partagé : les autres sont de trop, ils sont trop visibles, ne s’intègrent pas… Face à ce fonds commun de xénophobie, que faire ? L’exploiter sans scrupule est la voie de la facilité : il se trouve toujours des leaders d’opinion pour tenir ce rôle. L’autre approche est celle de la démocratie délibérative, plus exigeante : au lieu de caresser la population dans le sens de ses peurs, il s’agit de l’armer en données permettant de traiter une réalité complexe. Faut-il s’étonner qu’une opinion informée à sens unique soit tentée d’opiner à sens unique ?
    L’enquête de la commission nationale consultative des droits de l’homme parue en juin 2024 livre un tableau de l’opinion plus nuancé que les idées binaires de M. Retailleau. De 2000 à 2022, la part des Français d’accord avec l’affirmation « il y a trop d’immigrés en France » a reculé de 59 % à 45 %, avant de revenir à 56 % en 2023. Or, ces oscillations n’ont aucun lien avec la progression continue de la part des immigrés dans la population de la France depuis 2000, qui suit à distance une progression européenne et mondiale. Dans le même temps prévaut l’idée que « les travailleurs immigrés doivent être considérés ici comme chez eux puisqu’ils contribuent à l’économie française » (80 % d’accord en 2023) ou que « la présence d’immigrés est une source d’enrichissement culturel » (69 %).
    Dans l’idée de M. Retailleau, les régularisations ne sont qu’une partie de l’immigration à réduire. Il faudrait s’aligner sur les membres de l’Union européenne (sauf l’Espagne et l’Italie), en espérant que chacun puisse dévier sur ses voisins la poussée mondiale des migrations observée depuis l’an 2000. Cette défausse généralisée est un leurre. La montée linéaire de l’immigration est une réalité en France, mais très éloignée des diagnostics outranciers du type « chaos », « submersion », « tsunami ». Les indicateurs de l’ONU, de l’OCDE ou d’Eurostat sur son ampleur attestent que, vu sa population, la France se situe autour du 15e rang en Europe.
    En 2015, Marine Le Pen s’écriait : « J’accuse l’ONU, de concert avec la Commission européenne, d’organiser sciemment la submersion migratoire de l’Europe. » Quinze ans plus tôt, son père les accusait déjà de programmer « la poursuite d’une immigration débouchant sur la submersion pure et simple des Français de souche et la disparition de la France ». C’était un contresens total sur un rapport de l’ONU qui démontrait que des myriades de migrants ne suffiraient pas à bloquer le vieillissement de la population. Il est affligeant d’entendre le premier ministre reprendre ce vocabulaire à son compte.

    #Covid-19#migration#migrant# france#politiquemigratoire#asile#OQTF#sante#droit#intergration#regularisation#economie#immigration

  • La circulaire Retailleau sur les immigrés sans papiers accentue les craintes : « On leur met encore plus de bâtons dans les roues »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/02/la-circulaire-retailleau-sur-les-immigres-sans-papiers-accentue-les-craintes

    La circulaire Retailleau sur les immigrés sans papiers accentue les craintes : « On leur met encore plus de bâtons dans les roues »
    Par Julia Pascual (envoyée spéciale à Rouen)
    A Rouen, immigrés sans papiers et bénévoles de la Cimade, patrons et avocats s’inquiètent des répercussions du texte du ministre de l’intérieur du 23 janvier. Il vise à durcir les critères de régularisation en demandant aux préfets de privilégier les travailleurs dans les métiers en tension et d’exiger sept années de présence en France pour tous les autres.
    « C’est de pire en pire pour les immigrés. » Sarah (toutes les personnes citées par un prénom ont requis l’anonymat) aimerait que « le gouvernement change d’avis », mais, en attendant, cette Algérienne sans papiers mesure la difficulté du parcours dans lequel elle s’est engagée. Dans les locaux de la Cimade, une association d’aide aux migrants, de Rouen, ils sont quelques immigrés à défiler, jeudi 30 janvier, pour se faire aider à constituer un dossier de régularisation ou à obtenir un rendez-vous à la préfecture. Ou simplement être épaulés. Et personne n’est enthousiaste après que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a diffusé, le 23 janvier, une nouvelle circulaire visant à durcir les critères de régularisation.
    Ce texte remplace la circulaire Valls de 2012 qui permettait à environ 30 000 personnes d’être régularisées chaque année, au titre du travail qu’elles exercent ou, plus souvent, de leur vie privée et familiale en France. Désormais, en dehors de certains travailleurs dans des métiers en tension, la régularisation n’interviendra qu’au terme de sept années de présence, contre cinq jusque-là, sous réserve d’une certification du niveau de français, en l’absence de comportement troublant l’ordre public et d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) de moins de trois ans.
    S’il est encore trop tôt pour mesurer la façon dont les préfectures se saisissent du texte, son écho parvient aux principaux intéressés comme une menace sourde. Arrivée il y a un an et demi en France, Sarah vit à Rouen avec son mari et ses deux enfants. Si son époux, sans papiers également, réussit à glaner quelques petits boulots au noir sur les marchés ou des chantiers, Sarah bute contre son statut administratif. « Les patrons ont peur, ils ne veulent pas m’embaucher, dit-elle. Mais pour demander une régularisation, il faut des bulletins de paie. Je ne comprends pas, il y a une contradiction. »
    Cette contradiction, Ahmed, un Franco-Algérien à la tête d’une entreprise de peinture, dans la Seine-Maritime, y est aussi confronté. Avant même la circulaire Retailleau, il a vu les pratiques de l’administration se raidir. « Je ne comprends pas pourquoi on freine cette main-d’œuvre qui fait du bien à tout le monde, aux caisses de l’Etat comme aux entreprises », s’interroge ce patron. Il a voulu accompagner, il y a deux mois, un de ses ouvriers sans papiers dans sa demande de régularisation par le travail, en lui fournissant des documents à l’appui de son dossier, mais il redoute un retour de manivelle. Ces derniers mois, Ahmed a appris que deux dirigeants de société dans son entourage, l’un turc, l’autre marocain, s’étaient vu retirer leur carte de résident par la préfecture. Leur faute ? « Ils avaient embauché des sans-papiers et fourni une attestation pour qu’ils soient régularisés », dit-il. « En procédant de la sorte, on incite au travail au noir », dénonce l’avocate rouennaise en droit des étrangers Cécile Madeline.
    Emé a beau être déclarée pour les trois heures de ménage qu’elle effectue au quotidien dans des appartements loués sur Airbnb, elle a toutefois remarqué que ses collègues en règle gagnent plus qu’elle. Elle ne peut pas s’en plaindre. Elle n’a pas encore déposé sa demande de titre de séjour auprès de la préfecture de Rouen. Alors elle prend son mal en patience. Viviane Hue, la bénévole de 70 ans qui l’accompagne, assistante sociale à la retraite, explique qu’elle attendait « la fin de l’année et qu’elle soit prête à prendre le risque ». Celui d’essuyer un refus et une OQTF. Maintenant que la circulaire Retailleau exige sept ans de présence sur le territoire, elle doit attendre encore deux ans, car ça ne fait « que » cinq ans qu’Emé est « coincée », vit à la rue, qu’elle a laissé ses quatre enfants en Angola. En son absence, sa fille de 15 ans est devenue mère, à la suite d’un viol. « Comme je ne suis pas là-bas, je ne sais pas ce qu’il s’y passe vraiment », bredouille-t-elle, inquiète.
    Cet entrelacs de règles mouvantes et d’impasses administratives, Fadila le trouve « énervant ». Auxiliaire de vie de 47 ans, arrivée du Maroc à l’âge de 11 ans et naturalisée française, elle est venue à la permanence de la Cimade pour faire avancer la demande de régularisation de sa mère de 84 ans. Cette dernière avait un titre de séjour auparavant mais, confinée au Maroc pendant la crise liée au Covid-19, elle n’a pas pu le renouveler. Revenue en France avec un visa en 2024, elle a depuis basculé en situation irrégulière. « J’ai déposé une demande de titre en mars 2024, je n’ai pas de nouvelles depuis. J’ai écrit trois fois à la préfecture, envoyé des mails. Je ne peux pas y aller sans rendez-vous, ni prendre de rendez-vous », souffle Fadila. Elle est d’accord pourtant, pour que l’on réduise l’immigration ; d’accord pour que la France n’accepte pas « tout le monde » et exige un niveau de français aux immigrés. Mais pas à sa mère.
    Elle ne trouve en revanche « pas normal » que les demandeurs d’asile aient, selon elle, « des aides et des logements faciles ». Elle se souvient aussi de cette réfugiée ukrainienne à côté de qui elle avait pris place dans le bus et qui s’était fait contrôler sans titre de transport. « Elle a montré son récépissé et le contrôleur ne lui a pas mis d’amende. Si ça avait été moi, je suis sûre que j’aurais été verbalisée. C’est pas normal », répète-t-elle.Installé dans un autre bureau de la permanence associative, Alexandre n’est, pour sa part, pas opposé à ce que « les étrangers qui font n’importe quoi soient expulsés ». Mais « on n’est pas tous des voleurs », insiste ce Brésilien de 38 ans qui voudrait des papiers. Père de deux enfants, il cumule dix années de présence sur le territoire. Néanmoins, son dossier de demande de régularisation comporte des fragilités. En particulier ce bracelet électronique qu’il a porté six mois en 2016 pour avoir, dit-il, « rendu service à [son] patron » qui lui a demandé de l’aider à passer à tabac l’amant de sa femme. Et puis il a écopé d’une OQTF à la même époque.
    Mais, depuis, « je vis comme un Français, assure-t-il. Ce qui me manque, c’est d’aller en vacances au Brésil et de faire un crédit pour acheter une maison ». Viviane Hue essaie de « gonfler » son dossier, pourtant déjà épais comme deux bottins. « On n’a pas le diplôme de français, mais on a des certificats de formation, au désamiantage ou au travail dans des espaces confinés. Et il est professeur de ju-jitsu dans un club », énumère la bénévole. Comme la circulaire Retailleau exige un niveau de langue certifié, Alexandre s’est aussi renseigné auprès de l’Alliance française de Rouen et, pour 500 euros, il pourrait décrocher une preuve de son niveau B1. Alexandre reconnaît qu’il a pris du retard dans l’acquisition du français, en évoluant longtemps au seul contact de collègues lusophones sur des chantiers de décontamination au plomb et à l’amiante.
    « On demande aux gens des parcours invraisemblables en leur mettant encore plus de bâtons dans les roues », regrette Mme Hue. En matière d’intégration, sous le régime de la circulaire Valls, les certificats de scolarisation des enfants étaient des pièces maîtresses. Mais la circulaire Retailleau ne les mentionne plus. Les bénévoles devront redoubler d’imagination pour étayer auprès des préfectures l’insertion de gens pourtant contraints à des existences discrètes. « On fournit déjà des attestations de visite de musées, illustre Viviane Hue. On fournit aussi des lettres de voisins pour prouver qu’ils se conduisent bien et ne font pas de bruit. »
    Atanda n’a pas de voisin. Cette Nigériane de 30 ans, mère de trois enfants, est à la rue, comme d’autres. La famille est tantôt hébergée par le SAMU social, « une semaine ici, trois jours là ». « Je suis si fatiguée », confie-t-elle. Ballottée entre ces hébergements, sa fille aînée arrive souvent en retard à l’école. Atanda a déposé un dossier de régularisation en décembre 2023. Elle est sans nouvelles depuis. « Je veux commencer une nouvelle vie, payer mes impôts, faire de mon mieux », promet-elle. Voilà huit ans qu’Atanda est en France. De ce point de vue, elle remplit le nouveau critère de la circulaire Retailleau, assimilé, selon le texte, à un « indice d’intégration pertinent ». Atanda peut dire ce que huit années d’errance lui ont apporté : des migraines ophtalmiques chroniques. « Je pense trop, justifie-t-elle. Je me demande si Dieu va m’aider. » Faire davantage attendre les gens est « une folie », tranche Jacqueline Madeline. A 84 ans, cette médecin retraitée engagée à la Cimade de Rouen questionne : « On veut des gens qui arrivent avec un espoir ou qui font la queue aux Restos du cœur ? Qui supporterait ça ? »

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#migrationirreguliere#economie#regularisation#OQTF#retailleau#droit#sante

  • Nouvelle #circulaire_Retailleau : Un pas de plus dans la guerre contre les migrant-es ! !

    Le ministre de l’intérieur, #Bruno_Retailleau, multiplie depuis des mois les déclarations visant à supprimer les possibilités d’accueil et de #régularisation des personnes migrantes. Sur fond de #racisme décomplexé inspiré par l’extrême droite, le ministre passe aujourd’hui de la parole aux actes. Il vient de publier une circulaire qui abroge la #circulaire_Valls de 2012, et donne aux préfets des consignes fermes de #non-régularisation des personnes étrangères vivant en France sans titre de séjour.

    Dans la continuité de la loi Darmanin de janvier 2024, cette circulaire met à bas les possibilités de #régularisation_exceptionnelle des étrangers au titre de la situation familiale ou du travail, telle que pratiquées jusqu’alors en application de la circulaire Valls.

    Elle augmente la #durée_de_séjour requise sur le territoire à #7_ans au lieu de 5 ans précédemment, voire 3 ans au titre du travail, pour pouvoir solliciter une #régularisation_à_titre_exceptionnel.

    Elle rend quasi-impossible la régularisation d’une personne ayant subi une #OQTF, exécutée ou pas, même datant de plusieurs années.

    Elle impose des critères de maîtrise du #français et de « respect des #valeurs_républicaines » qui permettent un total arbitraire de la part des #préfectures dans l’examen des dossiers de demande de régularisation.

    Alors même que la liste des #métiers_en_tension, des plus restrictives et établies selon les seuls critères du patronat, n’est toujours pas actualisée, cette circulaire ferme la porte à toute possibilité de régularisation à des centaines de milliers de travailleuses et #travailleurs_sans-papiers qui font tourner des secteurs entiers de l’économie du pays, comme dans la logistique, le nettoyage, la restauration, le BTP, l’aide à la personne et bien d’autres.

    La première conséquence de cette circulaire sera l’#exploitation de ces personnes, contraintes à une #clandestinité et donc une #précarité renforcée, exclues de tous #droits_sociaux, de toutes les protections accordées aux autres salariées, et donc à la merci d’un patronat qui, de toutes façons, trouve son intérêt et ses profits dans l’exploitation des travailleurs-euses sans-titre.

    L’Union syndicale Solidaires dénonce avec force cette déclaration de #guerre_à_l’immigration du gouvernement Bayrou/Retailleau/Darmanin.

    Elle continue d’exiger la régularisation de tous les sans papier, à commencer par nos camarades de Chronopost en lutte depuis plus de 3 ans.

    Elle appelle à se mobiliser aux côtés des autres organisations syndicales, des associations d’aide aux migrants-tes, des collectifs de sans-papiers pour soutenir et participer à toutes les actions en cours et en préparation pour s’opposer à l’application à ces mesures scélérates, et en obtenir l’abrogation !

    https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/nouvelle-circulaire-retailleau-un-pas-de-plus-dans-la-guerre-contre-les-
    #France #migrations #sans-papiers #clandestinisation #guerre_contre_les_migrants
    ping @karine

  • Régularisation des sans-papiers en France : que contient la nouvelle circulaire du ministre de l’Intérieur ? - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/62433/regularisation-des-sanspapiers-en-france--que-contient-la-nouvelle-cir

    Régularisation des sans-papiers en France : que contient la nouvelle circulaire du ministre de l’Intérieur ?
    Par Louise Huet Publié le : 24/01/2025
    Le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, a présenté jeudi une nouvelle circulaire qui régit les critères à remplir pour régulariser les étrangers sans-papiers. Durée de séjour en France rallongée, attestation de niveau de français, OQTF « systématique » en cas de refus… InfoMigrants fait le point sur ce qui va changer, ou non. Il n’y a plus de doute : Bruno Retailleau veut une ligne dure sur l’immigration. Le ministre de l’Intérieur français a transmis à l’ensemble des préfets, jeudi 23 janvier, une nouvelle circulaire « de fermeté » qui vient durcir les règles concernant l’obtention des cartes de séjour à titre exceptionnel des étrangers en situation irrégulière. Aussi appelée « admission exceptionnelle au séjour » (AES), de nombreux travailleurs sans-papiers comptent sur ce dispositif en France pour être régularisés.
    Le ministre de l’Intérieur avait déjà indiqué à plusieurs reprises qu’il souhaitait « remplacer » la circulaire Valls, ce texte qui existait jusqu’ici et permettait d’accorder une carte de séjour, selon certaines conditions économiques ou pour des motifs familiaux.
    InfoMigrants résume les points à retenir de ce nouveau document.
    « Cette nouvelle circulaire rappelle que la régularisation n’est pas un droit. Passer par ce dispositif doit rester exceptionnel », déclare d’emblée Bruno Retailleau lors d’une conférence de presse vendredi. En 2023, sur les 450 000 sans-papiers
    qui se trouvent en France, 34 734 personnes ont été régularisées au titre de l’AES, tous motifs confondus, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Ce qui représente un peu moins de 8% des sans-papiers dans le pays. « On nous fait croire que la circulaire Valls, qui est à peine appliquée par les préfectures, régularisait en masse les sans-papiers. C’est n’importe quoi », expliquait Stéphane Maugendre, avocat spécialiste de l’immigration, à InfoMigrants en octobre.
    Travailleurs sans-papiers : qu’est-ce que la circulaire Valls que le ministre de l’Intérieur veut faire disparaitre ?
    Avec sa nouvelle feuille de route, Bruno Retailleau abroge ainsi la circulaire Valls, du nom de l’ancien ministre de l’Intérieur et qui était en vigueur depuis 2012. Mais pour rappel, ces circulaires, l’ancienne comme la nouvelle, ne sont « pas opposables à l’administration », c’est-à-dire qu’elles ne sont pas des lois. « C’est un simple courrier que les préfectures reçoivent, elles peuvent suivre la circulaire ou bien l’ignorer », rappelle Me Maugendre. En résumé, les préfectures n’ont pas l’obligation de l’appliquer. « La circulaire donne simplement des orientations et des repères aux préfets », souligne lui-même Bruno Retailleau ce vendredi.
    Un mot d’ordre : « maîtriser les flux migratoires »
    Déjà, la circulaire Retailleau ne change pas à proprement parler les modalités pour obtenir un titre de séjour pour les sans-papiers. Le nouveau document tient sur trois pages, contre 12 dans l’ancien texte. Il évoque peu de critères précis, contrairement à la feuille de route de 2012, et s’appuie plutôt sur les modalités inscrites dans la loi Immigration, promulguée en janvier 2024 par le gouvernement.
    Mais globalement, il laisse les spécialistes en droit de l’immigration dans un certain « flou » : « Cette nouvelle circulaire, qui se dit être précise, ne l’est pas. Parce qu’on ne comprend pas bien les critères qui pourront permettre aux personnes en situation irrégulière de prétendre à une régularisation », déplore Aurore Krizoua, responsable séjour à La Cimade, auprès d’InfoMigrants.
    La différence entre la circulaire Retailleau et la circulaire Valls réside plutôt dans le ton et le changement de sémantique. Là où le document écrit en 2012 visait la « promotion d’une politique d’immigration lucide et équilibrée », le nouveau texte entend assurer « la maîtrise des flux migratoires, en particulier par la lutte contre l’immigration irrégulière ». Plus largement, « le niveau d’exigence en termes d’intégration des étrangers à notre société doit être renforcé », accentue le ministre de l’Intérieur.
    Dans sa nouvelle feuille de route, le locataire de la place Beauvau demande aux préfets de favoriser la délivrance de titres de séjour aux travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension - qui figurent dans une liste dont la dernière version remonte à 2021 - plutôt que la régularisation au motif de leur vie personnelle et familiale.
    La loi Immigration a en effet créé, à titre exceptionnel, une carte de séjour « travailleur temporaire » ou « salarié » d’une durée d’un an. Les démarches se font uniquement à la demande du travailleur étranger. L’employeur n’a pas de documents à fournir, ni de taxe à payer, ce qui était le cas sous la circulaire Valls. Le travailleur étranger doit remplir les conditions suivantes :
    –avoir exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers en tension durant au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des deux dernières années.
    –justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France.
    S’ajoute à cela d’autres éléments que doit prendre en compte le préfet, tels que l’insertion sociale et familiale, le respect de l’ordre public, l’intégration dans la société et le « respect du principe de la République ». Des notions qui figuraient déjà dans la circulaire Valls.
    Mais là aussi, malgré le cadre juridique de la loi, le préfet peut user de son pouvoir discrétionnaire pour rejeter un dossier sans justification.
    Pour tous les autres cas, Bruno Retailleau resserre la vis et intime aux préfets d’avoir une approche plus stricte. Dans l’optique de régulariser « au compte-gouttes », cette nouvelle circulaire porte à « au moins sept ans » la durée de présence requise en France pour un étranger qui demande une régularisation via l’AES, contre cinq ou trois ans dans certains cas auparavant. « Très clairement, pour tous ceux qui sont en dessous des sept ans, leur dossier risque d’être rejeté », projette Me Stéphane Maugendre.
    Aussi, depuis la circulaire Valls, les étrangers sans-papiers peuvent obtenir un titre de séjour « vie privée et familiale » d’un an, renouvelable. C’est toujours le cas avec la nouvelle feuille de route, même si le texte de trois pages ne le mentionne pas spécifiquement.
    Pour l’obtenir, il fallait jusqu’ici être un parent d’enfants scolarisés depuis au moins trois ans, conjoint d’étrangers en situation régulière, ou encore mineur devenu majeur qui justifie « d’un parcours scolaire assidu et sérieux depuis au moins l’âge de 16 ans ». Les personnes justifiant d’une situation « humanitaire » grave (par exemple être victime de violences conjugales ou être victime de traite d’êtres humains) peuvent aussi obtenir un titre de séjour pour « motif humanitaire ».
    Sauf que la consigne désormais donnée par Bruno Retailleau aux préfets est la suivante : « Privilégier la voie légale pour avoir droit à un titre de séjour au motif familial ». Autrement dit, réduire le nombre de régularisations octroyées via ce motif. "Cette circulaire va faire sortir le motif de « vies privées familiales » de la régularisation", anticipe l’avocat Stéphane Maugendre.
    En 2023, selon les données de l’Intérieur, 11 525 personnes en situation irrégulière ont obtenu un titre de séjour par leur travail et 22 167 pour motif familial - soit deux tiers du total des AES. Un chiffre que Bruno Retailleau semble donc vouloir largement diminuer. Interrogé par le Figaro, un préfet pronostique d’ailleurs « 8 000 à 10 000 régularisés de moins au titre de la vie privée et familiale » avec la nouvelle circulaire.
    Enfin, Bruno Retailleau insiste sur des « critères d’intégration » pour tous les demandeurs d’une AES. Parmi ceux-ci figurent :
    –une obligation de signer un « contrat d’engagement du respect des principes républicains », tels que l’égalité homme-femme, la laïcité, la liberté d’expression…
    –une preuve avancée de maîtrise du français (un diplôme français ou bien une certification linguistique), tandis que la circulaire Valls demandait plus simplement « une maîtrise orale élémentaire de la langue française ». « Encore une fois, on ne sait pas exactement quel niveau de français sera exigé. Si c’est A1, A2, B2… », regrette Aurore Krizoua.
    –ne pas présenter de menace à l’ordre public, comme c’était déjà le cas dans le précédent texte.
    –si la personne en situation irrégulière est sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire (OQTF) non exécutée, le préfet peut refuser d’accorder une carte de séjour.
    Autre grande nouveauté : en cas de refus de la demande de régularisation, le préfet devra « systématiquement » délivrer une OQTF à l’étranger sans-papiers concerné.

    #Covid-19#migrant#migration#france#droit#politiquemigratoire#rOQTF#regularisation#sante