@PaulBétous
Mes excuses, je n’y reviens qu’aujourd’hui.
le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles.
Je ne suis pas certain de vous comprendre.
En fait, de mon point de vue, il me semble que c’est tout le contraire . Le racisme étant un système de hiérarchisation, un classisme pur, « aveugle à la race » pourrait très bien en apparences disparaître sous cette forme et ne subsister que comme « pur » racisme - qui, en tant que système de hiérarchisation sociale, serait évidemment lourd de conséquences très matérielles pour les individus s’y trouvant infériorisés. (D’une certaine façon, on pourrait peut-être argumenter que c’est à peu de choses près ce que le nazisme a prétendu être.)
L’interpénétration des catégories politiques de race et de classe est plus qu’attestée au sein de la littérature socialiste dès le XIXème siècle (j’emploie évidemment ici le mot socialiste en un sens qui n’a plus cours depuis plus d’un siècle) : la racialisation du prolétariat européen a longtemps structuré le discours capitaliste (j’ai la flemme de retourner chercher des références ce matin). Pour ma part, j’en conclus - mais d’autres l’ont très bien fait avant moi - qu’on ne peut se permettre de prétendre penser trop longtemps indépendamment les uns des autres ces systèmes (classisme, racisme, sexisme,... liste non exhaustive) et les catégories qui les caractérisent.
Par ailleurs, et ici je relate un petit peu une expérience de petit mec hétéro blanc et révolutionnaire libertaire si longtemps persuadé de détenir des outils dépassant d’avance les luttes (réputées « partielles, sociétales, particulières », etc.) antiracistes et féministes, des outils universels élaborés sans ces luttes « secondaires » : bien après des années de conflits répétés avec des féministes, la lecture de quelques textes en particulier m’a aidé à me faire éprouver cuisamment la nécessité de sortir sans regrets du bourbier idéaliste de telles prétentions.
Je pense en particulier : Nos amis et nous de Christine Delphy ( Questions féministes , 1974 et 3975),
Femmes et théories de la société : Remarques sur les effets théoriques de la colère des opprimés de Colette Guillaumin Sociologie et société,1981),
(que j’ai lu des décennies après leur publication),
et « Que vient faire l’amour là dedans ? Femmes blanches, femmes noires et féminisme des années mouvement » de Wini Breines (Cahiers du Genre, 2006).
Je ne tiens pas à exagérer les effets possibles de la simple confrontation livresque, et je sais bien que ces lectures ont résonné avec ma propre histoire, faite d’une multitude d’autres expériences, lectures, disputes et discussions, mais il me semble que ces textes, de par les confrontations solidement argumentées qu’ils apportent, sont tout particulièrement propres - comme d’autres, assurément : c’est une nécessité que le PIR me semble assumer avec un courage et une ténacité admirables - à tester et tremper la bonne volonté des dominants.
Aujourd’hui, je tiens que les écrits féministes et antiracistes sont riches d’analyses brillantes et éclairantes et irremplaçables. J’ai longtemps été un lecteur passionné de Marx et Bakounine, de Stirner, de Makhno, des Luxembourg, Pannekoek, Korsch et Rhüle, de Souvarine, des situs. Aujourd’hui, pour avoir appris entre temps que je n’avais jamais été indemne du racisme et du sexisme et que, bien que je ressente la nécessité de combattre racisme et sexisme, je ne l’étais toujours pas (indemne, exempt de racisme et de sexisme), ma weltanschauung n’est plus aussi simpliste et monolithique qu’autrefois. Je ne pense plus qu’il soit possible de prétendre penser le monde à partir des seuls outils forgés par l’expérience et les luttes « de classe » occidentales et masculines : non seulement aveugles aux autres expériences, mais aussi lourdement biaisés.
Et je suis aussi un lecteur passionné d’Andréa Dworkin, de Christine Delphy, de Mona Chollet, d’Albert Memmi, de Franz Fanon, du PIR, d’une pléiade de blogs et d’auteures féministes et décoloniales, un auditeur passionné de Cases Rebelles, et j’en passe ; des personnes qui ne sont pas toujours d’accord, qui confrontent leurs analyses et leurs luttes. Cela dans la relative indifférence, quand ce n’est pas le mépris ouvert et face à l’hostilité déclarée d’une part conséquente d’un petit milieu d’héritiers actuels des mouvements ouvriers et révolutionnaires occidentaux qui se satisfait de végéter et de se racornir en pensant en quasi-autarcie, à qui les catégories de privilégiés blancs et masculins ne convient que trop bien.
Et j’ai un peu mal à mon matérialisme quand je lis chez des « libertaires » des agressions et une imbécile hostilité telles que celle relatée ici.