• Juifs et décoloniaux ? entretien avec le collectif #Tsedek !

    À la suite d’un article sur l’antisémitisme co-écrit par David (https://www.frustrationmagazine.fr/5-pistes-pour-combattre-lantisemitisme-a-gauche), juif révolutionnaire, nous avions démarré une discussion avec le #Collectif_Tsedek qui avait manifesté des points de désaccords. Celui-ci se décrit dans son manifeste comme “un collectif de juifs et juives décoloniaux·ales luttant contre le racisme d’État en France et pour la fin de l’apartheid et de l’occupation en Israël-Palestine” et se situe “en rupture avec les discours promulgués par les institutions juives censées nous représenter et par la majeure partie des collectifs juifs antiracistes français”. Le collectif a aussi fait parler de lui récemment grâce à une interview pour Konbini qui a beaucoup fait réagir. Entre le début et la fin de notre discussion, la situation en Palestine et Israël a connu une nouvelle crise majeure suite aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui ont donné une grande actualité à cette dernière. Il est plus que jamais nécessaire, contre toutes les simplifications et les caricatures, de faire entendre et connaître les voix juives contre le colonialisme israélien. Dans ce grand entretien, nous avons parlé de la représentation des juives et juifs en France, de l’antisémitisme, du sionisme, de l’anticapitalisme et de la situation en Israël-Palestine. Propos recueillis par Nicolas Framont.
    Pourquoi avez-vous décidé de créer votre collectif ? Quel vide vient-il combler ?

    Tsedek ! (https://tsedekdecolonial.wordpress.com) est le fruit de la rencontre de militant·e·s juifs et juives issu·e·s d’horizons différents et convaincu·e·s de la nécessité d’une voix juive décoloniale. Il est né aussi du refus d’être représenté·e·s par les institutions juives et par la majorité des collectifs juifs antiracistes actuels en France. Il nous paraissait urgent de créer une nouvelle maison politique afin de lutter simultanément contre le racisme d’État en France, l’instrumentalisation de l’antisémitisme et contre l’apartheid en Israël-Palestine. Le mot “Tsedek” renvoie au concept de justice dans la tradition juive. Une idée qui est totalement absente du discours des organisations juives se réclamant de la lutte contre l’antisémitisme et qui selon nous doit être au cœur du combat antiraciste.

    Certain·e·s d’entre nous se sont rencontré·e·s au sein de l’UJFP – l’Union Juive Française pour la Paix – un des piliers du mouvement de la solidarité avec la Palestine et de la lutte contre l’apartheid israélien en France. Notre formation politique doit beaucoup à ses militant·e·s ainsi qu’à l’antiracisme politique, porté notamment par le QG Décolonial et le média Paroles d’Honneur. D’ailleurs, la collaboration avec d’autres collectifs antiracistes est une de nos priorités.

    Nous nous opposons au discours de plus en plus répandu, y compris à gauche, qui vise à singulariser l’antisémitisme, à en faire un racisme exceptionnel, déconnecté des autres racismes tout comme un enjeu essentiellement moral, d’individu·e·s à éduquer et à former. Il est urgent de dénoncer les angles morts et les effets délétères de cet “anti-antisémitisme”, qui en plus d’éviter soigneusement d’analyser les structures qui produisent l’antisémitisme en France aujourd’hui – l’État-nation français et l’État colonial israélien – est bien souvent indifférent voire complaisant à l’égard des autres formes de racismes.

    Faire ce constat nous amène à intégrer des réflexions qui gagneraient à être abordées dans les milieux militants de gauche, portant sur la politique assimilationniste envers la communauté juive, le sionisme, le philosémitisme ou encore la mise en concurrence des minorités raciales et la colonialité de l’État français en général. Ce que nous apportons peut-être de nouveau au champ politique, c’est que nous voulons mettre l’expérience de la judéité et le rapport aux traditions juives au cœur de notre inspiration politique. Cela se traduit, entre autres, par l’organisation à venir d’événements culturels. Nous souhaitons inscrire ce rapport au culturel en rupture avec une identité juive unique telle que promue par le sionisme et le colonialisme français – par ailleurs nos émissions Twitch, intitulées Haolam Hazeh et diffusées sur la chaîne Paroles d’Honneur, traitent des fractures créées par la blanchité.
    Par qui est-on représenté.e, quand on est juive ou juif en France, et en quoi est-ce problématique pour vous ?

    Les juives et juifs en France constituent une population très diversifiée, que ce soit sur le plan social, culturel ou religieux. Il faut donc avoir conscience des limites de la question de la représentativité, d’autant plus que cette dernière relève d’abords d’enjeux politiques et de pouvoir. Pour nous, les représentants des juif·ve·s en France en disent plus sur la relation de la société française aux juif·ve·s que sur les juif·ve·s eux-mêmes.

    Les représentants les plus officiels sont, pour les plus anciens, directement issus du pouvoir napoléonien, avec l’enjeu à l’époque de placer les juif·ve·s français sous contrôle politique. C’est le cas, par exemple, du Consistoire central, qui s’occupe des affaires cultuelles. Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), sans doute le plus connu de ces représentants, est quant à lui issu de la résistance à l’occupation allemande et à la politique nazie. À l’origine distant de la politique française et sans position sur la question du sionisme, il devient, sous l’impulsion de Mitterrand et du pouvoir en France, un acteur politique aligné sur les intérêts de la classe dirigeante et de l’État d’Israël. Le CRIF s’est d’ailleurs souvent illustré ces dernières années par des déclarations islamophobes et réactionnaires, n’hésitant pas à relativiser l’antisémitisme de l’extrême droite et du RN en particulier, pour mieux faire de la gauche et de la jeunesse des quartiers les principaux vecteurs d’antisémitisme en France.

    Différentes ONG et associations telles que l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), AJC France (l’antenne française de l’American Jewish Committee) ou encore des collectifs juifs se revendiquant antiracistes sont également appelés à la barre dès qu’il s’agit de parler d’antisémitisme.

    Tous ces groupes alimentent à leur manière les poncifs de la droite conservatrice, en particulier la thèse du « nouvel antisémitisme », attribuant la haine des juif·ve·s aux populations musulmanes issues de l’immigration post-coloniale. Ils participent aussi à renforcer de différentes manières l’amalgame “juif·ve = sioniste”, et jouent un rôle crucial dans la délégitimation des soutiens aux droits des Palestinien·ne·s, en accusant par exemple les militant·e·s BDS d’être antisémites ou en propageant l’amalgame “antisionisme = antisémitisme”. En tant que juifs et juives, nous ne nous retrouvons donc ni dans les organisations qui défendent l’apartheid israélien ou qui attribuent l’antisémitisme aux musulman·e·s, ni dans celles qui, à gauche, tentent d’implanter ces idées sous couvert d‘un discours antiraciste.
    Dans votre manifeste, vous dîtes que l’État français fait de vous des citoyens à part : comment cela se traduit ?

    Le racisme d’État se fonde sur des catégories raciales informelles et organise la société à partir de ces catégories qu’il hiérarchise et met en concurrence les unes avec les autres. La place qu’occupent les juif·ve·s est paradoxale : les juif·ve·s sont d’un côté insolubles dans la nation, des éternels étranger·ère·s, mais feraient en même temps partie de la “civilisation judéo-chrétienne“, leurs intérêts se fondant supposément dans ceux de l’Occident. Cette articulation bancale entre antisémitisme et philosémitisme est, sans le déterminer entièrement, caractéristique du processus de racialisation des juif·ve·s aujourd’hui.

    Ajoutons que le philosémitisme [Attitude favorable envers les Juifs, en raison de leur religion, de qualités attribuées collectivement aux Juifs, et de leur statut de peuple élu de Dieu, NDLR] (qui reste une forme d’antisémitisme), de par son statut opportuniste, n’est pas une constante : il y a des séquences plus ou moins philosémites alternant avec des séquences antisémites plus explicites, selon ce que l’État bourgeois blanc juge le plus utile à ses intérêts. Ces dernières années, Macron semble trouver plus judicieux de rassurer la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie en lui envoyant nombre de signaux antisémites à peine voilés : les hommages aux figures historiques de l’extrême droite (Pétain, Maurras, Bainville), la présence dans son gouvernement d’un ministre qui a écrit pour l’Action Française et publiquement relayé les thèses antisémites de Napoléon, ou le silence gênant de la majorité lors de la réhabilitation en bonne et due forme de Maurice Barrès par le député LR Jean-Louis Thiériot. Cette ligne idéologique tranche nettement avec celle du gouvernement Valls par exemple, qui était plus IIIe République dans son approche, par la valorisation du rôle des juif·ve·s dans la constitution de la République et de la nation française.

    Cela n’empêche pas certains représentants politiques, y compris issus du RN, et certaines institutions de l’État de se placer comme les protecteurs des juif·ve·s afin de mieux légitimer des politiques répressives. La loi Sarah Halimi adoptée en 2021 l’illustre très bien. Ayant été présentée comme une loi venant répondre au sentiment d’insécurité de la communauté juive, elle n’a finalement abouti qu’à plus de répression pour les populations non blanches marginalisées et a renforcé l’appareil autoritaire de l’État. Comme l’illustre “l’affaire Médine” de cet été, nous traversons une séquence où la prétendue défense des juif·ve·s sert à justifier l’islamophobie d’Etat, à museler des organisations et figures des droits de l’Homme ou à créer des fractures au sein du mouvement social et de la gauche.

    Enfin, le soutien affiché de la Macronie aux juif·ve·s passe en grande partie par un soutien sans faille à Israël, avec un lobbying intense au sein du groupe parlementaire Renaissance pour faire taire dans ses rangs toute critique de l’apartheid israélien. L’adhésion de l’État français à l’idéologie sioniste fait des juif·ve·s des citoyen·ne·s de facto à part. Elle renforce l’idée que les juif·ve·s français·e·s ne sont pas entièrement français·e·s car ils appartiendraient à une nation juive qui a sa place sur le sol historique de la Palestine. Si nous ne sommes vraiment chez nous qu’en Israël, qu’est ce que cela veut dire pour nos droits, notre sécurité et notre émancipation en France ?

    Vous définissez le sionisme comme “un projet raciste colonial et ethno-nationaliste” : comment cela se fait-il qu’en France l’antisionisme soit à ce point diabolisé et amalgamé avec l’antisémitisme ? Comment sortir de ce piège ?

    L’amalgame entre antisionisme et antisémitisme relève d’abord d’un effort des organisations sionistes et des gouvernements israéliens successifs pour associer la solidarité avec les Palestinien·ne·s à l’expérience occidentale de l’antisémitisme. Ce discours se développe en réaction à la dégradation de l’image de l’État israélien sur la scène internationale, suite au début de l’occupation en 1967 et à la résolution 3379 de l’ONU adoptée en 1975 (et révoquée depuis) qui déclarait que le sionisme était une forme de racisme. Cette dégradation s’est accélérée à partir des années 80 avec l’invasion du Liban et la première Intifada.

    Partant de cet amalgame, l’identité juive passe forcément par le sionisme, l’adhésion à un projet ethnonationaliste. Juif·ve = sioniste et judaïsme = sionisme. Cette politique de propagande a rencontré un accueil bienveillant auprès des classes dirigeantes occidentales qui partagent des intérêts et des valeurs avec l’État israélien.

    En France, cet amalgame est un élément central de la construction nationale, révèle comment la France se rêve – c’est-à-dire en protectrice des juif·ve·s – et comment elle rêve les juif·ve·s de France – faisant partie d’une autre nation.

    Cet amalgame est à la fois un bouclier et une épée. Il permet à l’État français de s’absoudre à peu de frais de sa responsabilité dans la persécution des juif·ve·s d’Europe – comment pourrait-il être antisémite puisqu’il est un fervent soutien de “l’État des juif·ve·s” ? Il est aussi un moyen efficace de marginaliser socialement et politiquement les classes populaires issues de l’immigration post-coloniale, historiquement critiques du colonialisme israélien, mais aussi les militant·e·s anticolonialistes et antiracistes qui se revendiquent antisionistes.

    Aujourd’hui, la défense des intérêts de l’État d’Israël – l’impensé du colonialisme sioniste et la négation des droits des Palestinien·ne·s – est assurée par cet amalgame. Les droits et les libertés des Palestinien·ne·s sont d’abord en jeu ici, mais la sécurité des juif·ve·s en France en est aussi impactée. Car en liant le sort des juif·ve·s de France à celui d’un projet colonial suprémaciste entre la Mer et le Jourdain, elle les place inexorablement entre le marteau et l’enclume.

    Evidemment, on peut être antisémite et antisioniste, les années Dieudonné-Soral nous l’ont bien montré et ont d’ailleurs donné un élan à l’amalgame. Mais assimiler par principe l’un à l’autre relève d’une escroquerie politique et intellectuelle. Surtout si l’on ignore systématiquement les liens politiques de plus en plus visibles qui unissent les défenseurs de l’idéologie sioniste aux politicien·ne·s suprémacistes blancs et aux antisémites européen·ne·s ou étasunien·ne·s.

    Sortir du piège que constitue cet amalgame, c’est d’abord ne pas se laisser intimider par de tels dispositifs, comprendre comment ils fonctionnent et quels intérêts ils servent. C’est s’alarmer du fait qu’il dépouille l’antisémitisme de toute signification. Les crimes du colonialisme israélien étant commis par des individu·e·s se réclamant du judaïsme ou de la judéité, au nom de “l’État des juif·ve·s”, par des hommes et des femmes politiques exigeant des juif·ve·s du monde entier une solidarité inconditionnelle sous peine d’être qualifié·e·s de traîtres, nous pensons que c’est la politique israélienne, et non la lutte contre celle-ci, qui renforce l’antisémitisme.
    Dans Frustration magazine, nous avons publié un texte de David, qui se définit comme juif et révolutionnaire, sur les postures antisémites à éviter quand on est de gauche, un texte qui vous a fait réagir. Sans entrer dans les détails, qu’est-ce qui vous a fondamentalement déplu dans ce texte ?

    Sur le papier, comment ne pas être d’accord avec le postulat de David ? Il faut combattre l’antisémitisme partout, y compris à gauche. Néanmoins, David s’appuie principalement sur l’expérience individuelle de certain·e·s militant·e·s juif·ve·s de gauche. La place que prennent les récits subjectifs dans sa démonstration est problématique au regard de la pauvreté de l’étayage matériel censé soutenir son analyse. Celle-ci est dépolitisante et véhicule une conception morale de l’opposition au racisme (« le racisme, c’est mal » sic), ce à quoi nous répondons que, certes, le racisme est moralement condamnable, mais que ce n’est pas le sujet quand il s’agit de lutter contre. L’antisémitisme est réduit à ses symptômes et la question des structures qui le produisent est laissée de côté.

    Même en admettant le postulat d’un problème structurel et spécifique à « la gauche » vis-à-vis de l’antisémitisme, rien dans le texte ne constitue un début de levier permettant de le résorber. Le décalage entre son ambition louable (mettre en évidence l’antisémitisme comme point aveugle à gauche) et la faiblesse de la démonstration nous interpelle, et devrait interpeller tout·e militant·e entendant prendre la question de l’antisémitisme au sérieux.

    Les limites et impasses méthodologiques du texte de David sont porteuses de confusion. Ainsi, elles l’amènent à mettre sur un même plan d’analyse une anecdotique histoire de falafels – dont on se demande encore le rapport avec la question de l’antisémitisme à gauche – et le fait de demander à un·e juif·ve de se justifier de la politique israélienne uniquement parce qu’il ou elle est juif·ve. De même, la gauche n’étant jamais définie, on ne sait pas vraiment de qui il est question. Qui commente « Free Palestine » sous une photo de vacances d’une personne identifiée comme juive ? Est-il ou est-elle « la gauche » ? Un·e internaute lambda partageant du contenu de gauche ? Un·e militant·e encarté·e ? Un·e responsable politique ? Quel impact a réellement ce commentaire sur la sécurité des juif·ve·s et peut-il sérieusement être caractérisé d’acte antisémite ?

    Au final, deux éléments pourtant centraux dans la production et la circulation de l’antisémitisme sont ignorés. D’une part, la manière dont le sionisme et la politique israélienne sont venus percuter la question de l’antisémitisme : en associant le nom « juif » à une entreprise coloniale, en conditionnant la réalisation supposée des intérêts juifs à la spoliation et l’oppression des Palestinien·nes, l’État israélien et ses soutiens cultivent dangereusement le terrain d’un antisémitisme d’autant plus dangereux qu’il pourrait s’auto-justifier par la cause juste de la lutte contre le colonialisme et l’oppression. D’autre part, l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par un pouvoir d’État de plus en plus islamophobe et antisocial est ignorée. Pourtant, cette instrumentalisation nourrit l’antisémitisme et favorise sa circulation.

    Enfin, nous ne pouvons ignorer le contexte d’énonciation depuis lequel nous parlons. Ce texte s’inscrit dans une controverse lancée il y a quelques années et qui consiste à affirmer, à partir d’une position de militant révolutionnaire de gauche, que la gauche à un problème spécifique avec l’antisémitisme. Un discours qui arrive en écho à ce que l’on entend du côté de la droite et des soutiens de la politique israélienne depuis bien plus longtemps. Au regard des enjeux politiques extrêmement graves de notre époque et, notamment, ceux relatifs à la lutte contre l’antisémitisme et l’islamophobie, une telle démarche nous pose question. Nous pensons, au contraire, qu’il est urgent d’identifier clairement les structures de production de l’antisémitisme là où elles sont : à droite, à l’extrême-droite, dans le pouvoir d’Etat en France, dans la politique israélienne.

    Enfoncer des portes ouvertes ou aligner des apories n’est d’aucune utilité dans la lutte contre l’antisémitisme. Oui, il peut y avoir des personnes ou des propos antisémites « à gauche », comme on peut y trouver des personnes ou des propos sexistes, islamophobes, homophobes. Cela ne veut pas dire pour autant que « la gauche », en tant que telle, est un lieu spécifique de production de l’antisémitisme. Et, a fortiori, que la cibler est une priorité.

    Les formations ou les textes de développement personnel “5 pistes pour combattre l’antisémitisme” tel que celui de David, publié qui plus est dans une revue de gauche que nous apprécions par ailleurs, sont le symptome du manque d’analyses sérieuses de l’antisémitisme aujourd’hui ainsi que de sa dépolitisation. Une des raisons pour laquelle Tsedek ! a été fondé est justement de répondre à ce manque, et de proposer une alternative décoloniale et véritablement antiraciste.
    De nombreux intellectuels dominants ont pour habitude d’associer anticapitalisme et antisémitisme. S’en prendre à la grande bourgeoisie, ce serait toujours, dans le fond, s’en prendre aux juives et aux juifs. Que répondre à ce genre d’attaque ? Est-ce qu’elles s’inscrivent dans l’instrumentalisation des juives et juifs que vous dénoncez ?

    Dès le Moyen Âge, les juif·ve·s ont joué un rôle important dans le commerce et la finance en Europe, poussé·e·s par la théologie chrétienne dominante condamnant le prêt d’argent à intérêt, elle laissait ces activités aux « juifs maudits ». Bien qu’essentiel·le·s à l’économie médiévale, les juif·ve·s étaient, dans la pensée chrétienne, doublement damné·e·s en tant que tueurs du Christ et parasites économiques. Cette perception a perduré, constituant un substrat pour les discours antisémites et complotistes émergeant du XIXe siècle, y compris dans des courants anticapitalistes de gauche romantique, qui octroient aux juif·ve·s une relation spéciale à l’argent et au pouvoir.

    Ces discours restent en circulation aujourd’hui mais peuvent prendre des formes différentes, ré-adaptés aux besoins du moment, pour atteindre de nouveaux publics. Une chose ne change pas : ces théories permettent encore de faire passer un discours raciste pour un discours anti-système ou anti-élites et peuvent surgir partout sur l’échiquier politique. Néanmoins, elles sont produites et propagées par les extrêmes droites et dans une moindre mesure par une droite républicaine de plus en plus ouvertement raciste : le « grand remplacement » de Renaud Camus a pu être mobilisé par Pécresse, la candidate de la droite républicaine lors des élections présidentielles.

    Les éditorialistes, polémistes, think-tanks, politiques, et même certain·e·s militant·e·s antiracistes qui se font les défenseur·euse·s de la théorie du « fer à cheval », si chère au bloc bourgeois qui aime à penser que les « extrêmes se rejoignent », ont compris que l’association du « socialisme des imbéciles » avec l’anti-capitalisme et la critique de la financiarisation de l’économie portée par la gauche aujourd’hui est un moyen efficace de la décrédibiliser et de créer des fractures en son sein. Il s’agit d’une autre facette de l’instrumentalisation de l’antisémitisme et de sa redéfinition.

    L’antisémitisme a signifié des choses différentes pour différentes personnes à différentes époques. Mais cet « antisémitisme de gauche » basé sur l’association entre anticapitalisme et antisémitisme repose sur une conception rigide et confuse de l’antisémitisme, presque caricaturale. Pour essayer de trouver une cohérence dans ces accusations à la volée, cette lecture renonce à considérer la politique de façon matérialiste pour se focaliser sur ce qu’elle identifie comme des « tropes » – des phrases, des mots ou des images qui dans certains contextes politiques et historiques précis charriaient des idées antisémites mais qui, lorsqu’elles sont prises au pied de la lettre et déconnectées du contexte politique dans lequel elles sont prononcées, ne sont plus que des signifiants vides. Ainsi, de simples mots utilisés pour décrire des faits – la négation du droit international par l’Etat israélien lorsqu’il déporte Salah Hamouri, le maintien d’une personne en poste suite au remaniement ministériel d’un gouvernement en crise en la personne d’Elisabeth Borne qualifiée de “rescapée” par Mathilde Panot ou le caractère parasitaire de la classe bourgeoise – deviennent les éléments d’un discours antisémite car pouvant l’être hypothétiquement dans une autre réalité politique. Cela signifie que pour être désigné publiquement comme antisémite, il n’est plus nécessaire d’adhérer à une vision du monde antisémite caractérisée par la haine des juif·ve·s, la croyance en un complot juif, la croyance que les juif·ve·s ont engendré le communisme et/ou contrôlent le capitalisme, la croyance en l’infériorité raciale des juif·ve·s, etc. La seule présence d’un trope, qui hors d’un contexte et d’un programme politique structurellement antisémite n’est plus qu’une coquille vide, permet de dégager une soi-disant intention antisémite.

    Certes, en tant qu’anti-racistes nous savons que le discours, les mots et les images ont un rôle historique central dans la consolidation du système raciste. Mais les actes antisémites d’aujourd’hui ne reposent pas sur le système raciste de la France du XXe siècle ou de l’Allemagne des années 1930. L’antisémitisme, contrairement à l’islamophobie, n’occupe plus une place centrale dans l’idéologie dominante. Au vu de l’urgence antiraciste, nous ne pouvons laisser ces accusations fondées sur des signifiants vides et déconnectés dicter le cadre de nos luttes antiracistes.

    Il est faux et surtout dangereux d’affirmer que l’antisémitisme aujourd’hui est une production de la gauche anti-capitaliste et anti-impérialiste. Ce n’est pas de là qu’il surgit et ce n’est pas à partir de là qu’il se propage. Nous comprenons l’émotion et le sentiment d’insécurité qui est suscité lorsque l’antisémitisme est discuté en France, mais nous refusons d’en faire le vecteur de notre politique. Nous devons comprendre pourquoi des voix juives attirées par la gauche se sentent menacées par celle-ci et œuvrer pour dépasser la peur et son instrumentalisation. Mais participer à cette chasse au tropes sans la questionner pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un outil au service de la réaction, ne fait que mettre en avant les juif·ve·s comme des victimes éternelles et permanentes. Cela marginalise celles et ceux qui subissent une violence bien plus grande aujourd’hui et fracture davantage un front antiraciste fragile qu’il nous faut construire et renforcer au plus vite.

    En conséquence, Tsedek ! veut aussi repolitiser la question de l’antisémitisme à gauche. La confusion autour de ce qu’est l’antisémitisme n’a jamais été aussi grande. Alors que d’autres organisations se focalisent sur cette chasse aux tropes, s’évertuent à séparer l’antisémitisme des autres racismes, participent à propager l’idée du nouvel antisémitisme et normalisent le sionisme, nous pensons qu’il est dangereux de déplorer les effets de cette confusion tout en en chérissant les causes.
    Depuis le début de nos échanges, la situation en Israël-Palestine a pris une tournure dramatique. Les morts se comptent par milliers. Quelle est votre analyse de l’attaque perpétrée par le Hamas en Israël le samedi 7 octobre, ainsi que de la riposte de Tsahal ? Comment vous positionnez vous dans le débat sémantique qui déchire les forces de la gauche institutionnelle quant à la caractérisation de l’attaque du Hamas ?

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 1300 Israéliens et plus de 3000 Palestiniens de Gaza ont perdu la vie, dont de nombreux enfants. Ce décompte macabre nous donne la nausée. Nous sommes convaincus que ces morts auraient pu être évitées. Tout en déplorant l’attaque indiscriminée d’un nombre inégalé de non-combattants en Israël – enfants, femmes et hommes -, nous refusons pour autant de mobiliser la catégorie politique de terrorisme.

    Cette notion a acquis un sens bien particulier depuis les attentats du 11 septembre et de 2015 en France. Non, contrairement à ce que nous pouvons entendre en Israël et sur de nombreux plateaux français, le Hamas ne s’en ait pris ni à la présence juive en Palestine par antisémitisme, ni aux valeurs occidentales dont Israël serait le garant dans un ensemble régional hostile et arriéré. Dire cela, c’est occulter la dimension coloniale de ce qui se joue en Israël-Palestine. Relayer cette thèse, c’est insulter l’ensemble des Palestiniens qui sont victimes depuis plus d’un siècle d’une politique radicale de dépossession sur leur propre terre qui a pris et continue à prendre de nombreuses formes : exils forcés, états d’urgence militaire, assassinats ciblés, répression féroce de l’opposition pacifique, fragmentation en divers statuts juridiques du peuple palestinien, enfermement sans procès de milliers de personnes, colonisation, blocus, apartheid.

    Nous saluons le courage politique du NPA, mais aussi de LFI qui, sans pour autant épouser nos positions antisionistes (le mouvement continue de militer pour la solution à deux États par exemple), résiste aux injonctions morales violemment portées par toutes les composantes du bloc bourgeois. Contre vents et marées, elle se refuse toujours à parler de terrorisme pour caractériser l’attaque du 07/10, et ce pour deux raisons que nous partageons également. Premièrement, le terrorisme n’est pas une catégorie juridique encadrée par le droit international. Il est donc logiquement impossible d’envoyer les auteurs devant la CPI pour qu’ils répondent de leurs crimes. Deuxièmement, la catégorie de terrorisme empêche de penser et de contextualiser. Avec elle, les combattants du Hamas ne sont que des barbares assoiffés de sang juif. Ils peuvent donc être neutralisés sans que le statu quo colonial qui étouffe Gaza depuis 2007 sous la forme d’un blocus cruel ne soit remis en cause. Les autres forces de la NUPES jouent un jeu dangereux qui relève par ailleurs de l’instrumentalisation cynique d’une guerre violente : ils cherchent à isoler LFI, mais joignent la meute des soutiens inconditionnels du colonialisme israélien en épousant leur agenda sémantique – le tout, bien évidemment, sur le dos de la solidarité avec les Palestiniens.

    Et de cette solidarité, les Palestiniens en ont plus que jamais besoin ! La violence des représailles qui s’abat sur les Gazaouis est incommensurable. Elle vise indistinctement combattants et civils, au mépris des conventions les plus élémentaires du droit international. Imaginez bien, en moins de deux semaines, l’armée israélienne a déversé plus de bombes sur le territoire exigu de 360 km2 composé d’une part importante d’enfants (près de 50% de la population) que l’armée étasunienne sur l’Afghanistan en une année. En choisissant de participer au cirque organisé par la Macronie visant à exclure LFI de “l’arc républicain”, les autres composantes de la NUPES se déshonorent et ne mobilisent pas leurs forces pour exiger de la France qu’elle appelle à un cessez-le-feu immédiat, condition indispensable mais non suffisante à la reprise d’une discussion politique entre les colons et les colonisés ensauvagés par des décennies de sionisme réellement existant.
    Comment vit-on la situation actuelle, quand on est juif décolonial, au niveau individuel comme collectif ? On peut imaginer que ça doit être particulièrement violent de vivre des positions très antagonistes au sein de la communauté juive par exemple. Comment on tient le coup, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

    Au niveau individuel, nous vivons évidemment une période extrêmement difficile et douloureuse. Les attaques du 7 octobre nous ont profondément attristés. Nous partageons cette peine avec nos proches en Israël, mais aussi en France, auprès de nos familles elles aussi extrêmement touchées par ce qu’il s’est passé. Nous avons en même temps vécu un décalage terrible et parfois déchirant avec nos proches, qui ne partagent pas toujours la même compassion que nous éprouvons pour les Palestiniens, qui meurent par milliers sous les bombardements israéliens dans la bande de Gaza. Entendre des membres de nos familles reprendre mot pour mot la rhétorique génocidaire du gouvernement israélien nous bouleverse profondément et nous rappelle à quel point la parole juive antisioniste est lourde à porter d’un point de vue individuel et affectif. Et en même temps, ces moments nous rappellent l’importance de notre engagement contre le colonialisme, et la perte d’humanité qu’il induit.

    Collectivement, nous sommes aussi extrêmement inquiets du climat actuel en France, qui transforme la situation en Israël-Palestine en un affrontement entre juifs et musulmans, un narratif qui n’aura pour répercussion que la multiplication d’actes islamophobes et antisémites. A l’échelle politique, la sécurité des juifs et des juives est une fois encore instrumentalisée pour justifier des mesures autoritaires et racistes : interdiction de manifestations en soutien à la Palestine, suspicion à l’égard des musulmans, arrestations et expulsions. En tant qu’antiracistes, nous combattons l’islamophobie et l’antisémitisme , tout en restant lucides quant à ses lieux de productions, que ce soit l’antisémitisme historique européen ou l’amalgame entre Juifs et Israël. Mais cette position, sur une ligne de crête, peut nous rendre inaudibles pour une partie de notre communauté, qui voit Israël comme la seule solution possible pour nous protéger. Nous rappellerons tant qu’il le faudra que la sécurité des juifs et des juives ne sera pas garantie tant que l’existence d’un pays qui se revendique comme foyer national du peuple juif se basera sur la négation des droits des Palestiniens. Tout comme elle ne la sera pas tant, qu’en France, la persistance de l’antisémitisme européen continuera de prospérer, tout en étant niée, au profit de l’idée fallacieuse que les musulmans représenteraient aujourd’hui la menace existentielle pour les juifs et les juives.

    https://www.frustrationmagazine.fr/juifs-tsedek

    #Israël #Palestine #Juifs_en_France #antiracisme #anticolonialisme #7_octobre_2023 #colonialisme #colonialisme_israélien #à_lire #antisémitisme #antisionisme #sionisme #anticapitalisme #décolonial #entretien #apartheid #racisme_d'Etat #justice #racisme #Juifs_de_France #manifeste #ethno-nationalisme #propagande

  • Immigration : tolérance de la société, vote à l’extrême droite, le paradoxe français
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/20/immigration-tolerance-de-la-societe-vote-a-l-extreme-droite-le-paradoxe-fran

    Immigration : tolérance de la société, vote à l’extrême droite, le paradoxe français
    Par Anne Chemin
    Enquête Si, depuis trente ans, la société accepte de mieux en mieux les minorités raciales et religieuses, la scène politique glisse, elle, vers l’extrême droite. Une contradiction due à la montée spectaculaire de l’abstention des électeurs tolérants et à l’intense stratégie de polarisation sur l’immigration menée par le Front national depuis les années 1980.
    La femme a les cheveux sagement coiffés en deux longues tresses blondes et l’homme est élégant – un costume boutonné, une cravate noire, un imperméable bien coupé. Tous deux bavardent en souriant devant une sortie de métro avant de poursuivre leur conversation sur un banc. Filmée en 1961, cette scène de rue serait banale, voire plaisante, si ce n’étaient les regards profondément hostiles des passants : certains les fixent en fronçant sévèrement les sourcils, d’autres leur jettent des coups d’œil méfiants, voire réprobateurs – comme si ce couple avait commis un crime impardonnable.
    Que leur reproche-t-on ? Rien, si ce n’est la couleur de leur peau – ou plutôt l’association de leurs couleurs de peau : l’homme est Noir, la femme est Blanche.Diffusée sur la RTF, cette scène ouvre un documentaire d’Etienne Lalou consacré, en 1961, au racisme. Interrogé sur l’éventualité d’un mariage de sa fille avec un Noir, un homme affirme gravement que le sujet « demande réflexion ». « Noir, peut-être que je dirais non », conclut-il. Une passante ajoute avec l’air contrarié qu’elle essaierait de « faire revenir sa fille sur sa décision ». « Je lui dirais qu’il y a des Blancs, quand même, sur la terre, qu’il ne faut pas confondre. »
    Plus de six décennies après, ces images semblent issues d’un autre monde. La xénophobie, certes, n’a pas disparu, mais les couples mixtes se sont multipliés et les propos ouvertement racistes raréfiés. En témoigne l’évolution de l’indice longitudinal de tolérance (ILT) construit par le chercheur Vincent Tiberj à partir de l’enquête annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) : depuis trente ans, la tolérance a « considérablement » progressé, souligne-t-il. « L’évolution de l’indice montre que la diversité est devenue à la fois plus banale et plus acceptable », résume le professeur de sociologie à Sciences Po Bordeaux.
    Ce baromètre n’a rien d’un sondage fait à la va-vite sur Internet : réalisé en face à face auprès d’environ un millier de personnes, il comprend, depuis 1990, des dizaines d’items répétés dans le temps : soixante-neuf séries de questions et 878 points de mesure autour de l’immigration et de la xénophobie. A ce travail approfondi, Vincent Tiberj a ajouté un indicateur « élargi » qui agrège, depuis 1984, 98 séries de questions et 1 016 points de données venant d’autres enquêtes.
    Même si le racisme « subtil » apparu dans l’après-guerre est plus difficile à détecter que le racisme biologique, hiérarchique et inégalitaire qui l’a précédé, ces indicateurs arrivent à la même conclusion : depuis les années 1980, la tolérance, en France, ne cesse de gagner du terrain. Gradué de 0 à 100, l’indice de tolérance est ainsi passé de 50 au début des années 1990 à 65 à la fin des années 2010, avant d’atteindre, en 2022, le record de 68.
    Quelques questions permettent de mesurer le chemin parcouru : la part des personnes interrogées qui considèrent que les immigrés sont une source d’enrichissement culturel est passée de 44 % en 1992 à 76 % en 2022 ; la part de celles qui soutiennent le droit de vote des étrangers est passée de 34 % en 1984 à 58 % en 2022 ; si elle reste majoritaire, la part de celles qui considèrent qu’il y a trop d’immigrés en France a chuté de 69 % en 1988 à 53 % en 2022. « L’opinion sur les immigrés et les minorités s’est améliorée », résume la politiste Nonna Mayer.
    Pour Vincent Tiberj, ce recul des préjugés est lié à l’élévation spectaculaire du niveau d’éducation – la part d’une génération titulaire du baccalauréat est passée de 20 % en 1970 à 80 % aujourd’hui. « Le diplôme, rappelle-t-il, est associé à une meilleure acceptation de la diversité des croyances, des modes de vie et des histoires familiales. Les bacheliers, quel que soit leur âge, sont plus ouverts à l’immigration que les non-bacheliers : parmi les plus jeunes (nés après 1977), 50 % des non-bacheliers estiment qu’en “France on ne se sent plus chez soi comme avant”, contre seulement 30 % des bacheliers ; chez les plus âgés (nés avant 1955), les pourcentages sont de 66 % contre 36 %. »
    Les progrès de la tolérance, ajoute Vincent Tiberj, sont aussi le fruit du renouvellement des générations. « La xénophobie est le fait des personnes les plus âgées, non parce qu’elles sont devenues conservatrices avec le temps mais parce que leurs préjugés sont un lointain écho du passé, poursuit-il. Alors que les jeunes grandissent dans un monde multiculturel où le racisme biologique a quasiment disparu, les personnes qui sont aujourd’hui à la retraite ont été socialisées dans une France perçue comme ethniquement homogène où la croyance dans les hiérarchies raciales appartenait au sens commun. Leurs idées reçues ne sont pas un effet d’âge mais de génération. »
    Si l’indicateur a des hauts et des bas, la tendance, sur cinquante ans, ne fait aucun doute : depuis 1990, la tolérance envers les minorités ethniques, raciales et religieuses progresse à grands pas. Un constat qui, dans un pays où Marine Le Pen est arrivée à deux reprises au second tour de la présidentielle et où le Rassemblement national (RN) représente le deuxième groupe de l’Assemblée nationale, a quelque chose d’étrangement surréaliste.Depuis les municipales de Dreux (Eure-et-Loir), en 1983, les scores électoraux de l’extrême droite ont, en effet, explosé, entraînant dans leur sillage une radicalisation de la droite « classique », qui, sur l’immigration, ne cesse de jouer la carte de la surenchère.
    Lire aussi (2007) : Rétrocontroverse : 1983, Dreux, le FN et le fascisme

    Comment comprendre ce paradoxe ? Comment analyser ce fossé entre une société de plus en plus ouverte et des élites politiques qui ne cessent de dénoncer haut et fort les ravages économiques, sociaux, religieux et culturels de l’immigration ? Pourquoi les controverses enflammées sur les étrangers sont-elles à mille lieues des processus d’intégration silencieusement à l’œuvre dans la société française ?
    Pour Vincent Tiberj comme pour beaucoup de politistes, la réponse est simple : la scène politique constitue un reflet très imparfait du monde social. « La connexion électorale n’est jamais une simple courroie de transmission », résume le chercheur.Contrairement à ce que l’on croit souvent, la « logique du “miroir” » est « en grande partie une illusion », souligne, en effet, Nicolas Sauger, professeur à Sciences Po et auteur, avec Emiliano Grossman, de Pourquoi détestons-nous autant nos politiques ? (Presses de Sciences Po, 2017). « D’abord, explique-t-il, parce que, même avec toute la sincérité du monde, les élus ne relaient que ce qu’ils perçoivent des aspirations de leurs électeurs, c’est-à-dire, finalement, peu de choses : ils entendent surtout ce qui leur est familier. Ensuite parce que les prises de position des partis sont souvent, non pas le reflet des opinions des électeurs, mais le fruit des jeux tactiques qui structurent la compétition partisane. »
    Toutes ces distorsions, conclut le politiste Nicolas Sauger, font des élections un miroir forcément « déformant ». « Il est rare que les résultats électoraux reflètent avec fidélité les valeurs sociales », renchérit Vincent Tiberj. Les chercheurs en veulent pour preuve les courbes mystérieusement croisées du recul des préjugés raciaux et des succès du Front national (FN) : le parti d’extrême droite enchaîne les triomphes électoraux dans un pays où les minorités ethniques et religieuses sont de mieux en mieux acceptées alors qu’il obtenait des scores lilliputiens (0,7 % des suffrages à la présidentielle de 1974) dans une France où la xénophobie était largement partagée.
    Comment interpréter ce paradoxe des années 1970 ? Pour Vincent Tiberj, il est le fruit d’un phénomène qu’il a baptisé la « politique des deux axes ». A l’époque, les déterminants du vote étaient essentiellement socio-économiques : les électeurs étaient guidés non par leurs valeurs culturelles mais par leurs convictions sur le rôle économique de l’Etat ou de la protection sociale. « Le champ électoral était entièrement structuré par les valeurs socio-économiques, note-t-il. A la présidentielle de 1988, la probabilité de voter à gauche atteignait ainsi des sommets (0,96) chez les citoyens qui exprimaient des convictions sociales alors qu’elle était négligeable (0,07) chez les partisans du libéralisme économique ! »
    La fin des années 1980 voit cependant naître de nouveaux équilibres. Parce qu’elles se politisent, les valeurs culturelles (laïcité, égalité des sexes, immigration, homosexualité) commencent à concurrencer les valeurs socio-économiques.Les études électorales montrent ainsi que les convictions sociétales, qui jouaient à la marge lors du scrutin présidentiel de 1988, font quasiment jeu égal, en 2007, avec les préférences économiques et sociales : au fil des décennies, les électeurs votent de plus en plus souvent non en fonction de leurs opinions sur les nationalisations ou le niveau du smic mais de leurs positions sur le mariage homosexuel ou l’islam.L’émergence de ce clivage culturel permet de comprendre le paradoxe des années 1970 : si le FN de l’époque peine à exister dans un pays pourtant profondément hostile à l’immigration, c’est tout simplement parce qu’à l’époque les questions raciales étaient absentes des campagnes électorales.
    « Les débats parlementaires de l’après-guerre font peu état de la question migratoire, qui est fortement dépolitisée, constate Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS, dans Figures de l’autre. Perceptions du migrant en France 1870-2022 (CNRS éditions, 2022). Aucune loi sur l’immigration n’est d’ailleurs votée entre 1946 et 1980 ! »
    En faisant abstraction d’une question comme l’immigration, le débat politique, dans les années 1970, masquait donc artificiellement l’intolérance, voire le racisme, d’une grande partie des électeurs. « Il y a quarante ans, les Français qui votaient pour le PS ou le PC étaient très souvent hostiles aux étrangers, souligne le politiste Tristan Guerra. En 1969, l’enquête sur l’“ouvrier français” réalisée par un collectif de chercheurs montrait ainsi que les classes populaires, pourtant fidèles aux partis de gauche, avaient de puissants préjugés xénophobes. Mais cette xénophobie du monde ouvrier n’avait pas de traduction politique : les élections ne se jouaient pas sur cette question. »
    Reste à comprendre le paradoxe d’aujourd’hui : un RN qui ne cesse de remporter des victoires électorales, alors que les Français sont de plus en plus ouverts à la diversité.L’une des clés de ce mystère réside en grande partie dans l’abstention – ou, plus précisément, l’abstention « différentielle » entre les classes d’âge. La désaffection des urnes est sans conteste l’un des traits marquants de l’histoire électorale des cinquante dernières années : depuis les années 1980, elle a augmenté de 156 % aux municipales et de 138 % aux législatives, mais elle ne touche pas, tant s’en faut, tous les électeurs de la même façon.
    Certains citoyens estiment que le vote est un rendez-vous incontournable de la vie politique, alors que d’autres revendiquent le droit de ne pas participer à cette grande cérémonie républicaine – et la ligne de partage entre ces deux camps est déterminée par l’âge.« Les cohortes les plus anciennes considèrent le vote comme un devoir civique : les baby-boomeurs nés dans les années 1940 ou 1950 forment un électorat mobilisé, stable et fidèle, souligne Vincent Tiberj. Les jeunes, même quand ils s’intéressent à la politique, ont en revanche une citoyenneté qui n’est pas ancrée dans la culture électorale de la délégation : ils préfèrent agir par d’autres voies. »Les écarts de participation en fonction des générations sont spectaculaires. En 2022, le vote « systématique » est au plus haut chez les personnes âgées de 70 à 79 ans (54 %), au plus bas chez les jeunes de moins de 25 ans (17 %), et cet écart ne cesse de se creuser : dans une note publiée en 2022 par l’Insee, Elisabeth Algava et Kilian Bloch constatent que, depuis 2002, l’abstention des 18-29 ans a augmenté plus fortement encore que celle des autres tranches d’âge. Cette désaffectation engendre une forte déformation du « miroir » électoral : dans les urnes, les plus de 65 ans pèsent de 1,3 fois à 1,5 fois leur poids, les moins de 35 ans entre 0,5 fois et 0,8 fois…
    Quand l’immigration s’impose dans l’agenda politique, cette abstention « différentielle » change profondément la donne, car les jeunes sont nettement plus ouverts à la diversité que leurs aînés. Quelques questions du baromètre de la CNCDH de 2022 permettent de mesurer ce fossé générationnel : 59 % des plus de 60 ans trouvent qu’il y a « trop d’immigrés en France » contre 46 % des moins de 35 ans ; 59 % ne se « sentent pas chez eux » contre 34 % des moins de 35 ans ; 45 % des plus de 45 ans estiment qu’il est très grave de s’opposer au mariage d’un de ses enfants avec un Noir contre 65 % des moins de 35 ans…Dans un pays où les questions « culturelles » se sont installées au sommet de l’agenda politique, la désaffection électorale des jeunes fausse profondément la photographie politique de la France. « Ceux qui ont l’impression que leur mode de vie est en train de disparaître et ceux qui craignent que la société ethniquement homogène du passé fasse place à une société multiculturelle sont certes de moins en moins nombreux – on le voit dans les enquêtes –, mais ils sont fortement sollicités par le RN, Reconquête ! et [le parti] Les Républicains, et ils votent massivement lors des élections, poursuit Vincent Tiberj. Lors des scrutins, ils font donc pencher la balance du côté de la droite, voire de l’extrême droite. »Depuis les années 1990, le RN est le grand gagnant de cette abstention « différentielle », analyse Tristan Guerra, doctorant au laboratoire Pacte, une unité de recherche du CNRS, de l’université de Grenoble et de Sciences Po Grenoble. « La tolérance envers l’immigration ne cesse de progresser, y compris au sein de la droite, mais une part des Français se sentent en danger, refusent le multiculturalisme et défendent les hiérarchies traditionnelles, note-t-il. Cet électorat n’est pas forcément majoritaire mais il est très polarisé, très idéologisé – et, surtout, très mobilisé lors des rendez-vous électoraux. La scène politique, du coup, se “droitise” – même si ce mouvement est en partie en trompe-l’œil. »
    La distorsion de la photographie électorale est d’autant plus forte que le RN a su, depuis les municipales de Dreux, en 1983, « polariser » sans relâche une question qui, de l’après-guerre aux années 1980, était absente des controverses politiques – pas parce qu’en matière d’immigration tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes – les bidonvilles et l’« islam des caves » auraient pu nourrir, dans les années 1960-1970, bien des polémiques – mais parce qu’aucune formation politique n’avait encore fait de cette question son cheval de bataille. A partir des années 1980, le vent, cependant, tourne : scrutin après scrutin, le FN installe le « problème » de l’immigration au cœur du débat public.Contrairement à ce que l’on pense souvent, les partis, lorsqu’ils mènent campagne, ne se contentent pas, en effet, d’être les porte-parole passifs des préoccupations présentes au sein de l’électorat : leur cœur de métier consiste à hiérarchiser leurs combats.
    Dans l’immensité des sujets qui travaillent la société française – la santé, le chômage, l’agriculture, l’avortement, le protectionnisme, les nationalisations, l’école, l’environnement, l’Europe ou la sécurité –, ils puisent les thèmes de campagne qui correspondent à leurs convictions : en les mettant au cœur de leurs discours, ils cherchent à politiser certaines questions au détriment d’autres.Fondées sur un récit collectif, ces stratégies de « cadrage » donnent un sens aux événements et proposent aux électeurs une lecture du monde. « Le travail des entrepreneurs politiques consiste à faire en sorte que leurs sujets de prédilection deviennent saillants, observe Tristan Guerra. Les électeurs, qui n’ont pas forcément de certitudes dans tous les domaines, sont alors appelés à se prononcer sur des questions qui ne faisaient pas forcément partie, initialement, de leurs préoccupations. Activées par les partis et les candidats, ces dispositions qui étaient à l’état “dormant” au sein de l’opinion publique deviennent des enjeux centraux du débat public. »C’est cette stratégie d’intense polarisation qu’a adoptée, au début des années 1980, le FN. « Comme la plupart des partis anti-immigrés européens, il a affirmé que l’immigration était une clé de lecture pour tous les maux de la société française, analyse le politiste Nicolas Sauger. Il l’a reliée à la question des flux migratoires, mais aussi à la sécurité, à l’éducation nationale, au terrorisme, au chômage, à la laïcité ou à la protection sociale. Ce faisant, le FN a fait de l’immigration une question omniprésente : il l’a inscrite, non pas dans le registre politique classique des politiques publiques, mais dans un système de représentations fondé sur le bien et le mal. »Ce travail politique s’est fait en deux étapes. « Le FN a d’abord mis en place une stratégie de “distinction” : sur l’immigration, il a proposé des axes programmatiques distincts de ceux des autres partis afin de les forcer à se positionner sur ces questions, ce qui a fait monter la polarisation autour du sujet, explique le chercheur Tristan Guerra. Il a ensuite ajouté à cette polarisation une stratégie d’“issue ownership” [monopolisation d’un sujet électoral] : il s’est approprié la question de manière quasi identitaire en en faisant la pierre angulaire de tout son programme afin de faire en sorte qu’il soit perçu comme le mieux placé pour aborder et résoudre cet enjeu. »Cette stratégie a porté ses fruits : dans un monde marqué par la révolution iranienne de 1979, l’essor de l’islam politique dans les pays arabes et la montée du terrorisme dans les pays occidentaux, l’extrême droite, dans les années 1990 et 2000, a réussi à placer l’immigration au cœur de toutes les controverses politiques.
    Puissamment polarisée par le FN, cette question a donné lieu à une fébrilité législative sans précédent : depuis les années 1980, tous les gouvernements, sans exception, ont légiféré au moins une fois sur l’asile, le séjour ou la nationalité en accompagnant ces innombrables textes de discours alarmistes – et le gouvernement s’apprête à faire de même avec le projet de loi sur l’immigration.Dans un monde où les électorats sont de moins en moins stables, structurés et cohérents, cette stratégie de polarisation pèse lourdement sur la vision du monde des électeurs, comme le montrent deux événements concernant les jeunes issus de l’immigration : les émeutes de banlieues de 2005 et les attentats islamistes de 2015. A dix ans de distance, la différence de tonalité des discours politiques a façonné des lectures très différentes : lors des violences urbaines de 2005, l’alarmisme des élus a fait chuter de six points l’indice de tolérance de la CNCDH, tandis que, lors des attentats djihadistes de 2015, leur aspiration à l’union nationale l’a fait remonter de huit points. Des chiffres qui devraient inciter bien des politiques à s’interroger sur leur responsabilité.

    #Covid-19#migration#migrant#france#integration#politique#CNCDH#tolerance#immigration#racisme#asile#sejour#election

  • #Judith_Butler : Condamner la #violence

    « Je condamne les violences commises par le #Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un #massacre terrifiant et révoltant », écrit Judith Butler avant d’ajouter qu’« il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute #condamnation nécessite un refus de comprendre, de #peur que cette #compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre #capacité_de_jugement ».

    Les questions qui ont le plus besoin d’un #débat_public, celles qui doivent être discutées dans la plus grande urgence, sont des questions qui sont difficiles à aborder dans les cadres existants. Et même si l’on souhaite aller directement au cœur du sujet, on se heurte à un cadre qui fait qu’il est presque impossible de dire ce que l’on a à dire. Je veux parler ici de la violence, de la violence présente, et de l’histoire de la violence, sous toutes ses formes. Mais si l’on veut documenter la violence, ce qui veut dire comprendre les #tueries et les #bombardements massifs commis par le Hamas en Israël, et qui s’inscrivent dans cette histoire, alors on est accusé de « #relativisme » ou de « #contextualisation ». On nous demande de condamner ou d’approuver, et cela se comprend, mais est-ce bien là tout ce qui, éthiquement, est exigé de nous ? Je condamne les violences commises par le Hamas, je les condamne sans la moindre réserve. Le Hamas a commis un massacre terrifiant et révoltant. Telle a été et est encore ma réaction première. Mais elle n’a pas été la seule.

    Dans l’immédiateté de l’événement, on veut savoir de quel « côté » sont les gens, et clairement, la seule réaction possible à de pareilles tueries est une condamnation sans équivoque. Mais pourquoi se fait-il que nous ayons parfois le sentiment que se demander si nous utilisons les bons mots ou comprenons bien la situation historique fait nécessairement obstacle à une #condamnation_morale absolue ? Est-ce vraiment relativiser que se demander ce que nous condamnons précisément, quelle portée cette condamnation doit avoir, et comment décrire au mieux la ou les formations politiques auxquelles nous nous opposons ?

    Il serait étrange de s’opposer à quelque chose sans comprendre de quoi il s’agit, ou sans la décrire de façon précise. Il serait plus étrange encore de croire que toute condamnation nécessite un refus de comprendre, de peur que cette compréhension ne serve qu’à relativiser les choses et diminuer notre capacité de jugement. Mais que faire s’il est moralement impératif d’étendre notre condamnation à des #crimes tout aussi atroces, qui ne se limitent pas à ceux mis en avant et répétés par les médias ? Quand et où doit commencer et s’arrêter notre acte de condamnation ? N’avons-nous pas besoin d’une évaluation critique et informée de la situation pour accompagner notre condamnation politique et morale, sans avoir à craindre que s’informer et comprendre nous transforme, aux yeux des autres, en complices immoraux de crimes atroces ?

    Certains groupes se servent de l’histoire de la violence israélienne dans la région pour disculper le Hamas, mais ils utilisent une forme corrompue de raisonnement moral pour y parvenir. Soyons clairs. Les violences commises par #Israël contre les Palestiniens sont massives : bombardements incessants, assassinats de personnes de tous âges chez eux et dans les rues, torture dans les prisons israéliennes, techniques d’affamement à #Gaza, expropriation radicale et continue des terres et des logements. Et ces violences, sous toutes leurs formes, sont commises sur un peuple qui est soumis à un #régime_colonial et à l’#apartheid, et qui, privé d’État, est apatride.

    Mais quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard (Harvard Palestine Solidarity Groups) publient une déclaration disant que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques mortelles du Hamas contre des cibles israéliennes, ils font une erreur et sont dans l’erreur. Ils ont tort d’attribuer de cette façon la #responsabilité, et rien ne saurait disculper le Hamas des tueries atroces qu’ils ont perpétrées. En revanche, ils ont certainement raison de rappeler l’histoire des violences : « de la #dépossession systématique des terres aux frappes aériennes de routine, des #détentions_arbitraires aux #checkpoints militaires, des séparations familiales forcées aux #assassinats ciblés, les Palestiniens sont forcés de vivre dans un #état_de_mort, à la fois lente et subite. » Tout cela est exact et doit être dit, mais cela ne signifie pas que les violences du Hamas ne soient que l’autre nom des violences d’Israël.

    Il est vrai que nous devons nous efforcer de comprendre les raisons de la formation de groupes comme le Hamas, à la lumière des promesses rompues d’Oslo et de cet « état de mort, à la fois lente et subite » qui décrit bien l’existence des millions de Palestiniens vivant sous #occupation, et qui se caractérise par une #surveillance constante, la #menace d’une détention sans procès, ou une intensification du #siège de #Gaza pour priver ses habitants d’#eau, de #nourriture et de #médicaments. Mais ces références à l’#histoire des Palestiniens ne sauraient justifier moralement ou politiquement leurs actes. Si l’on nous demandait de comprendre la violence palestinienne comme une continuation de la violence israélienne, ainsi que le demandent les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard, alors il n’y aurait qu’une seule source de #culpabilité_morale, et même les actes de violence commis par les Palestiniens ne seraient pas vraiment les leurs. Ce n’est pas rendre compte de l’autonomie d’action des Palestiniens.

    La nécessité de séparer la compréhension de la violence omniprésente et permanente de l’État israélien de toute justification de la violence est absolument cruciale si nous voulons comprendre quels peuvent être les autres moyens de renverser le #système_colonial, mettre fin aux #arrestations_arbitraires et à la #torture dans les prisons israéliennes, et arrêter le siège de Gaza, où l’eau et la nourriture sont rationnés par l’État-nation qui contrôle ses frontières. Autrement dit, la question de savoir quel monde est encore possible pour tous les habitants de la région dépend des moyens dont il sera mis fin au système colonial et au pouvoir des colons. Hamas a répondu de façon atroce et terrifiante à cette question, mais il y a bien d’autres façons d’y répondre.

    Si, en revanche, il nous est interdit de parler de « l’#occupation », comme dans une sorte de Denkverbot allemand, si nous ne pouvons pas même poser le débat sur la question de savoir si le joug militaire israélien sur la région relève du #colonialisme ou de l’#apartheid_racial, alors nous ne pouvons espérer comprendre ni le passé, ni le présent, ni l’avenir. Et beaucoup de gens qui regardent le carnage dans les médias sont totalement désespérés. Or une des raisons de ce #désespoir est précisément qu’ils regardent les #médias, et vivent dans le monde sensationnel et immédiat de l’#indignation_morale absolue. Il faut du temps pour une autre #morale_politique, il faut de la patience et du courage pour apprendre et nommer les choses, et nous avons besoin de tout cela pour que notre condamnation puisse être accompagnée d’une vision proprement morale.

    Je m’oppose aux violences que le Hamas a commises, et ne leur trouve aucune excuse. Quand je dis cela, je prends une position morale et politique claire. Je n’équivoque pas lorsque je réfléchis sur ce que cette condamnation implique et présuppose. Quiconque me rejoint dans cette position se demande peut-être si la condamnation morale doit reposer sur une compréhension de ce qui est condamné. On pourrait répondre que non, que je n’ai rien besoin de connaître du Hamas ou de la Palestine pour savoir que ce qu’ils ont fait est mal et pour le condamner. Et si l’on s’arrête là, si l’on se contente des représentations fournies par les médias, sans jamais se demander si elles sont réellement utiles et exactes, et si le cadre utilisé permet à toutes les histoires d’être racontées, alors on se résout à une certaine ignorance et l’on fait confiance aux cadres existants. Après tout, nous sommes tous très occupés, et nous n’avons pas tous le temps d’être des historiens ou des sociologues. C’est une manière possible de vivre et de penser, et beaucoup de gens bien-intentionnés vivent effectivement ainsi, mais à quel prix ?

    Que nous faudrait-il dire et faire, en revanche, si notre morale et notre politique ne s’arrêtaient pas à l’acte de condamnation ? Si nous continuions, malgré tout, de nous intéresser à la question de savoir quelles sont les formes de vie qui pourraient libérer la région de violences comme celles-ci ? Et si, en plus de condamner les crimes gratuits, nous voulions créer un futur dans lequel ce genre de violences n’aurait plus cours ? C’est une aspiration normative qui va bien au-delà de la condamnation momentanée. Pour y parvenir, il nous faut absolument connaître l’histoire de la situation : l’histoire de la formation du Hamas comme groupe militant, dans l’abattement total, après Oslo, pour tous les habitants de Gaza à qui les promesses de gouvernement autonome n’ont jamais été honorées ; l’histoire de la formation des autres groupes palestiniens, de leurs tactiques et de leurs objectifs ; l’histoire enfin du peuple palestinien lui-même, de ses aspirations à la liberté et au #droit_à_l’autodétermination, de son désir de se libérer du régime colonial et de la violence militaire et carcérale permanente. Alors, si le Hamas était dissous ou s’il était remplacé par des groupes non-violents aspirant à la #cohabitation, nous pourrions prendre part à la lutte pour une Palestine libre.

    Quant à ceux dont les préoccupations morales se limitent à la seule condamnation, comprendre la situation n’est pas un objectif. Leur indignation morale est à la fois présentiste et anti-intellectuelle. Et pourtant, l’indignation peut aussi amener quelqu’un à ouvrir des livres d’histoire pour essayer de comprendre comment un événement comme celui-ci a pu arriver, et si les conditions pourraient changer de telle sorte qu’un avenir de violence ne soit pas le seul avenir possible. Jamais la « contextualisation » ne devrait être considérée comme une activité moralement problématique, même s’il y a des formes de contextualisation qui sont utilisées pour excuser ou disculper. Est-il possible de distinguer ces deux formes de contextualisation ? Ce n’est pas parce que certains pensent que contextualiser des violences atroces ne sert qu’à occulter la violence ou, pire encore, à la rationaliser que nous devrions nous soumettre à l’idée que toute forme de contextualisation est toujours une forme de #relativisme_moral.

    Quand les Groupes Solidarité pour la Palestine de Harvard disent que « le régime d’apartheid est le seul responsable » des attaques du Hamas, ils souscrivent à une conception inacceptable de la responsabilité morale. Il semble que pour comprendre comment s’est produit un événement, et ce qu’il signifie, il nous faille apprendre l’histoire. Cela veut dire qu’il nous incombe tout à la fois d’élargir la perspective au-delà de la terrible fascination du moment et, sans jamais nier l’horreur, de ne pas laisser l’#horreur présente représenter toute l’horreur qu’il y a à représenter, et nous efforcer de savoir, de comprendre et de nous opposer.

    Or les médias d’aujourd’hui, pour la plupart d’entre eux, ne racontent pas les horreurs que vivent les Palestiniens depuis des décennies, les bombardements, les tueries, les attaques et les arrestations arbitraires. Et si les horreurs des derniers jours ont pour les médias une importance morale plus grande que les horreurs des soixante-dix dernières années, alors la réaction morale du moment menace d’empêcher et d’occulter toute compréhension des #injustices_radicales endurées depuis si longtemps par la Palestine occupée et déplacée de force.

    Certains craignent, à juste titre, que toute contextualisation des actes violents commis par le Hamas soit utilisée pour disculper le Hamas, ou que la contextualisation détourne l’attention des horreurs perpétrées. Mais si c’est l’horreur elle-même qui nous amenait à contextualiser ? Où commence cette horreur et où finit-elle ? Si les médias parlent aujourd’hui de « guerre » entre le Hamas et Israël, c’est donc qu’ils proposent un cadre pour comprendre la situation. Ils ont, ainsi, compris la situation à l’avance. Si Gaza est comprise comme étant sous occupation, ou si l’on parle à son sujet de « prison à ciel ouvert », alors c’est une autre interprétation qui est proposée. Cela ressemble à une description, mais le langage contraint ou facilite ce que nous pouvons dire, comment nous pouvons décrire, et ce qui peut être connu.

    Oui, la langue peut décrire, mais elle n’acquiert le pouvoir de le faire que si elle se conforme aux limites qui sont imposées à ce qui est dicible. S’il est décidé que nous n’avons pas besoin de savoir combien d’enfants et d’adolescents palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Gaza cette année ou pendant toutes les années de l’occupation, que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre ou qualifier les attaques contre Israël, et les assassinats d’Israéliens, alors il est décidé que nous ne voulons pas connaître l’histoire des violences, du #deuil et de l’indignation telle qu’est vécue par les Palestiniens.

    Une amie israélienne, qui se qualifie elle-même d’« antisioniste », écrit en ligne qu’elle est terrifiée pour sa famille et pour ses amis, et qu’elle a perdu des proches. Et nous devrions tous être de tout cœur avec elle, comme je le suis bien évidemment. Cela est terrible. Sans équivoque. Et pourtant, il n’est pas un moment où sa propre expérience de l’horreur et de la perte de proches ou d’amis est imaginé comme pouvant être ce qu’une Palestinienne éprouve ou a éprouvé de son côté après des années de bombardement, d’incarcération et de violence militaire. Je suis moi aussi une Juive, qui vit avec un #traumatisme_transgénérationnel à la suite des atrocités commises contre des personnes comme moi. Mais ces atrocités ont aussi été commises contre des personnes qui ne sont pas comme moi. Je n’ai pas besoin de m’identifier à tel visage ou à tel nom pour nommer les atrocités que je vois. Ou du moins je m’efforce de ne pas le faire.

    Mais le problème, au bout du compte, n’est pas seulement une absence d’#empathie. Car l’empathie prend généralement forme dans un cadre qui permette qu’une identification se fasse, ou une traduction entre l’expérience d’autrui et ma propre expérience. Et si le cadre dominant considère que certaines vies sont plus dignes d’être pleurées que d’autres, alors il s’ensuit que certaines pertes seront plus terribles que d’autres. La question de savoir quelles vies méritent d’être pleurées fait partie intégrante de la question de savoir quelles sont les vies qui sont dignes d’avoir une valeur. Et c’est ici que le #racisme entre en jeu de façon décisive. Car si les Palestiniens sont des « #animaux », comme le répète Netanyahu, et si les Israéliens représentent désormais « le peuple juif », comme le répète Biden (englobant la diaspora juive dans Israël, comme le réclament les réactionnaires), alors les seules personnes dignes d’être pleurées, les seules qui sont éligibles au deuil, sont les Israéliens, car la scène de « guerre » est désormais une scène qui oppose les Juifs aux animaux qui veulent les tuer.

    Ce n’est certainement pas la première fois qu’un groupe de personnes qui veulent se libérer du joug de la #colonisation sont représentées comme des animaux par le colonisateur. Les Israéliens sont-ils des « animaux » quand ils tuent ? Ce cadre raciste de la violence contemporaine rappelle l’opposition coloniale entre les « civilisés » et les « animaux », qui doivent être écrasés ou détruits pour sauvegarder la « civilisation ». Et lorsque nous rappelons l’existence de ce cadre au moment d’affirmer notre condamnation morale, nous nous trouvons impliqué dans la dénonciation d’une forme de racisme qui va bien au-delà de l’énonciation de la structure de la vie quotidienne en Palestine. Et pour cela, une #réparation_radicale est certainement plus que nécessaire.

    Si nous pensons qu’une condamnation morale doive être un acte clair et ponctuel, sans référence à aucun contexte ni aucun savoir, alors nous acceptons inévitablement les termes dans lesquels se fait cette condamnation, la scène sur laquelle les alternatives sont orchestrées. Et dans ce contexte récent qui nous intéresse, accepter ce cadre, c’est reprendre les formes de #racisme_colonial qui font précisément partie du problème structurel à résoudre, de l’#injustice intolérable à surmonter. Nous ne pouvons donc pas refuser l’histoire de l’injustice au nom d’une certitude morale, car nous risquerions alors de commettre d’autres injustices encore, et notre certitude finirait par s’affaisser sur un fondement de moins en moins solide. Pourquoi ne pouvons-nous pas condamner des actes moralement haïssables sans perdre notre capacité de penser, de connaître et de juger ? Nous pouvons certainement faire tout cela, et nous le devons.

    Les actes de violence auxquels nous assistons via les médias sont horribles. Et dans ce moment où toute notre attention est accaparée par ces médias, les violences que nous voyons sont les seules que nous connaissions. Je le répète : nous avons le droit de déplorer ces violences et d’exprimer notre horreur. Cela fait des jours que j’ai mal au ventre à essayer d’écrire sans trouver le sommeil, et tous les gens que je connais vivent dans la peur de ce que va faire demain la machine militaire israélienne, si le #discours_génocidaire de #Netanyahu va se matérialiser par une option nucléaire ou par d’autres tueries de masse de Palestiniens. Je me demande moi-même si nous pouvons pleurer, sans réserve aucune, pour les vies perdues à Tel-Aviv comme pour les vies perdues à Gaza, sans se laisser entraîner dans des débats sur le relativisme et sur les #fausses_équivalences. Peut-être les limites élargies du deuil peuvent-elles contribuer à un idéal d’#égalité substantiel, qui reconnaisse l’égale pleurabilité de toutes les vies, et qui nous porte à protester que ces vies n’auraient pas dû être perdues, qui méritaient de vivre encore et d’être reconnues, à part égale, comme vies.

    Comment pouvons-nous même imaginer la forme future de l’égalité des vivants sans savoir, comme l’a documenté le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, que les militaires et les colons israéliens ont tué au minimum 3 752 civils palestiniens depuis 2008 à Gaza et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Où et quand le monde a-t-il pleuré ces morts ? Et dans les seuls bombardements et attaques d’octobre, 140 enfants palestiniens ont déjà été tués. Beaucoup d’autres trouveront la mort au cours des actions militaires de « #représailles » contre le Hamas dans les jours et les semaines qui viennent.

    Ce n’est pas remettre en cause nos positions morales que de prendre le temps d’apprendre l’histoire de la #violence_coloniale et d’examiner le langage, les récits et les cadres qui servent aujourd’hui à rapporter et expliquer – et interpréter a priori – ce qui se passe dans cette région. Il s’agit là d’un #savoir_critique, mais qui n’a absolument pas pour but de rationaliser les violences existences ou d’en autoriser d’autres. Son but est d’apporter une compréhension plus exacte de la situation que celle proposée par le cadre incontesté du seul moment présent. Peut-être d’autres positions d’#opposition_morale viendront-elles s’ajouter à celles que nous avons déjà acceptées, y compris l’opposition à la violence militaire et policière qui imprègne et sature la vie des Palestiniens dans la région, leur droit à faire le deuil, à connaître et exprimer leur indignation et leur solidarité, à trouver leur propre chemin vers un avenir de liberté ?

    Personnellement, je défends une politique de #non-violence, sachant qu’elle ne peut constituer un principe absolu, qui trouve à s’appliquer en toutes circonstances. Je soutiens que les #luttes_de_libération qui pratiquent la non-violence contribuent à créer le monde non-violent dans lequel nous désirons tous vivre. Je déplore sans équivoque la violence, et en même temps, comme tant d’autres personnes littéralement stupéfiées devant leur télévision, je veux contribuer à imaginer et à lutter pour la justice et pour l’égalité dans la région, une justice et une égalité qui entraîneraient la fin de l’occupation israélienne et la disparition de groupes comme le Hamas, et qui permettrait l’épanouissement de nouvelles formes de justice et de #liberté_politique.

    Sans justice et sans égalité, sans la fin des violences perpétrées par un État, Israël, qui est fondé sur la violence, aucun futur ne peut être imaginé, aucun avenir de #paix_véritable – et je parle ici de paix véritable, pas de la « #paix » qui n’est qu’un euphémisme pour la #normalisation, laquelle signifie maintenir en place les structures de l’injustice, de l’inégalité et du racisme. Un pareil futur ne pourra cependant pas advenir si nous ne sommes pas libres de nommer, de décrire et de nous opposer à toutes les violences, y compris celles de l’État israélien, sous toutes ses formes, et de le faire sans avoir à craindre la censure, la criminalisation ou l’accusation fallacieuse d’antisémitisme.

    Le monde que je désire est un monde qui s’oppose à la normalisation du régime colonial israélien et qui soutient la liberté et l’autodétermination des Palestiniens, un monde qui réaliserait le désir profond de tous les habitants de ces terres de vivre ensemble dans la liberté, la non-violence, la justice et l’égalité. Cet #espoir semble certainement, pour beaucoup, impossible ou naïf. Et pourtant, il faut que certains d’entre nous s’accrochent farouchement à cet espoir, et refusent de croire que les structures qui existent aujourd’hui existeront toujours. Et pour cela, nous avons besoin de nos poètes, de nos rêveurs, de nos fous indomptés, de tous ceux qui savent comment se mobiliser.

    https://aoc.media/opinion/2023/10/12/condamner-la-violence

    ici aussi : https://seenthis.net/messages/1021216

    #à_lire #7_octobre_2023 #génocide

    • Palestinian Lives Matter Too: Jewish Scholar Judith Butler Condemns Israel’s “Genocide” in Gaza

      We speak with philosopher Judith Butler, one of dozens of Jewish American writers and artists who signed an open letter to President Biden calling for an immediate ceasefire in Gaza. “We should all be standing up and objecting and calling for an end to genocide,” says Butler of the Israeli assault. “Until Palestine is free … we will continue to see violence. We will continue to see this structural violence producing this kind of resistance.” Butler is the author of numerous books, including The Force of Nonviolence: An Ethico-Political Bind and Parting Ways: Jewishness and the Critique of Zionism. They are on the advisory board of Jewish Voice for Peace.

      https://www.youtube.com/watch?v=CAbzV40T6yk

  • Nostalgie
    https://tagrawlaineqqiqi.wordpress.com/2023/10/21/nostalgie

    Chose rare, j’ai été saisie hier d’une vague de nostalgie. Ça ne m’arrive pas souvent, ça n’est pas franchement dans ma nature, et il y a un je-ne-sais-quoi de « c’était mieux avant » que je n’aime pas dans la nostalgie. Mais ça m’arrive quand même parfois de regarder le passé, puis le présent, et de pousser […]

    #Société #contrôle_social #musique #Politique
    https://0.gravatar.com/avatar/cd5bf583a4f6b14e8793f123f6473b33bb560651f18847079e51b3bcad719755?s=96&d=

  • Bulgaria : lottare per vivere, lottare per morire

    Di morti insepolti, notti insonni e domande che non avranno risposta

    “ГРАНИЦИТЕ УБИВАТ”, ovvero “I confini uccidono”. Questa scritta campeggia su delle vecchie cisterne arrugginite lungo la statale 79, la strada che collega Elhovo a Burgas, seguendo il confine bulgaro-turco fino al Mar Nero. L’abbiamo fatta noi del Collettivo Rotte Balcaniche (https://www.facebook.com/profile.php?id=100078755275162), rossa come il sangue che abbiamo visto scorrere in queste colline. Volevamo imprimere nello spazio fisico un ricordo di chi proprio tra questi boschi ha vissuto i suoi ultimi istanti, lasciare un segno perché la memoria avesse una dimensione materiale. Dall’altra parte, volevamo lanciare un monito, per parlare a chi continua a transitare su questa strada ignorandone la puzza di morte e a chi ne è direttamente responsabile, per dire “noi sappiamo e non dimenticheremo”. Ne è uscita una semplice scritta che forse in pochi noteranno. Racchiude le lacrime che accompagnano i ricordi e un urlo che monta dentro, l’amore e la rabbia.

    Dall’anno passato il confine bulgaro-turco è tornato ad essere la prima porta terrestre d’Europa. I dati diffusi dalla Polizia di frontiera bulgara contano infatti oltre 158 mila tentativi di ingresso illegale nel territorio impediti nei primi nove mesi del 2023, a fronte dei 115 mila nel corrispondente periodo del 2022, anno in cui le medesime statistiche erano già più che triplicate 1. Il movimento delle persone cambia a seconda delle politiche di confine, come un flusso d’acqua alla ricerca di un varco, così la totale militarizzazione del confine di terra greco-turco, che si snoda lungo il fiume Evros, ha spostato le rotte migratorie verso la più porosa frontiera bulgara. Dall’altro lato, la sempre più aggressiva politica di deportazioni di Erdogan – che ha già ricollocato con la forza 600 mila rifugiatə sirianə nel nord-ovest del paese, sotto il controllo turco, e promette di raggiungere presto la soglia del milione – costringe gli oltre tre milioni di sirianə che vivono in Turchia a muoversi verso luoghi più sicuri.

    Abbiamo iniziato a conoscere la violenza della polizia bulgara più di un anno fa, non nelle inchieste giornalistiche ma nei racconti delle persone migranti che incontravamo in Serbia, mentre ci occupavamo di distribuire cibo e docce calde a chi veniva picchiatə e respintə dalle guardie di frontiera ungheresi. Siamo un gruppo di persone solidali che dal 2018 ha cominciato a viaggiare lungo le rotte balcaniche per supportare attivamente lə migrantə in cammino, e da allora non ci siamo più fermatə. Anche se nel tempo siamo cresciutə, rimaniamo un collettivo autorganizzato senza nessun riconoscimento formale. Proprio per questo, abbiamo deciso di muoverci verso i contesti caratterizzati da maggior repressione, laddove i soggetti più istituzionali faticano a trovare agibilità e le pratiche di solidarietà assumono un valore conflittuale e politico. Uno dei nostri obiettivi è quello di essere l’anti-confine, costruendo vie sicure attraverso le frontiere, ferrovie sotterranee. Tuttavia, non avremmo mai pensato di diventare un “rescue team”, un equipaggio di terra, ovvero di occuparci di ricerca e soccorso delle persone disperse – vive e morte – nelle foreste della Bulgaria.

    La prima operazione di salvataggio in cui ci siamo imbattutə risale alle notte tra il 19 e il 20 luglio. Stavo per andare a dormire, verso l’una, quando sento insistentemente suonare il telefono del Collettivo – telefono attraverso cui gestiamo le richieste di aiuto delle persone che vivono nei campi rifugiati della regione meridionale della Bulgaria 2. Era M., un signore siriano residente nel campo di Harmanli, che avevo conosciuto pochi giorni prima. «C’è una donna incinta sulla strada 79, serve un’ambulanza». Con lei, le sue due bambine di tre e sei anni. Chiamiamo il 112, numero unico per le emergenze, dopo averla messa al corrente che probabilmente prima dell’ambulanza sarebbe arrivata la polizia, e non potevamo sapere cosa sarebbe successo. Dopo aver capito che il centralino ci stava mentendo, insinuando che le squadre di soccorso erano uscite senza aver trovato nessuno alle coordinate che avevamo segnalato, decidiamo di muoverci in prima persona. Da allora, si sono alternate settimane più e meno intense di uscite e ricerche. Abbiamo un database che raccoglie la quarantina di casi di cui ci siamo in diversi modi occupatə da fine luglio e metà ottobre: nomi, storie e foto che nessunə vorrebbe vedere. In questi mesi tre mesi si è sviluppata anche una rete di associazioni con cui collaboriamo nella gestione delle emergenze, che comprende in particolare #CRG (#Consolidated_Rescue_Group: https://www.facebook.com/C.R.G.2022), gruppo di volontariə sirianə che fa un incredibile lavoro di raccolta di segnalazioni di “distress” e “missing people” ai confini d’Europa, nonché di relazione con lə familiari.

    Ricostruire questo tipo di situazioni è sempre complicato: le informazioni sono frammentate, la cronologia degli eventi incerta, l’intervento delle autorità poco prevedibile. Spesso ci troviamo ad unire tessere di un puzzle che non combacia. Sono le persone migranti stesse a lanciare l’SOS, oppure, se non hanno un telefono o è scarico, le “guide” 3 che le accompagnano nel viaggio. Le richieste riportano i dati anagrafici, le coordinate, lo stato di salute della persona. Le famiglie contattano poi organizzazioni solidali come CRG, che tra lə migrantə sirianə è un riferimento fidato. L’unica cosa che noi possiamo fare – ma che nessun altro fa – è “metterci il corpo”, frapporci tra la polizia e le persone migranti. Il fatto che ci siano delle persone bianche ed europee nel luogo dell’emergenza obbliga i soccorsi ad arrivare, e scoraggia la polizia dal respingere e torturare. Infatti, è la gerarchia dei corpi che determina quanto una persona è “salvabile”, e le vite migranti valgono meno di zero. Nella notte del 5 agosto, mentre andavamo a recuperare il cadavere di H., siamo fermatə da un furgone scuro, senza insegne della polizia. È una pattuglia del corpo speciale dell’esercito che si occupa di cattura e respingimento. Gli diciamo la verità: stiamo andando a cercare un ragazzo morto nel bosco, abbiamo già avvisato il 112. Uno dei soldati vuole delle prove, gli mostriamo allora la foto scattata dai compagni di viaggio. Vedendo il cadavere, si mette a ridere, “it’s funny”, dice.

    Ogni strada è un vicolo cieco che conduce alla border police, che non ha nessun interesse a salvare le vite ma solo ad incriminare chi le salva. Dobbiamo chiamare subito il 112, accettando il rischio che la polizia possa arrivare prima di noi e respingere le persone in Turchia, lasciandole nude e ferite nel bosco di frontiera, per poi essere costrette a riprovare quel viaggio mortale o imprigionate e deportate in Siria? Oppure non chiamare il 112, perdendo così quel briciolo di possibilità che veramente un’ambulanza possa, prima o poi, arrivare e potenzialmente salvare una vita? Il momento dell’intervento mette ogni volta di fronte a domande impossibili, che rivelano l’asimmetria di potere tra noi e le autorità, di cui non riusciamo a prevedere le mosse. Alcuni cambiamenti, però, li abbiamo osservati con continuità anche nel comportamento della polizia. Se inizialmente le nostre azioni sono riuscite più volte ad evitare l’omissione di soccorso, salvando persone che altrimenti sarebbero state semplicemente lasciate morire, nell’ultimo mese le nostre ricerche sono andate quasi sempre a vuoto. Questo perché la polizia arriva alle coordinate prima di noi, anche quando non avvisiamo, o ci intercetta lungo la strada impedendoci di continuare. Probabilmente non sono fatalità ma stanno controllando i nostri movimenti, per provare a toglierci questo spazio di azione che ci illudevamo di aver conquistato.

    Tuttavia, sappiamo che i casi che abbiamo intercettato sono solo una parte del totale. Le segnalazioni che arrivano attraverso CRG riguardano quasi esclusivamente persone di origini siriane, mentre raramente abbiamo ricevuto richieste di altre nazionalità, che sappiamo però essere presenti. Inoltre, la dottoressa Mileva, capo di dipartimento dell’obitorio di Burgas, racconta che quasi ogni giorno arriva un cadavere, “la maggior parte sono pieni di vermi, alcuni sono stati mangiati da animali selvatici”. Non sanno più dove metterli, le celle frigorifere sono piene di corpi non identificati ma le famiglie non hanno la possibilità di venire in Bulgaria per avviare le pratiche di riconoscimento, rimpatrio e sepoltura. Infatti, è impossibile ottenere un visto per venire in Europa, nemmeno per riconoscere un figlio – e non ci si può muovere nemmeno da altri paesi europei se si è richiedenti asilo. In alternativa, servono i soldi per la delega ad unə avvocatə e per effettuare il test del DNA attraverso l’ambasciata. Le procedure burocratiche non conoscono pietà. Le politiche di confine agiscono tanto sul corpo vivo quanto su quello morto, quindi sulla possibilità di vivere il lutto, di avere semplicemente la certezza di aver perso una sorella, una madre, un fratello. Solo per sapere se piangere. Anche la morte è una conquista sociale.

    «Sono una sorella inquieta da 11 mesi. Non dormo più la notte e passo delle giornate tranquille solo grazie ai sedativi e alle pillole per la depressione. Ovunque abbia chiesto aiuto, sono rimasta senza risposte. Vi chiedo, se è possibile, di prendermi per mano, se c’è bisogno di denaro, sono pronta a indebitarmi per trovare mio fratello e salvare la mia vecchia madre da questa lenta morte». Così ci scrive S., dalla Svezia. Suo fratello aveva 30 anni, era scappato dall’Afghanistan dopo il ritorno dei Talebani, perché lavorava per l’esercito americano. Aveva lasciato la Turchia per dirigersi verso la Bulgaria il 21 settembre 2022, ma il 25 non era più stato in grado di continuare il cammino a causa dei dolori alle gambe. In un video, gli smuggler che guidavano il viaggio spiegano che lo avrebbero lasciato in un determinato punto, nei pressi della strada 79, e che dopo aver riposato si sarebbe dovuto consegnare alla polizia. Da allora di lui si sono perse le tracce. Non è stato ritrovato nella foresta, né nei campi rifugiati, né tra i corpi dell’obitorio. È come se fosse stato inghiottito dalla frontiera. S. ci invia i nomi, le foto e le date di scomparsa di altre 14 persone, quasi tutte afghane, scomparse l’anno scorso. Lei è in contatto con tutte le famiglie. Neanche noi abbiamo risposte: più la segnalazione è datata più è difficile poter fare qualcosa. Sappiamo che la cosa più probabile è che i corpi siano marciti nel sottobosco, ma cosa dire allə familiari che ancora conservano un’irrazionale speranza? Ormai si cammina sulle ossa di chi era venuto prima, e lì era rimasto.

    –—

    1. РЕЗУЛТАТИ ОТ ДЕЙНОСТТА НА МВР ПРЕЗ 2022 г., Противодействие на миграционния натиск и граничен контрол (Risultati delle attività del Ministero dell’Interno nel 2022, Contrasto alla pressione migratoria e controllo delle frontiere), p. 14.
    2. Per quanto riguarda lə richiedenti asilo, il sistema di “accoglienza” bulgaro è gestito dall’agenzia governativa SAR, e si articola nei campi ROC (Registration and reception center) di Voenna Rampa (Sofia), Ovcha Kupel (Sofia), Vrajdebna (Sofia), Banya (Nova Zagora) e Harmanli, oltre al transit centre di Pastrogor (situato nel comune di Svilengrad), dove si effettuano proceduredi asilo accelerate. […] I centri di detenzione sono due: Busmantsi e Lyubimets. Per approfondire, è disponibile il report scritto dal Collettivo.
    3. Anche così sono chiamati gli smuggler che conducono le persone nel viaggio a piedi.

    https://www.meltingpot.org/2023/10/bulgaria-lottare-per-vivere-lottare-per-morire

    #Bulgarie #Turquie #asile #migrations #réfugiés #frontières #décès #mourir_aux_frontières #street-art #art_de_rue #route_des_Balkans #Balkans #mémoire #morts_aux_frontières #murs #barrières_frontalières #Elhovo #Burgas #Evros #Grèce #routes_migratoires #militarisation_des_frontières #violence #violences_policières #solidarité #anti-frontières #voies_sures #route_79 #collettivo_rotte_balcaniche #hiréarchie_des_corps #racisme #Mileva_Galya #Galya_Mileva

    • Bulgaria, lasciar morire è uccidere

      Collettivo Rotte Balcaniche Alto Vicentino: la cronaca di un’omissione di soccorso sulla frontiera bulgaro-turca


      I fatti si riferiscono alla notte tra il 19 e il 20 luglio 2023. Per tutelare le persone coinvolte, diffondiamo questo report dopo alcune settimane. Dopo questo primo intervento, come Collettivo Rotte Balcaniche continuiamo ad affrontare emergenze simili, agendo in prima persona nella ricerca e soccorso delle persone bloccate nei boschi lungo la frontiera bulgaro-turca.

      01.00 di notte, suona il telefono del Collettivo. “We got a pregnant woman on Route 79“, a contattarci è un residente nel campo di Harmanli, amico del marito della donna e da noi conosciuto qualche settimana prima. E’ assistito da un’interprete, anch’esso residente nel campo. Teme di essere accusato di smuggling, chiede se possiamo essere noi a chiamare un’ambulanza. La route 79 è una delle strade più pattugliate dalla border police, in quanto passaggio quasi obbligato per chi ha attraversato il confine turco e si muove verso Sofia. Con l’aiuto dell’interprete chiamiamo la donna: è all’ottavo mese di gravidanza e, con le due figlie piccole, sono sole nella jungle. Stremate, sono state lasciate vicino alla strada dal gruppo con cui stavano camminando, in attesa di soccorsi. Ci dà la sua localizzazione: 42.12.31.6N 27.00.20.9E. Le spieghiamo che il numero dell’ambulanza è lo stesso della polizia: c’è il rischio che venga respinta illegalmente in Turchia. Lei lo sa e ci chiede di farlo ugualmente.

      Ore 02.00, prima chiamata al 112. La registriamo, come tutte le successive. Non ci viene posta nessuna domanda sulle condizioni della donna o delle bambine, ma siamo tenuti 11 minuti al telefono per spiegare come siamo venuti in contatto con la donna, come ha attraversato il confine e da dove viene, chi siamo, cosa facciamo in Bulgaria. Sospettano un caso di trafficking e dobbiamo comunicare loro il numero dell’”intermediario” tra noi e lei. Ci sentiamo sotto interrogatorio. “In a couple of minutes our units are gonna be there to search the woman“, sono le 02.06. Ci rendiamo conto di non aver parlato con dei soccorritori, ma con dei poliziotti.

      Ore 03.21, è passata un’ora e tutto tace: richiamiamo il 112. Chiediamo se hanno chiamato la donna, ci rispondono: “we tried contacting but we can’t reach the phone number“. La donna ci dice che in realtà non l’hanno mai chiamata. Comunichiamo di nuovo la sua localizzazione: 42.12.37.6N 27.00.21.5E. Aggiungiamo che è molto vicino alla strada, ci rispondono: “not exactly, it’s more like inside of the woods“, “it’s exactly like near the border, and it’s inside of a wood region, it’s a forest, not a street“. Per fugare ogni dubbio, chiediamo: “do you confirm that the coordinates are near to route 79?“. Ci tengono in attesa, rispondono: “they are near a main road. Can’t exactly specify if it’s 79“. Diciamo che la donna è svenuta. “Can she dial us? Can she call so we can get a bit more information?“. Non capiamo di che ulteriori informazioni abbiano bisogno, siamo increduli: “She’s not conscious so I don’t think she’ll be able to make the call“. Suggeriscono allora che l’interprete si metta in contatto diretto con loro. Sospettiamo che vogliano tagliarci fuori. Sono passati 18 minuti, la chiamata è stata una farsa. Se prima temevamo le conseguenze dell’arrivo della polizia, ora abbiamo paura che non arrivi nessuno. Decidiamo di metterci in strada, ci aspetta 1h e 40 di viaggio.

      Ore 04.42, terza chiamata. Ci chiedono di nuovo tutte le informazioni, ancora una volta comunichiamo le coordinate gps. Diciamo che stiamo andando in loco ed incalziamo: “Are there any news on the research?“. “I can’t tell this“. Attraverso l’interprete rimaniamo in costante contatto con la donna. Conferma che non è arrivata alcuna searching unit. La farsa sta diventando una tragedia.

      Ore 06.18, quarta chiamata. Siamo sul posto e la strada è deserta. Vogliamo essere irreprensibili ed informarli che siamo arrivati. Ripetiamo per l’ennesima volta che chiamiamo per una donna incinta in gravi condizioni. Il dialogo è allucinante, ricominciano con le domande: “which month?“, “which baby is this? First? Second?“, “how old does she look like?“, “how do you know she’s there? she called you or what?“. Gli comunichiamo che stiamo per iniziare a cercarla, ci rispondono: “we are looking for her also“. Interveniamo: “Well, where are you because there is no one here, we are on the spot and there is no one“. Si giustificano: “you have new information because obviously she is not at the one coordinates you gave“, “the police went three times to the coordinates and they didn’t find the woman, the coordinates are wrong“. Ancora una volta, capiamo che stanno mentendo.

      Faremo una quinta chiamata alle 06.43, quando l’avremo già trovata. Ci richiederanno le coordinate e ci diranno di aspettarli lungo la strada.

      La nostra ricerca dura pochi minuti. La donna ci invia di nuovo la posizione: 42.12.36.3N 27.00.43.3E. Risulta essere a 500 metri dalle coordinate precedenti, ma ancor più vicina alla strada. Gridiamo “hello” e ci facciamo guidare dalle voci: la troviamo letteralmente a due metri dalla strada, su un leggero pendio, accasciata sotto un albero e le bambine al suo fianco. Vengono dalla Siria, le bambine hanno 4 e 7 anni. Lei è troppo debole per alzarsi. Abbiamo per loro sono dell’acqua e del pane. C’è lì anche un ragazzo, probabilmente minorenne, che le ha trovate ed è rimasto ad aiutarle. Lo avvertiamo che arriverà la polizia. Non vuole essere respinto in Turchia, riparte solo e senza zaino. Noi ci guardiamo attorno: la “foresta” si rivela essere una piccola striscia alberata di qualche metro, che separa la strada dai campi agricoli.

      Dopo poco passa una ronda della border police, si fermano e ci avvicinano con la mano sulla pistola. Non erano stati avvertiti: ci aggrediscono con mille domande senza interessarsi alla donna ed alle bambine. Ci prendono i telefoni, ci cancellano le foto fatte all’arrivo delle volanti. Decidiamo di chiamare un’avvocata locale nostra conoscente: lei ci risponde che nei boschi è normale che i soccorsi tardino e ci suggerisce di andarcene per lasciar lavorare la polizia. Nel frattempo arrivano anche la gendarmerie e la local police.

      Manca solo l’unica cosa necessaria e richiesta: l’ambulanza, che non arriverà mai.

      Ore 07.45, la polizia ci scorta nel paese più vicino – Sredets – dove ci ha assicurato esserci un ospedale. Cercano di dividere la donna e le bambine in auto diverse. Chiediamo di portarle noi tutte assieme in macchina. A Sredets, tuttavia, siamo condotti nella centrale della border police. Troviamo decine di guardie di frontiera vestite mimetiche, armate di mitraglie, che escono a turno su mezzi militari, due agenti olandesi di Frontex, un poliziotto bulgaro con la maglia del fascio littorio dei raduni di Predappio. Siamo relegati nel fondo di un corridoio, in piedi, circondati da cinque poliziotti. Il più giovane urla e ci dice che saremo trattenuti “perché stai facendo passare migranti clandestini“. Chiediamo acqua ed un bagno per la donna e le bambine, inizialmente ce li negano. Rimaniamo in attesa, ora ci dicono che non possono andare in ospedale in quanto senza documenti, sono in stato di arresto.

      Ore 09.00, arriva finalmente un medico: parla solamente in bulgaro, visita la donna in corridoio senza alcuna privacy, chiedendole di scoprire la pancia davanti ai 5 poliziotti. Chiamiamo ancora una volta l’avvocata, vogliamo chiedere che la donna sia portata in un ambulatorio e che abbia un interprete. Rimaniamo inascoltati. Dopo a malapena 5 minuti il medico conclude la sua visita, consigliando solamente di bere molta acqua.

      Ore 09.35, ci riportano i nostri documenti e ci invitano ad andarcene. E’ l’ultima volta che vediamo la donna e le bambine. Il telefono le viene sequestrato. Non viene loro permesso di fare la richiesta di asilo e vengono portate nel pre-removal detention centre di Lyubimets. Prima di condurci all’uscita, si presenta un tale ispettore Palov che ci chiede di firmare tre carte. Avrebbero giustificato le ore passate in centrale come conversazione avuta con l’ispettore, previa convocazione ufficiale. Rifiutiamo.

      Sulla via del ritorno ripercorriamo la Route 79, è estremamente pattugliata dalla polizia. Pensiamo alle tante persone che ogni notte muoiono senza nemmeno poter chiedere aiuto, oltre alle poche che lo chiedono invano. Lungo le frontiere di terra come di mare, l’omissione di soccorso è una precisa strategia delle autorità.

      L’indomani incontriamo l’amico del marito della donna. Sa che non potrà più fare qualcosa di simile: sarebbe accusato di smuggling e perderebbe ogni possibilità di ricostruirsi una vita in Europa. Invece noi, attivisti indipendenti, possiamo e dobbiamo continuare: abbiamo molto meno da perdere. Ci è chiara l’urgenza di agire in prima persona e disobbedire a chi uccide lasciando morire.

      Dopo 20 giorni dall’accaduto riusciamo ad incontrare la donna con le bambine, che sono state finalmente trasferite al campo aperto di Harmanli. Sono state trattenute quindi nel centro di detenzione di Lyubimets per ben 19 giorni. La donna ci riferisce che, durante la loro permanenza, non è mai stata portata in ospedale per eseguire accertamenti, necessari soprattutto per quanto riguarda la gravidanza; è stata solamente visitata dal medico del centro, una visita molto superficiale e frettolosa, molto simile a quella ricevuta alla stazione di polizia di Sredets. Ci dà inoltre il suo consenso alla pubblicazione di questo report.

      https://www.meltingpot.org/2023/08/bulgaria-lasciar-morire-e-uccidere

      #laisser_mourir

    • Bulgaria, per tutti i morti di frontiera

      Collettivo Rotte Balcaniche Alto Vicentino: un racconto di come i confini d’Europa uccidono nel silenzio e nell’indifferenza


      Da fine giugno il Collettivo Rotte Balcaniche Alto Vicentino è ripartito per un nuovo progetto di solidarietà attiva e monitoraggio verso la frontiera più esterna dell’Unione Europea, al confine tra Bulgaria e Turchia.
      Pubblichiamo il secondo report delle “operazioni di ricerca e soccorso” che il Collettivo sta portando avanti, in cui si racconta del ritrovamento del corpo senza vita di H., un uomo siriano che aveva deciso di sfidare la fortezza Europa. Come lui moltə altrə tentano il viaggio ogni giorno, e muoiono nelle foreste senza che nessuno lo sappia. Al Collettivo è sembrato importante diffondere questa storia perchè parla anche di tutte le altre storie che non potranno essere raccontate, affinché non rimangano seppellite nel silenzio dei confini.

      Ore 12, circa, al numero del collettivo viene segnalata la presenza del corpo di un ragazzo siriano di trent’anni, H., morto durante un tentativo di game in prossimità della route 79. Abbiamo il contatto di un fratello, che comunica con noi attraverso un cugino che fa da interprete. Chiedono aiuto nel gestire il recupero, il riconoscimento e il rimpatrio del corpo; ci mandano le coordinate e capiamo che il corpo si trova in mezzo ad un bosco ma vicino ad un sentiero: probabilmente i suoi compagni di viaggio lo hanno lasciato lì così che fosse facilmente raggiungibile. Nelle ore successive capiamo insieme come muoverci.

      Ore 15, un’associazione del territorio con cui collaboriamo chiama una prima volta il 112, il numero unico per le emergenze. Ci dice che il caso è stato preso in carico e che le autorità hanno iniziato le ricerche. Alla luce di altri episodi simili, decidiamo di non fidarci e iniziamo a pensare che potrebbe essere necessario metterci in viaggio.

      Ore 16.46, chiamiamo anche noi il 112, per mettere pressione ed assicurarci che effettivamente ci sia una squadra di ricerca in loco: decidiamo di dire all’operatore che c’è una persona in condizioni critiche persa nei boschi e diamo le coordinate precise. Come risposta ci chiede il nome e, prima ancora di informazioni sul suo stato di salute, la sua nazionalità. E’ zona di frontiera: probabilmente, la risposta a questa domanda è fondamentale per capire che priorità dare alla chiamata e chi allertare. Quando diciamo che è siriano, arriva in automatico la domanda: “How did he cross the border? Legally or illegally?“. Diciamo che non lo sappiamo, ribadiamo che H. ha bisogno di soccorso immediato, potrebbe essere morto. L’operatore accetta la nostra segnalazione e ci dice che polizia e assistenza medica sono state allertate. Chiediamo di poter avere aggiornamenti, ma non possono richiamarci. Richiameremo noi.

      Ore 17.54, richiamiamo. L’operatrice ci chiede se il gruppo di emergenza è arrivato in loco, probabilmente pensando che noi siamo insieme ad H. La informiamo che in realtà siamo a un’ora e mezzo di distanza, ma che ci possiamo muovere se necessario. Ci dice che la border police “was there” e che “everything will be okay if you called us“, ma non ha informazioni sulle sorti di H. Le chiediamo, sempre memori delle false informazioni degli altri casi, come può essere sicura che una pattuglia si sia recata in loco; solo a questo punto chiama la border police. “It was my mistake“, ci dice riprendendo la chiamata: gli agenti non lo hanno trovato, “but they are looking for him“. Alle nostre orecchie suona come una conferma del fatto che nessuna pattuglia sia uscita a cercarlo. L’operatrice chiude la chiamata con un: “If you can, go to this place, [to] this GPS coordinates, because they couldn’t find this person yet. If you have any information call us again“. Forti di questo via libera e incazzatə di dover supplire alle mancanze della polizia ci mettiamo in viaggio.

      Ore 18.30, partiamo, chiamando il 112 a intervalli regolari lungo la strada: emerge grande indifferenza, che diventa a tratti strafottenza rispetto alla nostra insistenza: “So what do you want now? We don’t give information, we have the signal, police is informed“. Diciamo che siamo per strada: “Okay“.

      Ore 20.24, parcheggiamo la macchina lungo una strada sterrata in mezzo al bosco. Iniziamo a camminare verso le coordinate mentre il sole dietro di noi inizia a tramontare. Richiamiamo il 112, informando del fatto che non vediamo pattuglie della polizia in giro, nonostante tutte le fantomatiche ricerche già partite. Ci viene risposto che la polizia è stata alle coordinate che noi abbiamo dato e non ha trovato nessuno; gli avvenimenti delle ore successive dimostreranno che questa informazione è falsa.

      “I talked with Border Police, today they have been in this place searching for this guy, they haven’t find anybody, so“

      “So? […] What are they going to do?“

      “What do you want from us [seccato]? They haven’t found anyone […]“

      “They can keep searching.”

      “[aggressivo] They haven’t found anybody on this place. What do you want from us? […] On this location there is no one. […] You give the location and there is no one on this location“.

      Ore 21.30, arriviamo alle coordinate attraverso un bosco segnato da zaini e bottiglie vuote che suggeriscono il passaggio di persone in game. Il corpo di H. è lì, non un metro più avanti, non uno più indietro. I suoi compagni di viaggio, nonostante la situazione di bisogno che la rotta impone, hanno avuto l’accortezza di lasciargli a fianco il suo zaino, il suo telefono e qualche farmaco. E’ evidente come nessuna pattuglia della polizia sia stata sul posto, probabilmente nessuna è neanche mai uscita dalla centrale. Ci siamo mosse insieme a una catena di bugie. Richiamiamo il 112 e l’operatrice allerta la border police. Questa volta, visto il tempo in cui rimaniamo in chiamata in attesa, parrebbe veramente.

      Ore 21.52, nessuno in vista. Richiamiamo insistendo per sapere dove sia l’unità di emergenza, dato che temiamo ancora una volta l’assoluto disinteresse di chi di dovere. Ci viene risposto: “Police crew is on another case, when they finish the case they will come to you. […] There is too many case for police, they have only few car“. Vista la quantità di posti di blocco e di automobili della polizia che abbiamo incrociato lungo la route 79 e i racconti dei suoi interventi continui, capillari e violenti in “protezione” dei confini orientali dell’UE, non ci pare proprio che la polizia non possegga mezzi. Evidentemente, di nuovo, è una questione di priorità dei casi e dei fini di questi: ci si muove per controllare e respingere, non per soccorrere. Insistiamo, ci chiedono informazioni su di noi e sulla macchina:

      “How many people are you?“

      “Three people“

      “Only women?”

      “Yes…”

      “Have patience and stay there, they will come“.

      Abbiamo la forte percezione che il fatto di essere solo ragazze velocizzerà l’intervento e che di certo nessuno si muoverà per H.: il pull factor per l’intervento della polizia siamo diventate noi, le fanciulle italiane in mezzo al bosco da salvare. Esplicitiamo tra di noi la necessità di mettere in chiaro, all’eventuale arrivo della polizia, che la priorità per noi è il recupero del corpo di H. Sentiamo anche lə compagnə che sono rimastə a casa: davanti all’ennesimo aggiornamento di stallo, in tre decidono di partire da Harmanli e di raggiungerci alle coordinate; per loro si prospetta un’ora e mezzo in furgone: lungo la strada, verranno fermati tre volte a posti di blocco, essendo i furgoni uno dei mezzi preferiti dagli smuggler per muovere le persone migranti verso Sofia.

      Ore 22, continuiamo con le chiamate di pressione al 112. E’ una donna a rispondere: la sua voce suona a tratti preoccupata. Anche nella violenza della situazione, registriamo come la socializzazione di genere sia determinante rispetto alla postura di cura. Si connette con la border police: “Police is coming to you in 5…2 minutes“, ci dice in un tentativo di rassicurarci. Purtroppo, sappiamo bene che le pratiche della polizia sono lontane da quelle di cura e non ci illudiamo: l’attesa continuerà. Come previsto, un’ora dopo non è ancora arrivato nessuno. All’ennesima chiamata, il centralinista ci chiede informazioni sulla morfologia del territorio intorno a noi. Questa richiesta conferma quello che ormai già sapevamo: la polizia, lì, non è mai arrivata.

      Ore 23.45, delle luci illuminano il campo in cui siamo sedute ormai da ore vicine al corpo di H. E’ una macchina della polizia di frontiera, con sopra una pattuglia mista di normal police e border police. Nessuna traccia di ambulanza, personale medico o polizia scientifica. Ci chiedono di mostrargli il corpo. Lo illuminano distrattamente, fanno qualche chiamata alla centrale e tornano a noi: ci chiedono come siamo venute a sapere del caso e perchè siamo lì. Gli ribadiamo che è stata un’operatrice del 112 a suggerici ciò: la cosa ci permette di giustificare la nostra presenza in zona di confine, a fianco ad un corpo senza vita ed evitare le accuse di smuggling.

      Ore 23.57, ci propongono di riaccompagnarci alla nostra macchina, neanche 10 minuti dopo essere arrivati. Noi chiediamo cosa ne sarà del corpo di H. e un agente ci risponde che arriverà un’unità di emergenza apposita. Esplicitiamo la nostra volontà di aspettarne l’arrivo, vogliamo tentare di ottenere il maggior numero di informazioni da comunicare alla famiglia e siamo preoccupate che, se noi lasciamo il campo, anche la pattuglia abbandonerà il corpo. Straniti, e forse impreparati alla nostra presenza e insistenza, provano a convincerci ad andare, illustrando una serie farsesca di pericoli che vanno dal fatto che sia zona di frontiera interdetta alla presenza di pericolosi migranti e calabroni giganti. Di base, recepiamo che non hanno una motivazioni valida per impedirci di rimanere.

      Quando il gruppo di Harmanli arriva vicino a noi, la polizia li sente arrivare prima di vederli e pensa che siano un gruppo di migranti; a questo stimolo, risponde con la prontezza che non ha mai dimostrato rispetto alle nostre sollecitazioni. Scatta verso di loro con la mano a pistola e manganello e le torce puntate verso il bosco. Li trova, ma il loro colore della pelle è nello spettro della legittimità. Va tutto bene, possono arrivare da noi. Della pattuglia di sei poliziotti, tre vanno via in macchina, tre si fermano effettivamente per la notte; ci chiediamo se sarebbe andata allo stesso modo se noi con i nostri occhi bianchi ed europei non fossimo stati presenti. Lo stallo continua, sostanzialmente, fino a mattina: la situazione è surreale, con noi sdraiati a pochi metri dalla polizia e dal corpo di H. L’immagine che ne esce parla di negligenza delle istituzioni, della gerarchia di vite che il confine crea e dell’abbandono sistematico dei corpi che vi si muovono intorno, se non per un loro possibile respingimento.

      Ore 8 di mattina, l’indifferenza continua anche quando arriva la scientifica, che si muove sbrigativa e sommaria intorno al corpo di H., vestendo jeans e scattando qualche fotografia simbolica. Il tutto non dura più di 30 minuti, alla fine dei quali il corpo parte nella macchina della border police, senza comunicazione alcuna sulla sua direzione e sulle sue sorti. Dopo la solita strategia di insistenza, riusciamo ad apprendere che verrà portato all’obitorio di Burgas, ma non hanno nulla da dirci su quello che avverrà dopo: l’ipotesi di un rimpatrio della salma o di un possibile funerale pare non sfiorare nemmeno i loro pensieri. Scopriremo solo in seguito, durante una c​hiamata con la famiglia, che H., nella migliore delle ipotesi, verrà seppellito in Bulgaria, solo grazie alla presenza sul territorio bulgaro di un parente di sangue, da poco deportato dalla Germania secondo le direttive di Dublino, che ha potuto riconoscere ufficialmente il corpo. Si rende palese, ancora una volta, l’indifferenza delle autorità nei confronti di H., un corpo ritenuto illegittimo che non merita nemmeno una sepoltura. La morte è normalizzata in questi spazi di confine e l’indifferenza sistemica diventa un’arma, al pari della violenza sui corpi e dei respingimenti, per definire chi ha diritto a una vita degna, o semplicemente a una vita.

      https://www.meltingpot.org/2023/08/bulgaria-per-tutti-i-morti-di-frontiera

  • Les errements d’Arendt
    https://laviedesidees.fr/Belle-Hannah-Arendt-et-la-question-noire

    La philosophe américaine K. S. Belle analyse la façon superficielle dont Hannah Arendt commenta en 1957 la fin de la #ségrégation raciale aux #États-Unis. Si les critiques de Belle s’avèrent souvent justes, elles ne sauraient s’étendre à l’ensemble de l’œuvre d’Arendt. À propos de : Kathryn Sophia Belle, Hannah Arendt et la question noire, éd. Kimé

    #Philosophie #Histoire #racisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231018_arendt.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231018_arendt.docx

  • De la #circulation des termes et des images xénophobes...

    Il y a longtemps, j’avais écrit ce texte pour @visionscarto (quand encore le blog était hébergé sur le site du Monde Diplo) :
    En Suisse, pieds nus contre rangers
    https://visionscarto.net/en-suisse-pieds-nus-contre-rangers

    Je montrais notamment comment le #poster de cette campagne emblématique de l’#UDC en #Suisse avait circuler dans les sphères de l’#extrême_droite européenne.

    L’original made in Switzerland :

    La même idée des #moutons reprise par la #Lega_Nord en #Italie :


    Et le #NPD en #Allemagne :

    Cette #campagne avait été conçue par l’#UDC pour soutenir leur #initiative dite « Pour le renvoi des #étrangers_criminels » (débutée en 2010, mais qui a pourri le paysage suisse pendant des années... oui, car ces posters ont été tapissés dans l’espace public suisse pendant bien trop longtemps car il y a eu des rebondissements) :
    – "Initiative populaire « Pour le renvoi des étrangers criminels »" (2008) https://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_populaire_%C2%AB_Pour_le_renvoi_des_%C3%A9trangers_criminel
    Début de la récolte des signatures : 2007 —> https://www.bk.admin.ch/ch/f/pore/vi/vis357.html
    – "Initiative populaire fédérale suisse « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels »" (2012) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_populaire_f%C3%A9d%C3%A9rale_suisse_%C2%AB_Pour_le_renvoi_e
    – et d’autres étapes que je ne vais pas détailler ici, car pas le temps de faire la chronologie de cette initiative...

    Cette idée de l’expulsion des criminels étrangers est reprise aujourd’hui par #Darmanin (mais depuis quand cette expression est utilisée en #France ? Quelqu’un·e. a une idée ??) :

    #Gérald_Darmanin se saisit de l’attentat d’Arras pour relancer ses mesures sur l’immigration

    L’attaque au #couteau qui a coûté la vie à un professeur de lycée et fait trois blessés a relancé le débat sur l’immigration, poussant le ministre de l’intérieur à surenchérir sur la question des « #délinquants_étrangers » et de leur expulsion.

    https://mastodon.social/@Mediapart/111244723392752616
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/161023/gerald-darmanin-se-saisit-de-l-attentat-d-arras-pour-relancer-ses-mesures-

    Au même temps, en #Italie, et plus précisément dans le #Haut-Adige :

    Un manifesto elettorale della #Süd-Tiroler_Freiheit -partito noto per le proprie posizioni xenofobe- ritrae in primo piano un uomo nero con un coltello in mano. Dietro di lui, una donna bianca cerca riparo in un angolo, coprendosi il volto con le braccia. L’immagine è inequivocabile, così come la scritta a caratteri cubitali posta poco più in basso: “Kriminelle Ausländer abschieben” (cioè espellere gli stranieri criminali).

    https://seenthis.net/messages/1021581
    https://altreconomia.it/in-alto-adige-in-arrivo-un-cpr-a-uso-locale-lultimo-anello-di-una-caten
    Voici le #poster du parti du #Sud-Tyrol :

    Et comme par hasard, voici la nouvelle campagne datée 2023 de l’UDC en Suisse : "#Nouvelle_normalité ?"


    https://www.udc.ch/nouvelle-normalite

    J’ai un vague souvenir que cette image d’une personne (étrangère, of course !) qui attaque un·e innocent·e suisse·sse au couteau n’est pas nouvelle dans l’#iconographie de l’UDC, mais je n’ai pas trouvé de trace sur internet pour l’heure...

    Si ces images et ces slogans sont #made_in_Switzerland comme on pourrait peut-être le déduire, il faudrait du coup l’ajouter à la liste des inventions suisses en termes de politique migratoire dont j’avais écrit, avec Ibrahim Soysüren dans la revue Plein Droit :
    Le couteau suisse des politiques migratoires
    https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2019-2-page-3.htm
    #moutons_noirs #moutons_blancs #criminels_étrangers #renvoi #expulsion #migrations #étrangers_délinquants #criminalité #racisme #xénophobie

  • Sortir de l’enfer - La méridienne
    https://www.la-meridienne.info/spip.php?article22

    « Pourquoi une bombe lâchée sur un immeuble de Gaza, ça ne te fait rien ?, demandait l’autre jour une amie arabe à un Français de son entourage bouleversé, à juste titre, par l’attaque du Hamas, mais totalement indifférent au reste. Tu crois que c’est plus doux ? » C’est une vraie question.

    « D’une manière globale, je trouve que l’international est de moins en moins présent dans les discours de gauche. Chez les jeunes générations, l’internationalisme n’est pas toujours une évidence comme il l’était pour des générations plus anciennes », disait récemment la députée de La France insoumise Clémentine Autain à Mediapart, à propos d’une autre cause : la cause arménienne. C’est une explication possible. Mais on voit aussi (et ici je demande pardon à mes lecteur-ices concerné-es pour la brutalité du constat, même si je me doute que je ne leur apprends rien) les effets de longues années de déshumanisation et de diabolisation des musulman-es. Lentement mais sûrement, l’islamophobie et ses innombrables relais ont fait leur office, ils ont émoussé les sensibilités.

  • « Antisémitisme et national-socialisme », par Moishe Postone
    http://www.palim-psao.fr/article-31273595.html

    Qu’est‑ce qui fait la spécificité de l’Holocauste et de l’#antisémitisme moderne ? Ni le nombre des hommes qui furent assassinés ni l’étendue de leurs souffrances : ce n’est pas une question de quantité. Les exemples historiques de meurtres de masse et de génocides ne manquent pas. (Par exemple, les nazis assassinèrent bien plus de Russes que de juifs.) En réalité, il s’agit d’une spécificité qualitative. Certains aspects de l’anéantissement du judaïsme européen restent inexplicables tant que l’on traite l’antisémitisme comme un exemple particulier d’une stratégie du bouc émissaire dont les victimes auraient fort bien pu être les membres de n’importe quel autre groupe.

      L’Holocauste se caractérise par un sens de la mission idéologique, par une relative absence d’émotion et de haine directe (contrairement aux pogromes, par exemple) et, ce qui est encore plus important, par son manque évident de fonctionnalité. L’extermination des juifs n’était pas le moyen d’une autre fin. Les juifs ne furent pas exterminés pour une raison militaire ni au cours d’un violent processus d’acquisition territoriale (comme ce fut le cas pour les Indiens d’Amérique ou les Tasmaniens). Il ne s’agissait pas davantage d’éliminer les résistants potentiels parmi les juifs pour exploiter plus facilement les autres en tant qu’ilotes. (C’était là par ailleurs la politique des nazis à l’égard des Polonais et des Russes.) Il n’y avait pas non plus un quelconque autre but « extérieur ». L’extermination des juifs ne devait pas seulement être totale, elle était une fin en soi : l’#extermination pour l’extermination, une fin exigeant la priorité absolue[3].

      Ni une explication fonctionnaliste du meurtre de masse ni une théorie de l’antisémitisme centrée sur la notion de bouc émissaire ne sauraient fournir d’explication satisfaisante au fait que, pendant les dernières années de la guerre, une importante partie des chemins de fer fut utilisée pour transporter les juifs vers les chambres à gaz et non pour soutenir la logistique de l’armée alors que la Wehrmacht était écrasée par l’Armée rouge. Une fois reconnue la spécificité qualitative de l’anéantissement du judaïsme européen, il devient évident que toutes les tentatives d’explication qui s’appuient sur les notions de capitalisme, de racisme, de bureaucratie, de répression sexuelle ou de personnalité autoritaire demeurent beaucoup trop générales. Comprendre, ne serait‑ce qu’en partie, la spécificité de l’Holocauste exige de recourir à une argumentation elle‑même spécifique.

      Bien sûr, l’anéantissement du judaïsme europeen est lié à l’antisémitisme. La spécificité du premier doit donc être mise en rapport avec celle du second. De plus, comprendre l’antisémitisme moderne suppose la prise en compte du #nazisme comme d’un mouvement qui, dans la compréhension qu’il avait de lui‑même, se pensait comme une révolte.

      L’antisémitisme moderne, qu’il ne faut pas confondre avec le préjugé anti‑juifs courant, est une idéologie, une forme de pensée, qui a fait son apparition en Europe à la fin du XIXe siècle. Son apparition suppose l’existence séculaire de formes d’antisémitisme antérieures qui ont toujours fait partie de la civilisation chrétienne occidentale. Toutes les formes de l’antisémitisme ont en commun l’idée d’un pouvoir attribué aux juifs : le pouvoir de tuer Dieu, de déchaîner la peste ou, plus récemment, d’engendrer le capitalisme et le socialisme. La pensée antisémite est une pensée fortement manichéenne dans laquelle les juifs jouent le rôle des enfants des ténèbres.

      Ce n’est pas seulement le degré mais aussi la qualité du #pouvoir_attribué_aux_juifs qui différencie l’antisémitisme des autres formes de #racisme. Probablement, toutes les formes de racisme prêtent à l’Autre un pouvoir potentiel. Mais, habituellement, ce pouvoir est concret, matériel et sexuel. C’est le pouvoir potentiel de l’opprimé (comme puissance du refoulé), du « sous‑homme ». Le pouvoir attribué aux juifs par l’antisémitisme n’est pas seulement conçu comme plus grand mais aussi comme réel et non comme potentiel. Cette différence qualitative est exprimée par l’antisémitisme moderne en termes de mystérieuse présence insaisissable, abstraite et universelle. Ce pouvoir n’apparaît pas en tant que tel mais cherche un support concret — politique, social ou culturel — à travers lequel il puisse fonctionner. Étant donné que ce pouvoir n’est pas fixé concrètement, qu’il n’est pas « enraciné », il est ressenti comme immensément grand et difficilement contrôlable. Il est censé se tenir derrière les apparences sans leur être identique. Sa source est donc cachée, conspiratrice. Les juifs sont synonymes d’une insaisissable #conspiration internationale, démesurément puissante.

  • Le sionisme, l’antisémitisme et la gauche, par Moishe Postone
    http://www.palim-psao.fr/2019/02/le-sionisme-l-antisemitisme-et-la-gauche-par-moishe-postone.html


    Graffiti antisémite en Belgique en 2013

    Moishe Postone : Il est exact que le gouvernement israélien se sert de l’accusation d’#antisémitisme comme d’un bouclier pour se protéger des critiques. Mais ça ne veut pas dire que l’antisémitisme lui-même ne représente pas un problème grave.

    Ce qui distingue ou devrait distinguer l’antisémitisme du #racisme a à voir avec l’espèce d’imaginaire du pouvoir attribué aux #Juifs, au sionisme et à #Israël, imaginaire qui constitue le noyau de l’antisémitisme. Les Juifs sont perçus comme constituant une sorte de pouvoir universel immensément puissant, abstrait et insaisissable qui domine le monde. On ne trouve rien d’équivalent à la base d’aucune autre forme de racisme. Le racisme, pour autant que je sache, constitue rarement un système complet cherchant à expliquer le monde. L’antisémitisme est une critique primitive du monde, de la modernité capitaliste. Si je le considère comme particulièrement dangereux pour la gauche, c’est précisément parce que l’antisémitisme possède une dimension pseudo-émancipatrice que les autres formes de racisme n’ont que rarement.

    MT : Dans quelle mesure pensez-vous que l’antisémitisme aujourd’hui soit lié aux attitudes vis-à-vis d’Israël ? On a l’impression que certaines des attitudes de la #gauche à l’égard d’Israël ont des sous-entendus antisémites, notamment celles qui ne souhaitent pas seulement critiquer et obtenir un changement dans la politique du gouvernement israélien à l’égard des Palestiniens, mais réclament l’abolition d’Israël en tant que tel, et un monde où toutes les nations existeraient sauf Israël. Dans une telle perspective, être juif, sentir qu’on partage quelque chose comme une identité commune avec les autres Juifs et donc en général avec les Juifs israéliens, équivaut à être « sioniste » et est considéré comme aussi abominable qu’être raciste.

    MP : Il y a beaucoup de nuances et de distinctions à faire ici. Dans la forme que prend de nos jours l’#antisionisme, on voit converger de façon extrêmement dommageable toutes sortes de courants historiques.

    L’un d’eux, dont les origines ne sont pas nécessairement antisémites, plonge ses racines dans les affrontements entre membres de l’intelligentsia juive d’Europe orientale au début du XXesiècle. La plupart des intellectuels juifs – intellectuels laïques inclus ? – sentaient qu’une certaine forme d’#identité_collective faisait partie intégrante de l’expérience juive. Cette identité a pris de plus en plus un caractère national étant donné la faillite des formes antérieures, impériales, de collectivité – c’est-à-dire à mesure que les vieux empires, ceux des Habsbourg, des Romanov, de la Prusse, se désagrégeaient. Les Juifs d’Europe orientale, contrairement à ceux d’Europe occidentale, se voyaient avant tout comme une collectivité, pas simplement comme une religion.

    Ce sentiment national juif s’exprima sous diverses formes. Le sionisme en est une. Il y en eut d’autres, représentées notamment par les partisans d’une #autonomie_culturelle juive, ou encore par le #Bund, ce mouvement socialiste indépendant formé d’ouvriers Juifs, qui comptait plus de membres qu’aucun autre mouvement juif et s’était séparé du parti social-démocrate russe dans les premières années du XXe siècle.

    D’un autre côté, il y avait des Juifs, dont un grand nombre d’adhérents aux différents partis communistes, pour qui toute expression identitaire juive constituait une insulte à leur vision de l’humanité, vision issue des Lumières et que je qualifierais d’abstraite. Trotski, par exemple, dans sa jeunesse, qualifiait les membres du Bund de « sionistes qui ont le mal de mer ». Notez que la critique du #sionisme n’avait ici rien à voir avec la Palestine ou la situation des Palestiniens, puisque le Bund s’intéressait exclusivement à la question de l’autonomie au sein l’empire russe et rejetait le sionisme. En assimilant le Bund et le sionisme, Trotski fait plutôt montre d’un rejet de toute espèce d’identité communautaire juive. Trotski, je crois, a changé d’opinion par la suite, mais cette attitude était tout à fait typique. Les organisations communistes avaient tendance à s’opposer vivement à toute espèce de #nationalisme_juif : nationalisme culturel, nationalisme politique ou sionisme. C’est là un des courants de l’antisionisme. Il n’est pas nécessairement antisémite mais rejette, au nom d’un #universalisme_abstrait, toute identité collective juive. Encore que cette forme d’antisionisme soit souvent incohérente : elle est prêt à accorder l’autodétermination nationale à la plupart des peuples, mais pas aux Juifs. C’est à ce stade que ce qui s’affiche comme abstraitement universaliste devient idéologique. De surcroît, la signification même d’un tel universalisme abstrait varie en fonction du contexte historique. Après l’Holocauste et la fondation de l’État d’Israël, cet universalisme abstrait sert à passer à la trappe l’#histoire des Juifs en Europe, ce qui remplit une double fonction très opportune de « nettoyage » historique : la violence perpétrée historiquement par les Européens à l’encontre des Juifs est effacée, et, dans le même temps, on se met à attribuer aux Juifs les horreurs du colonialisme européen. En l’occurrence, l’universalisme abstrait dont se revendiquent nombre d’antisionistes aujourd’hui devient une idéologie de légitimation qui permet de mettre en place une forme d’#amnésie concernant la longue histoire des actes, des politiques et des idéologies européennes à l’égard des Juifs, tout en continuant essentiellement dans la même direction. Les Juifs sont redevenus une fois de plus l’objet d’une indignation spéciale de la part de l’Europe. La solidarité que la plupart des Juifs éprouvent envers d’autres Juifs, y compris en Israël – pour compréhensible qu’elle soit après l’Holocauste – est désormais décriée. Cette forme d’antisionisme est devenue maintenant l’une des bases d’un programme visant à éradiquer l’autodétermination juive réellement existante. Elle rejoint certaines formes de nationalisme arabe – désormais considérées comme remarquablement progressistes.

    Un autre courant d’antisionisme de gauche – profondément antisémite celui-là – a été introduit par l’Union Soviétique, notamment à travers les procès-spectacles en Europe de l’Est après la Seconde Guerre mondiale. C’est particulièrement impressionnant dans le cas du #procès_Slánský, où la plupart des membres du comité central du parti communiste tchécoslovaque ont été jugés puis exécutés. Toutes les accusations formulées à leur encontre étaient des accusations typiquement antisémites : ils étaient sans attaches, cosmopolites, et faisaient partie d’une vaste conspiration mondiale. Dans la mesure où les Soviétiques ne pouvaient pas utiliser officiellement le discours de l’antisémitisme, ils ont employé le mot « sionisme » pour signifier exactement ce que les antisémites veulent dire lorsqu’ils parlent des Juifs. Ces dirigeants du PC tchécoslovaque, qui n’avaient aucun lien avec le sionisme – la plupart étaient des vétérans de la guerre civile espagnole – ont été exécutés en tant que sionistes.

    Cette variété d’antisionisme antisémite est arrivée au Moyen-Orient durant la #guerre_froide, importée notamment par les services secrets de pays comme l’#Allemagne_de_l’Est. On introduisait au Moyen-Orient une forme d’antisémitisme que la gauche considérait comme « légitime » et qu’elle appelait antisionisme. Ses origines n’avaient rien à voir avec le mouvement contre l’installation israélienne. Bien entendu, la population arabe de Palestine réagissait négativement à l’immigration juive et s’y opposait. C’est tout à fait compréhensible. En soi, ça n’a certes rien d’antisémite. Mais ces deux courants de l’antisionisme se sont rejoints historiquement.

    Pour ce qui concerne le troisième courant, il s’est produit, au cours des dix dernières années environ, un changement vis-à-vis de l’existence d’Israël, en premier lieu au sein du mouvement palestinien lui-même. Pendant des années, la plupart des organisations palestiniennes ont refusé d’accepter l’existence d’Israël. Cependant, en 1988, l’OLP a décidé qu’elle accepterait cette existence. La seconde Intifada, qui a débuté en 2000, était politiquement très différente de la première et marquait un revirement par rapport à cette décision. C’était, à mon avis, une faute politique fondamentale, et je trouve surprenant et regrettable que la gauche s’y soit laissée prendre au point de réclamer elle aussi, de plus en plus, l’abolition d’Israël. Dans tous les cas, il y a aujourd’hui au Moyen-Orient à peu près autant de Juifs que de #Palestiniens. Toute stratégie fondée sur des analogies avec la situation algérienne ou sud-africaine est tout simplement vouée à l’échec, et ce pour des raisons aussi bien démographiques que politico-historiques.

    Moishe Postone est notamment l’auteur de Critique du fétiche-capital. Le capitalisme, l’antisémitisme et la gauche (PUF, 2013)

    #Moishe_Postone #URSS #nationalités #autodétermination_nationale #anti-impérialisme #campisme #islam_politique

    • Il y a un siècle, la droite allemande considérait la domination mondiale du capital comme celle des Juifs et de la Grande Bretagne. À présent, la gauche la voit comme la domination d’Israël et des États-Unis. Le schéma de pensée est le même. Nous avons maintenant une forme d’antisémitisme qui semble être progressiste et « anti-impérialiste » ; là est le vrai danger pour la gauche. Le #racisme en tant que tel représente rarement un danger pour la gauche. Elle doit certes prendre garde à ne pas être raciste mais ça n’est pas un danger permanent, car le racisme n’a pas la dimension apparemment émancipatrice qu’affiche l’antisémitisme.

    • Israël, ce ne sont pas les juifs ; heureusement. Le pouvoir d’extrême droite israélien aimerait bien que tout le monde raisonne comme cela. Afin de perpétuer cet amalgame confus, qui permet de dire « t’es anti-impérialiste ? t’es antisémite ! ». on le voit arriver, le glissement dans cette dernière citation. Cet instrumentalisation l’air de rien. On passe de Juif+Grande-Bretagne à Israël+Usa, comme par magie. Et on nie tous les faits politiques qui objectivement démontrent que les Us et Israël sont à la manœuvre conjointement, géopolitiquement, au Moyen Orient, depuis plusieurs dizaines d’années.

      Le pouvoir israélien est un pouvoir fasciste et colonialiste. Cela dure depuis plusieurs dizaines d’années. Le pouvoir américain est un pouvoir impérialiste. Et cela dure depuis plusieurs dizaines d’années. Ce sont des faits objectifs.

      Renvoyer tous leurs adversaires plus ou moins progressistes dans la cuvette de l’antisémitisme, c’est confus, pour rester courtois.

    • La partie sur l’antisionisme et la Palestine repose sur un tour de passe-passe sémantique très classique : la création d’Israël est sobrement qualifiée d’« autodétermination nationale », et sa critique est systématiquement accolée à l’accusation d’être favorable à l’autodétermination des peuples, « sauf des juifs » ; tout en minimisant (voire en niant carrément) le fait que cette « autodétermination » a nécessité – et nécessite toujours – le nettoyage ethnique à grande échelle de la population indigène.

      Encore que cette forme d’antisionisme soit souvent incohérente : elle est prêt à accorder l’autodétermination nationale à la plupart des peuples, mais pas aux Juifs.

      […]

      Cette forme d’antisionisme est devenue maintenant l’une des bases d’un programme visant à éradiquer l’autodétermination juive réellement existante.

      […]

      Cette idée que toute nation aurait droit à l’autodétermination à l’exception des Juifs est bel et bien un héritage de l’Union Soviétique.

      À l’inverse, le termine « colonisation » n’est ici utilisé que pour être nié.

      la violence perpétrée historiquement par les Européens à l’encontre des Juifs est effacée, et, dans le même temps, on se met à attribuer aux Juifs les horreurs du colonialisme européen.

      […]

      Subsumer le conflit sous l’étiquette du colonialisme, c’est mésinterpréter la situation.

      Évidemment : l’euphémisation « immigration juive », alors qu’on parle de la période de la guerre froide (la Nakba : 1948) :

      Bien entendu, la population arabe de Palestine réagissait négativement à l’immigration juive et s’y opposait.

  • Leaked letter on intended Cyprus-Lebanon joint border controls: increased deaths and human rights violations

    In an increasingly worrying context for migrants and refugees in Cyprus, with the recent escalation of violent racist attacks and discrimination against refugees on the island and the continued pushback policy, civil society organisations raise the alarm concerning Cyprus’ increased support to the Lebanese Army to harden border control and prevent departures.

    A letter leaked on 26 September 2023 (https://www.philenews.com/kipros/koinonia/article/1389120/exi-metra-protini-ston-livano-i-kipros), from the Cypriot Interior Minister to his Lebanese counterpart, reveals that Cyprus will provide Lebanon with 6 vessels and speedboats by the end of 2024, trainings for the Lebanese Armed Forces, will carry out joint patrol operations from Lebanese shores, and will finance the salaries of members of the Lebanese Armed Forces “who actively contribute to the interception of vessels carrying irregular migrants to Cyprus”. In this way, by providing equipment, funding and training to the Lebanese Army, Cyprus will have a determining influence, if not effective control, on the interceptions of migrants’ boats in Lebanese territorial waters and forced returns (the so-called “pullbacks”), to Lebanon. This in violation of EU and international law, which is likely to trigger legal liability issues. As seen in numerous cases, refugees, especially Syrians, who are pulled back to Lebanon are at risk of detention, ill-treatment and deportations to Syria where they are subject to violence, arrest, torture, and enforced disappearance. The worsening situation of Syrian refugees in Lebanon, who face increasing violence and deportations, confirms that Lebanon is not a “safe” third country.

    As seen in the past with several examples from other examples at the EU’s external borders, (e.g. Turkey, Libya and most recently Tunisia), striking deals with EU neighboring countries of departure in order to increase border controls and contain migratory movements has several catastrophic consequences. Despite officially aiming at decreasing the number of lost lives, they actually increase border violence and deaths, leading to serious human rights abuses and violations of EU and international laws. They also foster a blackmail approach as third countries use their borders as leverage against European countries to get additional funds or negotiate on other sensitive issues, at the expense of people’s lives. All these contribute to having a negative impact on the EU and Member States’ foreign policy.

    As demonstrated by a recent article from the Mixed Migration Centre (https://mixedmigration.org/articles/how-to-break-the-business-model-of-smugglers), the most effective way to “disrupt the business model of smugglers” and reduce irregular departures, migrants’ dangerous journeys and the consequent losses of lives, is to expand legal migratory routes.

    By going in the complete opposite direction, Cyprus, for many years now, has prevented migrants, asylum seekers and refugees from reaching the island in a legal way and from leaving the island for other EU countries1. Cyprus has resorted to systematic practices of pushbacks sending refugees back to countries where they are at risk of torture, persecution and arbitrary detention, has intensified forced returns, has dismantled the reception and asylum system, and has fueled a toxic anti-refugee narrative that has led to indiscriminate violent attacks that were initially against Syrian refugees and their properties in #Chloraka (https://kisa.org.cy/sundays-pogrom-in-chloraka) and a few days later to against migrants and their properties in #Limassol (https://cde.news/racism-fuelled-violence-spreads-in-cyprus). More recently, Cyprus has also announced its willingness to push the EU and Member States to re-evaluate Syria’s status and consider the country as “safe” in order to forcibly return Syrian refugees to Syria – despite on-going clashes, structural human rights violations, crimes against humanity and war crimes.

    These deadly externalisation policies and unlawful practices have and continue to kill individuals and prevent them from accessing their rights. A complete change in migration and asylum policies is urgently needed, based on the respect of human rights and people’s lives, and on legal channels for migration and protection. Cyprus, as well as the EU and its Member States, must protect the human rights of migrants at international borders, ensure access to international protection and proper reception conditions in line with EU and international human rights law. They must open effective legal migratory pathways, including resettlement, humanitarian visas and labour migration opportunities; and they must respect their obligations of saving lives at sea and set up proper Search and Rescue operations in the Mediterranean.

    https://euromedrights.org/publication/leaked-letter-on-intended-cyprus-lebanon-joint-border-controls-increa

    #mourir_aux_frontières #frontières #droits_humains #asile #migrations #réfugiés #Chypre #Liban #racisme #attaques_racistes #refoulements #push-backs #militarisation_des_frontières #joint_operations #opérations_conjointes #aide #formation #gardes-côtes_libanaises #pull-backs #réfugiés_syriens #externalisation

  • Mediapart (je suis abonnée) a beaucoup de mal à donner des informations sur Gaza.
    Le propos de Mediapart n’attaque pas la position actuelle de l’occident, qui viole allègrement le Droit international en soutenant Israël dont la politique d’épuration ethnique, aggravée chaque jour, a entrainé l’action du Hamas.

    Je postais des informations sur Gaza récupérées sur Tweeter auprès de comptes sérieux.
    J’avais des difficultés à poster mes commentaires qui n’apparaissaient qu’au bout de plusieurs envois.

    Je suis maintenant interdite de publication sur Mediapart (sous prétexte de quelques commentaires répétés) pour une semaine. Ce qui est une durée longue pour le site ...

    Fabrice Arfi sur Tweeter s’était alarmé que certains condamnent en premier Israël pour sa politique, avant de traiter le Hamas de terroriste ...
    Oubliant qu’Israël a aidé le développement du Hamas pour gêner l’OLP plus modéré, et ainsi n’avoir pas à négocier.

    Peu importe ma petite personne, mais les positions actuelles face à la tragédie de Gaza (et face aux victimes israéliennes conséquentes à la politique d’Israël) me semblent révéler des racismes invisibles jusqu’ici.

    #Media #Racisme #Israël #Gaza #crimes-de-guerre #Mediapart #liberté-d-expression

  • BALLAST • La boxe, ce sport de prolétaires
    https://www.revue-ballast.fr/la-boxe-ce-sport-de-proletaires

    Dans l’i­ma­gi­naire col­lec­tif, la boxe a long­temps été asso­ciée à des images de salles sombres où résonnent le bruit des coups sur les sacs, tan­dis que des corps trans­pirent à la lumière des néons. Aujourd’hui, les salles de sport pro­posent sa pra­tique sous des moda­li­tés variées à un public issu des classes moyenne ou aisée, qui veut se main­te­nir en forme, ou dans le cadre de cours d’au­to­dé­fense. Malgré tout, la boxe reste une acti­vi­té spor­tive bien ancrée dans les classes popu­laires. Par l’en­ga­ge­ment qu’elle demande et la dure­té de la pra­tique, elle fait écho à des condi­tions de vie dif­fi­cile, qu’elle aide à affron­ter. Face à sa récu­pé­ra­tion mar­chande et à la ten­ta­tive de la vider de son carac­tère sub­ver­sif, le jour­na­liste Selim Derkaoui défend pour sa part un sport « au ser­vice des com­bats que l’on mène à plu­sieurs ». Dans Rendre les coups — Boxe et lutte des classes, qui paraît ces jours-ci au Passager clan­des­tin, il rend hom­mage à la boxe popu­laire, celle que pra­ti­quait son père et qu’il est allé ren­con­trer à Aubervilliers, Pantin ou dans la ban­lieue de Caen. Nous en publions un extrait.

    #sport #boxe

  • 🟥 L’EXTRÊME-DROITE GRIMPE PAR LES URNES EN EUROPE... - Debunkers

    L’extrême-droite est toujours bien présente en Europe. Oui, mais de quelle façon ?
    Nous avons l’habitude de considérer qu’il existe des extrêmes-droites, et sur notre continent, on trouve différents courants qui correspondent à des particularités dues à l’histoire. Nous allons donc regarder, pays par pays, qui fait l’extrême-droite en Europe (...)

    ⚡️ #Europe #extrêmedroite #nationalisme #racisme #xénophobie

    #Antifascisme #antiracisme #internationalisme

    https://www.debunkersdehoax.org/lextreme-droite-grimpe-par-les-urnes-en-europe

  • En Tunisie, le président Kaïs Saïed se rebelle contre la politique migratoire européenne
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/03/en-tunisie-le-president-kais-saied-se-rebelle-contre-la-politique-migratoire

    Sur le sujet des #migrations irrégulières, rien ne va plus entre la Tunisie et l’Union européenne (UE). En des termes explicites, le président Kaïs Saïed a rejeté les 127 millions d’euros d’aides annoncées le 22 septembre par la Commission européenne, dont 67 millions alloués à un programme d’assistance opérationnelle en matière de migration, en plus d’un appui budgétaire à hauteur de 60 millions d’euros. « La Tunisie […] n’accepte pas la charité ou l’aumône. Notre pays et notre peuple ne veulent pas de sympathie, mais exigent le respect », a déclaré Kaïs Saïed dans un communiqué publié lundi 2 octobre dans la soirée.

    .... le plan de la Commission européenne évoque « la possibilité d’un arrangement de travail entre la Tunisie et Frontex et d’une task force de coordination au sein d’Europol pour lutter de manière plus ciblée contre le trafic de migrants sur la route migratoire vers #Lampedusa via la Tunisie », en plus d’accélérer la fourniture d’équipements et de renforcer « la formation des garde-côtes et des autres services répressifs tunisiens ».

    Sur la même ligne, le président français, Emmanuel Macron, a apporté son soutien à Giorgia Meloni et a indiqué, lors d’une interview diffusée le 24 septembre, vouloir conditionner l’aide budgétaire apportée aux Tunisiens et proposer en échange « d’embarquer des experts, du matériel sur leurs côtes pour démanteler les réseaux de passeurs ». « C’est un partenariat respectueux », a-t-il assuré, rappelant qu’« on a eu en quelques heures plusieurs milliers de migrants qui arrivent à Lampedusa et qui partent tous du port de Sfax », deuxième ville de Tunisie et principal point de départ des candidats à la traversée vers l’Europe.

    #Frontex #pogroms #Tunisie #racisme #migrants #réfugiés #Méditerranée #frontières

  • 🛑 🛑 ACTION COLLECTIVE - 62ÈME ANNIVERSAIRE DU CRIME D’ÉTAT COMMIS LE 17 OCTOBRE 1961... | Solidaires

    Plus de soixante ans après le massacre perpétré par la police française à l’encontre des milliers d’algériennes et d’algériens qui manifestaient pacifiquement à Paris le 17 octobre 1961 contre le couvre-feu raciste qui leur avait été imposé par le gouvernement de l’époque, les plaies de cette blessure sont encore largement ouvertes dans leur mémoire.
    Ce jour-là, cinq mois avant la signature des accords d’Évian, en réaction aux mesures prises par l’État français, la fédération française du FLN algérien (Front de Libération Nationale) a organisé, dans le contexte de la guerre d’indépendance, une manifestation pacifique pour réclamer la levée du couvre-feu, l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
    Cette manifestation où se mêlaient femmes, hommes et enfants, fut très violemment réprimée par les forces de police de la préfecture de police de Paris. Aujourd’hui le bilan de ce massacre n’est plus contestable : des victimes de violences par milliers, des disparitions et des morts par centaines (...)

    #crimedétat #ViolencesPolicières #racisme #17octobre1961 #mémoire

    https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/nationales/action-collective-62eme-anniversaire-du-crime-detat-commis-le-17-octobre

  • Un racisme à peine voilé, Jérôme Host, 2004
    https://www.dailymotion.com/video/x7sjan

    Octobre 2003 : Alma et Lila Levy sont exclues du Lycée Henri Wallon d’Aubervilliers pour le seul motif qu’elles portent un foulard. S’en est suivi un débat politique et médiatique assourdissant, justifiant dans la plupart des cas l’exclusion des jeunes filles qui portent le foulard à l’école. Février 2004, une loi finit par être votée par l’assemblée nationale, à la demande de Chirac…
    « Un racisme à peine voilé » revient sur cette polémique depuis l’affaire de Creil en 1989 (où deux collégiennes avaient été exclues pour les mêmes raisons) et tente de « dévoiler » ce qui se cache réellement derrière la volonté d’exclure ces jeunes filles. Nous leur avons donné la parole. Ainsi qu’à d’autres [professeurs, militant(e)s associatifs(-ves), féministes, chercheurs(-euses)] regroupé(e)s autour du collectif « Une école pour tous-tes », qui lutte pour l’abrogation de cette loi qu’ils et elles jugent sexiste et raciste…

    #film #racisme #sexisme #voile #école #éducation_nationale

  • California’s struggle for clean water is getting harder - Los Angeles Times
    https://www.latimes.com/environment/story/2023-09-27/californias-struggle-for-clean-water-is-getting-harder

    “The issue is, [the human right to water] is a moral obligation more than a legal obligation,” said Mark Gold, director of water scarcity solutions for the Natural Resources Defense Council. “That’s why you see the results that we’ve had. Unless there’s a legal obligation to clean up the water supply and provide it to your residents, then we end up perpetuating the system that we have, which is environmental racism.”

    #eau #eau_potable #toxiques #états-unis #priorités #milliers_de_milliards #leadership #racisme_environnemental

  • A Chypre, les migrants subsahariens poussés au « retour volontaire »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/29/a-chypre-les-migrants-subsahariens-pousses-au-retour-volontaire_6191668_3212

    A Chypre, les migrants subsahariens poussés au « retour volontaire »
    Un dédommagement est offert à ceux qui décident de quitter l’île. Nicosie veut faire passer le nombre de personnes reparties de 700 par mois en moyenne à 1 000.
    Par Laure Stephan(Nicosie, Chypre, envoyée spéciale)
    Publié le 29 septembre 2023 à 20h00
    2023. CHRISTINA ASSI / AFP
    « Le 10 octobre, cela fera trois ans que je suis arrivée à Chypre. J’ai déposé une demande d’asile, mais je n’ai toujours pas obtenu de rendez-vous pour un entretien », dit Paulette, une Camerounaise de 26 ans assise sur un banc de la vieille ville de Nicosie, où elle savoure son jour de congé hebdomadaire. Sur l’île méditerranéenne, la jeune femme, employée dans un fast-food, se sent « loin des menaces » qu’elle a vécues à Kumba, au Cameroun anglophone en proie à un conflit entre séparatistes et armée, et vit « mieux qu’au pays ». Mais elle se pose la question de « prendre l’option du retour volontaire », programme promu par le gouvernement chypriote : « Les compatriotes arrivés en même temps que moi ont été déboutés du droit d’asile. Le quotidien s’est dégradé, en raison de l’inflation, de la concurrence entre migrants, et du durcissement de la politique migratoire. »
    Les rapatriements volontaires visent les étrangers nouvellement arrivés, et ceux dont la demande d’asile a été rejetée, à condition que leur présence soit toujours légale – ils sont autrement passibles d’expulsion, dont le taux à Chypre est le plus élevé de l’Union européenne (UE). Les ressortissants d’Afrique subsaharienne ont le droit, comme les Syriens, à la compensation la plus élevée – 1 500 euros – s’ils optent pour le retour, avec la prise en charge de leur billet d’avion. Cela s’explique par leur forte représentation ces dernières années : les Nigérians, les Camerounais, les Congolais de République démocratique du Congo (RDC) et les Somaliens constituaient en 2022 38 % des quelque 21 000 nouveaux demandeurs d’asile.
    Les chiffres des arrivées sont minimes en comparaison d’autres pays du sud de l’Europe, comme l’Italie. Mais, à l’échelle de la partie sud de l’île divisée qui compte 915 000 habitants pour moins de 6 000 km2, l’afflux, en hausse depuis 2018, est jugé inquiétant par les autorités de Nicosie.
    Une approche critiquée par les ONG, qui mettent en avant l’apport des migrants à l’économie et le besoin de protection des réfugiés. Le gouvernement, lui, dénonce la main de la Turquie derrière ces arrivées : la plupart des migrants franchissent, avec un passeur, la ligne de démarcation entre le nord de Chypre, contrôlé par la République turque de Chypre du Nord (RTCN, reconnue uniquement par Ankara), et le sud. Il estime avoir à faire, dans une majorité de cas, à des migrants économiques. Plus de 95 % des demandes d’asile ont été rejetées en 2022, un chiffre qui s’explique aussi par l’interruption pendant plus de deux ans de l’étude des dossiers des Syriens, au profil de réfugiés.
    Déterminé à limiter les présences et à décourager les arrivées – l’afflux a diminué lors du premier semestre –, le gouvernement a fait des retours volontaires l’un de ses outils : plus de 2 000 personnes sont reparties dans leur pays d’origine, suivant ce mécanisme, au cours du premier trimestre. L’objectif annoncé est de passer de 700 personnes par mois, la moyenne actuelle, à mille.« Ce programme peut séduire ceux dont la demande d’asile est refusée, pourvu qu’ils n’aient pas fui des persécutions ou une guerre. Les retours, qui ne peuvent se faire que vers des pays sûrs, doivent découler d’une décision personnelle », plaide Elizabeth Kassinis, directrice de Caritas Chypre, dont les locaux se trouvent dans la vieille ville de Nicosie, au pied de la zone tampon entre les parties sud et nord.
    « Mais c’est aussi une solution de facilité de dire : “Renvoyons les étrangers !”, quand il existe à la fois le sentiment d’être dépassé par le nombre, des courants politiques hostiles aux migrants [le candidat du parti d’extrême droite Elam a obtenu 6 % des voix à la présidentielle de février] et que le personnel chargé des demandes d’asile n’est pas formé », poursuit la responsable. Les équipes de Caritas reçoivent au quotidien migrants et demandeurs d’asile, dont près de 90 % de francophones en quête d’aide. Ou d’informations sur les retours volontaires.
    Madame Kassinis considère que « Chypre n’était pas préparée lorsque la crise des demandeurs d’asile a commencé. Le système – à commencer par le logement – n’est toujours pas prêt à absorber des chiffres élevés. En outre, le débat sur les migrants souffre d’imprécision et de paresse intellectuelle ». Elle connaît la détresse de jeunes fraîchement débarqués « qui découvrent que l’île, dans l’UE, ne fait pas partie de l’espace Schengen, et que la procédure de Dublin les contraint à rester sur place ».
    Coutumière de la vieille ville, où les migrants travaillent, transitent par la gare centrale des bus ou trouvent parfois des logements à bas prix, Paulette réfléchit aux opportunités si elle repart avec une indemnité : « Je pourrais ouvrir un atelier de nettoyage de voiture en ville, ou un commerce dans le village où mes parents sont retournés, en zone francophone. Si la situation empire ici, mieux vaut être à leurs côtés, ou tenter depuis le Cameroun un départ vers une nouvelle destination. » Sa famille avait déboursé pour son périple en 2020 environ 3 000 euros, « ce qui comprenait le billet d’avion de Douala à Ercan [Chypre du Nord] avec une escale à Istanbul, l’inscription à une université nord-chypriote [qui permet l’obtention d’un visa étudiant] et le passage vers le sud de l’île ». Un business d’universités privées s’est développé dans le nord, en partie utilisé par les candidats à l’exil.
    A Limassol, ville sur la côte septentrionale prisée par les nouveaux arrivants pour les emplois du secteur touristique, Ugwu (un pseudonyme), un Nigérian de 27 ans, surveille l’heure : il prend son service en fin d’après-midi comme plongeur dans un restaurant du bord de mer. Sous son air calme, il bouillonne : « Les étrangers occupent les métiers pénibles, et pourtant ils ne sont pas les bienvenus. Je me fais parfois insulter dans la rue. Face au racisme, des Africains plongent dans la dépression. » Sa demande d’asile a été rejetée à la mi-septembre. « J’hésite à faire appel car cela coûte très cher, ou à rentrer, via les retours volontaires. J’ai fui un conflit familial. » Parmi les autres mesures de dissuasion, les autorités de Nicosie ont lancé en juin une campagne à destination, principalement, des pays d’Afrique subsaharienne, « Parlons franchement de Chypre ». Elles ont exclu les étrangers arrivés à partir de 2023 d’une réinstallation vers un autre pays européen et disent accélérer l’étude des demandes d’asile, dont environ 30 000 dossiers sont en souffrance.
    Le soir, Mohamed, Somalien de 32 ans, scrute la mer de Paphos, station balnéaire du sud-ouest de l’île. Rejoindre Chypre, en 2022, a été « le moyen le plus sûr et le moins cher de se rapprocher de l’Europe ». L’ancien camionneur vit de boulots temporaires, dans la construction ou le nettoyage. Il a la nostalgie de sa terre, même s’il a voulu quitter les « problèmes tribaux ». Des amis, dont il n’a plus de nouvelles, sont repartis avec le programme de retour volontaire : « Ils galéraient ici, pour l’emploi ou le logement. » Craignant que ses jours soient comptés à Chypre, où il « se sent bien », il espère une réinstallation, en France ou en Allemagne. En attendant que l’administration chypriote tranche sur sa demande d’asile, il envoie chaque mois les économies accumulées au cours d’heures harassantes à sa femme et à ses quatre enfants, pour assurer leur quotidien.
    Laure Stephan(Nicosie, Chypre, envoyée spéciale)

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  • 🛑 Qu’est-ce que le « contrôle au faciès » ? - Amnesty International France

    Un contrôle d’identité au faciès est un contrôle de police fondé sur des caractéristiques physiques associées à l’origine de la personne, qu’elle soit réelle ou supposée. De tels contrôles sont illégaux car ils sont discriminatoires (...)

    #police #contrôleaufaciès #discrimination #humiliation #racisme

    https://www.amnesty.fr/focus/quest-ce-que-le-controle-au-facies

  • 🛑 CONTRÔLE AU FACIÈS : FACE AU SILENCE DU GOUVERNEMENT, NOUS SAISISSONS LA JUSTICE... - Amnesty International France

    Le vendredi 29 septembre à 14h, se tiendra devant le Conseil d’État, une audience publique dans le cadre de l’action de groupe intentée par six associations nationales et internationales de défense des droits humains pour que cessent les contrôles d’identité discriminatoires ou contrôles dits au faciès en France (...)

    #police #contrôleaufaciès #discrimination #humiliation #racisme

    https://www.amnesty.fr/discriminations/actualites/controle-au-facies-face-au-silence-du-gouvernement-nous-saisissons-la-justic

  • 🛑 Fichage racial chez Adecco : « Pourquoi on n’a pas été traité comme les autres ? » - Rapports de Force

    L’affaire du fichage racial chez Adecco aurait pu se conclure ce jeudi 28 septembre. Or, dans ce dossier instruit depuis 22 ans, rien ne se règle rapidement. Six heures d’audiences n’auront pas suffi à exposer l’ensemble des arguments pour déterminer la culpabilité ou non de l’entreprise Adecco, accusée de discrimination à l’embauche et de fichage ethnique (...)

    #Adecco #fichage #racisme

    https://rapportsdeforce.fr/ici-et-maintenant/fichage-racial-chez-adecco-pourquoi-on-na-pas-ete-traite-comme-les-a