• La #Loi_Asile_Immigration raciste fait l’unanimité… CONTRE elle !
    https://bascules.blog/2024/02/03/la-loi-asile-immigration-raciste-fait-lunanimite-contre-elle

    Communiqué de presse après la décision du #Conseil_constitutionnel et la promulgation de la loi Asile Immigration APPEL À MANIFESTER LE 3 FÉVRIER 2024 Vendredi 26 janvier, le gouvernement a promulgué la loi Asile Immigration. Même si le Conseil constitutionnel a retiré un certain nombre de dispositions, ce qui en reste demeure l’une des pires […]

    #Appel_à_manifester #Communiqué #Racisme_d'Etat


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  • Juifs et décoloniaux ? entretien avec le collectif #Tsedek !

    À la suite d’un article sur l’antisémitisme co-écrit par David (https://www.frustrationmagazine.fr/5-pistes-pour-combattre-lantisemitisme-a-gauche), juif révolutionnaire, nous avions démarré une discussion avec le #Collectif_Tsedek qui avait manifesté des points de désaccords. Celui-ci se décrit dans son manifeste comme “un collectif de juifs et juives décoloniaux·ales luttant contre le racisme d’État en France et pour la fin de l’apartheid et de l’occupation en Israël-Palestine” et se situe “en rupture avec les discours promulgués par les institutions juives censées nous représenter et par la majeure partie des collectifs juifs antiracistes français”. Le collectif a aussi fait parler de lui récemment grâce à une interview pour Konbini qui a beaucoup fait réagir. Entre le début et la fin de notre discussion, la situation en Palestine et Israël a connu une nouvelle crise majeure suite aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui ont donné une grande actualité à cette dernière. Il est plus que jamais nécessaire, contre toutes les simplifications et les caricatures, de faire entendre et connaître les voix juives contre le colonialisme israélien. Dans ce grand entretien, nous avons parlé de la représentation des juives et juifs en France, de l’antisémitisme, du sionisme, de l’anticapitalisme et de la situation en Israël-Palestine. Propos recueillis par Nicolas Framont.
    Pourquoi avez-vous décidé de créer votre collectif ? Quel vide vient-il combler ?

    Tsedek ! (https://tsedekdecolonial.wordpress.com) est le fruit de la rencontre de militant·e·s juifs et juives issu·e·s d’horizons différents et convaincu·e·s de la nécessité d’une voix juive décoloniale. Il est né aussi du refus d’être représenté·e·s par les institutions juives et par la majorité des collectifs juifs antiracistes actuels en France. Il nous paraissait urgent de créer une nouvelle maison politique afin de lutter simultanément contre le racisme d’État en France, l’instrumentalisation de l’antisémitisme et contre l’apartheid en Israël-Palestine. Le mot “Tsedek” renvoie au concept de justice dans la tradition juive. Une idée qui est totalement absente du discours des organisations juives se réclamant de la lutte contre l’antisémitisme et qui selon nous doit être au cœur du combat antiraciste.

    Certain·e·s d’entre nous se sont rencontré·e·s au sein de l’UJFP – l’Union Juive Française pour la Paix – un des piliers du mouvement de la solidarité avec la Palestine et de la lutte contre l’apartheid israélien en France. Notre formation politique doit beaucoup à ses militant·e·s ainsi qu’à l’antiracisme politique, porté notamment par le QG Décolonial et le média Paroles d’Honneur. D’ailleurs, la collaboration avec d’autres collectifs antiracistes est une de nos priorités.

    Nous nous opposons au discours de plus en plus répandu, y compris à gauche, qui vise à singulariser l’antisémitisme, à en faire un racisme exceptionnel, déconnecté des autres racismes tout comme un enjeu essentiellement moral, d’individu·e·s à éduquer et à former. Il est urgent de dénoncer les angles morts et les effets délétères de cet “anti-antisémitisme”, qui en plus d’éviter soigneusement d’analyser les structures qui produisent l’antisémitisme en France aujourd’hui – l’État-nation français et l’État colonial israélien – est bien souvent indifférent voire complaisant à l’égard des autres formes de racismes.

    Faire ce constat nous amène à intégrer des réflexions qui gagneraient à être abordées dans les milieux militants de gauche, portant sur la politique assimilationniste envers la communauté juive, le sionisme, le philosémitisme ou encore la mise en concurrence des minorités raciales et la colonialité de l’État français en général. Ce que nous apportons peut-être de nouveau au champ politique, c’est que nous voulons mettre l’expérience de la judéité et le rapport aux traditions juives au cœur de notre inspiration politique. Cela se traduit, entre autres, par l’organisation à venir d’événements culturels. Nous souhaitons inscrire ce rapport au culturel en rupture avec une identité juive unique telle que promue par le sionisme et le colonialisme français – par ailleurs nos émissions Twitch, intitulées Haolam Hazeh et diffusées sur la chaîne Paroles d’Honneur, traitent des fractures créées par la blanchité.
    Par qui est-on représenté.e, quand on est juive ou juif en France, et en quoi est-ce problématique pour vous ?

    Les juives et juifs en France constituent une population très diversifiée, que ce soit sur le plan social, culturel ou religieux. Il faut donc avoir conscience des limites de la question de la représentativité, d’autant plus que cette dernière relève d’abords d’enjeux politiques et de pouvoir. Pour nous, les représentants des juif·ve·s en France en disent plus sur la relation de la société française aux juif·ve·s que sur les juif·ve·s eux-mêmes.

    Les représentants les plus officiels sont, pour les plus anciens, directement issus du pouvoir napoléonien, avec l’enjeu à l’époque de placer les juif·ve·s français sous contrôle politique. C’est le cas, par exemple, du Consistoire central, qui s’occupe des affaires cultuelles. Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), sans doute le plus connu de ces représentants, est quant à lui issu de la résistance à l’occupation allemande et à la politique nazie. À l’origine distant de la politique française et sans position sur la question du sionisme, il devient, sous l’impulsion de Mitterrand et du pouvoir en France, un acteur politique aligné sur les intérêts de la classe dirigeante et de l’État d’Israël. Le CRIF s’est d’ailleurs souvent illustré ces dernières années par des déclarations islamophobes et réactionnaires, n’hésitant pas à relativiser l’antisémitisme de l’extrême droite et du RN en particulier, pour mieux faire de la gauche et de la jeunesse des quartiers les principaux vecteurs d’antisémitisme en France.

    Différentes ONG et associations telles que l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), AJC France (l’antenne française de l’American Jewish Committee) ou encore des collectifs juifs se revendiquant antiracistes sont également appelés à la barre dès qu’il s’agit de parler d’antisémitisme.

    Tous ces groupes alimentent à leur manière les poncifs de la droite conservatrice, en particulier la thèse du « nouvel antisémitisme », attribuant la haine des juif·ve·s aux populations musulmanes issues de l’immigration post-coloniale. Ils participent aussi à renforcer de différentes manières l’amalgame “juif·ve = sioniste”, et jouent un rôle crucial dans la délégitimation des soutiens aux droits des Palestinien·ne·s, en accusant par exemple les militant·e·s BDS d’être antisémites ou en propageant l’amalgame “antisionisme = antisémitisme”. En tant que juifs et juives, nous ne nous retrouvons donc ni dans les organisations qui défendent l’apartheid israélien ou qui attribuent l’antisémitisme aux musulman·e·s, ni dans celles qui, à gauche, tentent d’implanter ces idées sous couvert d‘un discours antiraciste.
    Dans votre manifeste, vous dîtes que l’État français fait de vous des citoyens à part : comment cela se traduit ?

    Le racisme d’État se fonde sur des catégories raciales informelles et organise la société à partir de ces catégories qu’il hiérarchise et met en concurrence les unes avec les autres. La place qu’occupent les juif·ve·s est paradoxale : les juif·ve·s sont d’un côté insolubles dans la nation, des éternels étranger·ère·s, mais feraient en même temps partie de la “civilisation judéo-chrétienne“, leurs intérêts se fondant supposément dans ceux de l’Occident. Cette articulation bancale entre antisémitisme et philosémitisme est, sans le déterminer entièrement, caractéristique du processus de racialisation des juif·ve·s aujourd’hui.

    Ajoutons que le philosémitisme [Attitude favorable envers les Juifs, en raison de leur religion, de qualités attribuées collectivement aux Juifs, et de leur statut de peuple élu de Dieu, NDLR] (qui reste une forme d’antisémitisme), de par son statut opportuniste, n’est pas une constante : il y a des séquences plus ou moins philosémites alternant avec des séquences antisémites plus explicites, selon ce que l’État bourgeois blanc juge le plus utile à ses intérêts. Ces dernières années, Macron semble trouver plus judicieux de rassurer la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie en lui envoyant nombre de signaux antisémites à peine voilés : les hommages aux figures historiques de l’extrême droite (Pétain, Maurras, Bainville), la présence dans son gouvernement d’un ministre qui a écrit pour l’Action Française et publiquement relayé les thèses antisémites de Napoléon, ou le silence gênant de la majorité lors de la réhabilitation en bonne et due forme de Maurice Barrès par le député LR Jean-Louis Thiériot. Cette ligne idéologique tranche nettement avec celle du gouvernement Valls par exemple, qui était plus IIIe République dans son approche, par la valorisation du rôle des juif·ve·s dans la constitution de la République et de la nation française.

    Cela n’empêche pas certains représentants politiques, y compris issus du RN, et certaines institutions de l’État de se placer comme les protecteurs des juif·ve·s afin de mieux légitimer des politiques répressives. La loi Sarah Halimi adoptée en 2021 l’illustre très bien. Ayant été présentée comme une loi venant répondre au sentiment d’insécurité de la communauté juive, elle n’a finalement abouti qu’à plus de répression pour les populations non blanches marginalisées et a renforcé l’appareil autoritaire de l’État. Comme l’illustre “l’affaire Médine” de cet été, nous traversons une séquence où la prétendue défense des juif·ve·s sert à justifier l’islamophobie d’Etat, à museler des organisations et figures des droits de l’Homme ou à créer des fractures au sein du mouvement social et de la gauche.

    Enfin, le soutien affiché de la Macronie aux juif·ve·s passe en grande partie par un soutien sans faille à Israël, avec un lobbying intense au sein du groupe parlementaire Renaissance pour faire taire dans ses rangs toute critique de l’apartheid israélien. L’adhésion de l’État français à l’idéologie sioniste fait des juif·ve·s des citoyen·ne·s de facto à part. Elle renforce l’idée que les juif·ve·s français·e·s ne sont pas entièrement français·e·s car ils appartiendraient à une nation juive qui a sa place sur le sol historique de la Palestine. Si nous ne sommes vraiment chez nous qu’en Israël, qu’est ce que cela veut dire pour nos droits, notre sécurité et notre émancipation en France ?

    Vous définissez le sionisme comme “un projet raciste colonial et ethno-nationaliste” : comment cela se fait-il qu’en France l’antisionisme soit à ce point diabolisé et amalgamé avec l’antisémitisme ? Comment sortir de ce piège ?

    L’amalgame entre antisionisme et antisémitisme relève d’abord d’un effort des organisations sionistes et des gouvernements israéliens successifs pour associer la solidarité avec les Palestinien·ne·s à l’expérience occidentale de l’antisémitisme. Ce discours se développe en réaction à la dégradation de l’image de l’État israélien sur la scène internationale, suite au début de l’occupation en 1967 et à la résolution 3379 de l’ONU adoptée en 1975 (et révoquée depuis) qui déclarait que le sionisme était une forme de racisme. Cette dégradation s’est accélérée à partir des années 80 avec l’invasion du Liban et la première Intifada.

    Partant de cet amalgame, l’identité juive passe forcément par le sionisme, l’adhésion à un projet ethnonationaliste. Juif·ve = sioniste et judaïsme = sionisme. Cette politique de propagande a rencontré un accueil bienveillant auprès des classes dirigeantes occidentales qui partagent des intérêts et des valeurs avec l’État israélien.

    En France, cet amalgame est un élément central de la construction nationale, révèle comment la France se rêve – c’est-à-dire en protectrice des juif·ve·s – et comment elle rêve les juif·ve·s de France – faisant partie d’une autre nation.

    Cet amalgame est à la fois un bouclier et une épée. Il permet à l’État français de s’absoudre à peu de frais de sa responsabilité dans la persécution des juif·ve·s d’Europe – comment pourrait-il être antisémite puisqu’il est un fervent soutien de “l’État des juif·ve·s” ? Il est aussi un moyen efficace de marginaliser socialement et politiquement les classes populaires issues de l’immigration post-coloniale, historiquement critiques du colonialisme israélien, mais aussi les militant·e·s anticolonialistes et antiracistes qui se revendiquent antisionistes.

    Aujourd’hui, la défense des intérêts de l’État d’Israël – l’impensé du colonialisme sioniste et la négation des droits des Palestinien·ne·s – est assurée par cet amalgame. Les droits et les libertés des Palestinien·ne·s sont d’abord en jeu ici, mais la sécurité des juif·ve·s en France en est aussi impactée. Car en liant le sort des juif·ve·s de France à celui d’un projet colonial suprémaciste entre la Mer et le Jourdain, elle les place inexorablement entre le marteau et l’enclume.

    Evidemment, on peut être antisémite et antisioniste, les années Dieudonné-Soral nous l’ont bien montré et ont d’ailleurs donné un élan à l’amalgame. Mais assimiler par principe l’un à l’autre relève d’une escroquerie politique et intellectuelle. Surtout si l’on ignore systématiquement les liens politiques de plus en plus visibles qui unissent les défenseurs de l’idéologie sioniste aux politicien·ne·s suprémacistes blancs et aux antisémites européen·ne·s ou étasunien·ne·s.

    Sortir du piège que constitue cet amalgame, c’est d’abord ne pas se laisser intimider par de tels dispositifs, comprendre comment ils fonctionnent et quels intérêts ils servent. C’est s’alarmer du fait qu’il dépouille l’antisémitisme de toute signification. Les crimes du colonialisme israélien étant commis par des individu·e·s se réclamant du judaïsme ou de la judéité, au nom de “l’État des juif·ve·s”, par des hommes et des femmes politiques exigeant des juif·ve·s du monde entier une solidarité inconditionnelle sous peine d’être qualifié·e·s de traîtres, nous pensons que c’est la politique israélienne, et non la lutte contre celle-ci, qui renforce l’antisémitisme.
    Dans Frustration magazine, nous avons publié un texte de David, qui se définit comme juif et révolutionnaire, sur les postures antisémites à éviter quand on est de gauche, un texte qui vous a fait réagir. Sans entrer dans les détails, qu’est-ce qui vous a fondamentalement déplu dans ce texte ?

    Sur le papier, comment ne pas être d’accord avec le postulat de David ? Il faut combattre l’antisémitisme partout, y compris à gauche. Néanmoins, David s’appuie principalement sur l’expérience individuelle de certain·e·s militant·e·s juif·ve·s de gauche. La place que prennent les récits subjectifs dans sa démonstration est problématique au regard de la pauvreté de l’étayage matériel censé soutenir son analyse. Celle-ci est dépolitisante et véhicule une conception morale de l’opposition au racisme (« le racisme, c’est mal » sic), ce à quoi nous répondons que, certes, le racisme est moralement condamnable, mais que ce n’est pas le sujet quand il s’agit de lutter contre. L’antisémitisme est réduit à ses symptômes et la question des structures qui le produisent est laissée de côté.

    Même en admettant le postulat d’un problème structurel et spécifique à « la gauche » vis-à-vis de l’antisémitisme, rien dans le texte ne constitue un début de levier permettant de le résorber. Le décalage entre son ambition louable (mettre en évidence l’antisémitisme comme point aveugle à gauche) et la faiblesse de la démonstration nous interpelle, et devrait interpeller tout·e militant·e entendant prendre la question de l’antisémitisme au sérieux.

    Les limites et impasses méthodologiques du texte de David sont porteuses de confusion. Ainsi, elles l’amènent à mettre sur un même plan d’analyse une anecdotique histoire de falafels – dont on se demande encore le rapport avec la question de l’antisémitisme à gauche – et le fait de demander à un·e juif·ve de se justifier de la politique israélienne uniquement parce qu’il ou elle est juif·ve. De même, la gauche n’étant jamais définie, on ne sait pas vraiment de qui il est question. Qui commente « Free Palestine » sous une photo de vacances d’une personne identifiée comme juive ? Est-il ou est-elle « la gauche » ? Un·e internaute lambda partageant du contenu de gauche ? Un·e militant·e encarté·e ? Un·e responsable politique ? Quel impact a réellement ce commentaire sur la sécurité des juif·ve·s et peut-il sérieusement être caractérisé d’acte antisémite ?

    Au final, deux éléments pourtant centraux dans la production et la circulation de l’antisémitisme sont ignorés. D’une part, la manière dont le sionisme et la politique israélienne sont venus percuter la question de l’antisémitisme : en associant le nom « juif » à une entreprise coloniale, en conditionnant la réalisation supposée des intérêts juifs à la spoliation et l’oppression des Palestinien·nes, l’État israélien et ses soutiens cultivent dangereusement le terrain d’un antisémitisme d’autant plus dangereux qu’il pourrait s’auto-justifier par la cause juste de la lutte contre le colonialisme et l’oppression. D’autre part, l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par un pouvoir d’État de plus en plus islamophobe et antisocial est ignorée. Pourtant, cette instrumentalisation nourrit l’antisémitisme et favorise sa circulation.

    Enfin, nous ne pouvons ignorer le contexte d’énonciation depuis lequel nous parlons. Ce texte s’inscrit dans une controverse lancée il y a quelques années et qui consiste à affirmer, à partir d’une position de militant révolutionnaire de gauche, que la gauche à un problème spécifique avec l’antisémitisme. Un discours qui arrive en écho à ce que l’on entend du côté de la droite et des soutiens de la politique israélienne depuis bien plus longtemps. Au regard des enjeux politiques extrêmement graves de notre époque et, notamment, ceux relatifs à la lutte contre l’antisémitisme et l’islamophobie, une telle démarche nous pose question. Nous pensons, au contraire, qu’il est urgent d’identifier clairement les structures de production de l’antisémitisme là où elles sont : à droite, à l’extrême-droite, dans le pouvoir d’Etat en France, dans la politique israélienne.

    Enfoncer des portes ouvertes ou aligner des apories n’est d’aucune utilité dans la lutte contre l’antisémitisme. Oui, il peut y avoir des personnes ou des propos antisémites « à gauche », comme on peut y trouver des personnes ou des propos sexistes, islamophobes, homophobes. Cela ne veut pas dire pour autant que « la gauche », en tant que telle, est un lieu spécifique de production de l’antisémitisme. Et, a fortiori, que la cibler est une priorité.

    Les formations ou les textes de développement personnel “5 pistes pour combattre l’antisémitisme” tel que celui de David, publié qui plus est dans une revue de gauche que nous apprécions par ailleurs, sont le symptome du manque d’analyses sérieuses de l’antisémitisme aujourd’hui ainsi que de sa dépolitisation. Une des raisons pour laquelle Tsedek ! a été fondé est justement de répondre à ce manque, et de proposer une alternative décoloniale et véritablement antiraciste.
    De nombreux intellectuels dominants ont pour habitude d’associer anticapitalisme et antisémitisme. S’en prendre à la grande bourgeoisie, ce serait toujours, dans le fond, s’en prendre aux juives et aux juifs. Que répondre à ce genre d’attaque ? Est-ce qu’elles s’inscrivent dans l’instrumentalisation des juives et juifs que vous dénoncez ?

    Dès le Moyen Âge, les juif·ve·s ont joué un rôle important dans le commerce et la finance en Europe, poussé·e·s par la théologie chrétienne dominante condamnant le prêt d’argent à intérêt, elle laissait ces activités aux « juifs maudits ». Bien qu’essentiel·le·s à l’économie médiévale, les juif·ve·s étaient, dans la pensée chrétienne, doublement damné·e·s en tant que tueurs du Christ et parasites économiques. Cette perception a perduré, constituant un substrat pour les discours antisémites et complotistes émergeant du XIXe siècle, y compris dans des courants anticapitalistes de gauche romantique, qui octroient aux juif·ve·s une relation spéciale à l’argent et au pouvoir.

    Ces discours restent en circulation aujourd’hui mais peuvent prendre des formes différentes, ré-adaptés aux besoins du moment, pour atteindre de nouveaux publics. Une chose ne change pas : ces théories permettent encore de faire passer un discours raciste pour un discours anti-système ou anti-élites et peuvent surgir partout sur l’échiquier politique. Néanmoins, elles sont produites et propagées par les extrêmes droites et dans une moindre mesure par une droite républicaine de plus en plus ouvertement raciste : le « grand remplacement » de Renaud Camus a pu être mobilisé par Pécresse, la candidate de la droite républicaine lors des élections présidentielles.

    Les éditorialistes, polémistes, think-tanks, politiques, et même certain·e·s militant·e·s antiracistes qui se font les défenseur·euse·s de la théorie du « fer à cheval », si chère au bloc bourgeois qui aime à penser que les « extrêmes se rejoignent », ont compris que l’association du « socialisme des imbéciles » avec l’anti-capitalisme et la critique de la financiarisation de l’économie portée par la gauche aujourd’hui est un moyen efficace de la décrédibiliser et de créer des fractures en son sein. Il s’agit d’une autre facette de l’instrumentalisation de l’antisémitisme et de sa redéfinition.

    L’antisémitisme a signifié des choses différentes pour différentes personnes à différentes époques. Mais cet « antisémitisme de gauche » basé sur l’association entre anticapitalisme et antisémitisme repose sur une conception rigide et confuse de l’antisémitisme, presque caricaturale. Pour essayer de trouver une cohérence dans ces accusations à la volée, cette lecture renonce à considérer la politique de façon matérialiste pour se focaliser sur ce qu’elle identifie comme des « tropes » – des phrases, des mots ou des images qui dans certains contextes politiques et historiques précis charriaient des idées antisémites mais qui, lorsqu’elles sont prises au pied de la lettre et déconnectées du contexte politique dans lequel elles sont prononcées, ne sont plus que des signifiants vides. Ainsi, de simples mots utilisés pour décrire des faits – la négation du droit international par l’Etat israélien lorsqu’il déporte Salah Hamouri, le maintien d’une personne en poste suite au remaniement ministériel d’un gouvernement en crise en la personne d’Elisabeth Borne qualifiée de “rescapée” par Mathilde Panot ou le caractère parasitaire de la classe bourgeoise – deviennent les éléments d’un discours antisémite car pouvant l’être hypothétiquement dans une autre réalité politique. Cela signifie que pour être désigné publiquement comme antisémite, il n’est plus nécessaire d’adhérer à une vision du monde antisémite caractérisée par la haine des juif·ve·s, la croyance en un complot juif, la croyance que les juif·ve·s ont engendré le communisme et/ou contrôlent le capitalisme, la croyance en l’infériorité raciale des juif·ve·s, etc. La seule présence d’un trope, qui hors d’un contexte et d’un programme politique structurellement antisémite n’est plus qu’une coquille vide, permet de dégager une soi-disant intention antisémite.

    Certes, en tant qu’anti-racistes nous savons que le discours, les mots et les images ont un rôle historique central dans la consolidation du système raciste. Mais les actes antisémites d’aujourd’hui ne reposent pas sur le système raciste de la France du XXe siècle ou de l’Allemagne des années 1930. L’antisémitisme, contrairement à l’islamophobie, n’occupe plus une place centrale dans l’idéologie dominante. Au vu de l’urgence antiraciste, nous ne pouvons laisser ces accusations fondées sur des signifiants vides et déconnectés dicter le cadre de nos luttes antiracistes.

    Il est faux et surtout dangereux d’affirmer que l’antisémitisme aujourd’hui est une production de la gauche anti-capitaliste et anti-impérialiste. Ce n’est pas de là qu’il surgit et ce n’est pas à partir de là qu’il se propage. Nous comprenons l’émotion et le sentiment d’insécurité qui est suscité lorsque l’antisémitisme est discuté en France, mais nous refusons d’en faire le vecteur de notre politique. Nous devons comprendre pourquoi des voix juives attirées par la gauche se sentent menacées par celle-ci et œuvrer pour dépasser la peur et son instrumentalisation. Mais participer à cette chasse au tropes sans la questionner pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un outil au service de la réaction, ne fait que mettre en avant les juif·ve·s comme des victimes éternelles et permanentes. Cela marginalise celles et ceux qui subissent une violence bien plus grande aujourd’hui et fracture davantage un front antiraciste fragile qu’il nous faut construire et renforcer au plus vite.

    En conséquence, Tsedek ! veut aussi repolitiser la question de l’antisémitisme à gauche. La confusion autour de ce qu’est l’antisémitisme n’a jamais été aussi grande. Alors que d’autres organisations se focalisent sur cette chasse aux tropes, s’évertuent à séparer l’antisémitisme des autres racismes, participent à propager l’idée du nouvel antisémitisme et normalisent le sionisme, nous pensons qu’il est dangereux de déplorer les effets de cette confusion tout en en chérissant les causes.
    Depuis le début de nos échanges, la situation en Israël-Palestine a pris une tournure dramatique. Les morts se comptent par milliers. Quelle est votre analyse de l’attaque perpétrée par le Hamas en Israël le samedi 7 octobre, ainsi que de la riposte de Tsahal ? Comment vous positionnez vous dans le débat sémantique qui déchire les forces de la gauche institutionnelle quant à la caractérisation de l’attaque du Hamas ?

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 1300 Israéliens et plus de 3000 Palestiniens de Gaza ont perdu la vie, dont de nombreux enfants. Ce décompte macabre nous donne la nausée. Nous sommes convaincus que ces morts auraient pu être évitées. Tout en déplorant l’attaque indiscriminée d’un nombre inégalé de non-combattants en Israël – enfants, femmes et hommes -, nous refusons pour autant de mobiliser la catégorie politique de terrorisme.

    Cette notion a acquis un sens bien particulier depuis les attentats du 11 septembre et de 2015 en France. Non, contrairement à ce que nous pouvons entendre en Israël et sur de nombreux plateaux français, le Hamas ne s’en ait pris ni à la présence juive en Palestine par antisémitisme, ni aux valeurs occidentales dont Israël serait le garant dans un ensemble régional hostile et arriéré. Dire cela, c’est occulter la dimension coloniale de ce qui se joue en Israël-Palestine. Relayer cette thèse, c’est insulter l’ensemble des Palestiniens qui sont victimes depuis plus d’un siècle d’une politique radicale de dépossession sur leur propre terre qui a pris et continue à prendre de nombreuses formes : exils forcés, états d’urgence militaire, assassinats ciblés, répression féroce de l’opposition pacifique, fragmentation en divers statuts juridiques du peuple palestinien, enfermement sans procès de milliers de personnes, colonisation, blocus, apartheid.

    Nous saluons le courage politique du NPA, mais aussi de LFI qui, sans pour autant épouser nos positions antisionistes (le mouvement continue de militer pour la solution à deux États par exemple), résiste aux injonctions morales violemment portées par toutes les composantes du bloc bourgeois. Contre vents et marées, elle se refuse toujours à parler de terrorisme pour caractériser l’attaque du 07/10, et ce pour deux raisons que nous partageons également. Premièrement, le terrorisme n’est pas une catégorie juridique encadrée par le droit international. Il est donc logiquement impossible d’envoyer les auteurs devant la CPI pour qu’ils répondent de leurs crimes. Deuxièmement, la catégorie de terrorisme empêche de penser et de contextualiser. Avec elle, les combattants du Hamas ne sont que des barbares assoiffés de sang juif. Ils peuvent donc être neutralisés sans que le statu quo colonial qui étouffe Gaza depuis 2007 sous la forme d’un blocus cruel ne soit remis en cause. Les autres forces de la NUPES jouent un jeu dangereux qui relève par ailleurs de l’instrumentalisation cynique d’une guerre violente : ils cherchent à isoler LFI, mais joignent la meute des soutiens inconditionnels du colonialisme israélien en épousant leur agenda sémantique – le tout, bien évidemment, sur le dos de la solidarité avec les Palestiniens.

    Et de cette solidarité, les Palestiniens en ont plus que jamais besoin ! La violence des représailles qui s’abat sur les Gazaouis est incommensurable. Elle vise indistinctement combattants et civils, au mépris des conventions les plus élémentaires du droit international. Imaginez bien, en moins de deux semaines, l’armée israélienne a déversé plus de bombes sur le territoire exigu de 360 km2 composé d’une part importante d’enfants (près de 50% de la population) que l’armée étasunienne sur l’Afghanistan en une année. En choisissant de participer au cirque organisé par la Macronie visant à exclure LFI de “l’arc républicain”, les autres composantes de la NUPES se déshonorent et ne mobilisent pas leurs forces pour exiger de la France qu’elle appelle à un cessez-le-feu immédiat, condition indispensable mais non suffisante à la reprise d’une discussion politique entre les colons et les colonisés ensauvagés par des décennies de sionisme réellement existant.
    Comment vit-on la situation actuelle, quand on est juif décolonial, au niveau individuel comme collectif ? On peut imaginer que ça doit être particulièrement violent de vivre des positions très antagonistes au sein de la communauté juive par exemple. Comment on tient le coup, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

    Au niveau individuel, nous vivons évidemment une période extrêmement difficile et douloureuse. Les attaques du 7 octobre nous ont profondément attristés. Nous partageons cette peine avec nos proches en Israël, mais aussi en France, auprès de nos familles elles aussi extrêmement touchées par ce qu’il s’est passé. Nous avons en même temps vécu un décalage terrible et parfois déchirant avec nos proches, qui ne partagent pas toujours la même compassion que nous éprouvons pour les Palestiniens, qui meurent par milliers sous les bombardements israéliens dans la bande de Gaza. Entendre des membres de nos familles reprendre mot pour mot la rhétorique génocidaire du gouvernement israélien nous bouleverse profondément et nous rappelle à quel point la parole juive antisioniste est lourde à porter d’un point de vue individuel et affectif. Et en même temps, ces moments nous rappellent l’importance de notre engagement contre le colonialisme, et la perte d’humanité qu’il induit.

    Collectivement, nous sommes aussi extrêmement inquiets du climat actuel en France, qui transforme la situation en Israël-Palestine en un affrontement entre juifs et musulmans, un narratif qui n’aura pour répercussion que la multiplication d’actes islamophobes et antisémites. A l’échelle politique, la sécurité des juifs et des juives est une fois encore instrumentalisée pour justifier des mesures autoritaires et racistes : interdiction de manifestations en soutien à la Palestine, suspicion à l’égard des musulmans, arrestations et expulsions. En tant qu’antiracistes, nous combattons l’islamophobie et l’antisémitisme , tout en restant lucides quant à ses lieux de productions, que ce soit l’antisémitisme historique européen ou l’amalgame entre Juifs et Israël. Mais cette position, sur une ligne de crête, peut nous rendre inaudibles pour une partie de notre communauté, qui voit Israël comme la seule solution possible pour nous protéger. Nous rappellerons tant qu’il le faudra que la sécurité des juifs et des juives ne sera pas garantie tant que l’existence d’un pays qui se revendique comme foyer national du peuple juif se basera sur la négation des droits des Palestiniens. Tout comme elle ne la sera pas tant, qu’en France, la persistance de l’antisémitisme européen continuera de prospérer, tout en étant niée, au profit de l’idée fallacieuse que les musulmans représenteraient aujourd’hui la menace existentielle pour les juifs et les juives.

    https://www.frustrationmagazine.fr/juifs-tsedek

    #Israël #Palestine #Juifs_en_France #antiracisme #anticolonialisme #7_octobre_2023 #colonialisme #colonialisme_israélien #à_lire #antisémitisme #antisionisme #sionisme #anticapitalisme #décolonial #entretien #apartheid #racisme_d'Etat #justice #racisme #Juifs_de_France #manifeste #ethno-nationalisme #propagande

  • Racisme et #domination des Etats méditerranéens

    Le #racisme en #Tunisie, loin d’être un #fait_culturel, est la conséquence de #politiques_frontalières

    La #violence contre les personnes noires en situation irrégulière en Tunisie reflète une manie de domination et un jeu de pouvoir lâche d’un petit État en crise. Mais elle est aussi le résultat d’un récit populiste et d’une approche gouvernementale cruelle à l’égard des indésirables, typique de tous les États méditerranéens.

    En 1982, le célèbre intellectuel tunisien Albert Memmi écrivait un essai intitulé Racisme, dans lequel on trouve sa fameuse définition du phénomène qui donne son titre au livre : “l’exploitation généralisée et définitive des différences, réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de la victime, pour justifier une agression”. A l’époque de Memmi, né à Tunis d’une mère d’origine juive berbère et d’un père d’origine tunisienne italienne, la Tunisie était un protectorat français et sa population était beaucoup plus hétérogène qu’aujourd’hui, avec des Français, des Italiens, des Maltais et une présence juive bimillénaire. Dans les années 1950, le racisme des colons français à l’égard de la population majoritairement arabo-musulmane justifiait l’occupation du pays. Aujourd’hui, cent ans après la naissance de Memmi, le racisme de la majorité arabo-musulmane à l’égard des minorités et des étrangers noirs justifie la répression de ces derniers. Fondé sur un récit nationaliste très homogénéisant, le racisme en Tunisie, comme dans le reste de l’Afrique du Nord, est une réalité difficile à éradiquer parce qu’elle est omniprésente dans la politique et la culture, et parce qu’elle joue sur des problèmes réels.

    Le racisme anti-noir en Tunisie, s’il est une réalité presente depuis des années 1, a explosé ces derniers mois depuis le discours du Président Kaïs Saïed du 21 février contre les personnes subsahariennes en situation d’irrégularité. La Tunisie a été choquée par une violence raciste sans précédent. En représailles au meurtre d’un citoyen Tunisien par un homme d’origine de l’Afrique dite Subsaharienne, des hordes d’hommes armés de couteaux et de bâtons ont attaqué les maisons de familles innocentes. Cette violence a été précédée, légitimée et suivie par une répression organisée de l’État contre les personnes noires sans papiers : au cours des deux dernières semaines, des centaines d’arrestations et d’expulsions ont été dénombrées à la frontière, au milieu du désert 2. Beaucoup de Tunisiens sont consternés par le comportement de leurs concitoyens et la brutalité de leur Etat. Et beaucoup voudraient être solidaires, offrir un logement et une assistance aux expulsés et aux déportés, mais toute tentative de solidarité est empêchée, bloquée ou déjouée par une police omniprésente et capillaire.

    Et dans un état de non-droit comme la Tunisie, où la loi se négocie avec l’arbitraire des policiers, parmi les victimes les plus malheureuses se trouvent précisément ceux que les politiciens Italiens appellent les migrants, qui fuient les guerres, les persécutions et la pauvreté et que le gouvernement italien continue à renvoyer en Afrique du Nord, en finançant les garde-côtes tunisiens pour qu’ils empêchent à tout prix leur départ. Ce sont ces mêmes personnes qui, arrivées en Europe, deviennent des réfugiés : Soudanais, Erythréens, Ethiopiens, Nigérians, ou qui deviennent des clandestins enfermés dans les Centres de Rétention Administratives Italiens, renvoyés dans leur pays, relégués dans la misère. Migrants, réfugiés ou sans-papiers, la différence n’est pas grande si vous avez la peau noire en Tunisie, puisque la violence – d’Etat – est exercée sans distinction. D’ailleurs, parmi les personnes amenées dans le désert ces derniers jours, il y aurait aussi des étudiants et des personnes ayant des documents de séjour valides, ainsi que des réfugiés et des demandeurs d’asile. Et dans l’Union européenne, voulons-nous encore croire que nous pouvons créer des plateformes de débarquement 3 en Afrique du Nord pour décider qui est un vrai réfugié – qui peut venir chez nous ! – et qui est un migrant économique – qui doit rester là-bas ? Et pendant ce temps, des centaines de personnes dans les rues, battues ou abandonnées dans le désert.

    À l’origine des événements récents, il y a les politiques économiques et militaires des frontières. Fondamentalement, les gens ne quitteraient pas leur pays si leurs perspectives de vie n’étaient pas menacées par la famine, la guerre et la pauvreté. Et pour soutenir la poursuite des conflits au Mali, au Niger, en Libye ou en Ukraine, ou la pauvreté au Tchad, en Tunisie ou en Côte d’Ivoire, ce sont les armées et les politiques extractives néocoloniales françaises, italiennes, britanniques, allemandes, américaines, auxquelles s’ajoutent celles des nouvelles grandes puissances, comme la Chine et la Turquie, qui sont en cause. A leur arrivée en Tunisie, la fermeture des frontières méditerranéennes est un mur qui empêche ces “déplacés en quête de vie” de partir. Ne pouvant plus repartir, ils restent bloqués dans un pays pauvre, un petit Etat en crise économique, sans ressources massives, avec peu d’industries et un tourisme en déclin, et un passé récent perturbé par la révolution. Un pays qui doit pourtant compter avec ses voisins arrogants et puissants : Italie, France, Allemagne, Pays-Bas, Union européenne. Des voisins qui veulent à tout prix arrêter ces personnes en transit, et qui paient des millions à la Tunisie pour le faire 4. Et s’il n’y avait pas de frontières, s’il n’y avait pas la militarisation de la Méditerranée, ces personnes seraient déjà en Italie : problème résolu.

    Aujourd’hui, la Tunisie en a assez de jouer ce rôle infâme et coûteux. Dans un contexte de crise économique écrasante et déprimante, d’inflation massive et de chômage endémique, l’arrivée de milliers de personnes s’installant dans les grandes villes tunisiennes compromet encore davantage la capacité de l’État à subvenir aux besoins de sa population. D’autant plus que cet État ne s’est jamais montré disposé à le faire. La colère monte chez un peuple affamé et frustré de voir s’installer dans ses villes des “Africains“, comme on appelle paradoxalement les Noirs subsahariens. La xénophobie sévit dans toutes les couches de la société, mais surtout parmi les plus démunis et les plus touchés par la crise. Les mêmes personnes qui ont peu de perspectives d’avenir, qui se sentent emprisonnés dans un pays qui les piétine et les écrase avec sa police, un pays où tout – travailler dignement, ouvrir un commerce, étudier, recevoir des soins médicaux de qualité – est difficile, nié, empêché. Un peuple écrasé par les frontières, un peuple qui n’a qu’un seul espoir : partir. Un espoir qui lui est refusé par la difficulté d’obtenir un visa et qui est criminalisé par les politiques euro-tunisiennes de lutte contre l’immigration irrégulière. Un peuple qui se souvient bien de l’époque prérévolutionnaire, où au moins il n’y avait qu’un seul voleur. Aujourd’hui, tout le monde est voleur (interview avec un chauffeur de taxi à Sfax). L’anarchie est généralisée, la méfiance règne, la colère monte.

    “Faddina”, (nous en avont assez) depuis des années, disent les Tunisiens. Assez de la corruption du parti islamiste el Nahda, assez de vendre du sel à la France pour une somme dérisoire, selon une convention qui remonte à l’époque coloniale 5. Alors, quand Kais Saied, un honnête professeur de droit, a fait nettoyage général 6 en 2019, de larges pans de ce peuple se sont réjouis. Mais au fil des années, sans une politique économique forte pour relever le pays, le professeur perd de sa popularité. Et donc aujourd’hui, ce dictateur incompétent – on dit qu’au moins l’autre était intelligent (interview avec un étudiant à Tunis) – s’accroche de toutes ses forces au peu qu’il a pour affirmer sa souveraineté. Il a d’abord jeté en pâture à la foule des députés corrompus, puis des islamistes ; il a ensuite inventé des complots contre l’État, des journalistes-espions et des organisations financées par l’Europe pour faire tomber le pays. Aujourd’hui, sa dernière carte est aussi la plus en vogue. La méthode la plus rapide, la plus facile et la plus indolore pour revenir dans les bonnes grâces de son peuple est de mener une lutte sans merci contre les personnes noires sans papiers. Cette lutte sert aussi bien la politique extérieure que la politique intérieure : d’une part, gagner en crédibilité (et attirer l’attention et donc des fonds) auprès des partenaires européens dans la lutte contre l’immigration irrégulière, d’autre part, renforcer la légitimité du gouvernement. Et ce, en éliminant ceux qui ne correspondent pas à la définition de l’identité nationale.
    Pouvoir raciste, pouvoir populiste

    La Tunisie, qui dispose d’un État-providence très pauvre, où il n’y a pas de protection économique et sociale des citoyens, où le pouvoir est concentré dans les mains des oligarques de la classe dirigeante, est la “démocratie du mécontentement”. Tout le monde se plaint, personne ne fait confiance à l’État. Beaucoup se souviennent de l’époque de Ben Ali, où au moins il y avait lui, un homme fort qui affirmait sa position. Aujourd’hui, l’homme fort Kais Saied tente de se créer une hégémonie, au sens gramscien (voir pour ce concept Gherib Baccar, 2017), c’est-à-dire une légitimation populaire et incontestée de son pouvoir, de son autorité, basée sur la répression des indésirables, les personnes irrégulières noires.

    Premier objectif du racisme de Saied : jouer les durs avec l’Europe. Ce n’est certes pas la première fois que les corps des migrants sont utilisés comme une arme de politique internationale : voir la Turquie en 2016 dans les négociations avec l’Europe, l’Italie et la Grèce au cours de la dernière décennie dans les négociations avec d’autres États européens. Au contraire, nous pouvons identifier des approches anti-migrants communes à toutes les politiques méditerranéennes. La lutte contre les migrants irréguliers par tous les moyens – rejets aux frontières, réadmission dans le pays d’origine, détention, marginalisation – est la variable commune de la politique régionale dans et autour de la mer Méditerranée, de l’Europe du Nord à l’Afrique subsaharienne. A travers cette lutte sans merci, les Etats forgent une part de leur souveraineté, alors que le thème des migrations est aujourd’hui au cœur des débats dans de nombreux pays européens. Gouverner les mouvements humains est donc une façon d’être et de fonctionner de l’État méditerranéen, une forme de gouvernement méditerranéenbasée sur le nationalisme populiste et le racisme. Ces derniers, héritiers du passé colonial et frères de toutes les occupations autour de cette mer, des colonies israéliennes illégales sur les terres palestiniennes, à l’occupation du Sahara occidental par le gouvernement marocain.

    Le racisme et le populisme sont en effet les cartes avec lesquelles se joue ce jeu impitoyable. Par le passé, les puissances coloniales européennes ont tenté de justifier leur domination et de légitimer leur occupation par des arguments scientifiques et rationnels. Les écrivains européens – principalement français et anglais – du XVIIIe siècle, tels que Voltaire, Goethe, Chateaubriand, Renan, ont contribué à la création d’un “savoir orientaliste” (Said, 1978) qui caractérisait les Arabes musulmans comme arriérés et légitimait ainsi l’intervention occidentale. Le racisme, c’est-à-dire la valorisation des différences, réelles ou imaginaires (Memmi, 1982), est l’outil approprié pour soutenir ce type de discours. Selon la définition de Memmi, le racisme est un instrument d’agression qui utilise les différences entre les hommes : “Quelle que soit la voie empruntée, le but du racisme est la domination. […] Comme au billard, où l’on vise une boule pour en mettre une autre dans le trou, on accuse sous divers prétextes, mais toujours pour rejeter, spolier, opprimer. […] Le racisme illustre et symbolise l’oppression”. Le racisme, c’est donc le mépris et le sentiment de supériorité du colonialiste qui a justifié l’invasion de la Tunisie ou de l’Algérie ; c’est aussi l’antisémitisme qui a conduit à l’extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ; c’est encore les récents événements de Sfax, où des hordes de bandits armés de machettes ont attaqué des familles d’immigrés subsahariens. Tout comme l’action odieuse des forces de sécurité tunisiennes qui ont emmené de force ces mêmes familles dans le désert, à la frontière libyenne, sans eau ni nourriture. Derrière tous ces événements se cache une volonté de domination et de pouvoir. “L’action raciste n’est jamais désintéressée, même si la nature du profit n’est pas immédiatement claire”. (Memmi, 1982).

    Les images et les vidéos des événements de Sfax, qui ont secoué la Méditerranée comme le massacre de Melilla l’avait fait en 2021, amènent à réfléchir une fois de plus sur les frontières et l’Etat-nation. En effet, ce qui unit les Etats aujourd’hui, malgré d’énormes différences dans leurs spécificités culturelles, géographiques et politiques, c’est le récit fortement identitaire et populiste avec lequel le pouvoir gouvernemental est légitimé. C’est pourquoi on les appelle des États-nations : parce que chaque État crée et entretient une identité nationale spécifique et limitée qui différencie ceux qui font partie de l’État de ceux qui n’en font pas partie. La raison de cette “nationalité” des États s’explique par la nécessité de définir le pouvoir de l’État, son monopole de la violence, comme le dit Weber. L’identité nationale sert également à définir à qui fournir des services tels que la santé, l’éducation et le travail, c’est-à-dire l’aide sociale : il est plus facile de le faire avec une division claire entre ceux qui sont inclus et ceux qui sont exclus. Enfin, elle est également utile en temps de crise, lorsqu’il faut économiser, mobiliser, faire la guerre, car il est plus facile de convaincre quelqu’un de défendre quelque chose de proche, de cher et d’intime, plutôt qu’une entité lointaine, froide et incolore. Ce caractère nationaliste de l’État est aussi son caractère raciste, comme le dirait Etienne Balibar, car les États-nations sont, par définition, des États racistes, dans lesquels l’identité nationale peut être utilisée pour justifier une agression : c’est cela le racisme d’État.

    Mais l’équation fonctionne aussi dans l’autre sens : s’il est vrai que l’identité nationale sert la violence de l’État, l’inverse est également vrai son opposé, à savoir que la violence renforce la nation. Les exemples historiques sont nombreux : l’identité nationale des puissances européennes s’est renforcée et renouvelée après les guerres mondiales ; les conflits interethniques revigorent souvent la perception des différences entre les peuples, comme ce fut le cas en Bosnie où, aujourd’hui encore, après la guerre, l’État est toujours divisé entre musulmans et catholiques. Demandons-nous donc si la Tunisie de Saïed ne cherche pas à faire la guerre, à sa manière, aux citoyens subsahariens présents sur son territoire, pour consolider la force de son gouvernement, pour renforcer l’identité nationale tunisienne. La création d’un bouc émissaire, d’un “autre” à combattre, à chasser, à tuer, n’est-elle pas une source de force pour la nation, pour l’individualité collective du citoyen qui se reconnaît dans son État et veut le protéger ?

    Et en effet, le deuxième objectif du racisme de Saïed est de calmer les foules en colère. Les criminels qui ont commis ces actes brutaux étaient eux-mêmes victimes d’un système inégalitaire, fortement touché par la crise. Cela ne justifie pas l’agressivité ou la haine raciale, mais explique comment la colère et la frustration peuvent facilement être dirigées vers les plus faibles, d’autant plus si cette violence est soutenue par l’Etat. Ce n’est pas seulement la nation qui est revigorée par le choc avec l’autre, mais aussi le narcissisme du moi collectif dans la société. Ce qui nous interroge, c’est le sens de la violence, qui est toujours dirigée vers les plus délaissés et les plus pauvres. Memmi explique que “le raciste va instinctivement contre l’opprimé : il est plus facile d’ajouter de la souffrance à ceux qui en ont déjà”. La violence ne se manifeste pas, comme il serait peut-être plus logique, à l’égard des forts, des dirigeants européens, des puissances coloniales. Le sentiment de cette violence est légitimé par le fait que “les Africains sont différents, ils ont une culture différente de la nôtre” (entretien avec un chauffeur de taxi à Sfax), oubliant par exemple les différences culturelles évidentes entre Tunisiens et Italiens. Au contraire : combien les filles et les garçons italiens sont beaux, gentils et intelligents, nos frères et nos sœurs ! Une vision influencée par les perspectives de classe et le désir d’Occident (Wael Garnaoui, 2022). Les différences, réelles ou imaginaires, sont créées et recréées dans le discours collectif et dans les perceptions individuelles. Dans une vidéo diffusée sur les médias sociaux, une femme tunisienne dit à une personne noire : “Tu dois aller dans ton pays, nous sommes un pays pauvre ici, il n’y a rien pour toi. Vous arrivez, vous vivez à 50 dans une maison, vous apportez des maladies. Il n’y a pas de place pour vous ici”. C’est le racisme des opprimés qui s’exprime, l’ignorance des personnes affamées manipulées par les “fake news” et les informations fallacieuses des médias de propagande modernes.
    Un besoin urgent d’un antiracisme d’État

    Albert Memmi affirme que “dans chacun de nous, il y a un raciste qui est ignoré. […] Le racisme est l’une des attitudes les plus partagées au monde”. Le racisme est tellement omniprésent dans la culture et la société, dans les médias et dans l’éducation, qu’il est difficile, voire impossible, de l’éliminer complètement. Comme le dit Memmi, le racisme est un fait social. Mais si le racisme à l’encontre des personnes noires est la direction “naturelle” vers laquelle se dirige la colère des personnes frustrées par la crise, les frontières et la corruption, le racisme est également un discours qui peut être utilisé, manipulé ou éliminé. Le fait que des bandes d’hommes armés aient attaqué des familles subsahariennes n’est, en soi, rien d’autre que la manifestation d’une tension sociale alimentée par la crise économique et un substrat culturel mono-identitaire, exclusif et fermé aux minorités. Ce substrat, omniprésent dans la société tunisienne, de l’éducation à la socialisation, créé par l’Etat depuis l’independence, est aujourd’hui légitimé par le discours raciste de Saïed. Il ne s’élimine pas du jour au lendemain : il faut une éducation antiraciste pour éviter que les victimes d’une crise économique et politique ne deviennent les auteurs d’un génocide. Au lieu de cela, l’État soutient et attise les sentiments racistes parce que cela l’arrange.

    Un tournant antiraciste est donc nécessaire, non seulement en Tunisie, mais aussi en Méditerranée. Tout d’abord, les lois et les tribunaux pourraient éliminer immédiatement – en condamnant les auteurs, à commencer par les chefs d’État et les ministres de l’intérieur – le racisme institutionnel des États méditerranéens, y compris la Tunisie. Pour ce motif là, l’independence du système juridique et pénal, très ménacé aujourd’hui en Tunisie, est d’importance centrale. Il faut un pouvoir independant et forte pour denoncer ce racisme vil et mesquin qui est dû à la volonté de domination dans un contexte historique et régional qui fait de la lutte contre les personnes noires en situation irrégulière le motif de l’expression de la souveraineté, intérieure et extérieure.

    Ce n’est pas seulement une question d’éthique, mais aussi d’efficacité – la propagande anti-noire de Kaïs Saïed est totalement incompétente pour résoudre – je dirais même contourner – les vrais problèmes : inflation, manque de produits de première nécessité, chômage. En déportant des innocents dans le désert, Saïed ne peut recevoir que des condamnations, internationales et internes. Memmi écrit : “Solution fallacieuse, certes, compensation vaine, mesquine et inique surtout, qui compromet les valeurs et se trompe sur elle-même, détruit la dignité de l’un pour assurer illusoirement celle de l’autre. Mais il faut admettre que c’est une sorte de solution à des problèmes réels, un tranquillisant face à des enjeux indéniables”.

    Ajoutons que l’Etat tunisien, comme d’autres Etats méditerranéens, ne persécute pas ces personnes uniquement parce qu’elles sont noires. En d’autres termes, à l’instar d’Annah Arendt (1951), les personnes persécutées par l’État sont avant tout des personnes sans droits politiques, donc des personnes déshumanisées à qui l’on refuse les droits de l’homme. Le racisme d’État est donc une répression des droits politiques que ces personnes réclament : droit à la citoyenneté, au travail, à la santé, à la scolarisation. Des droits qui ne sont accordés qu’à ceux qui possèdent la citoyenneté, tandis que ceux qui en sont exclus – sur une large base raciale – se voient non seulement refuser l’accès au système de protection sociale, mais sont classés comme “indésirables”. Si les nationalistes italiens de droite s’éloignent aujourd’hui du comportement raciste “classique” en adoptant une attitude politiquement correcte et en évitant de discriminer ouvertement sur la base de la couleur de peau, ils restent convaincus que le fait de ne pas posséder de documents de voyage ou de visa de séjour et de ne pas être éligible à la protection internationale disqualifie les personnes de la protection de l’État, c’est-à-dire de leurs droits politiques. On passe ainsi d’une droite ethno-nationaliste à une droite administrative-nationaliste, ce qui est dans l’air du temps. Mais la violence demeure : les indésirables doivent être enfermés, éloignés, éliminés, ou au mieux traités comme des victimes du jour à qui il faut offrir un minimum de charité (Agier, 2017).

    Nous concluons donc en disant que le racisme en Tunisie n’est pas un fait culturel, mais une évolution géographique, politique, historique et sociale. Aujourd’hui en Tunisie, le gouvernement méditerranéen des indésirables se double d’une expression raciste du nationalisme arabo-musulman. C’est dans une région, le Maghreb, historiquement “séparée” du reste de l’Afrique par un immense désert. L’indépendance, avec ses récits nationalistes nécessaires pour chasser l’occupant et créer une nation, a créé un terreau fertile pour une xénophobie généralisée. Aujourd’hui, les Tunisiens, attirés par l’Europe, se sentent plus de ce côté-ci de la Méditerranée que de l’autre. Les uns après les autres, les dirigeants tunisiens n’ont cessé d’alimenter ce sentiment pro-européen et anti-africain et de faire le jeu d’une Europe qui parle en faveur des pauvres, mais qui les piétine ensuite.

    Au lieu de changer l’histoire et de passer pour un illuminé, Saïed décide de suivre ses prédécesseurs. Il serait beaucoup plus honnête de dire, comme certains parlementaires et militants tunisiens l’ont fait à plusieurs reprises, que la Tunisie n’est pas un pays tiers sûr, qu’elle ne peut plus jouer le rôle de garde-frontière et qu’il n’y a pas de possibilité de loger et de travailler pour les réfugiés sur son territoire. Que l’Europe, avec tout son argent, les prenne en charge, en somme ! Mais Saïed ne le dira jamais. C’est trop tard : un accord entre l’Union européenne et la Tunisia à déjà été signé le 16 Juillet 2023.

    Il faudrait alors, à tout le moins, promouvoir une forme d’antiracisme humanitaire à l’égard des personnes bloquées dans le pays. Ce serait un discours éthique et noble que l’Europe, avec ses traités sur les droits de l’homme, serait obligée d’accepter. D’autre part, pendant la guerre d’Algérie (1967) et la guerre en Libye (2011), des milliers de familles ont accueilli, nourri et aidé des milliers de réfugiés des pays voisins. En Tunisie, beaucoup sont prêts à recommencer, car l’hospitalité et l’aide aux autres font partie intégrante de la culture du pays. Mais Saïed décide de suivre le mauvais exemple des Européens, et cela, parce que c’est plus facile, c’est moins risqué. En se fichant éperdument de l’hospitalité, il accuse les Noirs d’être responsables des problèmes du pays, en diffusant des “fake news” et en expulsons des centaines de personnes. Il semble avoir bien appris de Macron, Meloni, Minniti, Salvini et bien d’autres. Disons-le haut et fort : les choses doivent changer en Tunisie, mais pour qu’elles changent, il faut d’abord qu’elles changent chez l’Europe. Tant que l’aide sera réservée à nos voisins, nous ne résoudrons pas les crises mondiales et la violence qui secouent notre monde aujourd’hui. Ler gouvernements Européens devons permettre à ces personnes, bloquées en Afrique du Nord, de faire leur vie en Europe. Et les gouvernements du Sud devront s’efforcer de donner aux Tunisiens, aux Nigérians, aux Tchadiens, aux Soudanais… une chance et un avenir chez eux. Les deux choses doivent être faites, main dans la main. Mais pour cela, nous avons besoin de toute urgence, en Tunisie comme en Italie, d’un discours antiraciste omniprésent, fort et oppositionnel, et d’une gauche qui sache s’affirmer selon les valeurs du vrai cosmopolitisme et de l’humanisme.

    https://www.meltingpot.org/fr/2023/07/racisme-et-domination-des-etats-mediterraneens

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    ping @_kg_

  • Derrière le débat sur le « wokisme », les trois mutations du racisme : biologique, culturel, systémique

    Après avoir postulé, depuis l’esclavage, l’inégalité des races, le racisme insiste, après 1945, sur l’impossible coexistence culturelle. Plus controversée est la notion, apparue dans les années 2000, de racisme « structurel ».

    C’est un mystérieux néologisme qui désigne un ennemi aussi terrifiant qu’insaisissable : le « wokisme », ce mouvement venu des Etats-Unis, suscite depuis des mois des croisades enflammées. Pour le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, ce mot renvoie à une idéologie obscurantiste qui, en imposant une police de la pensée digne de George Orwell, ouvre la voie au totalitarisme. Le réquisitoire est sans doute un peu exagéré : le wokisme n’est ni un corpus idéologique structuré ni un courant de pensée homogène, mais, plus modestement, une attitude consistant à être attentif (« awake ») aux injustices subies par les minorités.

    Si l’expression apparaît dans l’argot afro-américain dans les années 1960, si elle est présente, en 1965, dans un discours prononcé par Martin Luther King (1929-1968), si elle est aujourd’hui revendiquée par le mouvement américain Black Lives Matter, elle reste très largement méconnue des Français : selon un sondage IFOP réalisé en février 2021, 86 % d’entre eux n’ont jamais entendu parler de la « pensée woke » et 94 % ignorent ce qu’elle signifie. En France, le wokisme est « un épouvantail plus qu’une réalité sociale ou idéologique » , résume l’historien Pap Ndiaye, directeur général du Palais de la Porte Dorée (l’établissement public qui comprend le Musée national de l’histoirede l’immigration et l’Aquarium tropical de Paris).

    Les controverses françaises sur le « wokisme » ont beau reposer sur des à-peu-près et des chimères, elles ont cependant un mérite : démontrer que le mot « racisme » ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. Pour les militants « woke », la statue d’un ardent défenseur de l’esclavage ou le « blackface » festif d’un homme blanc signent la survivance subtile mais réelle d’une hiérarchie raciale héritée de la traite négrière et de la colonisation. Pour leurs adversaires, cet exercice scrupuleux de vigilance antiraciste mène tout droit à la tyrannie des minorités, voire à un « racisme inversé .

    XVIe siècle : la racialisation du monde

    Si le racisme des uns ressemble si peu au racisme des autres, c’est parce que ce mot affiche une simplicité trompeuse et ce depuis sa naissance, à la fin du XIXe siècle. Popularisé en 1892 sous la plume du pamphlétaire antisémite Gaston Méry, le terme « racisme » désigne, dans le roman Jean Révolte, non pas une condamnable hiérarchie entre les hommes, mais une enviable « patrie naturelle fondée sur la communauté d’origine », souligne l’historien Grégoire Kauffmann. Pour le héros, qui « refuse d’admettre qu’un Juif ou qu’un nègre puisse devenir son concitoyen », le racisme est une forme élevée et respectable de patriotisme. Si l’origine du mot « racisme » est ambiguë, son sens l’est tout autant. « Ce terme est polysémique » , prévient Abdellali Hajjat, auteur des Frontières de l’ « identité nationale » (La Découverte, 2012). « Il est hautement problématique », renchérit l’historien des idées Pierre-André Taguieff dans son Dictionnaire historique et critique du racisme (PUF, 2013) . Parce que le racisme se nourrit des préjugés de son époque, parce qu’il épouse la circulation des hommes et des idées, parce qu’il s’adapte à l’état de la science, il se conjugue toujours au pluriel.

    Depuis le XVIIIe siècle, le racisme français a ainsi, selon Pierre-André Taguieff, affiché deux visages : le racisme « biologique et inégalitaire » de l’esclavage et de la colonisation, qui postulait l’existence d’une hiérarchie irréductible entre les races, et le « néoracisme différentialiste et culturel » de l’après-guerre, qui fait de certaines communautés, non pas des races inférieures, mais des groupes inassimilables. Depuis les années 2000, beaucoup y ajoutent un troisième : le racisme « systémique » engendré, jour après jour, par le fonctionnement routinier et discriminatoire des institutions.

    En déportant 12,5 millions d’Africains vers les Amériques, l’esclavage atlantique inaugure, au XVIe siècle, l’ère de la racialisation du monde, et façonne du même coup la matrice du racisme biologique et inégalitaire qui survivra, en France, jusqu’à la seconde guerre mondiale. Avec la traite négrière, la « race » devient le pilier d’un ordre social fondé sur des traits phénotypiques comme la couleur de la peau. « Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Européens théorisent l’infériorité supposée de certains peuples, souligne Pap Ndiaye. L’esclavage n’invente pas les préjugés sur les Noirs mais il les structure dans une pensée systémique de la hiérarchie raciale qui légitime la chosification des êtres humains. »

    Pendant que les naturalistes du XVIIIe siècle répertorient méthodiquement les plantes et les animaux, les savants classent les races humaines en leur attribuant des carac téristiques physiques, intellectuelles et morales immuables. Dans la hiérarchie culturelle de la perception du beau et du sublime élaborée par Kant (1724-1804), les Germains, les Anglais et les Français figurent au sommet : relégués en bas de l’échelle, les Noirs doivent se contenter du « goût des sornettes . « L’humanité atteint la plus grande perfection dans la race des Blancs, écrit Kant. Les Indiens jaunes ont déjà moins de talent. Les Nègres sont situés bien plus bas. »

    A la fin du XVIIIe siècle, l’obsession de la hiérarchie raciale est telle que le colon créole Moreau de Saint-Méry, député de la Martinique à l’Assemblée constituante et grand défenseur de l’esclavage, élabore une classification méticuleuse des hommes en fonction de leur couleur de peau. S’il estime que les Blancs incarnent l’ « aristocratie de l’épiderme » , il recense 128 combinaisons de métissage noir-blanc qu’il regroupe dans neuf catégories soigneusement hiérarchisées : le sacatra, le griffe, le marabout, le mulâtre, le quarteron, le métis, le mamelouk, le quarteronné et le sang-mêlé... Cette racialisation du monde aurait pu s’effacer après l’abolition de l’esclavage, en 1848, mais la colonisation, qui voit la France conquérir l’Algérie, en 1830, puis l’Indochine et une partie de l’Afrique, perpétue les hiérarchies raciales construites pendant la traite négrière. Sous la IIIe République, les préjugés sur la supériorité biologique des Blancs sont encore très vivants : c’est en vain, affirme Pierre Larousse dans le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1872), que « quelques philanthropes ont essayé de prouver que l’espèce nègre est aussi intelligente que l’espèce blanche .

    La Caution scientifique

    Parce que la colonisation est justifiée, au XIXe siècle, par la « mission civilisatrice » de la France, la pensée raciale, cependant, se transforme. « A la hiérarchie biologique de la traite négrière s’ajoute, au XIXe siècle, une hiérarchie culturelle des civilisations, explique le sociologue Abdellali Hajjat, chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles . Parmi les " indigènes " , la IIIe République distingue l’Arabe musulman, fourbe mais civilisé, du bon sauvage noir, proche de l’animal. Aux yeux des colonisateurs, le monde musulman, qui a une histoire commune avec l’Europe, est une civilisation, même si elle est menaçante, alors que le monde subsaharien est situé, lui, hors de la civilisation. »

    Dans un siècle marqué par les fulgurants progrès de la science, cette « raciologie républicaine », selon le mot de l’historienne Carole Reynaud-Paligot, se nourrit de discours savants. Les anthropologues comparent les anatomies, jaugent les boîtes crâniennes, mesurent les angles faciaux. « Au XIXe siècle, la pensée raciale se pare d’une caution scientifique, poursuit Abdellali Hajjat. Les nouvelles disciplines comme l’anthropologie, l’ethnologie ou la philologie élaborent des discours qui justifient l’inégalité des races. Les savoirs, dans toute leur diversité, consolident et légitiment la pensée raciale de la IIIe République. »

    A la fin du XIXe siècle, l’anthropologie physique devient ainsi l’un des viviers du racisme « scientifique . Dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Paul Broca, fondateur, en 1859, de la Société d’anthropologie de Paris, distingue ainsi les races « éminemment perfectibles, qui ont eu le privilège d’enfanter de grandes civilisations », de celles qui ont « résisté à toutes les tentatives qu’on a pu faire pour les arracher à la vie sauvage » . « Jamais un peuple à la peau noire, aux cheveux laineux et au visage prognathe, n’a pu s’élever spontanément jusqu’à la civilisation » , écrit-il.

    Pendant la IIIe République, cette hiérarchie des races et des civilisations est profondément ancrée dans les esprits, y compris dans ceux des Républicains. « Il faut dire ouvertement, affirme Jules Ferry en 1885, que les races supérieures ont un droit sur les races inférieures » , celui de les « civiliser » . Pendant que les écoliers apprennent dans Le Tour de la France par deux enfants (1877) que la « race » blanche est la « plus parfaite » de toutes, leurs parents découvrent, dans les « villages nègres » des expositions universelles, des Africains parqués comme des animaux qui tressent des nattes et cisèlent des bracelets.

    Il faut attendre le début du XXe siècle pour que ce racisme biologique et inégalitaire commence à vaciller. Le déclin s’amorce avec l’affaire Dreyfus (entre 1894 et 1906), qui voit naître les premiers mouvements de défense de l’universalité du genre humain. Mais le coup de grâce intervient au lendemain de la seconde guerre mondiale. « La Shoah disqualifie définitivement le racisme, analyse l’historien Emmanuel Debono. A la Libération, le premier geste de l’Organisation des Nations unies et de l’Unesco [sa branche consacrée à l’éducation], tout juste créées, est de condamner le racisme chimiquement pur qu’est le nazisme. L’antiracisme s’impose, pour la première fois de l’histoire, comme une norme internationale. » En récusant catégoriquement la validité scientifique du concept de « race », en proclamant solennellement l’égale dignité de tous les hommes, les institutions internationales nées à la Libération installent, selon le philosophe Etienne Balibar, un nouveau « paradigme intellectuel » : « l’humanité est une », proclament les documents de l’Unesco des années 1950.Ce discours est si neuf que le pasteur noir américain Jesse Jackson sillonne le sud des Etats-Unis pour le promouvoir. « Une organisation internationale avait fait des recherches et conclu que les Noirs n’étaient pas inférieurs, racontait-il en 2002, dans une interview à un journal aux Etats-Unis. C’était énorme ! »

    Le racisme biologique et inégalitaire de l’avant-guerre ne survit pas à ce nouveau paradigme. Dans la seconde moitié du XXe siècle, les racistes « à l’ancienne » se font de plus en plus rares : les Français qui croient à la supériorité biologique de certaines races représentent aujourd’hui moins de 10 % de la population. « L’Unesco a indéniablement réussi à délégitimer le concept de race » , constate Abdellali Hajjat. L’ « inertie » des catégories raciales bâties pendant l’esclavage et la colonisation est cependant très forte : « Le racisme est un train à grande vitesse, poursuit-il. Même quand on appuie fermement sur le frein, il met du temps à ralentir. »

    La hantise du métissage

    Malgré les déclarations de principe des instances internationales des années 1950, le racisme continue en effet à prospérer, mais le climat de l’après-guerre l’oblige à changer de visage. Au lieu de distinguer et de hiérarchiser les races humaines, comme il le faisait pendant l’esclavage et la colonisation, le racisme , selon Pierre-André Taguieff, adopte dans la seconde moitié du XXe siècle une tonalité « culturelle et différentialiste » : il célèbre désormais le culte des identités parti culières. « Le néoracisme met en avant des différences irréductibles fondées, non plus sur la biologie, mais sur les moeurs » , constate Emmanuel Debono.

    Résolument hostile à l’ouverture des frontières, ce « new racism », selon le mot de l’historien britannique Paul Gilroy, clame haut et fort sa hantise du métissage : ce qui est reproché aux étrangers, résume Pierre-André Taguieff, ce n’est plus leur infériorité biologique, mais le fait « d’être culturellement inassimilables et d’incarner, en tant que corps étranger, une menace de désordre pour le groupe national menace polymorphe de défiguration, de dénaturation, de désinté gration, voire de souillure . « C’est le racisme de l’inégalité des cultures et du chacun chez soi, explique Pap Ndiaye, auteur de La Condition noire. Essai sur une minorité française (Gallimard, 2009). Chacun dans sa culture, chacun sur son territoire. »

    Dans les années 1970, le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (Grece) du philosophe Alain de Benoist est le laboratoire théorique de cette doctrine qui finit par irriguer l’extrême droite, puis une grande partie de la droite. Les « grécistes » , observe le politiste Sylvain Crépon, en 2010, dans la revue Raison présente , tournent peu à peu le dos aux théories biologiques racialistes pour défendre la notion « anthropologique » de culture, et prôner, au nom de la pureté, une « étanchéité entre les peuples . Dans une France de plus en plus métissée, le Front national, qui émerge sur la scène politique en 1983, se fait le porte-parole de cette pensée identitaire.

    Face à ce « néoracisme » qui manie avec habileté le vocabulaire des modes de vie, les asso ciations antiracistes « classiques » et « généralistes » comme la Ligue des droits de l’homme, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme ou le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples sont vite dépassées. « Leur discours de principe sur l’universalité du genre humain a du mal à penser les différences culturelles, d’autant que ces militants traditionnels sont rarement issus de l’immigration », observe l’historienPap Ndiaye.Il faut attendre les années 1980 pour voir émerger une nouvelle génération d’activistes : l’organisation, en 1983, de la Marche pour l’égalité, puis la création, en 1984, de SOS-Racisme rajeunissent et élargissent le cercle de la mobilisation.

    Dans les années 1980 et 1990, ces nouveaux acteurs de la scène politique analysent le « néoracisme » non comme un système de valeurs collectif hérité de l’esclavage et la colonisation, mais comme l’expression d’une dérive « morale et individuelle », écrivent les chercheurs Fabrice Dhume, Xavier Dunezat, Camille Gourdeau et Aude Rabaud dans Du racisme d’Etat en France ? (Le Bord de l’eau, 2020). Pour SOS-Racisme, les Français hostiles aux immigrés sont des « acteurs déviants, isolés, adhérant à la doctrine raciste et/ou portés par une idéologie violente » , ajoutent les chercheurs. Face à ces errances individuelles, les militants de SOS-Racisme défendent avec conviction les vertus du métissage, de la fraternité et de la tolérance. « Ils estiment que le racisme est le fruit de l’ignorance et de la peur . La loi et l’éducation constituent donc les deux piliers de leur engagement. La loi parce qu’elle permet, depuis la législation Pleven de 1972, de sanctionner les propos racistes, l’éducation parce qu’en luttant contre les préjugés, elle ouvre la voie à un changement des mentalités. », analyse la philosophe Magali Bessone, professeure de philosophie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et autrice de Faire justice de l’irréparable. Esclavage colonial et responsabilités contemporaines (Vrin, 2019).

    « Une matrice idéologique »

    Cette conception du racisme est questionnée à partir des années 2000. Dans un monde qui se mobilise contre les discriminations la directive européenne sur l’égalité de traitement date de 2000, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, de 2005 (supprimée en 2011) , l’idée d’un racisme « systémique » émerge peu à peu dans les milieux militants et universitaires. Ses défenseurs ne nient pas que le racisme est souvent adossé à un discours explicite de haine, mais ils estiment qu’il est souvent, voire surtout, un système de pouvoir qui imprègne discrètement, et en silence, le fonctionnement des institutions républicaines.

    Alors que le néoracisme « culturel et différentialiste » émanait d’individus affichant ouvertement une idéologie nativiste, le racisme dit « systémique » se passe de discours d’exclusion : il est, plus banalement et plus massivement, le fruit des pratiques répétitives, souterraines et discrètes de la police, de la justice, de l’entreprise ou de l’école. Comme le savent les jeunes issus de l’immigration, comme le démontrent les enquêtes de sciences sociales, ce racisme « ordinaire », qui n’est ni intentionnel ni systématique, distribue inégalement les places et les richesses.

    Le sociologue Fabien Jobard établit ainsi, dans une étude réalisée en 2007-2008 à Paris, qu’un Maghrébin a 9,9 fois plus de risques de se faire contrôler par la police qu’un Blanc, un Noir 5,2 fois plus. Cinq ans plus tard, les économistes Nicolas Jacquemet et Anthony Edo constatent lors d’un « testing » que malgré un faux CV parfaitement identique, « Pascal Leclerc » obtient deux fois plus d’entretiens d’embauche que « Rachid Benbalit . « En mettant en lumière l’ampleur des discriminations, ces travaux démontrent qu’elles ne peuvent être le fait de quelques brebis galeuses animées de croyances ouvertement racistes », observe Magali Bessone.

    Pour nombre de militants et d’universitaires, ces pratiques insidieuses et silencieuses relèvent d’un racisme « institutionnel », « structurel », voire « d’Etat . Ces mots ne signifient nullement qu’en France, un principe de hiérarchie raciale est inscrit dans le droit, comme il l’était lors de l’apartheid en Afrique du Sud ou du nazisme en Allemagne : ils renvoient plutôt, selon la politiste Nonna Mayer, à un racisme « déguisé ou subtil », qui se manifeste par des contrôles au faciès, des discriminations à l’embauche, voire des « micro-agressions quotidiennes comme des plaisanteries ou des regards, à première vue plus bénignes, mais qui maintiennent les populations racisées à distance, en position d’infériorité » .

    Le « catéchisme » antiraciste

    Les premiers jalons de cette réflexion sur le racisme « systémique » remontent, en France, à l’après-guerre. « Dès 1956, [le psychiatre et essayiste] Frantz Fanon affirme ainsi qu’une société coloniale est une société structurel lement raciste, souligne Magali Bessone. Le racisme n’y est pas, selon lui, le fruit d’une subjectivité déviante mais une norme collective et partagée. En 1972, la sociologue Colette Guillaumin défend, elle aussi, l’idée que le racisme ne renvoie pas au comportement intentionnel de quelques personnes ignorantes ou malveillantes, mais à une matrice idéo logique faite de normes, de pratiques, de catégories et de procédures. »

    Il faut cependant attendre les années 2000 pour que cette analyse, longtemps cantonnée dans un cercle étroit d’intellectuels et de militants, s’impose dans le débat public. « La question des discriminations est propulsée au premier plan en 2004, lors de l’interdiction des signes religieux à l’école, puis en 2005, lors des émeutes urbaines et des polémiques autour de la loi sur les " aspects positifs de la colonisation " , poursuit la philosophe. Les deuxièmes, voire les troisièmes générations de l’immigration postcoloniale, constatent avec amertume que l’injonction à l’intégration est toujours à recommencer : elle est aussi forte pour eux que pour leurs parents, voire leurs grands-parents. »

    C’est dans ce climat que naissent, dans les quartiers populaires, les collectifs de l’anti racisme que l’on qualifie parfois de « politique » - le Parti des indigènes de la République, le Conseil représentatif des associations noires, La Vérité pour Adama. A l’éloge du métissage célébré par SOS-Racisme dans les années 1980 se substitue, dans les années 2000-2020, une dénonciation du racisme systémique fondée sur un nouveau lexique « racisé », « décolonial », « privilège blanc . « Ces militants qui s’intéressent à l’histoire et à la sociologie s’efforcent de conceptualiser la trame du racisme ordinaire , souligne Abdellali Hajjat. Ils estiment que certains gestes apparemment anodins du quotidien constituent des rappels à l’ordre racial. »

    Dans un pays intensément attaché aux principes universalistes, cette conception « structurelle » du racisme est aujourd’hui âprement critiquée. Dans L’Antiracisme devenu fou, le « racisme systémique » et autres fables (Hermann, 2021), Pierre-André Taguieff vilipende l’idée d’un « racisme sans racistes » : parce qu’il est devenu « victimaire » , le « catéchisme » antiraciste d’aujourd’hui a rompu, selon lui, avec la « tradition du combat contre les préjugés raciaux fondée sur l’universalisme des Lumières » . Une conviction partagée par la philosophe Elisabeth Badinter, qui estime que ces combats « identitaires » remettent en cause l’universalisme républicain .

    Cette idée est réfutée par Pap Ndiaye. « L’antiracisme contemporain, dans l’ensemble, ne tourne pas le dos à l’universalisme : il cherche au contraire à l’approfondir en évitant qu’il reste incantatoire, abstrait ou " décharné " , selon le mot d’Aimé Césaire. Les militants d’aujourd’hui sont finalement plus pragmatiques que leurs aînés : alors que les antiracistes de l’après-guerre espéraient, par le redressement moral, extirper le mal de la tête des racistes, les militants d’aujourd’hui veulent, plus simplement, faire reculer une à une les discriminations. » Cette ambition égalitaire n’est pas contraire à l’universalisme, estime l’historien : elle est même au coeur de la promesse républicaine.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/06/biologique-culturel-systemique-le-racisme-en-trois-mutations_6108458_3232.ht
    #racisme #racisme_biologique #racisme_culturel #racisme_systémique #Jean-Michel_Blanquer #Blanquer #obscurantisme #idéologie #police_de_la_pensée #Martin_Luther_King #Black_Lives_Matter #épouvantail #racisme_inversé #tyrannie_des_minorités #racialisation #Gaston_Méry #préjugés #esclavage #traite #traite_négrière #hiérarchie_raciale #colonisation #hiérarchie_raciale #pensée_raciale #mission_civilisatrice #antiracisme #néoracisme #new_racism #marche_pour_l'égalité #SOS-racisme #histoire #pouvoir #nativisme #racisme_ordinaire #discriminations #testing #racisme_d'Etat #décolonial #privilège_blanc #universalisme #racisme_sans_racistes #universalisme_républicain

    –-> ajouté à ce fil de discussion autour du wokisme :
    https://seenthis.net/messages/933990
    et plus précisément ici :
    https://seenthis.net/messages/933990#message943325

    • à faire débuter l’anti-racisme politique durant les années 2000, ce journal ne fait que propager une arrogante vulgate militante où l’on se complait à confondre le mot dont on se pare et la chose que l’on cherche à (ré)inventer, avec des bonheurs contrastés (l’appel des indigènes de la république est publié en janvier 2005, or le soulèvement de novembre 2005 n’a concerné ses tenants que de loin).

  • Allocation de rentrée scolaire : y a-t-il plus « d’achats d’écrans plats au mois de septembre », comme le dit Jean-Michel Blanquer ?
    https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/allocation-de-rentree-scolaire-y-a-t-il-plus-d-achats-d-ecrans-plats-au

    L’objectif est de les aider à payer les fournitures scolaires avant la rentrée. Mais cet argent ne sert pas toujours qu’à ça, d’après le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. "On sait bien, si on regarde les choses en face, qu’il y a des achats d’écrans plats plus importants au mois de septembre qu’à d’autres moments", a-t-il déclaré sur France 3 dimanche 29 août.

    Cette théorie a été démentie par plusieurs études de la Caisse d’allocations familiales (CAF), chargée de verser cette aide financière.

    Mais merdeuh c’est pas possible ce ramassis de salopards.

    (Évidemment, partout dans le monde, les gouvernants sont les pires pouvoyeurs de fake news, et ce sont les mêmes qui prétendent qu’il est urgent de réglementer les internets, pour que les gens arrêtent de propager des fake news.)

  • Universités : « Le problème n’est pas tant l’“islamo-gauchisme”que le dévoiement militant de l’enseignement et de la recherche »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/22/universites-le-probleme-n-est-pas-tant-l-islamo-gauchisme-que-le-devoiement-

    L’enquête sur l’« islamo-gauchisme » à l’université ne doit pas être confiée au CNRS, mais à une instance indépendante du ministère, estime, dans une tribune au « Monde », un collectif de 130 universitaires, parmi lesquels Nathalie Heinich, Pierre Nora ou Pierre-André Taguieff.

    Le 16 février, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, a créé l’événement en alertant sur la présence de l’« islamo-gauchisme » à l’université et en demandant qu’une mission d’évaluation de ce risque soit confiée au CNRS.

    Nous nous réjouissons de constater que, certes avec un certain retard, notre ministre ait enfin compris l’existence d’un problème, contrairement à la Conférence des présidents d’université, qui a répondu à cette annonce par un communiqué consternant de corporatisme et de déni du réel – communiqué qui devrait lui ôter le droit de prétendre représenter la « communauté universitaire ». Cependant, nous ne pouvons appuyer la proposition telle qu’elle est présentée par la ministre, et ce pour deux raisons.

    La première raison tient au périmètre du problème à régler : en octobre 2020, après le refus de plusieurs organisations et syndicats de qualifier l’assassin de Samuel Paty d’ « islamiste », l’actualité pointait clairement l’« islamo-gauchisme » comme l’objet immédiat d’une inquiétude légitime.

    Et ceux qui, aujourd’hui, prétendent que ce terme a été créé par la droite ou l’extrême droite et que ce concept ne renvoie à « aucune réalité scientifique » font simplement preuve d’inculture ou de mauvaise foi, puisqu’ils ignorent ou prétendent ignorer qu’il a été forgé, il y a vingt ans déjà, par le politiste et historien des idées Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS, sur la base d’analyses historiques précisément documentées, dont témoigne notamment son livre La Nouvelle Judéophobie (Mille et une nuits, 2002).

    Mais aujourd’hui, se focaliser sur ce terme constitue une erreur d’analyse : il y a bel et bien un problème dans l’enceinte universitaire, mais ce n’est pas tant celui de l’« islamo-gauchisme » que celui, plus généralement, du dévoiement militant de l’enseignement et de la recherche. Car se développent de façon inquiétante pléthore de cours, articles, séminaires, colloques qui ne sont que du militantisme déguisé en pseudo-science à coups de théories fumeuses ( « racisme d’Etat »), de néologismes tape-à-l’œil (« blanchité ») et de grandes opérations de découverte de la Lune, présentant par exemple comme de lumineuses avancées scientifiques l’idée que nos catégories mentales seraient « socialement construites » (mais qu’est-ce qui ne l’est pas dans l’expérience humaine ?) ou que, « intersectionnalité » oblige, être une femme de couleur expose à être moins avantagée socialement qu’être un homme blanc… Quelle que soit la légitimité des causes politiques ainsi défendues, l’indignation ne peut tenir lieu de pensée, ni le slogan d’argumentation raisonnée.

    Garantir la diversité et la pluralité

    C’est dire qu’il y a urgence à rendre le monde universitaire à sa mission : produire et transmettre des connaissances, dûment étayées et vérifiées, et non pas des convictions politiques, fussent-elles animées des meilleures intentions.

    Mais – et c’est là notre second désaccord avec notre ministre – ce travail de régulation de l’offre académique ne peut et ne doit se faire qu’en interne, au sein des instances universitaires dont c’est le rôle. Toute autre initiative pourrait être accusée, à juste titre, d’ingérence ou de censure, alors qu’il s’agit bien de garantir la qualité du travail académique et sa cohérence avec ses missions. Or cette instance existe : il s’agit du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (#HCERES).

    Le HCERES, qui est une institution indépendante du ministère – indépendance destinée à s’accroître, au terme de la loi –, a vocation à apprécier la qualité des travaux et des formations, de manière à informer les organismes et les universités en vue des prises de décision. Dans ce cadre précis, il pourrait, en se saisissant du problème, certifier la qualité des maquettes pédagogiques, des enseignements proposés, des programmes des séminaires et des colloques. Or, cette offre est de plus en plus tirée du côté des studies à l’américaine (gender studies, queer studies, postcolonial studies, ethnic studies, etc.) qui, en ne tenant pas compte des compétences garanties par l’organisation en disciplines (l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, la philosophie, etc.), favorisent la contamination du savoir par le militantisme.

    Nous en sommes au point où certains représentants de ces studies se révèlent incapables de faire la différence entre l’un et l’autre : telle cette enseignante se présentant sur Mediapart comme « universitaire féministe » tout en se plaignant que son enseignement soit discrédité comme militant… Un simple inventaire, au niveau national, de ce type de productions devrait suffire à en délimiter l’étendue et, le cas échéant, en entraîner la limitation, ne serait-ce que pour garantir la diversité et la pluralité de l’offre d’enseignement.

    En s’emparant en toute indépendance de cette problématique majeure pour la qualité de la science française, le HCERES pourrait légitimement étayer la gouvernance des universités. Et le ministère, en prenant toutes les garanties pour que ce travail s’effectue dans les meilleures conditions de rigueur, de pluralisme et d’efficacité, pourrait permettre à tous les acteurs du dispositif de sortir dignement d’une crise qui n’a que trop duré.

    Premiers signataires : Belinda Cannone, maîtresse de conférences en lettres modernes (université de Caen) ; Alain Ehrenberg, sociologue (CNRS-Inserm-EHESS) ; Luc Ferry, ancien ministre (2002-2004) de l’éducation, de la recherche et des universités ; Béatrice Giblin, géographe (université de Vincennes-Saint-Denis) ; Nathalie Heinich, sociologue (CNRS-EHESS) ; Jacques Julliard, historien (EHESS) ; Gilles Kepel, politiste (université PSL, Ecole normale supérieure) ; Catherine Kintzler, philosophe (université de Lille) ; Pierre Manent, philosophe (EHESS) ; Samuel Mayol, maître de conférences en sciences de gestion (université Sorbonne-Paris Nord) ; Pierre Nora, historien (EHESS, Académie française) ; Bernard Rougier, sociologue (université Sorbonne-Nouvelle) ; Xavier-Laurent Salvador, linguiste (université Sorbonne-Paris Nord) ; Jean Szlamowicz, linguiste (université de Bourgogne) ; Pierre-André Taguieff, politiste (CNRS-Sciences Po Paris) ; Claudine Tiercelin, philosophe (Collège de France).

    la liste des 130 signataires annoncés n’est pas disponible

    #université #islamo-gauchisme #militantisme #racisme_d'État #féminisme #neutralité_axiologique #apolitisme #libéraux

    • Le militantisme à l’université pose-t-il problème ? LE TEMPS DU DÉBAT par Emmanuel Laurentin
      https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/le-temps-du-debat-emission-du-lundi-22-fevrier-2021

      Hier, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Frederique Vidal faisait à nouveau les gros titre de la presse avec l’entretien qu’elle accordait au JDD pour s’expliquer sur l’enquête qu’elle confirmait vouloir lancer pour « protéger le pluralisme des idées à l’université ».

      Elle avait en effet affirmé vouloir séparer le militantisme de la recherche à l’université. Mais le militantisme n’a-t-il pas été un creuset pour toutes les sciences sociales ? L’histoire ouvrière ne s’est-elle pas écrite grâce à des syndicalistes de tous bords tentant de trouver des réponses à leur situation contemporaine ? Les études de genre ne sont-elles pas issues des combats féministes eux-mêmes ? Lutter contre la routine académique peut-il être considéré comme du militantisme ?

      INTERVENANTS
      Abdellali Hajjat, maître de conférences à l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense et chercheur associé au Centre Maurice Halbwachs.
      Nathalie Heinich, Sociologue, directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique)
      Rose-Marie Lagrave

      Je découvre Rose-Marie Lagrave qui objecte elle-aussi à Heinich.

      Rose-Marie Lagrave : transfuge de classe, un parcours exemplaire ?
      https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/rose-marie-lagrave

      D’une école primaire rurale à l’EHESS, un regard rétrospectif qui intègre l’histoire collective, la ruralité, le féminisme des années 60, la famille, les institutions... La sociologue Rose-Marie Lagrave publie Se ressaisir (La Découverte, 2021).

    • On parle bien du même PE Tag qui donne tous les ans des interviews à Valeurs actuelles, et qui a dit « le nouveau FN n’est pas d’extrême droite »… ah ça le « fait beaucoup rire » qu’on dise que ça vienne d’extrême droite, alors qu’il n’a rien à voir avec ça…
      https://www.lejdd.fr/Societe/islamo-gauchisme-linventeur-de-la-formule-pierre-andre-taguieff-regrette-son-d

      (car c’est évident qu’on peut pas du tout être d’extrême droite quand on critique les antisémites, comme si yavait pas aussi des droitards non antisémites, et même juifs, tout autant xénophobes, anti arabes, etc)

    • Le HCERES, déjà conçu pour servir la logique de l’évaluation permanente chère aux néolibéraux, avec la bénédiction de quelques bénis oui-oui friands de pouvoir et de modernité, n’a effectivement pas beaucoup de transformations à subir pour finir en police de la pensée.

    • et à propos du « temps du débat » sur france-culture : c’est hallucinant le nombre de fois ou Nathalie Heinich a coupé la parole aux autres intervenants. Faire taire, toujours la même méthode chez les réacs.

  • #LRPR. Le retour du #délit_d’entrave dans les #universités et autres immondices législatives

    UPDATE 1/2/2021 : L’#amendement#1255 (délit d’entrave) a été déclaré recevable par les services de l’Assemblée. Il sera donc bien discuté, quelque part entre demain soir et jeudi-vendredi selon la vitesse d’avancement des débats. Compte tenu du nombre d’amendements, leur discussion va aller très vite : il y a un réel danger qu’il soit adopté.

    Et c’est reparti pour un tour. Ce lundi 1er février à partir de 16h, l’Assemblée nationale commence la discussion en hémicycle du projet de loi confortant le respect des principes républicains (LRPR), tel qu’il a été amendé après plusieurs semaines de débats en commission.

    Academia a déjà lancé l’alerte sur le fait qu’il existe un vrai risque pour que l’enseignement supérieur et la recherche soient directement intégrés dans ce texte, qui est un grand fourre-tout liberticide, articulé autour de l’idée d’une lutte finale, qui serait actuellement en cours, entre la République, d’un côté, et « l’idéologie séparatiste », de l’autre côté.

    Rappelons que quelques universitaires poussent fort en ce sens, en particulier du côté de Vigilance Universités et de l’ « Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires » tout récemment créé en partenariat avec Le Point. Pour la droite et l’extrême droite parlementaires, ces collectifs possédant leur rond de serviette au Point sont du pain-béni : ils seraient la preuve d’un appel à l’aide, qui proviendrait des tréfonds d’une communauté universitaire terrorisée par les ayatollahs américanisés du genre, de la race, de l’islamisme, du décolonialisme, de l’intersectionnalité (nous ne caricaturons pas : nous en sommes à ce niveau de discours, désormais…), pour que le législateur intervienne dans ces territoires perdus de la République que seraient devenues les universités.

    C’est pourquoi de nombreux amendements concernant l’ESR avaient été déposés il y a trois semaines par les Républicains. Jusqu’ici, toutes ces tentatives ont lamentablement échoué : clairement, la majorité gouvernementale ne souhaite pas rouvrir un front du côté des universités, même si, dans le même temps, certains députés de premier plan de la République en marche donnent crédit au discours – forgé, rappelons-le, dans les rangs de l’extrême droite – selon lequel il existerait dans les universités une

    « montée inquiétante de l’idéologie portant le racialisme, portant le séparatisme racial, portant l’indigénisme, le décolonialisme » (Eric Poulliat, rapporteur de la loi).

    Il était évidemment naïf de croire qu’on s’en tiendrait là, tout comme il est naïf de penser qu’on viendra à bout de ces idées en les ignorant, comme semblent le croire un certain nombre de chefs d’établissements d’enseignement supérieur. De façon peu surprenante, une nouvelle vague d’amendements concernant l’ESR a été déposée ces tout derniers jours. Très rapide tour d’horizon à chaud, avant examen, nous l’espérons, plus approfondi.

    Le nouveau délit d’entrave

    On remarquera d’abord que le « délit d’entrave » de la loi de programmation de la recherche tente de faire son grand retour, après sa censure par le Conseil constitutionnel le 21 décembre dernier1, ce qui était à craindre, puisque le Conseil constitutionnel avait fait le choix de ne pas le censurer sur le fond, mais pour de simples raisons de procédure parlementaire. C’est le sens de l’amendement n° 1255 des députés Benassaya et Therry, qui proposent d’ajouter l’alinéa suivant à l’article 431-1 du code pénal :

    « Le fait d’entraver ou de tenter d’entraver, par des pressions ou des insultes sur les enseignants universitaires, l’exercice des missions de service public de l’enseignement supérieur est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

    C’est exactement ce contre quoi la communauté universitaire s’était élevée pendant les débats sur la LPR : une grande pénalisation de l’enseignement supérieur à partir d’une infraction largement indéfinie et permettant l’intervention des forces de police à l’intérieur des campus sans autorisation des présidences d’université, et ce, au nom, nous dit l’exposé sommaire de l’amendement, de « la libre expression et l’indépendance des enseignants-chercheurs ». « Entrave », par la voie de « pressions », à « l’exercice des missions de service public de l’enseignement supérieur » : les blocages sont évidemment concernés, mais plus généralement toute forme de chahut dans les établissements, qu’il s’agisse d’un débat un peu animé ou d’un conseil d’administration interrompu2
    L’interdiction du voile à l’université

    Cinq amendements des Républicains (les n° 20, 203, 878, 1152 et 1613) et un du Rassemblement national (le n° 1645) concernent le port du voile à l’université, en dépit du net rejet des précédentes tentatives de la mi-janvier. On ne reviendra pas à nouveau sur ce point : donner suite à une telle proposition, alors que nous sommes en présence d’étudiant·es majeur·es et responsables, c’est, d’abord, ouvrir grand la porte à la restriction générale des convictions dans l’espace public ; c’est, ensuite, restreindre de manière considérable le droit d’accès à l’enseignement supérieur ; c’est, enfin, porter une atteinte forte aux libertés académiques, dont, rappelons-le, les étudiant·es sont aussi titulaires au titre des « franchises universitaires » qui leur accordent une liberté d’expression particulièrement protégée dans les campus.

    Hors ces deux séries d’amendements, on retrouve par ailleurs toutes les mesures dont l’introduction avait déjà été tentée en commission par les Républicains. Citons pêle-mêle :

    L’obligation de remise dans les six mois d’un rapport sur « les dérives idéologiques dans les établissements d’enseignement supérieur » (amendements n° 138, 756 et 1831), dans la lignée de la demande, en novembre dernier, d’une mission d’information sur le sujet par les députés Aubert et Abad.
    Une succession de mesures néo-vichystes, telles que l’obligation pour chaque établissement d’enseignement supérieur de « propose[r] à l’ensemble des étudiants de participer aux commémorations nationales et veille[r] à ce qu’il soit organisé, sur le temps universitaire, la lecture du message du chef de l’État et du ministre chargé des anciens combattants » (amendement n° 2085) ou l’organisation dans ces mêmes établissements, « à chaque rentrée scolaire », d’« un serment à la Constitution et au drapeau pour l’ensemble de la communauté éducative, des élèves et des étudiants » (amendement n° 2078).
    La mise en place, à la demande de la quasi-intégralité des députés Les Républicains, d’ « enquêtes administratives » avant tout recrutement dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur, afin d’identifier celle ou celui qui « adhérerait manifestement à des thèses antirépublicaines » (amendements n° 793 et 1454).
    La subordination des subventions aux projets étudiants « à la participation des représentants des associations sollicitant ces aides aux formations sur la prévention et la lutte contre le séparatisme que leur établissement d’enseignement supérieur organise annuellement » (amendement n° 1174).
    La possibilité de mettre en place, autour d’un « référent laïcité », « un comité de sûreté en relation permanente avec le responsable de l’administration, de la collectivité ou de l’établissement public dont il dépend afin de l’assister dans ses missions » (amendement n° 1169), parce que, nous explique l’exposé sommaire, les universités sont « particulièrement prises au dépourvu face au séparatisme qui s’attaque à elle ».

    On signalera en outre l’amendement n° 2300, qui vient, cette fois, des rangs centristes et qui témoigne d’une volonté d’une véritable reprise en main des universités par l’État : il est proposé d’étendre le pouvoir dont disposent aujourd’hui les recteurs de suspendre les décisions des universités à toutes les décisions qui leur paraissent contraires « au principe de neutralité du service public ».

    Il y aurait tellement à dire encore : nous nous en tiendrons là en ce dernier dimanche de janvier 2021.

    Ajoutons pourtant, au titre de ce premier panorama, que certains députés proposent d’étendre aux syndicats le pouvoir de dissolution des associations, en visant directement le syndicat Sud Education 93 (amendement n° 1923). Et on aura compris que nous nous trouvons à un vrai tournant : toutes les barrières sont en train de tomber. Elles sont en train de tomber non pas du côté de groupuscules extrémistes, mais au sein de partis dits « de gouvernement », appelés à exercer le pouvoir d’État à plus ou moins brève échéance et qui sont intimement persuadés, désormais, que les universités sont devenues anti-républicaines.

    Cela ne sort pas de nulle part. Une poignée de collègues irresponsables — moins d’une centaine sur une population d’enseignant∙es-chercheurs et chercheuses de plus de 100 000 personnes — attise le feu, en coulisses et publiquement, et ce depuis le 30 mars 2018 au moins, à force de manifestes de 100, d’appel des 76 et autres observatoires tout aussi ridicules les uns que les autres, et autres procédés diffamatoires, qui servent parfaitement leur objet : mettre en danger les jeunes collègues entrant à l’université.

    Terminons donc par ces mots du professeur Bernard Rougier (Université Paris-3 Sorbonne Nouvelle), dialoguant avec une subtilité toute scientifique avec le ministre de l’intérieur dans le Figaro du vendredi 29 janvier 2021 :

    « Il existe, dans le monde académique en particulier, une mise en circulation des thématiques racialistes et indigénistes à travers des programmes de recherches, des colloques, des financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR) etc. Si les financements publics privilégient, par effet de mode et de mimétisme anglo-saxon, des thématiques autour d’un « racisme d’État » de nature systémique et organique, on offre une légitimation au discours islamiste qui s’est spécialisé, lui, dans la lutte contre la prétendue « islamophobie d’État ». Ce que l’action publique condamne d’un côté, elle le légitime en laissant faire de l’autre, ce qui pointe le risque d’une certaine schizophrénie ».

    https://academia.hypotheses.org/30564

    #facs #France #recevabilité #loi_confortant_le_respect_des_principes_républicains #principes_républicains #séparatisme #idéologie_séparatiste #décolonialisme #indigénisme #séparatisme_racial #Benassaya #Therry #ESR #enseignement_supérieur #entrave #liberté_d'expression #blocages #voile #franchises_universitaires #dérives_idéologiques #commémorations_nationales #serment #drapeau #enquêtes_administratives #lutte_contre_le_séparatisme #référent_laïcité #comité_de_sûreté #neutralité #neutralité_du_service_public #racisme_d'Etat

    –—

    Ajouté à ce fil de discussion :
    https://seenthis.net/messages/884291

    • « L’Etat de droit doit protéger ses citoyens d’un gouvernement tout puissant. Cela a échoué d’une manière horrible », a déclaré Mark Rutte au cours d’une conférence de presse, confirmant avoir présenté sa démission au roi Willem-Alexander, à seulement deux mois des législatives et en pleine crise sanitaire.
      "« Nous sommes tous d’accord : lorsque tout le système échoue, seule une responsabilité commune peut être endossée. »"

      Des milliers de familles ont été accusées à tort de fraude aux allocations familiales, avant d’être contraintes à les rembourser, plongeant certaines dans de graves problèmes financiers. Nombre d’entre elles ont, en outre, fait l’objet d’un profilage ethnique sur la base de leur double nationalité.

    • Oui même s’ils ont fait des grosses merdes, ils finissent pas démissionner, avant la fin de leur mandat. C’est pas ici qu’on verrait ça… je crois que la France c’est un des pires pays au monde pour ça (dans ceux « démocratiques », qui ont des élections, etc), il peut y avoir les pires merdes possibles, jamais ils se barrent.

    • Le système politique néerlandais permet l’existence d’un « gouvernement démissionnaire », qui peut s’occuper des affaires en cours dans l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement ou de la tenue d’élections.

      Ici aussi la suspicion de #fraude est un motif suffisant pour couper des allocs et exiger des indus (la caisse est juge et partie). L’accusation permet à elle seule une décision d’autant plus effective que les revenus des ayants droits continuent à dépendre de la caisse sociale.
      Ici aussi, les contrôles sont pour partie basés sur des catégories (niveau de diplôme, âge, célibat, parent célibataire, durée d’inscription, quartier, ...), le data mining permettant de définir des profils d’ayants droits à contrôler car considérés comme de plus probables fraudeurs que d’autres, ce qui est un facteur de productivité (nombre de fraudeurs débusqués, sommes récupérées) d’agents contrôleurs jamais assez nombreux.

      « A mon avis, la démission d’un gouvernement n’est d’aucune utilité pour les victimes. La responsabilité politique est différente de la responsabilité de ceux qui ont finalement agi », a critiqué Eva Gonzalez Perez, une des premières avocates défendant les familles dans cette affaire. Selon elle, la priorité demeure de rembourser les victimes et de répondre à toutes leurs interrogations.

      https://www.liberation.fr/planete/2021/01/15/aux-pays-bas-le-gouvernement-chute-apres-un-scandale-de-fausses-accusatio

      #chasse_aux_pauvres #droits_sociaux #contrôle #indus

    • Ah mais la culture du mâle qui a toujours raison et non seulement ne pleure pas mais ne s’excuse jamais c’est très très français, inscrite dans la tradition comme la chasse à courre ou les féminicides, aucune raison de changer les #privilèges et atrocités des dominants.

      J’en suis moi même victime puisque j’ai un instant cru en lisant le titre que nous étions le 1er avril.

      Mais en 2021 tout ça va changer ; (Il me fallait bien un happy end)

  • A clip from ’#We_Have_the_Right_to_be_Here'

    ’Hostile environment - to call it that is too small. Actually give it it’s big name: it’s the state’s 𝙘𝙤𝙢𝙥𝙡𝙞𝙘𝙞𝙩𝙮 in systematic, racist practice.’

    https://twitter.com/IRR_News/status/1337015894237655040

    –-----

    Screening “We have the right to be here” and Discussion

    ‘We Have the Right To Be Here’ is an oral history and analysis of some of the black and anti-racist movements of post-war Britain, told by three activists in an interview conducted by poet and educator, #Sam_Berkson. #Suresh_Grover, #Frances_Webber and #Colin_Prescod talk of their first-hand involvement in groundbreaking events of the British anti-racist and anti-fascist struggle. From the response to the racist murder of #Kelso_Cochrane in Notting Hill 1959, to #Asian_Youth_Movements in Southall in the 1970s, the case of the ‘#Bradford_12’ in 1981, to the #Stephen_Lawrence justice campaign in the 1990s, the activists tell how successful movements came together to challenge the state and the far-right. Talking from their personal experience at the heart of the struggle, Grover, Webber and Prescod analyse the dynamics of state racism and people’s resistance to it. They reflect on how victories have been won and how much more work there is to do.’The interview was conducted at the Institute of Race Relations in summer 2019, and contains footage, photographs and archive material from many of the struggles mentioned.

    https://maydayrooms.org/event/screening-we-have-the-right-to-be-here-and-discussion

    #racisme_systémique #racisme_d'Etat #UK #Angleterre #hostile_environment #environnement_hostile #complicité #histoire #résistance #luttes #interview #entretien

    ping @isskein @cede @karine4

  • Contrôles arbitraires et violences policières : la répression en temps de confinement
    https://www.bastamag.net/attestation-controle-deplacement-PV-amendes-violences-policieres-confineme

    Depuis le début du confinement, les forces de l’ordre ont procédé à 8,2 millions de contrôle et 480 000 verbalisations. De nombreux témoins font état d’abus, de discriminations et de brutalités de la part des forces de l’ordre. Les organisations de défense des droits de l’Homme dénoncent des contrôles arbitraires et des #Violences_policières. Tour d’horizon de la répression en ces temps confinés. « J’ai senti que dans leur esprit, il y avait deux camps : les bons citoyens et les mauvais. » Mardi 17 mars au (...) #Décrypter

    / Santé , #Classes_populaires, Violences policières, A la une

    #Santé_

  • Tortura e migrazioni

    As a social relationship of submission whose scope goes beyond those directly affected, torture is still an ongoing practice, widespread everywhere, and this is also due to several processes typical of the neo-liberal era – starting from the policies aimed at the security armoring of society. The essay, which examines the causes and dimensions of torture, inhuman and degrading treatment of migrants, shows how this global phenomenon today has a close link with the worsening conditions of migration, the global war on immigrants, the tightening of migration policies, the stigmatization of immigrants, the rise of institutional racism, the illegalization of migrations, all elements that favor the production of contexts, environments and situations permeable to torture.

    https://edizionicafoscari.unive.it/it/edizioni4/libri/978-88-6969-359-5/tortura-e-migrazioni
    #torture #migrations #livre #néo-libéralisme #sécurité #traitements_inhumains_et_dégradants #guerre_aux_migrants #stigmatisation #racisme #racisme_institutionnel #racisme_d'Etat #illégalisation_des_migrants #Fabio_Perocco

  • Lycéens interpellés en décembre à Mantes-la-Jolie : « pas de faute » de la police selon l’enquête administrative
    AFP -Modifié le 16/05/2019 à 16h40
    https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/yvelines/lyceens-interpelles-en-decembre-mantes-la-jolie-pas-de-faute-de-la-poli

    L’enquête administrative menée dans l’affaire des interpellations de 151 lycéens mis à genoux à Mantes-la-Jolie (Yvelines) en décembre a établi « qu’il n’y avait pas de faute » commise par la police, a indiqué ce jeudi la patronne de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

    Il n’y a « pas (eu) de comportements déviants de la part des policiers », a ajouté Brigitte Jullien, auditionnée par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Une enquête préliminaire suit son cours dans ce dossier avec les premières auditions lundi des lycéens qui ont porté plainte.
    (...)
    Brigitte Jullien a par ailleurs indiqué que 249 enquêtes judiciaires avaient été ouvertes à l’IGPN dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, dont quatre dans le cadre d’une information judiciaire.

    La cheffe de la police des polices a regretté « le peu de retour de la justice sur la suite de ces enquêtes » alors que 72 d’entres elles ont été « clôturées et retournées à l’autorité judiciaire », à l’exception d’un classement sans suite prononcé par le parquet de Toulouse.

    Auditionné dans la foulée, le patron de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), le général Michel Labbé, a indiqué que 15 enquêtes judiciaires avaient été ouvertes par ses services, dont 4 pour usage inapproprié du lanceur de balles de défense (LBD), 2 pour usage d’une grenade, 7 pour usage de la force et 2 pour des propos inappropriés. « Sur certains (cas) les enquêtes sont terminées, (...) et un classement sans suite a été décidé par le procureur », a-t-il précisé.

    #violencespolicières

  • J’archive cette histoire sur Les Suppliantes à la Sorbonne

    Facebook
    https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10157104979755902&set=a.434672170901&type=3&theater&comment

    Voici le texte rose-brun !
    Le texte touche pas à ma racine gréco romaine.
    Le texte qui défend (à raison) la liberté de création mais en profite pour taper sur l’antiracisme. Le texte signé par tant d’ami.e.s que j’en perds mon latin. Le texte pour la défense du blackface pensé comme acte de création (quel talent). Le texte qui te ferait passer la valeur d’égalité pour du politiquement correct, le respect pour de la soumission au communautarisme, La lutte contre le racisme pour de l’identitarisme et la culture pour toutes et tous pour de la servitude volontaire. Si je suis habitué à avoir des ennemi.e.s, il est plus nouveau d’avoir des ami.e.s parmi les signataires qui se trompent autant... ou peut être, simplement se dévoilent : elles et eux qui attendaient qu’un spectacle universitaire amateur soit bloqué par deux ou 3 abrutis (je les condamne pour l’action tout autant que je comprends leur colère) pour monter l’événement en épingle, bien faire mousser, et enfin s’allier aux « on peut plus rien dire-on peut bien rigoler-yapasd’mal à se peindre en bamboula-c’est ma liberté de création-mon point de vu perso est universaliste alors ta gueule sale communautariste » et finalement vomir leur fiel trop longtemps contenu contre l’antiracisme.
    Pour info, contrairement à ce qui est écrit en intro de ce texte, le Cran n’était même pas présent sur ce blocage et ne l’a donc pas appelé de ses vœux. Mais bon, ma bonne dame, on n’est pas à un mensonge près quand on est idéologue.
    Bande de blaireaux !
    Alors oui, cher.e.s signataires (et parmi vous mes potes) vous avez le droit de vous peindre en noir.e.s pour jouer des noir.e.s. si ça vous fait kiffer, si ça vous flatte la liberté. Et personne ne devrait bloquer un spectacle, c’est vrai. Mais moi j’ai aussi le droit de vous dire que le faire, se déguiser en noir, en asiatique, en arabe... aujourd’hui, dans le contexte qui est le nôtre, en pleine conscience... ça fait de vous des ordures.
    C’est politiquement correct ça ?

    #Suppliantes #Eschyle #PrintempsRépublicain #Antiracisme

    • Pour Eschyle » L’almanach » Autour
      https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/guetteurs-tocsin/pour-eschyle-103

      L’UNEF n’est pas en reste, qui exige des excuses de l’université, en termes inquisitoriaux : « Dans un contexte de racisme omniprésent à l’échelle nationale dans notre pays, nos campus universitaires restent malheureusement perméables au reste de la société, perpétrant des schémas racistes en leur sein. » Le 28 mars, après les réactions fermes de La Sorbonne, des Ministères de l’Enseignement Supérieur et de la Culture ainsi que d’une partie de la presse, dénonçant une atteinte inacceptable à la liberté de création, les mêmes étudiants commissaires politiques ont sécrété un interminable communiqué en forme de fatwa, exigeant réparation des « injures », entre autres sous forme d’un « colloque sur la question du “blackface” en France » : un programme de rééducation en somme, déjà réclamé par Louis-Georges Tin.

      #Islamophobie #Racisme

    • L’offensive des obsédés de la race, du sexe, du genre, de l’identité…
      https://www.marianne.net/societe/l-offensive-des-obsedes-de-la-race-du-sexe-du-genre-de-l-identite

      Les signaux sont nombreux qui montrent qu’un nouveau militantisme antiraciste confinant au racisme se propage dans notre société. Universités, syndicats, médias, culture, partis politiques… Ce courant de pensée né aux Etats-Unis "colonise" tous les débats.
      Les « racisés » souffrent d’« invisibilisation », ce qui devrait pousser à s’interroger sur les « privilèges blancs » et le « racisme d’Etat » en France. Si la triple relecture de cette phrase ne suffit pas à vous extirper d’un abysse de perplexité, c’est que vous n’avez pas encore fait la connaissance de la mouvance « décoloniale ».

      Vous n’êtes donc probablement pas un familier des organisations de gauche. Depuis plusieurs années, dans un mouvement qui s’accélère ces derniers mois, une idéologie nouvelle gagne ces milieux militants, qu’ils soient universitaires, syndicaux, associatifs, politiques ou artistiques. Sa dernière apparition spectaculaire remonte au 25 mars dernier, à l’entrée de la Sorbonne, sous les bannières de trois associations de défense des droits des personnes noires. Elles ont empêché la représentation d’une adaptation des Suppliantes, la pièce du poète antique Eschyle, dont certains comédiens blancs ont été accusés d’arborer du maquillage et des masques noirs pour interpréter une armée venue d’Afrique. Un blackface, c’est-à-dire un grimage raciste pour moquer les Noirs, ont expliqué ces manifestants. Le metteur en scène, Philippe Brunet, a eu beau rappeler ses engagements humanistes ou plaider pour qu’on puisse « faire jouer Othello [le personnage africain de Shakespeare] par un Noir ou par un Blanc maquillé », rien n’y a fait. « Il n’y a pas un bon et mauvais blackface », a rétorqué Louis-Georges Tin, président d’honneur du Conseil représentatif des associations noires (Cran).

      Sans que le grand public y prête encore attention, ces activistes, dont l’antiracisme confine souvent au racisme, conquièrent régulièrement de nouvelles organisations, comme le Planning familial, Act Up, qui lutte contre le sida, ou le syndicat SUD. Il ressort de l’enquête de Marianne que ces militants pointent également le bout de leur doctrine au Mouvement des jeunes socialistes, à la CGT, à la Ligue des droits de l’homme, dans les médias « progressistes » et dans les départements universitaires de...

      #Paywall (ça vaut peut-être mieux)

    • L’irruption du « classe, race, genre » à la Sorbonne - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/l-irruption-du-classe-race-genre-a-la-sorbonne_1718913

      La mise en scène des Suppliantes peut-elle échapper à la question de l’inscription de cette pièce dans l’Histoire ? Les Suppliantes posent non seulement la question de la représentation des « Noirs » au théâtre, mais celle du désir avec des femmes qui décident d’échapper au pouvoir des mâles, à leur société et qui, s’exilant, se mettent en situation d’émigrées déclassées et fragilisées. Nous sommes donc placés de façon contemporaine devant la question de l’intersectionnalité « classe, race, genre ». Les spectateurs d’aujourd’hui à la Sorbonne ne sont pas les Athéniens de cette époque-là. Ils ne peuvent faire abstraction des traites négrières transatlantiques, du colonialisme, des conceptions racistes sur « les Noirs » de Gobineau jusqu’au nazisme et l’Amérique du Ku Klux Klan, sinon au prix d’une déshistoricisation, dont on voit avec les Euménides qu’elle est une illusion.

      L’appel du Cran à organiser un colloque ouvert à la Sorbonne semble donc une bonne proposition. Il faut entendre ce que nous disent ces étudiants de la Sorbonne.

    • « Blackface », une histoire de regard - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/10/blackface-une-histoire-de-regard_1720559

      Qui est représenté, par qui, et qui regarde ? C’est à ce nœud-là que renvoie l’affaire des Suppliantes d’Eschyle, spectacle annulé à la Sorbonne le 25 mars sous la pression d’associations noires et de l’Unef, au motif que les actrices jouant les Danaïdes, originaires d’Egypte, étaient grimées. Le metteur en scène, Philippe Brunet, aurait fait la sourde oreille aux alertes répétées des étudiants et des militants depuis un an, puis aurait proposé de remplacer le maquillage par des masques, geste qui s’inscrit dans la tradition grecque et qui permettait de signifier mieux que de représenter. Mais cette option aurait aussi été rejetée par les protestataires. Un certain nombre d’entre eux a empêché la pièce d’être jouée, en s’opposant à l’entrée des acteurs et des actrices dans leurs loges.

      Le Conseil représentatif des associations noires (Cran), et son président d’honneur, Louis-Georges Tin, avaient appelé au boycott de la pièce, ce qui est une façon - et un droit - de protester sans interdire. Mais barrer l’entrée à des artistes, comme l’a fait un petit groupe, c’est faire œuvre de censure, et torpiller d’emblée un débat pourtant très nécessaire en France.

      Ce débat interrogerait la survivance plus ou moins inconsciente ou perverse de l’orientalisme, et de pratiques injurieuses contemporaines de l’esclavage, hors de propos au XXIe ; il poserait aussi la question passionnante des effets du travestissement au théâtre, qui est l’espace par excellence où les plus grandes libertés avec les conventions et avec l’actualité du monde ont été prises. En pleine crise des migrants en Europe, ce débat que n’importe qui devrait appeler de ses vœux relève bien de l’art, de la liberté de création, et des choix politiques qui les accompagnent nécessairement. L’ouvrir et en déplier les enjeux permettrait peut-être de dépasser ce clivage entre un « universalisme de surplomb » (Merleau-Ponty) européo-centré tout aussi crispé idéologiquement que les débordements de la pensée décoloniale. Il autoriserait aussi, qui sait, à trouver une issue à ce constat formulé par Nelson Mandela : « Ce que vous faites pour nous, sans nous, est toujours contre nous. »

    • Isabelle Barbéris : « Eschyle censuré, ou quand la moralisation de l’art tourne au grotesque »
      http://www.lefigaro.fr/vox/culture/2019/03/28/31006-20190328ARTFIG00044-isabelle-barberis-on-censure-eschyle-pour-crimina

      En creux, cette polémique révèle aussi une stratégie de criminalisation souterraine de la culture gréco-latine, par rétroactivité pénale. C’est une attaque contre la culture humaniste, contre le processus d’émancipation par la relecture des classiques. C’est enfin le symptôme d’une moralisation des arts (l’ « artistiquement correct »), transformant ces derniers en scène de tribunal ou d’expiation, ce qui à terme ne peut que les détruire. Les artistes qui répondent à ces attaques en entrant dans la justification ne comprennent pas que les accusateurs se moquent complètement de leur projet artistique ! Parfois, ils sont même responsables d’enclencher ce cycle infernal : la surenchère actuelle d’œuvres à messages manichéens, à base de postures flagellantes et de bonnes intentions, ne peut que réveiller l’appétit des commissaires du peuple - qui seront toujours mieux pensants qu’eux - et se retourner en censure.

      #grand_remplacement #Printemps_Républicain

    • Irène Bonnaud - Les gens qui animent l’institut dont il est...
      https://www.facebook.com/irene.bonnaud/posts/1137833263058040

      Les gens qui animent l’institut dont il est question ci-dessous sont des nazis, des vrais de vrais. L’article du Monde que je partage est encore bien trop gentil. Et quant à nos ami.e.s qui auraient l’idée de se mettre au diapason d’un Jean-Yves Le Gallou pour déclarer que les militants antiracistes sont racistes, que les militants antifascistes sont fascistes, que le noir est blanc et le blanc est noir, et qu’il faut se dresser pour défendre Eschyle contre l’extrême-gauche, ils feraient mieux de lire cet article, de jeter un œil sur ce site (https://institut-iliade.com) et d’y réfléchir à deux fois. Combien de fois faudra-t-il répéter que les gens du Printemps Républicain travaillent, "à gauche", à l’hégémonie culturelle de l’extrême-droite, aussi sûrement que les néo-conservateurs américains nous ont conduit jusqu’à Trump ? On peut s’engueuler sur les modes et méthodes d’intervention de tel ou tel groupe militant, mais s’aligner sur les thèses du "grand remplacement", même quand elles sont enrobées de vernis culturel, reste inadmissible. Non, la culture gréco-latine n’est pas menacée par l’antiracisme politique. Se livrer aux mêmes manipulations intellectuelles que ces crapules (en feignant de croire par exemple qu’Eschyle était visé à la Sorbonne, alors qu’il s’agissait de choix de mise en scène), c’est leur offrir une aide inespérée.
      –—
      Marion Maréchal, Génération identitaire et les anciens du Grece réunis dans un colloque d’extrême droite
      L’ancienne députée du Front national a participé samedi à Paris au sixième colloque annuel de l’institut Iliade.
      Par Lucie Soullier / Le Monde
      Publié hier à 19h14, mis à jour à 06h24
      Ils doivent avoir vingt ans, ou à peine plus. Se connaissent par des prénoms qui ne sont pas toujours les leurs, parce qu’« on ne sait jamais ». Lui a même supprimé toutes les photos de profil qui pourraient trahir, en ligne, sa véritable identité. Méfiant ? « Prudent. »
      Tous les quatre se sont retrouvés à Paris, en ce samedi 6 avril ensoleillé, pour assister à un colloque d’extrême droite à la Maison de la chimie (7e arrondissement). Loin d’être un rendez-vous clandestin, le sixième colloque annuel de l’institut Iliade a pignon sur la très chic rue Saint-Dominique. A deux pas de l’Assemblée nationale. La file qui s’étire sur des dizaines de mètres peut même admirer la pointe de la Tour Eiffel, pour patienter jusqu’à l’entrée.
      Nos quatre jeunes gens tuent le temps avec quelques convenances. « Ça a été ton trajet ? », s’enquiert la Parisienne en rouge auprès de son ami venu de l’Est. Sac sous le bras, il lui répond « ça va, ça va » avec un « mais » très appuyé : « J’avais le choix de m’asseoir entre un Noir et une personne dirons-nous… marron. » Bras en écharpe et blouson noir, son voisin enchérit tout aussi excédé : « Ah moi, je suis venu en taxi avec un bon gros… » Il ne finira pas sa phrase ; tous quatre s’accordent sur le terme « guadeloupéen ». La fille en rouge soupire, tout en jugeant que « les Noirs des îles, ça va ».
      Différence entre les peuples
      Fouille à l’entrée. Une matraque télescopique repose sur une table, confisquée « juste pour la journée ». Une chouette et un glaive flottent sur les drapeaux, emblèmes de l’institut Iliade. Idéologiquement à l’extrême droite, tendance identitaire européenne, à majorité païenne mais pas que, Iliade est l’héritier du Grece (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) pensé à la fin des années 1960 comme une « Nouvelle droite » identitaire et nationaliste prêchant la différence entre les peuples.
      Pour les fondateurs d’Iliade, la bataille culturelle est la mère de toutes les autres pour faire triompher ses idées. L’institut d’extrême droite organise donc formations, colloques et tente d’essaimer dans tous les milieux professionnel et politique qui peuvent lui permettre de diffuser son idéologie.
      Marion Maréchal était surtout venue soutenir son compagnon, Vincenzo Sofo, invité à discourir sur « les frontières ou les invasions barbares »
      Pas étonnant donc, finalement, d’y croiser Marion Maréchal, elle qui a tant utilisé la figure du penseur marxiste italien Antonio Gramsci – selon lequel toute victoire politique passerait d’abord par une conquête des esprits – pour expliquer sa décision de quitter la politique électorale en 2017, puis de fonder sa propre école de sciences politiques, à Lyon. En réalité, la jeune « retraitée » de la politique était surtout venue soutenir son compagnon, Vincenzo Sofo, un intellectuel de la Ligue italienne invité à discourir sur « les frontières ou les invasions barbares ».

      #Front_National #GRECE #ILIADE #Extrême_Droite #fascisme

    • Irène Bonnaud - En 2013, j’avais écrit une préface à ma traduction...
      https://www.facebook.com/irene.bonnaud/posts/1132136533627713

      En 2013, j’avais écrit une préface à ma traduction des Suppliantes d’Eschyle, et au texte de Violaine Schwartz, Io 467 (publiés aux Solitaires Intempestifs). Je la poste ici pour les très curieux, et aussi parce que je lis tant de bêtises, y compris accompagnées d’arguments d’autorité ("je suis professeur de Lettres Classiques, et je vous dis, moi, que c’est la culture qu’on assassine..."), que je suis obligée de réagir et d’apporter mon soutien aux étudiantes et étudiants de la Sorbonne qui, après s’être senti.e.s humilié.e.s par un système de représentation raciste, sont à présent insulté.e.s par les plus hautes autorités de l’Etat. Enfin, après 8 heures de Grand Débat avec des intellectuel.le.s, où personne n’a protesté avec la véhémence nécessaire contre l’augmentation de 1400% des droits d’inscription à l’Université pour les étudiant.e.s africain.e.s (parce que c’est de ça dont il s’agit), plus rien ne m’étonne.
      –—
      Passé / présent
      Des tragiques grecs dont on a conservé les pièces‚
      Eschyle est le seul à avoir vécu l’instauration de la
      démocratie à Athènes.
      Enfant‚ il vivait dans une cité qui était bourgade
      de province gouvernée par un despote‚ mais à 20 ans
      il vit Clisthène engager des réformes pour imposer
      le pouvoir des assemblées. À 35 ans il fut héroïque‚
      paraît-il‚ sur le champ de bataille de Marathon‚ puis
      à 45 ans triompha avec la flotte à Salamine : au géant
      perse qui venait envahir la Grèce‚ la petite Athènes‚
      forte de sa nouvelle démocratie et de ses navires‚ avait su
      résister et se retrouvait capitale d’un empire maritime.
      Huit ans plus tard‚ dans sa pièce Les Perses‚ racontant
      Salamine du point de vue des vaincus‚ Eschyle mit en
      scène leur stupéfaction devant ces Grecs « ni esclaves
      ni sujets d’aucun homme ». Et quand‚ en 461‚ Éphialte
      fit passer la réforme des institutions judiciaires pour
      ôter tout pouvoir politique au tribunal de l’Aréopage‚
      tenu par les aristocrates‚ Eschyle écrivit l’Orestie où
      Athéna vient appuyer ce coup de force de toute son
      autorité sacrée.
      Confiance provocatrice en la démocratie et confiance
      dans le théâtre pour raconter les histoires de son
      temps : les pièces d’Eschyle étaient aussi interventions
      directes dans les luttes intestines qui agitaient Athènes‚
      toujours sous la menace d’une restauration oligarchique
      ou d’une guerre civile.
      Les Exilées ne fait pas exception. Premier texte
      de l’histoire où apparaît l’alliance de mots « démocratie
       » pour décrire ce royaume d’Argos « où le
      peuple règne »‚ la pièce d’Eschyle transforme la ville
      des Pélages en démocratie modèle du ve siècle‚ avec
      assemblée des citoyens‚ parole qui persuade et vote à
      main levée. L’anachronisme est saisissant. Les filles de
      Danaos qui pensent s’adresser à un roi (« Seul ton vote
      compte / Un signe de tête suffit ») n’en croient pas leurs
      oreilles‚ avant d’être converties au nouveau système
      politique (« Peuple d’Argos / Conserve ton pouvoir
      sans trembler / Tu diriges la Cité avec prudence / Tu te
      soucies de l’intérêt de tous »).
      On s’est beaucoup trompé au sujet de la date des
      Exilées. De savants professeurs‚ et leurs commentaires
      repris ou réimprimés par beaucoup d’éditions bon
      marché‚ ont affirmé qu’il devait s’agir d’une pièce
      « primitive »‚ de la « jeunesse » de son auteur et des
      « balbutiements » du genre tragique. Pour l’esprit bourgeois
      des xviiie et xixe siècles‚ ce qui n’était pas théâtre
      des individus devait relever d’une « forme archaïque »
      de dramaturgie. Le rôle central du choeur dans la pièce‚
      le simple fait qu’un collectif puisse être au centre de
      l’action‚ paraissait inconcevable au goût littéraire de
      l’époque. C’était aussi le temps où on coupait les pièces
      de Shakespeare pour n’en garder que les tirades des
      protagonistes. Mais les théories sur l’« archaïsme » de
      la pièce d’Eschyle s’effondrèrent d’un coup quand‚
      un jour de 1951‚ un archéologue trouva un bout de
      papyrus au fond du désert égyptien : la pièce datait de
      463 av. J.‑C. et cette année-là‚ Eschyle avait 62 ans
      – comme Athènes‚ il était au sommet de son art.
      On était donc au printemps 463.
      Les démocrates athéniens s’agitaient pour faire
      passer leurs réformes‚ ils préconisaient une alliance
      sacrée avec Argos‚ la cité démocratique du Péloponnèse‚
      rivale de Sparte dans la région. Argos venait
      d’offrir l’asile à un héros d’Eschyle‚ Thémistocle‚ chef
      du parti démocratique au temps de sa jeunesse‚ l’homme
      qui avait osé vider Athènes de ses habitants pour attirer
      les Perses dans le piège de Salamine. Les aristocrates
      avaient poussé Thémistocle à l’exil et intriguaient pour
      qu’Argos livre son réfugié à Sparte‚ mais Argos‚ où
      la démocratie avait été restaurée l’année précédente‚
      tenait bon et ne cédait pas.
      Au même moment‚ en Égypte‚ occupée par l’Empire
      perse dont le gouverneur accablait d’impôts les
      paysans du delta‚ la révolte grondait. Inaros‚ chef des
      tribus libyennes‚ avait soulevé la population contre
      l’occupant et demandé l’aide d’Athènes contre l’oppresseur.
      Cette expédition se terminerait mal‚ mais
      pour l’heure‚ on se passionnait pour l’Égypte où les
      Grecs commerçaient depuis des siècles‚ où des villes
      grecques avaient été fondées dans le delta du Nil‚ où
      une déesse aux cornes de vache rappelait tant la légende
      de Io‚ et un dieu taureau‚ son fils Épaphos.
      Aucun événement historique de l’époque d’Eschyle
      n’apparaît de façon mécanique dans le texte‚ mais on
      voit bien comment un certain climat politique a pu
      le pousser à s’emparer de la légende des Danaïdes.
      Cinquante princesses noires du delta du Nil‚ persécutées
      dans leur pays‚ fuyant un mariage forcé avec
      leurs cousins‚ traversent la Méditerranée et viennent
      demander l’asile à Argos‚ patrie de leur aïeule‚ Io‚ qui
      a fui en sens inverse quelques générations plus tôt.
      Après avoir tergiversé‚ le roi prend fait et cause
      pour les étrangères et convainc les citoyens de voter un
      décret leur assurant asile et protection. On comprend à
      la fin du texte que l’hospitalité accordée à ces femmes
      « venues de loin pour demander l’asile »‚ comme le
      suggère le titre grec de la pièce‚ Hiketides‚ va déclencher
      une guerre entre Argos et les fils d’Égyptos.
      On ne sait pas grand-chose de la suite des événements
      car Les Exilées est la seule partie conservée de
      la trilogie d’Eschyle. D’après la légende et le résumé
      qu’en fait Prométhée dans Prométhée enchaîné‚ les
      fils d’Égyptos gagneront la guerre‚ le roi Pélasgos
      mourra au combat‚ Danaos‚ le vieux roi africain‚
      montera sur le trône d’Argos‚ et feignant de céder‚ il
      donnera ses filles en mariage à leurs ennemis. Mais la
      nuit de noces venue‚ chacune égorgera son chacun‚ à
      l’exception d’une seule qui préférera « être appelée
      lâche que sanguinaire ». Le couple survivant‚ amoureux‚
      héritera du trône d’Argos. C’est ce happy end
      sur fond de cadavres qui explique peut-être le seul
      passage conservé du reste de la trilogie‚ attribué à la
      déesse Aphrodite :
      Le ciel sacré veut pénétrer la terre
      Elle
      Prise de désir
      Attend son étreinte
      Il se couche sur elle
      Et du ciel tombe la pluie et engrosse la terre
      Pour les mortels
      Elle enfante
      Les prairies où paissent les troupeaux
      Les fruits de Déméter
      Et de leur étreinte humide
      Chaque printemps renaît la forêt
      De tout cela je suis la cause
      Le texte même des Exilées est objet de débats‚ des
      passages du manuscrit étant très corrompus : dans la
      scène entre l’éclaireur ennemi et les filles de Danaos
      ne surnagent que des mots épars et c’est comme si
      l’effondrement du texte mimait la panique ressentie
      et la violence de la scène. L’incertitude est grande aussi
      quant au final où le choeur paraît entrer en discussion‚
      et en contradiction‚ avec lui-même‚ peut-être pour
      annoncer l’heureux dénouement de la trilogie.
      Mais les incertitudes philologiques ne peuvent
      seules expliquer pourquoi la seule tragédie grecque
      ayant des femmes noires comme héroïnes est aussi
      l’une des plus méconnues et des moins jouées.
      Même si beaucoup de ses hypothèses sont sujettes
      à caution‚ on peut reconnaître à Martin Bernal et à sa
      Black Athena le mérite d’avoir rappelé l’idéologie
      raciste et coloniale des universités européennes aux
      xviiie et xixe siècles, au moment même où se constituaient
      les « sciences de l’Antiquité ». De la célébration
      des invasions doriennes au caractère « primitif » d’un
      chef-d’oeuvre d’Eschyle‚ la persistance diffuse de cette
      idéologie est d’autant plus grave qu’elle est inconsciente
      et invisible pour les non-spécialistes. Comment comprendre
      autrement que l’africanité du choeur‚ de Danaos‚
      de l’armée des fils d’Égyptos soit si souvent refoulée
      dans les traductions et les rares mises en scène de la
      pièce‚ alors que l’adjectif « noir » apparaît à plusieurs
      reprises et que Danaos‚ craignant un crime raciste‚
      exige une escorte pour entrer dans la ville ?
      Eschyle‚ qui avait déjà su faire parler les vaincus‚
      les barbares‚ les étrangers‚ dans Les Perses‚ confie
      le rôle principal à un choeur de femmes noires qui se
      défendent‚ argumentent‚ menacent‚ sans se laisser
      intimider ni par les conseils paternels (« parler haut
      ne convient pas aux inférieurs ») ni par les moqueries
      du roi d’Argos (« Vous vous pavanez avec des étoffes
      barbares / Des tissus dans les cheveux »).
      Un mariage forcé comme le refus de l’hospitalité
      sont‚ pour elles comme pour Eschyle‚ des impiétés
      qui mettront les dieux en colère :
      Comment serait pur
      Celui qui veut prendre une femme de force
      Contre son gré
      Celui qui fait cela
      Même mort et descendu chez Hadès
      Il sera encore accusé de crime
      Qu’importe les lois d’Égypte‚ puisqu’il s’agit d’une
      de ces « lois non écrites » voulues par les dieux. En
      lisant Eschyle‚ on comprend mal que les commentateurs
      de la pièce aient aussi consacré les trois quarts de leurs
      travaux à inventer les « vraies raisons » de la fuite des
      Danaïdes : rejet de la consanguinité‚ folie de naissance‚
      haine des hommes‚ complot de Danaos craignant un
      gendre assassin… Les hypothèses les plus fantasques
      ont été développées‚ sans qu’une seule ligne du texte
      ne vienne les soutenir‚ comme si le refus d’un mariage
      forcé et la crainte d’un viol n’étaient pas motifs suffisamment
      sérieux et qu’il fallait à toute force en trouver
      d’autres. Quand on compare Eschyle à certains de ses
      spécialistes‚ on s’interroge : qui notre contemporain‚
      qui à ranger au rayon des antiquités…

    • André Markowicz, le black face et le quant-à-soi de l’intelligentsia : Touraine Sereine
      http://tourainesereine.hautetfort.com/archive/2019/04/01/andre-markowicz-le-black-face-et-le-quant-a-soi-de-l-int

      Le blackface ? des dizaines de gens, à qui j’explique depuis plusieurs jours qu’il s’agissait d’une pratique courante dans les spectacles populaires français — au même titre que les publicités représentant des petits Africains se blanchir la peau grâce au savon des gentils Européens —, me rétorquent : « bah, on n’est pas aux Etats-Unis... »
      Bah oui, le racisme et la ségrégation, c’est Rosa Parks et Nelson Mandela. Ça n’a jamais existé chez nous.
      Ainsi, la manipulation à laquelle s’est livrée le metteur en scène Philippe Brunet, qui a tenté in extremis de remplacer par des masques plus conformes à l’esthétique antique le grimage racialiste et raciste d’actrices blanches, aura surtout montré la profonde inculture de l’intelligentsia française. On se sait de gauche, on s’est convaincu pour toujours de ne pas être raciste, et donc, même si des spécialistes de la question viennent vous rappeler que le grimage en noir, sur une scène théâtrale française, est une pratique analogue au black face, on dira que ce n’est pas vrai, que c’est de la censure.
      Notre pays n’a pas réglé sa dette vis-à-vis de son ancien Empire, ce qui permet notamment à la France de continuer à essorer ses anciennes colonies grâce au subterfuge scandaleux du franc CFA. C’est ce qui a permis à l’Etat français d’aider très efficacement au génocide rwandais en 1994. C’est ce qui permet aujourd’hui à tant d’universitaires et de gens de théâtre de s’asseoir sur l’histoire de la colonisation en taxant de « communautaristes » les opposants qui manifestent leur désapprobation quand un spectacle utilise une pratique indissociable d’un crime contre l’humanité.
      Et voilà comment des intellectuels, sans doute de bonne foi, se retrouvent, durant toute une semaine, à justifier le racisme institutionnel, aux cotés des Le Gallou et Zemmour dont ils se prétendent les adversaires.
      Cela me révolte et me révulse, mais cela n’a pas de quoi m’étonner : quoique je n’appartienne pas à une communauté racisée (ou que je ne fasse pas partie d’une minorité visible (aucune de ces formules ne me satisfait)), cela fait vingt-cinq ans que je travaille dans le domaine de la littérature africaine et que j’entends des collègues et des « intellectuels » tenir des propos d’un racisme souvent inconscient mais tout à fait audible. Il y a longtemps que des ami·es me demandent de raconter tout ce que j’ai entendu, mais ce serait le sujet d’une autre chronique.

    • Et encore...

      (1) Pièce d’Eschyle censurée : le contresens d’un antiracisme dévoyé - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/04/02/piece-d-eschyle-censuree-le-contresens-d-un-antiracisme-devoye_1718911

      Pièce d’Eschyle censurée : le contresens d’un antiracisme dévoyé
      Par Vigilance Universités

    • J’ai gardé le meilleur pour la fin

      TRIBUNE. Eschyle censuré : « l’UNEF est devenu un syndicat de talibans »
      https://www.nouvelobs.com/les-chroniques-de-pierre-jourde/20190409.OBS11306/tribune-eschyle-censure-l-unef-est-devenu-un-syndicat-de-talibans.html

      Totalitarisme de l’UNEF, qui réclame des camps de rééducation pour ces imbéciles de profs et d’employés universitaires, trop racistes, c’est bien connu, autrement dit la mise en place de « formations sur la question des oppressions systémiques ». Le crétin inculte veut toujours former plus intelligent que lui à son image.

      Je garde le meilleur pour la fin. La section de l’UNEF à la Sorbonne est dirigée par une femme voilée. L’obscurantisme religieux s’ajoute ici à l’obscurantisme culturel. N’oublions jamais que le voile est précisément exigé des femmes par des régimes religieux totalitaires qui leur refusent en même temps d’hériter, de conduire, de sortir seules d’avoir une vie libre et normale. Là-bas, on n’a pas le droit de ne pas le porter. Et les femmes qui cherchent à s’en libérer sont battues et fouettées, ou simplement agressées dans la rue, car une femme non voilée est une putain, bonne pour tout homme. Le voile en pays démocratique est une insulte à la lutte des femmes pour leur libération dans les pays où règne l’Islam le plus rétrograde. Le voile signifie que les cheveux de la femme sont impudiques. Que le corps de la femme est impudique car il risque de provoquer les hommes. On ne se contente pas toujours du voile, il faut que la femme soit entièrement empaquetée de noir jusqu’aux chevilles, et son visage même dissimulé. Ainsi elle n’agressera pas le désir des hommes (qui eux, bien sûr, sont libres d’aller tête nue). Voilée et inclusive à la fois ! Comprend qui peut.

      LIRE AUSSI > Comment peut-on être musulmane et féministe ?

      L’interdiction d’une grande pièce du répertoire antique est exigée par des étudiants à grands coups de fautes d’orthographe. L’égalité et le respect des Noirs sont défendus (hors de propos) par quelqu’un qui porte le signe de l’infériorité des femmes.

      Voilà où en est l’UNEF. Voilà où en sont les luttes étudiantes à la Sorbonne.

      #voile

    • Blackface : le Gouvernement et l’extrême droite sur la même ligne ? ‹ Le CRAN
      http://le-cran.fr/blackface-le-gouvernement-et-lextreme-droite-sur-la-meme-ligne

      « Nous soutenons les associations d’étudiant-e-s, qui demandent à ce qu’une rencontre soit organisée, entre le metteur en scène et le service culturel de la Sorbonne. Afin de s’assurer qu’il n’y aura plus de blackfaces et autres stéréotypes ou outils à connotations racistes, parmi les représentations soutenues ou accueillies par l’université », a déclaré Ghyslain Vedeux, le président du CRAN. M. Le chef du services culturel, mardi dernier (26 mars) a fait comprendre à des étudiants qu’il ne souhaitait pas s’entretenir avec eux. M. Riester et Mme Vidal apportent pourtant leur soutient, tout comme…l’extrême droite. C’est un signal inquiétant qui ne laisse aucun doute car certaines scènes, jouées en l’état, consciemment ou inconsciemment, renvoient à des représentations afrophobes et racistes », a poursuivi le président du CRAN.

      LIRE : Communique-final Réponse des Étudiantes et Étudiants de Sorbonne

      En effet, dans la même journée, plusieurs sites ultra comme « Résistance républicaine » avaient également apporté leur soutien embarrassant à Philippe Brunet. Et face à Louis-Georges Tin, président d’honneur du CRAN, Jean-Yves Le Gallou (ancien membre du FN, théoricien ayant élaboré le concept de « préférence nationale », et proche d’Henry de Lesquen), a affirmé qu’il rejoignait « les ministres macronistes ».

      #blackface #noirs #colonial

    • Blackface : le gouvernement « condamne fermement » l’annulation de la pièce Les Suppliantes - Le Figaro Etudiant
      https://etudiant.lefigaro.fr/article/a-sorbonne-universite-une-piece-de-theatre-antique-annulee-a-cause

      Dans un communiqué, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal et le ministre de la Cuture Franck Riester estiment qu’il s’agit d’une « atteinte sans précédent à la liberté d’expression et de création dans l’espace universitaire ». Ils font part de leur soutien à l’université ainsi qu’au metteur en scène et aux comédiens. Une nouvelle représentation des Suppliantes sera organisée « dans les prochaines semaines et dans de meilleures conditions » au sein du grand amphithéâtre de la Sorbonne, ont-ils également annoncé.

      #Racisme_d'Etat

    • (2) Ligue de défense noire africaine - Accueil
      https://www.facebook.com/liguededefensenoirafricainefrance

      Pour nous La LDNA le problème n’est ni Eschyle ni les Suppliantes mais le metteur en scène qui sous couvert d’antiracisme voulait grimer ses actrices en femmes noires ; puis suite à nos protestations souhaitait leur faire porter des caricatures de masques totémiques qui n’avaient de remarquables que leur laideur !
      Les vraies questions de notre action sur La Sorbonne et la pièce d’Eschyle sont :
      1) pourquoi le metteur en scène a-t-il choisit que les solutions qui outrageaient ?
      2) Pourquoi n’a-t-il pas recruté des actrices noires ?
      3) Pourquoi n’a t il pas utilisé de jolis masques stylisés ?

    • J’avoue ma perplexité devant ce dernier lien et cette remarque sur la joliesse des masques. C’est quoi des « jolis masques stylisés » ?
      Pour cette troupe de théatre de la sorbonne il me semble que c’est des étudiantes qui jouent, en amatrice·urs au sein de leur fac. sachant ceci je ne voie pas comment recruté 50 femmes noires. Est-ce qu’il faut interdire cette pièce pour toutes les compagnies de théâtre qui ne disposent pas de 50 femmes noires ?

    • Pour les masques : ceux envisagés pour le spectacle n’avaient rien à voir avec des masques antiques (à mon sens, ils ressortaient plutôt du style « Y a bon banania », mais comme je n’ai jamais compris comment on collait une image sur seenthis, je ne peux pas le prouver...). Effectivement, des masques absolument abstraits genre Bauhaus / Oskar Schlemmer ou des copies des masques grecs de l’antiquité n’auraient pas provoqué ces réactions. Là, selon l’aveu du metteur en scène lui-même, il s’agissait « d’exagérer les traits du visage ». Quand un metteur en scène blanc avec des actrices blanches décident de représenter des Africaines à l’aide de masques « accentuant les traits du visage », on peut être inquiet du résultat...

      Personne n’a besoin de 50 femmes pour jouer Les Suppliantes - il peut y en avoir deux ou trois, aucune importance, ou 12, comme dans l’Antiquité. C’est du théâtre, pas une reconstitution exacte de la mythologie grecque pour la télé. Il y a beaucoup de débats ces dernières années sur l’invisibilisation des personnes racisées sur les scènes de théâtre - comme le metteur en scène a voulu faire cette pièce, comme il le dit, pour parler du racisme, de l’identité, etc (c’est l’histoire de demandeuses d’asile africaines en Grèce, pour résumer à l’extrême), c’est étrange qu’il n’ait pas songé à trouver 2 ou 3 étudiantes noires à la Sorbonne. Mais admettons qu’il n’y ait aucune étudiante noire à la Sorbonne. La pièce a été mise en scène récemment par Gwenaël Morin à Lyon avec de jeunes comédiennes de toutes les origines, et par Jean-Pierre Vincent avec des amatrices des quartiers de Marseille, et ça n’a suscité aucune protestation parce que personne n’était « grimé en noir ».

    • D’autres photos circulent sur twitter, vraiment pires. Apparemment il y a eu passage d’une version « grimée » l’an passé à une version « masquée » (cette année).

    • Blackface à la Sorbonne : victoire du CRAN et de ses partenaires ‹ Le CRAN
      http://le-cran.fr/blackface-a-la-sorbonne-victoire-du-cran-et-de-ses-partenaires

      A la suite de ce boycott lancé le 21 mars dernier par le CRAN et repris par ses partenaires, les étudiants ont interpellé Philippe Brunet, le metteur en scène de la pièce. Dans un premier temps, il a proposé de faire jouer les scènes concernées avec « un masque noir ». En s’appuyant sur le travail du CRAN (voir site internet www.stopblackface.fr), les étudiants ont aisément démontré que cela ne réglait pas le problème tant les masques restaient grossiers, perpétuant les stéréotypes afrophobes et racistes.

      Puis, dans une seconde tentative peu convaincante, Philippe Brunet s’est hasardé à proposer que la pièce soit jouée avec… « des masques dorés ». Ne se laissant pas amadouer, les étudiants ont demandé à voir ces fameux « masques dorés » ; Philippe Brunet fut bien en peine de leur montrer les objets en question, et finalement, il dut se résoudre à annuler cette représentation.

      « Après notre appel au boycott du 21 mars, relayé par les étudiants et les associations de la Sorbonne, nous avons été entendus. A présent, avec nos partenaires, nous souhaitons que se tienne très bientôt un colloque sur l’histoire du Blackface en présence de ce metteur en scène, de la direction du centre culturel et du doyen de cette université. Ce sera une sorte de réparation », a conclu Ghyslain Vedeux, le président du CRAN.

    • Il y a quelques photos sur le tweet de Rokhaya Diallo

      dont la première datée de 2017

      également ceci au Figaro


      Pour éviter de se grimer en noirs, les comédiens avaient proposé de porter des masques de couleurs.
      Crédits photo : Culture-sorbonne

      (note : le site du Point fonctionne (plus ou moins…))
      EDIT : je vois que tu as essayé de poster cette même image. Tu as mis l’adresse du tweet (ce qui permet de la retrouver), pour avoir l’image il faut l’adresse… de l’image que tu obtiens par un clic droit sur celle-ci.

    • Quel rapport entre la direction de Paris IV et la culture populaire américaine, je voudrais bien le savoir...(pardon, je parle toute seule)

      A propos du « blackface » : politique, mémoire et histoire. – Le populaire dans tous ses états
      https://noiriel.wordpress.com/2019/03/31/a-propos-du-blackface-politique-memoire-et-histoire

      Or les travaux historiques qui ont été publiés récemment sur le blackface montrent que ces spectacles ont toujours été « ambigus ». Pour illustrer ce point, je m’appuierai sur des écrits publiés par des auteurs qu’on ne peut pas soupçonner de la moindre complaisance à l’égard du racisme. Il s’agit du livre de l’historien américain William T. Lhamon, Raising Caïn. Blackface performance from Jim Crow to Hip-Hop, publié par Harvard University Press en 1998. Il a été traduit en français sous le titre Peaux blanches, masques noirs. Performances du blackface de Jim Crow à Michael Jackson, édition Kargo et L’Eclat, 2008, avec une préface du philosophe Jacques Rancière.

      Il est regrettable, mais logique (vu la position hégémonique qu’occupent aujourd’hui dans le champ intellectuel les identitaires de tous poils) que ce très beau livre n’ait pas rencontré plus d’écho dans notre espace public. Dans sa préface, Jacques Rancière a clairement indiqué les raisons pour lesquelles cet ouvrage était important. Les spectacles en blackface, concoctés au début du XIXe siècle par des comédiens blancs grimés en noir dans de petits théâtres populaires new-yorkais, étaient typiques d’une « culture sans propriété ». William Lhamon la définit en réhabilitant un vieux mot anglais : « lore », terme qu’il détache du terme « folk-lore », lequel s’est imposé par la suite pour assigner une culture à un peuple. Rancière enfonce le clou en soulignant qu’une culture n’est la propriété d’aucun groupe ethnique, car elle est « toute entière affaire de circulation ». La circulation d’une pratique culturelle permet non seulement de la faire partager à d’autres publics, mais elle aboutit toujours aussi à des formes d’appropriations multiples et contradictoires. Ce qui fut le cas au début du XIXe siècle, car le public qui assistait à ces représentations était composé d’esclaves et d’ouvriers (blancs et noirs) de toutes origines.

      Pourtant, dès le départ, le spectacle blackface « a fait l’unanimité de tous les bien pensants » contre lui, ajoute Rancière, résumant l’une des thèses centrales du livre. Non seulement les bourgeois cultivés le rejetaient car ils le trouvaient trop vulgaire, mais il était dénoncé également par les antiracistes de l’époque. « Les champions de l’émancipation des Noirs comme Frederick Douglass, relayés plus tard par la tradition de gauche, dénonçant cette appropriation des chants et danses du peuple noir, transformés en caricatures racistes d’un peuple enfoncé dans sa minorité. C’est récemment seulement que les historiens du blackface ont commencé à complexifier cette vision du spectacle de ménestrels comme une caricature issue du Sud esclavagiste donnée par des Blancs pour conforter le racisme de leurs semblables ».

    • Des masques derrière lesquels le racisme ne peut se cacher, de l’art derrière lequel le racisme ne peut se cacher... Le racisme ne peut se cacher, il s’exprime et se subit, c’est tout.
      Je pense aussi à ça :
      https://seenthis.net/messages/772108
      L’"artiste" a déclaré ne pas vouloir se justifier et a fait le lien avec les « Suppliantes ».
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/sete/accuse-racisme-artiste-setois-herve-di-rosa-reagit-vive

    • À noter car @cie813 est trop modeste sa traduction s’intitule “Les Exilées” (aux éditions Solitaires intempestifs, 2013)
      https://www.solitairesintempestifs.com/livres/467-les-exilees-9782846813.html

      Les Exilées, Les Suppliantes sont à vrai dire le même texte d’Eschyle. Irène Bonnaud, metteur en scène et traductrice l’a revisité en le rattachant à l’histoire immédiate de l’Europe vis-à-vis des migrants du sud et en prenant comme texte d’origine le point de vue des femmes. Aujourd’hui, un migrant vient forcément du sud. C’est la tragique loi du système économique mondialisé qui ne cesse de déposer des corps épuisés, échoués après une traversée indicible de malheurs.

      Un extrait et une belle carte chez @vacarme
      https://vacarme.org/article2240.html

    • Oui, ça vient de @reka, bien sûr (je ne comprends pas que Vacarme ne l’ait pas crédité, c’est bizarre - il doit l’être dans la version papier, enfin j’espère). C’est le parcours de Io pourchassée par le taon, la ligne en pointillée c’est le trajet de ses descendantes, les héroïnes des « Suppliantes », qui viennent demander l’asile à Argos, royaume d’origine de leur arrière-arrière grand-mère.
      Mais arrivée dans le delta du Nil, la princesse grecque Io a mis au monde l’enfant de Zeus, Epaphos, qui est noir et fonde les dynasties africaines (d’où la polémique qui nous occupe).

      Eschyle dans « Prométhée enchaîné » (ma traduction aux Solitaires Intempestifs - comme @fil a commencé à faire de la pub, je continue) :

      Il est une cité
      Canope
      Qui se dresse au bout de la terre d’Égypte
      Sur un talus formé d’alluvions du Nil
      Là Zeus te caressera
      Doucement
      Sans te faire peur
      Le geste de sa main te rendra la raison
      Et ce même geste
      Sans étreinte
      Te fécondera
      Tu mettras au monde un fils au visage noir
      Épaphos
      L’enfant-né-d’une-caresse
      Il régnera sur les terres qu’arrose le Nil au large cours

      Eschyle dans « Les Suppliantes / Les Exilées » :

      Choeur.

      Mon récit sera bref
      Mes paroles claires
      Nous sommes d’Argos
      Nous descendons d’une génisse qui enfanta des rois
      C’est la vérité
      Nous pouvons le prouver

      Roi d’Argos.

      Comment vous croire
      Étrangères
      Comment pourriez-vous être d’Argos
      Vous ressemblez à des Libyennes
      Pas aux femmes de ce pays
      Le Nil nourrit des plantes dans votre genre
      Vos traits rappellent aussi les statues de femmes
      Que des sculpteurs fabriquent sur l’île de Chypre
      Et on raconte des histoires sur des Indiennes nomades
      Elles font attacher des selles à dossier sur des chameaux
      S’y prélassent en avançant aussi vite qu’à cheval
      Et se promènent ainsi jusqu’aux villes d’Éthiopie
      Le pays au visage brûlé par le soleil
      Si vous aviez des arcs et des flèches
      Je pourrais vous prendre pour des Amazones
      Les femmes sans hommes
      Mangeuses de chair crue
      Mais instruisez-moi
      Comment votre famille pourrait être d’Argos

      Choeur.
      Tu as entendu parler de Io
      Une jeune fille qui officiait au temple d’Héra
      Ici à Argos

      Roi d’Argos.
      Il y a beaucoup d’histoires à son sujet

      Choeur.
      On raconte que Zeus coucha avec elle

      Roi d’Argos.
      Et qu’Héra les surprit en pleine étreinte

      Choeur.
      Dispute chez les rois de l’Olympe
      Tu sais comment elle finit

      Roi d’Argos.
      La déesse transforma la jeune femme en génisse

      Choeur.
      Mais Zeus retourna la voir
      Elle avait de belles cornes

      Roi d’Argos.
      On le dit
      Zeus prit la forme d’un taureau saillisseur

      Choeur.
      Que fit alors son épouse
      Ivre de fureur

      Roi d’Argos.
      Pour surveiller la génisse
      Elle trouva un gardien aux yeux innombrables

      Choeur.
      Ce bouvier qui pouvait tout voir

      Roi d’Argos.
      S’appelait Argos car il était né de cette terre
      Mais Hermès le tua

      Choeur.
      Quelle torture inventa Héra contre la pauvre génisse

      Roi d’Argos.
      Une mouche qui la poursuivait sans cesse

      Choeur.
      Au bord du Nil
      On l’appelle un taon

      Roi d’Argos.
      Il la chassa d’ici
      L’entraîna dans une longue errance

      Choeur.
      On nous a raconté la même histoire

      Roi d’Argos.
      Enfin elle arriva en Égypte
      À Canope ou à Memphis

      Choeur.
      Et Zeus la caressa
      De sa main il engendra un enfant

      Roi d’Argos.
      Qui était-ce
      Ce fils d’un dieu et d’une génisse

      Choeur.
      Épaphos
      L’enfant né d’une caresse
      Le nom est bien trouvé
      D’Épaphos est née Libye
      Reine de l’Afrique
      Le plus grand des continents

    • Tiens, Lundi AM s’aligne sur les positions de Marianne, on aura tout vu...(le texte n’a pas l’air signé, mais ça doit être un ami d’"Hervé" puisqu’il l’appelle par son prénom)

      Polémique autour d’une représentation des Suppliantes d’Eschyle
      https://lundi.am/Polemique-autour-d-une-representation-des-Suppliantes-d-Eschyle

      Pour ce qui concerne les accusations de perpétuer les représentations associées à l’esclavage et au colonialisme, la polémique la plus célèbre, avant celles concernant la mise en scène des Suppliantes et la toile d’Hervé, était celle dont Brett Bailey, metteur en scène d’Exhibit B, fut la cible, des associations tentant même d’obtenir l’interdiction de l’œuvre en justice.

    • Je perds patience (pourquoi j’ai commencé à archiver ces trucs, je me demande)

      « Quand ils s’en prennent à la création, les anti- “blackfaces” tombent souvent dans le contresens, historique comme esthétique »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/29/quand-ils-s-en-prennent-a-la-creation-les-anti-blackfaces-tombent-souvent-da

      Comment qualifier ce qui s’est passé, lundi 25 mars, à la Sorbonne ? De grotesque ? D’affligeant ? D’inquiétant ? Des étudiants et des militants de la cause noire ont empêché par la force la tenue d’une pièce d’Eschyle, Les Suppliantes, au motif que des acteurs blancs portaient des masques sombres ou étaient grimés de noir. Le metteur en scène de la pièce entendait user d’un artifice ancré dans la tragédie grecque, mais aussi rendre hommage à l’influence de l’Afrique dans la Grèce antique. Mais pour les censeurs, ce blackface est raciste.
      Lire aussi A la Sorbonne, la guerre du « blackface » gagne la tragédie grecque
      Certains diront que ce n’est pas bien méchant, que c’était un spectacle confidentiel. C’est très grave. Pour de multiples raisons. La pièce devait se jouer dans la plus ancienne université française, un emblème de la Nation. Son metteur en scène, Philippe Brunet, est un helléniste respecté – il a essuyé des injures. Et puis cette entrave à la liberté de création n’a pas vraiment fait réagir les milieux culturels, pourtant épidermiques sur le sujet. Il a fallu près de deux jours, et des articles dans la presse, pour que les ministères de la culture et de l’enseignement supérieur publient un communiqué navré, promettant que la pièce se tiendra dans les semaines à venir.
      « Coup » prévisible 
      En fait les milieux culturels sont tétanisés. Ils font corps quand se dresse une censure venant de l’Etat, des cercles d’extrême droite ou catholiques. Mais là, leurs ennemis pourraient être leurs amis. Depuis quelques années, des communautés en France – ici des Noirs – adoptent une posture victimaire, estimant que l’Occident, par nature raciste, n’est pas légitime pour écrire leur histoire, passée et actuelle, et fustigent tout signe d’appropriation culturelle, qu’elle soit vernaculaire ou venant d’artistes blancs et dominants

    • Il ne manquait plus que lui pour notre série : "les bons anti-racistes sont les anti-racistes blancs, les autres sont des sauvages incultes"

      (20+) Eschyle, le « blackface » et la censure - Libération
      https://www.liberation.fr/politiques/2019/04/15/eschyle-le-blackface-et-la-censure_1721447

      Le metteur en scène, Philippe Brunet, proteste de ses convictions ouvertes et égalitaires. Mais c’est un individu éminemment louche puisqu’il est animé de valeurs humanistes et travaille depuis des lustres sur la langue grecque ancienne, cherchant à mettre en lumière – et à réhabiliter – les influences africaines sur la culture grecque de l’Antiquité. Un raciste qui s’ignore, donc, qui a eu la criminelle idée de rappeler que les « Suppliantes » avaient sans doute la peau cuivrée et qu’il a envisagé de leur brunir le visage avec un onguent, avant d’opter pour des masques de cuivre.

      #désinformation #fakenews

    • #merci @christopheld !

      @cie813, c’est effectivement assez désespérant mais la compilation est importante. D’ailleurs, il s’agit de
      • Michel Guerrin, rédacteur en chef au Monde (avec un #paywall)
      • Laurent Joffrin, directeur de la publication de Libération

      Par moment, je ne peux m’empêcher de comparer à la période de recomposition de l’échiquier politique des années 30, où la droite comme la gauche a eu à se situer vis-à-vis des fascismes mussolinien et hitlérien en démarrant des trajectoires qui ont débouché sur les attitudes pendant l’occupation. Aujourd’hui, c’est autour de l’islamophobie et de cette attaque de l’antiracisme que se recomposent droite et gauche. Quel en sera l’aboutissement ? Question plutôt angoissante…

      et donc #merci, @cie813

    • La présentation en partie fausse et lourdement orientée de France Culture (qui ne sait pas orthographier Libye par ailleurs)

      « Les Suppliantes » et le blackface : les nouvelles censures au théâtre
      https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/les-nouvelles-censures-au-theatre


      Lundi 25 mars, la pièce d’Eschyle, Les Suppliantes montée par la compagnie Démodocos et programmée dans l’amphithéâtre Richelieu, à la Sorbonne, a été empêchée de jouer par une cinquantaine de militants de la Ligue de défense noire africaine (LDNA), de la Brigade anti-négrophobie, et du Conseil représentatif des associations noires (Cran), accusant la mise en scène de racisme. Motif : la pièce met en scène le peuple des Danaïdes venu d’Egypte et de Lybie demander asile aux Grecs de la ville d’Argos, les acteurs ont couvert leur visage d’un maquillage par-dessus lequel ils se sont couverts de masques cuivrés et non pas noirs, comme cela se faisait dans la Grèce antique. Cela a suffi pour que les militants crient au « blackface », du nom de ce genre de maquillage théâtral américain du 19ème siècle ou des acteurs blancs se maquillaient pour caricaturer les noirs, et décident d’agir.

      « C’est un procès d’intention et un contresens total », a aussitôt dénoncé la présidence de l’université. « Une partie de la troupe a été séquestrée par des excités venus là pour en découdre », a accusé, de son côté, le metteur en scène et directeur de la compagnie Philippe Brunet, qui dénonce par ailleurs des pressions physiques de la part des militants de la Ligue de défense noire et du Cran sur des actrices en larmes et envisage de porter plainte. Neuf mois après les débats provoqués notamment dans cette émission par les attaques contre la pièce du Canadien Robert Lepage Kanata accusée de racisme, voici que la polémique fait retour sur un nouveau cas de censure et de violence au théâtre.

    • Ah un texte intéressant sur cette affaire, et de quelqu’un qui a vraiment lu la pièce, contrairement à nos républicains qui veulent sauver la culture (et c’est écrit par une universitaire américaine, spécialiste en « gender studies » !)

      Classics at the Intersections : The (Black)Faces of Aeschylus’ Suppliants
      https://rfkclassics.blogspot.com/2019/03/the-blackfaces-of-aeschylus-suppliants.html

      Over the last two weeks, I’ve given a series of talks on Aeschylus’ play and asked myself the question of whether in its original context it was a play about welcoming refugees or about the benefits of the Athenian empire (and so ’colonialist propaganda), or if it was really about the threat and danger of immigrants to Athens. Because audiences aren’t monolithic, I think it probably can legitimately be interpreted as all three, depending on who is in your audience.

      I’ve been trying to think of the play within the context of Athens’ descent in the 460s and 450s into anti-immigrant policies and strict monitoring of citizenship. The play was performed around 463 BCE, around the time that the new category of ’metic’ (translated as ’immigrant’ or ’resident foreigner’) was created and only a decade before Athens began racializing its citizenship with the passage of the law requiring double Athenian parentage for citizenship and emphasizing its autochthonous birth.

      #colonialisme #métèques #migrants #blackface

    • Bon, c’est l’UNI (mais ce qui est inquiétant, c’est le nombre de gens qui s’alignent sur ces délires désormais)

      L’indifférence de militants de l’Unef devant Notre-Dame, ou le vrai visage des enfants de Bourdieu
      http://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-indifference-de-militants-de-l-unef-devant-notre-dame-ou-le-vrai-visage-d

      C’est sous l’influence de cette idéologie que le syndicat défend désormais les séminaires en non-mixité, fait interdire la pièce de théâtre, les Suppliantes d’Eschyle, en se basant sur les concepts décolonialistes de « blackface » et « d’appropriation culturelle », ou encore lance une vaste campagne sur les campus français pour dénoncer « une société organisée pour les blanc.he.s » et « les programmes d’histoire occidentaux-centrés ».

    • « Masques cuivrés », « interdire », « une pièce d’Eschyle » - au concours du plus grand nombre de fake news au centimètre carré, la gagnante est...

      NOTRE-DAME ET LE BRASIER IDENTITAIRE – Caroline Fourest
      https://carolinefourest.wordpress.com/2019/04/25/notre-dame-et-le-brasier-identitaire

      Décidément, les membres de l’Unef méritent leur nouvelle réputation de talibans en culottes courtes. Quand il ne soutient pas le « hijab day » à Sciences-Po, le syndicat se bat pour faire interdire une pièce d’Eschyle à la Sorbonne parce que mettre des masques cuivrés pour raconter la tragédie des migrants – en l’occurrence des Danaïdes – serait un blackface ! Pire que les hébertistes qui brisaient les icônes pendant la Révolution, les iconoclastes d’aujourd’hui sont bigots quand il s’agit de religion et analphabètes quand il s’agit de culture. Exactement comme les identitaires racistes qu’ils dénoncent, mais à qui ils ressemblent comme des frères jumeaux sous un autre masque. A les lire, ce n’est pas seulement notre patrimoine et notre idéal universel qu’il faut protéger de leurs incendies, mais toute une culture politique qu’il faut rebâtir.

    • Pour dire la même chose, on peut compter sur Eugénie Bastié pour Le Figaro/Vox (avec #paywall : si quelqu’un l’a en entier ?)

      Pièce de théâtre interdite, Finkielkraut insulté  : ce sectarisme qui monte à l’université
      http://www.lefigaro.fr/vox/societe/eschyle-interdit-finkielkraut-insulte-sectarisme-a-l-universite-20190424

      Pièce de théâtre interdite, Finkielkraut insulté : ce sectarisme qui monte à l’université

    • Sylvie Chalaye, pédagogue

      Eschyle à la Sorbonne : pourquoi condamner le blackface ? | Africultures
      http://africultures.com/eschyle-a-la-sorbonne-pourquoi-condamner-le-blackface

      Les pratiques anciennes ne sont pas automatiquement légitimes. On doit pouvoir les reconsidérer à la lumière des expériences que l’humanité a traversées depuis cette époque. La traite, l’esclavage, la colonisation… sont passés par là. Ne pas reconnaître l’humiliation qui fait résurgence dans certains gestes dont on ne sait pas la portée et qui touchent les afrodescendants est un manque d’humilité dommageable.

    • « Blackface » ou le théâtre de la question raciale - Libération
      https://www.liberation.fr/debats/2019/05/06/blackface-ou-le-theatre-de-la-question-raciale_1725284

      Pourtant, cette conception de l’autorité créatrice qui fixe le sens de l’œuvre n’a-t-elle pas été remise en cause par la théorie littéraire depuis cinquante ans ? En 1968, Roland Barthes s’attaque à la critique qui « se donne pour tâche importante de découvrir l’Auteur (ou ses hypostases : la société, l’histoire, la psyché, la liberté) sous l’œuvre » ; il lui oppose l’écriture. Et de conclure : « La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’Auteur. » L’année suivante, Michel Foucault prolongera cette analyse de la « fonction-auteur », qui « est la figure idéologique par laquelle on conjure la prolifération du sens ».

      Pour trancher les conflits d’interprétation, on revient aujourd’hui à l’autorité du metteur en scène, relais de l’auteur. Pourquoi ce retour porte-t-il sur la question raciale ? C’est en réaction à l’évolution de nos conceptions du racisme et de l’antiracisme. Dans les années 80, la montée du FN pouvait s’interpréter selon une définition idéologique du racisme. Mais, à partir des années 90, la prise de conscience des discriminations systémiques amène à penser un racisme structurel. Il n’est plus possible de réduire le racisme à la seule intention ; à partir de ses conséquences, on appréhende le racisme en effet.

      Dès lors, la question n’est plus uniquement de savoir si tel ou telle, au fond, est raciste ; on considère les choses du point de vue des personnes dites « racisées », car assignées à leur couleur ou leur origine par des logiques de racialisation qui dépassent les intentions et idéologies, bonnes ou mauvaises. Pour combattre les violences de genre, on a fini par l’accepter, mieux vaut se placer dans la perspective des victimes. On commence à le comprendre, il en va de même du racisme : l’intention n’est pas tout.

    • Pour une liberté de création partagée par tous – sur l’affaire des Suppliantes | AOC media - Analyse Opinion Critique
      https://aoc.media/opinion/2019/05/03/liberte-de-creation-partagee-laffaire-suppliantes

      THÉÂTRE
      Pour une liberté de création partagée par tous – sur l’affaire des Suppliantes
      Par Bérénice Hamidi-Kim

      SOCIOLOGUE DU THÉÂTRE
      Fin mars à la Sorbonne, des manifestants ont interrompu une représentation des Suppliantes d’Eschyle. En soutien au metteur en scène, l’helléniste Philippe Brunet, de nombreux artistes et intellectuels ont, à l’initiative du Théâtre du Soleil, co-signé une tribune récusant les accusations de blackface. Et si l’on en profitait pour amorcer un débat dans lequel il serait possible d’imaginer davantage que deux points de vue qui s’affrontent ?
      Qu’est-ce qui a eu lieu le 25 mars 2019 à Paris ? « Les faits sont connus », présuppose d’emblée la tribune intitulée « Pour Eschyle » initiée par le théâtre du Soleil, qui parle de « censure » et d’« agression grave », après l’interruption par des manifestants d’une mise en scène des Suppliantes à la Sorbonne. Mais le sont-ils vraiment ? On peut en douter, tant les faits sont en l’occurrence pris à parti pour servir de preuve et d’arme dans un conflit qui oppose, avec une violence assez spectaculaire, deux camps. Et justement, la présentation et la mise en récit des événements joue un rôle décisif pour chacun de ces camps, qui s’en sert pour asseoir la légitimité de sa position et pour qualifier ou plutôt disqualifier le camp adverse. Politique, le conflit est aussi un conflit de valeurs et un conflit de légitimité qui se joue également sous la forme d’un conflit de narrations. Comme au théâtre, justement, le sens découle de la manière de cadrer l’action, de distribuer les rôles, de raconter l’histoire, ou ici, l’Histoire.

      Pour le Soleil et ses soutiens, l’affaire est simple et la cause est entendue. L’événement qui a eu lieu ce jour-là consiste dans l’interruption d’une représentation d’un projet théâtral innocent et même bien intentionné sur les questions raciales : la mise en scène par l’helléniste Philippe Brunet des Suppliantes d’Eschyle, dans le cadre d’un atelier de théâtre antique soucieux de restituer la part méditerranéenne et africaine de l’auguste civilisation grecque et de son théâtre. Et cette agression est doublement brutale, parce qu’elle a recouru à la force physique et parce qu’elle aurait eu lieu sans sommation.

      Au contraire, pour ceux qui se sont opposés au spectacle, et parmi eux ceux qui ont assumé de vouloir empêcher la bonne tenue de la représentation, cette opposition se justifie par le refus de dialoguer dont aurait fait preuve le metteur en scène depuis… un an. Car tout ne se superpose pas de manière aussi simple et binaire que la tribune tend à le faire croire, et les moyens d’action ont fait débat au sein du camp des opposants. L’opposition se justifie aussi par le refus catégorique du metteur en scène d’accréditer leur qualification de son geste artistique : un blackface. Comprendre : que des personnes blanches se maquillent le visage en noir pour caricaturer des personnes noires, les diaboliser ou les tourner en dérision, en tout cas les déshumaniser.

      Pour le Soleil, il ne s’agit pas de blackface pour deux raisons. La première raison est que la mise en scène recourt à des masques – à quoi les opposants rétorquent que dans une première étape de la création, celle qui avait mis (discrètement alors) le feu aux poudres, il s’agissait uniquement de maquillage. Ce n’est de fait que dans un second temps que le metteur en scène a ajouté le port de masques noirs et cuivrés (ornés, en guise de cheveux, d’extensions capillaires de couleur noire) ce qui, pensait-il, était de nature à apaiser les choses. La seconde raison est que le blackface ne serait pas affaire de geste mais d’intention. D’où l’idée, que l’on retrouve dans plusieurs autres textes de soutien à Philippe Brunet, que les opposants feraient un « contresens » total sur le texte d’Eschyle et sur le projet du metteur en scène.

      L’opposition serait donc aussi entre personnes dotées de capacités d’intellection et de culture, et personnes incultes. Pourtant, comme les opposants, le Parlement Européen choisit de ne pas considérer l’intention et de s’en tenir au geste, quand il déclare que « la pratique consistant à se noircir le visage perpétue des idées préconçues bien ancrées au sujet des personnes d’ascendance africaine, et peut ainsi exacerber les discriminations », et manifeste « la persistance de stéréotypes discriminatoires ». Pourquoi ? A cause de ce fait historique qui est que « les injustices à l’égard des Africains et des personnes d’ascendance africaine qui ont jalonné l’histoire, comme la réduction en esclavage, le travail forcé, la ségrégation raciale, les massacres et les génocides qui se sont produits dans le contexte du colonialisme européen et de la traite transatlantique des esclaves, sont très peu reconnues et prises en compte par les institutions des Etats membres ».

      C’est donc à ces institutions – et donc notamment aux institutions culturelles – que le Parlement européen en appelle quand il « invite les Etats membres à dénoncer et à décourager le maintien de traditions racistes et afrophobes ». Un texte émanant des institutions politiques européennes, écrit au nom des valeurs démocratiques, et qui condamne l’usage du blackface quelles que soient les intentions de qui y recourt… voilà qui pourrait ébranler quelques certitudes quant à la simplicité axiologique de la répartition des camps. Avec ce texte, les élus politiques cherchent à agir sur le cours de l’histoire, car c’est à cela aussi que peuvent servir les politiques publiques. Et pour cela, elles s’appuient souvent, faut-il le rappeler, sur les luttes menées auparavant par les mouvements d’émancipation : mouvement ouvrier, suffragettes, Front Populaire, mouvement des droits civiques etc… sans ces luttes et les femmes et les hommes qui se sont battus parfois au péril de leurs vies, pas de droit du travail, pas de droit de vote des femmes, pas de décolonisation, pas de politiques de lutte contre les discriminations, pas d’actualisation des valeurs démocratiques.

      Bref, c’est peu dire que toute cette affaire est complexe. Il faudrait donc prendre le temps d’investiguer les faits, les concepts (blackface[1], mais aussi appropriation culturelle, censure, boycott, liberté de création/d’expression) et plus largement, les formes qu’a pris ce conflit de narration et de légitimité, ce qu’il révèle, et ce qu’il cache. Pour l’heure, je voudrais m’attacher précisément à la tribune rédigée par le Soleil. Pourquoi ? Elle a rassemblé un nombre impressionnant de signataires, artistes et universitaires dont la liste produit un effet de légitimité incontestable – même si une des particularités notables de cette tribune est que parmi les signataires se côtoient des gens qui ont à dire vrai peu de raisons de se rassembler, tant ils tiennent sur les questions brûlantes des discriminations – du racisme, du sexisme et de l’homophobie – des positions divergentes. Serait-ce justement le signe que « l’affaire est grave » et mérite donc un front uni, en l’occurrence un front démocratique et républicain ? Face à quoi ?

      Revendiquant de parler « pour », la tribune est de fait surtout écrite contre. Un premier trouble vient de l’omniprésence d’une rhétorique que le texte dit dénoncer mais qu’il reprend à son compte. « Vocabulaire digne d’un tribunal ecclésiastique médiéval », « juges autoproclamés du Bien et du Mal » : le texte érige comme menace principale sur la démocratie l’intégrisme, mêlant l’intégrisme religieux (le texte cite les mouvements catholiques ayant demandé l’interdiction du spectacle de Castellucci mais parle aussi de « fatwa ») ou l’intégrisme politique, qui serait à l’œuvre ici, au motif que la « logique identitaire » serait « la même » – ce qui reste à démontrer. Il agite aussi en toile de fond d’autres repoussoirs, certains venus du passé : le stalinisme (« commissaire politique ») voire le nazisme (« autodafés »), et un autre qui serait propre à notre présent, « le catéchisme de la société prétendument « inclusive », qui en réalité fixe et cloître chacun dans une « identité » d’appartenance et dicte aux uns et aux autres la place qu’ils ne doivent pas quitter ».

      Dire que le camp d’en face est celui des barbares – littéralement, ceux qui ne comprennent pas notre langue ou celle d’Eschyle, mais aussi, ceux qui sont des « autres », des étrangers aux valeurs de « notre » communauté, n’est-ce pas une façon bien commode de se mettre dans le camp du bien ? Et une façon bien problématique de binariser les oppositions : démocrates contre barbares, esprits des lumières contre obscurantistes, universalistes contre identitaires, laïques contre intégristes, cultivés contre ignares, Printemps républicain contre Parti des Indigènes de la République… nous contre eux…

      Ce qui m’a gênée dans cette tribune, c’est qu’elle m’a semblé faire exactement ce qu’elle dénonce, usant du ton d’un tribunal, condamnant sans souci des faits, et sans même accorder aux accusés un procès équitable. C’est également le fait que ceux qui ont initié la tribune m’ont semblé pour tout dire juge et partie, le spectacle Kanata mis en scène par Robert Lepage avec la troupe du Soleil ayant été au cœur d’une autre polémique – des associations d’artistes autochtones avaient estimé que le spectacle relevait d’une forme « d’appropriation culturelle »[2] puisqu’il représentait leur histoire, et ce faisant se l’appropriait et en tirait des bénéfices économiques et symboliques, sans les inclure et sans les consulter.

      C’est enfin, c’est surtout que les auteurs comme les signataires, dont la liste et les titres ne peuvent qu’impressionner, sont en position de force pour imposer leur conception du partage des rôles et des positions – et font comme s’ils ne le savaient pas. En bref, c’est le fait que cette tribune construit un espace énonciatif d’intimidation, qui empêche et même interdit de penser. S’y exprime un « nous » en majesté et en mode majeur, qui dit défendre la liberté d’expression et de création mais use de tactiques autoritaires, et cherche à faire taire tout doute et toute objection. Je voudrais précisément formuler à présent deux objections, relatives à la caractérisation du « eux » repoussé et à une contradiction dans les valeurs défendues et dans l’appel à la liberté de création en général et du théâtre public en particulier.

      « Le théâtre est le lieu de la métamorphose, pas le refuge des identités. » Philippe Brunet en une phrase exprime l’enjeu de cet art – de tout art : pouvoir se sentir être autre que « soi-même » – à travers des personnages, des histoires, et rejoindre ainsi toute l’humanité », dit la tribune. Or, justement, c’est précisément ce que réclament nombre d’artistes noirs et plus largement non blancs aujourd’hui : d’avoir le droit, eux aussi, de pouvoir incarner l’humanité et de ne pas se voir cantonnés à des rôles stéréotypés toujours dévalorisants[3], écrits et mis en scène par des personnes qui n’ont aucune idée de leurs expériences de vie. Quel mépris, que de dire à ces personnes qu’elles n’auraient rien compris au théâtre. Quelle violence, que de faire semblant de ne pas comprendre qu’il s’agit justement de réclamer le droit à la même part de liberté, à la même possibilité que le théâtre devienne le lieu de la métamorphose, et non une autre scène où se répètent et se redoublent la domination et les discriminations.

      Car le vrai scandale est là : la persistance de discriminations raciales insupportables, dans la société, et donc aussi, bien sûr, dans les mondes artistiques, et dans les représentations. C’est ce scandale qui justifie la recommandation du Parlement Européen, et qui explique sans doute la véhémence du ton de ceux qui subissent ces injustices, parce qu’il n’est jamais facile d’oser prendre la parole en tant que victime, d’autant plus quand sa parole individuelle et collective est si violemment et si continument discréditée. Être noir, aujourd’hui – comme être femme, être homosexuel – renvoie non pas à une identité génomique mais à un statut social : cela signifie être assigné à résidence identitaire, être relégué au rang de l’altérité et du particulier, et ne pouvoir prétendre être intégré au cœur de la communauté qu’à la condition de performer justement sa différence et ses particularismes, comme le montre si bien dans ses travaux Réjane Sénac[4], et jamais en tant que semblable, en tant qu’égal. Et ce n’est pas une situation qui émane de ces « sous »-groupes particuliers, tout simplement parce qu’ils ne sont pas en position d’établir les normes ! Car l’« universel » est encore trop souvent le cache-misère d’une domination par des personnes qui ont la peau blanche et qui sont des hommes, qui pensent pouvoir justement incarner l’humanité toute entière alors qu’ils sont eux aussi, comme les autres, dans une position particulière… une position dont on comprend qu’ils ne veuillent pas la quitter, d’ailleurs, car c’est une position fort plaisante : une position de pouvoir. Pouvoir économique, mais aussi bien sûr pouvoir symbolique : pouvoir d’établir les catégories, de décider (ce) qui est particulier, (ce) qui est raciste et (ce) qui est universel, d’édicter les normes. Etre renvoyé au fait qu’on n’incarne pas l’universel mais la domination est désagréable à entendre, sans doute. Reste que le pointer n’est pas formuler une revendication identitaire. C’est au contraire demander que se concrétisent les valeurs universalistes.

      La tribune nie l’existence des discriminations, de leur histoire, comme elle nie l’histoire des représentations racistes, donc. Mais elle fait également fi de l’histoire théâtrale, traversée de querelles qui ont presque toujours mêlé enjeux esthétiques et enjeux politiques, et où la question de l’autonomie de l’œuvre et de l’artiste à l’égard du contexte dans lequel il crée est complexe. Car c’est bien pour sa valeur politique, civique, que cet art est devenu un « théâtre public » financé avec l’argent de la collectivité. Cette mission politique du théâtre est même une antienne que l’on retrouve dans toutes les plaquettes de saison, dans le discours des artistes comme dans les textes de loi des pouvoirs publics[5]. Le théâtre public se veut un théâtre politique, et se veut même un mode d’action politique. Par les questions qu’il soulève, par le cadre collectif de la représentation qui fait des spectateurs un public qui débat de la chose publique, avec elle-même, par sa capacité à opérer, à l’occasion, comme contre-pouvoir.

      Comment oublier les combats militants menés par Mnouchkine elle-même, dans ses œuvres mais aussi avec d’autres outils de lutte (manifestations, grève de la faim, occupation d’églises) contre les politiques migratoires, contre l’inaction des pouvoirs publics face à la guerre en ex-Yougoslavie, contre la Loi travail ? Elle incarne par là le mythe du théâtre public, qui a construit sa légitimité depuis un demi-siècle en tant qu’il serait une des formes de l’espace public, autrement dit, une des institutions vitales de la démocratie et de la République française. D’où le caractère incongru de la ligne de défense de Brunet consistant à dire « qu’on est libres de se grimer en noir, en cuivre, en rose » et que « le théâtre n’a pas à correspondre à des règles de bienséances morales »[6], comme s’il était question d’une querelle esthétique sans cause ni effet dans le réel d’aujourd’hui. A revendiquer que l’art du théâtre n’a aucun compte à rendre au présent.

      Pour finir, je voudrais en venir à la fameuse « liberté d’expression et de création » que la tribune entend défendre, et à laquelle les opposants au spectacle contreviendraient, faisant donc acte de « censure ». Pour rappeler d’abord, s’agissant du dernier mode d’action choisi par les opposants au spectacle, à savoir la perturbation physique de la représentation, que ce geste, pas plus que l’appel au boycott, ne constitue de manière évidente une entrave à la liberté de création et un acte de censure. Tout simplement car pour censurer, il faut être en position de pouvoir institutionnel. Il peut d’ailleurs sembler étonnant que ce point ait échappé à Ariane Mnouchkine, fondatrice en 1979 de l’AIDA (Association Internationale de Défense des Artistes victimes de la répression dans le monde).

      Certes, certains plaident aujourd’hui pour une redéfinition de la notion de censure, qu’ils voudraient plus ajustée aux menaces qui pèseraient spécifiquement dans nos démocraties, gangrénées par des « censures légales ». L’Observatoire de la liberté de création, créé par la Ligue des Droits de l’Homme, considère ainsi que « censurer la création, c’est porter atteinte à la faculté de chacun de pouvoir jouir des arts et des œuvres, et porter atteinte au débat et à la faculté critique ». Mais ne peut-on discuter cette définition qui fait l’économie de la qualification de ce qui « porte atteinte au débat et à la faculté critique », et de la précision de qui est habilité à juger de ces atteintes ?

      Dans Nouvelles morales, nouvelles censures, le juriste Emmanuel Pierrat en appelle lui aussi à une extension du domaine de la censure, du fait d’un « paradoxe » qui selon lui envahirait nos démocraties, où certaines demandes d’égalité formulées par des groupes discriminés – il donne en exemple les personnes victimes de sexisme (des femmes, donc) et de racisme (des personnes non blanches, donc), pourraient aboutir à des demandes de « censure morale ». Demandes de censure, concède-t-il toutefois, et non acte de censure en soi. Car ces demandes d’élargissement de ce que censurer veut dire butent sur le fait que pour qu’il y ait censure, il faut tout de même que ceux qui cherchent à empêcher l’œuvre ou leurs alliés en aient les moyens légaux. La censure ne peut donc jamais être totalement « privatisée », pour reprendre l’expression de Pierrat, elle doit passer par des personnes morales dotées du pouvoir d’établir des normes et des lois et de les faire appliquer, autrement dit, la censure implique des institutions – l’Etat et/ou l’Eglise par exemple[7].

      Par ailleurs, la tribune choisit d’en appeler non à la simple liberté d’expression mais à la liberté de création, tout en refusant de réfléchir à l’enjeu essentiel de cette création juridique fort récente, consacrée par la loi du 7 juillet 2016. Il faut commencer par rappeler que, comme la liberté d’expression avec laquelle elle présente beaucoup – et, pour de nombreux juristes, trop – de points communs, la liberté de création souffre en France des limites légales, qui interdisent la formulation publique de certains discours racistes, antisémites, sexistes, homophobes, d’apologie du terrorisme, d’incitations à la discrimination, qui ne sont pas de simples opinions mais des délits. Ces limites, qui n’existent pas par exemple aux Etats-Unis, où prévaut le caractère sacré d’une liberté individuelle n’admettant aucune entrave, ont été formulées par le législateur français précisément au nom des valeurs républicaines. Ce qui fait que, par exemple, ce serait un contresens juridique – et une contravention à ces principes – que de considérer qu’une demande d’interdiction d’une œuvre au motif qu’elle serait raciste, serait un acte de censure.

      Par ailleurs, tout l’apport de cette notion tient à ce en quoi elle diffère légèrement de la simple liberté d’expression. Non par le fait que les artistes auraient une liberté d’expression supérieure ou plus sacrée que le reste des citoyens, ce qui serait assez contraire aux valeurs démocratiques. Mais le fait qu’il n’est plus seulement question de la liberté d’expression du sujet individuel professionnellement habilité à créer (l’artiste donc), mais aussi de la liberté collective du public ou plutôt des publics. Car cette loi a aussi et surtout été pensée comme une loi de rénovation des politiques culturelles et, dans la continuité de la loi NOTRe de 2015, elle incorpore – d’une manière que l’on pourrait d’ailleurs discuter – cette norme jusque là absente des politiques culturelles à la française que sont les droits culturels. Or, ceux-ci entendent insister sur le droit du public, c’est-à-dire des différentes composantes de la population, à prendre part à la vie culturelle, comme bénéficiaires, mais aussi comme créateurs. Autrement dit, cette norme juridique renforce la légalité des revendications de celles et ceux qui ne se sentent pas assez représentés dans les œuvres, et qui estiment qu’il y a là un problème.

      Les valeurs au cœur de ces différents textes sont-elles en contradiction ? Qui peut en juger ? Toutes ces questions sont ouvertes. Alors, oui, bien sûr que, comme le demandent les opposants, et y compris pour leur apporter la contradiction, il faut des colloques, il faut des espaces de réflexion et des espaces de débat intellectuel et politique. Réunissant universitaires, artistes et professionnels de la culture, militants, et élus politiques. Un débat où puissent se faire entendre des voix plurielles, bien au-delà des deux camps certes commodément médiatiques, en phase avec l’ère du « clash » où une idée ne vaut que si elle tient en deux mots et si elle est caricaturale, et s’oppose caricaturalement à une autre. Nous avons besoin d’un débat où plus de deux points de vue s’expriment. Et s’affrontent, bien sûr, le cas échéant. Car la démocratie, c’est le débat, musclé, si besoin, agonistique. Mais ce ne saurait être la réduction et la disqualification méprisante des positions avec lesquelles on n’est pas d’accord. Ne pouvons-nous nous accorder sur ce point ? Et sur le fait que cette affaire soulève des questions parmi les plus urgentes de notre présent historique et que, de notre capacité, avant même de chercher des réponses et des solutions, à formuler les questions et les problèmes, dépendra notre possibilité de faire société ? Si oui, au travail. Il est temps.

      [1] W.T. Lhamon Jr Peaux blanches, masques noirs, Paris, L’Eclat, 2008 (Raising Cain. Blackfaces from Jim Crow to hip hop, Harvard University Press, 1998). Voir aussi, sur cette pratique, Sylvie Chalaye, « Eschyle à la Sorbonne : pourquoi condamner le blackface ? », Africultures, 18 avril 2018.

      http://africultures.com/eschyle-a-la-sorbonne-pourquoi-condamner-le-blackface

      [2] Sur les enjeux de la notion d’appropriation culturelle, voir notamment Eric Fassin, « L’appropriation culturelle, c’est lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de domination », entretien, Le Monde, 2 novembre 2018 et Aureliano Tonet, « Dans la culture, des identités sous contrôle », Le Monde, 18 avril 2019.

      [3] Voir à ce sujet Aïssa Maïga (dir.), Noire n’est pas mon métier, Le Seuil, 2018 et le documentaire d’Amandine Gay, La Mort de Danton, Mille et une films, 2011.

      [4] Voir Réjane Sénac, L’égalité sous condition, Presses de Sciences Po, 2015 et L’Egalité sans condition, L’Echiquier, 2019.

      [5] Sur ce point je me permets de renvoyer à mon livre, Les Cités du théâtre politique en France depuis 1989, préface de Luc Boltanski, Montpellier, 2013. Voir aussi Olivier Neveux, Contre le théâtre politique, Paris, La Fabrique, 2019.

      [6] Philippe Brunet in Léa Mormin-Chauvac, « Philippe Brunet, masque de protection », Libération, 18 avril 2019.

      [7] Voir à ce sujet la recension par Jean-Baptiste Amadieu de Robert Darnton, De la censure. Essai d’histoire comparée, Paris, nrf Gallimard, 2016. Jean-Baptiste Amadieu, « Dialogue avec les censeurs », La Vie des idées, 2 mai 2016, ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Dialogue-avec-les-censeurs.html

    • Racisme dans les arts : Lipanda Manifesto, tribune des 343 racisé·e·s | Le Club de Mediapart
      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/270419/racisme-dans-les-arts-lipanda-manifesto-tribune-des-343-racise-e-s

      Les médias se sont formidablement illustrés ces derniers temps comme vitrine des arguments pleurnichards de réactionnaires blancs bourgeois, qui persistent à faire la sourde oreille et aller à l’encontre des revendications féministes et antiracistes, tout en faisant leur pain sur les systèmes de privilèges. On se souvient de la tribune des 100 femmes défendant la « liberté d’importuner ». Cette fois-ci, c’est à la « liberté de création » que s’accrochent misérablement les arguments de la tribune prétendument pour Eschyle.

      Personne n’est libre tant que d’autres personnes sont opprimées. C’est ce dont parle Audre Lorde en 1981 dans son discours L’Utilité de la colère : les femmes répondent au racisme*. Liberté d’importuner, liberté de création, liberté d’expression : génération je fais ce que je veux, quand je veux, comme je veux, et personne n’a le droit de me contredire. Mais quelle est cette liberté qui s’appuie sur le dos de celle.ux qui n’en disposent pas ? On pourrait croire à une mauvaise farce tant ça devient redondant, et pourtant.

      Et pourtant aujourd’hui encore, le monde de l’art et de la culture française s’assoit sur les revendications des personnes racisées.

      Aujourd’hui, nous sommes outré·e·s, mais surtout fatigué·e·s. Nous n’avons pas l’énergie de vous rappeler que la censure est un outil d’Etat, et non pas le fait de quelques militant·e·s usant de leur droit à la protestation et à l’insurrection face à des représentations négrophobes et racistes.

      Nous sommes épuisé·e·s de dire que la tentative d’inversion des responsabilités qui consiste à transformer l’action légitime des militants en « grave agression » est une pratique bien rodée des instances de pouvoir. Et au cas où, la militante britannique Munroe Bergdorf nous le rappelle : « Drawing attention to a social divide is not the same thing as creating one. Activists are often considered to be divisive or troublemakers by those who have become accustomed to the privileges that social divides provide them. »

      Aujourd’hui, nous sommes lassé·e·s de devoir constamment démonter vos hypocrisies : non, pour nous, personnes racisé·e·s, le théâtre n’est pas le « lieu de la métamorphose » pour nous, lorsque nous sommes constamment empêché·e·s de créer par les mécanismes discriminatoires et éliminatoires de ce milieu.

      Oui, nos identités sont des cloîtres, lorsque, montant sur un plateau, nos corps sont des objets exotiques venant d’ailleurs. Non, nous ne pouvons pas créer librement, lorsque l’on nous dénie la possibilité d’être neutre, et que nous sommes perpétuellement et violemment renvoyé·es à la réalité de notre racisation par le système. Oui, le théâtre est « refuge des identités » : lorsque nos scènes françaises sont occupées majoritairement par des spectacles créés par des hommes blancs, avec des hommes blancs, regardés, critiqués ou acclamés par d’autres hommes blancs, on peut clairement parler de communautarisme. Une communauté qui ne se dit, ni ne se voit comme telle, et qui pourtant, monopolise nos scènes, nos récits, et verrouillent les portes à toutes celleux qui n’appartiennent pas à leur monde.

      Aujourd’hui, nous sommes usé·e·s de constater que ce théâtre est celui de privilégié·es, où s’amuser à singer « l’Autre » est un loisir, tout en retirant à cet “autre” son droit légitime — si ce n’est son devoir — de s’insurger contre le spectacle de son identité tournée en mascarade. Ce même théâtre qui se proclame « intellectuel, humaniste, helléniste ». Un théâtre qui a le culot de croire, et de se faire croire, que la culture blanche bourgeoise est universelle. Qu’elle touche à ce qu’il y a de commun en chaque être humain. Mais comment n’avez-vous pas remarqué que vos salles de théâtres étaient si vides de diversité ? Se peut-il sérieusement que vous persistiez à ne pas voir que votre théâtre n’intéresse que celles et ceux à qui il ressemble, cell.eux qui y sont représentés, celle.eux qui peuvent s’y identifier ? Qui sont les citoyen·nes que vous prétendez servir ?

    • Islamo-gauchisme, décolonialisme, théorie du genre... Le grand noyautage des universités
      http://www.lefigaro.fr/actualite-france/enseignement-superieur-le-grand-laboratoire-de-la-deconstruction-20190510

      ENQUÊTE - Infiltrées par les syndicats d’étudiants, noyautées par des groupuscules « indigénistes », paralysées par la lâcheté de la hiérarchie de l’enseignement supérieur, les facultés et certaines grandes écoles sont aujourd’hui le théâtre d’un bras de fer idéologique. Les pressions et menaces y sont fréquentes et tous les coups semblent permis.
      (...)
      Dans un autre registre, Olivier Beaud, professeur de droit public à Panthéon-Assas, vient de dénoncer la campagne d’un groupe d’universitaires et d’étudiants de l’EHESS contre leurs collègues « coupables » d’avoir participé au grand débat organisé le 18 mars à l’Elysée par Emmanuel Macron. En novembre 2018, Le Point a publié un texte dans lequel 80 intellectuels décrivaient le « décolonialisme » comme une « stratégie hégémonique » à l’œuvre dans l’enseignement supérieur. Parmi les signataires, Elisabeth Badinter, Alain Finkielkraut, Pierre Nora et Mona Ozouf. Leur appel a eu bien peu d’écho, tant auprès de Frédérique Vidal que du corps enseignant.
      La ministre n’a pas eu un mot de soutien pour Laurent Bouvet, par exemple, quand ce professeur de science politique à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines a eu l’imprudence de tweeter en mai 2018 à propos du voile islamique porté par une dirigeante de l’Unef qui commentait les blocages des facs : « A l’Unef, la convergence des luttes est bien entamée. C’est la présidente du syndicat à l’université Paris-Sorbonne qui le dit. » Aussitôt, l’Unef a sorti un communiqué condamnant « un déferlement de haine raciste, sexiste et islamophobe » et demandant que Laurent Bouvet soit sanctionné. Une vidéo a même circulé, montrant une AG où près de 200 étudiants vociféraient « Ta gueule, Bouvet ! » pendant de longues minutes.

      L’institution marche sur des œufs

      Le politologue, cofondateur du Printemps républicain, est l’une des cibles privilégiées des indigénistes pour avoir théorisé l’« insécurité culturelle » française et dénoncé l’obsession racialiste de la « gauche identitaire ». Le président de l’université l’a assuré de sa sympathie en privé, mais n’a rien fait pour le soutenir publiquement. Aucun de ses collègues ne s’est d’ailleurs manifesté. L’Unef profite de cette lâcheté généralisée pour militer activement en faveur des thèses indigénistes. Récemment, elle s’est jointe à d’autres associations pour empêcher une représentation de la pièce d’Eschyle Les Suppliantes à la Sorbonne. De son côté, le CRAN (Conseil Représentatif des associations noires de France) de Louis-Georges Tin, maître de conférences à l’université d’Orléans, a appelé au boycott de la pièce. Motif : des acteurs blancs portaient des masques noirs, ce que les contestataires assimilaient à la pratique du « blackface » visant à ridiculiser les Noirs. Pour une fois, l’université a condamné la tentative de censure.

    • Deux mois après la polémique sur le « blackface », la pièce « Les Suppliantes » se déroule dans le calme
      https://www.franceculture.fr/theatre/deux-mois-apres-la-polemique-sur-le-blackface-la-piece-les-suppliantes

      « C’est la victoire de l’art, de la liberté d’expression sur la bêtise au front bas, se félicite l’écrivain Pierre Jourde. Ils utilisent une cause juste, l’antiracisme, à des fins stupides. La preuve, c’est que de grands metteurs en scène ont pris la défense de Philippe Brunet. »

      encore une fois #ta-gueule-jourde

    • Je vous ai épargné jusque-là les 6 ou 7 posts d’André Markowicz sur FB, mais vous pourrez les retrouver aisément grâce à cette réponse (en commentaire).

      André Markowicz
      https://www.facebook.com/andre.markowicz

      Adeline Rosenstein :
      Excusez-moi : vous ne vivez donc pas avec des artistes ou des étudiant.e.s qui vous parlent du racisme subi dans les milieux culturels ? Vous ne ressentez pas la colère de vous retrouver impuissant à les défendre tellement les gens bien intentionnés ne voient pas de quoi s’alarmer ? Pourquoi mettre tout votre savoir écrire au service de leur décrédibilisation ? Vous, justement, traducteur, savez mieux que les autres, pourquoi parfois on crie, vous savez tendre l’oreille quand les experts et autres assis discréditent la personne qui apporte une information gênante. Vous savez mieux qu’un autre qu’on dit de la victime qu’elle exagère quand on ne veut pas l’accueillir, qu’elle menace, quand on veut la faire taire, qu’elle est un danger physique, quand on veut que les gendarmes nous en débarrassent. Une injustice hurle à votre porte, demande votre attention et vous la ridiculisez ? ses représentants parlent mal ? mais cette question devrait vous intéresser immédiatement ; vous ne voulez quand-même pas parler comme ce que vous avez toujours combattu : l’ordre - non ?Observez le dédain que vous exprimez à l’endroit de personnes qui en ont juste marre d’être caricaturées sur scène et tenues à l’écart de toute discussion. Comment est-ce possible ? Observons et racontez- moi comment ça marche, comment ça marche, ce scandale, votre dédain, qu’avec Mnouchkine et Vinaver, enfants de l’exil sans accent, vous vous retrouviez côté CRS, ministres, amphi, je ne le conçois pas. C’est pourquoi je vous prie de reconsidérer cette position au nom de tous les personnages que vous avez traduits alors qu’en France, considérant qu’ils ne « savaient pas aligner deux phrases », on voulait les anéantir - on n’avait rien compris, vous vous rappelez ? Reconsidérez ces doutes « ils nous font douter » mais oui car pour moi c’est ça, penser, c’est penser contre soi mais surtout contre le groupe ou l’amphi qui nous enferme avec ministres dedans, d’où on ne on veut pas entendre la plainte. C’était un spectacle d’étudiants mais il y a un autre problème, vous savez, notre environnement, notre lenteur à changer, vous parlez d’une gauche en danger et je vous parle de sa difficulté historique à reconnaître ses erreurs. Les militants antiracistes et les victimes du racisme en milieu culturel ne s’adressent pas à des ennemis politiques mais à des gens de theatre qui veulent pouvoir se dire antiracistes à leur tour et disent je combats à tes côtés, tiens-toi bien là, attends, ôte-toi, ne dis rien, laisse-moi faire, je vais leur dire, laisse-moi finir mon verre, ma blague, mon rôti, ma sieste, mon spectacle antiraciste, mon interview, mes conférences, mes mémoires, ma vie sans toi et je viendrai te chercher.

    • Ce qui est dit ci-dessous n’a pas été raconté sérieusement par aucun journaliste (si j’ai bien compris, on est passé, grâce au rapport de forces instauré par les militants, du grimage noir aux masques noirs grotesques, puis aux masques dorés/cuivrés, etc.) Mais ce qui n’est pas dit, c’est que cette représentation « d’art officiel », déplaçant le fameux spectacle dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, avec deux ministres de sortie et les CRS qui vont avec, applaudie par le tout Paris intellectuel bourgeois blanc, d’A.Bastié à A.Mnouchkine, de R.Enthoven à O.Rollin, est le symptôme de l’hégémonie toujours plus forte de la pensée d’extrême-droite au nom de « la liberté d’expression » ou de « la liberté artistique ». Après la défense forcenée des pires unes de Charlie et la campagne contre les « islamogauchistes », à présent haro sur « les identitaires d’extrême-gauche » et « le fascisme des antifascistes » (comme on l’a entendu en Italie au moment du Salon du Livre de Turin et à l’occasion des meetings chahutés de Salvini).

      Blackface à la Sorbonne. Hier soir, Philippe... - Louis-Georges Tin
      https://www.facebook.com/louisgeorges.tin/posts/10161903836565644?hc_location=ufi

      Blackface à la Sorbonne. Hier soir, Philippe Brunet a joué son spectacle à la Sorbonne, les Suppliantes d’Eschyle. Mais cette fois, pas de déguisements raciaux, pas de Blackface, pas de maquillage en noir pour représenter les Africains : juste des masques dorés. M. Brunet qui avait fièrement clamé qu’il rejouerait son spectacle avec du maquillage en noir a finalement tiré les leçons de l’expérience. Le CRAN qui avait appelé au boycott du spectacle (non au blocage) se réjouit donc de cette victoire collective et définitive. Malgré un mois d’hystérie générale, nous avons tenu bon, et finalement, nous avons obtenu gain de cause. La voix des premiers concernés a été entendue.

    • Quelle salade - selon le Figaro/Vox, voilà l’université menacée par le danger islamo-féministe...

      Carole Talon-Hugon : « Une nouvelle prohibition étend son contrôle sur l’art »
      http://www.lefigaro.fr/vox/culture/carole-talon-hugon-une-nouvelle-prohibition-etend-son-controle-sur-l-art-20

      Traditionnellement, les agents de censure sont politiques ou religieux. Ils sont récemment sournoisement devenus économiques (impératifs d’insertion professionnelle, de recherche appliquée, etc.). Ce qui se passe avec les affaires Chénier ou Eschyle, c’est l’arrivée très préoccupante d’un risque venu d’ailleurs que de ces foyers classiques ou plus récents : de groupes de pression et d’associations communautaires. La liberté académique ne doit certes pas être sans contrôle ; elle est « liberté de poursuivre sa recherche professionnelle à l’intérieur d’une matrice de normes de la discipline définies et appliquées par ceux qui sont compétents pour comprendre et appliquer de telles normes » (O. Beaud). Ce qui revient à dire qu’elle ne connaît qu’une forme de censure légitime, celle réalisable par des pairs à l’intérieur d’un domaine d’expertise partagé, et que toutes celles venues d’ailleurs sont usurpatoires et sapent les fondements de l’université.

    • Une bonne tribune du Monde qui a tout à voir avec ce qui précède

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/28/le-marxisme-culturel-fantasme-prefere-de-l-extreme-droite_5503567_3232.html

      C’est là le lien avec ce que la droite radicale entendra bientôt par « marxisme culturel ». Le terme prend alors une valeur péjorative : il désigne la prétendue volonté des disciples de l’école de Francfort de nuire à la culture occidentale et de s’attaquer à la société traditionnelle en se servant du féminisme, de l’homosexualité et du multiculturalisme. « Au tournant des années 1990, alors que le communisme vient de s’effondrer, les milieux ultra-conservateurs américains voient dans la mondialisation une menace pour l’Occident chrétien, remarque Jérôme Jamin, politiste et philosophe belge, spécialiste des populismes. Ils s’inquiètent aussi de la montée, sur les campus universitaires, du “politiquement correct” qu’ils assimilent à une attaque contre la liberté d’expression ayant pour but d’empêcher les discours ne reconnaissant pas la pleine égalité entre les hommes et les femmes, les Noirs et les Blancs, les hétérosexuels et les homosexuels, etc. » Le terme se diffuse au sein des milieux extrémistes de droite.

  • Elle est pas belle cette fresque qui illustre un article sur l’abolition de l’esclavage sur le site de l’assemblée nationale ???

    1794 : la première abolition
    http://www2.assemblee-nationale.fr/14/evenements/2016/abolition-de-l-esclavage-1794-et-1848/1794-la-premiere-abolition

    Fresque d’Hervé Di Rosa installée, au Palais Bourbon, dans la galerie d’accès aux tribunes du public

    Quelle honte merde ! #racisme_d'état

  • #Rokhaya_Diallo : « On peut être raciste en pensant faire un compliment »

    Le racisme est construit par l’Histoire et se perpétue par les stéréotypes et le fonctionnement de l’Etat, affirme la militante antiraciste française Rokhaya Diallo, en Suisse pour la Journée internationale pour l’élimination de la #discrimination_raciale.

    « De nombreuses personnes ne sont pas mal intentionnées quand elles profèrent une assertion raciste. Par exemple, on peut avoir l’impression de faire en compliment en disant à une personne noire qu’elle parle bien français », explique Rokhaya Diallo au micro de La Matinale jeudi. « Il n’y a pas forcément une #intentionnalité dans le racisme, qui n’est pas l’apanage de l’extrême droite ou de personnes malveillantes. »

    Journaliste, écrivaine, chroniqueuse et réalisatrice, Rokhaya Diallo est régulièrement au centre de polémiques dans l’Hexagone pour ses prises de positions antiracistes et féministes. « L’#espace_public français compte peu de personnes de couleur qui s’expriment dans l’espace public sur les questions de racisme. Je ne suis pas non plus représentative du milieu social ouvrier dont je suis issue. Le fait que je suis une #femme me vaut, en plus des insultes habituelles, des #menaces de #viol. En tout point, je suis la tête qui dépasse. »

    Racisme « atmosphérique »

    Née à Paris de parents immigrés sénégalais, élevée dans un milieu multiculturel, Rokhaya Diallo affirme avoir découvert le racisme assez tard dans sa vie. « Le racisme ’atmostphérique’ est le recours aux #stéréotypes les plus récurrents sur les personnes d’une certaine origine, qui cantonne ces personnes à certaines qualités », définit-elle.

    Par exemple, présupposer que les Asiatiques sont bons en sciences ou que les Noirs sont doués pour les sports n’est premièrement pas une réalité - « moi-même, je ne cours pas vite », s’amuse-t-elle -, et deuxièmement, cela permet d’autres préjugés de type « en revanche, les Blancs sont plus intelligents ou meilleurs pour ceci ou cela. »

    « Les #conditions_sociales existent, évidemment, pour expliquer diverses compétences, par exemple l’endurance des marathoniens d’Afrique de l’Est qui ont vécu entouré de montagnes. Mais une population ne doit pas être réduite à cela », souligne Rokhaya Diallo. « Laisser à l’individu sa capacité à exprimer ses talents propres est beaucoup plus pertinent. »

    Un fruit de l’Histoire toujours vivace

    Pour la militante, le racisme est avant tout le fruit de l’Histoire qui a généré les divisions dans le monde. « Au moment de justifier par exemple le recours à l’esclavage, on a utilisé les sciences ou la Bible afin de créer des préjugés permettant ces pratiques. »

    Et nombre de préjugés sont toujours vigoureux aujourd’hui, relève-t-elle, évoquant l’insulte de « singe » qui a qualifié l’ex-ministre de la Justice française Christine Taubira, les jets de bananes à l’encontre de joueurs de football comme Mario Balotelli ou Kalidou Koulibaly, ou encore les contrôles au faciès statistiquement beaucoup plus nombreux sur les jeunes hommes d’origine maghrébine.

    « La police est une institution de la République, or il n’y a pour l’heure pas de politique institutionnelle pour mettre fin au #contrôle_au_faciès. A minima, il s’agit là de complicité dans l’inaction », estime Rokhaya Diallo, qui dénonce la persistance d’un « #racisme_d'Etat ».

    Pour une politique volontariste

    Car déclarer l’#égalité dans la loi ne suffit pas à combattre le racisme, tout comme elle ne suffit pas à éradiquer les #violences faites aux femmes ou les discriminations sur le genre ou l’orientation sexuelle. « L’Etat doit mener une #politique_volontariste afin de faire reculer le racisme dans les institutions. »

    Entendue jusqu’au siège des Nations unies à New York l’an dernier pour porter sa lutte contre le racisme, Rokhaya Diallo sera l’invitée jeudi soir du Club 44 à La Chaux-de-Fonds, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.

    https://www.rts.ch/info/monde/10306627-rokhaya-diallo-on-peut-etre-raciste-en-pensant-faire-un-compliment-.htm
    #racisme #racisme_anti-blanc #discriminations #intersectionnalité

  • Decathlon et le hijab : la France est-elle devenue folle ? | Ilyes Ramdani
    https://www.bondyblog.fr/opinions/decathlon-et-le-hijab-la-france-est-elle-devenue-folle

    Ce mardi 26 février, une polémique nourrie par des responsables politiques de La République en marche et du parti Les Républicains ont amené Decathlon à renoncer à commercialiser un « hijab de running ». Loin d’être anecdotique, cet événement en dit long sur la névrose d’une frange de la société française autour de l’islam et du voile. Source : Bondy Blog

  • #CÉDRIC_HERROU - DEVOIR DE SOLIDARITÉ - YouTube

    https://www.youtube.com/watch?v=PYNvybAyGqY&feature=youtu.be

    « C’est aux citoyens d’agir quand il y a défaillance de l’Etat – ou, pire, quand on est face à un racisme d’Etat. Je continuerai à me battre. Ils n’ont qu’à me mettre directement en prison, ce sera plus simple ».

    Cédric Herrou est paysan dans la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), près de Vintimille, à la frontière entre la France et l’Italie. Depuis 2015, il a accueilli plus de 2.500 exilés chez lui, dans sa ferme. Des hommes, des femmes et des enfants en détresse, fuyant la guerre, originaires du Soudan, d’Érythrée, du Darfour… Des « migrants » égarés sur les routes de montagne et à qui Cédric Herrou vient en aide, avec le soutien de nombreux citoyens de la vallée. Une toile de tente ou un toit pour dormir, de quoi se nourrir, se soigner. Répondre à l’urgence, d’abord. Et puis faire en sorte que ces personnes puissent exercer leur droit : demander l’asile. Cela paraît simple, ça ne l’est pas. Les réfugiés sont traqués, refoulés en Italie, au mépris de ce droit élémentaire. Cédric Herrou est à plusieurs reprises arrêté, mis en garde à vue, puis poursuivi en justice. Assigné à résidence, il est condamné en août 2017 à quatre mois de prison avec sursis. On parle de « délit de solidarité ». Nous sommes allés voir Cédric Herrou chez lui, à Breil-sur-Roya. Dans cette nouvelle émission « Regards », il raconte comment et pourquoi il a décidé d’agir, malgré le harcèlement policier et judiciaire. Politique, citoyenne, son action nous engage, nous appelle au devoir de solidarité. Emission télévisée « Regards » Réalisation : Yannick Bovy – Octobre 2018 – 29 mn. Une émission produite par le CEPAG & proposée par la FGTB wallonne DVD disponible, comprenant l’interview intégrale de Cédric Herrou (50 mn), au prix de 5€ : daniel.wojtalik@cepag.be - 02/506 83 96

    #asile #devoir_de_solidarité

  • Agression raciste à Beaune : quand l’Etat transforme les victimes en voyous
    https://www.revolutionpermanente.fr/Agression-raciste-a-Beaune-quand-l-Etat-transforme-les-victimes

    La semaine dernière, à Beaune, un groupe de jeunes de quartier s’est fait tiré dessus. Des coups de feu accompagnés d’insultes racistes « sales bougnoules, rentrez chez vous ! ». Dix jours après cette agression d’une extrême violence, le silence et l’indifférence générale sont toujours de mise et le traitement judiciaire et médiatique est marqué par l’invisibilisation du caractère raciste de l’agression et la stigmatisation des victimes, qui tendent à en être tenues pour responsables. Source : Révolution permanente

  • Agression raciste à Beaune : quand l’Etat transforme les victimes en voyous
    http://www.revolutionpermanente.fr/Agression-raciste-a-Beaune-quand-l-Etat-transforme-les-victimes

    La semaine dernière, à Beaune, un groupe de jeunes de quartier s’est fait tiré dessus. Des coups de feu accompagnés d’insultes racistes « sales bougnoules, rentrez chez vous ! ». Dix jours après cette agression d’une extrême violence, le silence et l’indifférence générale sont toujours de mise et le traitement judiciaire et médiatique est marqué par l’invisibilisation du caractère raciste de l’agression et la stigmatisation des victimes, qui tendent à en être tenues pour responsables.

  • Fusillade à Beaune : les autorités refusent de confirmer la piste raciste
    https://www.mediapart.fr/journal/france/310718/fusillade-beaune-les-autorites-refusent-de-confirmer-la-piste-raciste

    algré les témoignages de victimes et de témoins, les autorités se refusaient toujours, mardi, à qualifier de « racistes » les deux attaques survenues dans la nuit de dimanche à lundi contre des jeunes du quartier Saint-Jacques de Beaune (Côte-d’Or), qui ont fait sept blessés dont un grave.

    La première est survenue vers 1 h 15 du matin, lorsqu’une Clio rouge a tenté de renverser un groupe de mineurs et jeunes majeurs regroupés près du « city park » du quartier pour discuter et jouer à la console de jeux vidéo. « Ils nous ont coursés, a raconté à France 3 un des rescapés qui s’en est sorti avec quelques égratignures. Heureusement, il y a le banc qui m’a sauvé. Sans ce banc-là, je pense vraiment que c’était fini pour moi. Parce que dans la voiture, j’ai vu à leur regard qu’ils avaient une haine envers nous. Et le pire, c’était les propos, comme quoi on était des “bougnoules”, qu’on n’avait rien à faire dans ce pays et qu’ils allaient venir calibrés. »

    Vers 4 h 30, un second véhicule, une BMW noire, s’approche du même groupe de jeunes et, cette fois, les occupants sont effectivement armés, d’un fusil de chasse selon les premiers éléments de l’enquête. La voiture s’arrête et le passager tire quatre coups de feu. Sept jeunes sont cette fois blessés, dont un grièvement. Pour les victimes et leurs amis, il ne fait aucun doute que les deux attaques, racistes, sont liées. « Il ne s’agit pas d’un règlement de comptes », assure l’un deux au journal local Le Bien public. « Ce sont des racistes. Ils sont arrivés en criant “Sales Bougnoules, rentrez chez vous”. »

    #racisme #acab #police #agression #racisme_d'etat

  • En Alsace, le football amateur en flagrant déni - Libération
    http://www.liberation.fr/sports/2018/07/27/en-alsace-le-football-amateur-en-flagrant-deni_1669395

    Victime de graves violences pendant un match, le joueur d’origine africaine Kerfalla Sissoko a pourtant été suspendu par une commission qui dément tout acte raciste. « Libération » a enquêté.

    « Si Kerfalla était mort, ils auraient donné son nom à un tournoi. » Cette phrase, terrible, est de l’entraîneur de Kerfalla #Sissoko. A mesure qu’on s’immergeait dans le contexte, elle devenait une ritournelle lancinante. Le contexte ? Sympathique, a priori : le foot des patelins, le foot à la bonne franquette. Quand le village se retrouve le dimanche au match, assis sur des chaises en plastique dépareillées, à prendre des nouvelles des voisins, de la famille, du boulot. Kerfalla Sissoko, joueur amateur de l’équipe de #Benfeld, a failli y laisser sa peau début mai. Sa peau noire, sur le terrain de #Mackenheim, village alsacien de 800 habitants, qui a placé Marine Le Pen en tête au second tour de la présidentielle avec 54 % des suffrages. C’est l’histoire d’un racisme ordinaire, d’une violence extraordinaire. Un #racisme qui se murmure, qui se banalise, qui s’institutionnalise. Kerfalla Sissoko a été coursé avec un couteau de cuisine, roué de coups… puis suspendu par les instances du football.

    Coups de crampons

    Fin mai, sur le parvis du District de football d’Alsace à Strasbourg, Kerfalla Sissoko, 25 ans, est silencieux. Il est convoqué en commission de discipline. Lui et son coéquipier Moudi Laouali, aussi victime de coups et d’injures racistes, ont été suspendus à titre conservatoire. A leurs côtés, les membres de leur club, l’AS Benfeld, petite ville de 6 000 habitants située à 30 kilomètres au sud de Strasbourg, sont plutôt confiants. Là, ils vont avoir l’opportunité de refaire ce match chaotique à tête reposée. En attendant leur tour, ils nous livrent le récit de ce dimanche 6 mai.

    Le match oppose deux équipes de D3, la plus basse division en football amateur. L’enjeu pour Benfeld est quasi nul. Tout ce qu’ils peuvent décrocher, c’est le titre du fair-play : ils n’ont reçu aucun carton rouge de la saison. Dès le coup d’envoi, la tension est palpable. « Nos trois joueurs d’origine africaine sont tout de suite pris pour cible par l’équipe adverse, qui les avait repérés au match aller, et leur a réservé un traitement de faveur au retour », raconte l’entraîneur Gérald Cimolaï. Sur le terrain, les contacts sont de plus en plus violents, assortis d’insultes et de menaces chuchotées : « On en a encore pour toi », « ça ne fait que commencer ». L’autorité de l’arbitre est continuellement mise à l’épreuve. « Ça pouvait dégénérer à tout moment. Et il a suffi d’une toute petite étincelle », ajoute le coach. Elle se produit à la 43e minute. Alors que Mackenheim mène 1 à 0, Kerfalla Sissoko, milieu défensif, est sifflé. Faute, carton jaune. Le jeu reprend jusqu’au choc entre Moudi Laouali et un joueur de Mackenheim. Immédiatement, les supporteurs descendent des gradins, envahissent le terrain pour se ruer sur les joueurs noirs. Kerfalla Sissoko et Loïc Huinan, le troisième joueur d’origine africaine, dégagent Moudi, qui s’en sort avec des blessures superficielles. Ils essuient des coups, s’échappent en courant. Tentant de fuir vers les vestiaires, au pied de la tribune, Kerfalla Sissoko se retrouve nez à nez avec un grand couteau de cuisine. Le supporteur armé le prend en chasse, ainsi que Moudi Laouali qui parviendra finalement à se réfugier au vestiaire. Kerfalla Sissoko, lui, fait demi-tour, traverse le terrain dans l’autre sens. Mais un autre groupe l’attend, mêlant joueurs et supporteurs. Là aussi, il y a un couteau. Traqué, piégé, Sissoko retourne au centre. Il est frappé au visage. Il s’effondre et reçoit encore des coups de crampons dans le dos et les côtes. « Ils sont à quatre ou cinq sur lui », se souvient le coach, qui se précipite à son secours avec le capitaine, Guillaume Paris. Sissoko convulse. Paris plonge ses mains dans la bouche du joueur qui est en train d’avaler sa langue. Il le met en position latérale de sécurité. C’est « le seul moment » où il s’est « senti en danger », « parce qu’agenouillé à côté de Kerfalla », dit-il. L’arbitre distribue les cartons, deux pour Benfeld, deux pour Mackenheim. Sissoko, inconscient, reçoit le premier carton rouge de sa vie de footballeur. A la 45e minute, la fin du match est sifflée. « Les gars en face enlevaient leurs maillots pour ne pas être reconnus », se souvient Gérald Cimolaï, qui les fait reculer en dégainant son portable pour filmer.

    Le président du club, Jean-Michel Dietrich, accourt sur le rond central, demande que quelqu’un appelle les secours. Personne ne bouge au club-house. C’est la secrétaire de l’AS Benfeld, venue assister à la rencontre, qui passera l’appel depuis son portable. Quand les secours arrivent, « les supporteurs s’évaporent dans la nature tandis que le staff de Mackenheim discute avec l’arbitre », observe le coach, aussitôt entraîné à l’écart par trois hommes. Encerclé, il doit montrer son téléphone. « J’ai dû effacer toutes les vidéos devant eux, sinon je ne repartais pas », dit-il. Les gendarmes, arrivés avec les pompiers, n’embarquent personne. Kerfalla Sissoko est évacué en urgence. Il a une fracture ouverte de la tempe, trois autres au niveau de la pommette, un traumatisme crânien, la mâchoire déplacée, des hématomes dans le dos, sur les côtés… Le lendemain, le président de l’AS Benfeld publie sur son compte Facebook une lettre adressée au District d’Alsace de football, « pour le mettre face à ses responsabilités ». Les médias relaient. Kerfalla Sissoko et ses deux coéquipiers noirs ont déposé plainte à la gendarmerie de Marckolsheim pour violences et injures racistes.

    Le dimanche suivant, Jean-Michel Dietrich est convoqué à la gendarmerie. Pour témoigner, pense-t-il. Il emmène son fils, cela ne devrait pas être long. Finalement, il y passera la matinée. Le club de Mackenheim, qui n’a jamais formulé d’excuses ni pris des nouvelles des joueurs blessés, l’attaque pour diffamation. En cause, une menace de mort. Pas sur le terrain de foot. Non, dans un commentaire sur Facebook. Jean-Michel Dietrich doit retirer le texte, se plier au relevé d’empreintes, aux photos. Pendant qu’il est fiché, un gendarme promène le fils, histoire de faire diversion. « Je me suis senti humilié », dit-il. Il a « honte », envie de tout arrêter.

    « Reste dans ta brousse »

    A Strasbourg, le jour décline. Une petite agitation sur le parvis du siège du District indique que notre présence dérange. Kerfalla Sissoko, convoqué par la commission de discipline, est appelé à se présenter. Le groupe s’engouffre dans le bâtiment. Nous nous sommes procuré un enregistrement sonore de l’audience. Le président ouvre la séance en affirmant que le dossier est vide, qu’il n’y a aucun élément concret. L’avocate de Sissoko produit les plaintes, les certificats médicaux, les dix jours d’ITT. Le capitaine de l’équipe de Mackenheim, récidiviste, déjà suspendu pour violences, reconnaît avoir porté des coups mais parle de légitime défense et nie les propos racistes. Comment pourraient-ils être racistes puisqu’eux-mêmes ont des joueurs d’origine étrangère ? Les membres du district se penchent sur la liste de noms, ils n’ont pas que des consonances alsaciennes, effectivement. L’argument semble convaincre. L’arbitre a vu le couteau de cuisine dans la main d’un homme à capuche. Mackenheim ne sait pas de qui il s’agit. Mais sait que ce n’est pas un licencié. Sissoko tente d’expliquer sa version des faits. On lui coupe la parole. Idem pour le témoignage de la secrétaire du club qui a entendu une dame marteler : « Mettez les Noirs dehors, ils n’ont rien à faire sur le terrain. »

    Du racisme, l’arbitre n’a rien entendu. Kerfalla Sissoko explique que ce sont des insultes qui fusent dans un contact ou quand l’arbitre tourne le dos. « Reste dans ta brousse, c’est chez toi », lui lance-t-on, par exemple, alors qu’il va chercher un ballon sorti du terrain. Sissoko aurait dû aller se plaindre à l’arbitre, lui dit-on. Il objecte que s’il allait se plaindre à chaque fois, il ne toucherait plus le ballon… Parce que « c’est tout le temps ». Et puis, seul le capitaine est en droit de s’adresser à l’arbitre et le capitaine de Benfeld est gardien de but… Qu’importe. Kerfalla Sissoko est sommé de s’expliquer. Parce que les insultes, finalement, il n’y a « que lui qui les a entendues », résume le président de la commission de discipline, qui balance : « Le racisme est devenu accessoire dans cette affaire. » A la sortie, une heure plus tard, les membres de l’AS Benfeld sont sidérés par tant de « légèreté ». « Ce sont des juges qui décident de tout, même de ce qu’ils veulent entendre, s’étrangle Gérald Cimolaï. Et c’est à nous de prouver le racisme. Si on ne peut pas, c’est que cela n’existe pas. » C’est alors que l’entraîneur prononce cette phrase terrible, mais plausible : « Si Kerfalla était mort, ils auraient donné son nom à un tournoi. » Kerfalla Sissoko, lui, paraît hagard, sonné par ce « racisme accessoire ». « Comme si le racisme, on pouvait le porter sur soi, l’enlever, selon les jours… » se désole-t-il.

    On le retrouve début juin, au bord du terrain, à Benfeld (ses copains disputent le ballon aux joueurs d’Hipsheim). L’équipe est convalescente. Kerfalla Sissoko ne les regarde pas vraiment. Il explique être sans cesse assailli par les images de son agression, ce moment où il s’est vu mourir. Il n’arrive pas à rechausser les crampons. De toute façon, il a interdiction de jouer. Le District vient de rendre son verdict. Kerfalla Sissoko a été sanctionné, comme son coéquipier Moudi Laouali, comme les deux joueurs de Mackenheim. Même tarif, pour tous : dix matchs de suspension, pour le banal motif de « brutalité à l’égard d’un joueur ». Tout le monde au piquet, en somme comme pour une chamaillerie de cour d’école. Le club de Mackenheim a été condamné pour l’envahissement du terrain : « menace avec arme de la part d’un spectateur ». Il devra payer une amende de 60 euros. Jean-Marie Dietrich a fait appel, pour « sortir du déni de racisme », pour réhabiliter ses joueurs. Peine perdue. Le 5 juillet, le District a maintenu les sanctions contre eux, se fondant sur « les conclusions de l’instructeur », un membre du District, envoyé enquêter sur place. Elles « permettent d’écarter la notion de comportement collectif systématique à caractère raciste ou discriminatoire de la part du club de l’AS Mackenheim », et si « des propos de cette nature ont pu être tenus, ils l’ont été par des personnes isolées », indique le PV de la commission. Quant à « l’agression subie par le Kerfalla Sissoko »,elle trouve « son explication dans le comportement violent de ce dernier qui asséné le premier un coup-de-poing ». Mot pour mot les arguments de l’AS Mackenheim, inlassablement démentis par l’AS Benfeld. Le traumatisme crânien, les multiples fractures au visage ne sont que les séquelles d’une légitime défense. Affaire classée. Circulez, il n’y a rien à voir. Seul changement, pour manquement à la sécurité, l’AS Mackenheim est suspendue de terrain pour quatre matchs, son amende relevée à 100 euros… « Ils ne veulent pas parler de racisme de peur que cela les salisse », estime Jean-Michel Dietrich. L’essentiel des débats s’est d’ailleurs concentré sur lui, le District estimant « particulièrement regrettable » qu’il « se permette de dénoncer médiatiquement » les faits. Assigné en justice pour diffamation, le président de l’AS Benfeld passera en correctionnelle le 31 juillet.

    « Le foot c’est un système féodal, c’est de la politique, des discours, des réunions organisées par des carriéristes avides de pouvoir qui nous ridiculisent, méprisent la réalité, déplore Jean-Michel Dietrich. Ce sport doit se poser des questions, avoir le courage de sanctionner une équipe pour son comportement, même si elle gagne. » Pour Gérald Cimolaï, il y a deux poids, deux mesures, entre foot des villes et foot des champs : « Ils crachent sur les clubs des quartiers, mais dans les villages, rien n’est grave. »

    Le « foot des champs », c’est pourtant là que se concentrent désormais les problèmes, assure un ancien arbitre. « Longtemps, les clubs des quartiers faisaient peur quand ils venaient jouer dans les patelins. Maintenant, c’est l’inverse. Ce sont ces clubs qui ont peur d’aller à la campagne, parce qu’ils vont être provoqués, poussés à bout, jusqu’au basculement dans la violence. »Du coup, « les noms de villages chauds circulent », ceux où l’ambiance autour des matchs est connue pour être raciste, indique un entraîneur d’origine africaine. « Des villages où soit tu te bats, soit tu pleures », résume un joueur. Zone urbaine ou rurale, le racisme est partout, d’après Jean-Marie Dietrich. Mais il a différents visages : « En ville, le foot est un prétexte pour un affrontement entre communautés. On se mesure, on se fait peur. A l’écart, c’est la xénophobie, la peur de l’autre qui s’exprime. Le foot des campagnes, c’est la guerre des clochers. Ne pas être du village, c’est déjà compliqué… »

    Equipes monochromes

    Outre le contexte de chaque village, sa coloration plus ou moins frontiste, pourquoi l’ambiance sur les terrains est-elle devenue si délétère ces dernières années ? « Les joueurs qui posent problème dans les grands clubs saturés des villes sont virés. Ils échouent dans les basses divisions qu’ils gangrènent », explique le président du FC Hipsheim, Nicolas Smargiassi. Malgré leur comportement agressif, comme ils ont plutôt un bon niveau et la peau plutôt claire, ils atterrissent là où on veut bien d’eux, là où on est même parfois prêt à les rémunérer, souvent dans les petits villages qui peinent à trouver suffisamment de jeunes pour constituer une équipe. Des clubs ruraux qui ne sont pas trop regardants, puisqu’il en va de leur survie même. D’autres clubs, pourtant confrontés au même déficit de jeunes, ont une autre réponse : ils fusionnent avec le club voisin, choisissent la mixité… A la campagne, il y a donc les équipes monochromes, et les autres. Quand elles se rencontrent, ce ne sont pas seulement des profils de joueurs différents qui se font face, mais deux visions du foot qui s’affrontent.

    A Benfeld, « le ménage a été fait », affirment plusieurs dirigeants de club du même groupe (G de la troisième division). Quand Jean-Michel Dietrich a repris le club voilà deux ans, il avait mauvaise réputation. « Un petit groupe de jeunes du coin se l’accaparait, les autres ne pouvaient pas évoluer », assure-t-il. Il monte alors un nouveau projet, qui prône la diversité, l’acceptation de l’autre, va chercher des joueurs de toutes origines, crée une équipe féminine. Ceux qui ne voulaient pas se mélanger ont été invités à prendre une licence ailleurs. Voilà pourquoi Kerfalla Sissoko, technicien d’usinage à Strasbourg, est prêt à quitter le quartier populaire de Cronenbourg, où il vit avec ses parents, et à faire trente minutes de voiture pour venir s’entraîner le soir. A Benfeld, il s’est senti « bien accueilli ». Aujourd’hui, le club fait corps autour de lui, monte au créneau pour le défendre.

    Dans les clubs urbains, saturés, les places sont plus chères. « En ville, ça devient le business », confirme un autre joueur noir. A la campagne, ce n’est pourtant pas toujours la panacée. Certains clubs de village ont des équipes colorées mais cela résulte davantage d’une mixité concédée, non encouragée. « Mal classées, les équipes sont boudées par les jeunes blancs du village qui préfèrent jouer ailleurs, alors elles prennent des joueurs noirs par défaut. Ils ont besoin de nous pour constituer une équipe mais, en même temps, on les dérange », remarque un entraîneur.

    Seul joueur noir dans un club rural, Francis Mante dit des autres joueurs et des habitants du village qu’il « croyai[t] qu’ils [l]’aimaient ». Jusqu’au jour où, ayant changé de formation, il est revenu dans le village disputer un match sous d’autres couleurs : « A chaque coin du terrain, des supporteurs sifflaient et m’insultaient… » Dans sa nouvelle équipe, il est de nouveau le seul noir. Un coéquipier l’a traité de « sale singe » lors d’un match, devant l’entraîneur et le président. Francis Mante a déposé plainte, le club lui a demandé de la retirer, sans quoi ils ne pouvaient pas le garder. « Je l’ai retirée et je me suis fait jeter », assure-t-il. Il a arrêté le foot.

    Aujourd’hui, la parole des joueurs, entraîneurs, arbitres noirs se libère si on garantit leur anonymat. Autour et sur le terrain, « sale nègre » et sa variante « sale noir », demeurent des grands classiques avec « sale bougnoule ». On entend parfois des « Elsass frei » (« Alsace libre », slogan autonomiste régulièrement repris par l’extrême droite identitaire), ou « retournez chez vous, ici c’est le FN ». Un joueur d’un club de la banlieue de Strasbourg raconte qu’un jour, son équipe a été accueillie par « la musique de Hitler », le Horst Wessel Lied, l’hymne officiel nazi. C’était il y a dix ans. Aucun des joueurs de cette équipe métissée n’a oublié.

    « Le racisme, c’est courant », soupire un arbitre d’origine somalienne, habitant de Strasbourg, qui a officié sur des matchs amateurs dans tout le Bas-Rhin pendant sept ans. L’histoire de Kerfalla Sissoko l’épouvante. Lui-même craint de se retrouver face à un semblable déchaînement de violences, sans personne pour le défendre, sans vestiaire pour se replier… L’arbitre est seul. Et quand il est noir, il se retrouve souvent soupçonné d’incompétence : « C’est la première fois que vous arbitrez ? » « Vous êtes sûr que vous en êtes capable ? » entend-t-il souvent. Ou, venant des supporteurs : « Vous êtes chez nous », quand ce n’est pas juste des « bananes » qui fusent. Il a fini par raccrocher, « par lassitude ». Même son fils ne fait plus de foot. Sa mère l’a inscrit au karaté, « là où on apprend le respect », a-t-elle dit.

    Raccrocher les crampons, Francis Mante aussi l’a fait, voilà deux ans. Devenu arbitre, il s’est fait alpaguer à la fin d’un match début mai par une dame lui reprochant d’avoir mal sifflé. Le mari de celle-ci surenchérit et balance « va manger ta banane ». L’arbitre lui demande de répéter. L’homme blanc le fait, devant tout le monde. Francis Mante le gifle. Deux joueurs s’en mêlent, l’insultent et lui donnent un coup. « C’est la première fois que j’en venais aux mains… Hélas, mais il faut un acte, sinon c’est parole contre parole, improuvable. » Francis Mante apprendra plus tard que l’homme giflé s’avère être le président du club, qui avait appelé le District d’Alsace pour demander qu’on ne lui envoie plus d’arbitres noirs. Après l’incident, il porte plainte contre Francis Mante, qui est suspendu. Devant la commission de discipline, l’homme tutoie Francis Mante (le PV l’atteste), reconnaît ses propos mais ne voit pas le problème. « Je rigolais », a-t-il déclaré, faisait « de l’humour ». La Commission l’a suspendu dix mois de ses fonctions. Les joueurs qui s’en sont pris à Francis ont, eux, été privés de quelques matchs.

    Vent de révolte

    Un dimanche de juin, on a rendez-vous pour une rencontre dans un patelin figurant sur la fameuse « liste des villages chauds ». L’entraîneur est noir, une bonne partie de l’équipe aussi. Il les a « briefés » toute la semaine. Il leur a répété de « faire profil bas », quoi qu’il arrive. L’entraîneur de l’équipe adverse les avait traités de « négros » au match aller. Ambiance. Alors ils ont rempli des voitures de supporteurs. Les gens du village sont venus encourager leurs joueurs et empêcher tout dérapage. Du système D, qui fonctionne. « Des délégués représentant le district assistent parfois aux matchs, explique le coach, mais ils ne réagissent jamais aux insultes racistes. Ils s’assurent juste que les arbitres sont payés, les cotisations à jour. Dans le foot pro, il y a un peu plus de réactions, parce qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Si un club est connoté raciste, il vendra moins de maillots. Nous, on peut crever. »

    Un vent de révolte souffle contre le district. « On va prendre les mesures qui s’imposent puisqu’ils ne font rien », lâche le président du FC Hipsheim, Nicolas Smargiassi. Plusieurs clubs du groupe ont décidé de boycotter Mackenheim. Ils lui donneront leurs points, mais n’iront plus. Les joueurs d’Hipsheim ne veulent plus y mettre les pieds de toute façon, tant le match aller fut houleux : insultes et crachats. Le président a écrit au district pour dénoncer le climat d’insécurité. Lettre morte. Pour son match retour face à Mackenheim, le club de Duppigheim n’a pas hésité à payer deux juges de touche supplémentaires, pour protéger ses joueurs. Plusieurs dirigeants de club s’indignent : « Le District aurait dû rayer Mackenheim de la carte. »

    Le président du District d’Alsace, René Marbach, le plus grand de France avec 80 000 licenciés, est bien embêté avec cette affaire : « Cela défraye la chronique parce que c’est croustillant. Mais cela fout en l’air tout le travail ! » Ce qui l’ennuie surtout, c’est « le buzz ». Alors qu’il y a « 2 000 matchs chaque week-end en Alsace, et [que] tout va bien », même si « ce printemps a été le plus chaud qu’[il] ait connu », admet-il. « Il n’y a pas que des blessés physiques dans cette affaire. Il faut penser aussi à tous ces blessés moraux, ces milliers de bénévoles, d’éducateurs, qui œuvrent et se battent pour des valeurs », poursuit-il, dépité. Rayer des clubs de la carte semble impensable alors que le foot amateur est en voie d’extinction dans les campagnes. René Marbach pronostique « la disparition de 200 clubs sur les 600 que compte l’Alsace d’ici cinq ans ». « Voilà le vrai problème », d’après lui.

    Concernant les incidents du 6 mai, « les sanctions n’ont été prononcées que pour les choses avérées », insiste René Marbach. Le racisme n’en fait pas partie. De son côté, la gendarmerie de Marckolsheim, chargée de l’enquête préliminaire suite aux plaintes des joueurs noirs, renvoie vers la compagnie de Sélestat, qui gère la communication pour le secteur. Au bout du fil, un gendarme soupire. L’enquête sera bientôt bouclée. Les principaux intéressés, les joueurs, n’ont toujours pas été entendus. Le gendarme nous prévient que « quand tout sera fini, va falloir débriefer avec les journalistes, parce qu’il y a eu de l’emballement ». Quand l’avocate de Kerfalla Sissoko a tenté d’obtenir des nouvelles, le son de cloche a été similaire : « Ça se dégonfle comme un soufflé cette affaire », aurait lâché un gendarme. Me Caroline Bolla s’inquiète que l’enquête de la gendarmerie, comme l’instruction conduite par le district, repose entièrement sur le rapport d’arbitrage, rédigé par l’arbitre, « un ancien gendarme », précise-t-elle, sous-entendant que puisqu’il s’agit d’un ex-collègue, qui dit n’avoir rien entendu, sa parole pourrait ne pas être mise en doute. Une insinuation qui irrite l’avocat du club de Mackenheim, Me Grégoire Mehl, qui rétorque : « L’arbitre est la seule personne neutre dans l’histoire. » D’autant que « c’est déjà monté quand même très haut, à partir d’éléments non avérés », insiste-t-il.

    Le président du club de Mackenheim, qui n’a pas voulu répondre à nos questions, a reçu fin mai une lettre de Frédéric Potier, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme. Il le prie de préciser son point de vue sur les faits et les mesures qu’il compte prendre. Du côté de Kerfalla Sissoko, ça ne va pas fort. Il va devoir être opéré de la tempe et du tympan.
    Noémie Rousseau correspondante à Strasbourg. Photo Pascal Bastien pour Libération.

    Cette histoire est scandaleuse du début à la fin. Ça en dit long sur le racisme profond qui gangrène toutes les institutions, y compris dans le sport. Une déclaration de soutien de la part des joueurs noirs champions du monde de foot serait bienvenue à minima, mais bon…

    #football #agression #impunité

    • Suite de l’affaire :
      Racisme dans le foot en Alsace : une audience, et toujours le statu quo
      http://www.liberation.fr/france/2018/08/24/racisme-dans-le-foot-en-alsace-une-audience-et-toujours-le-statu-quo_1674

      Une question revient en boucle. « Quel a été l’élément déclencheur ? » La commission veut comprendre « la raison des tensions », le « pourquoi », ce qui a fait « basculer ce match sans enjeu dans la violence », imagine que « quelque chose a dû se passer en amont » parce que « d’habitude, ça monte crescendo ». Ils s’interrogent sincèrement face à cette salle divisée en deux : quelques blancs d’un côté (Mackenheim), les noirs de l’autre (Benfeld et ses soutiens). Mais à aucun moment, il n’est question de couleur de peau. « Et côté gendarmerie ? » s’enquièrent les juges du foot. Aucune nouvelle des plaintes, aucune audition. Coup de théâtre, une vidéo a été versée au dossier par Mackenheim qui a fourni une clé USB. Un ado dans les tribunes a filmé. Ils visionnent, l’écran passe de main en main, ils tournent l’ordinateur, penchent la tête, n’écoutant plus que d’une oreille distraite les débats qui n’ont pas été interrompus, on entend un court brouhaha recommencé sans cesse, des rires. « Est-ce qu’on pourrait voir ? », finit par demander Kerfalla Sissoko. Réponse de la commisssion : « Inutile, on ne voit rien. » Si ce n’est qu’il y avait bien plus de quatre spectateurs à envahir le terrain comme le prétendait Mackenheim. L’ordinateur portable est replié.
      Carton rouge en pleine agonie

      Au tour de Mackenheim. La commission : « Et sur le propos raciste, vous n’avez rien entendu ? » La réponse est dans la question. « Et donc vous ne connaissez pas ceux qui sont venus avec des couteaux ? » Idem. Les dirigeants du club de Mackenheim affirment que Kerfalla Sissoko a donné le premier coup. « Je me suis défendu, ils étaient plusieurs sur moi », explique inlassablement le jeune homme. Les joueurs de Mackenheim mis en cause et convoqués ne sont pas présents. Bref, Sissoko a bel et bien porté un coup et « c’est pour ça qu’[il] a eu un carton rouge », lui explique la commission. Lui, il voudrait savoir si c’est bien légal d’avoir un carton rouge « quand on est en train de mourir ». Pas de réponse. Mackenheim rebondit, « Monsieur Sissoko n’a jamais été en danger de mort. » Ils le savent bien : un membre du club est infirmier. « Donc il est intervenu », suppose un membre de la ligue. « Non », dit Mackenheim. La commission se tourne vers Kerfalla Sissoko : « Combien de temps êtes-vous resté couché sur le terrain ? » « J’étais dans les pommes… », bredouille le jeune homme. Une heure déjà que l’audience a débuté. Un membre de la commission fait part de son appréciation à Kerfalla Sissoko : « Donc, vous vous êtes fait tabasser. » Triple fracture au visage, trauma crânien, dix jours d’ITT. Le certificat est dans le dossier.

      L’AS Mackenheim est assisté d’un avocat. L’homme parle bien, longtemps. C’est son job. La maîtrise du verbe. Il rappelle qu’ une procédure juridique en diffamation est engagée contre ceux qui dénoncent le racisme, avec passage en correctionnelle le 22 octobre , et il construit sa plaidoirie en prenant le contre-pied de l’enquête de Libé. « Le racisme dans le foot amateur ne peut pas être illustré par le match du 6 mai 2018 », il faut distinguer « ce qui est avéré et ce qui est fantasmé » : personne n’a rien entendu du racisme. Il réclame l’indulgence de la ligue, les suspensions de terrain, c’est un coup dur pour le club de Mackenheim. La commission aimerait connaître les actions mises en place pour que les faits ne se reproduisent plus ? Ils vont « faire du relationnel avec les joueurs et supporters » (sic)…
      « Nous avons même un cimetière juif »

      Le maire de la commune, Jean-Claude Spielmann, s’est fait inviter. Le président du club de foot est son ami de trente ans. Deux jours qu’ils passent des coups de fil à d’autres communes pour trouver un terrain. Personne ne veut les accueillir, ils essuient des « réponses parfois très désobligeantes ». Et s’ils trouvent, il lui faudra emmener les équipements et les employés communaux là-bas, pour s’occuper de la préparation pelouse, et ça, ça va « peser sur les finances municipales », s’émeut-il. L’élu s’indigne, l’image de sa commune a pris un coup à cause de l’affaire, alors que « Mackenheim n’est pas un terreau de racistes ». La preuve, selon lui : « On est un des rares villages à accueillir une famille de Syriens et nous avons même un cimetière juif. » Puis il en profite pour rappeler à ligue qu’il a déposé une demande de financement pour refaire l’éclairage du club-house. Le président de la commission lui sourit d’un air entendu.

      La séance est levée, la décision sera rendue dans quelques jours. « Au moins, j’ai pu parler un peu plus », lâche Kerfalla Sissoko à la sortie. « Mais c’est toujours moi le fautif. » Sur le parvis de la ligue, les associations imaginent des actions conjointes pour faire reculer le racisme que l’on ne veut pas voir autour du ballon rond. Dimanche dernier, la saison a repris en Alsace. L’AS Mackenheim s’est déplacé à Ebersmunster et l’a emporté 4 à 3. Mais « l’arbitre sifflera la fin du match avant les arrêts de jeu, avant que ça ne dégénère », indique le FC Ebersmunster sur sa page web qui déplore le comportement agressif des visiteurs. L’équipe de Mackenheim, redoutée par les autres clubs pour les dérapages violents qui émaillent souvent les rencontres, a terminé la saison dernière quatrième du championnat. Et elle a obtenu de la ligue de monter en division supérieure.

    • https://www.liberation.fr/france/2019/03/19/racisme-dans-le-foot-amateur-la-mediatisation-des-faits-interesse-plus-qu

      Racisme dans le foot amateur : la médiatisation des faits intéresse plus que les faits eux-mêmes
      Par Noémie Rousseau, correspondante à Strasbourg — 19 mars 2019 à 18:42
      Kerfalla Sissoko à Strasbourg, le 24 mai 2018. Photo Pascal Bastien pour Libération
      Lors d’une audience mardi au tribunal correctionnel de Strasbourg, le président du petit club de Benfeld, dont les joueurs noirs ont été agressés en mai 2018, comparaissait pour diffamation.

      Racisme dans le foot amateur : la médiatisation des faits intéresse plus que les faits eux-mêmes

      L’accusé qui s’avance ce mardi à la barre du tribunal correctionnel de Strasbourg est Jean-Michel Dietrich, pull fin et catogan haut. Président du petit club de foot amateur de Benfeld (Bas-Rhin), il a vu le 6 mai 2018 ses joueurs noirs « pris pour cible », « coursés avec des couteaux de cuisine », objets d’un « déchaînement de violence » lors d’une rencontre à Mackenheim. Jean-Michel Dietrich répond au juge, raconte la foule envahissant le terrain, la fin du match sifflée, et son fils de 8 ans qui lui demande si Kerfalla Sissoko va mourir. Evacué inconscient, le joueur d’origine guinéenne s’en sortira avec un traumatisme crânien et une triple fracture au visage. Dix jours d’interruption de travail.

      Mais ce qui intéresse la justice, c’est le jour d’après. Pas la plainte qu’ont déposée les footballeurs noirs à la gendarmerie le lendemain mais la lettre adressée par Jean-Michel Dietrich au District d’Alsace de football, dans laquelle il explique comment ses joueurs ont été « victimes d’actes racistes », lettre rendue publique sur Facebook et qui constitue un délit de diffamation selon le club de Mackenheim. Eux, se sont constitués partie civile et leur avocat, Me Grégoire Mehl, demande à ce que soient rendus à Mackenheim « son honneur et sa réputation ». Car la lettre de Dietrich a entraîné une « large médiatisation des faits », nationale et internationale, pointe Me Mehl qui brandit à l’audience la une de Libération, la lit, cite le New York Times, alors qu’affirme-t-il, « la circonstance de racisme n’est pas établie ».
      « Du Tartuffe »

      Il fonde sa plaidoirie sur la distinction entre ce qui est « avéré » et ce qui est « allégué » : la violence oui, le racisme non. Il en veut pour preuve que le racisme, personne ne l’a entendu, sauf les victimes. Même les instances du football ont sanctionné à égalité victimes et agresseurs. Kerfalla Sissoko a été suspendu pour dix matchs. Alors, le juge aimerait savoir si Libération a aussi été poursuivi en diffamation, si les gendarmes ont enquêté, si des sanctions ont été prises contre les joueurs accusés d’agression… A chaque fois, l’avocat de Mackenheim répond par la négative.

      En charge du dossier, le parquet de Colmar (Haut-Rhin) ne dit rien, ni aux victimes-accusées de diffamation ni aux accusés-victimes de racisme. Me Lahcène Drici (paradoxalement connu pour être aussi le conseil d’Alain Soral) commence sa plaidoirie par la longue liste des stars du ballon rond qui ont subi « cris de singe » et « jets de banane », « jouer en amateur, ne met pas à l’abri du racisme ». En guise d’« indice », il rappelle que la commune de Mackenheim a placé Le Pen en tête au deuxième tour de 2017 à 54%, « cela ne transpire pas le gauchisme ni le droit-de-l’hommisme ». Quant aux instances du foot, elles font selon lui « du Tartuffe », « cachez ce racisme que je ne saurais voir », défendant son client qui, lui, n’a pas « eu cette hypocrisie et cette lâcheté », « en refusant de tout mettre sous le boisseau pour que le foot reste populaire, beau, propre ». Personne, ni à la Ligue de foot, ni à Mackenheim n’a pris de nouvelle des joueurs blessés, aussi l’avocat estime-t-il que si l’honneur du club a été atteint, de toute façon, « il n’y a pas beaucoup d’honneur à défendre ». La décision a été mise en délibéré au 23 mai.

      Kerfalla Sissoko est pour sa part convoqué. Il devrait être enfin entendu par les gendarmes. « Mais pour des faits de violence aggravée, qu’il aurait commis alors qu’il agonisait sur le terrain ! » s’étrangle son avocate, Me Caroline Bolla. Le 6 mai, le délai de prescription pour les injures à caractère raciste sera écoulé.

    • https://www.liberation.fr/france/2019/03/19/racisme-dans-le-foot-amateur-la-mediatisation-des-faits-interesse-plus-qu

      Racisme dans le foot amateur : la médiatisation des faits intéresse plus que les faits eux-mêmes
      Par Noémie Rousseau, correspondante à Strasbourg — 19 mars 2019 à 18:42
      Kerfalla Sissoko à Strasbourg, le 24 mai 2018. Photo Pascal Bastien pour Libération
      Lors d’une audience mardi au tribunal correctionnel de Strasbourg, le président du petit club de Benfeld, dont les joueurs noirs ont été agressés en mai 2018, comparaissait pour diffamation.

      Racisme dans le foot amateur : la médiatisation des faits intéresse plus que les faits eux-mêmes

      L’accusé qui s’avance ce mardi à la barre du tribunal correctionnel de Strasbourg est Jean-Michel Dietrich, pull fin et catogan haut. Président du petit club de foot amateur de Benfeld (Bas-Rhin), il a vu le 6 mai 2018 ses joueurs noirs « pris pour cible », « coursés avec des couteaux de cuisine », objets d’un « déchaînement de violence » lors d’une rencontre à Mackenheim. Jean-Michel Dietrich répond au juge, raconte la foule envahissant le terrain, la fin du match sifflée, et son fils de 8 ans qui lui demande si Kerfalla Sissoko va mourir. Evacué inconscient, le joueur d’origine guinéenne s’en sortira avec un traumatisme crânien et une triple fracture au visage. Dix jours d’interruption de travail.

      Mais ce qui intéresse la justice, c’est le jour d’après. Pas la plainte qu’ont déposée les footballeurs noirs à la gendarmerie le lendemain mais la lettre adressée par Jean-Michel Dietrich au District d’Alsace de football, dans laquelle il explique comment ses joueurs ont été « victimes d’actes racistes », lettre rendue publique sur Facebook et qui constitue un délit de diffamation selon le club de Mackenheim. Eux, se sont constitués partie civile et leur avocat, Me Grégoire Mehl, demande à ce que soient rendus à Mackenheim « son honneur et sa réputation ». Car la lettre de Dietrich a entraîné une « large médiatisation des faits », nationale et internationale, pointe Me Mehl qui brandit à l’audience la une de Libération, la lit, cite le New York Times, alors qu’affirme-t-il, « la circonstance de racisme n’est pas établie ».
      « Du Tartuffe »

      Il fonde sa plaidoirie sur la distinction entre ce qui est « avéré » et ce qui est « allégué » : la violence oui, le racisme non. Il en veut pour preuve que le racisme, personne ne l’a entendu, sauf les victimes. Même les instances du football ont sanctionné à égalité victimes et agresseurs. Kerfalla Sissoko a été suspendu pour dix matchs. Alors, le juge aimerait savoir si Libération a aussi été poursuivi en diffamation, si les gendarmes ont enquêté, si des sanctions ont été prises contre les joueurs accusés d’agression… A chaque fois, l’avocat de Mackenheim répond par la négative.

      En charge du dossier, le parquet de Colmar (Haut-Rhin) ne dit rien, ni aux victimes-accusées de diffamation ni aux accusés-victimes de racisme. Me Lahcène Drici (paradoxalement connu pour être aussi le conseil d’Alain Soral) commence sa plaidoirie par la longue liste des stars du ballon rond qui ont subi « cris de singe » et « jets de banane », « jouer en amateur, ne met pas à l’abri du racisme ». En guise d’« indice », il rappelle que la commune de Mackenheim a placé Le Pen en tête au deuxième tour de 2017 à 54%, « cela ne transpire pas le gauchisme ni le droit-de-l’hommisme ». Quant aux instances du foot, elles font selon lui « du Tartuffe », « cachez ce racisme que je ne saurais voir », défendant son client qui, lui, n’a pas « eu cette hypocrisie et cette lâcheté », « en refusant de tout mettre sous le boisseau pour que le foot reste populaire, beau, propre ». Personne, ni à la Ligue de foot, ni à Mackenheim n’a pris de nouvelle des joueurs blessés, aussi l’avocat estime-t-il que si l’honneur du club a été atteint, de toute façon, « il n’y a pas beaucoup d’honneur à défendre ». La décision a été mise en délibéré au 23 mai.

      Kerfalla Sissoko est pour sa part convoqué. Il devrait être enfin entendu par les gendarmes. « Mais pour des faits de violence aggravée, qu’il aurait commis alors qu’il agonisait sur le terrain ! » s’étrangle son avocate, Me Caroline Bolla. Le 6 mai, le délai de prescription pour les injures à caractère raciste sera écoulé.

    • Droit de suite
      Racisme dans le foot en Alsace : relaxe pour le président de l’AS Benfeld accusé de diffamation
      https://www.liberation.fr/france/2019/05/23/racisme-dans-le-foot-en-alsace-relaxe-pour-le-president-de-l-as-benfeld-a

      Poursuivi en diffamation pour avoir dénoncé publiquement des agressions et injures racistes, Jean-Michel Dietrich, président du club de foot amateur l’AS Benfeld, a été relaxé ce matin. Il était attaqué par le club de l’AS Mackenheim qui lui reprochait d’avoir rendu publique la lettre adressée à la ligue d’Alsace de foot après le match qui opposait les deux équipes le 6 mai 2018. Dans son texte posté sur Facebook, il rapportait les violences dont avaient été victimes ses joueurs noirs, pris pour cible, coursés avec des couteaux de cuisine par des supporteurs ayant envahi le terrain, passés à tabac. Kerfalla Sissoko s’était effondré inconscient sur le terrain, souffrant d’une triple fracture du visage et d’un traumatisme crânien. Un an après les faits, le joueur tout comme ses deux coéquipiers agressés n’a pas rechaussé les crampons.

      Si Jean-Michel Dietrich s’est dit « soulagé » à l’annonce du verdict, il a martelé qu’il se « battrait jusqu’au bout pour [ses] joueurs, le combat doit continuer pour eux, pour leur rendre leur honneur ». Car sur le fond de l’affaire, rien n’a avancé. Fin avril, Kerfalla Sissoko a enfin été auditionné par les gendarmes, pour avoir participé à des faits de violence aggravée. Un appel aux dons va être lancé par le club de Benfeld, afin de permettre au joueur, qui s’est constitué partie civile, de faire face aux frais de justice. Quant aux instances du football, elles avaient sanctionné à égalité victimes et agresseurs.

  • Le frère de Théo et l’e-monde servitude

    Voici l’accroche sur la page d’accueil du e-monde.fr

    « Soupçons d’escroquerie à Aulnay-sous-Bois : un frère de Théo L. mis en examen »
    Mickaël L. a a été placé sous contrôle judiciaire, dans une vaste affaire d’escroquerie aux aides publiques. Théo, lui, est sorti libre de sa garde à vue. Il est la victime supposée d’un viol lors d’une interpellation par des policiers en ...

    Qu’est ce qu’on en a à faire du frère des victimes de viol ?! Ou est l’intérêt de l’info ?
    Un flic viol et provoque une déchirure anale de 10 cm devant caméra et devant témoins et l’e-monde parle de viol supposé et fait les gros titres sur la moralité du frère de la victime ...

    L’affaire est dite « vaste » mais pas « supposée » contrairement au viol qui est clairement remise en cause par la tournure choisie par l’e-monde.fr.

    Mickaël L. a a été placé sous contrôle judiciaire, dans une supposée affaire d’escroquerie aux aides publiques. Théo, lui, est sorti libre de sa garde à vue. Il est la victime d’un vaste viol lors d’une interpellation par des policiers en ...

    #viol #culture_du_viol #racisme_d'etat #violence_policière #déni #victime_blaming #blamer_la_victime #racisme

  • VIDEO. Hauts-de-Seine : « Tu vas mourir sale noir ! »... Un jeune dépose plainte contre des policiers
    https://www.20minutes.fr/justice/2282211-20180604-video-hauts-seine-vas-mourir-sale-noir-jeune-depose-plain

    Mohamed Diakité assure avoir été roué de coups par des policiers, le 2 mai.
    L’Inspection générale de la police nationale enquête sur ses accusations
    Les policiers ont également déposé plainte contre plusieurs jeunes.

    « S’il vous plaît, Monsieur… Ne me tapez pas… » Par terre, dans un hall d’immeuble de Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine), Mohamed Diakité rejoue la scène pour montrer qu’il ne ment pas. Ce jeune homme de 24 ans assure qu’il était à genoux, les mains en l’air quand il a répété sa supplique aux forces de l’ordre à trois reprises. « Mais le policier a pris sa matraque, a défoncé la porte vitrée et il m’a roué de coups de pied et de coups de poing. Après, il a placé son arme sur ma tempe. »
    Selon nos informations, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a ouvert une enquête, mercredi 30 mai, après la plainte de ce jeune homme pour « violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de 12 jours ».
    Une grenade au sol et deux coups de feu tirés en l’air

    Ils remontent au mercredi 2 mai dans le centre de Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine). Ce soir-là, Alassane, l’un des jeunes frères de Mohamed, discute avec des amis dans la rue quand il reçoit un projectile dans l’épaule. Probablement un plomb tiré depuis une fenêtre par un voisin dérangé par le bruit. Prévenu, Mohamed arrive sur les lieux quelques minutes après la police.

    Un attroupement se forme rapidement. Et, alors que chacun tente de comprendre ce qu’il s’est vraiment passé, les esprits s’échauffent. « L’un des policiers m’a dit "Dégage !", raconte Mohamed. Comme je ne voulais pas dégager alors que mon frère avait été blessé, il m’a ceinturé et plaqué contre le sol. Il a commencé à m’étrangler et à m’étouffer avec ma capuche. »
    Ville-d’Avray, le 1er juin 2018. Mohamed Diakité assure avoir été roué de coups par des policiers.
    Ville-d’Avray, le 1er juin 2018. Mohamed Diakité assure avoir été roué de coups par des policiers. - V.VANTIGHEM

    En formation pour devenir coach sportif, Mohamed est atteint de drépanocytose, une maladie du sang qui peut engendrer de graves crises de tétanie en cas de stress. « J’ai commencé à ne plus parvenir à respirer. Comme mes amis sont au courant de ma maladie, ils sont parvenus à me tirer de là pour me libérer. »

    Présent sur les lieux, un père de famille raconte la suite de la scène à 20 Minutes. « Les policiers ont compris qu’ils étaient débordés. Une grenade de désencerclement a été jetée. Et puis, l’un d’eux a sorti son arme et tiré deux coups en l’air. Il l’a pointée vers nous en criant : "Barrez-vous où je vous allume !" Ça m’a glacé… »

    Surinfection du pouce, plaies au visage, ecchymoses sur les bras

    Mohamed profite de la confusion pour s’enfuir et se traîne, alors, jusqu’au hall d’un immeuble voisin. « J’ai sonné à tous les interphones mais les policiers m’ont retrouvé avant que quelqu’un n’ouvre la porte… C’est à cet endroit qu’ils ont fini par me rouer de coups. Ils m’ont dit : "Tu vas mourir sale noir !" » Menotté et emmené au commissariat de Sèvres, le jeune homme finit, toujours selon son récit, par faire un malaise en cellule ce qui conduit les policiers à le transférer à l’hôpital.

    Le certificat médical rédigé deux jours plus tard et que 20 Minutes a pu consulter fait état d’une surinfection au niveau du pouce où Mohamed assure avoir été mordu par l’un des fonctionnaires de police, de plusieurs plaies aux visages, d’une excoriation au niveau de la tempe et de nombreuses ecchymoses sur les bras, les côtes et les jambes. « J’évalue son incapacité totale de travail à douze jours », conclut, alors, le médecin qui l’a rédigé. « La violence policière n’est pas acceptable lorsqu’elle est déployée en dehors de toutes nécessités », résume sobrement Grégory Saint-Michel, l’avocat de Mohamed.
    Extrait du rapport médical établi après les violences que Mohamed assure avoir subies.
    Extrait du rapport médical établi après les violences que Mohamed assure avoir subies. - V.VANTIGHEM
    L’un des policiers a eu deux doigts cassés dans l’altercation

    De l’autre côté, deux fonctionnaires de police ont été blessés lors de la soirée. Selon nos informations, l’un d’entre eux a eu deux doigts cassés. Son incapacité totale de travail a, quant à elle, été évaluée à 21 jours. Ils ont porté plainte pour « violences » et « rébellion » à l’encontre de Mohamed mais aussi de deux de ses frères et d’un de leurs amis, placés en garde à vue ce soir-là. Ils seront jugés, pour cela, le 19 juin au tribunal de Nanterre.

    « Ils sont très choqués par tout ça, réagit Nadja Diaz, l’avocate des frères de Mohamed qui a également déposé une plainte à l’encontre des policiers. Ils attendent de la justice qu’elle condamne fermement les violences. Il n’est pas acceptable qu’elles puissent rester impunies alors que la France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans un dossier similaire. »

    C’est donc désormais à l’Inspection générale de la police nationale de faire la lumière sur toute cette affaire. Elle a déjà procédé, mercredi 30 mai, à l’audition de Mohamed. « Moi, je n’ai jamais eu d’ennuis. Alors, au départ, je me suis dit qu’il s’agissait des méthodes autorisées, lâche ce dernier. Mais depuis, j’ai compris que les policiers ont abusé. C’est juste une bavure totale. »

    #baver_de_haine #baver_du_sang #violence_policière #racisme_d'etat #racisme