• Les violences conjugales ne sont pas des faits divers ! | Osez le féminisme
    http://www.osezlefeminisme.fr/article/les-violences-conjugales-ne-sont-pas-des-faits-divers

    Comment les articles de presse ont-ils relaté le procès et le calvaire enduré par la victime pendant plus de trois décennies ?

    Résultat de la première recherche sur Internet : un procès en Charente-Maritime. Nouvel essai et cette fois, c’est un procès dans l’Orne qui apparaît. Erreur de référencement ? Le procès du tortionnaire de sa femme, c’était cette semaine-là, mais à Aix-en-Provence ! Non, il s’agit bien de trois procès différents la même semaine :

    1) Aux assises de Charente-Maritime : Jonathan Maudet, 31 ans, est jugé pour violences et viols aggravés, avec actes de torture et de barbarie. Plus d’un an de brimades, d’humiliations, de violences et viols à répétition, assortis d’un contrôle total sur sa compagne : plus de papiers, de compte bancaire, de téléphone portable, de contacts avec la famille ou les ami-e-s. La compagne de l’accusé est là pour raconter. Comme la précédente compagne et l’ex-maîtresse, victimes elles aussi de Jonathan Maudet. Ilest condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Une condamnation disproportionnée dit son avocat : « La culpabilité de Jonathan Maudet ne fait aucun doute, alors pourquoi noircir encore le trait ? »

    2) Aux assises de l’Orne : Benounec Benchat, 37 ans, est jugé pour viol et violences sur sa compagne en 2007.Celle-ciest décédée des suites des violences psychologiques endurées d’après les rares articles relatant le procès. C’est sa fille qui raconte les violences subies par sa mère, l’avortement imposé qui l’a détruite, le marteau et le C4 sous l’oreiller de Benounec, l’isolement de la mère et de la fille (il a pris leur portable pour qu’elles n’appellent pas les gendarmes).
    L’avocat général avait demandé 6 ans de prison ferme. Benounec Benchat est sorti libre : 3 ans dont 2 avec sursis, la première année est couverte par la préventive. Parce qu’il a refait sa vie avec une nouvelle compagne qui le dit « gentil », parce qu’il y a 5 enfants dont le plus jeune a un mois…

    3) Aux assises des Bouches-du-Rhône : René Schembri, 72 ans, est jugé pour les atrocités qu’il a infligées pendant 32 ans à Colette, son ex-épouse.
    R.S. a commis à son encontre des violences physiques extrêmes : des coups répétés à la gorge entraînant la paralysie d’une corde vocale, la disparition quasi complète de sa lèvre buccale inférieure ainsi qu’une édentition quasi complète, une déformation du nez et des oreilles, un hématome sous-dural au crâne, de multiples fractures, la calcification du muscle d’un bras, qui a dû faire l’objet d’une ablation, la perte de l’usage de son œil gauche suite à une gifle. Cet homme l’a définitivement privée de l’usage normal de ses cinq sens.
    Celui qui était alors son mari s’est aussi acharné sur son sexe : il a tenté d’exciser son clitoris, aboutissant à l’arrachement avec les dents de sa petite lèvre génitale droite, il a percé à vif ses lèvres génitales pour les fermer avec un trombone, puis les a cousues avec une aiguille, il lui a infligé des coups de bâton et 44 coups de pieds consécutifs, y a versé de l’alcool à brûler pour ensuite l’enflammer. Il faisait suivre tous les sévices au niveau du sexe de viols.
    Le policier chargé de l’enquête n’a jamais vu de violences aussi graves dans toute sa carrière. Un des jurés s’évanouit à la lecture de l’acte d’accusation.
    Colette a livré un témoignage poignant, confirmé par le témoignage de leur fille ainée, elle aussi victime des violences de son père. La fille cadette semble tout ignorer de ces 32 années de suplice. Tous les experts confirment les violences subies par Colette et la personnalité perverse de son mari. Tous, sauf une : l’experte psychologue Mme Irlandes Blanchemain, venue soutenir à la barre que René Schembri n’avait pu être ce tortionnaire que parce que Colette avait « convoqué en lui » ce qu’il avait de plus pervers et parce qu’elle n’avait pas « posé de limites au comportement de son mari ». Celle-ci a honteusement qualifié certaines tortures de « préliminaires » ou « préludes à l’acte sexuel ».
    La partie civile demandait la qualification des faits en viols précédés de torture, passible de 30 ans de réclusion. L’acte d’accusation ne parle que d’actes sexuels imposés, retenus au titre de torture et d’actes de barbarie.
    L’avocat général a demandé 15 ans de réclusion, René Schembri aura été condamné à 10 ans de réclusion et incarcéré immédiatement.

    Dans les trois cas :

    > Il s’agit de violences au sein du couple, de viols précédés de violences ou de tortures.
    > Les victimes ont perdu leur essence humaine : devenues des objets (« mon punching ball » dira René Schembri), elles sont violées à l’aide d’autres objets.
    > Les victimes vivaient sous le contrôle total de leur bourreau (plus de papiers, de téléphone, horaires et dépenses contrôlés avec précision).
    > Hors de la maison, personne ne semble avoir compris le calvaire enduré par les victimes, que ce soit la famille ou des professionnel-le-s de santé.
    En Charente-Maritime, la victime a pu s’échapper au bout d’un an, mais elle est anéantie, comme éteinte. Dans les Bouches-du-Rhône, il a fallu 32 ans, deux tentatives de fuite et deux tentatives de suicide, pour que Colette arrive à fuir son mari. Dans l’Orne, la victime a sombré dans la dépression jusqu’à sa mort.

    Un fil conducteur apparaît dans les articles de presse sur ces trois procès :

    > L’accusé n’aurait pas le physique d’un tortionnaire mais celui d’un homme bien, à l’aspect inoffensif. Comme s’il existait un physique-type du tortionnaire ou de l’homme bien…
    > Les trois accusés sont présentés comme « charmants » au début des relations avec leur victime, avant de prendre le contrôle de leur vie en les isolant de leur famille et de leurs ami-e-s, puis d’entrer dans un cercle croissant de violence dont la victime ne peut pas sortir.
    > Cette dualité est relayée par la presse via les propos rapportés des proches (fille, ex-compagne, nouvelle compagne) venues témoigner. Pour les unes, les accusés sont aimants, doux et gentils ; pour les autres, ce sont des hommes violents qui s’en sont pris à elles. Ces dernières n’ont pas porté plainte.
    > Dans au moins deux cas, on parle de relations sadomasochistes, ce qui réduit la responsabilité de l’accusé et introduit celle de la victime. Mme Irlandes Blanchemain, experte psychologue au procès de René Schembri, a poussé cette interprétation à l’extrême en décrivant Colette comme une victime partie prenante et les violences comme des « préliminaires ».

    Au niveau judiciaire :

    > En Charente-Maritime, la condamnation de l’accusé (20 ans) est jugée disproportionnée par son avocat.
    > Dans l’Orne, l’avocat général demande 6 ans de réclusion, la condamnation est de 3 ans, dont deux avec sursis. L’accusé sort libre.
    > Dans les Bouches du Rhône : seuls les actes commis pendant les trois dernières années sont jugés (il y a prescription pour les faits précédents). L’accusé échappe à des poursuites pour viols et pour viols précédés de tortures ou actes de barbarie, alors qu’il a été question pendant trois jours de « pénétrations sexuelles forcées », d’« actes sexuels imposés » et même de « viols ». Pour rappel, s’il avait été jugé coupable de ces viols, il aurait encouru la réclusion criminelle à perpétuité. Par ailleurs, l’avocate générale avait demandé 15 ans de réclusion, la condamnation n’est que de 10 ans, avec la possibilité d’une liberté conditionnelle dans deux ans.

    De cette rapide analyse, il ressort que :

    > la gravité des viols et des violences est largement sous-estimée par la presse mais aussi par les magistrats et les jurés. Les violences faites aux femmes ne doivent plus être décrites comme des faits divers, des crimes passionnels ou des crimes d’honneur, mais pour ce qu’elles sont : une atteinte à la dignité humaine et le produit d’une société encore profondément machiste dans laquelle des hommes s’arrogent le droit de disposer du corps des femmes et de leur personne tout entière. Ceux-là doivent être jugés avec la plus grande sévérité et les qualifications des crimes doivent être respectées.
    > les violences commises sont favorisées par le contrôle non seulement physique mais moral exercé par ces hommes sur leur compagne. Les violences psychologiques subies conditionnent la propension des victimes à « endurer » les violences physiques et à rester sous emprise, dominées dans leur esprit comme dans leur chair. Pour paraphraser Benoîte Groult, le féminisme ne tue pas, le machisme, si. Et il le fait tous les jours. L’égalité s’apprend dès le plus jeune âge et l’éducation non-sexiste fera évoluer les mentalités des générations futures, sans quoi aucun recul significatif des violences des hommes contre les femmes n’est à espérer.
    > les viols et les violences conjugales sont encore l’objet de puissants tabous : seules 20% des victimes portent plainte et les personnes extérieures disent ne pas voir, ne pas entendre. Là aussi, il faut changer les mentalités et former les professionnel-le-s. Former les personnels hospitaliers à détecter les violences et à les signaler en sécurité pour eux-mêmes et pour les victimes, former les personnels policiers et judiciaires à accueillir, écouter et aider les victimes à porter plainte et à se protéger de leurs agresseurs. Il faut également lutter contre ce qu’on appelle la « culture du viol » et arrêter de croire que la victime « l’a bien cherché ».
    > il est particulièrement difficile pour les victimes de sortir de la spirale de la violence. Des structures d’accueil d’urgence en nombre suffisant et des mesures efficaces de protection des victimes et de leurs enfants sont indispensables.
    > se reconstruire après une agression est ardu et l’est d’autant plus après des années de violences. D’où la nécessité d’une prise en charge systématique des victimes, tant sur le plan psychologique que matériel.
    > les procédures judiciaires doivent être accélérées pour que les violences cessent rapidement et que les victimes puissent se reconstruire.
    > le plan de lutte contre les violences faites aux femmes doit être renforcé et effectivement appliqué.

    • oui ca raisonne affreusement dans ma tete avec ce texte lu ce matin
      http://lauramarietv.com/fr/pourquoi-chaque-homme-doit-seveiller-au-masculin-sacre

      Peut-être avez-vous compris alors pourquoi bon nombre de femmes sont attirées par les « bad boys » (mauvais garçons ?), par les hommes qui les maltraitent, qui ne les respectent pas, qui sont stupides, mais qui, d’un point de vue extérieur, affichent et dégagent une certaine « masculinité » ? Nous sommes prévus pour nous compléter, l’énergie féminine est prévue pour être attirée par l’énergie masculine (quel que soit le sexe de la personne, il en va de même chez les couples homosexuels), et vice versa. Alors, une femme, instinctivement, sera plus attirée par un homme « viril », « masculin », même s’il a tous les défauts précédemment cités, qu’un homme qui est trop « féminin », même s’il a les qualités dont elle a pourtant besoin.

      #rage&désespoir

    • Oui @Aude_V
      Il me semble que c’est le discours de l’avocate que tu cite. J’imagine que ce retournement de culpabilité fait partie du boulot d’un avocat mais que la presse ne prenne pas position sur ce sujet et classe encore ces meurtres systémique dans les « faits divers » et « crimes passionnels » quant c’est pas « accident » ou « sport » comme vu ici http://seenthis.net/messages/238458

      @monolecte il me semble y avoir aussi des ramification avec le myth du chevalier servant ou de l’homme protecteur. Le fait que les femmes sont encourragé à se chercher un protecteur plutot que d’apprendre à se defendre toutes seule nous rend vulnerable à l’arbitraire des princes charmants. Qui ne sont charmants que pendant la « lune de miel », le temps de bien s’assuré que la victime ne pourra s’échappé ni se defendre.