"Il n’y a rien de moins volontaire qu’un ’retour volontaire’" : des chercheurs dénoncent des politiques d’expulsion déguisée
Les « #retours_volontaires » de migrants se multiplient ces derniers mois depuis des pays comme la #Tunisie ou la #Libye. Mais ces #rapatriements chapeautés par l’#ONU sont perçus par les chercheurs comme des #expulsions_déguisées, « la seule alternative possible » pour des migrants résignés, victimes de racisme et d’exactions.
« Il n’y a rien de moins volontaire que les ’retours volontaires », ont décrypté des chercheurs face à la forte hausse de demandes de rapatriement de migrants, « acculés » aux frontières sud de l’Europe.
« C’est très dur ici. C’est compliqué », confie Mac*, un Guinéen de 24 ans, rencontré il y a quelques semaines par l’AFP lors de l’évacuation de camps de fortune à El Amra, près de #Sfax, dans le centre-est de la Tunisie. Comme de nombreux migrants, las, le jeune homme s’est inscrit auprès de l’#Organisation_internationale_pour_les_migrations (#OIM) pour bénéficier d’un accompagnement afin de rentrer chez lui.
Développés depuis 1979, les programmes d’#aide_aux_retours_volontaires (#ARV), soutenus par l’OIM n’ont jamais eu autant de succès en Tunisie, Libye ou encore en #Algérie, points de passage pour les migrants originaires d’Afrique subsaharienne qui tentent de rejoindre l’Europe.
« La seule #alternative possible »
En 2024, 7 250 migrants présents sur le sol tunisien, principalement originaires de Gambie, Burkina Faso et Guinée ont bénéficié de l’ARV, soit une augmentation de 1 000 % entre 2018 et 2024. En Algérie, ils étaient 7 834 (+ 600% sur la même période 2018/2024) et 16 207 en Libye (+ 65%) à être retournés dans leur pays par le biais de l’ARV, selon l’OIM. Outre le voyage, certaines de ces personnes en situation illégale peuvent bénéficier d’une aide financière pour se réinstaller dans leur pays.
« Il n’y a rien de moins volontaire, que les ’retours volontaires », alerte Jean-Pierre Cassarino, enseignant chercheur au Collège d’Europe en Pologne, évoquant des migrants « acculés » et des « expulsions » qui ne disent pas leur nom.
En Tunisie et en Libye, les #conditions_de_vie sont délétères pour les Africains subsahariens, victimes de #racisme, d’#exactions, de #kidnapping, d’abandons dans le désert, voire de #meurtres. La plupart peinent à se loger, vivent dans des #campements insalubres, avec un accès limité voire inexistant aux soins. La rédaction d’InfoMigrants a déjà reçu de nombreux témoignages de migrants racontant leur calvaire.
Ces « retours volontaires » s’inscrivent alors dans un « processus de #vulnérabilité accrue », explique de son côté Ahlam Chemlali, chercheuse en migration à l’Institut danois pour les études internationales (DIIS), interrogée par l’AFP. Leur situation est devenue « de plus en plus précaire et dangereuse » et « pour beaucoup, le programme de ’retour volontaire’ est devenu la seule alternative possible ».
Selon les textes internationaux, les participants au programme ne doivent pourtant subir « ni pressions physiques ou psychologiques » et avoir accès à des informations « objectives et fiables » sur lesquelles fonder leur décision de partir.
L’OIM se défend d’expulsions déguisées
Accusée de prêter main forte aux politiques d’expulsion des migrants, l’OIM s’en défend et assure intervenir seulement une fois qu’une personne a donné son consentement éclairé pour recevoir de l’aide.
Pour l’agence de l’ONU, « mieux vaut ça que rien et que les migrants risquent leur vie en traversant la mer », décrypte Jean-Pierre Cassarino qui rappelle que l’OIM est financé « rubis sur l’ongle par l’Union européenne ».
Ces programmes de « retours volontaires » s’inscrivent dans une politique d’#externalisation du contrôle des frontières par l’Union européenne (UE) qui exerce une forte pression sur ces pays tiers, en échange de contreparties, afin qu’ils gèrent la migration en son nom, observent les deux chercheurs.
A l’été 2023, l’UE et la Tunisie ont conclu un « #partenariat » prévoyant une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière, incluant le financement du « retour volontaire » de 6 000 migrants irréguliers.
Pourtant, sur le long terme, les « retours volontaires » sont sans effet, expliquent les deux spécialistes. Beaucoup de migrants tentent à nouveau le voyage car ils n’ont pas tous un endroit sûr ou vivre et ont fui des conflits, des persécutions ou des difficultés économiques, pointent-ils.
« Le désespoir est si fort qu’il vont réessayer », rappelle Jean-Pierre Cassarino.
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