• Le #coût économique du #Covid_long est conséquent mais reste ignoré

    Selon un rapport de Economist impact (https://impact.economist.com/perspectives/health/incomplete-picture-understanding-burden-long-covid), le coût du Covid long en #France s’établit à 21 milliards. Interview avec Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Atlantico.

    Atlantico : Selon un rapport de Economist Impact, les Covid longs aurait fait perdre 1,5 milliard d’heures de travail aux États-Unis, soit 152,6 milliards de dollars sur l’année 2024. Quelles ont été les conséquences des Covid longs pour la France ?

    Cécile Philippe : Economist impact a, en effet, publié le 28 avril un #rapport sur le coût du Covid long. Ce rapport n’est pas le premier à tenter d’évaluer ce coût. Dès avril 2020, des personnes souffrant de symptômes longs ont commencé à décrire leur condition. Leur nombre a depuis beaucoup augmenté. Le Covid long est aujourd’hui reconnu par de nombreuses autorités en santé : OMS, le National Institute for Health Care Excellence (NICE) au Royaume Uni ou CDC aux Etats-Unis. En France, la Haute autorité en santé le définit comme des symptômes qui se manifestent au-delà de 4 semaines après la date présumée d’infection.

    La difficulté vient de ce que le Covid long recouvre un très grand nombre de symptômes (jusqu’à 200 avec en particulier les désordres cardiovasculaires, diabète, santé mentale, problèmes rénaux et gastrointestinaux) qui prennent des formes diverses selon les individus. Il n’existe encore pas à l’heure actuelle de définition consensuelle. Par ailleurs, les données varient grandement en termes de prévalence d’un pays à un autre (quand la donnée existe). En France, nous avons des personnes souffrant du Covid long. Santé publique France a publié un taux de prévalence de 4 % au sein de la population adulte soit 2,06 millions de personnes. A partir de ce taux et en évaluant à 295,1 millions le nombre d’heures perdues (sortie du marché du travail, réduction du temps de travail et arrêt maladie court), le rapport de The Economist évalue le coût du Covid long en France à 21 milliards, soit 0,6 % du PIB. Ce n’est pas un coût négligeable d’autant plus que cela ne comprend pas les coûts de santé liés aux soins.

    2- Est-ce que nos gouvernements ont pris en compte la problématique du Covid long pour les entreprises ? Est-ce que des mesures ont été prises pour corriger les effets néfastes ?

    Cécile Philippe : Nos gouvernements ne prennent pas la mesure de la problématique du Covid long et du virus qui vague après vague continue d’immobiliser une partie de la main d’œuvre française. En effet, alors que le phénomène est réel et a des conséquences sur les finances publiques, il continue d’être mal diagnostiqué. Dans certains cas, le dérapage des finances publiques est imputé à la téléconsultation qui pousserait à l’inflation des arrêts maladie quand ces derniers représenteraient à peine 0,6 % de la facture totale d’indemnités journalières. Dans d’autres cas, c’est la grande démission qui serait responsable. Nos autorités poussent même le vice à vouloir faire des économies sur les Affections longue durée alors que les malades de Covid long sont nombreux et supportent des traitements longs et coûteux qui ne bénéficient pas d’une ALD. L’analyse des données de l’Assurance maladie montre en particulier qu’entre 2021 et 2022, le coût des indemnités journalières liées à Covid-19 explique au moins 45 % de la hausse des arrêts maladie par rapport à 2019. Donc les mesures quand elles existent, sont prise au niveau des entreprises (télétravail, aménagement du temps de travail, etc.).

    3- Trois ans après la fin de la pandémie, est-ce que le Covid long représente encore un danger à long terme pour nos économies ?

    Cécile Philippe : Si les données épidémiologiques indiquent une baisse du risque de Covid long par rapport au début de la pandémie, plus prononcé chez les personnes vaccinées, ce risque existe bel et bien et chaque nouvelle vague apporte de nouveaux cas. En plus de l’absentéisme que l’infection suscite à chaque vague, elle laisse des personnes soufrant de symptômes longs. Par ailleurs, les effets à plus long terme d’infections à répétition sur les organes humains par le virus Sars Cov 2 ne sont pas connus. Selon, l’épidémiologiste Ziyad Al-Aly, expert mondial du Covid long, le risque serait augmenté. Par conséquent, tant que nous n’aurons pas de traitement efficace (il n’en existe aucun à ce stade) et que Covid continuera à infecter des millions de personnes, Covid et la possibilité de développer des symptômes longs plus ou moins handicapants sera un risque pour nos économies. Par conséquent, il reste crucial de trouver des moyens de prévention efficaces en finançant l’innovation dans ce domaine, de même que des thérapies devraient elles-aussi être au cœur des programmes de recherche.

    https://www.institutmolinari.org/2024/05/25/le-cout-economique-du-covid-long-est-astronomique-mais-les-gouvern

    #covid-long #économie

  • JO 2024 : pourquoi le coût pour les #finances_publiques a explosé

    Un #rapport de la #Cour_des_comptes évalue le coût des Jeux olympiques et paralympiques pour les finances publiques à 6 milliards d’euros. La facture pour le contribuable initialement promise par les organisateurs de l’événement était trois fois moindre.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/240625/jo-2024-pourquoi-le-cout-pour-les-finances-publiques-explose
    #JO #jeux_olympiques #JO2024 #JO_2024 #coût

  • #BNP, #Banque_populaire... 20 milliards de dollars ont été investis dans le #chaos_climatique en 2024

    Dix ans après l’Accord de Paris, les banques continuent d’investir massivement dans le dérèglement du climat. C’est ce que démontre le rapport « #Banking_on_Climate_Chaos » (« Miser sur le chaos climatique » : https://www.bankingonclimatechaos.org), réalisé par l’ONG #Reclaim_Finance : 869 milliards de dollars (751 milliards d’euros) ont été engagés dans les #énergies_fossiles en 2024 par les 65 plus grandes banques mondiales. Soit une augmentation de +23 % par rapport à 2023.

    En France, les principales banques à avoir investi dans le développement des énergies fossiles l’an passé sont #BNP_Paribas (5,9 milliards de dollars), le #Crédit_agricole (5,4 milliards), la #Société_générale (4,7 milliards) et la Banque populaire et Caisse d’épargne (#BPCE, 4,2 milliards). Au total, elles cumulent 20,2 milliards de dollars (17,5 milliards d’euros) d’investissements dans des projets climaticides.

    Malgré son arrivée en bas du podium, la Banque populaire affiche « les tendances les plus inquiétantes », souligne Reclaim Climate. La BPCE a augmenté de 133 % ses financements dans le développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers en un an.

    Ainsi, la Banque populaire « se distingue en 2024 par des transactions aux pires acteurs du secteur, devenant cette année-là la première banque française à financer #TotalEnergies », pointe Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.

    https://reporterre.net/BNP-Banque-populaire-20-milliards-de-dollars-ont-ete-investis-dans-le-ch
    #finance #banques #rapport #énergie_fossile #pétrole #investissements

  • La montagna non si spopola, gli italiani ci stanno tornando

    Il saldo dei movimenti tra chi scende e chi sale in montagna per viverci torna ad essere positivo. E non solo grazie ai migranti stranieri.

    Chi l’ha detto che la montagna si spopola? Gli ultimi tre quinquenni (2009-2013, 2014-2018, e 2019-2023) raccontano di tre stagioni diverse: una dell’accoglienza”, una di “ripiegamento” e la terza -la più recente- di “risveglio”. Tradotto in numeri, tra 2009 e 2013, le 387 comunità territoriali della montagna italiana sono state uniformemente investite da un flusso di immigrazione di popolazione straniera: il territorio montano ha visto l’arrivo di oltre 150.000 immigrati, numero “ampiamente in grado di compensare il flusso in uscita che nel complesso interessa oltre 110.000 cittadini italiani”. Tra 2014 e 2018 l’afflusso migratorio di popolazione straniera nelle comunità di montagna, invece, italiana si raffredda: l’apporto scende a meno di 60.000 individui. Per converso il flusso in uscita dalla montagna della popolazione italiana continua rispetto al periodo precedente, registrando un saldo negativo più contenuto di 67.000 unità.
    Ed ecco infine il periodo 2022-2023 con un saldo “tra i movimenti della popolazione in ingresso e in uscita dalla montagna che torna a essere positivo e assume dimensioni assai più significative di quanto non si sia registrato nei momenti migliori del passato”, manda a a dire l’Uncem (Unione dei Comuni, Comuni ed Enti montani). Quasi 100.000 ingressi oltre le uscite, più del 12 per mille della popolazione. Ma non in modo uguale dappertutto: sono 250 su 387, quasi il 65%, le comunità territoriali con saldo positivo; 136 lo fanno con valori che vanno oltre il 20 per mille. La disomogeneità segna una frattura rilevante tra regioni del nord e del centro, tutte sistematicamente con apporti migratori positivi, e quelle del sud dove il segno meno, pur circoscritto e non generalizzato, appare ancora con una certa frequenza.
    Rispetto al passato però la discontinuità più forte è determinata dalla composizione del flusso migratorio.

    IL RITORNO DEGLI ITALIANI, UNA “NOVITÀ ASSOLUTA”

    Non solo, la popolazione italiana della montagna presenta -“ed è una novità assoluta”- un saldo positivo tra ingressi e uscite, ma questo, forte di quasi 64.000 unità, “sopravanza nettamente quello della popolazione di cittadinanza straniera che con meno di 36.000 unità si riduce ulteriormente (quasi si dimezza) rispetto ai valori del quinquennio precedente, portando in evidenza la tendenza ormai presente in tutto il Paese a una progressiva riduzione dell’interesse verso l’Italia da parte dei flussi migratori di lungo raggio”, dice Uncem. Queste analisi fanno parte dei punti fermi che domani a Roma, all’Università Mercatorum, verranno esaminati alla presentazione del Rapporto Montagne Italia 2025, realizzato dall’Uncem: un lavoro di 800 pagine, tra numeri, analisi, dati, approfondimenti curato, con la Fondazione Montagne Italia e #Uncem. E’ il racconto della montagna che cambia. “Una montagna che non è quella dello spopolamento”, evidenzia dunque il presidente nazionale Uncem, Marco Bussone, invitando a rifuggire da semplificazioni, “letture senza numeri, must buoni per convegni e comizi”.

    LA GEOGRAFIA DEI COMUNI DI MONTAGNA

    I Comuni classificati come totalmente montani sono 3.471 (il 43,4% dei Comuni italiani) e ospitano una popolazione di otto milioni e 900.529 abitanti (il 14,7% della popolazione nazionale) su una superficie di 147.531,8 chilometri quadrati (il 48,8% dell’estensione del territorio nazionale) con una densità di 60,3 abitanti per chilometro quadrato (rispetto a un valore medio nazionale di 200,8). La densità insediativa dei Comuni montani è, nella media, di 60,3 abitanti. contro una media nazionale di 200,1 abitanti.

    https://www.dire.it/23-06-2025/1161795-la-montagna-non-si-spopola-gli-italiani-ci-stanno-tornando
    #montagne #Italie #dépeuplement #cartographie #visualisation #démographie #Alpes #Apennins #chiffres #statistiques #migrations #réfugiés #rapport

    • RAPPORTO MONTAGNE ITALIA 2025

      Il Rapporto nasce nell’ambito del Progetto italiae del Dipartimento per gli Affari regionali e le Autonomie della Presidenza del Consiglio dei ministri e attuato dallUNCEM per descrivere come si manifesta la contemporaneità nelle montagne italiane tra criticità, opportunità e nuovo protagonismo. Le montagne italiane raccontate attraverso la illustrazione delle dinamiche socioeconomiche che le caratterizzano e le strategie territoriali che le attraversano. Nella prima parte, mappe e dati servono a evidenziare i caratteri della montagna e la geografia delle comunità territoriali, e le loro caratterizzazioni economiche e sociali, evidenziando i processi associativi in atto. Un quadro completato dalle riflessioni argomentate e informate sul percorso fatto dalla Strategia delle Aree Interne e sulla novità dei processi in atto connessi alla Strategia delle green Community, precedute da un approfondimento sui temi dello spopolamento e del neopopolamento che molto hanno a che fare con entrambe le strategie. All’analisi delle strategie si connette anche l’approfondimento dedicato ai temi della governance, ulteriore affondo nella tematica delle green community, per esaminare le esperienze di governance in atto, inquadrare le politiche in un approccio più ampio e sistemico (il progetto Appennino Parco d’Europa) e quello relativo alla geocomunità delle piattaforme montane italiane che guarda anche alle differenze tra le Alpi e gli Appennini per evidenziare faglie e giunture e ragionare sulla prospettiva. Completano il quadro l’illustrazione di una articolata indagine sulla opinione degli italiani riguardo la montagna. Il Rapporto è arricchito da box tematici e commenti, oltre che da tre appendici.
      Materiali e riflessioni offerti alla politica, agli amministratori, ai territori impegnati a costruire futuro attraverso le Green Community e a tutti coloro che sono chiamati a decisioni importanti nell’allocazione di risorse, definizione di strumenti di governance e assetti istituzionali che riguardano il futuro della montagna e con ciò quello dell’intero Paese.

      https://uncem.it/uncem-presenta-il-rapporto-montagne-italia-2025

    • En Italie, les communes de montagne commencent enfin à se repeupler

      Entre 2019 et 2023, le nombre de résidents des communes italiennes dites “de montagne” a augmenté de 100 000 personnes. Un résultat salué par le média romain “Il Messaggero”, qui explique les raisons de cet engouement soudain pour l’altitude.

      “La vie en ville, nous n’en pouvions plus. Trop de chaos, trop de délinquance, trop de bruit. […] Alors on s’est dit : pourquoi ne tenterait-on pas d’habiter ici ? Où tout est plus lent et authentique.” Jusqu’à l’année dernière, confie-t-elle dans les colonnes d’Il Messaggero, Anastasia Laganà vivait à Florence. C’était avant qu’elle n’opte pour un changement radical, et qu’avec sa famille elle mette les voiles vers Vallo di Nera, un minuscule village de 327 habitants situé en Ombrie (en Italie centrale) qui semble connaître un certain regain de popularité. Comme un grand nombre d’autres communes de montagne.

      “Toujours plus d’Italiens délaissent les grandes villes pour redécouvrir la vie en altitude, relève le quotidien romain, statistiques à l’appui. Entre 2019 et 2023, le solde entre arrivées et départs de résidents dans les communes de montagne italiennes a été positif à hauteur de 100 000 personnes, alors que celui-ci avait diminué entre 2014 et 2018.” Mais qu’entend-on par “communes de montagne” ?

      Sur le site de la Chambre des députés, l’Assemblée nationale italienne, on peut lire la définition suivante : “Sont classifiées comme territoire de montagne ces communes dont la population est inférieure à 20 000 habitants et dont l’altitude moyenne du territoire n’est pas inférieure à 600 mètres.”

      Des communes plus attrayantes

      Pas de quoi avoir le vertige donc, d’autant plus que, en cas de problèmes d’accessibilité ou même de vieillissement de la population, cette classification peut s’appliquer aux communes situées à partir de 400 mètres, voire 300 mètres d’altitude en dehors des Alpes. Quand on sait que l’Italie, encerclée par les Alpes au nord et traversée de bout en bout par les Apennins, est un pays extrêmement montagneux, il n’est pas surprenant d’apprendre qu’elle compte des milliers de communes entrant dans cette catégorie. Comment expliquer leur retour en vogue ?

      D’un côté, Il Messaggero souligne “le coût de la vie trop élevé dans les grandes villes”, et, de l’autre, il met en avant des communes de montagne “devenues plus attrayantes grâce aux investissements du plan de relance européen et aux projets de développement durables ‘green communities’” financés en Italie.

      Néanmoins, tempère le média transalpin, cette tendance à l’exil vers les hauteurs ne s’observe pas partout en Italie. Si le nord et surtout le centre du pays connaissent un regain d’intérêt pour ces communes perchées, ce n’est pas le cas dans le Sud, où les montagnes (et collines) de l’intérieur perdent des habitants. Des migrants de l’intérieur qui fuient vers les grandes agglomérations voisines, mais aussi, bien souvent, vers les métropoles plus prospères du Nord.

      https://www.courrierinternational.com/article/demographie-en-italie-les-communes-de-montagne-commencent-enf

  • « Enfermé·e - La détention fondée sur le droit des étrangers en Suisse »

    Chaque année, environ 3 000 personnes sont placées en détention administrative pour une durée pouvant aller jusqu’à un an et demi, non pas en raison d’un délit, mais uniquement en raison de leur statut migratoire. La détention en vertu du droit des étrangers est une mesure de contrainte de droit administratif visant à garantir le départ des personnes en situation irrégulière. Elle constitue une atteinte profonde au droit fondamental à la #liberté_personnelle garanti par la Constitution.

    Communiqué de presse sur le rapport « Enfermé·e - La détention fon-dée sur le droit des étrangers en Suisse »

    Les conditions de détention dans les centres prévus pour le refoulement sont précaires et font régulièrement l’objet de critiques de la part de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT). Contrairement aux conditions légales, la détention dans ces établissements s’apparente à une détention pénale, bien que les personnes concernées ne soient générale-ment pas des criminel·le·s. Le centre de détention administrative fondée sur le droit des étrangers (ZAA) de Zurich a récemment connu deux décès, deux tentatives d’incendie et une grève de la faim en l’espace d’un mois.

    « De tels décès tragiques ne sont pas le fruit du hasard. La détention est presque toujours une expérience traumatisante pour les personnes concernées, qui sont souvent des personnes réfugiées présentant des antécédents psychiatriques. Le taux de suicide en détention administrative est six à sept fois plus élevé qu’en liberté. Il est indéniable que l’accès aux soins psychiatriques est insuffisant dans les centres de détention. De plus, la question de savoir si la santé d’une personne est suffisamment stable pour être placée en détention ne reçoit pas assez d’attention. Un examen approfondi n’est souvent pas effectué. Les conditions restrictives de détention n’arrangent rien. Dans ces circonstances, le fait que rien n’ait changé malgré des décès et tentatives de suicide récurrents est pour le moins négligent. Mais ce n’est qu’un des thèmes de notre dernier rapport. »

    Lars Scheppach (Co-directeur)

    Avec son nouveau rapport « Enfermé·e - La détention fondée sur le droit des étrangers en Suisse », l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers (ODAE) a mené une étude approfondie sur la détention administrative en Suisse. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur les connaissances scientifiques actuelles, les chiffres les plus récents et huit documentations de cas exemplaires. Elle a constaté à quel point la réalité en Suisse est éloignée des principes de l’État de droit et a tiré d’autres conclusions essentielles :

    - Mineur·e·s en détention : la détention administrative de mineur·e·s de plus de 15 ans n’est pas rare et n’est pas toujours documentée.
    – Détention à titre de punition ou de dissuasion : la détention administrative est souvent ordonnée dans le but de prévenir ou de dissuader. Cela comporte un fort potentiel de dis-crimination.
    - Différence de traitement cantonal : La détention administrative est traitée différemment d’un canton à l’autre. Les personnes concernées sont ainsi l’objet de traitements différenciés, ce qui est contraire au principe d’égalité devant la loi inscrit dans la Constitution.
    – Des alternatives peu utilisées : L’efficacité des alternatives à la détention est ignorée. Il existe suffisamment d’alternatives à la détention qui, d’après les connaissances actuelles, seraient bien plus efficaces et moins coûteuses.
    – Les autorités manquent de sensibilité : elles considèrent souvent à la légère et sans exa-men précis que les conditions juridiques de la détention administrative sont remplies, malgré la grave atteinte aux droits fondamentaux. Les garanties de procédure ne sont sou-vent pas respectées. Les décisions ne sont pas motivées ou ne le sont pas suffisamment. Un contrôle judiciaire de la détention n’est pas toujours effectué.
    - La protection juridique est insuffisante : les personnes concernées ne disposent pas des moyens nécessaires pour se défendre, notamment en raison des barrières linguistiques, de l’absence de réseaux de relations ou du manque de moyens financiers. La législation en vigueur ne leur confère pas la protection nécessaire, ce qui remet en question la protection juridique dont elles bénéficient. Dans de nombreux cas, aucune assistance judiciaire gratuite n’est prévue.
    - Placement dans des prisons ordinaires : contrairement au principe de séparation inscrit dans le droit fédéral, les personnes concernées sont bien trop souvent et trop longtemps placées dans des établissements ordinaires.
    - Saisie lacunaire : il existe des lacunes considérables dans la documentation et la saisie statistique de plusieurs aspects de la détention administrative. Il est donc difficile d’effectuer un suivi précis et d’aborder cette thématique de manière juridiquement fondée.

    En Suisse, la détention administrative fait rarement l’objet d’un examen critique. Notre rapport le montre : il est temps de changer de cap pour aligner les pratiques sur les standards de l’État de droit et de trouver des solutions respectueuses de la dignité humaine. Afin de remédier aux dysfonctionnements existants, l’ODAE formule à la fin du rapport dix exigences concrètes à l’attention des politiques et des autorités. Il est maintenant temps de les mettre en œuvre.

    https://www.humanrights.ch/fr/nouvelles/enfermee-detention-fondee-droit-etrangers-suisse
    #détention_administrative #rétention #migrations #réfugiés #sans-papiers #Suisse #droits_fondamentaux #droits_humains #rapport #punition #dissuasion #protection_juridique #dignité

  • La profession d’enseignant-chercheur aux prises avec le #nouveau_management_public

    Ce texte se propose d’analyser différents impacts de la #néolibéralisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) sur le contenu et les #conditions_de_travail des enseignants-chercheurs (EC). L’analyse s’appuie sur les résultats d’une enquête menée entre 2020 et 2022 sur la nature, les causes et les effets des mutations du #travail des EC. Cette recherche visait dans un premier temps à objectiver les évolutions et à saisir les représentations des acteurs à leur sujet. Le second temps entendait analyser les raisons et les vecteurs de ces évolutions. Outre la mobilisation de sources bibliographiques, trois outils ont servi à recueillir des données. Un questionnaire adressé en ligne aux membres des différentes sections du CNU et aux EC en poste dans cinq établissements (aux tailles, localisations et statuts variés), à l’exception de ceux du domaine de la santé [1] a permis de travailler sur 684 réponses complètes reçues. Des entretiens semi-directifs (de 30 à 90 minutes) ont ensuite été menés avec 108 répondants au questionnaire, avec 5 présidents ou vice-présidents d’université (en poste au moment de l’échange) et avec des représentants de 6 syndicats (SNESup, SNESup école émancipée, CFDT, CGT, FO et Sud) [2]. Des résultats provisoires ont enfin été discutés au cours de 7 séminaires réunissant des EC dans le but d’alimenter la réflexion et l’analyse finale. Le livre Enseignants-chercheurs. Un grand corps malade (Bord de l’eau, 2025) rend compte de façon détaillée des résultats de cette recherche.

    On montrera d’abord comment la mise en œuvre des principes du nouveau management public (#NMP) dans l’ESR a entraîné simultanément un alourdissement et un appauvrissement des tâches d’enseignement, de recherche et d’administration incombant aux EC. On abordera ensuite les effets de #surcharge et de #débordements du travail que produisent ces transformations du travail des EC ainsi que les impacts que cela engendre sur leur #moral, leur #engagement et leur #santé.

    Le travail des EC alourdi et appauvri sous l’effet de la #néo-libéralisation et du NMP

    La #néo-managérialisation de l’ESR a démarré dans les années 1990, sans qu’il s’agisse d’une #rupture absolue avec une #université qui aurait jusque-là échappé aux logiques capitalistes dominantes. Parlons plutôt d’une évolution marquée par l’adoption et l’adaptation des principes du néolibéralisme. Promus par la Société du Mont Pèlerin fondée en 1947, puis mis en œuvre à partir des années 1980 (par Thatcher et Reagan), ces principes prônent une réduction des missions et des coûts des services publics s’appuyant sur une gestion comparable à celle des entreprises privées. Il s’agit de rationaliser leur organisation et de réduire leurs budgets, d’instaurer une mise en concurrence interne (entre établissements, départements, équipes et collègues) et externe (avec des organisations privées fournissant des services de même nature), de viser leur rentabilité et de mesurer leur performance. Cela a conduit à favoriser le fonctionnement en mode projet, la diversification des financements en valorisant les #PPP (partenariats public/privé), l’évaluation sur #indicateurs_quantitatifs, les #regroupements… Les objectifs fixés étant l’#efficacité plutôt que l’#équité, l’#efficience plus que l’#utilité_sociale, la #rentabilité avant la qualité de service.

    Ce programme s’applique donc dans l’ESR français à partir des années 1990. En 1998, le #rapport_Attali « Pour un système européen d’enseignement supérieur » répond à une commande de #Claude_Allègre (ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie de 1997 à 2000) qui entend « instiller l’#esprit_d’entreprise dans le système éducatif » (Les Échos, 3 février 1998), une #orientation qui constitue une injonction à visée performative. Dans les établissements, et notamment les #universités_publiques, cette orientation va être conduite par des équipes comptant de plus en plus de technocrates et de managers formés et rompus à l’exercice du NMP qui entendent faire fonctionner une logique inscrite dans la droite ligne du « processus de production, de diffusion et de légitimation des idées néo-managériales en France depuis les années 1970 [3] »

    Le rapport Attali propose un cadre européen inspiré d’orientations de l’OCDE. Lors de la célébration du 800e anniversaire de la Sorbonne, toujours en 1998, les dirigeants français, allemand, britannique et italien lancent un appel pour « un cadre commun de référence visant à améliorer la lisibilité des diplômes, à faciliter la mobilité des étudiants ainsi que leur employabilité ». Dès 1999, 25 autres pays européens signent cet appel et donnent naissance au « #processus_de_Bologne » destiné à créer un Espace européen de l’enseignement supérieur avant 2010. En mars 2000, l’Union européenne rejoint ce projet, qui débouche sur la #stratégie_de_Lisbonne proposant de créer un « #marché_de_la_recherche ». C’est dans ce contexte qu’intervient la #bureaucratisation_néolibérale de l’ESR français qui va transformer la « #gouvernance » de l’ESR, ainsi que le travail et les conditions de travail de ses salariés, dont celles des EC.

    Parallèlement à la dégradation des #taux_d’encadrement (notamment en licence [4], avec des variations entre disciplines et établissements) et aux baisses d’effectifs et de qualification des personnels d’appui, les EC assument des tâches liées à l’enseignement de plus en plus nombreuses, diverses et complexes. Il s’agit notamment d’un travail d’#ingénierie_pédagogique de plus en plus prenant, d’une coordination de plus en plus fréquente d’équipes pédagogiques comprenant des précaires en nombre croissant (dont ils doivent aussi assurer le recrutement et le suivi), de réponses aux injonctions à la « #professionnalisation » (impliquant de faire évoluer les contenus de formation, en réécrivant les maquettes de diplôme en « compétences » [5], en multipliant le nombre de #stages à encadrer et en travaillant sur les #projets_professionnels des étudiants), d’une #complexification de l’#évaluation des étudiants due à la #semestrialisation, à des délais de correction raccourcis, à la « #concurrence » du web et désormais de l’IA et d’une prise en charge d’activités de #marketing et de #communication destinées à vanter, voire à « vendre », les diplômes, les parcours, l’établissement.

    - « On subit une accumulation de #micro-tâches, qui devient chronophage même si c’est souvent des bonnes idées. Par exemple, l’université nous demande de présenter les masters en faisant venir d’anciens étudiants, ce qu’on fait déjà deux fois pour les étudiants de L3 et aux journées portes ouvertes. Ils nous demandent de faire une présentation de plus pour diffuser plus largement sur des plateformes et toucher un public plus large. […] Autre exemple, on nous demande de refaire un point sur les capacités d’accueil de nos masters, et il faut refaire le travail. […] En fait, toute l’année on nous demande des #petits_trucs comme ça. » (PU en sciences de l’éducation et de la formation, en université).

    Une même dynamique opère du côté de la recherche, les activités sont aussi accrues et diversifiées dans un contexte de raréfaction des personnels d’appui, notamment en lien avec la #concurrence aiguisée entre chercheurs, entre labos, entre UFR, entre établissements. Cette évolution c’est aussi la baisse des #budgets_récurrents et la chasse aux #financements, en répondant à des #appels_à_projets émanant de institutions publiques (ANR, ministères, UE) ou d’acteurs privés, la course aux #publications dans les revues classées, en anglais pour certaines disciplines, la multiplication des #évaluations par les établissements, les agences (AÉRES puis #HCÉRES…), les tutelles, le ministère, l’œil rivé sur les classements, notamment celui de Shanghai.

    - « Une partie du temps, on est plus en train de chercher des budgets et de faire du #reporting que de faire la recherche elle-même. Sans compter qu’il faut publier pour être valorisé. Il y a des collègues dont on se demande ce qu’ils publient, parce que leur temps de recherche en fait, c’est du temps d’écriture, mais on ne sait pas sur quoi. » (PU en civilisation américaine en université).
    - « Si on regarde les laboratoires, il y a beaucoup de chercheurs et peu de personnels associés. Nécessairement, les EC doivent faire face à plus de tâches administratives. Et d’autre part, il y a des choses qui ont été formatées, il faut remplir des fichiers, des indicateurs, cela fait beaucoup de tâches administratives à réaliser. » (PU en électronique en IUT).

    À cela s’ajoutent les activités de sélection, de recrutement et de management des étudiants et des doctorants sur des plateformes aux performances discutables (#ParcoursPlus, #Mon_master, Adum), des ATER, des postdocs et des enseignants vacataires et contractuels, ainsi que de titulaires lorsqu’il faut siéger en comité de sélection quand des postes de MCF et PU (Professeur d’Université) sont ouverts. Il faut ici souligner la #surcharge spécifique pesant sur les #femmes, notamment PU, compte tenu des règles de parité (un COS doit compter au moins de 40% de membres de chacun des deux genres) et des inégalités de #genre dans les carrières [ 7].

    Les EC doivent aussi prendre en charge des activités d’information, d’évaluation et de valorisation à destination de divers instances et organismes, dans des délais souvent courts, au moyen d’outils numériques plus ou moins fiables et compatibles. Ces comptes à rendre portent en particulier sur la qualité des cursus, les débouchés professionnels et les taux d’insertion des diplômés, les coûts en heures et en masse salariale des cours, des TD et des TP, les résultats en termes de présence aux examens, de notes, de diplômés, d’abandons en cours de cursus…

    – « Je me sens être très gestionnaire, animatrice, gentille organisatrice une grande partie de mon temps. C’est quelque chose que je n’avais pas du tout anticipé en entrant dans ce métier, parce que je ne pensais pas avoir autant de #charges_administratives. […] Dès la 3è année après mon recrutement, j’étais directrice des études, à faire des emplois du temps, recruter des vacataires, travailler un petit peu le contenu de leurs interventions, mais je devais surtout faire des RH, essayer que ça convienne à chacun, récupérer les papiers qu’on lui demandait pour qu’il soit payé, etc. » (MCF en sociologie en IUT).

    On a ainsi assisté à un double mouvement d’alourdissement er d’appauvrissement du travail des EC sous les effets combinés des injonctions à la professionnalisation (la #loi-LRU de 2007 a ajouté « l’orientation et l’insertion » aux missions de l’ESR) et aux attentes des tutelles en la matière ainsi que des normes budgétaires strictes et des critères « d’#excellence » qui concrétisent l’essor des logiques et des modes de gestion du NMP et la #managérialisation de l’ESR (comparable à ce qu’a connu l’Hôpital,). Il en découle un ressenti fréquent de #perte_de_sens et un #malaise profond.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du #sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. »(MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).
    - « Quand j’ai démarré au début des années 2000, j’avais l’impression d’être en phase avec mon travail et peut-être plusieurs de mes collègues aussi. J’ai l’impression qu’il y avait une sorte de vision collective partagée. Cette vision collective partagée, je la sens moins parce que je sens des #découragements, je sens des #lassitudes. Le partage de la mission de chercheur, c’est plus compliqué et le partage de la vision de la mission d’enseignement pour moi, elle est galvaudée. » (MCF HDR en chimie en université).

    Le #moral et la santé des EC pâtissent des #surcharges et débordements vécus par les EC.

    La détérioration des situations de travail vécue par les EC produit des effets à la fois sur leur état moral, leur #engagement_professionnel et leur état de santé. Les surcharges combinées au sentiment de ne plus pouvoir faire leur travail correctement sont à l’origine de nombreuses #souffrances. Leur travail a été peu à peu alourdi par une accumulation de tâches dont une partie tient à la #procédurisation qui concrétise « la #bureaucratisation_néolibérale ». Cela nourrit un important « #travail_caché », invisibilisé et non rémunéré, qui conduit à la fois à accroître et à hacher l’activité.

    Il en découle des #surcharges_temporelles (extension de la durée du travail professionnel), des #surcharges_mentales (dues à l’accumulation de sujets et de préoccupations) et des #surcharges_cognitives (liées aux changements récurrents de registres d’activité).

    - « L’université française s’écroulerait si nous ne consentions pas à faire un travail parfois considérable gratuitement ou presque. » (PU en langue et civilisation)

    L’#intensification_du_travail qui passe par un accroissement du travail invisible, ou plus justement invisibilisé, des EC, implique des débordements fréquents de leur vie professionnelle sur leur #vie_personnelle (aussi bien du point de vue du temps que de celui des lieux). Ce phénomène a été aggravé par l’usage d’outils (téléphone mobile, micro-ordinateur, tablette) et de dispositifs techniques (mails, réunions et cours à distance, remontées de datas, recherches sur le web) qui favorise le travail en tout lieu et à tout moment, et donc le brouillage des frontières entre travail et hors-travail.

    - « Je pense que tous les collègues font un peu comme moi, le temps d’écriture des articles est pris surtout sur le samedi et le dimanche, donc sur le temps personnel, en fait. Parfois, les conjoints ont du mal à s’y faire, mais moi non, mon conjoint est un chercheur. Globalement, on travaille tous les jours. Sinon, ça ne passe pas. Ou alors, on ne fait que de l’enseignement et on écrit un article par an. » (PU en histoire du droit en université).

    Le débordement temporel et spatial est un fait massif difficile à mesurer pour les EC car ceux-ci, comme tous les enseignants, ont toujours travaillé à la fois sur leur lieu de travail et à leur domicile ou en vacances (pour préparer des cours, corriger des copies et des mémoires, lire et écrire des travaux scientifiques, tenir des RV et réunions à distance).

    La porosité des frontières entre lieux de travail et de vie, entre temps de travail et hors-travail est ambivalente. D’un côté, elle permet aux EC de choisir où et quand ils travaillent, à l’inverse de la plupart des salariés. Cette souplesse d’organisation procure un sentiment de liberté, et une liberté réelle, qui facilite la conciliation entre obligations professionnelles et activités personnelles, domestiques, familiales. Mais, c’est aussi un piège qui met en péril la vie personnelle et familiale en impliquant une absence de limite aux temps et aux espaces consacrés au travail. Ce risque est d’autant plus grand que ce sont souvent les activités de recherche (à la fois les plus appréciées et les plus empêchées au quotidien) qui trouvent place en dehors des lieux et temps de travail. Beaucoup d’EC en viennent alors à accepter, voire à rechercher, ces débordements du travail pour retrouver le plaisir de faire ce qu’ils aiment dans un contexte plus favorable qu’au bureau (environnement calme et agréable) et à l’abri de sollicitations multiples (passages, appels téléphoniques, mails urgents, etc.). Ne peut-on évoquer ici une forme d’#aliénation, voire de « #servitude_volontaire » ? Cela rappelle ce que différentes enquêtes ont montré chez des cadres du secteur privé qui, en travaillant chez eux, y compris le soir, le week-end ou en congé, retrouvent comme ils le disent une « certaine continuité temporelle » et un « cadre spatial favorable à la #concentration ».

    - « Il faut avoir le #temps de faire sa recherche, on est dans une espèce de course à l’échalote permanente. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, je ne veux pas cracher dans la soupe, j’ai pu travailler sur ce que je veux, et après à moi de trouver de l’argent. Mais, c’est un métier où ça peut être très dangereux si on ne trouve pas son équilibre. Moi, ça m’a coûté certaines choses au niveau personnel [un divorce !] parce qu’il est arrivé un moment donné où je ne dormais plus la nuit parce que je voyais tout ce que je n’avais pas eu le temps de faire. J’ai eu besoin de faire un travail sur moi pour me ressaisir et me dire que si je n’avais pas fait ça ou ça, ce n’était pas si grave, personne n’est mort à cause de ça, on se détend. J’ai eu de la chance, j’ai refait ma vie avec quelqu’un qui est professeure des écoles donc avec un rythme peu différent ». (MCF en chimie en université).

    Les inégalités de prise en charge des tâches domestiques, familiales et éducatives entre femmes et hommes, auxquelles n’échappent pas les EC, conduisent à exposer de nombreuses EC à des difficultés spécifiques (contribuant aux inégalités de déroulement de carrière à leur détriment), d’autant que la façon d’exercer le métier, de gérer les relations avec les étudiants et de prendre des responsabilités est aussi marquée par des différences de genre.

    – « Cette intensification du temps de travail s’est encore accrue au moment de mon passage PU, avec certains moments de l’année où pour pouvoir conduire mon activité et honorer mes engagements professionnels, je dois sacrifier tous mes week-ends sur une longue période. […] Il me semble que cette intensification tient aussi à une division sexuée du travail présente dans nos composantes : nombre de mes collègues hommes ayant longtemps refusé de prendre des responsabilités, en tous les cas les responsabilités chronophages et peu qualifiantes dans les CV ». (MCF en communication).
    – « Les femmes sont plus touchées que les hommes car elles assument les responsabilités de care pour les étudiants mais aussi pour leurs proches descendants ou ascendants de manière très déséquilibrée par rapport aux hommes. La charge mentale des femmes EC est très lourde. Concilier maternité et ESR (et donc espérer voir évoluer sa carrière) est mission impossible sauf pour celles qui ont un conjoint ou un réseau personnel sur lesquels s’appuyer. L’explosion des publications émanant d’EC masculins pendant la pandémie en est un bon exemple ». (MCF en anglais).

    Ces débordements s’inscrivant dans un contexte de dégradation de la qualité du travail et des conditions de sa réalisation contribuent à nourrir un sentiment d’#insatisfaction. C’est aussi de la #désillusion et diverses #souffrances_morales mais aussi physiques qui découlent de cette combinaison mortifère entre surcharges, débordements et insatisfaction.

    - « Moi, j’ai beaucoup de désillusions sur mon métier. Beaucoup d’#amertume, en fait. […] Quand on est enseignant-chercheur, on démarre, on est à fond, on en veut, etc. On a plein d’envies, on a plein d’ambition, puis on arrive dans la réalité et on prend un gros coup dans la figure et ça t’arrête net. Parce qu’on te colle tout de suite une responsabilité. […] Et tout ça pour un salaire de m… ! […] Moi je trouve que former des gens comme on les forme pour faire ça, c’est du gâchis franchement. » (Vice-présidente d’une université en poste).

    Ce qui mine et fait mal, comme l’évoquent de nombreux EC quand ils décrivent l’évolution de leur métier, c’est en particulier l’impression de devoir travailler toujours plus avec toujours moins de moyens disponibles, et donc pour un résultat dégradé ; ils ont le sentiment d’un « #travail_empêché » (comme le nomme Yves Clot) parce qu’ils se sentent empêchés de faire un travail de qualité comme ils savent et voudraient le faire ; ils ont des doutes sur la réalité de ce qu’ils font par rapport à ce qu’ils attendent de leur travail et ce qu’ils pensent que doit être le #service_public.

    Beaucoup des EC interrogés durant l’enquête se demandent ce qu’est devenu leur travail, quel sens ils peuvent encore lui donner et quel avenir attend l’université (et plus largement l’ESR). Si la plupart acceptent que le cœur de leur métier dépasse largement les seules activités de base d’enseignement et de recherche, ils doutent de plus en plus de pouvoir faire ce métier, auquel ils sont attachés, dans les règles de l’art telles qu’ils les conçoivent, et en particulier avec l’attention requise et les résultats voulus.

    - « Je pense que le métier d’enseignant-chercheur au-delà des 35 heures, ce n’est pas trop quelque chose de nouveau. Un chercheur, je pense qu’il a toujours beaucoup travaillé le soir. Mais peut-être que maintenant, on n’arrive plus à trouver le temps de tout faire ce qu’on nous demande. Et peut-être que ça, c’est nouveau ». (PU en biologie en IUT).
    – « J’ai vraiment du mal à croire qu’on puisse faire les trois choses ensemble. C’est-à-dire à la fois avoir une activité de recherche de haut niveau, avoir un investissement dans l’enseignement qui permet, enfin selon le critère qui est le mien, de renouveler ses cours extrêmement régulièrement pour ne pas se répéter, et en plus avoir des fonctions administratives ». (MCF en histoire en université).

    Cela fait émerger des questions majeures : à quoi et à qui sert aujourd’hui le travail des EC ? Sont-ils en mesure de réaliser des enseignements et des recherches de qualité ? Que devient le service public de l’ESR ? Ces questionnements rejoignent les trois dimensions majeures du sens du travail énoncées : son utilité vis-à-vis de ses destinataires, le respect de leurs valeurs éthiques et professionnelles, et le développement de leurs capacités.

    – « Il faut se bagarrer pour trouver à garder du sens au métier. Ça c’est très clair. […] On nous impose les choses, donc effectivement, il y a une perte de sens, enfin je ne sais pas si c’est une perte de sens mais on a une perte de la maîtrise de notre métier. » (MCF HDR en didactique de l’histoire en Inspé).

    Les différentes évolutions que nous venons de décrire peuvent s’interpréter comme les signes d’un risque de #déprofessionnalisation, un processus à la fois lent et peu visible prenant la forme d’une remise en cause ce qui fonde leurs « gestes professionnels » et de leur #identité_professionnelle ». Ce dont on parle ici ne concerne pas seulement tel ou tel individu, mais le groupe professionnel des EC à travers trois aspects.

    Le premier élément est une déqualification liée au fait que les EC sont de plus en plus souvent chargés de tâches ne correspondant ni au contenu, ni au niveau de leurs savoirs et de leurs objectifs. La deuxième dimension concerne la perte d’#autonomie à rebours de la #liberté_académique et de l’autonomie affirmées dans les textes. Le troisième aspect est le sentiment massivement exprimé durant l’enquête de l’#inutilité d’une part croissante du travail réalisé par rapport à ce que les EC voudraient apporter à leurs étudiants, et plus largement à la société qui finance leurs salaires, ce qui touche au cœur de l’identité fondant leur profession.

    La managérialisation de l’ESR alimente ce risque de déprofessionnalisation en enrôlant les EC dans les évolutions de leur travail et de leurs conditions de travail qui leur déplaisent, en les conduisant à faire - et pour ceux qui ont des responsabilités à faire faire à leurs collègues - ce qui les fait souffrir et que, pour partie, ils désapprouvent. C’est sans doute une des réussites du NMP que d’obtenir cette mobilisation subjective, comme la nomme la sociologue Danièle Linhart.

    La question de la déprofessionnalisation des EC mérite sans aucun doute d’être approfondie en termes de causes, de manifestations et d’effets. En l’état actuel de l’analyse, c’est une hypothèse à creuser dans le cadre d’un questionnement sur les impacts - et l’efficience - des modes de gestion impulsés par le nouveau management public et la bureaucratisation néolibérale.

    Si cette enquête ne suffit évidemment pas à établir un diagnostic global sur la santé des EC, elle permet néanmoins de mettre à jour des réalités peu connues et alarmantes. Ainsi, le terme épuisement est souvent revenu : il est employé spontanément par 45 répondants au questionnaire (dont 31 femmes). Il est évoqué 10 fois en réponse à la question : « Rencontrez-vous ou avez-vous rencontré des difficultés pour concilier vos différents activités professionnelles (enseignement, recherche, tâches administratives) ? Si oui, lesquelles ? ». Le stress, lui, est explicitement abordé dans 35 réponses (29 femmes) sans compter celles qui parlent du stress des étudiants et des Biatss. 17 répondants (dont 13 femmes) parlent de burn-out. Dans 7 de ces 17 cas, les répondants témoignent de burn-out subi par eux-mêmes ou par un membre de leur équipe au cours des dernières années. Les autres évoquent le risque ou la peur d’en arriver là. Les deux verbatims suivants illustrent l’importance de cette question.

    – « Il y a 20 ans, les réunions pouvaient durer 1 heure, 1 heure et demie. Aujourd’hui, il n’y a pas une réunion du CHSCT qui dure moins de 3 ou 4 heures. Parce qu’il y a un nombre incroyable de remontées au niveau des enseignants-chercheurs. […] Dans notre département, il y a eu pas moins de trois burn-out cette année, avec des arrêts maladie, des demandes de collègues de se mettre à mi-temps. » (PU, élu CGT).
    – « Je pense qu’il faut faire très, très attention. On est sur un fil raide. Ça peut basculer d’un côté comme de l’autre. Et je pense qu’on doit arrêter un peu le rythme, les gens sont fatigués, épuisés, donc il faut qu’on trouve un moyen de minimiser un peu les appels à projets. C’est sur ça qu’on se bat. Les garder, mais en faire moins. […] Bien sûr qu’on manque de moyens et bien sûr qu’il faut qu’on fasse comprendre à notre fichu pays que l’enseignement supérieur et la recherche, c’est un investissement. Je crois à ça profondément. » (Présidente d’une université en poste au moment de l’entretien).

    Pour conclure

    La profession des EC ressent assez largement un #malaise mettant en cause leur activité, voire leur carrière. Face à cela, la plupart des réponses sont aujourd’hui individuelles, elles passent pour certains par différentes formes de #surengagement (débouchant parfois sur du #stress, des #dépressions ou du #burn-out), pour d’autres (et parfois les mêmes à d’autres moments de leur carrière) à des variantes de désengagement (vis-à-vis de certaines tâches) pouvant aller jusqu’à diverses voies d’Exit (mises en disponibilité, départs en retraite avant l’âge limite, démissions très difficiles à quantifier). Les solutions collectives ont été assez décrédibilisées, notamment après l’échec du mouvement anti-LRU. De nouvelles pistes restent à imaginer et à construire pour ne pas continuer à subir les méfaits de la néo-libéralisation de l’ESR et trouver des alternatives aux dégradations en cours.

    [1] La situation des MCF-PH et des PU-PH à la fois EC à l’université et praticiens en milieu hospitalier étant très particulière.

    [2] Les verbatims présentés dans cette communication sont extraits des réponses au questionnaire ou des entretiens.

    [3] Bezès P. (2012). « État, experts et savoirs néo-managériaux, les producteurs et diffuseur du New Public Management en France depuis les années 1970 », Actes de la recherche en Sciences Sociales, n° 3, p. 18.

    [4] La massification de l’accès au bac s’est traduite par une très forte hausse du nombre d’élèves et étudiants inscrits dans l’ESR. Sur les 4 dernière décennies, ce nombre a plus que doublé en passant d’un peu moins de 1,2 million (à la rentrée 1980) à près de 2,8 millions (à la rentrée 2020). Le nombre d’EC n’a pas suivi !

    [5] Les diplômes universitaires doivent désormais figurer dans le Répertoire national des certifications professionnelles (le RNCP) conçu dans la logique des compétences.

    [6] Bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé de l’enseignement supérieur.

    [7] En dépit des principes d’égalité professionnelle, les femmes sont infériorisées dans l’ESR. Parmi les MCF, seul le domaine droit, science politique, économie et gestion (DSPEG) est à parité avec 51% de femmes et 49% d’hommes. Les femmes sont sur-représentées (58%) en Lettres, Langues et Sciences humaines (LLSH) et sous-représentées (34%) en Sciences et Techniques (ST). Du côté des PU, les femmes sont 29% (contre 45% parmi les MCF) même si ce pourcentage a augmenté ces dernières années. Les femmes sont minoritaires parmi les PU dans les trois domaines, y compris là où elles sont majoritaires parmi les MCF : elles sont 36% en DSPEG, 45% en LLSH et 21% en ST. Et les écarts de statut ne sont pas les seules inégalités de genre entre EC.

    https://blogs.alternatives-economiques.fr/les-economistes-atterres/2025/06/17/crise-de-l-esr-contribution-2-la-profession-d-enseign
    #ESR #enseignement #recherche #new_public_management

  • Les risques nucléaires augmentent avec l’émergence d’une nouvelle #course_aux_armements – Parution du nouveau « #SIPRI Yearbook »

    L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) publie aujourd’hui son évaluation annuelle de l’état des armements, du désarmement et de la sécurité internationale. L’une des principales conclusions du « SIPRI Yearbook 2025 » fait état de l’émergence d’une nouvelle course aux armements nucléaires dangereuse, à un moment où les régimes de contrôle des armements sont gravement affaiblis.

    Les arsenaux nucléaires mondiaux s’agrandissent et se modernisent

    La quasi-totalité des neuf États dotés de l’#arme_nucléaire – États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) et Israël – ont poursuivi en 2024 leurs programmes intensifs de modernisation nucléaire, avec une mise à niveau des #armes_nucléaires existantes, auxquelles s’ajoutent des versions plus récentes.

    Sur le total de l’inventaire mondial soit environ 12 241 ogives en janvier 2025, près de 9 614 étaient mises en stocks militaires en vue d’une potentielle utilisation (voir tableau ci-dessous). Environ 3 912 de ces #ogives ont été déployées avec des missiles et des avions et le reste a été stocké dans un entrepôt central. Environ 2 100 ogives déployées ont été maintenues en état d’alerte opérationnelle élevée sur des #missiles balistiques. Presque toutes ces ogives appartiennent à la Russie ou aux États-Unis, mais également à la Chine qui pourrait désormais conserver certaines ogives sur ses missiles en temps de paix.

    Depuis la fin de la guerre froide, le démantèlement progressif des ogives retirées du service par la Russie et les États-Unis a dépassé le déploiement de nouvelles ogives, ce qui a entraîné une diminution annuelle globale du stock mondial d’armes nucléaires. Cette tendance devrait s’inverser dans les années à venir, le rythme du démantèlement ralentissant tandis que le déploiement de nouvelles armes nucléaires s’accélère.

    « L’ère de la réduction du nombre d’armes nucléaires dans le monde, en cours depuis la fin de la guerre froide, touche à sa fin », souligne Hans M. Kristensen, chercheur principal associé au programme Armes de destruction massive du SIPRI et directeur du Nuclear Information Project à la Federation Of American Scientists (FAS). « Au lieu de cela, nous observons une nette tendance à l’augmentation des arsenaux nucléaires, à l’exacerbation de la rhétorique nucléaire et à l’abandon des accords de contrôle des armements. »

    La Russie et les États-Unis possèdent à eux seuls près de 90 % des armes nucléaires mondiales. La taille de leurs arsenaux militaires respectifs (c’est-à-dire les ogives utilisables) semble être restée relativement stable en 2024, mais les deux États mettent en œuvre d’importants programmes de modernisation susceptibles d’accroître la taille et la diversité de leurs arsenaux à l’avenir. En l’absence d’un nouvel accord visant à plafonner leurs arsenaux, le nombre d’ogives déployées sur leurs missiles stratégiques devrait augmenter après l’expiration, en février 2026, du Traité de 2010 sur les mesures visant à réduire et à limiter davantage les armements stratégiques offensifs (New START).

    Le vaste programme de #modernisation_nucléaire des États-Unis progresse, mais en 2024, il a été confronté à des difficultés de planification et de financement qui pourraient le retarder et augmenter considérablement le coût du nouvel arsenal stratégique. De plus, l’ajout de nouvelles armes nucléaires non stratégiques à l’arsenal américain accentuera la pression sur le programme de modernisation.

    Le programme de modernisation nucléaire de la Russie connaît également des difficultés, avec notamment en 2024 : l’échec d’un essai, un retard pris pour le lancement du nouveau missile balistique intercontinental (ICBM) #Sarmat et une modernisation plus lente que prévu d’autres systèmes. Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’ogives nucléaires non stratégiques russes, prévue par les États-Unis en 2020, ne s’est pas encore concrétisée.

    Néanmoins, il est probable que le déploiement d’armes nucléaires russes et américaines sera plus important dans les années à venir. L’augmentation russe résulterait principalement de la modernisation des forces stratégiques restantes, permettant d’emporter davantage d’ogives sur chaque missile, et du rechargement de certains silos précédemment vidés. L’augmentation américaine, quant à elle, pourrait résulter du déploiement d’ogives supplémentaires sur les lanceurs existants, de la réactivation de lanceurs vides et de l’ajout de nouvelles armes nucléaires non stratégiques à l’arsenal. Les partisans du nucléaire aux États-Unis préconisent ces mesures en réaction aux nouveaux déploiements nucléaires chinois.

    Selon les estimations du SIPRI, la Chine possède désormais au moins 600 ogives nucléaires. Son arsenal nucléaire croît plus rapidement que celui de tout autre pays, d’environ 100 nouvelles ogives par an depuis 2023. En janvier 2025, la Chine a achevé, ou était sur le point de le faire, la construction d’environ 350 nouveaux silos d’ICBM dans trois vastes zones désertiques du nord du pays et trois zones montagneuses de l’est. Selon la manière dont elle décidera de structurer ses forces, la Chine pourrait potentiellement posséder au moins autant d’ICBM que la Russie ou les États-Unis d’ici la fin de la décennie. Pourtant, même si la Chine atteint le nombre maximal prévu de 1 500 ogives d’ici 2035, cela ne représentera toujours qu’environ un tiers des stocks nucléaires actuels de la Russie et des États-Unis.

    Bien que le Royaume-Uni ne semble pas avoir augmenté son arsenal d’armes nucléaires en 2024, son stock d’ogives devrait augmenter à l’avenir, après que l’Integrated Review Refresh de 2023 a confirmé les plans antérieurs de relèvement du plafond du nombre d’ogives. Lors de la campagne électorale, le gouvernement travailliste élu en juillet 2024 s’est engagé à poursuivre la construction de quatre nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), à maintenir la dissuasion nucléaire continue en mer du Royaume-Uni et à moderniser l’arsenal nucléaire britannique à l’avenir. Cependant, le gouvernement est aujourd’hui confronté à d’importants défis opérationnels et financiers.

    En 2024, la France a poursuivi ses programmes de développement d’un SNLE de troisième génération et d’un nouveau missile de croisière à lanceur aérien, ainsi que la rénovation et la modernisation des systèmes existants, notamment un missile balistique amélioré doté d’une nouvelle ogive modifiée.

    L’Inde aurait une fois de plus légèrement élargi son arsenal nucléaire en 2024 et continué à développer de nouveaux types de vecteurs nucléaires. Ses nouveaux conteneurs de missiles, transportables avec des ogives associées, pourraient être capables d’emporter des ogives nucléaires en temps de paix, voire plusieurs ogives par missile, une fois ceux-ci opérationnels.

    En 2024, le Pakistan a également poursuivi le développement de nouveaux vecteurs et a accumulé de la matière fissile, ce qui laisse penser que son arsenal nucléaire pourrait s’accroître au cours de la prochaine décennie.

    Début 2025, les tensions entre l’Inde et le Pakistan ont brièvement dégénéré en conflit armé.

    « La combinaison frappes contre des infrastructures militaires nucléaires et désinformation aurait pu transformer ce qui relevait d’un conflit conventionnel en une crise nucléaire », précise Matt Korda, chercheur principal associé au programme Armes de destruction massive du SIPRI et directeur associé au Nuclear Information Project à la Federation Of American Scientists (FAS). « Cela devrait servir d’avertissement sévère aux États qui cherchent à accroître leur dépendance aux armes nucléaires. »

    La Corée du Nord continue de donner la priorité à son programme nucléaire militaire, élément central de sa stratégie de sécurité nationale. Le SIPRI estime que le pays a désormais assemblé une cinquantaine d’ogives, qu’il possède suffisamment de matière fissile pour en produire encore jusqu’à 40 supplémentaires et qu’il accélère encore la production de matière fissile. En juillet 2024, des responsables sud-coréens ont averti que la Corée du Nord était dans les « phases finales » du développement d’une « arme nucléaire tactique ». En novembre 2024, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a appelé à une expansion « sans limite » du programme nucléaire du pays.

    Israël, qui ne reconnaît pas publiquement posséder l’arme nucléaire, modernise son arsenal nucléaire. En 2024, il a procédé à l’essai d’un système de propulsion de missiles qui pourrait être adapté aux missiles balistiques à capacité nucléaire Jericho. Israël poursuit également la mise à niveau de son site de production de plutonium à Dimona.
    Le contrôle des armements en crise dans un contexte de nouvelle course aux armements

    Dans son introduction au SIPRI Yearbook 2025, le directeur du SIPRI, Dan Smith, met en garde contre les défis auxquels est confronté le contrôle des armes nucléaires et les perspectives d’une nouvelle course aux armements nucléaires.

    Dan Smith observe que « le contrôle bilatéral des armements nucléaires entre la Russie et les États-Unis est entré en crise il y a quelques années et est désormais quasi caduque ». Bien que le traité New START – le dernier traité de contrôle des armements nucléaires limitant les forces nucléaires stratégiques russes et américaines – reste en vigueur jusqu’à début 2026, rien n’indique qu’il y ait des négociations pour le renouveler ou le remplacer, ni que l’une ou l’autre des parties souhaite le faire. Le président américain Donald J. Trump a insisté pendant son premier mandat et répète aujourd’hui encore que tout futur accord devrait également inclure des limites à l’arsenal nucléaire chinois, ce qui ajouterait une nouvelle complexité à des négociations déjà difficiles.

    Dan Smith lance également une mise en garde sévère contre les risques d’une nouvelle course aux armements nucléaires : « Les signes indiquent qu’une nouvelle course aux armements se prépare, comportant bien plus de risques et d’incertitudes que la précédente. » Le développement et l’application rapides d’un éventail de technologies – par exemple dans les domaines de l’intelligence artificielle (IA), des cybercapacités, des ressources spatiales, de la défense antimissile et de la technologie quantique – redéfinissent radicalement la doctrine de défense et de dissuasion nucléaires, créant ainsi des sources potentielles d’instabilité. Les progrès de la défense antimissile et le déploiement océanique de la technologie quantique pourraient à terme avoir un impact sur la vulnérabilité d’éléments clés des arsenaux nucléaires des États.

    De plus, l’IA et d’autres technologies accélérant la prise de décision en cas de crise, le risque d’éclatement d’un conflit nucléaire suite à une mauvaise communication, un malentendu ou un accident technique est accru.

    Dan Smith soutient qu’avec toutes ces nouvelles technologies et variables en jeu, « cerner qui est en tête dans la course aux armements sera encore plus difficile et intangible qu’il ne l’était autrefois. Dans ce contexte, les anciennes formules de contrôle des armements, essentiellement numériques, ne suffiront plus ».
    De plus en plus d’États envisagent de développer ou d’héberger des armes nucléaires

    La relance des débats nationaux en Asie de l’Est, en Europe et au Moyen-Orient sur le statut et la stratégie nucléaires laisse penser qu’un plus grand nombre d’États pourraient développer leurs propres armes nucléaires.

    Par ailleurs, les accords de partage nucléaire suscitent un regain d’intérêt. En 2024, la Biélorussie et la Russie ont réitéré leurs allégations selon lesquelles la Russie aurait déployé des armes nucléaires sur le territoire biélorusse, tandis que plusieurs membres européens de l’OTAN ont manifesté leur volonté d’accueillir des armes nucléaires américaines sur leur sol, et le président français Emmanuel Macron a répété que la dissuasion nucléaire française devrait avoir une « dimension européenne ».

    « Il est essentiel de rappeler que les armes nucléaires ne garantissent pas la sécurité », souligne Matt Korda. « Comme l’a amplement démontré la récente flambée des hostilités en Inde et au Pakistan, les armes nucléaires n’empêchent pas les conflits. Elles comportent également d’immenses risques d’escalade et d’erreurs de calcul catastrophiques - en particulier lorsque la désinformation est omniprésente - qui peuvent finir par aggraver la sécurité des populations, et non la renforcer. »
    Un péril grandissant pour la sécurité et la stabilité mondiales

    La 56e édition du SIPRI Yearbook révèle la détérioration continue de la sécurité mondiale au cours de l’année écoulée. Les guerres en Ukraine, à Gaza et ailleurs se sont poursuivies, exacerbant les divisions géopolitiques, en plus des terribles conséquences humaines. De plus, l’élection de Donald Trump a créé une incertitude supplémentaire – en Europe mais aussi au-delà – quant à l’orientation future de la politique étrangère américaine et à la fiabilité des États-Unis en tant qu’allié, donateur ou partenaire économique.

    Outre les analyses détaillées habituelles sur les questions de maîtrise des armements nucléaires, de désarmement et de non-prolifération, l’annuaire du SIPRI présente des données et des analyses sur l’évolution des dépenses militaires mondiales, des transferts internationaux d’armes, de la production d’armes, des opérations de paix multilatérales, des conflits armés, des cybermenaces et des menaces numériques, de la gouvernance de la sécurité spatiale, et plus encore.

    https://www.obsarm.info/spip.php?article699
    #rapport #armes #armement #chiffres #statistiques #Russie #USA #Etats-Unis

  • #Qualité_de_vie

    Les #Alpes se caractérisent par des conditions de vie très différentes, et leurs habitant⸱es ont des attentes différentes en matière de qualité de vie, selon qu’il s’agit de centres urbains, de zones périurbaines ou de zones rurales, qui peuvent être très éloignées. Les conditions de vie vont au-delà des performances économiques et des niveaux de vie. C’est pourquoi le concept de qualité de vie - qui inclut également les perceptions individuelles et les systèmes de valeurs et de culture d’une société - est au premier plan des politiques publiques et de la réflexion sur le développement durable. C’est également l’une des trois priorités du Programme de travail pluriannuel de la Convention alpine 2023-2030.

    La notion de qualité de vie sous-tend néanmoins les politiques publiques, qui placent l’intérêt général au premier plan. Les Alpes peuvent offrir une qualité de vie élevée à leurs habitant⸱es, mais pour en bénéficier, il faut comprendre ce qui fait la spécificité de chaque territoire et ce que signifie la qualité de vie pour les habitant⸱es. Le 10e #Rapport_sur_l'état_des_Alpes offre des informations précieuses sur le statu quo et les défis à venir, et comprend des recommandations visant à garantir une qualité de vie élevée aux habitant⸱es des Alpes, y compris à l’avenir.

    https://www.alpconv.org/fr/page-daccueil/themes/qualite-de-vie
    #Alpes #convention_des_alpes #convention_alpine #montagne

  • #Allemagne : la politique migratoire de refoulement est contre-productive, selon un rapport

    Un nouveau #rapport sur les migrations dans le monde (https://www.bicc.de/Publications/Book/Report-Globale-Flucht-2025/pu/14876) appelle le nouveau gouvernement allemand à reconsidérer ses politiques d’immigration restrictives, notamment les #contrôles_aux_frontières. « Lorsque un migrant est refoulé », il ne rebrousse pas chemin, « il réessaie encore et encore, jusqu’à ce qu’il arrive dans le pays », estime Franck Düvell, chercheur en migration à l’université d’Osnabrück.

    « Les politiques allemandes à l’égard des réfugiés ne sont pas adaptées aux défis mondiaux actuels », estime Benjamin Etzold, qui a récemment présenté le « Rapport mondial sur les déplacements forcés », coécrit avec le Centre international d’études sur les conflits de Bonn (BICC).

    Alors que les thèmes de l’immigration et de l’insécurité ont dominé la dernière campagne électorale pour les législatives de février en Allemagne, Benjamin Etzold dénonce un débat « passionné » focalisé sur la manière dont l’immigration affecterait le pays.

    Il note que trop souvent, les faits et les études sont ignorées, tout comme la dimensions globale de la migration et des déplacements forcés.
    Les contrôles aux frontières ont-ils un effet dissuasif ?

    L’expert en migration critique ainsi vivement les premières mesures annoncées par le nouveau gouvernement du chancelier Friedrich Merz. Celui-ci a renforcé les contrôles aux frontières et décidé de refouler certains demandeurs d’asile début mai. L’efficacité de ces mesures est largement surestimée, assure Benjamin Etzold.

    Franck Düvell, chercheur en migration à l’université d’Osnabrück, partage cet avis. « Lorsque quelqu’un est refoulé, il réessaie encore et encore, jusqu’à ce qu’il arrive dans le pays ».

    Et cela vaut autant pour les frontières intérieures qu’extérieures de l’Union européenne (UE). « Chaque fois qu’une route est fermée, il en existe une autre pas loin. Elle peut être plus dangereuse, mais elle sera plus fréquemment utilisée », observe Franck Düvell. C’est précisément ce phénomène qui permet aux trafiquants d’êtres humains de se présenter comme l’unique solution aux yeux des personnes migrantes.

    Les réseaux de #passeurs en profitent

    Les passeurs se spécialisent ainsi dans les nouvelles voies de migration irrégulière, souvent plus risquées.

    « Il peut s’agir de l’utilisation de faux documents, de cacher des personnes dans des camions ou de bateaux qui ne sont pas en état de naviguer », explique Franck Düvell. « C’est l’effet secondaire indésirable que nous constatons régulièrement avec de telles mesures ».

    « Il est urgent de relancer les politiques multilatérales en matière de réfugiés et de migrants, même sans la participation des États-Unis », défend Benjamin Etzold. « L’Allemagne peut et doit prendre une position de leader européen et mondial sur cette question, au lieu de poursuivre des réponses nationales fragmentées. »

    L’absence de perspectives d’avenir

    De plus en plus de personnes en quête de protection se retrouvent détenues dans des camps d’accueil pendant de longues périodes. Même si une personne y est prise en charge, le manque de perspectives d’avenir incite à reprendre la route, notamment vers l’Allemagne.

    Selon Benjamin Etzold, « en fin de compte, seules la sécurité juridique et l’amélioration des perspectives de vie à l’endroit où les personnes se trouvent peuvent réduire la pression migratoire et empêcher l’immigration irrégulière vers l’Allemagne ».

    Ainsi, la volonté de Berlin de limiter considérablement les voies d’accès légales à l’Allemagne par des restrictions sur les programmes d’accueil humanitaire ou un durcissement des conditions de regroupement familial semble contre-productive. Benjamin Etzold prévoit que cette politique risque au contraire d’encourager l’immigration irrégulière.

    Enfin, Petra Bendel, de l’université d’Erlangen-Nuremberg, qui a également participé à la rédaction du rapport, craint que l’Allemagne n’enfreigne la loi en refoulant des personnes à la frontière. Le #droit_d'asile est protégé à la fois par la constitution allemande et par le droit européen. « Si l’on fait passer la politique avant la loi, on ouvre la porte au #despotisme », prévient-elle.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64850/allemagne--la-politique-migratoire-de-refoulement-est-contreproductive

    #migrations #réfugiés #refoulements #renvois #expulsions #efficacité #inefficacité #contrôles_frontaliers

  • #Atlas, le réseau qui pave la voie à l’#extrême_droite

    L’enquête d’Anne-Sophie Simpere pour l’Observatoire des Multinationales révèle comment le #réseau_Atlas, une alliance internationale de think tanks ultraconservateurs, déploie en #France des stratégies pour influencer le débat public et faire basculer le climat des idées.

    Vous les entendez partout  : l’État coûte trop cher, l’écologie va trop loin, les “assisté·es” sont trop nombreux, les libertés sont menacées par la justice sociale… Ces discours, devenus familiers, façonnent l’air du temps. Et pourtant, on peine à comprendre comment ces idées, autrefois marginales, ont gagné autant de terrain. Et si ce n’était pas un hasard mais le fruit d’une stratégie délibéré d’acteurs clairement identifiés ? L’année dernière, la journaliste Anne-Sophie Simpere a publié pour l’Observatoire des multinationales un rapport très éclairant sur le réseau Atlas, une galaxie de think tanks ultraconservateurs bien décidée à déplacer (à droite toute) le centre de gravité des idées. Un an après, on s’est penché sur ce que ce travail a permis, provoqué ou révélé.

    Le réseau Atlas, la France et l’extrême-droitisation des esprits

    En mai 2024, Anne-Sophie Simpere publie le rapport Le réseau Atlas, la France et l’extrême-droitisation des esprits pour l’Observatoire des multinationales. Elle y documente l’influence du réseau Atlas, un consortium fondé aux États-Unis dans les années 1980, qui fédère aujourd’hui plus de 500 think tanks dans le monde, avec pour objectif assumé de transformer le climat idéologique.

    En France, cinq structures sont identifiées comme partenaires  : l’Ifrap, Contribuables associés, l’Institut économique Molinari, l’IREF (Institut de recherche économique et fiscal) et l’Institut de formation politique. Ces organisations diffusent des idées libertariennes et conservatrices, notamment sur la fiscalité, les services publics, l’écologie ou les droits sociaux.

    Ce rapport de plus de 80 pages détaille les stratégies déployées par le réseau pour influencer les débats publics  : formations de cadres politiques, production de tribunes « prêtes à publier », campagnes coordonnées sur les réseaux sociaux, ou encore influence dans les médias et auprès d’élus. On y découvre aussi les liens internationaux de ces structures, leurs sources d’inspiration américaines, et les outils de lobbying qu’elles mobilisent à l’échelle européenne.

    Si vous souhaitez comprendre comment certaines idées s’installent dans le paysage médiatique et politique sans faire de bruit, ce rapport est une mine d’or. Plongez-y : vous y trouverez des faits, des noms, des méthodes et sans doute de nouvelles questions à poser.

    https://rembobine.info/atlas-reseau-voie-extreme-droite
    #think_tank

    • La méthode Atlas

      Comment fonctionne le réseau Atlas pour changer le « climat des idées », imposer ses thèmes et sa vision du monde ? Extrait de notre #rapport Le réseau Atlas, la France et l’extrême-droitisation des esprits.

      Le réseau Atlas ne se contente pas d’un soutien financier à ses partenaires (et certains n’ont d’ailleurs pas touché de bourse de la part du réseau). Il les met en relations avec d’autres financeurs. Il propose des programmes d’accompagnement et de « #consulting » pour aider ses organisations partenaires à se développer, à devenir financièrement stables et à convaincre différents publics. Il organise des séminaires, ateliers, mentorats et formations au niveau international, pour renforcer les capacités des groupes adhérents, mais aussi pour créer un sentiment de solidarité et d’appartenance à une communauté. La professionnalisation des partenaires, l’échange de bonnes pratiques et le rôle de coordination et de mise en relation joué par Atlas, sont présentés comme cruciaux pour garantir des résultats [1]. Sous la devise « coach, compete, celebrate » (« coacher, concourir, célébrer »), le réseau Atlas entend « remporter les batailles politiques à long terme qui façonneront l’histoire » grâce à des « individus qui défendent la liberté et créent des instituts crédibles » [2].

      Sur son site internet, les objectifs affichés sont séduisants : accroître la prospérité, promouvoir la liberté individuelle, supprimer les obstacles à l’épanouissement humain... Sauf qu’en réalité, le réseau regroupe une myriade d’organisations conservatrices, climato-sceptiques et au service des intérêts des plus riches. S’opposer à toute solidarité collective, aux syndicats, ou encore aux réglementations qui protègent l’environnement et la santé va à l’encontre des intérêts de la majorité, et parfois aussi, comme sur le tabac ou le réchauffement climatique, à l’encontre du consensus scientifique. Par nature, donc, le projet libertarien n’est pas populaire. Dans bien des cas, les partenaires d’Atlas s’en prennent à des sujets qui font consensus dans la société. Leur mission est de trouver les moyens, malgré cela, de convaincre les décideurs et l’opinion du bien-fondé de leurs positions. Charles Koch l’aurait expliqué à des bénéficiaires de subventions en ces termes : « Puisque nous sommes largement minoritaires, si nous n’utilisons pas notre supériorité technique c’est l’échec garanti [3]. »

      Chambre d’écho et fenêtre d’Overton

      En quoi consiste donc cette « supériorité technique » ? Plusieurs méthodes sont mises en œuvre, testées et enseignées par le réseau et ses membres. Atlas valorise la diversité des stratégies, tant qu’elles sont dirigées vers les mêmes objectifs [4]. Certains privilégieront le lobbying direct, par des rendez-vous avec les décideurs ou des notes à leur intention. D’autres cibleront des influenceurs, ou un public plus large. Il s’agira dans certains cas d’influencer un processus politique précis, dans d’autres de changer les perceptions à un niveau plus général. Certains membres d’Atlas, enfin, se consacrent à identifier des « talents » et futurs leaders qui pourront ensuite diffuser leurs idées dans les médias ou des institutions politiques. Toutes ces stratégies sont complémentaires. Selon les termes de Brad Lips, « une chorale, après tout, aura toujours plus de voix qu’un soliste ». La multiplication des structures qui portent un message similaire va contribuer à créer une « chambre d’écho » pouvant donner l’impression qu’un grand nombre de personnes soutient une mesure, alors même qu’il s’agit d’un petit groupe lié au réseau libertarien. On retrouve cette diversité de rôles dans la nébuleuse libertarienne en France.

      Dans cette « chorale », une grande partie des membres produisent des analyses et rapports visant des cibles politiques ou médiatiques. Celles ci vont servir à alimenter le débat public sur un sujet, focaliser l’attention sur un thème, semer le doute sur un enjeu scientifique, et souvent repousser les limites de ce qui est acceptable dans l’opinion. C’est le principe de la « #fenêtre_d’Overton », conceptualisé par #Joseph_Overton, lequel travaillait pour un partenaire du réseau Atlas, le think tank #Mackinak_Centre. Par exemple, donner une voix aux climato-sceptiques qui contredisent le GIEC, contribue à déplacer la fenêtre du débat public hors du consensus scientifique, pour introduire la possibilité de l’inaction climatique.

      Expertise biaisée et messages simplistes

      Comme tous les think tanks financés par de grandes entreprises [5], le réseau Atlas et ses membres restent très discrets sur leurs liens avec les milieux d’affaire et préfèrent se présenter comme neutres, indépendants et apolitiques, alors qu’ils mènent une activité d’influence intense pour changer le climat des idées et remporter des batailles politiques de long terme. Leurs rapports et analyses seront souvent produits et diffusés par des « experts » qui passent d’une organisation Atlas à une autre – avec parfois un détour par des entreprises – et qui dans bien des cas n’ont pas de qualification dans le domaine concerné. Par exemple, sur les questions liées au tabagisme et la cigarette électronique, #Jeff_Stier est l’un des experts du #Consumer_Choice_Center aux États-Unis. Il est également recommandé par le #Heartland_Institute [6], et contribue aussi aux travaux de la #Federalist_Society [7]. Stier est juriste et n’a aucune qualification en matière de santé publique. Il participe régulièrement aux forums mondiaux sur le tabac et la nicotine organisés par #Tobacco_Reporter, le média des industriels du tabac [8].

      Au Canada, #Stephen_Buffalo, chercheur à l’#Institut_MacDonald-Laurier (membre d’Atlas), est aussi PDG de l’#Indian_Resource_Council basé en Alberta. Le think tank met en avant le fait qu’il est une personnalité issue des Premières Nations. Mais il ne précise pas que, selon les informations obtenues par DeSmog, on entreprise a reçu 200 000 dollars de la société pétrolière et gazière #CNRL entre 2020 et 2022 [9], puis 250 000 dollars supplémentaires depuis 2022 [10]. Buffalo est intervenu dans les médias pour critiquer le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre du secteur, en faisant écho à un rapport sur le sujet publié par l’Institut économique de Montréal, autre partenaire Atlas au Canada. Il s’est également insurgé contre une proposition de loi proposant d’interdire les publicités trompeuses sur les énergies fossiles au Canada.

      Pour influencer l’opinion, la présence dans les médias est bien entendu essentielle. La biographie de Stier insiste sur ce point, en le présentant comme « largement cité dans les médias et [ayant] écrit des articles d’opinion sur la politique de santé pour le Wall Street Journal, le Los Angeles Times, USA Today, le New York Post, le Washington Examiner, Foxnews.com et National Review Online. Le New York Times, l’Associated Press, Reuters, CNN, Fox News, CNBC, MSNBC, NPR et d’autres grands médias ont interviewé et cité M. Stier sur un large éventail de sujets » [11].

      Dans la perspective de créer une « chambre d’écho », la production de vidéos destinées à devenir virales est une autre tactique prônée par le réseau, qui décerne tous les ans un prix, le Lights, Camera, Liberty Film Festival Award, pour récompenser le film qui aura eu le plus d’impact « en touchant des publics importants et stratégiques, avec un message ou une narration efficace et des techniques de production et d’édition performantes » [12].

      Enfin, l’utilisation des réseaux sociaux est devenue très importante, pour faire monter un hashtag avec peu de soutiens, ou diffuser massivement des informations biaisées voire carrément fausses. L’objectif est de faire le buzz, et qu’il s’agisse d’attirer l’attention des journalistes ou des internautes, cela peut passer par la diffusion de messages simplistes, mais percutants. Plusieurs organisations vont ainsi relayer des posts sur le « jour de libération fiscale » (voir plus loin) ou encore un classement des « nanny states » (« États nounous » ou « États moralisateurs ») qui vise à dénoncer les pays qui entravent la liberté individuelle de ses citoyens en s’immisçant dans leurs choix de vie (consommation d’alcool, de tabac...). Porté en France par l’institut Molinari, il donne une apparence d’analyse objective avec un message redoutablement simple et efficace destiné à être facilement repris dans les médias et sur les réseaux sociaux. Critiquer ces indicateurs et leurs biais est un exercice plus technique, moins adapté à une communication rapide et percutante.

      Au nom des consommateurs et des contribuables

      Une autre méthode de prédilection d’Atlas et de ses membres est l’ « astroturfing », c’est-à-dire le fait de simuler un mouvement « de base » spontané, pour cacher la défense des intérêts des riches et des industriels derrière une apparence de soutien populaire. Exemple récent de ce type de pratique : la manière dont Free Trade Europa (FTA), membre bruxellois d’Atlas, prétend représenter les intérêts de travailleurs des plateformes (Uber, Deliveroo...) alors qu’il s’agit d’un think tank dirigé par un pro du lobbying européen, qui a plus de lien avec les grandes entreprises qu’avec leurs petites mains [13]. Autre organisation fondée sur le même modèle, le Consumer Choice Center (CCC), également membre du réseau, défend davantage les intérêts des entreprises qui le financent que ceux des consommateurs qu’il affirme représenter. La plateforme « Génération sans tabac » l’a épinglé pour avoir mis sur pied en 2020 la World Vapers’ Alliance (WVA) ou « alliance mondiale des vapoteurs », alors que le CCC est financé par plusieurs multinationales du tabac, dont Philip Morris et British Tobacco. Pour cette campagne, la WVA a été très active sur les réseaux sociaux, mais elle a également imaginé un « bus de la vape » qui a sillonné plusieurs pays d’Europe pour inciter les passants à écrire à leur député pour défendre le vapotage [14]. Le message passe d’autant mieux qu’il est relayé au même moment par d’autres types d’acteurs eux aussi membres d’Atlas, sous l’angle de la critique de l’interventionnisme des « États nounous ».

      La myriade de partenaires d’Atlas qui s’intitulent « associations de contribuables » est une autre illustration des pratiques d’astroturfing du réseau. Alors qu’elles s’affichent comme des groupes représentant le contribuable ordinaire, écrasé d’impôts, les fondateurs et directeurs de ces organisations sont souvent proches des milieux politiques et/ou des entreprises. Au Royaume Uni, la TaxPayer’s Alliance a été fondée par Matthew Elliott, lobbyiste qui avait déjà été administrateur d’un think tank financé par l’industrie du tabac. Il a aussi été membre et cofondateur du groupe politique des Amis conservateurs de la Russie et a travaillé pour la campagne en faveur du Brexit, tandis que sa femme est la présidente de Republicans Overseas U.K., la principale organisation soutenant Trump en Grande-Bretagne [15]. En Australie, le conseil consultatif de la TaxPayer’s Alliance nationale est composé du PDG de l’entreprise Kennard et d’un consultant financier, ancien du Crédit Suisse à Sydney et à Hong Kong. Des profils qui semblent assez éloignés des « millions d’Australiens qui mènent tranquillement leur vie et paient leurs impôts » que l’association affirme représenter. De fait, cette « association de contribuables » s’est surtout mobilisée pour défendre le libre-échange, le vapotage ou le nucléaire [16].

      Pour se réclamer d’un soutien populaire massif, plusieurs organisations du réseau Atlas recourent à des techniques de marketing direct et des pétitions racoleuses, jouant sur les inquiétudes réelles de la population. Le réseau Atlas leur permet de mutualiser les outils et les méthodes les plus efficaces dans ce domaine (voir l’article à propos de Contribuables associés en France).

      Avec ces stratégies, le réseau Atlas attend de ses membres des résultats. Il faut avoir des succès à célébrer. Le directeur Brad Lips le rappelle souvent : les bailleurs ne veulent pas que des productions, mais aussi des effets tangibles, des victoires politiques. Ceci étant dit, faire basculer l’opinion est un travail de longue haleine et le réseau s’inscrit en même temps dans une stratégie de long terme : « De nombreux partenaires du réseau Atlas se sont concentrés sur des activités éducatives axées sur le développement des talents, afin que les jeunes exposés aujourd’hui au libéralisme classique puissent occuper des postes d’autorité dans une ou deux décennies. Cela exige de la patience et de la persévérance [17]. » Des groupes comme le réseau Students for Liberty, l’organisme de formation Leadership Institute ou la Federalist Society vont ainsi former une armée de porte-paroles et de futurs leaders destinés à occuper des postes dans les médias, le gouvernement, l’administration, la Cour Suprême aux États-Unis... Après plus de quarante ans d’expérience, le réseau peut se vanter « de merveilleux exemples où la stratégie à long terme s’est avérée tout à fait pertinente » [18].

      https://multinationales.org/fr/enquetes/le-reseau-atlas-la-france-et-l-extreme-droitisation-des-esprits/la-methode-atlas
      #influence

  • Perrier : quand l’Etat modifie un rapport préoccupant sur la qualité sanitaire de l’eau, influencé par le groupe Nestlé | France Inter
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-info-de-france-inter/l-info-de-france-inter-6675858?at_campaign=Bluesky&at_medium=Social_medi

    Mais le groupe Nestlé ne se décourage pas. Il se tourne alors vers le gouvernement, plus précisément vers le cabinet de #Roland_Lescure, alors ministre de l’Industrie, qui sollicite dans la foulée celui d’#Agnès_Firmin_Le_Bodo, ministre déléguée à la Santé. Un conseiller de cette dernière appelle alors le directeur de l’Agence régionale de santé d’Occitanie, #Didier_Jaffre, avant d’adresser un message à sa hiérarchie, dans lequel il suggère de donner le moins d’informations possibles : “je suis d’avis de ne pas trop faire sortir d’informations sur ce sujet”. Car l’Etat a, tout comme Nestlé, intérêt à garder la pollution des forages secrète. Le gouvernement a appris qu’une enquête de Radio France et du Monde était en cours. Dans un mail daté du 30 novembre 2023, que la cellule investigation de Radio France s’est procuré, le ministère de l’industrie alerte celui de la santé : “Ces derniers jours, plusieurs agents de la DGCCRF [Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes] ont été approchés par un consortium de #journalistes (Marie DUPIN - Radio France ; Stéphane FOUCART - Le Monde). Les journalistes ont également approché les procureurs en charge de ces affaires. Ils disposent déjà de beaucoup d’informations”. Pour le conseiller du ministère de la #santé, l’Etat a tout intérêt à satisfaire aux demandes de Nestlé d’édulcorer le rapport, pour garder l’information confidentielle : “le risque serait qu’on nous reproche d’avoir autorisé pendant 3 ans l’exploitation en eau minérale naturelle de ces forages alors qu’il y avait une contamination circonscrite par des traitements non réglementaires (…). L’Etat pourrait être accusé de cautionner sans rien faire

    [...]

    Dans des échanges mails complémentaires, auxquels la cellule investigation de Radio France a eu accès, ce même jour, le 4 décembre 2023, Guillaume Dubois, responsable de l’ARS du #Gard, écrit lui aussi à Jérôme Bonet : “Bonjour Monsieur le Préfet, comme suite à notre entretien téléphonique de vendredi, et compte tenu des échanges qui ont eu lieu ce week-end entre le directeur général de l’ARS [Didier Jaffre] et Nestlé Waters France, je vous informe qu’un accord a été trouvé sur le contenu rédactionnel du rapport Coderst que vous trouverez ci-joint. Celui-ci convient au groupe Nestlé Waters”. Plus bas dans le corps du mail, Guillaume Dubois évoque “2 épisodes de contamination ayant entrainé une demande de destruction de la production” de bouteilles Perrier. Le responsable de l’#ARS semble s’inquiéter car rien ne prouve selon lui que les lots ont bien été détruits : “à part un engagement de #Nestlé_Waters, je n’ai pas retrouvé d’éléments factuels sur les destructions des lots concernés”. Au sein de l’Agence régionale de santé, la situation fait clairement grincer des dents certains fonctionnaires, en charge du contrôle de la qualité des eaux minérales naturelles. L’un d’entre eux s’émeut, dans un courriel adressé le 4 décembre 2023 à la directrice de la santé publique de l’ARS Occitanie, expliquant que le rapport final destiné au #Coderst “ne correspond plus aux éléments rapportés dans le dossier, et à la synthèse que je rapportais. Dans ce cas, je souhaite retirer ma signature du #rapport”.

    [....]

    Un rapport “modifié sous la dictée de #Nestlé”, selon le sénateur Alexandre Ouizille

    “Pression de l’entreprise, porosité du cabinet ministériel, faiblesse de la direction de cabinets, absence de résistance de l’#Etat local” : les sénateurs n’ont pas de mots assez durs dans leur rapport pour qualifier l’attitude de l’Etat dans ce nouvel épisode. “Nous connaissions le lobbying intense et la logique transactionnelle dans laquelle Nestlé Waters est parvenu à entraîner une partie de l’État. Nous découvrons ici que l’industriel est devenu le censeur et même le co-auteur d’un rapport d’une autorité régionale de santé, estime le rapporteur en charge de la commission d’enquête, Alexandre Ouizille. Le fonctionnaire instructeur refuse ce caviardage et retire sa signature mais le rapport est quand même modifié sous la dictée de Nestlé. Nous sommes là face à des faits d’une particulière gravité qui appellent inspection et sanction”.

    Aujourd’hui encore, “Nestlé Waters n’est toujours pas en conformité avec la règlementation”, confirme le rapport d’enquête du Sénat, tandis que des informations continuent d’être dissimulées au grand public. Ainsi, il y a quelques jours, Radio France révélait le contenu d’arrêtés préfectoraux concernant l’usine Vittel dans les Vosges. Ces derniers n’ont toujours pas été publiés au registre des actes administratifs. “Nous avons demandé communication de droit de plusieurs arrêtés dans le dossier Nestlé Waters, mais ils nous sont toujours refusés, et à plusieurs reprises le Coderst [Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques] des Vosges n’a pas été tenu au courant de modifications majeures au sein de l’usine de Vittel”, s’émeut auprès de la cellule investigation de Radio France Jean François Fleck, de l’association Vosges Nature Environnement.

    Les arrêtés récents concernant l’usine des Vosges, restés confidentiels à ce jour, sont pourtant particulièrement instructifs. On y apprend notamment que les filtres encore en place dans les usines (0,2 micron), ne suppriment que 70 à 90% des bactéries, et ne garantissent donc pas la qualité sanitaire de l’eau. On y découvre également que la préfecture des Vosges, tout en demandant à Nestlé de retirer ses filtres à 0,2 micron, l’autorise dans le même temps à avoir recours à des filtres à 0,45 micron, c’est-à-dire des procédés de nettoyage de l’eau dont le seuil est, encore une fois, inférieur à la norme officielle de l’Anses.

    Une eau qui reste polluée

    Ces atermoiements autour des seuils de filtration peuvent paraître bien techniques, mais, pour le groupe Nestlé, ils ont un intérêt majeur. En effet, en focalisant depuis des mois les débats et la conversation publique sur cette question, la multinationale détourne le regard du principal problème : la pollution des eaux qu’elle exploite, incompatible avec la réglementation sur les eaux minérales naturelle. Sur ce point, le rapport de la commission d’enquête est catégorique : c’est la “pureté originelle” de l’eau, c’est-à-dire l’absence de pollution, qui fait qu’une eau peut bénéficier de ce label, et c’est aussi cette pureté qui garantit la sécurité sanitaire des consommateurs. Or, sur le site de Vergèze, l’ensemble des puits a perdu cette pureté originelle. Ainsi, le directeur de l’ARS, Didier Jaffre, celui-là même qui en 2023 acceptait d’édulcorer un rapport de ses propres agents, a récemment rendu un avis sanitaire négatif à la préfecture pour la production d’eau minérale naturelle, après avis d’hydrogéologues agréés par le ministère de la santé.

  • Le #décrochage_scolaire : un #coût humain et social sous-estimé

    #Apprentis_d’Auteuil alerte sur le coût du décrochage scolaire pour les #jeunes et pour la société. Ce 19 mai, la fondation publie un rapport sur les jeunes qui quittent l’école sans diplôme ni qualification, et sur le coût que représente le décrochage scolaire pour toute la société. Ce rapport montre combien il est urgent de redonner le goût d’apprendre à ces jeunes dans leur intérêt et celui de la collectivité. Exemple au collège Nouvelle Chance d’Apprentis d’Auteuil au Mans.

    Aujourd’hui, en France, plus de 75 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification. Ces décrocheurs accèdent difficilement à l’emploi, sont plus touchés par le #chômage que les autres jeunes et risquent l’#exclusion. À ce drame humain s’ajoute un surcoût pour la société : accompagner un décrocheur coûte cher à la collectivité.
    Selon les chiffres de l’Éducation nationale, le décrochage scolaire a décru : en 2023, 7,6% des 18-24 ans étaient en dehors du système scolaire contre 11% en 2006. « Trop de jeunes décrochent encore ! constate Jean-Baptiste de Chatillon, directeur général d’Apprentis d’Auteuil. Et les plus vulnérables sont les premiers concernés. Nous refusons de nous y habituer car il existe des solutions. »

    Les plus vulnérables ? Des garçons et des filles en difficulté scolaire, qui ne trouvent pas de sens à l’école, peinent à acquérir les fondamentaux, sont mal orientés, freinés par une santé mentale fragile, victimes de harcèlement scolaire, etc.
    Ces adolescents vivent souvent des difficultés socio-économiques au sein d’un environnement marqué par la précarité ou le chômage. Les difficultés peuvent également être d’ordre familial (ruptures, événement particulier, problèmes d’acculturation, de langue, lien famille-école distendu) ou personnel (liées à la santé, à la mésentente avec les enseignants, à la quête de l’argent facile...)

    « Tous ces facteurs ont des conséquences sur le jeune, sa santé mentale et physique, son comportement en classe, ses résultats scolaires, sa motivation, sa projection dans l’avenir, souligne Julien Pautot, chef de projet au Pôle prévention du décrochage scolaire à Apprentis d’Auteuil. Les difficultés scolaires résultent de difficultés plus larges. Raison pour laquelle les décrocheurs ont besoin d’être accompagnés et suivis individuellement pour retrouver, avant toute chose, confiance en soi et estime de soi. »

    L’innovation du #collège_Nouvelle_Chance au Mans

    En proposant un #accompagnement_renforcé et des #pédagogies_innovantes en matière de #prévention et de #remédiation, Apprentis d’Auteuil démontre que le décrochage scolaire n’est pas une fatalité.
    Au Mans, par exemple, le collège Nouvelle Chance ouvert en 2014, accueille des élèves âgés de 13 à 16 ans qui n’ont plus le goût d’aller à l’école, sont déscolarisés ou en cours de #déscolarisation. Il leur propose, en plus d’un parcours scolaire personnalisé établi en concertation avec le jeune, sa famille et une équipe pédagogique et éducative pluridisciplinaire, un apprentissage de la vie en société et de la #citoyenneté.

    « L’objectif du collège Nouvelle Chance est de révéler le meilleur de chaque jeune, de faire germer et grandir en lui ses capacités, ses compétences, ses talents et ses envies, résume Emmanuelle Barsot, directrice. Pour que chacun reprenne confiance en soi mais aussi dans l’institution scolaire et s’autorise à rêver. Bien souvent, ce sont des jeunes extraordinaires qui ont une histoire de vie compliquée. À nous de changer notre regard sur eux, de leur faire confiance et de leur donner les moyens de s’épanouir et de réussir. Un simple « Tu vois, tu y arrives » peut changer beaucoup de choses. »

    Depuis le mois de janvier, Shelly, 15 ans, vient tous les jours au collège Nouvelle Chance. Une grande victoire pour elle après plus de trois mois de déscolarisation, et une énorme satisfaction pour les enseignants chaque jour à ses côtés. « En 5e, je ne pouvais plus aller au collège, se souvient-elle. J’avais peur de l’école, j’en vomissais. Je ne voulais pas que ma mère me voie dans cet état. Tout cela à cause d’élèves qui ne faisaient pas attention à ce qu’ils disaient. J’en ai parlé à beaucoup d’adultes, mais rien n’a changé. Un jour, j’ai dit à l’ancien directeur : "Je ne peux pas rester là. Sinon, je risque de faire une grosse bêtise." Il a appelé ma mère et nous a proposé le collège Nouvelle Chance. Ici, je n’ai plus peur. »

    Un parcours scolaire personnalisé

    Faire différemment pour ces jeunes loin de l’école, tel est le leitmotiv du collège Nouvelle Chance, qui accueille 30 élèves décrocheurs ou exclus d’établissements scolaires de la Sarthe. Pour chacun, un projet personnalisé et attractif destiné à le raccrocher aux apprentissages. « À un moment de l’année scolaire, les collèges des jeunes se trouvent un peu démunis. Ils ont tout tenté pour les raccrocher à l’école, en vain, explique Emmanuelle Barsot. En nous confiant ces adolescents pour un an, exceptionnellement deux, ils espèrent leur donner une nouvelle chance. »

    Dans des classes à petits effectifs de 6 à 8 élèves, les jeunes suivent des cours de trois-quarts d’heure (avec pauses de quinze minutes) le matin. À leurs côtés, deux enseignants dont l’un fait cours et l’autre apporte des compléments d’information. Au déjeuner, jeunes et adultes se retrouvent à la même table pour un temps d’échange informel. L’après-midi, en compagnie de professeurs et d’éducateurs, les collégiens participent à des activités susceptibles de les aider dans leur orientation scolaire ou professionnelle. Des projets artistiques ou sportifs individuels ou collectifs, des rencontres intergénérationnelles, des stages, des découvertes métiers leur sont proposés. Des emplois du temps à la carte sont même créés pour les jeunes qui ont décroché depuis plusieurs mois voire années.

    « L’essentiel est que les décrocheurs viennent de plus en plus souvent au collège Nouvelle Chance et retrouvent le goût et l’envie d’apprendre et de progresser via un projet personnalisé, conclut Emmanuelle Barsot. Et ce, en lien étroit avec les familles. Aucun décrocheur n’est livré avec un mode d’emploi. Chacun a sa façon de fonctionner. À nous de lui faire confiance et de l’aider au mieux. Tous en valent vraiment la peine ! »

    https://www.apprentis-auteuil.org/actualites/plaidoyer/le-decrochage-scolaire-un-cout-humain-et-social-sous-estime
    #France #rapport #école #éducation #statistiques #chiffres

  • New report predicts surge in unexplained migrant worker deaths in Saudi Arabia

    A FairSquare report published today has found that there is a critical absence of effective policies and processes to determine the cause of migrant worker deaths in Saudi Arabia, and concluded that the surge of construction associated with projects such as NEOM and the 2034 men’s World Cup will in all likelihood lead to thousands of unexplained deaths of low-paid foreign workers in the country.

    A separate, independent investigation by Human Rights Watch, also released today, found that Saudi authorities have failed to adequately protect workers from preventable deaths, investigate workplace safety incidents, and ensure timely and adequate compensation for families.

    “Hundreds of thousands of young men, many of whom have young families, are being pitched into a labour system that poses a serious risk to their lives, a medical system that doesn’t have the capacity to determine the cause of their deaths, and a political system that doesn’t appear to either protect them or find out how they died, let alone compensate the families shattered by Saudi Arabia’s negligence,” said FairSquare co-director James Lynch.

    “While FIFA praises Saudi Arabia to the rafters and highly-paid western law firms generate vast profits for curating Saudi’s reputation, children in places like Nepal grow up without their fathers and never even learn how they died.”

    Underlying Causes: unexplained migrant worker deaths in Saudi Arabia is based on medical and government documentation relating to the deaths of 17 Nepali men in Saudi Arabia in 2023 and 2024 and a comprehensive examination of government data and peer-reviewed articles that address serious shortcoming in both occupational health and safety and medico-legal investigations in Saudi Arabia. The report also documents the emotional and economic impact of the deaths on the men’s families, most of whom received no meaningful information on how their loved ones died, and none of whom received any compensation from Saudi Arabia.

    We have loans. We have taken loans from the village money lenders. We have 1 million rupees [$7250] that we took to pay for my medical bills. I don’t have to say more. I just need help.” 22-year old widow of Surya Nath

    The 17 men whose deaths are investigated in the report were aged between 23 and 57 and all worked in low-paid labour-intensive sectors of the economy. Five died in workplace accidents, and 12 died from diseases or conditions. In cases of five deaths resulting from workplace accidents, families received no information to suggest that investigations had taken place, despite varying amounts of circumstantial evidence indicating that employer negligence may have been a factor. The families of 8 of the 12 men whose deaths did not result from workplace accidents had no medical documentation and no information on the specific cause of their family member’s death.

    “They are forcing me to give my small house to them if I can’t pay the money back. Three or four moneylenders are pressuring me to give them my house. Whom should I give it to? If I can’t pay it soon, I’ll be homeless.” Father of 28-year-old construction worker Arbind Kumar Sah, killed by a vehicle that struck him while he was working. His death certificate states incorrectly that he was killed in a fall.

    The case of 39-year old Badri Bhujel sheds light on the serious failings in Saudi Arabia’s systems to certify deaths. Bhujel worked as a machine operator for Samsung C&T, a contractor constructing nearly 30km of tunnels for the proposed city of NEOM, in the north west of Saudi Arabia. According to a hospital-issued death certificate seen by FairSquare, the cause of Bhujel’s death on 11 April 2024 was “alveolar and parietoalveolar conditions”, and it also notes that Bhujel had been diagnosed with pulmonary tuberculosis two days prior to his death. This diagnosis is consistent with accounts given by Bhujel’s colleagues, who told FairSquare that five days before his death Bhujel suddenly vomited large amounts of blood while at work and was taken to hospital by ambulance. However, the death certificate issued by the Ministry of Interior states only that Bhujel died from a “natural death” and includes none of the information reported by the doctors who treated Bhujel.

    According to peer-reviewed medical research, “respiratory diseases are frequent in tunnel workers” and result from “a variety of exposures, including total and silica dust, diesel exhaust fumes and nitrogen dioxide.” FairSquare wrote to Samsung C&T on 20 March 2025 to inquire if they had initiated any investigation into the circumstances of Badri Bhujel’s death, but at the time of publication they have not responded.

    The report found numerous structural and systemic problems in the manner in which Saudi Arabia’s medico-legal system investigates deaths and almost complete lack of transparency over the numbers and causes of non-Saudi deaths:

    - Saudi Arabia’s government ministries provide no information that allows for meaningful analysis of the numbers and circumstances of deaths.

    – Death certification documents issued by the Ministry of Interior in cases of deaths of non-Saudi Arabian nationals often do not reflect information contained on medical death certificates and appear to state the cause of death in all non-violent deaths as “natural death”.

    - A 2019 study by a Saudi pathologist examined all death certificates from a Riyadh hospital between 1997 and 2016 and found that in 100% of cases the cause of death was “either incorrect or absent” and that in 75% of cases there was no cause of death at all.

    – A 2022 peer-reviewed academic paper by five physicians from King Saud University, described how ”the medical environment [in Saudi Arabia] is generally opposed to autopsy” and found that “there is no system for medical autopsies and no training program that trains pathologists to do medical autopsy.”

    “It’s very difficult for me now. We don’t have a person to earn money now. How can I feed my children? They all are small” Widow of Sitaram Das, who left behind five children all under 15.

    https://www.youtube.com/watch?v=Z-IZa32q5kE

    https://fairsq.org/saudi-arabia-migrant-deaths
    #travailleurs_étrangers #Arabie_Saoudite #exploitation #migrations #décès #rapport #mourir_au_travail

  • Un rapport identifie les freins au développement du #vélo en #France

    Six mois après la mort d’un cycliste à Paris, écrasé intentionnellement par un conducteur de SUV, le #rapport commandé par le ministère des transports fait quarante propositions pour améliorer la #cohabitation entre les différents types d’usagers de la route.

    Commandé au lendemain de la mort de Paul Varry, ce cycliste écrasé délibérément par un conducteur de SUV en plein Paris, le rapport d’Emmanuel Barbe, ancien délégué interministériel à la sécurité routière, publié lundi 28 avril, devait faire des propositions pour un meilleur « #partage_de_la_route ».

    Alors que les nouvelles mobilités (vélos, trottinettes…) se sont fortement développées ces dernières années, venant concurrencer l’espace de la #voiture en #ville, le rapport fait une quarantaine de propositions pour rendre cette cohabitation moins conflictuelle. Et pour continuer d’encourager ces pratiques écologiques et bonnes pour la santé.

    De marginale, la pratique du vélo s’est généralisée dans les grandes villes, avec un nouveau cap franchi à la suite de l’émergence du covid, relève le rapport. En France, 25 % des personnes interrogées se déclarent cyclistes réguliers (elles pratiquent au moins une fois par semaine) et 32 % cyclistes occasionnels. De 15 000 kilomètres en 2010, le réseau des pistes cyclables en France est passé à 57 000 en 2022. Une densification particulièrement visible dans les grandes métropoles : à Lyon, le trafic vélo a été multiplié par six depuis vingt ans. À Paris, le volume de pistes cyclables est passé de 4,3 kilomètres en 1995 à plus de 1 000 kilomètres en 2021.

    Encouragé par un #plan_vélo en 2017 et par une #loi_d’orientation_des_mobilités (LOM) deux ans plus tard, cet essor n’empêche pas la France d’accuser malgré tout un retard certain par rapport à la moyenne de l’Union européenne (UE), puisque la part modale du vélo est de 3 %, contre 8 % à l’échelle européenne.

    Alors que « 53 % des déplacements domicile-travail effectués en voiture sont inférieurs à deux kilomètres », le potentiel de développement de ces mobilités alternatives reste énorme.

    La #dangerosité perçue de ce moyen de transport demeure un #frein important. Les cyclistes représentent 7 % des 3 190 personnes décédées dans un accident de la circulation en 2024. Les victimes sont majoritairement des hommes, plutôt âgés et hors agglomération.

    Les associations auditionnées par le rapporteur décrivent une augmentation des « #violences_motorisées » à l’égard des cyclistes, qui résultent selon elles d’un « cadre qui tolère encore trop souvent des comportements agressifs, menaçants ou dangereux au quotidien sur les routes ». Des réactions qui « sont aussi le fruit de décennies d’aménagements routiers dangereux, dont la conception influence directement la #sécurité et les comportements des usagers ».

    Le poids des #représentations

    Le rapport préconise que ces #violences soient désormais intégrées dans l’enquête dite de « #victimation », du service statistique ministériel de sécurité intérieure (SSMSI).

    Le texte souligne néanmoins que les #tensions sont généralisées dans le partage de la #voirie puisque les piétons, eux, concentrent leurs récriminations sur les cyclistes plus encore que sur les automobilistes.

    L’un des intérêts du rapport est de revenir sur la dimension culturelle très forte de ces conflits d’usage. Ainsi, le fait de « percevoir le véhicule comme une extension de sa personne (“je suis garé là”) » explique la réaction agressive engendrée par la perception d’une #menace contre son véhicule. On y apprend aussi le « lien entre le nombre de #stickers ou de marqueurs identifiant le #territoire_d’origine sur la voiture et la probabilité de la survenue d’un épisode de “#rage de la route” ».

    Avec un #imaginaire automobile construit autour des notions de « #liberté_individuelle, de #puissance, d’#émancipation », nourri par une imagerie publicitaire présentant un conducteur ou une conductrice seule dans un paysage bucolique, le #partage_de_la_route avec les cyclistes est naturellement vécu comme une #entrave.

    Le rapport propose sur ce point que le ministère des transports saisisse l’Autorité de régulation des professionnels de la #publicité (ARPP), afin que les publicités pour les voitures correspondent plus à la réalité de la présence de différents types d’usagers de la route.

    Le rapport n’élude pas non plus la dimension classiste et genrée qui se joue dans l’opposition entre #cyclistes et #automobilistes.

    L’#agressivité de certains automobilistes contre les cyclistes « bobos » des villes n’est pas sans fondements sociologiques. « Cette vision du #conflit_des_mobilités comme une “#lutte_des_classes larvée” remonte aux années 2000. Elle reflète, en la caricaturant, une dynamique réelle : le retour du vélo dans les grandes villes à partir des années 1990 s’est en effet traduit par une “inversion des pratiques entre cols-bleus et blancs” (en Île-de-France, les cadres sont passés de 1 % des usagers du vélo en 1976 à 22 % en 2010) », pointe le rapport.

    Ainsi, « la fréquence d’utilisation du vélo tend à augmenter avec le revenu mensuel du foyer, le recours à l’automobile pour les déplacements domicile-travail est beaucoup plus présent chez les ouvriers qualifiés que chez les cadres », ces derniers habitant toujours plus en centre-ville qu’en périphérie.

    Les biais de genre sont aussi très importants, avec des #hommes responsables de 83 % des accidents mortels sur la route en 2023. Mais des hommes qui continuent de toujours mieux réussir l’épreuve du permis de conduire, les femmes étant pénalisées par leur plus grande « aversion au risque ». Le rapport émet une série de recommandations pour que le permis de conduire intègre plus les questions de cohabitation sur la route, mais valorise également les comportements prudents.

    Un cadre légal inégalement respecté

    Le sentiment très largement partagé que les cyclistes s’affranchissent du respect du Code de la route (feux rouges grillés, rue prise à contresens, etc.) sans être verbalisés accroît aussi le ressentiment des automobilistes, admet le rapporteur au terme de ses six mois d’auditions. Pour y remédier, le rapport prône un renforcement des contrôles des cyclistes mais également des #amendes minorées, puisque la dangerosité pour les tiers de ces #infractions est assez faible.

    Enfin, le manque d’#infrastructures sécurisées est bien identifié comme un frein essentiel au développement du vélo. À cet égard, le rapport préconise de remettre les crédits supprimés au plan vélo – 2 milliards initialement prévus sur la période 2023-2027 –, qui avait montré de réels résultats depuis son lancement : « 14 000 kilomètres de pistes cyclables ont été construits entre 2017 et 2023 (+ 40 %) et leur fréquentation a augmenté de 57 % sur la même période. »

    Cette saignée budgétaire (20 % des sommes prévues initialement ont été débloquées en 2025) devrait selon le rapport avoir peu d’impact sur les grandes métropoles, mais « ralentira voire mettra un terme au développement d’#infrastructures_cyclables en milieu périurbain et rural, là où le financement de l’État constitue à la fois une légitimation politique et un effet de levier décisif ».

    Le rapporteur insiste aussi sur le fait que l’État ne s’est jamais beaucoup attaché à faire respecter les obligations légales de création d’#itinéraires_cyclables en vigueur depuis 1998. « Jusqu’à présent, c’est la volonté politique des exécutifs locaux qui a prévalu sur l’obligation légale. La situation contrastée des deux plus grandes villes universitaires du Grand Est que sont Strasbourg et Nancy, visitées durant cette mission, en est l’illustration : la première dispose d’une infrastructure cyclable omniprésente quand la seconde ne commence réellement à la développer que depuis 2021 », décrit-il. Le rapporteur demande donc que les villes en infraction soient plus systématiquement sanctionnées.

    Pour créer un environnement plus favorable au vélo, le rapport préconise de créer des « #zones_30 » dans chaque agglomération tant la limitation de la #vitesse en ville a prouvé son efficacité en matière de réduction des accidents, mais aussi du #bruit et de la #pollution en ville.

    Dans un communiqué, le ministère des transports a indiqué qu’il étudierait « attentivement les mesures proposées » et qu’un travail interministériel allait être lancé pour « définir les modalités de leur mise en œuvre ».

    https://www.mediapart.fr/journal/france/290425/un-rapport-identifie-les-freins-au-developpement-du-velo-en-france
    #mobilité #mobilité_douce #statistiques #chiffres #publicité #genre #classe_sociale

  • Les militants et les migrants font face à une hausse des criminalisations, selon un rapport

    Dans un rapport (https://picum.org/wp-content/uploads/2025/04/Criminalisation-of-migration-and-solidarity-in-the-EU-2024-report.pdf) publié mardi, l’ONG belge PICUM documente l’augmentation constante de la criminalisation des migrants et des personnes venant en aide aux exilés en Europe. Dans un contexte de durcissement de la législation européenne, les migrants sont désormais poursuivis pour l’acte même de migrer illégalement mais aussi de plus en plus pour des accusations de trafic d’êtres humains.

    Selon un rapport de l’ONG belge PICUM (Plateforme pour la coopération internationale sur les sans-papiers) qui promeut le respect des droits de l’Homme des sans-papiers en Europe, les cas de criminalisation des migrants et des militants venant au secours des exilés sont en nette et constante hausse ces dernières années.

    « C’est la quatrième année consécutive que nous observons une augmentation des niveaux de criminalisation des migrants et des personnes qui les aident. Et ce que nous pouvons observer n’est que la partie émergée de l’iceberg » affirme Silvia Carta, chargée de plaidoyer à PICUM et auteure de l’étude.

    Car cette tendance inquiétante, qui n’est pas nouvelle, reste très probablement sous-estimée faute de données statistiques et officielles, mais aussi de nombreux cas non rapportés ou non répertoriés dans les médias.
    Accusés d’être des passeurs

    Avec la nouvelle législation européenne plus répressive, actuellement en discussion, c’est l’acte même de migrer qui est condamné.

    D’après les chiffres recensés par l’ONG en 2024, au moins 91 migrants en Italie, en Grèce et en Espagne ont été incriminés pour facilitation de la migration irrégulière, de contrebande et d’autres chefs d’accusation. Et 84% d’entre elles étaient poursuivies pour franchissement irrégulier des frontières. Des accusations accolées à des circonstances aggravantes, telles que l’appartenance à une organisation criminelle, peuvent encore alourdir les peines.

    De plus en plus, les exilés sont donc accusés d’être des passeurs et poursuivis pénalement pour trafic d’être humains. Certains sont suspectés d’avoir conduit un véhicule ou dirigé un bateau pour passer une frontière ou encore soupçonnées d’avoir aidé à gérer les passagers à bord. En Italie et en Grèce, plusieurs survivants de naufrages ont ainsi été poursuivis en tant que passeurs.

    En réalité, selon les ONG, le plus souvent le migrant n’est qu’un simple passager qui aide à la distribution de nourriture et d’eau, en assistant les blessés, ou encore en utilisant son téléphone par exemple. Des témoignages rapportent également une contrainte par la menace armée pour prendre les commandes d’un navire ou d’un véhicule.
    Criminalisation de la solidarité envers les migrants

    En parallèle, au moins 142 militants ont été poursuivis en 2024 pour avoir aidé des migrants en Europe, s’est aussi indignée l’ONG de protection des sans-papiers. Selon le décompte de Picum, l’année dernière, plus de 80 personnes ont été poursuivies pour avoir secouru ou aidé des migrants en mer et une vingtaine pour leur avoir fourni de l’eau, de la nourriture ou des vêtements.

    Ces situations ont surtout eu lieu en Grèce, en Italie, Pologne et en France mais d’autres cas ont été relevés en Bulgarie, Lettonie, à Chypre et Malte.

    Cinq personnes, par exemple, ayant apporté une aide humanitaire à la frontière Pologne/Biélorusse risquent jusqu’à cinq ans de prison. L’ONG mentionne aussi le cas de sept militants basques accusés d’avoir profité du passage d’une course pour faire franchir la frontière entre l’Espagne et la France à 36 migrants en mars 2024. Ils devraient être jugés début octobre de cette année.

    « La criminalisation de la solidarité avec les migrants est profondément liée à la criminalisation de la migration elle-même. Il ne s’agit pas de deux questions distinctes, mais d’un continuum de politiques migratoires restrictives qui rendent le franchissement des frontières dangereux et créent un environnement hostile à l’encontre de ceux qui sont considérés comme étant entrés de manière irrégulière », a déclaré Silvia Carta.

    Note d’espoir toutefois pour les humanitaires : les tentatives pour décourager les ONG et défenseurs des droits des migrants de leur porter secours se traduisent majoritairement par des acquittements ou un abandon des charges. En 2024, les procédures judiciaires ont pris fin pour 43 des 142 personnes incriminées.
    280 ans de prison

    Reste que le Pacte sur la migration et l’asile, une vaste réforme qui durcit le contrôle de l’immigration en Europe et devrait entrer en fonction en 2026, pourrait encore élargir les motifs de criminalisation des migrants mais aussi de l’aide humanitaire.

    Picum alerte depuis plusieurs années sur la criminalisation des sans-papiers. En 2023, 117 militants avant déjà été incriminés dans l’Union européenne : 88 l’ont été pour avoir secouru ou aidé des migrants en détresse en mer. D’autres pour avoir distribué de l’eau, de la nourriture ou des vêtements, tandis que certains ont été poursuivis pour leur participation à des protestations et des manifestations.

    En Grèce, un pêcheur égyptien et son fils de 15 ans avaient été accusés de contrebande car le père pilotait le bateau de migrants. En réalité, il avait accepté ce rôle à contrecœur pour ne pas avoir à payer leur voyage. Il a été condamné à 280 ans de prison et son fils doit désormais répondre pour les mêmes accusations devant un tribunal pour mineurs.

    Après 10 ans de procédures judiciaires, une femme, incriminée en 2014 pour avoir acheté des billets de train à des réfugiés syriens en Sicile (Italie) a finalement été acquittée.

    Cependant, la lenteur des procédures (en moyenne trois ans) n’est pas sans conséquence sur les finances, la santé psychologique et la vie personnelle des mis en cause.

    Déposé fin mars, un projet de rapport dirigé par l’eurodéputée socialiste allemande Birgit Sippel, doit être discuté au Parlement européen. Il exempterait l’aide humanitaire de la criminalisation ce qui permettrait de clarifier cet aspect.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64216/les-militants-et-les-migrants-font-face-a-une-hausse-des-criminalisati
    #migrations #réfugiés #criminalisation #criminalisation_de_la_migration #criminalisation_de_la_solidarité #Europe #rapport #PICUM #passeurs #chiffres #statistiques

    ping @6donie @karine4

  • Le #Défenseur_des_droits décrit des pratiques policières « d’#éviction » de personnes considérées comme « #indésirables » à #Paris

    Un #rapport publié ce mercredi par le Défenseur des droits dévoile les pratiques de contrôles policiers et de #multiverbalisation à Paris envers certaines catégories de la population. Décrites comme une « politique institutionnelle », ces stratégies viseraient à évincer ces personnes de l’#espace_public parisien.

    En analysant des #contrôles_d’identité policiers et #amendes à répétition, une étude publiée ce mercredi 9 avril par le Défenseur des droits décrit « une #politique_institutionnelle » destinée à évincer de l’espace public parisien des personnes considérées comme « indésirables », soit des jeunes racisés issus de milieux populaires.

    « Le contrôle d’identité et l’#amende_forfaitaire sont fréquemment présentés comme des outils relativement anodins de lutte contre la délinquance », relève ce rapport commandé au centre de recherche sur les inégalités sociales de Sciences-Po.

    « Or, les logiques qui ont accompagné leur mise en place et les lois qui les régissent montrent qu’ils ont en réalité des finalités multiples, favorisant leur usage à des fins d’éviction », sur la base de « l’#âge, le #genre, #assignation_ethno-raciale et #précarité_économique ».

    Les personnes ciblées exposées au « #harcèlement_policier »

    L’étude se base d’abord sur l’analyse d’une enquête menée par l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) après une plainte pour violences et discriminations mettant en cause des policiers du 12e arrondissement de Paris.

    Ce dossier montre comment, entre 2013 et 2015, « les policiers ont sélectionné, parmi les options fournies par le logiciel de la police nationale, “Perturbateurs - indésirables” comme motif d’intervention », et ce de manière « quasi quotidienne ».

    Or, « ni le terme “éviction” ni celui d’“indésirables” n’existent dans le Code de Procédure pénale, et la loi interdit la #discrimination sur la base de l’origine ou de la situation économique », souligne l’étude.

    Ces pratiques exposent les personnes ciblées « à des situations de harcèlement policier, renforcent leur exclusion sociale et économique et alimentent leur défiance envers les institutions étatiques ».

    Le rapport décrypte également « la pratique de la multiverbalisation » en région parisienne sur la base d’une quarantaine d’entretiens réalisés avec des jeunes multiverbalisés entre janvier 2019 et juin 2024 et qui vivent majoritairement intra-muros.

    Les jeunes ciblés « 140 fois plus verbalisés » lors du Covid

    Les amendes concernent des faits constatés aussi bien de jour qu’en soirée, et visent des tapages diurnes, des crachats ou des abandons d’ordures.

    Elles peuvent être conséquentes. C’est le cas d’Amadou, 19 ans, verbalisé plus d’une centaine de fois entre 2018 et 2023, et dont les dettes frôlent les 32 000 euros, gonflées par la majoration d’amendes non réglées.

    Le rapport souligne aussi les amendes « Covid », et note que « ces jeunes ont en moyenne été 140 fois plus verbalisés pour des #infractions liées à la pandémie de #Covid que le reste de la population d’Ile-de-France ».

    Les municipalités « encouragent » et « légitiment ces pratiques au nom de la protection de la tranquillité des “riverains”, catégorie dont elles excluent de fait les jeunes ciblés », poursuit l’étude qui rappelle qu’en 2023 le Conseil d’Etat a reconnu « l’existence de contrôles d’identité discriminatoires qui ne peuvent être réduits à des cas isolés ».

    https://www.nouvelobs.com/societe/20250409.OBS102530/le-defenseur-des-droits-decrit-des-pratiques-policieres-d-eviction-de-per
    #France
    ping @karine4

  • « #Permis_de_tuer » : l’#ONU admoneste la #France pour la troisième fois

    Deux propositions de loi ont été déposées, des syndicats de policiers s’élèvent contre le cadre légal flou, et en 2024, un nombre record de personnes a été tué par les balles policières. Mais ce jeudi, devant les experts du #Comité_contre_la_torture de l’ONU, la France a continué de faire la sourde oreille.

    C’est la troisième fois qu’un organe des Nations unies interpelle la France sur la loi « Cazeneuve », adoptée en 2017. Le #rapport final du Comité contre la torture (CAT) est encore attendu pour le 1er mai prochain. Mais, lors de l’examen de la France hier et aujourd’hui, les propos des experts sont exempts de toute ambiguïté. L’un d’entre eux, Jorge Contesse a estimé que « la France est devenue depuis quelques années le pays de l’Union européenne où il y a le plus grand nombre de personnes tuées ou ou blessées par des agents de la force publique ». Soulignant que les images de l’#homicide policier de Nahel Merzouk en juin 2023 ont fait « le tour du Monde », l’expert a précisé que la loi de 2017 « semble étendre le champ de la #légitime_défense au-delà du raisonnable », et rappelé que « depuis cette loi (…) le nombre de personnes tuées par la police a été multiplié par cinq ».

    Ce jeudi, la France a répondu avec aplomb, par la voix de la patronne adjointe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) : « Nous ne tombons pas du tout sur les mêmes chiffres ». Évoquant de possibles « problèmes de méthodologie », Lucille Rolland a montré une parfaite #mauvaise_foi, opposant des chiffres sur les tirs aux chiffres sur les morts par des tirs, qui sont pourtant des réalités bien différentes. L’expert avait approché le sujet de manière sérieuse. Citant le cas emblématique de #Luis_Bico, tué par la police en 2017, Jorge Contesse a demandé les mesures « d’ordre législatif, administratif ou judiciaire » prises par la France depuis la mission parlementaire conclue en mai 2024. L’expert est entré dans les détails, demandant à la France « s’il y a eu notamment des instructions de la police nationale » ou « si cela est prévu », insistant sur la notion d’« #immédiateté », insuffisamment précisée depuis la loi de 2017. La France est demeurée ambiguë sur ce point, et n’a pas répondu sur d’éventuelles évolutions du cadre légal.

    Au moins 29 morts en 2024

    Pourtant, la hausse récente du nombre de #morts_par_balle constitue un signal net que le cadre légal demeure trop imprécis. Dans son dernier rapport, l’#IGPN se félicitait du « très net retrait » du nombre de personnes tuées par balles par la police en 2023. En effet, en incluant les #tirs_mortels des #gendarmes et des #polices_municipales, le nombre total de personnes tuées par balle était de 12 cette année-là, soit moins de la moitié par rapport à 2022 (26 personnes tuées). Mais cette tendance n’a été que très passagère. 2024 constitue un nouveau et bien lamentable record : 29 personnes au moins ont été tuées par les balles de la #police_nationale, de la #gendarmerie et des polices municipales (ces dernières ont tué deux personnes en 2024). Il faudra attendre pendant de longs mois la publication des chiffres de l’IGPN et de l’IGGN pour compléter et analyser ces #données provisoires, probablement non exhaustives (voir méthodo ci-dessous). Cependant, deux tendances s’affirment d’ores et déjà : on compte au moins sept personnes tuées par la police ou la gendarmerie en #Kanaky, et de très nombreuses personnes tuées alors qu’elles tenaient à la main une arme blanche.

    Pendant quatre mois, de fin juillet à fin novembre 2023, aucun tir policier mortel ne fut à déplorer. Une accalmie rarissime : il faut remonter à l’année 2019 pour retrouver une période de 3 mois et demi sans homicide policier par balles. Comment expliquer ce répit, et la baisse notable du nombre de personnes tuées en 2023 ? Dans son dernier rapport, l’IGPN impute « l’origine directe de cette tendance » à celle des tirs sur les véhicules en mouvement. À notre connaissance, une année entière a en effet séparé l’homicide de #Nahel_Merzouk d’un nouvel homicide par balle suite à un refus d’obtempérer (celui de #Sulivan_Sauvey, en juin 2024, dans la Manche). Les révoltes d’une partie de la jeunesse à l’été 2023 auraient-elle eu une influence ? Consigne interne de modération aurait-elle été donnée ? A moins que la mise en examen de policiers (au moins 12 depuis le vote de la loi de 2017, d’après notre décompte) ait eu un effet dissuasif ?

    Les #syndicats_de_police s’en mêlent

    L’admonestation onusienne s’ajoute à celles du Comité des droits de l’Homme en octobre dernier, et du #Comité_pour_l’élimination_des_discriminations_raciales (CERD) suite à la mort de Nahel. Le #CERD « demande instamment à la France à revoir son #cadre_législatif régissant l’utilisation de la #force_létale » et se dit « préoccupé par la pratique persistante du #profilage_racial combinée à l’usage excessif de la force ». Aux côtés du Syndicat des avocats de France, de Stop aux violences d’État et de la famille de Luis Bico, Flagrant déni a notamment rappelé, dans une note aux Nations unies, que les personnes racisées ont au moins six fois plus de risques d’être tués par la police. Au total, pas moins de cinq organisations de la société civile ont alerté les experts des Nations unies sur la loi de 2017 dans le cadre de l’examen de la France.

    Ces dernières semaines, deux propositions de réforme ou d’abrogation de la loi « Cazeneuve » ont été déposées à l’Assemblée nationale, par le PS et LFI. Et en mars dernier, de nouvelles voix se sont élevées contre ce texte : celles de syndicats policiers, suite aux réquisitions du parquet dans l’affaire de l’homicide de Nahel Merzouk. Les termes sont forts : « On ne peut pas travailler comme cela, on a besoin d’un #cadre_légal clair, net et précis. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas », affirme le représentant de la CFTC. Si « la loi n’est pas adaptée » se questionne Un1té, c’est « le vrai fond du sujet […], et dans ces cas-là […] nous aussi on attend de notre administration et du législateur de prévoir, de nous dire comment on doit travailler ». Contre l’avis de ses agents, l’Intérieur, lui, continue de refuser de voir le problème.

    Méthodo

    Les données statistiques citées sont issues du comptage de Basta.media jusqu’à 2022, puis d’une revue de presse, consolidée par les informations publiées dans les rapports d’activités 2023 de l’IGPN et de l’IGGN. Les données jusqu’à 2023 sont donc complètes et fiables. Les données de 2024 sont issues d’une revue de presse mais sont incomplètes car les données officielles ne sont pas connues.

    https://blogs.mediapart.fr/flagrant-deni/blog/190425/permis-de-tuer-l-onu-admoneste-la-france-pour-la-troisieme-fois
    #violences_policières #loi_Cazeneuve #décès #chiffres #statistiques

  • Il ne suffit pas de vouloir une #écologie_antiraciste : le #zéro_déchet, la #colonialité et moi

    On parle souvent des #écologies_décoloniales. On voit moins les #écologies_coloniales interroger leur propre colonialité. C’est ce qu’on va faire ici, en étudiant la colonialité dans le zéro déchet et les écologies de la #sobriété.

    #Colonial n’est pas un compliment. Et si j’étais du mauvais côté ? Si mon #écologie était une de ces écologies coloniales qui s’ignorent ? Plus j’y pense plus c’est crédible, plus je creuse plus ça devient évident. Dans ce billet, je tente de conscientiser la dimension coloniale du #zero_waste et des écologies similaires.

    Pour ça je vais dérouler les implicites du « point de vue zéro déchet » et montrer ce qu’ils ont de problématique. L’idée est de partir du #zéro_gaspillage et d’arriver à la #décolonialité. J’essaie de baliser un parcours qui aide mes camarades écologistes à voir en quoi iels sont concerné⋅es par la #critique_décoloniale, de tracer un chemin que d’autres pourraient emprunter, sans forcément connaître cette pensée en amont.

    Je pars du zéro #gaspillage parce que c’est là où je suis, ce que je connais le mieux, mais la colonialité que je découvre concerne l’écologie de façon beaucoup plus large.

    Des écueils et une méthode

    Mais il y a des écueils. En tant qu’européen blanc issu d’une famille de colons1 je suis mal placé pour comprendre les questions de colonialité et de #racisme. Bénéficier d’avantages dans un système de pouvoir produit de l’#ignorance chez les dominant·es, une incapacité à reconnaître des choses évidentes du point de vue des dominé⋅es2.

    À supposer que je surmonte cet obstacle, je ne suis toujours pas légitime. En abordant ces sujets, je risque d’invisibiliser la voix de personnes plus compétentes que moi et sur qui s’appuie ma réflexion. Même si j’identifie des limites réelles à l’approche zéro gaspillage, je ne suis pas expert en #décolonialité.

    Alors pourquoi parler du sujet ? D’abord parce qu’on n’avancera jamais si j’attends de me sentir à l’aise pour discuter de racisme et de colonialité. Mon écologie est d’une #blanchité aveuglante : étudier sa colonialité est une façon d’adresser une partie du problème. Ensuite, parce que je ne prétends pas produire un discours scientifique ou exhaustif. Je présente un témoignage, un parcours de conscientisation personnel, limité et imparfait.

    Dans les paragraphes qui suivent, j’aborde un à un des aspects du zéro déchet. Pour chaque aspect j’émets une critique, puis je la rattache à une facette de la colonialité. C’est cette dernière qui donne une unité aux défauts présentés ici.

    Un « nous » d’humanité générale

    Préserver « nos #ressources », changer « nos modes de productions », réduire « nos #déchets » : les discours zero waste utilisent régulièrement le possessif « #nos ». Ce n’est pas un usage fréquent, mais il n’est pas anecdotique. On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à « ne pas faire de nos ressources des déchets3 » (je souligne).

    Mais qui est derrière ces possessifs ? À quel « #nous » renvoient ces expressions ? Je ne crois pas qu’ils ciblent un groupe limité de personnes physiques, des gens qu’on pourrait compter. C’est un « nous » général, qui désigne un ensemble plus abstrait. Selon moi, il englobe toute l’humanité.

    Puisque le zéro déchet pense à l’échelle mondiale, qu’il s’intéresse à l’#intérêt_commun et est anthropocentré, son horizon semble bien être celui de l’#humanité. J’en fais l’expérience dans mes propres textes, quand j’écris « nos besoins », « notre situation » ou « notre planète » dans les articles précédents.

    Un point de vue de nulle part

    Mais les écologistes qui tiennent ces discours en France ne représentent pas toute l’humanité. Ils et elles sont situées sur toute une série de plans : social, économique, géographique… Avec ce « nous », iels endossent un point de vue désitué et désincarné, qui ne correspond à personne. Ce faisant, iels invisibilisent leur propre situation d’énonciation concrète et oublient son impact sur leurs façons d’agir et leur rapport au monde.

    Dans un mouvement inverse, iels invisibilisent la pluralité des voix et la diversité des points de vue au sein des groupes humains. En prétendant que leur voix est universelle, capable d’exprimer celle de « l’humanité », ces écologistes minorent la place des #désaccords, des #conflits et des #hiérarchies entre êtres humains.

    Ce double mouvement n’est possible que pour des personnes habituées à être légitimes, écoutées, à bénéficier d’avantages au sein d’un #système_de_pouvoir. Elles ne perçoivent pas ce que leur position a de singulier et ne s’étonnent pas que leur voix puisse énoncer des normes valables partout. Cette attitude semble correspondre à une facette de la colonialité, qui véhicule un #universalisme, voire un #universalisme_blanc.

    L’illusion d’une #humanité_unie

    Tout se passe comme si l’appartenance à la même espèce créait un lien fort entre les humains, que de ce simple fait, chaque membre de l’espèce avait des intérêts communs ou convergents. De quoi toutes et tous « nous » réunir dans même groupe : l’humanité.

    Les êtres humains auraient collectivement un intérêt commun à maintenir un climat stable et biodiversité abondante. Chacun⋅e aurait une bonne raison, même indirecte ou lointaine, d’agir dans ce sens. Par exemple, si je ne veux pas souffrir d’une chaleur mortelle lors de canicules intenses et fréquentes. Ou si j’ai peur que des guerres pour les ressources en eau, en terres fertiles, en ressources énergétiques ou en métaux adviennent sur mon territoire.

    Mais est-ce vraiment ce qu’on constate ? Partout les #intérêts_divergent, y compris dans des petits groupes. Qui a vraiment les mêmes intérêts que sa famille, ses ami⋅es ou ses collègues ? Plus le collectif est large, moins on trouve d’unité, d’uniformité et d’intérêts partagés. Les liens qu’on y découvre sont faibles, indirects et peu structurants. Chercher des #intérêts_convergents et significatifs à l’échelle de l’humanité semble largement illusoire.

    D’autant que certains ne sont même pas d’accord sur les limites de ce groupe. Qui compte comme un être humain ? Quand certains déshumanisent leurs ennemis en prétendant qu’iels sont des vermines. Que leur génocide n’en est pas un, puisqu’iels ne sont même pas « humains ». Qu’on peut en faire des esclaves, les dominer et les tuer « comme des animaux », puisqu’iels ne sont ne sont pas comme « nous ».

    Une faiblesse militante

    Pour la géographe #Rachele_Borghi, croire que nous somme toustes « dans le même bateau » est un des symptômes de la colonialité (Décolonialité & privilège, p. 110). Et c’est bien de ça qu’il s’agit : les écologies de la sobriété semblent croire que nous partageons la même situation critique, toustes embarqués dans un seul bateau-planète.

    Cette vision explique en partie l’insistance du zéro gaspillage sur la #non-violence et la #coopération. Le mouvement pousse à voir ce qui rapproche les personnes, ce qu’elles ont à gagner en collaborant. Il regarde l’intérêt général, celui qui bénéficie à « tout le monde », sans considération de #race, de #classe, de #genre, et ainsi de suite. Il passe un peu vite ce que chaque groupe a à perdre. Il ignore trop facilement les inimitiés profondes, les conflits irréconciliables et les #rapports_de_force qui traversent les groupes humains.

    Cette attitude constitue une véritable faiblesse militante. Faute d’identifier les tensions et les rapports de force, on risque d’être démuni lorsqu’ils s’imposent face à nous. On est moins capable de les exploiter, de savoir en jouer pour faire avancer ses objectifs. Au contraire, on risque de les subir, en se demandant sincèrement pourquoi les parties prenantes refusent de coopérer.

    Le spectre de l’#accaparement_des_ressources

    Plus profondément, un tel point de vue active un risque d’accaparement des #ressources. Si on pense parler au nom de l’humanité et qu’on croît que tous les êtres humains ont objectivement des intérêts convergents, il n’y a plus de conflits sur les ressources. Où qu’elles soient sur Terre, les #ressources_naturelles sont « nos » ressources, elles « nous » appartiennent collectivement.

    En pensant un objet aussi large que « l’humanité », on évacue la possibilité de conflits de #propriété ou d’#usage sur les ressources naturelles. L’humanité est comme seule face à la planète : ses divisions internes n’ont plus de pertinence. Pour assurer sa survie, l’humanité pioche librement dans les ressources naturelles, qui sont au fond un patrimoine commun, quelque chose qui appartient à tout le monde.

    Dans cette perspective, je peux dire depuis la France que j’ai des droits4 sur la forêt amazonienne au Brésil, car elle produit un air que je respire et abrite d’une biodiversité dont j’ai besoin. Cette forêt n’appartient pas vraiment à celles et ceux qui vivent à proximité, qui y ont des titres de propriété, ou même à l’État brésilien. C’est un actif stratégique pour l’humanité entière, qui « nous » appartient à tous et toutes.

    Sauf que rien ne va là-dedans. À supposer qu’on ait tous et toutes des droits sur certains #biens_communs, ça ne veut pas dire qu’on ait des droits équivalents. La forêt amazonienne m’est peut-être utile, dans un grand calcul mondial très abstrait, mais ce que j’en tire est infime comparé à ce qu’elle apporte à une personne qui vit sur place, à son contact direct et régulier.

    Les ressources naturelles sont ancrées dans des territoires, elles font partie d’écosystèmes qui incluent les humains qui vivent près d’elles. « Tout le monde » n’est pas aussi légitime à discuter et décider de leur avenir. N’importe qui ne peut pas dire que ce sont « ses » ressources, sans jamais avoir été en contact avec.

    Une attitude de colon

    Croire l’inverse, c’est faire preuve d’une arrogance crasse, adopter l’attitude d’un colon, qui arrivant de nulle part dit partout « Ceci est à moi » sur des terrains exploités par d’autres. Il faut une assurance démesurée, un sentiment de légitimité total, pour dire « nos ressources » en parlant de celles qui sont littéralement à autrui.

    Les écologistes qui adoptent ce point de vue ne semblent pas conscient⋅es que leur vision fait écho à des #logiques_prédatrices qui elles aussi, se sont parées de discours positifs et altruistes à leurs époques. Après la mission civilisatrice, la #mission_écologique pourrait prendre le relais. On ne viendrait plus exploiter les richesses des colonies pour l’Europe, mais protéger les ressources naturelles pour l’humanité. Un risque d’autant moins théorique qu’on a déjà évoqué les ambiguïtés et l’utilitarisme du zéro déchet.

    L’#impensé_colonial se manifeste aussi par une absence d’inversion des rôles. On pense le monde comme plein de ressources pour « nous », mais on ne pense jamais « chez soi » comme une ressource pour les autres. Quand on parle de l’épuisement des ressources en sable, on n’imagine pas renoncer aux plages françaises pour satisfaire les besoins d’autres pays qui veulent fabriquer du béton.

    Le « nous » d’humanité générale éclate en morceaux : son caractère fictif devient manifeste. Mis face à une #prédation qui touche à des ressources situées sur notre #territoire, nous, Français⋅es, cessons de considérer que tout est un #bien_commun et que nos intérêts se rejoignent avec ceux du reste du monde. Les crises du climat, de la biodiversité et de l’eau n’ont pas disparues. Mais notre approche ne permet plus d’y pallier.

    Une approche individualiste et dépolitisante

    Un autre défaut de l’approche zéro gaspillage est son aspect individualiste. Le zero waste veut prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, mais sa méthode d’action consiste à ne pas consulter les personnes. On s’informe sur ce qui leur arrive, sur leurs conditions de vie et de travail, mais on n’entre pas en contact avec elles. On veut agir pour ces personnes, mais sans devoir leur parler.

    Je vois trois dimensions à cette attitude. D’abord, une telle discussion est matériellement impossible : il y a trop de parties prenantes dans la production mondiale. L’ambition de toutes les prendre en considération est vouée à l’échec. Ensuite, une écologie qui imagine prendre en compte l’intérêt de toute l’humanité n’a pas besoin de parler aux autres. Elle croit pouvoir se projeter dans leurs situations et connaître leurs intérêts. Enfin, un certain mépris de classe n’est pas à exclure. On n’a pas envie de parler à celles et ceux qu’on estime inférieur⋅es : les fréquenter rend visible la #domination et les #injustices dont on profite.

    Depuis ma situation individuelle, je tente d’agir pour les autres, mais sans construire de liens explicites, de relations bidirectionnelles. C’est tout l’inverse d’une approche collective et politique. Certes, la matière et le cycle de vie des objets créent un lien invisible entre les personnes, mais il en faut plus pour créer des solidarités concrètes – pas juste des relations économiques entre clients et fournisseurs.

    Alors que le zéro gaspillage est un projet politique, dont le concept central est intrinsèquement politique, j’ai l’impression qu’il a du mal à dépasser une approche individuelle, à construire de l’#action_collective et des #solidarités. Il reste en ça prisonnier d’une époque néolibérale où les modèles mentaux partent de l’individu, parfois y restent, et souvent y retournent.

    Un risque de #paternalisme

    L’approche zéro gaspillage comporte aussi un risque de paternalisme (https://plato.stanford.edu/entries/paternalism). Si on définit l’intérêt d’autrui sans échanger avec lui, sans écouter sa voix et ses revendications explicites, on va décider seul de ce qui est bon pour lui, de ce qui correspond à ses besoins. On va considérer comme dans son intérêt » des choix que la personne rejetterait, et rejeter des choix qu’elle jugerait positifs pour elle. C’est précisément ce qu’on appelle du paternalisme : agir « dans l’intérêt » d’une personne, contre la volonté explicite de cette personne elle-même.

    Pensez aux travailleurs et travailleuses de la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie au Ghana (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agbogbloshie), qui sont interviewés dans le documentaire Welcom to Sodom (https://www.welcome-to-sodom.com). Iels expliquent que travailler là est là meilleure situation qu’iels ont trouvé, que c’est pire ailleurs : pas sûr qu’iels soient enthousiastes à l’idée d’une réduction globale des déchets. Certes, leur environnement serait moins pollué, leur santé moins en danger, etc. mais leur source de revenu disparaîtrait. Une écologie qui minore les désaccords, la diversité des points de vue et les conflits possibles montre encore une fois ses limites.

    Ce risque de paternalisme rejoint la question de la colonialité. Les Européens et les Européennes ont une longue tradition de hiérarchisation des races, qui met les blancs en haut et les personnes colonisées non-blanches en bas. Les personnes qu’on envahit, domine et tue sont présentées comme incapables de savoir ce qui est bon pour elles. Mais le colonisateur « sait ». Il est prêt à « se sacrifier » pour l’intérêt de ces peuples, qui « ne lui rendent pourtant pas ». Un tel point de vue s’exprime notoirement dans le poème raciste et colonialiste de l’écrivain Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc).

    Mais n’est-ce pas quelque chose de similaire qu’on entend, quand j’écris dans l’article précédent (https://blog.whoz.me/zerowaste/le-point-de-vue-zero-dechet) que le zéro gaspillage consiste à mettre son intérêt direct en retrait, au profit de celui d’une personne plus loin dans la chaîne de production ? Le mépris s’est (peut-être) effacé, mais le discours sur le sacrifice altruiste est toujours là.

    Une position centrale qui interroge

    Avec la sobriété, les écologistes occidentaux trouvent une narration qui leur donne une place centrale, positive et active dans la lutte contre les injustices climatiques. Ce sont elles et eux qui proposent d’engager les sociétés contemporaines vers un #futur_désirable. Iels produisent des idées et expérimentent des pratiques qu’iels appellent à devenir la norme (#réemploi, #réparation, etc.). À la fois innovantes, précurseures, bienveillantes, ces personnes n’ont presque rien à se reprocher et plus de raison de se sentir coupables.

    Mais on devrait interroger une #narration qui vous donne la meilleure place, légitime vos choix et vos actions, sans jamais leur trouver d’aspects négatifs. Un tel #discours semble trop parfaitement bénéficier à celui ou celle qui s’y retrouve pour ne pas éveiller un soupçon.

    Je peine à ne pas voir dans la sobriété une sorte de version non-interventionniste du « #sauveur_blanc 5 ». Au lieu de prendre l’avion pour aller « aider » des enfants pauvres dans un pays du Sud, on « agit » à distance, par des effets indirects, incertains, et à moyen terme.

    On s’épargne l’aspect grossièrement raciste et paternaliste d’un « #tourisme_humanitaire » qui intervient sur place, perturbe les dynamiques locales, et laisse les conséquences à gérer à d’autres. Mais cet horizon d’agir de chez soi pour les dominés me semble prolonger des logiques similaires. On passe au sauveur « sans contact », qui sauve par un ruissellement de sobriété.

    On reste dans l’idée de porter secours aux « victimes » d’un système… dont on est l’un des principaux bénéficiaires. Un système construit par son pays, ses institutions, voire ses ancêtres… Et qui nous fabrique par notre éducation et nos socialisations.

    Des logiques d’#appropriation

    D’autant que les écologistes de la sobriété font preuve d’attitudes questionnables, qui tranchent avec leurs postures altruistes. Si j’ai les moyens d’acheter neuf, mais que je choisis l’occasion, je fais une excellente affaire, bien au-delà de l’intention écologique. On peut voir ça comme une façon pour un riche de récupérer des ressources peu chères, qui auraient sinon bénéficié à d’autres catégories sociales.

    En glanant Emmaüs et les #recycleries solidaires, les riches écolos s’introduisent dans des espaces qui ne leur étaient pas destinés au départ. Leur pouvoir économique peut même déstabiliser les dynamiques en place. Emmaüs s’alarme de la baisse de qualité des dons reçus, les objets de valeur étant détournés par des nouveaux #circuits_d’occasion orientés vers le profit ou la #spéculation (#Vinted, néo-friperies « #vintage », etc.).

    Par ailleurs, la façon dont les écologistes de la sobriété se réapproprient des pratiques antérieures questionne. Éviter le gaspillage, emprunter plutôt qu’acheter, composter, réparer, consigner : ces pratiques n’ont pas été inventées par le zéro déchet. L’approche zero waste leur donne surtout une nouvelle justification, une cohérence d’ensemble, et les repositionne au sein de la société.

    Des pratiques anciennement ringardes, honteuses, ou marginales deviennent soudainement à la mode, valorisées, et centrales quand des privilégié·es s’en emparent. L’histoire de ces usages est effacée, et les écolos les récupèrent comme marqueurs de leur groupe social. Une logique qui rappelle celle de l’#appropriation_culturelle, quand un groupe dominant récupère des éléments d’une culture infériorisée, les vide de leur signification initiale et en tire des bénéfices au détriment du groupe infériorisé.

    Une vision très abstraite

    Ma dernière critique porte sur le caractère très abstrait du zéro gaspillage. Les concepts centraux du mouvement présentent un fort niveau d’#abstraction. J’ai détaillé le cas du « gaspillage », mais on peut aussi évoquer les idées de « ressource » ou de « matière ».

    Une « #ressource » n’est pas vraiment une réalité concrète : le mot désigne la chose prise comme moyen d’un objectif, intégrée à un calcul utilitaire qui en fait une variable, un élément abstrait. La « #matière » elle-même relève d’une abstraction. Ce n’est pas un composé précis (de l’aluminium, de l’argile, etc.), mais la matière « en général », détachée de toutes les caractéristiques qui permettent d’identifier de quoi on parle exactement.

    Les dimensions géopolitiques, économiques et sociales liées à une « ressource » naturelle particulière, ancrée dans un territoire, sont impensées. Paradoxalement le zéro déchet insiste sur la matérialité du monde via des concepts qui mettent à distance le réel concret, la matière unique et spécifique.

    Le zéro déchet mobilise aussi ce que lea philosophe non-binaire #Timothy_Morton appelle des #hyperobjets : « l’humanité », la « planète », le « climat », les « générations futures »… Ces objets s’inscrivent dans un espace gigantesque et une temporalité qui dépasse la vie humaine. Ils sont impossibles à voir ou toucher. Quand on parle de « l’humanité » ou de « la planète », on cible des choses trop grosses pour être appréhendées par l’esprit humain. Ce sont des outils intellectuels inefficaces pour agir, qui mènent à une impasse politique.

    Cette fois-ci, le lien à la colonialité m’apparaît mois clairement. Je saisis qu’il y a un lien entre ces abstractions et la modernité intellectuelle, et que la #modernité est intimement liée à la colonisation. J’ai déjà parlé de la dimension calculatoire, optimisatrice et utilitariste du zéro déchet, mais la connexion précise avec la colonialité m’échappe6.

    Balayer devant sa porte

    Bien sûr, tout ce que je dis dans ce billet vaut aussi pour mon travail et les articles précédents. Mes critiques concernent autant le zéro déchet en général que la manière spécifique que j’ai de l’aborder. La colonialité que je reconnais dans le zero waste ne m’est pas extérieure.

    Et encore, ma position sociale et raciale font que je passe forcément à côté de certaines choses. Je sais que mes textes sont marqués de colonialité et de blanchité, par des aspects que je ne perçois pas, ou mal.

    Alors que la blanchité de l’écologie est le point de départ de ma réflexion, j’ai échoué à penser directement le lien entre suprématie blanche et sobriété. Cette réflexion sur la colonialité pourrait n’être qu’un détour, un moyen de ne pas aborder le problème, en en traitant un autre.

    Dans l’impasse

    Le système économique que le zéro gaspillage nous fait voir comme absurde a une histoire. Il est l’héritier de la colonisation du monde par l’Europe depuis le 15e siècle. Il naît d’un processus violent, d’exploitation et de #dépossession de personnes non-blanches par les européens. Son racisme n’est pas un aspect extérieur ou anecdotique.

    Une écologie qui veut sérieusement remettre en cause ce système ne peut pas être composée que de personnes blanches. Au-delà de ses « bonnes » intentions7, une #écologie_blanche est condamnée à reproduire des logiques de domination raciale et coloniale. En ne prenant pas en compte ces dominations, elle prolonge les façons de faire et de penser qui ont conduit à la crise climatique.

    Mais il ne suffit pas de vouloir une écologie décoloniale et antiraciste : il faut comprendre le problème avec l’écologie qui ne l’est pas. C’est ce j’ai tenté de faire dans cet article, malgré ma compréhension limitée de ces sujets. Le risque d’être imprécis, insuffisant, ou même erroné m’a semblé plus faible que celui ne pas en parler, ne pas ouvrir la discussion.

    Et pour qu’elle continue, je vous invite à vous intéresser à celles et ceux qui m’ont permis de recoller les morceaux du puzzle, de reconnaître un motif colonial dans le zéro gaspillage. Ils et elles ne parlent jamais de zéro déchet, rarement d’écologie, mais sans leurs apports, cet article n’existerait pas.

    En podcast

    Kiffe ta race (Rokhaya Diallo, Grace Ly)
    Le Paris noir (Kévi Donat)
    Code Noir (Vincent Hazard)
    Des Colonisations (Groupe de recherche sur les ordres coloniaux)
    Décolonial Voyage (Souroure)
    Décoloniser la ville (Chahut media)
    Isolation termique (Coordination Action Autonome Noire)
    Je ne suis pas raciste, mais (Donia Ismail)

    En livre & articles

    L’ignorance blanche (Charles W. Mills)
    Décolonialité & Privilège (Rachele Borghi)
    Amours silenciées (Christelle Murhula)
    La charge raciale (Douce Dibondo)
    La domination blanche (Solène Brun, Claire Cosquer)
    Le racisme est un problème de blancs (Reni Eddo-Lodge)
    Mécanique du privilège blanc (Estelle Depris)
    Voracisme (Nicolas Kayser-Bril)

    En vidéo

    Histoires crépues

    Notes

    Mes grands-parents et mon père naissent dans le Protectorat français de Tunisie. Ma famille quitte la Tunisie six ans après l’indépendance, lors de la crise de Bizerte. ↩︎
    J’hérite de cette idée générale de sa version spécifique proposée par Charles W. Mills dans son article L’ignorance blanche. ↩︎
    On retrouve cette idée dans Recyclage, le grand enfumage en 2020, même si la formulation de Flore Berligen (p. 15) est plus subtile. À l’inverse, cet article de 2015 reprend littéralement la formule. ↩︎
    Pas au sens de « droit » reconnu par un État ou une structure supra-nationale. C’est un droit au sens de revendication légitime, qui possède une valeur impersonnelle et qui mérite d’être prise en compte par tous et toutes, indépendamment de qui formule cette revendication. C’est un usage du mot « droit » qu’on retrouve en philosophie. ↩︎
    Toutes les personnes qui font du zéro déchet et prônent la sobriété ne sont évidemment pas blanches. Mais vu la quantité de blancs et de blanches dans le mouvement, on ne peut pas faire abstraction de cette dimension pour réfléchir à cette écologie. ↩︎
    Ma copine me souffle que le lien est simple : tout notre système intellectuel (politique, épistémologique, etc.) est produit par des colonisateurs. Il accompagne et légitime la colonisation. Même si je suis d’accord, c’est trop long à détailler à ce stade de l’article. ↩︎
    N’oubliez pas : le racisme n’est jamais une question d’intention. Ce sont les effets concrets et la domination qui constituent un acte comme raciste, pas l’intention de la personne qui le commet. ↩︎

    https://blog.whoz.me/zerowaste/il-ne-suffit-pas-de-vouloir-une-ecologie-antiraciste-le-zero-dechet-la-col
    #dépolitisation #individualisme #innovations #second_hand

  • #PFAS dans l’#eau : les sites les plus polluants de #France identifiés

    On commence à identifier les responsables : 146 sites industriels sont à l’origine de la quasi-totalité des rejets de PFAS dans l’eau, selon une étude publiée mardi 1er avril par #Générations_futures (https://www.generations-futures.fr/actualites/rejets-pfas-icpe). Au total, l’association a cartographié les 225 usines les plus émettrices.


    Ce #rapport inédit s’appuie sur l’exploitation des données collectées par les Directions régionales de l’environnement (Dreal) auprès de quelque 2 700 Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

    « Près de 1 600 établissements ayant effectué leurs analyses ont détecté des PFAS dans leurs #rejets, mais dans la plupart des cas, ce sont des rejets minimes », explique Pauline Cervan, toxicologue au sein de l’association.

    13 « super-émetteurs »

    Parmi les sites pollueurs, l’association a également identifié 13 « super-émetteurs » — notamment #Arkema près de Lyon, #Solvay dans le Gard et #Chemours dans l’Oise.

    Avec également quelques (mauvaises) surprises : à Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, l’usine pharmaceutique #Finorga a évacué jusqu’à 181,9 kilos de fluor organique en un jour vers la station de traitement.

    Les sites industriels identifiés fabriquent des #pesticides, des #médicaments, ou ont recours à des mousses anti-incendies, comme les raffineries #TotalEnergies, particulièrement polluantes.

    « La lueur d’espoir, c’est qu’il apparaît possible de mener des actions ciblées sur ce nombre restreint d’usines », estime Pauline Cervan. Générations futures demande de renforcer la surveillance de ces #polluants_éternels, de réguler les émissions, et d’appliquer le principe pollueur payeur, afin que ces industriels payent pour la #dépollution nécessaire de l’#eau_du_robinet.

    https://reporterre.net/PFAS-dans-l-eau-les-sites-les-plus-polluants-de-France-identifies
    #plastique #pollution #responsabilité #industrie #cartographie #cartographie #visualisation #eau_potable

  • Brutal Barriers: Pushbacks, violence and the violation of human rights on the Poland-Belarus border

    This report has been produced in partnership between #Oxfam and #Egala, a grassroots organization providing humanitarian aid, medical support and legal assistance to people on the move at the Poland–Belarus border. It collects extensive existing evidence, testimonies from Egala volunteers and workers on the ground, and the voices of people seeking protection, in order to document the human consequences of restrictive, illegal and inhumane policies at this border.

    https://www.oxfam.org/en/research/brutal-barriers-pushbacks-violence-and-violation-human-rights-poland-belarus-

    #Biélorussie #rapport #Pologne #migrations #réfugiés #frontières #violence #push-backs #refoulements #asile

    • Poland accused of brutality as Belarus border crackdown escalates

      The EU has poured millions into Poland’s border enforcement — even as human rights groups accuse Warsaw of illegal pushbacks.

      Polish border forces regularly force migrants back into Belarus, with reports of people being beaten, stripped of their clothes and left stranded in forests without food, shelter or medical care, according to a new report from Oxfam and Polish nongovernmental organization Egala published Tuesday.

      The report, titled “Brutal Barriers,” details widespread mistreatment at the Poland-Belarus border, including migrants being shot with rubber bullets, attacked by dogs and given water contaminated with pepper spray before being expelled.

      Egala activists recounted the testimony of a 22-year-old Syrian national who had been stripped naked and left to freeze without shoes. Another group found a pregnant woman who was bleeding and in need of medical care but had been dragged back toward the border. The report said that some pregnant women suffered miscarriages after being denied assistance.

      “Pushbacks at the Poland-Belarus border are generalized and systemic,” said Egala Advocacy Lead Aleksandra Gulińska. “We continuously come across people in the forest who have been forcibly returned to Belarus by Polish authorities.”

      Despite such allegations, the European Commission in December allocated €52 million to bolster surveillance and infrastructure along Poland’s eastern border. In announcing the decision, Commission President Ursula von der Leyen noted that Poland and other border states are on the front lines of “hybrid threats” emanating from Belarus and Russia.

      Belarus has played a central role in steering migrants toward the European Union, allegedly to destabilize the bloc, with state-controlled travel agencies offering them visas and transport. Once at the border, Belarusian security forces escort the migrants toward Polish territory while blocking their retreat.

      For those pushed back to Belarus, the situation is even more dire. The report describes conditions as “hell,” citing cases of electrocution, waterboarding and body parts being cut off by Belarusian forces. Women and girls face extreme risk of sexual violence, with reports of rape before being forced toward Poland.

      When Polish Prime Minister Donald Tusk replaced the country’s right-wing populist government in 2023, rights groups hoped his more EU-aligned stance would soften his country’s approach at the border. Instead Tusk’s government has tightened policies, reintroduced exclusion zones and approved a law allowing the temporary suspension of the right to seek asylum. Migration remains a key issue ahead of the country’s May presidential election.

      While Brussels has avoided confronting Tusk’s government over the pushbacks, it is threatening legal action over Poland’s refusal to take in asylum-seekers under the EU Migration Pact, which requires member countries either to accept a quota of asylum-seekers or to contribute to a financial solidarity mechanism. Last week the Commission warned Warsaw it could face penalties for refusing to comply.

      Until now, Warsaw has refused to budge.

      “Poland will not implement any migration pact or any provision of such projects that would lead to Poland’s forced acceptance of migrants. This is definitive,” Tusk said in February, insisting that Poland is already under heavy migration pressure from Belarus and is hosting large numbers of Ukrainian refugees.

      Rights groups warn that Poland’s actions — and the reluctance of Brussels to curtail them — are setting a dangerous precedent.

      “The EU must stop bankrolling this pushback policy and shut down any future plans that gamble with people’s lives,” said Sarah Redd, Oxfam’s Ukraine advocacy lead. “This is not about politics — it’s about what is right.”

      https://www.politico.eu/article/poland-brutality-belarus-border-migration-oxfam-egala-report

  • At the Heart of Fortress Europe II: The Politics of Fear. Austria’s Role in Border Externalisation Policies in the Balkans

    This study provides a broad mapping of Austrian-based actors, organisations, and multilateral cooperation involved in the #push-backs of people on the move. For their part, the Austrian-based actors are heavily involved in the border externalisation policies of the whole European Union.

    Austria has been active in border regime externalisations and policing in the Balkans for decades. Its actions are often implemented through different platforms, networks, and modes of cooperation that include other EU countries on bi- and multilateral levels.

    Austria’s preferred method in strengthening externalisation structures is to build strong connections with politicians in the region, in exchange for presumed assistance in the uncertain and slow-moving European integration processes, accompanied by the strengthening of the economic ties and investments in the region.

    Part II of the study shows that on the ground, police agencies are more involved in “managing” migrations than are legal experts or humanitarian organisations. This approach has led to shifting the main focus away from establishing structures that meet the needs of people on the move and basic human rights – including the right to asylum or simply the right to freedom of movement – to combating smugglers, presented as the biggest challenge for the states, borders, and migrants. In this regard, the Austrian approach mirrors the EU one.

    https://transform-network.net/publication/at-the-heart-of-fortress-europe-ii-the-politics-of-fear
    #rapport #Autriche #externalisation #migrations #réfugiés #asile #frontières #Balkans #route_des_Balkans #refoulements

  • De l’#économie_de_guerre à la #guerre_sociale

    Pour financer le projet de #réarmement européen, le pouvoir et le camp néolibéral convoquent l’économie de guerre. Mais derrière cette appellation, ils pensent à tout autre chose qu’à une mobilisation des moyens économiques pour la sécurité du pays : imposer par la ruse leur agenda d’#austérité sociale.

    L’expression est désormais dans tous les discours. Elle sature même l’espace public. Du matin au soir, responsables politiques, économistes, observateurs géopolitiques convoquent « l’économie de guerre » pour souligner la gravité du moment.

    L’appellation est si claire qu’elle ne paraît appeler ni précision ni contestation. L’humiliation publique du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, par Donald Trump et son vice-président, J. D. Vance, les doutes qui planent sur la solidité de l’alliance transatlantique alimentent un climat de peur et d’angoisse partout en Europe. Chaque État membre a compris l’urgence de se réarmer et d’affirmer la #sécurité et l’indépendance du continent. Pourtant, dans aucun pays, en dehors de la France, on ne parle d’économie de guerre. Les autres États préfèrent évoquer des plans de réarmement, de renforcement de leurs capacités militaires, de sécurité.

    Avec raison, selon un connaisseur du monde de la défense, irrité par le détournement des concepts, la « grandiloquence inutile » des débats en France : « Mais de quoi parle-t-on ? Nous ne sommes pas en guerre. Il ne s’agit pas de consacrer l’essentiel de nos ressources à la guerre comme en 1914 mais d’augmenter les #dépenses_militaires pour les porter à 3-3,5 % du PIB. Pendant toute la guerre froide jusqu’en 1994, la France a consacré 5 % de son PIB à sa défense. On ne parlait pas alors d’économie de guerre. »

    Une économie sous le contrôle de l’État

    De nombreux travaux ont été menés par des historiens et des économistes sur les économies de guerre, un sujet malheureusement très fréquent dans l’histoire. Même s’il y a eu de nombreuses évolutions dans le temps, tous relèvent des caractéristiques précises dans les économies de guerre modernes.

    Cela peut paraître une évidence, mais il faut quand même l’énoncer : une économie de guerre s’applique à un pays en guerre, comme en Ukraine actuellement. Le conflit entraîne des pénuries, des ruptures dans les approvisionnements (énergie, produits alimentaires, matières premières) qui amènent le pouvoir à mobiliser toutes ses ressources pour assurer sa défense et sa sécurité.

    « La première grande mobilisation moderne, c’est la levée en masse au moment de la Révolution. Mais l’économie de guerre au sens actuel intervient avec l’industrialisation qui amène des guerres totales », explique Cédric Mas, historien militaire*. La guerre de 1914 est l’exemple le plus souvent cité : l’ensemble des moyens humains, économiques et financiers ont été alors mobilisés pour assurer la défense du pays. Alors qu’il n’existait pas d’impôt sur le revenu en France, l’épargne française fut requise pour payer l’effort de guerre, sous la direction de l’État.

    Car à circonstances exceptionnelles, moyens et mesures exceptionnels. « La défense ne peut plus être faite en laissant le libre jeu au marché, à la concurrence », rappelle Cédric Mas. Les besoins militaires, les ruptures et les pénuries dans les approvisionnements amènent le pouvoir à prendre des mesures coercitives pour répondre aux demandes des armées et assurer la défense du pays et sa survie.

    « Dans une économie en guerre, la production et la consommation se retrouvent organisées par l’État », résume Éric Monnet, directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’École d’économie de Paris. « L’économie de guerre, c’est la subordination de l’appareil productif et des importations à l’effort militaire », complète Éric Dor, professeur d’économie à l’Ieseg School. En un mot, tout est décidé et orienté par l’État. L’économie devient totalement administrée, sous la conduite d’entités centralisées.

    Cette prise en main par l’État des moyens économiques se traduit souvent par des dispositions complémentaires drastiques comme la fin de la liberté de circulation des capitaux, le rationnement de certains produits, un contrôle des prix, voire une fixation autoritaire des prix. Ces mesures sont souvent accompagnées de taxations exceptionnelles contre les « profiteurs de guerre ».

    La seule énumération de ces mesures ne laisse aucun doute sur le sujet : ce n’est pas à ce cadre réglementaire que se réfèrent les responsables politiques et certains économistes lorsqu’ils convoquent actuellement l’économie de guerre dans leurs propos. La plus petite disposition qui marquerait les prémices d’un retour à une économie administrée leur ferait pousser des cris d’orfraie.
    Dans les pas du rapport Draghi

    Le plan de réarmement européen n’imagine d’ailleurs pas cela. Il s’inscrit, sans le dire explicitement, dans la continuité du rapport Draghi. Présenté à l’automne, celui-ci pointait la nécessité d’une reprise en main rapide des États membres, d’une relance des investissements productifs et dans la recherche, sous peine de disqualification européenne face à la Chine et aux États-Unis. Nombre de responsables européens avaient applaudi, déclarant que le rapport Draghi devait devenir la « feuille de route » de l’Union européenne (UE). Avant d’ajouter : « Mais il y a le veto allemand. »

    Le revirement stratégique du futur chancelier allemand, Friedrich Merz, appelant son pays et l’Union à devenir indépendants des États-Unis et à assumer la défense du continent a provoqué un électrochoc. Brusquement, nombre de verrous qui pesaient sur la zone euro ont sauté. Les dépenses d’investissement militaires, comme le demandait la France depuis deux décennies, pourraient ne plus être comptabilisées dans les règles du traité de Maastricht. L’utilisation de fonds européens pourrait être rendue possible.

    Surtout, l’Allemagne se dit prête à abandonner sa politique économique restrictive et à lancer un vaste plan de relance d’investissements dans la défense et les infrastructures stratégiques. Un changement attendu depuis quinze ans, mais qui reste conditionné à l’adoption d’une réforme constitutionnelle brisant les règles d’airain sur le déficit budgétaire.

    Saisissant ce moment unique, la Commission européenne pousse les feux. Même si les chiffres annoncés sont loin des efforts préconisés par le rapport Draghi, ils s’inscrivent dans cet esprit. Ils entérinent un effort massif d’investissement pour la défense et les infrastructures stratégiques. Le rapport prévoit aussi un recours massif à l’épargne privée européenne, censée poser les fondements d’une union de l’épargne et des capitaux. Un succédané de l’Union bancaire que Mario Draghi et les responsables européens appellent de leur vœu.
    Les leçons du plan Biden

    « Tel qu’il est présenté à ce stade, il pourrait s’apparenter à un vaste plan de relance industriel européen à partir de la défense », analyse Éric Monnet. Alors que les économies européennes sont en stagnation depuis une décennie, que le continent est menacé de déclassement industriel, l’idée de saisir l’urgence du moment et d’utiliser les dépenses militaires considérées comme un puissant levier de recherche, d’innovation et de soutien industriel, pour assurer à la fois la sécurité du continent et remettre l’économie européenne sur les rails, fait sens.

    Est-ce un des objectifs poursuivis par l’UE ? Beaucoup de flou, d’incertitudes, d’ambiguïtés demeurent. Au point que certains redoutent que, passé les déclarations martiales, celles-ci n’aboutissent qu’« à des paroles verbales », et qu’une fois de plus l’Europe ne soit pas au rendez-vous.

    Car au-delà des annonces, un cadre précis doit être dressé. En matière de défense, c’est la commande publique qui donne normalement l’impulsion. Mais qui décidera, l’UE, les États ou les industriels ? L’Union européenne est-elle prête à mettre entre parenthèses son principe de « libre concurrence » pour donner une préférence européenne, voire nationale dans certains cas ? En un mot, y aura-t-il une organisation, une planification pour mener ce projet de réarmement européen ?

    Les réponses à ces questions sont essentielles pour la suite. Car les leçons du vaste plan de réindustrialisation lancé par Joe Biden au travers de plusieurs programmes (Inflation reduction Act, Chips Act, Renewable energy and efficency Act) doivent être tirées. Malgré les centaines de milliards de dollars apportés par le Trésor américain, les retombées ont été jugées insuffisantes par les Américains. L’échec relatif de ce plan a participé à la réélection de Donald Trump.

    Pour l’économiste James Galbraith, la déception du plan Biden découle d’une faute originelle : le refus d’intervention étatique. À la différence du New Deal lancé par Roosevelt, Joe Biden a refusé d’engager le pouvoir étatique et les ressources publiques pour définir, arrêter, contrôler les productions et les techniques nécessaires, préférant s’en remettre aux entreprises privées pour faire ces arbitrages. Or celles-ci décident des productions, des technologies à mettre en œuvre en fonction de leurs intérêts, du profit et du pouvoir qu’elles peuvent en escompter, pas en fonction de l’intérêt général.

    Le plan européen risque d’être confronté aux mêmes ambiguïtés, faute d’éclaircissements. À cela s’ajoute une autre inconnue, de taille : l’appareil industriel européen est-il en capacité de répondre aux besoins de défense européens ? Face à l’urgence invoquée, les milliards que l’UE entend demander à l’épargne privée européenne ne vont-ils pas se transformer en achats massifs d’équipements américains ou autres, avec de faibles retombées pour le continent ?
    L’agenda inchangé du néolibéralisme

    Alors que l’Europe pourrait s’engager dans une transformation existentielle, on attendrait des échanges sérieux, des éclaircissements approfondis. Des débats ont commencé dans d’autres pays sur les buts et les modalités de ce projet. En France, rien de tel.

    La nécessité d’augmenter les dépenses militaires que les gouvernements successifs ont négligées pendant plus de vingt ans ne fait pas débat. La question de savoir comment mobiliser de nouvelles ressources dans un contexte de délabrement budgétaire et d’endettement massif après huit années de macronisme mérite, elle, d’être analysée, discutée, arbitrée. Et ne peut se satisfaire de réponses simplistes.

    Mais pour le pouvoir, tout se résume pour l’instant à un seul slogan : l’économie de guerre. La peur et l’urgence étant censées éteindre toutes les réflexions.

    « Il est difficile de parler d’austérité, de réforme. Tout cela ne passe plus auprès de la population. Mais le logiciel néolibéral reste inchangé. Comme au moment du covid, ils mobilisent le champ lexical militaire pour faire passer des mesures qui ne passeraient pas autrement », relève Cédric Mas.

    Au nom de la défense de la nation face à l’impérialisme russe, le camp néolibéral est reparti sans attendre en campagne. « Augmenter le temps de travail, restreindre l’accès à l’assurance-chômage, partir en retraite plus tard, simplifier radicalement la vie des entreprises, libérer l’innovation sont désormais des impératifs sécuritaires », s’est empressé d’écrire l’économiste Nicolas Bouzou, régulièrement rémunéré par les entreprises du CAC 40 pour publier des études « positives ».

    Depuis, c’est le concours Lépine des propositions de réformes, plus brutales et régressives les unes que les autres. Tout y passe : l’âge et le financement de la retraite, la énième réforme de l’assurance-chômage, le temps de travail, les services publics, l’environnement... Le tout sur fond de déréglementation absolue, de suppression des normes, des règles, des lois qui brident l’énergie, qui entravent la liberté du capital. C’est-à-dire l’inverse d’une économie de guerre.

    Par ruse, ce qui est présenté comme un impératif de sécurité face à la montée des tensions géopolitiques avec la Russie et aux incertitudes américaines se transforme en une guerre sociale. Ce qui pourrait devenir un plan de relance militaire et industriel européen se décline à nouveau sous forme d’austérité et de régression, pour le seul profit du capital.
    L’indispensable adhésion

    Sans aucune prise de distance, Emmanuel Macron a repris cet agenda, le même qu’il décline depuis huit ans. Tout en appelant à la mobilisation et à l’unité, il a tenu à souligner d’emblée que les augmentations de dépenses militaires seraient faites « sans impôt », mais avec des « réformes », appelant tous les corps sociaux à lui donner des idées.

    Cette obstination du chef de l’État à défendre « quoi qu’il en coûte » tous les préceptes néolibéraux, qui ont pourtant démontré leurs failles, voire leur faillite, depuis plus d’une décennie ne peut que surprendre. Surtout pour un responsable qui ne cesse de prôner le changement, la mobilité intellectuelle face aux événements du monde.

    Comment peut-il croire que ces régressions sociales qu’il avance depuis huit ans et qui suscitent un rejet grandissant pourront brusquement être acceptées sous le motif de la sécurité ? Comment penser faire l’unité quand il exonère par avance, au mépris des fondements de la République, les puissances d’argent de toute contribution à la sécurité et à la défense du pays ? Plus prosaïquement, comment espérer mobiliser l’argent des Français quand dans le même temps le gouvernement nourrit une insécurité sociale à tous les niveaux, qui ne peut qu’alimenter la défiance ?

    « Dans toutes les économies de guerre, il y a un élément indispensable pour soutenir la mobilisation des ressources et la cohésion d’un pays : c’est l’adhésion de la population. Sinon, cela se transforme en révolte ou en rejet. C’est ce qui s’est passé en 1918 en Russie », rappelle Éric Monnet. En plantant d’emblée un cadre déséquilibré, renforçant des inégalités déjà galopantes, Emmanuel Macron risque de ne jamais trouver cette adhésion.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/090325/de-l-economie-de-guerre-la-guerre-sociale
    #macronisme #France #guerre #néolibéralisme #mots #vocabulaire #terminologie #industrialisation #plan_de_réarmement_européen #réarmement_européen #rapport_Draghi #Allemagne #infrastructures_stratégiques #déficit_budgétaire #épargne_privée #relance_industriel #économie #réindustrialisation #plan_Biden #champ_lexical #réformes_sociales #déréglementation #ruse #régressions_sociales

  • Bien sûr que si, la #biodiversité s’effondre en #Europe

    Un nouveau discours dénialiste émerge : la biodiversité serait saine et sauve en Europe. C’est ce qu’affirme le porte-parole d’un think tank, #Action_Écologie. Les scientifiques s’opposent à cette déclaration, car elle n’est pas scientifiquement valide.

    Nous vivons la sixième #extinction_de_masse : la biodiversité s’effondre. Mais l’Europe fait-elle exception ? C’est ce que sous-entend une interview du porte-parole du think tank « Action Écologie », #Bertrand_Alliot, dans Le Point le 20 octobre 2024 : « La biodiversité ne s’effondre pas en Europe. » Problème : cette citation est scientifiquement fausse.

    La biodiversité européenne est en #danger

    Prenons d’abord le seul cas de la #France. En 2021, l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature), le Muséum d’histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité publiaient un rapport synthétique s’écoulant sur 13 ans (https://www.numerama.com/sciences/692810-biodiversite-plus-de-2-000-especes-sont-menacees-en-france-et-ca-em). Au total, 13 842 espèces évaluées (France métropolitaine et outre-mer) ont été prises en compte : sur cet ensemble, 2 430 ont été classées comme menacées et 187 ont tout bonnement disparu. En proportion, sur le nombre d’espèces étudiées, 17,6 % sont en danger. Ce même rapport montrait que cela empire.

    Et à l’échelle européenne ? « La biodiversité — la diversité essentielle des formes de vie sur Terre — continue de décliner dans chaque région du monde », indiquait l’IPBES (groupe international d’experts sur la biodiversité sous l’égide de l’ONU) en 2018. Dans ce #rapport (https://files.ipbes.net/ipbes-web-prod-public-files/downloads/spm_2b_eca_digital_20180622.pdf), elle est claire : « La biodiversité de l’Europe et de l’Asie centrale connaît un fort #déclin continu. » Les paysages terrestres et marins sont devenus « plus uniformes dans leur composition en espèces », alerte la plateforme scientifique : « Les écosystèmes ont considérablement diminué en termes de diversité des espèces. Parmi les espèces évaluées vivant exclusivement en Europe et en Asie centrale, 28 % sont menacées. »

    Il est également possible d’aller jeter un œil du côté du Muséum d’histoire naturelle. Celui-ci rappelle sur son site qu’un quart des oiseaux d’Europe ont disparu ces 30 dernières années et que 80 % des insectes ailés ont chuté en l’espace de 40 ans en Europe. Rien qu’à Paris, « 60 % des moineaux ont disparu en 15 ans ». En clair, les sources et les études sont solides quant à l’effondrement de la biodiversité en Europe, et aux enjeux de sauvegarde.

    Sur les réseaux sociaux, des scientifiques reconnus ont pris la parole pour contester la teneur de cette interview. C’est le cas de l’écologue Sophie Leguil, par exemple, dans un thread très complet et à consulter. Elle rebondit notamment sur l’indice Planète vivante (LPI) en zone tempérée, mentionné par Bertrand Alliot, lequel affirme que cet indice indiquerait un redressement de la biodiversité dans les pays riches. « Non, le LPI ne s’intéresse qu’aux vertébrés (une petite proportion du vivant) », nuance Sophie Leguil.

    Elle ajoute : « Si l’on regarde l’évolution du LPI pour l’Europe et l’Asie, on constate que l’augmentation des populations de vertébrés mentionnée précédemment n’a pas duré, malgré des succès de conservation indéniables. » En effet, la lutte pour la sauvegarde de la biodiversité n’est pas sans certaines réussites : mais il est nécessaire de ne pas désinformer sur la réalité de la crise, pour que ces politiques de conservation puissent avoir lieu et être utiles. Quelques réussites ne surpassent la crise du vivant dans son ensemble et le déclin plus global mis en avant par les travaux de recherche.

    En clair : il n’est pas « catastrophiste » d’affirmer que la biodiversité est menacée en Europe. Il s’agit au contraire d’une réalité très concrète (22 % des espèces animales européennes sont menacées d’extinction selon l’IUCN). Les macareux ont fait l’objet d’une étude publiée en 2022 dans une revue scientifique, qui montrait que les oiseaux de mer tels que les mouettes tridactyles et les macareux voient leurs habitats être de plus en plus menacés en Europe : « (…) Les menaces liées au changement climatique mises en évidence par les groupes de conservation des oiseaux de mer européens sont souvent mal comprises et (…) plusieurs menaces mises en évidence par les chercheurs et les groupes de conservation ne font pas l’objet d’actions de conservation claires. »

    Mais, selon Bertrand Alliot, ce ne serait pas grave si le macareux moine venant à disparaître d’une aire spécifique, comme en Bretagne, et il faudrait toujours parler à l’échelle mondiale. Sauf que, comme le pointe Sophie Leguil, en écologie scientifique, il y a aussi une notion fondamentale de diversité génétique locale, importante pour la bonne santé du vivant dans son ensemble. Sauver des espèces dans chaque région où elles habitent sert aussi à préserver les écosystèmes. La biologie de la conservation s’applique à des aires localisées pour de bonnes raisons.
    La désinformation sur la biodiversité

    D’ailleurs, on peut s’étonner de la publication de cette interview au premier jour de la COP16 dédiée à la biodiversité, plus grand sommet international dédié à la crise du vivant (en complément de la COP dédiée au climat — la COP29 attendue pour novembre). Le choix de la personne interviewée, qui n’est ni un scientifique ni un spécialiste reconnu sur les sujets environnementaux — au contraire –, pose question.

    Ses positions sur les réseaux sociaux ne correspondent en rien à la science et font même le jeu du climatoscepticisme. Au moment de son interview, celui-ci déclare sur X que « le récit de la crise climatique commence à s’épuiser et il faut donc nourrir une autre peur : celle de l’effondrement de la biodiversité ». L’occasion de rappeler que la crise climatique n’est pas un récit, encore moins épuisé, mais un fait scientifiquement avéré. C’est une urgence prouvée comme telle par des sources établies, et dont l’origine humaine fait consensus dans la communauté scientifique.

    Ses déclarations sont régulièrement et facilement contestées. En réponse à un rapport de la Ligue de protection des oiseaux montrant l’effondrement des populations d’oiseau, Bertrand Alliot affirmait qu’il y avait à l’inverse une « explosion » des oiseaux d’eau. Cette affirmation aura rapidement été récusée, en réponse, par des spécialistes, en raison de nombreuses confusions. On le voit aussi reposter des considérations absurdes, comme un internaute déclarant qu’« il n’y a tellement plus d’animaux que @letelegramme fait un dossier sur les collisions qui explosent », comme si les collisions avec des animaux sur les routes invalidaient le déclin des espèces.

    Pour éviter le pire, il faut agir, pas dénier la réalité.

    De même, sur son site internet, Action Écologie livre un discours basé sur « le pire n’est pas certain ». Or, le dernier rapport du GIEC montrait justement l’urgence de la situation : pour que le « pire » soit évité, une action rapide et ample est justement nécessaire. Cette déconnexion de la réalité se révèle aussi dans une exploration plus poussée des comptes d’Action Écologie et de Bertrand Alliot sur les réseaux sociaux. On y trouve des interactions et des liens récurrents avec des groupes (« l’association des climatoréalistes ») et personnalités climatosceptiques.

    Si les débats sont possibles en écologie politique et scientifique, sur les solutions comme les méthodologies, ils doivent malgré tout se faire dans le cadre des faits, et en responsabilité. La publication de cette interview apparaît donc assez irresponsable tant les propos sont dénués de source et que le profil de la personne interviewée n’a pas non plus d’ancrage scientifique valide. Durant la crise du covid, nous alertions déjà sur les invitations irresponsables de pseudo-experts dans certains médias : ce constat s’applique aussi à l’environnement.

    https://www.numerama.com/sciences/1829516-bien-sur-que-si-la-biodiversite-seffondre-en-europe.html
    #effondrement #déni #fact-checking

  • Plus de 120 000 #refoulements de migrants aux #frontières de l’#UE en 2024, selon un rapport de plusieurs ONG

    Selon un rapport de neuf organisations de défense des droits de l’Homme, présentes dans plusieurs pays européens, plus de 120 000 refoulements de migrants ont été enregistrés aux frontières extérieures de l’UE en 2024 (https://www.cms.hr/system/publication/pdf/210/Pushed__Beaten__Left_to_Die_-_European_pushback_report_2024.pdf). Ces « pushbacks » sont devenus « une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE », dénoncent les ONG.

    C’est un nouveau document qui tend à mettre en lumière l’ampleur des refoulements opérés aux frontières extérieures de l’Union européenne (UE). Un rapport, publié lundi 17 février, qui regroupe neuf organisations de défense des droits de l’Homme actives dans plusieurs pays européens - dont We Are Monitoring en Pologne, la Fondation Mission Wings en Bulgarie et le Comité hongrois d’Helsinki en Hongrie - affirme qu’"au moins" 120 457 « pushbacks » ont été enregistrés en 2024 en Europe - des refoulements à la frontière sans laisser à la personne concernée la possibilité de demander l’asile.

    Cette pratique est pourtant illégale au regard du « principe de non-refoulement » consacré par l’article 33 de la Convention de Genève sur le droit des réfugiés : « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera […] un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée », exige le texte. Le principe de non-refoulement est également réaffirmé par l’Union européenne dans sa Charte des droits fondamentaux.

    Pour parvenir à ce chiffre record, les militants se sont appuyés sur des rapports d’ONG et de groupes de recherche ainsi que sur les données des services gouvernementaux. À noter que ce chiffre ne concerne que les refoulements survenus dans un pays européen vers des États tiers et ne prend pas en compte les expulsions aux frontières intérieures de l’UE. Par ailleurs, une personne peut avoir été refoulée plusieurs fois.
    La Bulgarie, en tête du classement

    Selon les données du rapport, la Bulgarie figure en tête du classement des États de l’UE qui refoulent le plus de migrants. En 2024, les autorités de Sofia ont mené 52 534 « pushbacks » vers la Turquie, indique le texte.

    Cette première place s’explique en partie par la nouvelle adhésion pleine et entière à l’espace Schengen, fin novembre. La Bulgarie est soumise à une forte pression de la part des autres États membres de l’UE dans sa capacité à gérer les flux migratoires. Les questions de sécurité aux frontières figuraient parmi les principales préoccupations qui ont retardé l’entrée de la Bulgarie à l’espace Schengen - l’Autriche et les Pays-Bas ayant dans un premier temps opposé leur veto à une adhésion (https://balkaninsight.com/2024/11/22/austria-signals-shift-in-veto-on-bulgaria-romania-joining-schengen).

    Ainsi ces derniers mois, les témoignages de refoulements dans le pays se multiplient. Lors d’une série de reportages en juin dernier en Bulgarie, InfoMigrants avait rencontré dans la petite ville de Svilengrad, toute proche de la frontière avec la Turquie, un groupe de quatre jeunes Marocains (https://www.infomigrants.net/fr/post/57689/la-police-a-pris-nos-telephones-nos-affaires-notre-argent--les-refoule). Amine*, 24 ans avait dit avoir été refoulé cinq fois. Les autres, âgés de 22 à 30 ans, ont vécu deux, parfois trois « pushbacks ». Lors de ces expulsions, « à chaque fois, la police a pris nos téléphones, nos affaires, notre argent », dénonçait Amine. « Ils prenaient aussi nos vêtements et nos chaussures ».

    Les récits des exilés font également état de violences perpétrées par les autorités. Demandeurs d’asile « obligés de retourner en Turquie à la nage », déshabillés de force ou sévèrement mordus par les chiens des gardes bulgares : dans cette région, une violence considérable est exercée par les gardes-frontières. Des agissements dénoncés à de nombreuses reprises par les ONG, et dont même l’agence européenne de protection des frontières Frontex a eu connaissance (https://www.infomigrants.net/fr/post/55503/ils-mont-jete-dans-le-canal--les-pushbacks-en-bulgarie-sont-bien-connu), selon une enquête du réseau Balkan Investigative Reporting Network (BIRN).

    Ces refoulements peuvent parfois mener à des drames. Selon une étude de la branche viennoise de la Fondation ARD (https://bulgaria.bordermonitoring.eu/2023/12/02/almost-100-people-died-on-their-way-through-bulgaria-withi), en coopération avec Lighthouse Reports, et plusieurs médias, au moins 93 personnes transitant par la Bulgarie sont décédées en 2022 et 2023.

    Début janvier 2025, l’organisation italienne Colletivo rotte balcaniche (collectif de la route des Balkans) et l’association No name kitchen avaient accusé Sofia d’être responsable de la mort de trois migrants égyptiens (https://www.infomigrants.net/fr/post/62203/bulgarie--trois-adolescents-egyptiens-retrouves-morts-de-froid-pres-de). Agés de 15 à 17 ans, ces exilés avaient été retrouvés morts de froid dans la forêt bulgare, à quelques kilomètres de la frontière turque. « L’absence d’aide des autorités et leurs obstructions systématiques aux opérations de sauvetage menées par les activistes ont conduit à la mort des adolescents », avait conclu les militants.

    La police des frontières bulgare avait nié les allégations de négligence délibérée et prétendait avoir « réagi immédiatement à tous les signaux reçus, mais les alertes du 27 décembre contenaient des informations erronées ou trompeuses ».

    De manière générale, le gouvernement bulgare nie pratiquer des « pushbacks », selon Le Monde (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/26/comment-l-ue-a-ferme-les-yeux-sur-le-refoulement-illegal-de-migrants-par-la-). En 2023, Ivaylo Tonchev, un des chefs de la police des frontières bulgare, s’était aussi défendu contre les accusations des ONG. « Il n’y a pas de violence contre les migrants », avait-il déclaré à Euronews (https://fr.euronews.com/2023/07/20/incidents-aux-frontieres-la-bulgarie-est-elle-prete-a-rejoindre-l-espac). « Les seuls cas où la force physique est utilisée, cela se fait conformément à la législation de notre pays. Mais il y a des groupes agressifs [de migrants] qui nous lancent des pierres. »
    La Grèce condamnée par la CEDH

    D’après le rapport des neuf ONG européennes, la Bulgarie est suivie par la Grèce, avec 14 482 refoulements enregistrés à ses frontières en 2024. Depuis des années, Athènes est accusée de « pushbacks » violents en mer Égée et près du fleuve Evros.

    InfoMigrants a récolté de nombreux témoignages d’exilés victimes de ces expulsions illégales. En mai 2020, Samuel*, un Africain avait filmé et raconté son refoulement à la rédaction (https://www.infomigrants.net/fr/post/24690/videotemoignage--les-gardecotes-grecs-ont-repousse-notre-bateau-vers-l). Le jeune homme avait expliqué avoir été repéré dans la nuit par la marine grecque alors que son embarcation approchait de l’île de Lesbos. « Les gardes-côtes nous ont demandé de leur donner notre bidon d’essence. Puis, ils nous ont lancés une corde. Nous pensions qu’ils nous dirigeaient vers Lesbos mais en fait ils nous ont emmenés en plein milieu de la mer. Ils nous ont laissés là et sont repartis. »

    Quelques mois plus tard, au mois de décembre 2020, la rédaction avait publié un témoignage similaire d’un Guinéen de 17 ans, racontant comment des gardes-côtes grecs avaient percé l’avant de son canot, en mer Égée (https://www.infomigrants.net/fr/post/29148/mer-egee--des-hommes-en-uniforme-ont-perce-notre-embarcation). En 2021, InfoMigrants avait même rencontré un ex-policier grec aujourd’hui à la retraite qui a confirmé l’existence de « pushbacks » dans la rivière de l’Evros, entre la Turquie et la Grèce. « Les ’pushbacks’ existent, j’ai moi-même renvoyé 2 000 personnes vers la Turquie », avait-il déclaré sous couvert d’anonymat.

    En mai 2023, une vidéo accablante du New York Times montrait des gardes-côtes grecs remettre des migrants à l’eau, direction la Turquie (https://www.infomigrants.net/fr/post/49036/pushback--une-video-accablante-du-new-york-times-montre-des-gardecotes).

    Cette même année, dans un rapport du mois de novembre, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) affirmait déjà que les refoulements illégaux de migrants étaient « devenus la norme », de même que « l’absence criante de protection pour les personnes qui cherchent la sécurité en Grèce » (https://www.infomigrants.net/fr/post/53007/en-grece-les-refoulements-de-migrants-en-mer-sont-devenus-la-norme-acc).

    Pire encore, selon une enquête de la BBC menée en juin 2024, en trois ans, 43 exilés sont morts en mer Égée après avoir été refoulés par les autorités grecques. Neuf d’entre eux ont été directement jetés à l’eau par les gardes-côtes, et se sont noyés.

    Le 7 janvier 2025, la Grèce a été condamnée pour la première fois par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans une affaire de refoulement de demandeurs d’asile. La requérante, une Turque, avait été expulsée le jour-même de son arrivée en Grèce vers la Turquie - puis arrêtée et emprisonnée par les autorités turques. La CEDH a condamné la Grèce a lui verser 20 000 euros.

    D’autres États de l’UE pourraient bientôt connaître une sentence similaire. Début février, la CEDH a commencé à examiner trois affaires contre la Pologne, la Lettonie et la Lituanie concernant des allégations de refoulement vers la Biélorussie.

    Malgré les preuves qui s’accumulent, Athènes n’a pourtant jamais reconnu l’existence de ces refoulements et a toujours nié les pratiquer.

    Contactée par InfoMigrants, la Commission européenne rappelle qu’il « appartient aux États membres de gérer et de protéger leurs frontières extérieures dans le cadre juridique de l’UE » et qu’il est de leur « responsabilité d’enquêter sur toute allégation d’actes répréhensibles ». « Dans le cadre de nos activités de gestion des frontières, les États membres doivent veiller à ce que leurs obligations en vertu du droit européen et international soient respectées, y compris la protection des droits fondamentaux ».
    Hausse des interceptions au large de la Libye

    Après la Bulgarie et la Grèce, championnes des « pushbacks », on retrouve dans le rapport la Pologne (13 600 refoulements), la Hongrie (5 713), la Lettonie (5 388), la Croatie (1 905) ou encore la Lituanie (1 002). Plusieurs de ces pays, qui accusent la Biélorussie de vouloir déstabiliser l’Europe en laissant passer les migrants, ont d’ailleurs légalisé ces dernières années les refoulements à leurs frontières, en dépit du droit international.

    L’étude couvre également le Liban et la Libye car, notent les auteurs, les interceptions en mer ont été effectuées avec le soutien « direct et étendu » de l’Italie, de Chypre et plus généralement des instances européennes. Ainsi l’an dernier, 21 762 interceptions ont eu lieu en mer Méditerranée, au large de la Libye, contre 17 000 en 2023.

    En 2017, l’UE a signé un accord avec la Libye dans le but d’empêcher les migrants de traverser la Méditerranée et de rejoindre l’Italie. À travers ce partenariat, sans cesse renouvelé, l’Europe donne concrètement aux autorités libyennes la charge de la coordination des sauvetages au large de leurs côtes (tâche qui incombait auparavant au centre de coordination de sauvetage maritime de Rome ou de La Valette, à Malte). L’Italie équipe et forme aussi les gardes-côtes libyens pour intercepter les exilés en Méditerranée.

    Cette collaboration controversée est régulièrement dénoncée par les ONG et les instances internationales, en raison des dérapages, menaces, intimidations des autorités libyennes en mer contre les migrants et les humanitaires.

    Par ailleurs, lorsqu’ils sont interceptés en mer et renvoyés sur le sol libyen, les migrants sont transférés dans des centres de détention, gérés par le Département de lutte contre l’immigration illégale (DCIM), où ils subissent des tortures, des violences sexuelles, de l’extorsion, et sont soumis à du travail forcé.
    Les refoulements, « une pratique systématique » au sein de l’UE

    L’ensemble de ces refoulements, « en forte augmentation », observés aux frontières extérieures de l’Europe « sont devenus une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE », estiment les ONG. « Les rapports continus sur les refoulements montrent l’échec de l’UE à faire respecter les droits de l’Homme ».

    Les humanitaires et les chercheurs regrettent le manque de réaction des institutions européennes qui donne, de fait, un blanc-seing aux pays pointés du doigt. « Il y a quelques années, la Commission européenne, garante du respect des traités de l’UE en matière d’asile, condamnait ces pratiques. Aujourd’hui, on entend beaucoup moins de réprobations de sa part, elle a perdu beaucoup de son influence sur ses membres », avait déclaré en octobre Matthieu Tardis, chercheur spécialisé sur l’immigration et co-directeur de Synergie Migrations.

    *Les prénoms ont été modifiés.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/63062/plus-de-120-000-refoulements-de-migrants-aux-frontieres-de-lue-en-2024
    #Europe #union_européenne #chiffres #statistiques #2024 #migrations #réfugiés #push-backs #rapport #Bulgarie #Grèce #Libye #DCIM #Méditerranée #mer_Egée #Evros

    • Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report 2024

      17.02.2025 Asylum and integration policies
      Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report 2024
      Large_snimka_zaslona_2025-02-17_161644

      Pushed, Beaten,Left to Die - European pushback report analyzes data on pushbacks from EU member states to third countries in 2024, highlighting ongoing violations of international and EU law.

      It draws from NGO reports, research groups, human rights organizations, UN agencies, government services and interviews with organizations active in Hungary, Latvia, Lithuania, Greece, Poland, Croatia, Finland, and Bulgaria. In total, 120.457 pushbacks were recorded, underscoring the persistence of this practice.

      Overall, the trend of normalizing pushbacks persists, requiring stronger enforcement and greater accountability from both member states and EU institutions. The report concludes with recommendations for the EU, its member states, and Frontex to address these ongoing human rights violations.

      This report is a collaboration between:
      11.11.11 (Belgium), Hungarian Helsinki Committee, We Are Monitoring Association (Poland), Centre for Peace Studies (Croatia), Lebanese Center for Human Rights (CLDH), Sienos Grupė (Lithuania), Centre for Legal Aid – Voice in Bulgaria (CLA), Foundation Mission Wings (Bulgaria), I Want to Help Refugees/Gribu palīdzēt bēgļiem (Latvia).

      https://www.cms.hr/en/azil-i-integracijske-politike/protjerani-pretuceni-ostavljeni-da-umru
      #rapport

  • #Réforme des #retraites : la #Cour_des_comptes désavoue #Bayrou

    La Cour des comptes a rendu son #rapport sur l’#état_financier du système des retraites et livre des #chiffres très différents de ceux avancés par le premier ministre. Le document donne le top départ des négociations appelées de ses vœux par #François_Bayrou pour « améliorer » la réforme de 2023. Une gageure.

    UneUne « mission flash » pour ne rien apprendre de neuf. Jeudi 20 février, la Cour des comptes a rendu son rapport sur la situation financière et les perspectives du système des retraites français. Annoncé par François Bayrou pendant sa déclaration de politique générale le 14 janvier, afin d’établir « un constat et des chiffres indiscutables » et de permettre aux syndicats et au patronat de rouvrir des discussions destinées à « améliorer » la réforme des retraites de 2023, le document aura demandé un bon mois d’élaboration.

    Son constat est loin d’être décoiffant : sans surprise, la « vérité des chiffres », telle que l’avait annoncée le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, ressemble de très près aux analyses et aux prévisions publiées année après année par le Conseil d’orientation des retraites (COR), l’institution publique dont les membres sont issus de très larges horizons et qui fait consensus dans le domaine.

    Pour résumer, le système des retraites a été en excédent au début des années 2020, avec un solde positif de 8,5 milliards d’euros en 2023, en raison des réformes votées depuis une dizaine d’années. Mais le déficit se réinstalle et devrait atteindre 6,6 milliards d’euros cette année – c’est-à-dire un peu moins de 2 % des 337 milliards versés aux retraité·es par le régime général chaque année.

    Le déficit devrait se stabiliser quelques années, avant de plonger à 15 milliards d’euros en 2035 (soit environ 0,4 % du PIB, l’ensemble de la richesse produite sur une année en France), puis « autour de 30 milliards » en 2045. Bref, comme le martèle l’économiste spécialisé Michaël Zemmour, le système « est globalement financé », avec des « dépenses stables, et tendanciellement un peu en baisse ». À titre de comparaison, en 2023 et 2024, les comptes publics ont dérapé de près de 70 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu par l’exécutif.

    Pour peu étonnant qu’il soit, le travail de la Cour des comptes recèle un camouflet pour le premier ministre : il écarte franchement la théorie d’un prétendu déficit caché, défendue depuis 2022 par François Bayrou, qui l’avait encore longuement détaillée à l’Assemblée le 14 janvier.

    Influencé par l’ancien haut fonctionnaire Jean-Pascal Beaufret, le maire de Pau soutient mordicus que le vrai besoin de financement du système serait de 55 milliards d’euros par an, dont 40 à 45 milliards seraient empruntés chaque année. Il faudrait en effet intégrer aux calculs les cotisations payées par le secteur public pour financer les retraites des fonctionnaires.

    La Cour des comptes ferme définitivement la porte à cette analyse contestée par l’ensemble des experts de la question (par exemple le très respecté Patrick Aubert, de l’Institut des politiques publiques), que la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, qualifie de « fable » et que le président du COR, l’économiste macroniste Gilbert Cette, avait pris la peine de discréditer au début de l’année.

    Jeudi 20 février au sortir de la présentation du rapport, la patronne de la CGT, Sophie Binet, s’est réjouie de ce « démenti cinglant aux chiffres farfelus retenus par le premier ministre », tandis que Marylise Léon a appelé à « passer aux choses sérieuses », enfin.
    Conflit sur le retour de l’âge légal à 62 ans

    Les syndicats et le patronat vont désormais se réunir en « conclave » pour répondre à l’invitation de François Bayrou et remettre sur le métier la réforme de 2023, qui décale progressivement l’âge légal de départ (avant lequel il est interdit de toucher sa pension de retraite) de 62 à 64 ans.

    La première réunion est programmée le 27 février, et les travaux devraient se poursuivre tous les jeudis, au moins pour trois mois. Pour l’heure, les diverses parties s’inquiètent du flou du cadre, tant sur les organisations censées participer (ni Solidaires ni la FSU ne sont conviés) que sur la liste des thèmes à aborder (les régimes des fonctionnaires, des agriculteurs, des indépendants doivent-ils être discutés ?).

    Le maître de cérémonie se nommera Jean-Jacques Marette, 73 ans, ancien directeur général de l’Agirc-Arrco, le régime de retraite complémentaire des salarié·es du privé, dont il a réussi l’unification en 2019. Respecté et considéré comme sérieux, il devait déjà piloter les discussions de la « conférence de financement des retraites », proposée par la CFDT lors des débats autour de la première réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, en 2019, interrompue par la crise sanitaire du covid.

    Quant à atteindre un compromis final… « On n’y arrivera pas », a déjà prédit à l’AFP Frédéric Souillot, le dirigeant de Force ouvrière. Parmi les négociateurs, les positions sont en effet pour le moins antagonistes. La question centrale est celle de l’âge légal. Officiellement, les syndicats demandent d’une même voix le retour à 62 ans.

    Mais le patronat refuse tout net. Le report de l’âge légal à 64 ans constitue le « socle » de la loi, a rappelé Patrick Martin, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), le 29 janvier devant les journalistes de l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). « Si on doit reprendre le sujet des retraites, c’est pour améliorer le rendement de la réforme, certainement pas pour la détricoter », a-t-il prévenu.

    Désireuse de rester à la table des discussions et d’arracher des « bougés », Marylise Léon pourrait être tentée de se contenter d’une modification de la borne symbolique des 64 ans, sans revenir jusqu’à 62 ans. Or, la réforme de 2023 prévoit que l’âge légal atteigne 63 ans pour celles et ceux qui prendront leur retraite à partir de septembre prochain.

    Un compromis acceptable pour la CFDT, le premier syndicat en termes de représentativité ? Est-ce à dire que la CFDT s’estimerait satisfaite si ce paramètre était ramené à 63 ans ? « Aujourd’hui », la ligne de la confédération reste « non à 64 ans et retour à 62 ans », a détaillé le 28 janvier sa patronne, devant les membres de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). Mais « la question est ouverte », a-t-elle ajouté, précisant : « Comme dans toute discussion, on se positionnera au regard d’un équilibre. »
    Le patronat pousse pour la capitalisation

    Ce scénario, pour peu qu’il arrive à faire consensus, engendrera davantage de dépenses que prévu – 5,8 milliards d’euros à payer en plus en 2035, a calculé la Cour des comptes. Comment les financer ? Le patronat a toujours rejeté l’idée d’une augmentation des cotisations salariales (un point de plus rapporterait entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros par an). Il semble très improbable qu’il cède sur ce point.

    À moins que le Medef et ses alliés parviennent à faire accepter l’idée d’ouvrir la porte à la retraite par capitalisation, qu’ils appellent très régulièrement de leurs vœux. Ils ne cachent pas le fait d’espérer imposer au minimum le principe, même de façon minimale, afin de mettre un pied dans la porte pour transformer plus tard le système.

    En quête de notoriété, Amir Reza-Tofighi, le tout nouveau président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a carrément proposé de faire travailler les salarié·es trois jours fériés par an et de verser le salaire correspondant sur un fonds investi sur les marché financiers…

    Autre point de friction : la question de la pénibilité. Les syndicats unis demandent que le système de retraite prenne à nouveau en compte le port de charges lourdes, les postures pénibles et l’exposition aux vibrations et aux produits chimiques. Tout juste instaurés, ces critères de pénibilité, permettant de prendre sa retraite plus tôt, avaient été supprimés en 2017, dès l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir.

    Préférant parler d’« usure professionnelle », Patrick Martin et ses pairs n’accepteront sans doute pas cette revendication, mais pourraient consentir à des aménagements. D’autant que l’U2P, qui représente principalement les artisans, s’est dite intéressée – ses membres sont les premiers concernés par les incapacités professionnelles des travailleurs et travailleuses âgé·es.

    Un accord serait peut-être aussi atteignable pour améliorer le sort des femmes, grandes perdantes de la réforme de 2023. En leur interdisant de prendre leur retraite avant 64 ans, le texte leur a très largement fait perdre l’avantage accordé au titre de la maternité et de l’éducation d’un enfant : jusqu’à 8 trimestres de carrière validés par enfant (même si un système de surcote a été mis en place). Les carrières plus souvent hachées des femmes pourraient aussi être un peu améliorées.

    Reste une grosse inconnue. Dans sa déclaration de politique générale, François Bayrou a promis de soumettre à l’Assemblée et au Sénat le compromis qui sera trouvé, afin de le faire voter. Or, même si des négociateurs tombent d’accord sur un certain nombre d’aménagements de la réforme de 2023, rien ne permet d’assurer que les nouvelles dispositions seront sagement validées par le Parlement.

    Mais comme le dit Patrick Martin, le dirigeant du Medef, le risque politique serait alors élevé pour le gouvernement et le président de la République : « Je ne crois pas me tromper en disant que si le sujet est reposé au Parlement, la réforme est abrogée. »

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/200225/reforme-des-retraites-la-cour-des-comptes-desavoue-bayrou
    #fact-checking