• Les jeunes femmes sont les premières concernées par le retrait de l’État en milieu rural

    Les soudaines phases d’intérêt politique pour les jeunes ruraux aboutissent habituellement sur des mesures « volontaristes » qui prennent le cadre urbain comme référence et supposent de se projeter vers la ville pour vivre sa jeunesse et se réaliser.

    Ces injonctions unilatérales à la « mobilité » ou à « l’ouverture » pâtissent du manque de connaissances sur des groupes juvéniles que l’on a longtemps uniformisés sous l’image d’une société paysanne immuable.

    Les jeunesses urbaines, plus visibles, font alors office de point de comparaison avec les jeunesses rurales, selon un principe de définition par le manque. Par ce prisme, on tend à méconnaître les conditions d’existences et les visions du monde des jeunes ruraux, mais surtout on gomme les fractures qui existent au sein même de ce large groupe.
    La crainte de la « sale réputation »

    En son sein, on pourrait par exemple évoquer la double relégation, matérielle et symbolique, que subissent les jeunes chômeurs dans des milieux ruraux de forte interconnaissance où la « sale réputation » colle à la peau et au patronyme.

    Ici, nous allons nous évoquer les cas de jeunes femmes des classes populaires rurales, donc issues de familles ouvrières ou employées principalement (les classes populaires étant surreprésentées en milieu rural).

    Peu diplômées et peu dotées en capital économique, elles ont tendance à évoluer dans des sociabilités où ce sont avant tout les jeunes hommes qui peuvent occuper le devant de la scène et profiter des ressources liées à l’autochtonie.

    Dans nos enquêtes de terrain respectives, Les filles du coin et Ceux qui restent (2019) c’est notamment à travers les âges d’entrée sur les marchés professionnels et conjugaux que nous avons pu saisir ces rapports de genre.

    Dans leurs trajectoires individuelles, ou encore le fonctionnement des couples et des groupes d’amis, nous retrouvons les conséquences des inégalités à grande échelle entre femmes et hommes, en premier lieu celles qui structurent le marché de l’emploi rural dans les régions anciennement industrielles où l’on rencontre les jeunes les plus exposés à la précarité.
    Des offres d’emplois dans des secteurs dominés par les hommes

    À rebours de la tendance nationale, ces zones rurales qui ont tendance à se dépeupler concentrent les offres d’emploi dans des secteurs professionnels considérés comme masculins.

    Sur certains territoires, le chômage des jeunes femmes de moins de trente ans s’avère plus élevé que celui des jeunes hommes, et plus largement en milieu rural elles trouvent moins souvent un emploi à l’issue de leurs études que les jeunes hommes (59 % vs 54 %).

    Ce que l’on observe à l’échelle nationale en termes d’inégalités liées au genre sur le marché du travail se trouve dès lors exacerbé par ces effets de lieu.

    Tandis que les jeunes femmes rurales issues de milieux plus aisés partent massivement pour les études supérieures et s’installent en ville, celles qui restent, lorsqu’elles parviennent à avoir un travail proche de chez elles, sont souvent en contrat précaire, à temps partiel, avec des horaires fractionnés dans les secteurs de l’aide à la personne, les ménages, la petite enfance ou les postes d’ouvrières à l’usine, ou encore caissières dans le supermarché du coin.

    Entre autres choses, ces conditions d’emploi les exposent davantage aux contraintes de la route et des différents coûts liés aux déplacements (financiers, organisationnels…).

    De manière plus informelle, les jeunes femmes sont surtout assignées à des tâches moins ou non rémunérées, telles que l’aide et le soin aux personnes fragiles, le travail domestique (notamment les ménages) ou encore la garde des enfants.
    Des formes d’entraides féminines cruciales

    Cette répartition genrée du travail d’aide va de pair avec des formes d’entraides féminines importantes, mais elle participe aussi à distinguer les jeunes femmes entre elles : l’exclusion par la non-sollicitation des unes permettant aux autres d’espérer une place plus centrale dans les réseaux locaux de sociabilité et d’atteindre une relative stabilité économique. Comme le résument deux jeunes femmes :

    « Quand on pense jamais à toi quand y’a un poste quelque part, t’as compris que t’étais pas du bon côté »

    « Quand t’as pas de réseau, c’est pas possible »

    Aussi dans un contexte de rareté de l’emploi, trouver un travail par réseau d’interconnaissance peut aboutir sur des situations de domination inextricable.

    Quand « tout se sait » là où « tout le monde se connaît », « ne pas chercher les problèmes » et « ne pas causer de problèmes » à sa famille ou aux amis qui ont aidés sont les deux principes qui participent à l’indicibilité des violences qui, y compris en milieu professionnel, sont subies par les jeunes femmes.

    Par allers-retours, ces situations précaires des femmes sur le marché du travail déterminent (et sont déterminées par) leur place dans toutes les sphères de vie sociale, en particulier les sociabilités amicales qui sont primordiales en milieu rural, et bien sûr dans les relations amoureuses, conjugales.
    « Couper les ponts » et ne plus « faire n’importe quoi »

    Lors de la mise en couple et la (re)formation des groupes d’amis, les jeunes femmes tendent plus souvent à rejoindre leur conjoint dans un réseau qui était le sien depuis longtemps, généralement depuis l’enfance.

    Elles ont alors, disent-elles, dû « couper les ponts » avec leur « vie d’avant », alors que les jeunes hommes peuvent faire partie des mêmes clubs de loisirs et cercles amicaux, y compris après l’arrivée des enfants.

    Certaines justifient ce « choix de vie » par l’injonction à « se poser », ne plus « faire n’imp(orte quoi) » au moment de l’entrée dans l’âge adulte, afin de se consacrer plutôt à leur rôle conjugal et/ou maternel.

    Généralement plus doté en capital économique, car plus âgé, entré plus tôt en emploi et héritant plus souvent de biens familiaux, le conjoint aura eu aussi davantage de facilités à devenir propriétaire avant la mise en couple, avec l’aide notamment de ses amis pour l’aider à « retaper » une maison à moindre coût.

    Il pourra dans ce cas justifier aisément que sa compagne s’installe « chez lui ». Enfin, il aura toutes les chances d’appartenir à des groupes de loisirs liés à des activités masculines pérennes et valorisées, comme le football, la chasse, le motocross par exemples, qui viendront justifier, avec la proximité de la famille, d’installer le couple là où lui peut bénéficier de capital d’autochtonie, ici lié à son inscription dans les « bandes de potes » et dans la sociabilité professionnelle.

    Dans cette configuration conjugale inégalitaire, majoritairement rencontrée dans nos enquêtes, les sociabilités des couples « tournent autour » des hommes et de leur réseau, tandis que les jeunes femmes sont placées dans des rôles plus ou moins ingrats et isolés dont elles s’accommodent, ou non.

    Bien sûr, des solidarités et amitiés féminines peuvent se recomposer au fil du temps. Néanmoins, elles s’inscrivent rarement (cela varie là aussi selon que l’on se trouve ou non dans une zone rurale en déclin) au sein de collectifs encadrés par des institutions pérennes (de travail, de loisir). On comprend que les jeunes femmes soient attachées au fait de garder leur « meilleure amie » de longue date, alors que les jeunes hommes envisagent davantage la solidarité à l’échelle de toute leur « bande ».
    Mobilité et rapports de pouvoir

    Nos enquêtes ont forcément rencontré l’enjeu de la mobilité, puisque dès l’adolescence, dans des zones rurales appauvries où le maillage des transports en commun (cars, bus, trains régionaux) est faible, voire inexistant, les inégalités face aux possibilités de se déplacer sont grandes entre les jeunes : plus rares sont les jeunes femmes à avoir un deux-roues, d’abord parce que la route leur serait plus risquée (les jeunes hommes sont plus souvent socialisés à la conduite et à la mécanique, y compris des engins agricoles, mais aussi de la voiture familiale par leur père), ensuite en raison de leur milieu social, compte tenu des coûts afférents.

    Le pendant de cet investissement masculin dans les transports résulte dans les risques pris par les jeunes hommes. Cela constitue l’un des coûts d’adaptation à la masculinité conforme à ce milieu social, les jeunes hommes sont davantage exposés aux accidents de la route dont on sait qu’ils touchent tout particulièrement les jeunes de classes populaires rurales.

    Ensuite, il y a toutes les inégalités en matière de déplacements entre jeunes femmes elles-mêmes. D’un côté, celles qui partent vivre en ville pour leurs études vont être amenées à parcourir de grandes distances, à s’autonomiser par la voiture ou simplement rompre avec les sociabilités rurales et acquérir davantage de capital social, d’autant plus qu’elles proviennent des milieux plus dotés en capital économique et culturel. Quant à celles qui restent et qui n’ont pas le permis ou de voiture, elles tendent à dépendre de leur conjoint ou d’un proche pour se déplacer, d’autant plus si elles sont sans travail et plus jeunes que lui, dans un village ou bourg qu’elles n’habitent que depuis la mise en couple.

    La moindre intégration et l’assignation aux rôles genrés dans des collectifs familiaux et amicaux fait écho aux inégalités sur le marché du travail.

    Premières victimes du retrait de l’État, et tout particulièrement depuis le démantèlement engagé des services publics ruraux dans le secteur de la santé ou de l’éducation, les jeunes femmes ont tendance à occuper des emplois plus solitaires et précaires.

    https://theconversation.com/les-jeunes-femmes-sont-les-premieres-concernees-par-le-retrait-de-l

    #femmes #genre #retrait_de_l'Etat #campagne #rural #mobilité #rapports_de_pouvoir #réputation #sale_réputation #emploi #travail #entraide #entraide_féminine #mobilité #rapports_de_pouvoir

    • Oui, un maire à son deuxième mandat et qui a des visées plus hautes désormais...
      C’était des bruits, ça devient petit à petit plus concret...
      Ici une rencontre récente de Piolle avec Mélenchon...

      Merci @JLMelenchon pour l’accueil. Notre pays doit relever d’immenses défis. Identifions nos convergences, travaillons. Notre objectif est commun : gagner et changer la vie, pour la justice sociale et climatique. Notre adversaire est commun : Macron et la droite.

      https://twitter.com/EricPiolle/status/1296845806478282755

      #Piolle #Eric_Piolle #France_insoumise #Mélenchon #EELV #Verts #Les_Verts

    • Éric Piolle, maire EELV de Grenoble, présenté par les médias comme l’adversaire de la ligne libérale de Yannick Jadot chez les Verts. Lui et Jean-Luc Mélenchon ont déambulé à travers les stands avant de monter ensemble sur scène. Le député de Marseille a réaffirmé le combat des insoumis contre la loi du marché. Le tribun a aussi rappelé que les insoumis n’étaient pas seulement « contre » un système. Mais bien également « pour » un programme. Le leader des insoumis a aussi rappelé que l’écologie populaire portait la défense des biens communs : l’air, l’eau, la science, etc., et que ces combats rassemblaient largement le peuple. Il a enfin redit l’attachement des insoumis aux concepts de République et de Nation.

      Éric Piolle a affirmé un même attachement à ces deux concepts et a rappelé qu’il avait été un soutien engagé de Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle de 2017. Le maire de Grenoble a expliqué vouloir rassembler un arc humaniste tout en affirmant très clairement : « Si nous voulons transformer le pays, nous le transformerons pas avec les 10% d’en haut (…) mais pas non plus juste avec ceux qui sont bien installés, qui viennent me voir et qui me disent : « Ok Éric, on comprend ton projet politique, tu es radical, ok, on est d’accord pour y aller, mais qu’est-ce que tu fais là avec l’extrême gauche, c’est quoi le problème ? ». Et moi je leur dis : « Les amis, c’est juste que je ne changerai pas le monde avec vous. Voilà. Nous changerons le monde ensemble, avec ceux qui sont insoumis, avec ceux qui s’indignent, avec ceux qui ont dans leurs tripes l’envie et le désir de changer le monde. » Le message a sans doutes été bien reçu chez les insoumis.

      https://linsoumission.fr/2020/08/21/piolle-eelv-aux-amfis-nous-changerons-le-pays-avec-ceux-qui-sont-insou

    • #Mélenchon et Piolle s’affichent ensemble pour plaider le dialogue entre LFI et EELV

      Le chef de file de LFI et le maire EELV de Grenoble ne veulent pas se voir comme des concurrents et évoquent un rapprochement

      Ne pas se voir comme des « concurrents ». Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, et le maire EELV de Grenoble, Eric Piolle, ont ensemble plaidé le dialogue, vendredi aux Amphis d’été des Insoumis à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme).

      Les deux hommes se sont entretenus en privé à l’arrivée de l’écologiste avant de traverser ensemble les stands de l’événement et de prendre la parole sur scène, devant les militants Insoumis.
      « Savourer ce sur quoi on est d’accord »

      Jean-Luc Mélenchon a salué en Eric Piolle un « ami » et « l’un des porte-parole les plus notoires » d’EELV, déclarant que « sa présence ici a une signification » : « Il faut aller à l’essentiel, certes discuter sur les désaccords mais aussi savourer ce sur quoi on est d’accord ».

      EELV a remporté plusieurs grandes villes aux élections municipales en juin, tandis que le poids de LFI, très discrète dans la campagne, a été faible. Jean-Luc Mélenchon a cependant envoyé plusieurs signaux, ces dernières semaines, sur une probable candidature à la présidentielle de 2022.

      Eric Piolle, un contrepoids aux ambitions de l’eurodéputé Yannick Jadot

      Très applaudi à son arrivée, Eric Piolle, dont la majorité est composée d’Insoumis, a quant à lui rappelé : « si nous avons gagné à Grenoble en 2014, c’est que nous avions la conviction que l’envie de faire ensemble dépassait tout ». « Ce poids, je veux aujourd’hui le mettre au service d’une ambition collective qui aille encore plus loin que ce que tu as fait en 2017 » (lorsque le leader Insoumis avait récolté 19,58 % des voix), a lancé l’édile grenoblois.

      « Si nous voulons transformer le pays, nous le ferons » avec les « foules qui se sont alors levées », a plaidé Eric Piolle. Celui-ci multiplie les apparitions médiatiques depuis quelques mois, apportant un contrepoids au sein d’EELV aux ambitions de l’eurodéputé Yannick Jadot, jugé trop libéral par LFI.
      Une alliance dans au moins quatre régions pour les élections de 2021 ?

      Jean-Luc Mélenchon a affirmé que les Insoumis seraient importants dans les prochaines échéances : « On a besoin de leur capacité d’indignation ». « Certes, nous avons une dette à l’égard du courant historique de l’écologie politique, mais de votre côté, vous ne pouvez pas faire comme si tout vous était réservé », a-t-il insisté.

      Eric Piolle a proposé qu’EELV et LFI « fassent la démonstration qu’ensemble on peut gagner » en s’alliant dans quatre régions pour les élections de 2021. « Piolle est la seule personne (à EELV) qui dit que c’est possible », s’est réjoui Jean-Luc Mélenchon, qui veut cependant aller plus loin : « Il y a 13 régions, nous sommes pour que ce soit la même chose partout ».

      https://www.20minutes.fr/politique/2843939-20200821-melenchon-piolle-affichent-ensemble-plaider-dialogue-entr

    • Pendant ce temps là, à droite, Bruno Retailleau sera candidat à une primaire dans la course à la présidentielle.
      https://twitter.com/BrunoRetailleau/status/1297116992265244674
      Xavier Bertrand se prépare aussi à l’élection présidentielle de 2022 mais, lui, se refuse à l’idée de se plier à une quelconque primaire. selon le Canard il a dit dans « Corse-Matin » 10/08 : « Je ne veux plus de filtre entre le peuple et moi, et je ne me soumettrai pas à des règles fixées par les partis politiques. » Xavier et Jean-Luc, c’est un peu kif-kif bourricot.
      #dans_les_starting_bloks

    • Xavier et Jean-Luc, c’est un peu kif-kif bourricot

      J’essaie, mais j’y arrive pas.
      Je bute par exemple, c’est juste pour illustrer et pour dire qu’il y a des choses qui font que j’y arrive pas au « kif-kif », et donc par exemple, d’un côté, t’as un type qui a été au pouvoir, et qui a démontré sa capacité de nuisance, de l’autre, il a eu des postes de pouvoir et il n’a pas démontré de telle capacité. D’un côté, il y en a un qui explique qu’il veut un programme de droite, privatisation des profits, socialisation des pertes. De l’autre, un type qui parle collectif et progrès humain.

      Après, je comprends. Il y a un cadre institutionnel, et si tu souhaites prendre le pouvoir, t’es bien obligé de t’y soumettre... et de faire avec ses contraintes.

    • Et cet article du Figaro...

      Les folies des nouveaux maires écolos : leurs obsessions, leur idéologie, leurs dégâts

      Élus en juin avec des taux d’abstention records, ils se sont empressés d’imprimer leur marque sur la vie quotidienne de leurs administrés. #Transports, #urbanisme, #alimentation, #rapports_hommes-femmes : pas un domaine n’échappe à leur ardeur réformatrice. Florilège.

      Vite, vite, vite ! Les nouveaux maires estampillés #EELV (Europe Écologie Les Verts) de #Lyon, #Bordeaux, #Strasbourg ou #Besançon, mais aussi leurs collègues de gauche écolo-compatibles de #Marseille ou de #Rennes n’ont pas perdu une minute pour engager le « changement de modèle » dont ils rêvent. Malgré ou parfois grâce à la crise sanitaire, à l’instar d’Anne Hidalgo qui a chassé les voitures de plusieurs grands axes parisiens au nom de la lutte contre le coronavirus, ils ont profité de leurs premières semaines de mandat pour modifier la physionomie de leur ville. C’est que le temps presse : quand on caresse des projets aussi ambitieux que, par exemple, l’autosuffisance énergétique et alimentaire - l’objectif d’Anne Vignot pour Besançon - six ans risquent de ne pas suffire.

      La politique est d’abord affaire de messages. La maire de Paris y avait déclaré l’ « état d’urgence climatique » en 2019. Pierre Hurmic, à Bordeaux, et Jeanne Barseghian, à Strasbourg, l’ont imitée dès leur prise de fonction, et la plupart de leurs collègues écolos ont suivi. Le concept ne repose sur aucune base juridique. Il vise simplement à légitimer une restriction des libertés individuelles au nom d’un intérêt proclamé supérieur. « Défendre une limitation des libertés au nom du changement climatique n’est pas liberticide », a résumé, fin août, devant les Verts, Manon Aubry, ex-tête de liste aux européennes d’une France insoumise qui rivalise de zèle écologiste avec EELV. Le secrétaire national du parti écolo David Cormand a approuvé.

      “Assemblées citoyennes”

      Mais rien n’énerve plus les écologistes que d’être traités de « Khmers verts » . Ne sont-ils pas des apôtres de la « démocratie participative » ? Dans les municipalités qu’ils ont conquises, il n’est question que d’ « assises du pouvoir partagé » (Bordeaux), d’ « assemblées citoyennes » (Besançon) et de « codécision » (Poitiers), de référendums et de « droit de pétition » ou d’ « interpellation citoyenne » . En plus de cette panoplie, Anne Vignot va doter Besançon d’un conseil de scientifiques et d’experts, sur le modèle du Giec (Groupement intergouvernemental d’experts sur les évolutions du climat), appelé à se prononcer sur « tous les projets de la ville » . Elle compte notamment sur lui pour mener à bien le projet d’écoquartier qui doit remplacer les jardins des Vaîtes. Elle le portait déjà au sein de la majorité précédente en tant qu’adjointe à l’environnement, mais il est contesté par… plus écolo qu’elle ! L’avis des experts primera car, a prévenu la maire, « ça serait quand même aberrant que l’on prenne des décisions justes parce que l’on aime bien avoir des jardins autour de soi ! »

      À Tours, Emmanuel Denis n’a consulté personne quand il a interdit les voitures, mi-août, sur le pont Wilson, qui enjambe la Loire dans le centre-ville. Tollé de l’opposition, que le nouveau maire a traitée par le mépris : « C’est le vieux monde qui résiste ! » L’arrêté a été pris pour trois mois, à titre expérimental, mais Emmanuel Denis envisage déjà d’y installer les villages du marché de Noël cet hiver. Des mesures comparables ont été prises cet été dans toutes les villes écolos, sans concertation véritable.

      Quand les commerçants ont protesté, on leur a répondu « expérimentation » ! Et l’expérience n’en finit jamais, comme à Annecy, où le maire écolo sans étiquette François Astorg vient de prolonger la période-test pour des pistes cyclables, au grand dam des ambulanciers qui dénoncent des ralentissements préjudiciables à leurs patients. La méthode Piolle fait des émules. Seul maire écolo d’une ville de plus de 120.000 habitants élu dès 2014, Éric Piolle a déployé à Grenoble des « autoroutes à vélo » à un rythme à faire pâlir de jalousie Anne Hidalgo avec ses « corona pistes » .

      Les maires écologistes ont beau se revendiquer champions du « pluralisme » , ils répugnent à partager les vrais leviers de pouvoir, au niveau de la municipalité comme de la métropole quand ils y sont majoritaires. Pierre Hurmic à Bordeaux, Grégory Doucet à Lyon ou, encore, Jeanne Barseghian à Strasbourg n’ont attribué qu’à des proches les postes de décision stratégiques, notamment les délégations des intercommunalités. Ils ont aussi revisité les attributions de leurs adjoints et, surtout, leurs intitulés. Pour changer la réalité, changeons les mots ! Éric Piolle avait lancé le mouvement en se dotant notamment d’une « adjointe à la tranquillité publique et au temps de la ville » en lieu et place d’une adjointe à la sécurité. Ses émules l’ont parfois dépassé : « transition écologique » , « résilience » et « inclusion » sont partout à l’honneur.

      “Résilience alimentaire”

      À Marseille, où Michèle Rubirola a été élue grâce à un accord tardif avec EELV, l’organigramme municipal a des accents orwelliens : le premier adjoint est « en charge de l’action municipale pour une ville plus juste, plus verte et plus démocratique » et le portefeuille de la culture devient celui de « la culture pour tous et toutes » , entre autres exemples. À Strasbourg, la « ville résiliente » et la « ville inclusive » ont chacune leur adjointe. À Poitiers, Léonore Moncond’huy a une adjointe « à l’économie circulaire et à l’économie de proximité » . Bordeaux annonce la couleur avec une première adjointe « en charge des finances, du défi climatique et de l’égalité entre les femmes et les hommes » , une autre « chargée de la démocratie permanente, de la vie associative et de la gouvernance par l’intelligence collective » , un adjoint à « l’urbanisme résilient » , des conseillers municipaux délégués à la « sobriété du numérique » et la « résilience alimentaire » , à l’ « économie circulaire » , au « zéro déchet » et au développement d’une « monnaie locale ». À Annecy, François Astorg a lui aussi décidé de développer une monnaie locale « complémentaire et solidaire » .

      En attendant de donner de la consistance à leurs ambitions, les élus écolos se sont empressés de faire un grand ménage dans les projets de leurs prédécesseurs. Si ce n’est pas de la « décroissance » , concept difficile à vendre à une population qui voit venir l’explosion du chômage, ça y ressemble fort. À Lyon, le projet de bouclage du périphérique et le développement de l’aéroport de Saint-Exupéry sont officiellement abandonnés. Grégory Doucet l’a dit à la Tribune de Lyon avant même de s’installer dans son fauteuil de maire : « Ce que je souhaite, c’est qu’on puisse avoir en valeur absolue beaucoup moins de gens qui viennent à Lyon en avion. » Y compris la clientèle d’affaires internationale, qu’il assume de voir baisser. Plus question, donc, d’ouvrir les lignes prévues avec Montréal et Dubaï. Le nouveau maire aurait aussi voulu en finir avec le projet de LGV Lyon-Turin, qui doit permettre de supprimer des poids lourds au profit du rail, mais il n’en a pas le pouvoir. En revanche, il lui a suffi d’un trait de plume pour annuler le projet de construction de tours à la Part-Dieu de Gérard Collomb. Pierre Hurmic, lui, est allé jusqu’à décréter le gel de tous les programmes immobiliers. À Grenoble, la politique mise en œuvre par Éric Piolle s’est traduite par une dégringolade de près de 40 % des permis de construire des logements depuis 2014.

      À Tours, Emmanuel Denis a promis de ne pas renouveler le contrat qui lie la municipalité à la compagnie Ryanair et qui s’achève en 2021. Des militants de Greenpeace et d’Extinction Rebellion avaient bloqué l’accès à l’aéroport début juillet pour exiger l’arrêt des subventions « écocides » au transport aérien. À Besançon, Anne Vignot a pris position contre le projet de dédoublement de la RN57, qui contourne la ville. Elle entend « travailler avec le préfet » pour trouver des solutions alternatives, au premier rang desquelles « désynchroniser les heures de travail » . Y a qu’à… Toutes les villes « verdies » ont décrété un gel, plus ou moins rigoureux, de l’artificialisation des sols et un moratoire sur l’installation de grandes surfaces sur des terrains non bâtis.

      Haro contre la 5G

      L’objectif général est d’emmener les entreprises sur le chemin de la vertu environnementale, en alternant incitations et contrainte. À Strasbourg, Jeanne Barseghian va flécher sur la rénovation thermique et énergétique l’essentiel des 350 millions d’euros d’emprunt qu’elle a annoncés. À Lyon, Grégory Doucet réservera les aides de la ville aux entreprises qui réduiront leur empreinte carbone. Tous ces maires veulent choyer « l’économie sociale et solidaire » , que le programme de Pierre Hurmic, « Bordeaux respire ! » , promeut en tant qu’ « alternative à la privatisation des profits » .

      Tous, aussi, crient haro contre la 5G, cette technologie « qui sert à regarder du porno en HD dans les ascenseurs » selon Éric Piolle. Le plus virulent sur le sujet est aussi Pierre Hurmic. « Il y a des dangers de la 5G » , a-t-il affirmé à plusieurs reprises, sans s’appuyer sur la moindre donnée scientifique. Et pour cause : il n’en existe pas. Ce qui n’empêche pas le maire de Bordeaux de promettre un moratoire, le temps que la population ait « un vrai débat » sur le passage à la 5G dans sa ville, où l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a autorisé des entreprises à l’expérimenter. Pierre Hurmic est un adepte du « low-tech » (par opposition au high-tech), autrement dit d’un progrès technique économe en énergie, peu coûteux et qui produit des outils que des non-spécialistes peuvent réparer, voire construire eux-mêmes. Il a même confié un poste de conseiller municipal délégué à l’un des fondateurs de l’association Low-tech Bordeaux.

      Réélue à Nantes grâce à un accord avec la liste verte, la socialiste Johanna Rolland a dû se rallier elle aussi à la demande d’un moratoire sur la 5G, également réclamé par Anne Vignot à Besançon. Cette campagne a bien peu de chances d’aboutir, puisque le Conseil d’État, saisi, a déjà précisé que les maires ne disposent pas du pouvoir de « réglementer l’installation des antennes relais sur le territoire de leur commune » , qui relève d’ « une compétence exclusive » des « autorités de l’État » . Emmanuel Denis, tout aussi remonté contre la 5G, mais plus pessimiste que ses collègues sur l’issue du bras de fer, a promis aux Tourangeaux de « créer des logements protégés pour les personnes électrosensibles » . Rappelons que si l’OMS a bien identifié une « hypersensibilité électromagnétique » , personne n’a encore réussi à établir un lien entre ces ondes et la liste de symptômes divers et variés que présentent les personnes qui s’en plaignent. Le maire de Tours, lui, est convaincu de la nocivité de la 5G. Il faut dire qu’il a longtemps milité au sein de l’association Robin des toits, qui lutte contre l’expansion du téléphone portable et les installations d’antennes relais…

      De tous les aspects de la vie quotidienne, il en est un qui passionne beaucoup moins les nouveaux élus : la sécurité. Éric Piolle n’a pas réagi la semaine dernière aux vidéos d’autopromotion diffusées par les dealers locaux, mais il a regretté l’opération de police qui s’est ensuivie en parlant de « coup de com’ » du gouvernement. Le maire de Grenoble, où le niveau de délinquance était déjà supérieur de 53 % à celui enregistré en moyenne dans les agglomérations de même taille en 2018 (notre enquête dans Le Figaro Magazine du 17 février 2020), ne s’est pas non plus ému outre mesure des sept fusillades, dont trois mortelles, qui se sont produites dans sa ville depuis fin juin. Son réflexe est toujours le même : pointer les défaillances de l’État. « Nous avons demandé des effectifs supplémentaires au début du confinement parce que nous savions que ça allait créer des tensions, a-t-il affirmé sur BFMTV. Nous n’avons pas eu de réponse. » Ausitôt, Gérald Darmanin a publié le courrier sanglant qu’il lui a envoyé pour lui rappeler que l’État s’est mobilisé mais que la ville, elle, se distingue par « un niveau particulièrement bas d’investissement dans la sécurité » .

      À Lyon, où un policier municipal s’est fait rouer de coups par une bande début juillet, Grégory Doucet envisage d’augmenter les effectifs d’une vingtaine d’agents seulement (ils sont actuellement 335) pendant son mandat. Pendant la campagne, il avait estimé que « la première sécurité des Lyonnaises et des Lyonnais, c’est d’être en bonne santé, d’avoir accès aux soins, mais aussi de ne pas tomber malade du fait des conditions environnementales » car « les incivilités ne forment pas le seul enjeu qui conditionne la paix dans la cité » . Pour améliorer la « tranquillité publique de tous » , il avait parlé de créer un « budget sensible au genre » .

      Conseillère voilée

      À Bordeaux en revanche, Amine Smihi, l’adjoint chargé de la sécurité, espère doubler les effectifs municipaux sur le terrain d’ici à la fin du mandat de Pierre Hurmic. Des « faits graves » dus essentiellement à des « conflits de territoire entre dealers » se sont produits « de façon quasi quotidienne entre le 28 juin et le 28 juillet » dans les quartiers bordelais les plus sensibles, rapporte-t-il. Très sévère pour le bilan du juppéiste Nicolas Florian sous la mandature précédente, où il affirme que « la police municipale était l’un des services les moins dotés » , il s’insurge contre la « caricature des écolos en beatniks » indifférents à la délinquance. « La sécurité est évidemment une préoccupation pour nous, mais pas un étendard » , corrige-t-il. Même s’il juge nécessaire dans certains cas une « réponse sociale » , il reconnaît volontiers que « ce ne sont pas des médiateurs qui vont régler les problèmes de trafic de drogue ! » Pour autant, il n’envisage pas d’armer les policiers municipaux, ni de multiplier les caméras dans les rues « comme Christian Estrosi à Nice » . « Je ne parle pas de vidéosurveillance mais de vidéoprotection, et la nuance sémantique est importante, précise Amine Smihi. Les caméras ont un outil au service d’une police de proximité et d’îlotage que nous souhaitons développer. S’il s’avère qu’il faut les augmenter dans ce but, aucun souci, d’autant que dans le cadre de notre plan “Bordeaux marchable”, la vidéoverbalisation aura toute sa place » . Problème : la Commission nationale informatique et liberté a déjà rappelé àl’ordre plusieurs communes qui abusaient de la vidéoverbalisation par reconnaissance des plaques d’immatriculation, autorisée seulement en cas d’infractions au stationnement payant.

      Selon l’adjoint à la sécurité, les problèmes de radicalisation islamiste, eux, sont « de loin le sujet le moins préoccupant à Bordeaux » . « Nous sommes relativement épargnés, mis à part quelques problèmes très localisés » , affirme-t-il. En matière de communautarisme, sujet connexe, les écolos sont en général très accommodants, surtout quand ils sont alliés à La France insoumise. Les Grenoblois avaient pu apprécier l’embarras et les contorsions d’Éric Piolle sur le port du burkini dans les piscines municipales. Ce défenseur autoproclamé de l’égalité des sexes n’a aucune opinion sur les symboles de la soumission de la femme dans l’islam. Jeanne Barseghian, elle, a été plus claire : les Strasbourgeois ont désormais une conseillère municipale voilée. On peut encore voir sur les réseaux sociaux une vidéo, tournée pendant la campagne, où un soutien de la candidate EELV vante au pied d’une cité « la seule liste avec une daronne voilée » . Comble de l’ironie : il se fait rembarrer par les habitants présents, choqués qu’il utilise le voile comme argument électoral.

      Dans ce domaine comme dans d’autres, les élus écolos ne peuvent encore donner leur pleine mesure, puisqu’ils sont obligés de faire avec les budgets votés par leurs prédécesseurs. Rendez-vous l’an prochain !

      Élucubrations vertes

      • « Dégenrer » les cours de récréation. C’est l’un des grands chantiers lancés cet été par Éric Piolle à Grenoble. Il estime que les cours d’écoles sont « trop réservées aux pratiques des garçons » . Mais au fait, dire que les jeux de ballon sont des jeux de garçon, ce ne serait pas un stéréotype sexiste ?

      • Interdire la voiture en ville. Ils en rêvent tous, mais Pierre Hurmic a commis la maladresse de le dire tout haut, en précisant que sa stratégie consisterait à « dégoûter progressivement l’automobiliste » de circuler à Bordeaux.

      • Réquisitionner les logements vides. Sur ce sujet-là aussi, Pierre Hurmic s’est montré le plus directif, en pointant du doigt les odieux spéculateurs : « Quand vous êtes investisseur, même un logement vide rapporte de l’argent » , a-t-il affirmé.

      • Le Tour de France indésirable. Officiellement, c’est pour des raisons financières que la maire PS de Rennes a refusé d’accueillir le départ du Tour, mais ses alliés écolos lui reprochent de polluer et de dégrader l’image de la femme. En revanche, la Cyclonudista naturiste et écologiste programmée le 13 septembre est la bienvenue.

      • Lyon zone interdite pour la Patrouille de France. Les Alpha Jet devaient survoler Lyon le 13 juillet avant de participer au défilé le lendemain à Paris, mais Grégory Doucet a décidé de priver les Lyonnais du spectacle, pour ne pas provoquer d’attroupement en période de crise sanitaire. Quand le coronavirus sert d’alibi à l’antimilitarisme.

      • Généraliser l’écriture inclusive. Pourtant dénoncée comme un « péril mortel » pour notre langue par l’Académie française, l’écriture inclusive s’est imposée à tous les étages dans les villes écolos. Les « électeur·rice·s » leur en seront sûrement reconnaissants.

      https://www.lefigaro.fr/politique/les-folies-des-nouveaux-maires-ecolos-leurs-obsessions-leurs-ideologies-leu

    • La vague verte a des reflets bleus
      http://cqfd-journal.org/La-vague-verte-a-des-reflets-bleus

      Les nouveaux maires Europe Écologie-Les Verts mettront-ils fin à la surenchère technosécuritaire à l’échelle locale ? L’analyse de leurs programmes, déclarations et premières décisions ne laisse augurer aucun changement majeur. En termes de vidéosurveillance, comme d’armement ou d’effectifs des polices municipales, la désescalade attendra.

      paru dans CQFD n°190 (septembre 2020), par Tom Vieillefond, illustré par Gautier Ducatez

    • EU: Frontex splashes out: millions of euros for new technology and equipment (19.06.2020)

      The approval of the new #Frontex_Regulation in November 2019 implied an increase of competences, budget and capabilities for the EU’s border agency, which is now equipping itself with increased means to monitor events and developments at the borders and beyond, as well as renewing its IT systems to improve the management of the reams of data to which it will have access.

      In 2020 Frontex’s #budget grew to €420.6 million, an increase of over 34% compared to 2019. The European Commission has proposed that in the next EU budget (formally known as the Multiannual Financial Framework or MFF, covering 2021-27) €11 billion will be made available to the agency, although legal negotiations are ongoing and have hit significant stumbling blocks due to Brexit, the COVID-19 pandemic and political disagreements.

      Nevertheless, the increase for this year has clearly provided a number of opportunities for Frontex. For instance, it has already agreed contracts worth €28 million for the acquisition of dozens of vehicles equipped with thermal and day cameras, surveillance radar and sensors.

      According to the contract for the provision of Mobile Surveillance Systems, these new tools will be used “for detection, identification and recognising of objects of interest e.g. human beings and/or groups of people, vehicles moving across the border (land and sea), as well as vessels sailing within the coastal areas, and other objects identified as objects of interest”. [1]

      Frontex has also published a call for tenders for Maritime Analysis Tools, worth a total of up to €2.6 million. With this, Frontex seeks to improve access to “big data” for maritime analysis. [2] The objective of deploying these tools is to enhance Frontex’s operational support to EU border, coast guard and law enforcement authorities in “suppressing and preventing, among others, illegal migration and cross-border crime in the maritime domain”.

      Moreover, the system should be capable of delivering analysis and identification of high-risk threats following the collection and storage of “big data”. It is not clear how much human input and monitoring there will be of the identification of risks. The call for tenders says the winning bidder should have been announced in May, but there is no public information on the chosen company so far.

      As part of a 12-month pilot project to examine how maritime analysis tools could “support multipurpose operational response,” Frontex previously engaged the services of the Tel Aviv-based company Windward Ltd, which claims to fuse “maritime data and artificial intelligence… to provide the right insights, with the right context, at the right time.” [3] Windward, whose current chairman is John Browne, the former CEO of the multinational oil company BP, received €783,000 for its work. [4]

      As the agency’s gathering and processing of data increases, it also aims to improve and develop its own internal IT systems, through a two-year project worth €34 million. This will establish a set of “framework contracts”. Through these, each time the agency seeks a new IT service or system, companies selected to participate in the framework contracts will submit bids for the work. [5]

      The agency is also seeking a ’Software Solution for EBCG [European Border and Coast Guard] Team Members to Access to Schengen Information System’, through a contract worth up to €5 million. [6] The Schengen Information System (SIS) is the EU’s largest database, enabling cooperation between authorities working in the fields of police, border control and customs of all the Schengen states (26 EU member states plus Iceland, Norway, Liechtenstein and Switzerland) and its legal bases were recently reformed to include new types of alert and categories of data. [7]

      This software will give Frontex officials direct access to certain data within the SIS. Currently, they have to request access via national border guards in the country in which they are operating. This would give complete autonomy to Frontex officials to consult the SIS whilst undertaking operations, shortening the length of the procedure. [8]

      With the legal basis for increasing Frontex’s powers in place, the process to build up its personnel, material and surveillance capacities continues, with significant financial implications.

      https://www.statewatch.org/news/2020/june/eu-frontex-splashes-out-millions-of-euros-for-new-technology-and-equipme

      #technologie #équipement #Multiannual_Financial_Framework #MFF #surveillance #Mobile_Surveillance_Systems #Maritime_Analysis_Tools #données #big_data #mer #Windward_Ltd #Israël #John_Browne #BP #complexe_militaro-industriel #Software_Solution_for_EBCG_Team_Members_to_Access_to_Schengen_Information_System #SIS #Schengen_Information_System

    • EU : Guns, guards and guidelines : reinforcement of Frontex runs into problems (26.05.2020)

      An internal report circulated by Frontex to EU government delegations highlights a series of issues in implementing the agency’s new legislation. Despite the Covid-19 pandemic, the agency is urging swift action to implement the mandate and is pressing ahead with the recruitment of its new ‘standing corps’. However, there are legal problems with the acquisition, registration, storage and transport of weapons. The agency is also calling for derogations from EU rules on staff disciplinary measures in relation to the use of force; and wants an extended set of privileges and immunities. Furthermore, it is assisting with “voluntary return” despite this activity appearing to fall outside of its legal mandate.

      State-of-play report

      At the end of April 2020, Frontex circulated a report to EU government delegations in the Council outlining the state of play of the implementation of its new Regulation (“EBCG 2.0 Regulation”, in the agency and Commission’s words), especially relating to “current challenges”.[1] Presumably, this refers to the outbreak of a pandemic, though the report also acknowledges challenges created by the legal ambiguities contained in the Regulation itself, in particular with regard to the acquisition of weapons, supervisory and disciplinary mechanisms, legal privileges and immunities and involvement in “voluntary return” operations.

      The path set out in the report is that the “operational autonomy of the agency will gradually increase towards 2027” until it is a “fully-fledged and reliable partner” to EU and Schengen states. It acknowledges the impacts of unforeseen world events on the EU’s forthcoming budget (Multi-annual Financial Framework, MFF) for 2021-27, and hints at the impact this will have on Frontex’s own budget and objectives. Nevertheless, the agency is still determined to “continue increasing the capabilities” of the agency, including its acquisition of new equipment and employment of new staff for its standing corps.

      The main issues covered by the report are: Frontex’s new standing corps of staff, executive powers and the use of force, fundamental rights and data protection, and the integration into Frontex of EUROSUR, the European Border Surveillance System.

      The new standing corps

      Recruitment

      A new standing corps of 10,000 Frontex staff by 2024 is to be, in the words of the agency, its “biggest game changer”.[2] The report notes that the establishment of the standing corps has been heavily affected by the outbreak of Covid-19. According to the report, 7,238 individuals had applied to join the standing corps before the outbreak of the pandemic. 5,482 of these – over 75% – were assessed by the agency as eligible, with a final 304 passing the entire selection process to be on the “reserve lists”.[3]

      Despite interruptions to the recruitment procedure following worldwide lockdown measures, interviews for Category 1 staff – permanent Frontex staff members to be deployed on operations – were resumed via video by the end of April. 80 candidates were shortlisted for the first week, and Frontex aims to interview 1,000 people in total. Despite this adaptation, successful candidates will have to wait for Frontex’s contractor to re-open in order to carry out medical tests, an obligatory requirement for the standing corps.[4]

      In 2020, Frontex joined the European Defence Agency’s Satellite Communications (SatCom) and Communications and Information System (CIS) services in order to ensure ICT support for the standing corps in operation as of 2021.[5] The EDA describes SatCom and CIS as “fundamental for Communication, Command and Control in military operations… [enabling] EU Commanders to connect forces in remote areas with HQs and capitals and to manage the forces missions and tasks”.[6]

      Training

      The basic training programme, endorsed by the management board in October 2019, is designed for Category 1 staff. It includes specific training in interoperability and “harmonisation with member states”. The actual syllabus, content and materials for this basic training were developed by March 2020; Statewatch has made a request for access to these documents, which is currently pending with the Frontex Transparency Office. This process has also been affected by the novel coronavirus, though the report insists that “no delay is foreseen in the availability of the specialised profile related training of the standing corps”.

      Use of force

      The state-of-play-report acknowledges a number of legal ambiguities surrounding some of the more controversial powers outlined in Frontex’s 2019 Regulation, highlighting perhaps that political ambition, rather than serious consideration and assessment, propelled the legislation, overtaking adequate procedure and oversight. The incentive to enact the legislation within a short timeframe is cited as a reason that no impact assessment was carried out on the proposed recast to the agency’s mandate. This draft was rushed through negotiations and approved in an unprecedented six-month period, and the details lost in its wake are now coming to light.

      Article 82 of the 2019 Regulation refers to the use of force and carriage of weapons by Frontex staff, while a supervisory mechanism for the use of force by statutory staff is established by Article 55. This says:

      “On the basis of a proposal from the executive director, the management board shall: (a) establish an appropriate supervisory mechanism to monitor the application of the provisions on use of force by statutory staff, including rules on reporting and specific measures, such as those of a disciplinary nature, with regard to the use of force during deployments”[7]

      The agency’s management board is expected to make a decision about this supervisory mechanism, including specific measures and reporting, by the end of June 2020.

      The state-of-play report posits that the legal terms of Article 55 are inconsistent with the standard rules on administrative enquiries and disciplinary measures concerning EU staff.[8] These outline, inter alia, that a dedicated disciplinary board will be established in each institution including at least one member from outside the institution, that this board must be independent and its proceedings secret. Frontex insists that its staff will be a special case as the “first uniformed service of the EU”, and will therefore require “special arrangements or derogations to the Staff Regulations” to comply with the “totally different nature of tasks and risks associated with their deployments”.[9]

      What is particularly astounding about Frontex demanding special treatment for oversight, particularly on use of force and weapons is that, as the report acknowledges, the agency cannot yet legally store or transport any weapons it acquires.

      Regarding service weapons and “non-lethal equipment”,[10] legal analysis by “external experts and a regulatory law firm” concluded that the 2019 Regulation does not provide a legal basis for acquiring, registering, storing or transporting weapons in Poland, where the agency’s headquarters is located. Frontex has applied to the Commission for clarity on how to proceed, says the report. Frontex declined to comment on the status of this consultation and any indications of the next steps the agency will take. A Commission spokesperson stated only that it had recently received the agency’s enquiry and “is analysing the request and the applicable legal framework in the view of replying to the EBCGA”, without expanding further.

      Until Frontex has the legal basis to do so, it cannot launch a tender for firearms and “non-lethal equipment” (which includes batons, pepper spray and handcuffs). However, the report implies the agency is ready to do so as soon as it receives the green light. Technical specifications are currently being finalised for “non-lethal equipment” and Frontex still plans to complete acquisition by the end of the year.

      Privileges and immunities

      The agency is also seeking special treatment with regard to the legal privileges and immunities it and its officials enjoy. Article 96 of the 2019 Regulation outlines the privileges and immunities of Frontex officers, stating:

      “Protocol No 7 on the Privileges and Immunities of the European Union annexed to the Treaty on European Union (TEU) and to the TFEU shall apply to the Agency and its statutory staff.” [11]

      However, Frontex notes that the Protocol does not apply to non-EU states, nor does it “offer a full protection, or take into account a need for the inviolability of assets owned by Frontex (service vehicles, vessels, aircraft)”.[12] Frontex is increasingly involved in operations taking place on non-EU territory. For instance, the Council of the EU has signed or initialled a number of Status Agreements with non-EU states, primarily in the Western Balkans, concerning Frontex activities in those countries. To launch operations under these agreements, Frontex will (or, in the case of Albania, already has) agree on operational plans with each state, under which Frontex staff can use executive powers.[13] The agency therefore seeks an “EU-level status of forces agreement… to account for the partial absence of rules”.

      Law enforcement

      To implement its enhanced functions regarding cross-border crime, Frontex will continue to participate in Europol’s four-year policy cycle addressing “serious international and organised crime”.[14] The agency is also developing a pilot project, “Investigation Support Activities- Cross Border Crime” (ISA-CBC), addressing drug trafficking and terrorism.

      Fundamental rights and data protection

      The ‘EBCG 2.0 Regulation’ requires several changes to fundamental rights measures by the agency, which, aside from some vague “legal analyses” seem to be undergoing development with only internal oversight.

      Firstly, to facilitate adequate independence of the Fundamental Rights Officer (FRO), special rules have to be established. The FRO was introduced under Frontex’s 2016 Regulation, but has since then been understaffed and underfunded by the agency.[15] The 2019 Regulation obliges the agency to ensure “sufficient and adequate human and financial resources” for the office, as well as 40 fundamental rights monitors.[16] These standing corps staff members will be responsible for monitoring compliance with fundamental rights standards, providing advice and assistance on the agency’s plans and activities, and will visit and evaluate operations, including acting as forced return monitors.[17]

      During negotiations over the proposed Regulation 2.0, MEPs introduced extended powers for the Fundamental Rights Officer themselves. The FRO was previously responsible for contributing to Frontex’s fundamental rights strategy and monitoring its compliance with and promotion of fundamental rights. Now, they will be able to monitor compliance by conducting investigations; offering advice where deemed necessary or upon request of the agency; providing opinions on operational plans, pilot projects and technical assistance; and carrying out on-the-spot visits. The executive director is now obliged to respond “as to how concerns regarding possible violations of fundamental rights… have been addressed,” and the management board “shall ensure that action is taken with regard to recommendations of the fundamental rights officer.” [18] The investigatory powers of the FRO are not, however, set out in the Regulation.

      The state-of-play report says that “legal analyses and exchanges” are ongoing, and will inform an eventual management board decision, but no timeline for this is offered. [19] The agency will also need to adapt its much criticised individual complaints mechanism to fit the requirements of the 2019 Regulation; executive director Fabrice Leggeri’s first-draft decision on this process is currently undergoing internal consultations. Even the explicit requirement set out in the 2019 Regulation for an “independent and effective” complaints mechanism,[20] does not meet minimum standards to qualify as an effective remedy, which include institutional independence, accessibility in practice, and capacity to carry out thorough and prompt investigations.[21]

      Frontex has entered into a service level agreement (SLA) with the EU’s Fundamental Rights Agency (FRA) for support in establishing and training the team of fundamental rights monitors introduced by the 2019 Regulation. These monitors are to be statutory staff of the agency and will assess fundamental rights compliance of operational activities, advising, assisting and contributing to “the promotion of fundamental rights”.[22] The scope and objectives for this team were finalised at the end of March this year, and the agency will establish the team by the end of the year. Statewatch has requested clarification as to what is to be included in the team’s scope and objectives, pending with the Frontex Transparency Office.

      Regarding data protection, the agency plans a package of implementing rules (covering issues ranging from the position of data protection officer to the restriction of rights for returnees and restrictions under administrative data processing) to be implemented throughout 2020.[23] The management board will review a first draft of the implementing rules on the data protection officer in the second quarter of 2020.

      Returns

      The European Return and Reintegration Network (ERRIN) – a network of 15 European states and the Commission facilitating cooperation over return operations “as part of the EU efforts to manage migration” – is to be handed over to Frontex. [24] A handover plan is currently under the final stage of review; it reportedly outlines the scoping of activities and details of “which groups of returnees will be eligible for Frontex assistance in the future”.[25] A request from Statewatch to Frontex for comment on what assistance will be provided by the agency to such returnees was unanswered at the time of publication.

      Since the entry into force of its new mandate, Frontex has also been providing technical assistance for so-called voluntary returns, with the first two such operations carried out on scheduled flights (as opposed to charter flights) in February 2020. A total of 28 people were returned by mid-April, despite the fact that there is no legal clarity over what the definition “voluntary return” actually refers to, as the state-of-play report also explains:

      “The terminology of voluntary return was introduced in the Regulation without providing any definition thereof. This terminology (voluntary departure vs voluntary return) is moreover not in line with the terminology used in the Return Directive (EBCG 2.0 refers to the definition of returns provided for in the Return Directive. The Return Directive, however, does not cover voluntary returns; a voluntary return is not a return within the meaning of the Return Directive). Further elaboration is needed.”[26]

      On top of requiring “further clarification”, if Frontex is assisting with “voluntary returns” that are not governed by the Returns Directive, it is acting outside of its legal mandate. Statewatch has launched an investigation into the agency’s activities relating to voluntary returns, to outline the number of such operations to date, their country of return and country of destination.

      Frontex is currently developing a module dedicated to voluntary returns by charter flight for its FAR (Frontex Application for Returns) platform (part of its return case management system). On top of the technical support delivered by the agency, Frontex also foresees the provision of on-the-ground support from Frontex representatives or a “return counsellor”, who will form part of the dedicated return teams planned for the standing corps from 2021.[27]

      Frontex has updated its return case management system (RECAMAS), an online platform for member state authorities and Frontex to communicate and plan return operations, to manage an increased scope. The state-of-play report implies that this includes detail on post-return activities in a new “post-return module”, indicating that Frontex is acting on commitments to expand its activity in this area. According to the agency’s roadmap on implementing the 2019 Regulation, an action plan on how the agency will provide post-return support to people (Article 48(1), 2019 Regulation) will be written by the third quarter of 2020.[28]

      In its closing paragraph, related to the budgetary impact of COVID-19 regarding return operations, the agency notes that although activities will resume once aerial transportation restrictions are eased, “the agency will not be able to provide what has been initially intended, undermining the concept of the EBCG as a whole”.[29]

      EUROSUR

      The Commission is leading progress on adopting the implementing act for the integration of EUROSUR into Frontex, which will define the implementation of new aerial surveillance,[30] expected by the end of the year.[31] Frontex is discussing new working arrangements with the European Aviation Safety Agency (EASA) and the European Organisation for the Safety of Air Navigation (EUROCONTROL). The development by Frontex of the surveillance project’s communications network will require significant budgetary investment, as the agency plans to maintain the current system ahead of its planned replacement in 2025.[32] This investment is projected despite the agency’s recognition of the economic impact of Covid-19 on member states, and the consequent adjustments to the MFF 2021-27.

      Summary

      Drafted and published as the world responds to an unprecedented pandemic, the “current challenges” referred to in the report appear, on first read, to refer to the budgetary and staffing implications of global shut down. However, the report maintains throughout that the agency’s determination to expand, in terms of powers as well as staffing, will not be stalled despite delays and budgeting adjustments. Indeed, it is implied more than once that the “current challenges” necessitate more than ever that these powers be assumed. The true challenges, from the agency’s point of view, stem from the fact that its current mandate was rushed through negotiations in six months, leading to legal ambiguities that leave it unable to acquire or transport weapons and in a tricky relationship with the EU protocol on privileges and immunities when operating in third countries. Given the violence that so frequently accompanies border control operations in the EU, it will come as a relief to many that Frontex is having difficulties acquiring its own weaponry. However, it is far from reassuring that the introduction of new measures on fundamental rights and accountability are being carried out internally and remain unavailable for public scrutiny.

      Jane Kilpatrick

      Note: this article was updated on 26 May 2020 to include the European Commission’s response to Statewatch’s enquiries.

      It was updated on 1 July with some minor corrections:

      “the Council of the EU has signed or initialled a number of Status Agreements with non-EU states... under which” replaces “the agency has entered into working agreements with Balkan states, under which”
      “The investigatory powers of the FRO are not, however, set out in any detail in the Regulation beyond monitoring the agency’s ’compliance with fundamental rights, including by conducting investigations’” replaces “The investigatory powers of the FRO are not, however, set out in the Regulation”
      “if Frontex is assisting with “voluntary returns” that are not governed by the Returns Directive, it further exposes the haste with which legislation written to deny entry into the EU and facilitate expulsions was drafted” replaces “if Frontex is assisting with “voluntary returns” that are not governed by the Returns Directive, it is acting outside of its legal mandate”

      Endnotes

      [1] Frontex, ‘State of play of the implementation of the EBCG 2.0 Regulation in view of current challenges’, 27 April 2020, contained in Council document 7607/20, LIMITE, 20 April 2020, http://statewatch.org/news/2020/may/eu-council-frontex-ECBG-state-of-play-7607-20.pdf

      [2] Frontex, ‘Programming Document 2018-20’, 10 December 2017, http://www.statewatch.org/news/2019/feb/frontex-programming-document-2018-20.pdf

      [3] Section 1.1, state of play report

      [4] Jane Kilpatrick, ‘Frontex launches “game-changing” recruitment drive for standing corps of border guards’, Statewatch Analysis, March 2020, http://www.statewatch.org/analyses/no-355-frontex-recruitment-standing-corps.pdf

      [5] Section 7.1, state of play report

      [6] EDA, ‘EU SatCom Market’, https://www.eda.europa.eu/what-we-do/activities/activities-search/eu-satcom-market

      [7] Article 55(5)(a), Regulation (EU) 2019/1896 of the European Parliament and of the Council on the European Border and Coast Guard (Frontex 2019 Regulation), https://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?uri=CELEX:32019R1896

      [8] Pursuant to Annex IX of the EU Staff Regulations, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:01962R0031-20140501

      [9] Chapter III, state of play report

      [10] Section 2.5, state of play report

      [11] Protocol (No 7), https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=uriserv:OJ.C_.2016.202.01.0001.01.ENG#d1e3363-201-1

      [12] Chapter III, state of play report

      [13] ‘Border externalisation: Agreements on Frontex operations in Serbia and Montenegro heading for parliamentary approval’, Statewatch News, 11 March 2020, http://statewatch.org/news/2020/mar/frontex-status-agreements.htm

      [14] Europol, ‘EU policy cycle – EMPACT’, https://www.europol.europa.eu/empact

      [15] ‘NGOs, EU and international agencies sound the alarm over Frontex’s respect for fundamental rights’, Statewatch News, 5 March 2019, http://www.statewatch.org/news/2019/mar/fx-consultative-forum-rep.htm; ‘Frontex condemned by its own fundamental rights body for failing to live up to obligations’, Statewatch News, 21 May 2018, http://www.statewatch.org/news/2018/may/eu-frontex-fr-rep.htm

      [16] Article 110(6), Article 109, 2019 Regulation

      [17] Article 110, 2019 Regulation

      [18] Article 109, 2019 Regulation

      [19] Section 8, state of play report

      [20] Article 111(1), 2019 Regulation

      [21] Sergio Carrera and Marco Stefan, ‘Complaint Mechanisms in Border Management and Expulsion Operations in Europe: Effective Remedies for Victims of Human Rights Violations?’, CEPS, 2018, https://www.ceps.eu/system/files/Complaint%20Mechanisms_A4.pdf

      [22] Article 110(1), 2019 Regulation

      [23] Section 9, state of play report

      [24] ERRIN, https://returnnetwork.eu

      [25] Section 3.2, state of play report

      [26] Chapter III, state of play report

      [27] Section 3.2, state of play report

      [28] ‘’Roadmap’ for implementing new Frontex Regulation: full steam ahead’, Statewatch News, 25 November 2019, http://www.statewatch.org/news/2019/nov/eu-frontex-roadmap.htm

      [29] State of play report, p. 19

      [30] Matthias Monroy, ‘Drones for Frontex: unmanned migration control at Europe’s borders’, Statewatch Analysis, February 2020, http://www.statewatch.org/analyses/no-354-frontex-drones.pdf

      [31] Section 4, state of play report

      [32] Section 7.2, state of play report
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      Mediterranean: As the fiction of a Libyan search and rescue zone begins to crumble, EU states use the coronavirus pandemic to declare themselves unsafe

      https://www.statewatch.org/analyses/2020/eu-guns-guards-and-guidelines-reinforcement-of-frontex-runs-into-problem

      #EBCG_2.0_Regulation #European_Defence_Agency’s_Satellite_Communications (#SatCom) #Communications_and_Information_System (#CIS) #immunité #droits_fondamentaux #droits_humains #Fundamental_Rights_Officer (#FRO) #European_Return_and_Reintegration_Network (#ERRIN) #renvois #expulsions #réintégration #Directive_Retour #FAR (#Frontex_Application_for_Returns) #RECAMAS #EUROSUR #European_Aviation_Safety_Agency (#EASA) #European_Organisation_for_the_Safety_of_Air_Navigation (#EUROCONTROL)

    • Frontex launches “game-changing” recruitment drive for standing corps of border guards

      On 4 January 2020 the Management Board of the European Border and Coast Guard Agency (Frontex) adopted a decision on the profiles of the staff required for the new “standing corps”, which is ultimately supposed to be staffed by 10,000 officials. [1] The decision ushers in a new wave of recruitment for the agency. Applicants will be put through six months of training before deployment, after rigorous medical testing.

      What is the standing corps?

      The European Border and Coast Guard standing corps is the new, and according to Frontex, first ever, EU uniformed service, available “at any time…to support Member States facing challenges at their external borders”.[2] Frontex’s Programming Document for the 2018-2020 period describes the standing corps as the agency’s “biggest game changer”, requiring “an unprecedented scale of staff recruitment”.[3]

      The standing corps will be made up of four categories of Frontex operational staff:

      Frontex statutory staff deployed in operational areas and staff responsible for the functioning of the European Travel Information and Authorisation System (ETIAS) Central Unit[4];
      Long-term staff seconded from member states;
      Staff from member states who can be immediately deployed on short-term secondment to Frontex; and

      A reserve of staff from member states for rapid border interventions.

      These border guards will be “trained by the best and equipped with the latest technology has to offer”.[5] As well as wearing EU uniforms, they will be authorised to carry weapons and will have executive powers: they will be able to verify individuals’ identity and nationality and permit or refuse entry into the EU.

      The decision made this January is limited to the definition of profiles and requirements for the operational staff that are to be recruited. The Management Board (MB) will have to adopt a new decision by March this year to set out the numbers of staff needed per profile, the requirements for individuals holding those positions, and the number of staff needed for the following year based on expected operational needs. This process will be repeated annually.[6] The MB can then further specify how many staff each member state should contribute to these profiles, and establish multi-annual plans for member state contributions and recruitment for Frontex statutory staff. Projections for these contributions are made in Annexes II – IV of the 2019 Regulation, though a September Mission Statement by new European Commission President Ursula von der Leyen urges the recruitment of 10,000 border guards by 2024, indicating that member states might be meeting their contribution commitments much sooner than 2027.[7]

      The standing corps of Frontex staff will have an array of executive powers and responsibilities. As well as being able to verify identity and nationality and refuse or permit entry into the EU, they will be able to consult various EU databases to fulfil operational aims, and may also be authorised by host states to consult national databases. According to the MB Decision, “all members of the Standing Corps are to be able to identify persons in need of international protection and persons in a vulnerable situation, including unaccompanied minors, and refer them to the competent authorities”. Training on international and EU law on fundamental rights and international protection, as well as guidelines on the identification and referral of persons in need of international protection, will be mandatory for all standing corps staff members.

      The size of the standing corps

      The following table, taken from the 2019 Regulation, outlines the ambitions for growth of Frontex’s standing corps. However, as noted, the political ambition is to reach the 10,000 total by 2024.

      –-> voir le tableau sur le site de statewatch!

      Category 2 staff – those on long term secondment from member states – will join Frontex from 2021, according to the 2019 Regulation.[8] It is foreseen that Germany will contribute the most staff, with 61 expected in 2021, increasing year-by-year to 225 by 2027. Other high contributors are France and Italy (170 and 125 by 2027, respectively).

      The lowest contributors will be Iceland (expected to contribute between one and two people a year from 2021 to 2027), Malta, Cyprus and Luxembourg. Liechtenstein is not contributing personnel but will contribute “through proportional financial support”.

      For short-term secondments from member states, projections follow a very similar pattern. Germany will contribute 540 staff in 2021, increasing to 827 in 2027; Italy’s contribution will increase from 300 in 2021 to 458 in 2027; and France’s from 408 in 2021 to 624 in 2027. Most states will be making less than 100 staff available for short-term secondment in 2021.

      What are the profiles?

      The MB Decision outlines 12 profiles to be made available to Frontex, ranging from Border Guard Officer and Crew Member, to Cross Border Crime Detection Officer and Return Specialist. A full list is contained in the Decision.[9] All profiles will be fulfilled by an official of the competent authority of a member state (MS) or Schengen Associated Country (SAC), or by a member of Frontex’s own statutory staff.

      Tasks to be carried out by these officials include:

      border checks and surveillance;
      interviewing, debriefing* and screening arrivals and registering fingerprints;
      supporting the collection, assessment, analysis and distribution of information with EU member and non-member states;
      verifying travel documents;
      escorting individuals being deported on Frontex return operations;
      operating data systems and platforms; and
      offering cultural mediation

      *Debriefing consists of informal interviews with migrants to collect information for risk analyses on irregular migration and other cross-border crime and the profiling of irregular migrants to identify “modus operandi and migration trends used by irregular migrants and facilitators/criminal networks”. Guidelines written by Frontex in 2012 instructed border guards to target vulnerable individuals for “debriefing”, not in order to streamline safeguarding or protection measures, but for intelligence-gathering - “such people are often more willing to talk about their experiences,” said an internal document.[10] It is unknown whether those instructions are still in place.

      Recruitment for the profiles

      Certain profiles are expected to “apply self-safety and security practice”, and to have “the capacity to work under pressure and face emotional events with composure”. Relevant profiles (e.g. crew member) are required to be able to perform search and rescue activities in distress situations at sea borders.

      Frontex published a call for tender on 27 December for the provision of medical services for pre-recruitment examinations, in line with the plan to start recruiting operational staff in early 2020. The documents accompanying the tender reveal additional criteria for officials that will be granted executive powers (Frontex category “A2”) compared to those staff stationed primarily at the agency’s Warsaw headquarters (“A1”). Those criteria come in the form of more stringent medical testing.

      The differences in medical screening for category A1 and A2 staff lie primarily in additional toxicology screening and psychiatric and psychological consultations. [11] The additional psychiatric attention allotted for operational staff “is performed to check the predisposition for people to work in arduous, hazardous conditions, exposed to stress, conflict situations, changing rapidly environment, coping with people being in dramatic, injure or death exposed situations”.[12]

      Both A1 and A2 category provisional recruits will be asked to disclose if they have ever suffered from a sexually transmitted disease or “genital organ disease”, as well as depression, nervous or mental disorders, among a long list of other ailments. As well as disclosing any medication they take, recruits must also state if they are taking oral contraceptives (though there is no question about hormonal contraceptives that are not taken orally). Women are also asked to give the date of their last period on the pre-appointment questionnaire.

      “Never touch yourself with gloves”

      Frontex training materials on forced return operations obtained by Statewatch in 2019 acknowledge the likelihood of psychological stress among staff, among other health risks. (One recommendation contained in the documents is to “never touch yourself with gloves”). Citing “dissonance within the team, long hours with no rest, group dynamic, improvisation and different languages” among factors behind psychological stress, the training materials on medical precautionary measures for deportation escort officers also refer to post-traumatic stress disorder, the lack of an area to retreat to and body clock disruption as exacerbating risks. The document suggests a high likelihood that Frontex return escorts will witness poverty, “agony”, “chaos”, violence, boredom, and will have to deal with vulnerable persons.[13]

      For fundamental rights monitors (officials deployed to monitor fundamental rights compliance during deportations, who can be either Frontex staff or national officials), the training materials obtained by Statewatch focus on the self-control of emotions, rather than emotional care. Strategies recommended include talking to somebody, seeking professional help, and “informing yourself of any other option offered”. The documents suggest that it is an individual’s responsibility to prevent emotional responses to stressful situations having an impact on operations, and to organise their own supervision and professional help. There is no obvious focus on how traumatic responses of Frontex staff could affect those coming into contact with them at an external border or during a deportation. [14]

      The materials obtained by Statewatch also give some indication of the fundamental rights training imparted to those acting as deportation ‘escorts’ and fundamental rights monitors. The intended outcomes for a training session in Athens that took place in March 2019 included “adapt FR [fundamental rights] in a readmission operation (explain it with examples)” and “should be able to describe Non Refoulement principle” (in the document, ‘Session Fundamental rights’ is followed by ‘Session Velcro handcuffs’).[15] The content of the fundamental rights training that will be offered to Frontex’s new recruits is currently unknown.

      Fit for service?

      The agency anticipates that most staff will be recruited from March to June 2020, involving the medical examination of up to 700 applicants in this period. According to Frontex’s website, the agency has already received over 7,000 applications for the 700 new European Border Guard Officer positions.[16] Successful candidates will undergo six months of training before deployment in 2021. Apparently then, the posts are a popular career option, despite the seemingly invasive medical tests (especially for sexually active women). Why, for instance, is it important to Frontex to know about oral hormonal contraception, or about sexually transmitted infections?

      When asked by Statewatch if Frontex provides in-house psychological and emotional support, an agency press officer stated: “When it comes to psychological and emotional support, Frontex is increasing awareness and personal resilience of the officers taking part in our operations through education and training activities.” A ‘Frontex Mental Health Strategy’ from 2018 proposed the establishment of “a network of experts-psychologists” to act as an advisory body, as well as creating “online self-care tools”, a “psychological hot-line”, and a space for peer support with participation of psychologists (according to risk assessment) during operations.[17]

      One year later, Frontex, EASO and Europol jointly produced a brochure for staff deployed on operations, entitled ‘Occupational Health and Safety – Deployment Information’, which offers a series of recommendations to staff, placing the responsibility to “come to the deployment in good mental shape” and “learn how to manage stress and how to deal with anger” more firmly on the individual than the agency.[18] According to this document, officers who need additional support must disclose this by requesting it from their supervisor, while “a helpline or psychologist on-site may be available, depending on location”.

      Frontex anticipates this recruitment drive to be “game changing”. Indeed, the Commission is relying upon it to reach its ambitions for the agency’s independence and efficiency. The inclusion of mandatory training in fundamental rights in the six-month introductory education is obviously a welcome step. Whether lessons learned in a classroom will be the first thing that comes to the minds of officials deployed on border control or deportation operations remains to be seen.

      Unmanaged responses to emotional stress can include burnout, compassion-fatigue and indirect trauma, which can in turn decrease a person’s ability to cope with adverse circumstance, and increase the risk of violence.[19] Therefore, aside from the agency’s responsibility as an employer to safeguard the health of its staff, its approach to internal psychological care will affect not only the border guards themselves, but the people that they routinely come into contact with at borders and during return operations, many of whom themselves will have experienced trauma.

      Jane Kilpatrick

      Endnotes

      [1] Management Board Decision 1/2020 of 4 January 2020 on adopting the profiles to be made available to the European Border and Coast Guard Standing Corps, https://frontex.europa.eu/assets/Key_Documents/MB_Decision/2020/MB_Decision_1_2020_adopting_the_profiles_to_be_made_available_to_the_

      [2] Frontex, ‘Careers’, https://frontex.europa.eu/about-frontex/careers/frontex-border-guard-recruitment

      [3] Frontex, ‘Programming Document 2018-20’, 10 December 2017, http://www.statewatch.org/news/2019/feb/frontex-programming-document-2018-20.pdf

      [4] The ETIAS Central Unit will be responsible for processing the majority of applications for ‘travel authorisations’ received when the European Travel Information and Authorisation System comes into use, in theory in late 2022. Citizens who do not require a visa to travel to the Schengen area will have to apply for authorisation to travel to the Schengen area.

      [5] Frontex, ‘Careers’, https://frontex.europa.eu/about-frontex/careers/frontex-border-guard-recruitment

      [6] Article 54(4), Regulation (EU) 2019/1896 of the European Parliament and of the Council of 13 November 2019 on the European Border and Coast Guard and repealing Regulations (EU) No 1052/2013 and (EU) 2016/1624, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?uri=CELEX:32019R1896

      [7] ‘European Commission 2020 Work Programme: An ambitious roadmap for a Union that strives for more’, 29 January 2020, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_20_124; “Mission letter” from Ursula von der Leyen to Ylva Johnsson, 10 September 2019, https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/mission-letter-ylva-johansson_en.pdf

      [8] Annex II, 2019 Regulation

      [9] Management Board Decision 1/2020 of 4 January 2020 on adopting the profiles to be made available to the European Border and Coast Guard Standing Corps, https://frontex.europa.eu/assets/Key_Documents/MB_Decision/2020/MB_Decision_1_2020_adopting_the_profiles_to_be_made_available_to_the_

      [10] ‘Press release: EU border agency targeted “isolated or mistreated” individuals for questioning’, Statewatch News, 16 February 2017, http://www.statewatch.org/news/2017/feb/eu-frontex-op-hera-debriefing-pr.htm

      [11] ‘Provision of Medical Services – Pre-Recruitment Examination’, https://etendering.ted.europa.eu/cft/cft-documents.html?cftId=5841

      [12] ‘Provision of medical services – pre-recruitment examination, Terms of Reference - Annex II to invitation to tender no Frontex/OP/1491/2019/KM’, https://etendering.ted.europa.eu/cft/cft-document.html?docId=65398

      [13] Frontex training presentation, ‘Medical precautionary measures for escort officers’, undated, http://statewatch.org/news/2020/mar/eu-frontex-presentation-medical-precautionary-measures-deportation-escor

      [14] Ibid.

      [15] Frontex, document listing course learning outcomes from deportation escorts’ training, http://statewatch.org/news/2020/mar/eu-frontex-deportation-escorts-training-course-learning-outcomes.pdf

      [16] Frontex, ‘Careers’, https://frontex.europa.eu/about-frontex/careers/frontex-border-guard-recruitment

      [17] Frontex, ‘Frontex mental health strategy’, 20 February 2018, https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/89c168fe-e14b-11e7-9749-01aa75ed71a1/language-en

      [18] EASO, Europol and Frontex, ‘Occupational health and safety’, 12 August 2019, https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/17cc07e0-bd88-11e9-9d01-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-103142015

      [19] Trauma Treatment International, ‘A different approach for victims of trauma’, https://www.tt-intl.org/#our-work-section

      https://www.statewatch.org/analyses/2020/frontex-launches-game-changing-recruitment-drive-for-standing-corps-of-b
      #gardes_frontières #staff #corps_des_gardes-frontières

    • Drones for Frontex: unmanned migration control at Europe’s borders (27.02.2020)

      Instead of providing sea rescue capabilities in the Mediterranean, the EU is expanding air surveillance. Refugees are observed with drones developed for the military. In addition to numerous EU states, countries such as Libya could also use the information obtained.

      It is not easy to obtain majorities for legislation in the European Union in the area of migration - unless it is a matter of upgrading the EU’s external borders. While the reform of a common EU asylum system has been on hold for years, the European Commission, Parliament and Council agreed to reshape the border agency Frontex with unusual haste shortly before last year’s parliamentary elections. A new Regulation has been in force since December 2019,[1] under which Frontex intends to build up a “standing corps” of 10,000 uniformed officials by 2027. They can be deployed not just at the EU’s external borders, but in ‘third countries’ as well.

      In this way, Frontex will become a “European border police force” with powers that were previously reserved for the member states alone. The core of the new Regulation includes the procurement of the agency’s own equipment. The Multiannual Financial Framework, in which the EU determines the distribution of its financial resources from 2021 until 2027, has not yet been decided. According to current plans, however, at least €6 billion are reserved for Frontex in the seven-year budget. The intention is for Frontex to spend a large part of the money, over €2 billion, on aircraft, ships and vehicles.[2]

      Frontex seeks company for drone flights

      The upgrade plans include the stationing of large drones in the central and eastern Mediterranean. For this purpose, Frontex is looking for a private partner to operate flights off Malta, Italy or Greece. A corresponding tender ended in December[3] and the selection process is currently underway. The unmanned missions could then begin already in spring. Frontex estimates the total cost of these missions at €50 million. The contract has a term of two years and can be extended twice for one year at a time.

      Frontex wants drones of the so-called MALE (Medium Altitude Long Endurance) class. Their flight duration should be at least 20 hours. The requirements include the ability to fly in all weather conditions and at day and night. It is also planned to operate in airspace where civil aircraft are in service. For surveillance missions, the drones should carry electro-optical cameras, thermal imaging cameras and so-called “daylight spotter” systems that independently detect moving targets and keep them in focus. Other equipment includes systems for locating mobile and satellite telephones. The drones will also be able to receive signals from emergency call transmitters sewn into modern life jackets.

      However, the Frontex drones will not be used primarily for sea rescue operations, but to improve capacities against unwanted migration. This assumption is also confirmed by the German non-governmental organisation Sea-Watch, which has been providing assistance in the central Mediterranean with various ships since 2015. “Frontex is not concerned with saving lives,” says Ruben Neugebauer of Sea-Watch. “While air surveillance is being expanded with aircraft and drones, ships urgently needed for rescue operations have been withdrawn”. Sea-Watch demands that situation pictures of EU drones are also made available to private organisations for sea rescue.

      Aircraft from arms companies

      Frontex has very specific ideas for its own drones, which is why there are only a few suppliers worldwide that can be called into question. The Israel Aerospace Industries Heron 1, which Frontex tested for several months on the Greek island of Crete[4] and which is also flown by the German Bundeswehr, is one of them. As set out by Frontex in its invitation to tender, the Heron 1, with a payload of around 250 kilograms, can carry all the surveillance equipment that the agency intends to deploy over the Mediterranean. Also amongst those likely to be interested in the Frontex contract is the US company General Atomics, which has been building drones of the Predator series for 20 years. Recently, it presented a new Predator model in Greece under the name SeaGuardian, for maritime observation.[5] It is equipped with a maritime surveillance radar and a system for receiving position data from larger ships, thus fulfilling one of Frontex’s essential requirements.

      General Atomics may have a competitive advantage, as its Predator drones have several years’ operational experience in the Mediterranean. In addition to Frontex, the European Union has been active in the central Mediterranean with EUNAVFOR MED Operation Sophia. In March 2019, Italy’s then-interior minister Matteo Salvini pushed through the decision to operate the EU mission from the air alone. Since then, two unarmed Predator drones operated by the Italian military have been flying for EUNAVFOR MED for 60 hours per month. Officially, the drones are to observe from the air whether the training of the Libyan coast guard has been successful and whether these navy personnel use their knowledge accordingly. Presumably, however, the Predators are primarily pursuing the mission’s goal to “combat human smuggling” by spying on the Libyan coast. It is likely that the new Operation EU Active Surveillance, which will use military assets from EU member states to try to enforce the UN arms embargo placed on Libya,[6] will continue to patrol with Italian drones off the coast in North Africa.

      Three EU maritime surveillance agencies

      In addition to Frontex, the European Maritime Safety Agency (EMSA) and the European Fisheries Control Agency (EFCA) are also investing in maritime surveillance using drones. Together, the three agencies coordinate some 300 civil and military authorities in EU member states.[7] Their tasks include border, fisheries and customs control, law enforcement and environmental protection.

      In 2017, Frontex and EMSA signed an agreement to benefit from joint reconnaissance capabilities, with EFCA also involved.[8] At the time, EMSA conducted tests with drones of various sizes, but now the drones’ flights are part of its regular services. The offer is not only open to EU Member States, as Iceland was the first to take advantage of it. Since summer 2019, a long-range Hermes 900 drone built by the Israeli company Elbit Systems has been flying from Iceland’s Egilsstaðir airport. The flights are intended to cover more than half of the island state’s exclusive economic zone and to detect “suspicious activities and potential hazards”.[9]

      The Hermes 900 was also developed for the military; the Israeli army first deployed it in the Gaza Strip in 2014. The Times of Israel puts the cost of the operating contract with EMSA at €59 million,[10] with a term of two years, which can be extended for another two years. The agency did not conclude the contract directly with the Israeli arms company, but through the Portuguese firm CeiiA. The contract covers the stationing, control and mission control of the drones.

      New interested parties for drone flights

      At the request of the German MEP Özlem Demirel (from the party Die Linke), the European Commission has published a list of countries that also want to use EMSA drones.[11] According to this list, Lithuania, the Netherlands, Portugal and also Greece have requested unmanned flights for pollution monitoring this year, while Bulgaria and Spain want to use them for general maritime surveillance. Until Frontex has its own drones, EMSA is flying its drones for the border agency on Crete. As in Iceland, this is the long-range drone Hermes 900, but according to Greek media reports it crashed on 8 January during take-off.[12] Possible causes are a malfunction of the propulsion system or human error. The aircraft is said to have been considerably damaged.

      Authorities from France and Great Britain have also ordered unmanned maritime surveillance from EMSA. Nothing is yet known about the exact intended location, but it is presumably the English Channel. There, the British coast guard is already observing border traffic with larger drones built by the Tekever arms company from Portugal.[13] The government in London wants to prevent migrants from crossing the Channel. The drones take off from the airport in the small town of Lydd and monitor the approximately 50-kilometre-long and 30-kilometre-wide Strait of Dover. Great Britain has also delivered several quadcopters to France to try to detect potential migrants in French territorial waters. According to the prefecture of Pas-de-Calais, eight gendarmes have been trained to control the small drones[14].

      Information to non-EU countries

      The images taken by EMSA drones are evaluated by the competent national coastguards. A livestream also sends them to Frontex headquarters in Warsaw.[15] There they are fed into the EUROSUR border surveillance system. This is operated by Frontex and networks the surveillance installations of all EU member states that have an external border. The data from EUROSUR and the national border control centres form the ‘Common Pre-frontier Intelligence Picture’,[16] referring to the area of interest of Frontex, which extends far into the African continent. Surveillance data is used to detect and prevent migration movements at an early stage.

      Once the providing company has been selected, the new Frontex drones are also to fly for EUROSUR. According to the invitation to tender, they are to operate in the eastern and central Mediterranean within a radius of up to 250 nautical miles (463 kilometres). This would enable them to carry out reconnaissance in the “pre-frontier” area off Tunisia, Libya and Egypt. Within the framework of EUROSUR, Frontex shares the recorded data with other European users via a ‘Remote Information Portal’, as the call for tender explains. The border agency has long been able to cooperate with third countries and the information collected can therefore also be made available to authorities in North Africa. However, in order to share general information on surveillance of the Mediterranean Sea with a non-EU state, Frontex must first conclude a working agreement with the corresponding government.[17]

      It is already possible, however, to provide countries such as Libya with the coordinates of refugee boats. For example, the United Nations Convention on the Law of the Sea stipulates that the nearest Maritime Rescue Coordination Centre (MRCC) must be informed of actual or suspected emergencies. With EU funding, Italy has been building such a centre in Tripoli for the last two years.[18] It is operated by the military coast guard, but so far has no significant equipment of its own.

      The EU military mission “EUNAVFOR MED” was cooperating more extensively with the Libyan coast guard. For communication with European naval authorities, Libya is the first third country to be connected to European surveillance systems via the “Seahorse Mediterranean” network[19]. Information handed over to the Libyan authorities might also include information that was collected with the Italian military ‘Predator’ drones.

      Reconnaissance generated with unmanned aerial surveillance is also given to the MRCC in Turkey. This was seen in a pilot project last summer, when the border agency tested an unmanned aerostat with the Greek coast guard off the island of Samos.[20] Attached to a 1,000 metre-long cable, the airship was used in the Frontex operation ‘Poseidon’ in the eastern Mediterranean. The 35-meter-long zeppelin comes from the French manufacturer A-NSE.[21] The company specializes in civil and military aerial observation. According to the Greek Marine Ministry, the equipment included a radar, a thermal imaging camera and an Automatic Identification System (AIS) for the tracking of larger ships. The recorded videos were received and evaluated by a situation centre supplied by the Portuguese National Guard. If a detected refugee boat was still in Turkish territorial waters, the Greek coast guard informed the Turkish authorities. This pilot project in the Aegean Sea was the first use of an airship by Frontex. The participants deployed comparatively large numbers of personnel for the short mission. Pictures taken by the Greek coastguard show more than 40 people.

      Drones enable ‘pull-backs’

      Human rights organisations accuse EUNAVFOR MED and Frontex of passing on information to neighbouring countries leading to rejections (so-called ‘push-backs’) in violation of international law. People must not be returned to states where they are at risk of torture or other serious human rights violations. Frontex does not itself return refugees in distress who were discovered at sea via aerial surveillance, but leaves the task to the Libyan or Turkish authorities. Regarding Libya, the Agency since 2017 provided notice of at least 42 vessels in distress to Libyan authorities.[22]

      Private rescue organisations therefore speak of so-called ‘pull-backs’, but these are also prohibited, as the Israeli human rights lawyer Omer Shatz argues: “Communicating the location of civilians fleeing war to a consortium of militias and instructing them to intercept and forcibly transfer them back to the place they fled from, trigger both state responsibility of all EU members and individual criminal liability of hundreds involved.” Together with his colleague Juan Branco, Shatz is suing those responsible for the European Union and its agencies before the International Criminal Court in The Hague. Soon they intend to publish individual cases and the names of the people accused.

      Matthias Monroy

      An earlier version of this article first appeared in the German edition of Le Monde Diplomatique: ‘Drohnen für Frontex Statt sich auf die Rettung von Bootsflüchtlingen im Mittelmeer zu konzentrieren, baut die EU die Luftüberwachung’.

      Note: this article was corrected on 6 March to clarify a point regarding cooperation between Frontex and non-EU states.

      Endnotes

      [1] Regulation of the European Parliament and of the Council on the European Border and Coast Guard, https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-33-2019-INIT/en/pdf

      [2] European Commission, ‘A strengthened and fully equipped European Border and Coast Guard’, 12 September 2018, https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/soteu2018-factsheet-coast-guard_en.pdf

      [3] ‘Poland-Warsaw: Remotely Piloted Aircraft Systems (RPAS) for Medium Altitude Long Endurance Maritime Aerial Surveillance’, https://ted.europa.eu/udl?uri=TED:NOTICE:490010-2019:TEXT:EN:HTML&tabId=1

      [4] IAI, ‘IAI AND AIRBUS MARITIME HERON UNMANNED AERIAL SYSTEM (UAS) SUCCESSFULLY COMPLETED 200 FLIGHT HOURS IN CIVILIAN EUROPEAN AIRSPACE FOR FRONTEX’, 24 October 2018, https://www.iai.co.il/iai-and-airbus-maritime-heron-unmanned-aerial-system-uas-successfully-complet

      [5] ‘ European Maritime Flight Demonstrations’, General Atomics, http://www.ga-asi.com/european-maritime-demo

      [6] ‘EU agrees to deploy warships to enforce Libya arms embargo’, The Guardian, 17 February 2020, https://www.theguardian.com/world/2020/feb/17/eu-agrees-deploy-warships-enforce-libya-arms-embargo

      [7] EMSA, ‘Heads of EMSA and Frontex meet to discuss cooperation on European coast guard functions’, 3 April 2019, http://www.emsa.europa.eu/news-a-press-centre/external-news/item/3499-heads-of-emsa-and-frontex-meet-to-discuss-cooperation-on-european-c

      [8] Frontex, ‘Frontex, EMSA and EFCA strengthen cooperation on coast guard functions’, 23 March 2017, https://frontex.europa.eu/media-centre/news-release/frontex-emsa-and-efca-strengthen-cooperation-on-coast-guard-functions

      [9] Elbit Systems, ‘Elbit Systems Commenced the Operation of the Maritime UAS Patrol Service to European Union Countries’, 18 June 2019, https://elbitsystems.com/pr-new/elbit-systems-commenced-the-operation-of-the-maritime-uas-patrol-servi

      [10] ‘Elbit wins drone contract for up to $68m to help monitor Europe coast’, The Times of Israel, 1 November 2018, https://www.timesofisrael.com/elbit-wins-drone-contract-for-up-to-68m-to-help-monitor-europe-coast

      [11] ‘Answer given by Ms Bulc on behalf of the European Commission’, https://netzpolitik.org/wp-upload/2019/12/E-2946_191_Finalised_reply_Annex1_EN_V1.pdf

      [12] ‘Το drone της FRONTEX έπεσε, οι μετανάστες έρχονται’, Proto Thema, 27 January 2020, https://www.protothema.gr/greece/article/968869/to-drone-tis-frontex-epese-oi-metanastes-erhodai

      [13] Morgan Meaker, ‘Here’s proof the UK is using drones to patrol the English Channel’, Wired, 10 January 2020, https://www.wired.co.uk/article/uk-drones-migrants-english-channel

      [14] ‘Littoral: Les drones pour lutter contre les traversées de migrants sont opérationnels’, La Voix du Nord, 26 March 2019, https://www.lavoixdunord.fr/557951/article/2019-03-26/les-drones-pour-lutter-contre-les-traversees-de-migrants-sont-operation

      [15] ‘Frontex report on the functioning of Eurosur – Part I’, Council document 6215/18, 15 February 2018, http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6215-2018-INIT/en/pdf

      [16] European Commission, ‘Eurosur’, https://ec.europa.eu/home-affairs/what-we-do/policies/borders-and-visas/border-crossing/eurosur_en

      [17] Legal reforms have also given Frontex the power to operate on the territory of non-EU states, subject to the conclusion of a status agreement between the EU and the country in question. The 2016 Frontex Regulation allowed such cooperation with states that share a border with the EU; the 2019 Frontex Regulation extends this to any non-EU state.

      [18] ‘Helping the Libyan Coast Guard to establish a Maritime Rescue Coordination Centre’, https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-8-2018-000547_EN.html

      [19] Matthias Monroy, ‘EU funds the sacking of rescue ships in the Mediterranean’, 7 July 2018, https://digit.site36.net/2018/07/03/eu-funds-the-sacking-of-rescue-ships-in-the-mediterranean

      [20] Frontex, ‘Frontex begins testing use of aerostat for border surveillance’, 31 July 2019, https://frontex.europa.eu/media-centre/news-release/frontex-begins-testing-use-of-aerostat-for-border-surveillance-ur33N8

      [21] ‘Answer given by Ms Johansson on behalf of the European Commission’, 7 January 2020, https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2019-002529-ASW_EN.html

      [22] ‘Answer given by Vice-President Borrell on behalf of the European Commission’, 8 January 2020, https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2019-002654-ASW_EN.html

      https://www.statewatch.org/analyses/2020/drones-for-frontex-unmanned-migration-control-at-europe-s-borders

      #drones

    • Monitoring “secondary movements” and “hotspots”: Frontex is now an internal surveillance agency (16.12.2019)

      The EU’s border agency, Frontex, now has powers to gather data on “secondary movements” and the “hotspots” within the EU. The intention is to ensure “situational awareness” and produce risk analyses on the migratory situation within the EU, in order to inform possible operational action by national authorities. This brings with it increased risks for the fundamental rights of both non-EU nationals and ethnic minority EU citizens.

      The establishment of a new ’standing corps’ of 10,000 border guards to be commanded by EU border agency Frontex has generated significant public and press attention in recent months. However, the new rules governing Frontex[1] include a number of other significant developments - including a mandate for the surveillance of migratory movements and migration “hotspots” within the EU.

      Previously, the agency’s surveillance role has been restricted to the external borders and the “pre-frontier area” – for example, the high seas or “selected third-country ports.”[2] New legal provisions mean it will now be able to gather data on the movement of people within the EU. While this is only supposed to deal with “trends, volumes and routes,” rather than personal data, it is intended to inform operational activity within the EU.

      This may mean an increase in operations against ‘unauthorised’ migrants, bringing with it risks for fundamental rights such as the possibility of racial profiling, detention, violence and the denial of access to asylum procedures. At the same time, in a context where internal borders have been reintroduced by numerous Schengen states over the last five years due to increased migration, it may be that he agency’s new role contributes to a further prolongation of internal border controls.

      From external to internal surveillance

      Frontex was initially established with the primary goals of assisting in the surveillance and control of the external borders of the EU. Over the years it has obtained increasing powers to conduct surveillance of those borders in order to identify potential ’threats’.

      The European Border Surveillance System (EUROSUR) has a key role in this task, taking data from a variety of sources, including satellites, sensors, drones, ships, vehicles and other means operated both by national authorities and the agency itself. EUROSUR was formally established by legislation approved in 2013, although the system was developed and in use long before it was subject to a legal framework.[3]

      The new Frontex Regulation incorporates and updates the provisions of the 2013 EUROSUR Regulation. It maintains existing requirements for the agency to establish a “situational picture” of the EU’s external borders and the “pre-frontier area” – for example, the high seas or the ports of non-EU states – which is then distributed to the EU’s member states in order to inform operational activities.[4]

      The new rules also provide a mandate for reporting on “unauthorised secondary movements” and goings-on in the “hotspots”. The Commission’s proposal for the new Frontex Regulation was not accompanied by an impact assessment, which would have set out the reasoning and justifications for these new powers. The proposal merely pointed out that the new rules would “evolve” the scope of EUROSUR, to make it possible to “prevent secondary movements”.[5] As the European Data Protection Supervisor remarked, the lack of an impact assessment made it impossible: “to fully assess and verify its attended benefits and impact, notably on fundamental rights and freedoms, including the right to privacy and to the protection of personal data.”[6]

      The term “secondary movements” is not defined in the Regulation, but is generally used to refer to journeys between EU member states undertaken without permission, in particular by undocumented migrants and applicants for internal protection. Regarding the “hotspots” – established and operated by EU and national authorities in Italy and Greece – the Regulation provides a definition,[7] but little clarity on precisely what information will be gathered.

      Legal provisions

      A quick glance at Section 3 of the new Regulation, dealing with EUROSUR, gives little indication that the system will now be used for internal surveillance. The formal scope of EUROSUR is concerned with the external borders and border crossing points:

      “EUROSUR shall be used for border checks at authorised border crossing points and for external land, sea and air border surveillance, including the monitoring, detection, identification, tracking, prevention and interception of unauthorised border crossings for the purpose of detecting, preventing and combating illegal immigration and cross-border crime and contributing to ensuring the protection and saving the lives of migrants.”

      However, the subsequent section of the Regulation (on ‘situational awareness’) makes clear the agency’s new internal role. Article 24 sets out the components of the “situational pictures” that will be visible in EUROSUR. There are three types – national situational pictures, the European situational picture and specific situational pictures. All of these should consist of an events layer, an operational layer and an analysis layer. The first of these layers should contain (emphasis added in all quotes):

      “…events and incidents related to unauthorised border crossings and cross-border crime and, where available, information on unauthorised secondary movements, for the purpose of understanding migratory trends, volume and routes.”

      Article 26, dealing with the European situational picture, states:

      “The Agency shall establish and maintain a European situational picture in order to provide the national coordination centres and the Commission with effective, accurate and timely information and analysis, covering the external borders, the pre-frontier area and unauthorised secondary movements.”

      The events layer of that picture should include “information relating to… incidents in the operational area of a joint operation or rapid intervention coordinated by the Agency, or in a hotspot.”[8] In a similar vein:

      “The operational layer of the European situational picture shall contain information on the joint operations and rapid interventions coordinated by the Agency and on hotspots, and shall include the mission statements, locations, status, duration, information on the Member States and other actors involved, daily and weekly situational reports, statistical data and information packages for the media.”[9]

      Article 28, dealing with ‘EUROSUR Fusion Services’, says that Frontex will provide national authorities with information on the external borders and pre-frontier area that may be derived from, amongst other things, the monitoring of “migratory flows towards and within the Union in terms of trends, volume and routes.”

      Sources of data

      The “situational pictures” compiled by Frontex and distributed via EUROSUR are made up of data gathered from a host of different sources. For the national situational picture, these are:

      national border surveillance systems;
      stationary and mobile sensors operated by national border agencies;
      border surveillance patrols and “other monitoring missions”;
      local, regional and other coordination centres;
      other national authorities and systems, such as immigration liaison officers, operational centres and contact points;
      border checks;
      Frontex;
      other member states’ national coordination centres;
      third countries’ authorities;
      ship reporting systems;
      other relevant European and international organisations; and
      other sources.[10]

      For the European situational picture, the sources of data are:

      national coordination centres;
      national situational pictures;
      immigration liaison officers;
      Frontex, including reports form its liaison officers;
      Union delegations and EU Common Security and Defence Policy (CSDP) missions;
      other relevant Union bodies, offices and agencies and international organisations; and
      third countries’ authorities.[11]

      The EUROSUR handbook – which will presumably be redrafted to take into account the new legislation – provides more detail about what each of these categories may include.[12]

      Exactly how this melange of different data will be used to report on secondary movements is currently unknown. However, in accordance with Article 24 of the new Regulation:

      “The Commission shall adopt an implementing act laying down the details of the information layers of the situational pictures and the rules for the establishment of specific situational pictures. The implementing act shall specify the type of information to be provided, the entities responsible for collecting, processing, archiving and transmitting specific information, the maximum time limits for reporting, the data security and data protection rules and related quality control mechanisms.” [13]

      This implementing act will specify precisely how EUROSUR will report on “secondary movements”.[14] According to a ‘roadmap’ setting out plans for the implementation of the new Regulation, this implementing act should have been drawn up in the last quarter of 2020 by a newly-established European Border and Coast Guard Committee sitting within the Commission. However, that Committee does not yet appear to have held any meetings.[15]

      Operational activities at the internal borders

      Boosting Frontex’s operational role is one of the major purposes of the new Regulation, although it makes clear that the internal surveillance role “should not lead to operational activities of the Agency at the internal borders of the Member States.” Rather, internal surveillance should “contribute to the monitoring by the Agency of migratory flows towards and within the Union for the purpose of risk analysis and situational awareness.” The purpose is to inform operational activity by national authorities.

      In recent years Schengen member states have reintroduced border controls for significant periods in the name of ensuring internal security and combating irregular migration. An article in Deutsche Welle recently highlighted:

      “When increasing numbers of refugees started arriving in the European Union in 2015, Austria, Germany, Slovenia and Hungary quickly reintroduced controls, citing a “continuous big influx of persons seeking international protection.” This was the first time that migration had been mentioned as a reason for reintroducing border controls.

      Soon after, six Schengen members reintroduced controls for extended periods. Austria, Germany, Denmark, Sweden and Norway cited migration as a reason. France, as the sixth country, first introduced border checks after the November 2015 attacks in Paris, citing terrorist threats. Now, four years later, all six countries still have controls in place. On November 12, they are scheduled to extend them for another six months.”[16]

      These long-term extensions of internal border controls are illegal (the upper limit is supposed to be two years; discussions on changes to the rules governing the reintroduction of internal border controls in the Schengen area are ongoing).[17] A European Parliament resolution from May 2018 stated that “many of the prolongations are not in line with the existing rules as to their extensions, necessity or proportionality and are therefore unlawful.”[18] Yves Pascou, a researcher for the European Policy Centre, told Deutsche Welle that: “"We are in an entirely political situation now, not a legal one, and not one grounded in facts.”

      A European Parliament study published in 2016 highlighted that:

      “there has been a noticeable lack of detail and evidence given by the concerned EU Member States [those which reintroduced internal border controls]. For example, there have been no statistics on the numbers of people crossing borders and seeking asylum, or assessment of the extent to which reintroducing border checks complies with the principles of proportionality and necessity.”[19]

      One purpose of Frontex’s new internal surveillance powers is to provide such evidence (albeit in the ideologically-skewed form of ‘risk analysis’) on the situation within the EU. Whether the information provided will be of interest to national authorities is another question. Nevertheless, it would be a significant irony if the provision of that information were to contribute to the further maintenance of internal borders in the Schengen area.

      At the same time, there is a more pressing concern related to these new powers. Many discussions on the reintroduction of internal borders revolve around the fact that it is contrary to the idea, spirit (and in these cases, the law) of the Schengen area. What appears to have been totally overlooked is the effect the reintroduction of internal borders may have on non-EU nationals or ethnic minority citizens of the EU. One does not have to cross an internal Schengen frontier too many times to notice patterns in the appearance of the people who are hauled off trains and buses by border guards, but personal anecdotes are not the same thing as empirical investigation. If Frontex’s new powers are intended to inform operational activity by the member states at the internal borders of the EU, then the potential effects on fundamental rights must be taken into consideration and should be the subject of investigation by journalists, officials, politicians and researchers.

      Chris Jones

      Endnotes

      [1] The new Regulation was published in the Official Journal of the EU in mid-November: Regulation (EU) 2019/1896 of the European Parliament and of the Council of 13 November 2019 on the European Border and Coast Guard and repealing Regulations (EU) No 1052/2013 and (EU) 2016/1624, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?uri=CELEX:32019R1896

      [2] Article 12, ‘Common application of surveillance tools’, Regulation (EU) No 1052/2013 of the European Parliament and of the Council of 22 October 2013 establishing the European Border Surveillance System (Eurosur), https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:32013R1052

      [3] According to Frontex, the Eurosur Network first came into use in December 2011 and in March 2012 was first used to “exchange operational information”. The Regulation governing the system came into force in October 2013 (see footnote 2). See: Charles Heller and Chris Jones, ‘Eurosur: saving lives or reinforcing deadly borders?’, Statewatch Journal, vol. 23 no. 3/4, February 2014, http://database.statewatch.org/article.asp?aid=33156

      [4] Recital 34, 2019 Regulation: “EUROSUR should provide an exhaustive situational picture not only at the external borders but also within the Schengen area and in the pre-frontier area. It should cover land, sea and air border surveillance and border checks.”

      [5] European Commission, ‘Proposal for a Regulation on the European Border and Coast Guard and repealing Council Joint Action no 98/700/JHA, Regulation (EU) no 1052/2013 and Regulation (EU) no 2016/1624’, COM(2018) 631 final, 12 September 2018, http://www.statewatch.org/news/2018/sep/eu-com-frontex-proposal-regulation-com-18-631.pdf

      [6] EDPS, ‘Formal comments on the Proposal for a Regulation on the European Border and Coast Guard’, 30 November 2018, p. p.2, https://edps.europa.eu/sites/edp/files/publication/18-11-30_comments_proposal_regulation_european_border_coast_guard_en.pdf

      [7] Article 2(23): “‘hotspot area’ means an area created at the request of the host Member State in which the host Member State, the Commission, relevant Union agencies and participating Member States cooperate, with the aim of managing an existing or potential disproportionate migratory challenge characterised by a significant increase in the number of migrants arriving at the external borders”

      [8] Article 26(3)(c), 2019 Regulation

      [9] Article 26(4), 2019 Regulation

      [10] Article 25, 2019 Regulation

      [11] Article 26, 2019 Regulation

      [12] European Commission, ‘Commission Recommendation adopting the Practical Handbook for implementing and managing the European Border Surveillance System (EUROSUR)’, C(2015) 9206 final, 15 December 2015, https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/securing-eu-borders/legal-documents/docs/eurosur_handbook_annex_en.pdf

      [13] Article 24(3), 2019 Regulation

      [14] ‘’Roadmap’ for implementing new Frontex Regulation: full steam ahead’, Statewatch News, 25 November 2019, http://www.statewatch.org/news/2019/nov/eu-frontex-roadmap.htm

      [15] Documents related to meetings of committees operating under the auspices of the European Commission can be found in the Comitology Register: https://ec.europa.eu/transparency/regcomitology/index.cfm?do=Search.Search&NewSearch=1

      [16] Kira Schacht, ‘Border checks in EU countries challenge Schengen Agreement’, DW, 12 November 2019, https://www.dw.com/en/border-checks-in-eu-countries-challenge-schengen-agreement/a-51033603

      [17] European Parliament, ‘Temporary reintroduction of border control at internal borders’, https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2017/0245(COD)&l=en

      [18] ‘Report on the annual report on the functioning of the Schengen area’, 3 May 2018, para.9, https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2018-0160_EN.html

      [19] Elpseth Guild et al, ‘Internal border controls in the Schengen area: is Schengen crisis-proof?’, European Parliament, June 2016, p.9, https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/571356/IPOL_STU(2016)571356_EN.pdf

      https://www.statewatch.org/analyses/2019/monitoring-secondary-movements-and-hotspots-frontex-is-now-an-internal-s

      #mouvements_secondaires #hotspot #hotspots

  • « L’expression de “privilège blanc” n’est pas dénuée de pertinence pour penser le contexte français », Claire Cosquer
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/16/l-expression-de-privilege-blanc-n-est-pas-denuee-de-pertinence-pour-penser-l

    La sociologue Claire Cosquer pense que le « privilège blanc », est inséparable du racisme, aux Etats-Unis comme en France.

    Tribune. Le racisme peut-il exister sans faire de « privilégiés » ? Le racisme est un système de hiérarchies sociales entre les personnes, positionnées selon la façon dont elles sont perçues et rattachées à une supposée hérédité. Il se traduit concrètement par un système d’avantages et de désavantages, formant un immense iceberg dont les discriminations, la violence physique et verbale à caractère racial ne sont que la partie émergée.

    L’expression « privilège blanc », propulsée de nouveau sur le devant de la scène médiatique par les manifestations récentes contre le racisme et les violences policières, désigne l’ensemble des avantages sociaux dont bénéficient les personnes qui ne sont pas les cibles du racisme. Elle souligne que le racisme relève d’un rapport social, c’est-à-dire d’une relation entre groupes sociaux : là où certains sont désavantagés, d’autres sont au contraire avantagés par les hiérarchies sociales. L’existence d’inégalités suppose donc, en toute logique, l’existence de privilèges. Dès lors, dire que le « privilège blanc » n’existe pas en France revient de façon rigoureusement identique à affirmer que le racisme n’existe pas en France. Prétendre que seul le second existe traduit soit une lecture très partiale de l’expression « privilège blanc », par exemple en la réduisant à un privilège en droit, soit une compréhension très restrictive du racisme, soit les deux.

    Trouvant son origine dans les luttes des militants antiracistes et anticolonialistes, l’expression de « privilège blanc » a été popularisée par le texte de la chercheuse étatsunienne Peggy McIntosh White Privilege. Unpacking the Invisible Knapsack, publié en 1989. McIntosh y énumère des « petites choses du quotidien » qui relèvent de l’évidence pour une personne blanche mais peuvent être problématiques, sinon impossibles, pour les autres : allumer la télévision et y voir des personnes auxquelles il est facile de s’identifier, déménager sans se soucier de l’accueil dans un nouveau quartier, ne pas avoir à éduquer ses enfants en leur apprenant à se protéger du racisme…

    Division raciale du monde

    Apparue outre-Atlantique, l’expression de « privilège blanc » n’est pas dénuée de pertinence pour penser le contexte français. Certes, les Etats-Unis et la France ont des histoires différentes. Les Etats-Unis forment une colonie de peuplement structurée sur son sol même par l’esclavage, où la ségrégation raciale n’a été abolie en droit qu’en 1968. Mais la France, détentrice de l’un des plus grands empires coloniaux au monde, dont l’« outre-mer » représente aujourd’hui les dernières miettes, a aussi construit sa richesse sur la division raciale du monde et des échanges.

    Napoléon, héros national acclamé, a rétabli l’esclavage en 1802 et une statue de Jean-Baptiste Colbert, auteur du Code noir, trône devant le Palais-Bourbon. L’encodage racial du patrimoine national n’est pas qu’un héritage symbolique rappelant une inégalité révolue : les violences policières, les discriminations à l’embauche, au logement ou devant la justice sont les expressions les mieux connues du racisme. Elles suffisent à définir un « privilège blanc » à la française : subir moins de contrôles policiers, par ailleurs moins violents, ne pas se voir refuser un emploi ou un logement en raison de sa couleur de peau ou de son origine, réelle ou supposée.

    Ces privilèges reposent, en France comme aux Etats-Unis, sur un continuum du racisme qui relève aussi de ces « petites choses du quotidien », des avantages parfois peu perceptibles qui vont des sous-vêtements couleur « chair » conçus pour des peaux peu pigmentées au fait de n’être que très rarement la seule personne blanche dans la salle.

    Domination et habitus

    L’expression « privilège blanc » a certes des limites. Elle tend à consolider une image très statique des positions sociales : on serait ainsi ce que l’on détient, en matière de ressources, de capitaux et d’avantages, moins ce que l’on fait et ce que l’on reproduit, d’une façon consciente ou inconsciente. L’approche en matière de privilèges est à bien des égards moins riche que l’approche en matière de domination. A titre de comparaison, on peut plus ou moins rapidement faire le tour des « privilèges » de classe en les définissant par les revenus, les patrimoines, les statuts socioprofessionnels.

    L’approche en matière de domination amène à explorer un niveau beaucoup plus fin des hiérarchies sociales : la notion devenue célèbre d’habitus, forgée par Pierre Bourdieu, permet de mettre en évidence que les inégalités de classe se reproduisent aussi au travers de pratiques, de goûts ou encore de comportements différenciés et inégalement valorisés. Les sciences sociales investissent aujourd’hui ce concept d’habitus, parmi d’autres outils analytiques, pour comprendre comment les inégalités raciales perdurent bien après leur abolition en droit. L’expression de « privilège blanc », finalement assez peu employée en sciences sociales, se révèle moins exigeante que les concepts de domination blanche ou d’habitus blanc, qui cristallisent les pistes de recherche les plus dynamiques.

    Loin de culpabiliser les personnes blanches, l’expression de « privilège blanc » permet plutôt de reconnaître à peu de frais certains avantages, sans engager d’introspection potentiellement plus douloureuse sur les comportements et les modes de pensée qui maintiennent le racisme contemporain. Si elle est imparfaite, elle contribue cependant à la compréhension du racisme comme une relation inégale entre groupes sociaux, là où le discours public est volontiers d’ordre humanitaire, identifiant des victimes et des discriminations mais passant sous silence les bénéfices et les bénéficiaires. Les réactions particulièrement défensives qu’elle suscite, méconnaissant souvent sa définition même, illustrent une réticence aiguë à penser les deux côtés de cette relation inégale.

    https://seenthis.net/messages/861042

    #privilège_blanc #racisme #rapports_sociaux #domination #domination_blanche #individualisation

  • « Checker les privilèges » ou renverser l’ordre ? | Kaoutar Harchi
    https://www.revue-ballast.fr/checker-les-privileges-ou-renverser-lordre

    « Check Your Privilege » : le mot d’ordre est désormais fameux. On trouve même, sur Internet, des tests visant à calculer son niveau précis de privilège — en fonction des remarques que l’on reçoit sur son accent, du logement que l’on occupe, des tentatives de suicide que l’on a ou non commises ou encore de l’existence d’un lieu de culte honorant sa religion dans la ville que l’on habite. On dénombre ainsi un « privilège masculin », un « privilège hétérosexuel », un « privilège de classe », un « beauty privilege » ou bien un « privilège blanc ». C’est ce dernier, mobilisé aux États-Unis depuis les années 1970, qui retient ici l’attention de la sociologue et écrivaine Kaoutar Harchi. Si l’on ne saurait nier, avance-t-elle, toute pertinence théorique à ce concept, son succès académique et militant fait question : il (...)

    • [ce concept] dépolitise les luttes pour l’égalité et se conforme aux attendus de l’individualisme libéral. Car c’est la structure de l’ordre dominant (capitaliste, raciste, sexiste) qu’il s’agit bien plutôt de penser — autrement dit, de démanteler. [...]

      Le concept de « privilège blanc » s’est imposé, via la constitution des « Whiteness Studies » https://fr.wikipedia.org/wiki/Blanchité aux États-Unis au début des années 1980, comme un outil opératoire de désignation des rapports de pouvoir que le déni des inégalités raciales occultait alors. C’est que ce concept a pour force de briser ce que Roland Barthes, à propos du rapport social de classe, a désigné par l’expression d’« ex-nomination » : soit cette aspiration de la bourgeoisie à se percevoir et à être perçue comme société anonyme . Et le philosophe de préciser : « Comme fait économique, la bourgeoisie est nommée sans difficulté : le capitalisme se professe. Comme fait politique, elle se reconnaît mal : il n’y a pas de parti bourgeois à la Chambre. Comme fait idéologique, elle disparaît complètement : la bourgeoisie a effacé son nom en passant du réel à sa représentation, de l’homme économique à l’homme mental : elle s’arrange des faits, mais ne compose pas avec les valeurs, elle fait subir à son statut une véritable opération d’ex-nomination ; la bourgeoisie se définit comme la classe sociale qui ne veut pas être nommée2 ». Rapporté au rapport social de race, l’ex-nomination est cette pratique symbolique et matérielle de production d’une identité blanche innommée, réclamant pour elle tous les noms et se rêvant, de là, universelle : une identité que le concept de « privilège blanc » nomme, tout à coup, c’est-à-dire définit, particularise et met in fine à nu. Le concept voyage durant les années 2000 : il quitte l’îlot académique et s’ancre au sein des mondes militants, finissant par atteindre les rives françaises3.

      « Renoncer » : un idéal individuel

      Mais nommer ne suffit pas. Et, à y regarder de plus près, le succès de ce concept, aisément mobilisable sous régime libéral, ne nous aide pas à travailler collectivement au renversement de l’ordre social. En 2016, déjà, la féministe Mirah Curzer publiait l’article « Let’s Stop Talking So Much About Privilege ». https://medium.com/human-development-project/let-s-stop-talking-so-much-about-privilege-8f9fe543c57e Elle y développait l’idée selon laquelle la focalisation, bien que légitime, des débats autour du « privilège blanc » réduisait mécaniquement les possibilités de développer une approche en termes de droits. En ce sens, le risque est grand de lutter — et de se donner à voir comme luttant — pour moins de privilèges alors qu’un enjeu politique bien plus radical consisterait à lutter, matériellement et symboliquement, pour l’accès de tous et de toutes à la justice sociale. Un critique plus frontale encore a été formulée un an plus tard par Arielle Iniko Newton, essayiste et co-organisatrice de Movement for Black Lives, dans l’article : « Why Privilege Is Counter-Productive Social Justice Jargon ». https://blackyouthproject.com/privilege-counter-productive-social-justice-jargon Elle lance : « Le privilège est une notion limitante qui accorde la priorité aux comportements individuels au détriment des failles du système, et suggère que changer nos comportements serait une manière suffisante d’éradiquer l’oppression. […] Personne ne peut abandonner ses privilèges mais nous pouvons faire en sorte que l’oppression soit remise en cause. » Ainsi, Arielle Iniko Newton plaide pour une reconsidération révolutionnaire des forces sociales historiques qui structurent, de part en part, le suprématisme blanc — appelant, par suite, à sa destruction totale.

      https://seenthis.net/messages/861443
      #privilège #privilège_blanc #racisme #rapports_sociaux #domination #domination_blanche #individualisation #individualisme

  • Sept ans de #rapports #IGPN analysés : « Une absence de sincérité dans la recherche de la #transparence » - Page 2 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/120620/sept-ans-de-rapports-igpn-analyses-une-absence-de-sincerite-dans-la-recher ?
    #violences_policieres

    À partir de 2015, les données concernant les #violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique sont publiées en pourcentage et non plus en chiffres bruts. Que nous dit ce changement de #méthode ?

    Sebastian Roché : Ce n’est pas un changement de méthode mais de présentation. Le manque de transparence du ministère de l’intérieur est une autre faiblesse manifeste et qui, si elle ne s’aggrave pas, progresse de manière très faible et lente. Lorsqu’on peut lire des rapports réguliers, on peut noter les insuffisances. Lorsqu’il n’y en avait pas, on ne pouvait même pas le faire. C’est le côté positif. Le côté sombre, c’est l’absence de sincérité dans la recherche de la transparence vis-à-vis du public, qui se traduit par la pauvreté et la partialité des informations communiquées au public. Cela s’explique par le fait que ni le ministre de l’intérieur, ni le premier ministre, ni le président, ni l’Assemblée nationale n’exigent de l’IGPN et de sa sœur l’IGGN [Inspection générale de la gendarmerie nationale] de progresser.

    [...]

    Sebastian Roché : Le nombre de sanctions diminue pour une activité de police inchangée. Il faudrait le rapporter aux effectifs, mais ils n’ont pas baissé depuis 2012, donc on peut abandonner cette piste. Une bonne partie de la baisse, ce sont les blâmes : « c’est pas bien » et on n’en parle plus. Le reste est stable, donc je dirais : business as usual. Il faut savoir que depuis 2009-2010, le contrôleur anglais de l’Independent Office for Police Conduct (IOPC) enregistre plus de 30 000 plaintes par an, soit au moins trois fois plus de signalements qu’en France (en tenant compte du fait qu’une partie des plaintes passent pas l’Inspection générale de la gendarmerie nationale). On voit bien, par comparaison, l’insensibilité aux doléances des citoyens de la part de l’IGPN. Le système français décourage de diverses manières (qui ne sont pas étudiées) le dépôt de plainte : déclaration de la directrice qui montre l’absence d’indépendance, déclarations du ministre, et anticipation corrélative de l’inefficacité de la plainte, sanctions rares et très lointaines des policiers, etc. Et l’État n’a pas de vision d’ensemble des plaintes par un système consolidé de toutes les polices.

    • IGPN : plongée dans la fabrique de l’impunité - Page 1 | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/france/120620/igpn-plongee-dans-la-fabrique-de-l-impunite

      Chloé Chalot revient sur l’affaire de Sébastien M., blessé à la tête lors d’une manifestation de gilets jaunes, le 12 janvier 2019 à Paris par un tir de lanceur de balles de défense (LBD), lui occasionnant 30 jours d’interruption totale de travail. 

      À partir de vidéos de témoins, une brigade d’une vingtaine de policiers en civil est identifiée. Il s’agit des Détachements d’action rapide (les DAR renommés depuis les BRAV-M), des binômes à moto, résurgence des « voltigeurs » interdits depuis la mort de Malik Oussekine en 1986. Trois détenteurs de LBD sont identifiés. Auditionné par l’IGPN, le lieutenant commandant la brigade confirme les tirs, mais explique ne pas être en mesure « de donner le nombre de cartouches ». 

      Et pour cause, les fiches dites TSUA, qui permettent de suivre l’usage des armes avec l’heure, le lieu et l’auteur n’ont pas été rédigées « sur instruction de la hiérarchie », selon le lieutenant , car « il y avait trop de tirs et il était inutile de faire un écrit ».

      On apprend que « les consignes initiales au début des manifestations des gilets jaunes étaient de ne pas rédiger » de fiches. « Les détenteurs de LBD donnaient le nombre de munitions tirées et l’officier faisait une synthèse. »

      C’est ainsi que la non-traçabilité des tirs des policiers était organisée par la hiérarchie, ordres contraires au règlement. Les trois policiers porteurs de LBD ont, au cours de leur audition, nié être les auteurs de tirs. L’un d’entre eux affirme « ne pas se souvenir avoir fait usage du LBD ».

  • Invisibiliser pour dominer. L’effacement des classes populaires dans l’urbanisme contemporain
    https://journals.openedition.org/tem/5241

    « Il n’y avait rien ». La récurrence de cette expression au sein de discours recueillis dans deux types très différents d’opérations de requalification urbaine soulève la question de l’invisibilisation de certains groupes sociaux dans l’urbanisme contemporain. À partir du matériau qualitatif issu de nos terrains d’enquête – un nouveau quartier d’habitation lyonnais et des jardins partagés de région parisienne – nous mettons en évidence un processus d’invisibilisation et de stigmatisation. Dans les deux cas, ce processus accompagne le remplacement de classes populaires par des groupes plus favorisés socialement. L’analyse comparative nous permet d’en montrer les enjeux. D’une part, l’invisibilisation participe à renforcer la position dominante des invisibilisateurs. En effet, un tel processus n’est pas neutre et ne peut s’appliquer qu’en situation de domination. Il intervient dans les cas observés pour compenser le déficit d’antériorité, seul manque de légitimité qui pourrait mettre en danger la posture des invisibilisateurs. D’autre part, la stigmatisation écarte les indésirables sur la base de critères individualisés, niant la dimension sociale et politique des luttes pour l’espace. Le croisement de nos deux terrains nous permet ainsi de décrire les fonctions sociales de ce processus pour les acteurs qui le produisent et de considérer ce qu’il révèle des rapports de domination travaillés par les enjeux d’urbanisme.

    #gentrification #lutte_des_classes #urban_matters
    #Matthieu_Adam #Léa_Mestdagh

    • Struggling with the Creative Class - PECK - 2005 - International Journal of Urban and Regional Research - Wiley Online Library
      https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2427.2005.00620.x

      L’article présente une critique des concepts de ‘classe créative’ et ‘villes créatives’ publiés récemment. La portée géographique et la pertinence politique de ces discours s’expliquent non par leurs mérites intrinsèques, ceux‐ci pouvant être remis en question à plus d’un titre, mais en tant que fonction des paysages urbains fortement néolibéraux qu’ils ont traversés. Quant à leur manifestation concrète de l’innovation culturelle libérale, les stratégies de créativité dérangent à peine les orthodoxies qui subsistent en politique urbaine, fondées sur une compétition interlocale, un marketing de lieu, une expansion axée sur la propriété et le marché, un embourgeoisement et une inégalité socio‐spatiale normalisée. Mais surtout, ces stratégies toujours plus présentes prolongent et recodifient des tendances bien installées en politique urbaine néolibérale, les rhabillant de manière attrayante dans un flou artistique terminologique de politique culturelle. Ainsi, la créativité est élevée au statut de nouvel impératif urbain pour définir de nouveaux sites, valider de nouvelles stratégies, positionner de nouveaux sujets et instaurer de nouveaux enjeux dans la concurrence interurbaine.

    • Migration, environnement et gentrification rurale en Montagne limousine
      https://journals.openedition.org/rga/2525

      Les dynamiques migratoires des espaces ruraux et/ou montagnards font l’objet de nombreuses recherches dont les différents appareillages conceptuels et méthodologiques relèvent de (sous)champs scientifiques ou disciplinaires distincts. Se distinguent, entre autres, les entrées par la population, les migrations d’aménités ou encore par la gentrification rurale (Smith, 1998 ; M. Phillips, 1993 ; Bryson et Wyckoff, 2010). C’est à travers le prisme de cette dernière que la contribution proposée vise à lire les dynamiques démographiques, socioculturelles et environnementales à l’œuvre dans la Montagne limousine. Une partie de la littérature anglo-saxonne portant sur la gentrification rurale a permis de souligner le rôle central de l’environnement et/ou de la nature à la fois en tant que représentations et cadre géographique dans les dynamiques migratoires et les processus de recomposition sociale susceptibles de produire une ou des formes de gentrification rurale, ou greentrication. Dans le détail, l’environnement agirait en amont de l’installation des migrants et les accompagnerait tout au long de leur parcours migratoire et résidentiel. Mais en aval de leur implantation, du fait même de leurs caractéristiques de gentrifieurs, c’est-à-dire de nouveaux résidents, acteurs de la gentrification, ces derniers agiraient pour modifier la ou les dimensions environnementales de leur cadre de vie et le faire ainsi tendre vers « l’idéal » qui les avait initialement attirés. En l’espèce, les enquêtes de terrain tendraient à indiquer que si ce cadre général est plutôt pertinent pour la Montagne limousine, il reste néanmoins nécessaire de préciser, d’une part la nature des gentrifieurs, lesquels pourraient éventuellement être qualifiés d’altergentrifieurs, et d’autre part, que leur impact est inégalement significatif au sein du PNR de Millevaches.

    • L’injonction aux comportements « durables », nouveau motif de production d’indésirabilité
      https://journals.openedition.org/gc/4497

      Les projets urbains dits durables se sont multipliés durant la décennie dernière. Matériellement standardisés, ils sont aussi accompagnés de la diffusion d’attendus comportementaux à destination des habitants. Ceux-ci sont incités à adopter des comportements « éco-citoyens » (faible utilisation de l’automobile, tri des déchets, consommation dite responsable) censés être plus « vertueux ». Outre les élus et les communicants, les concepteurs (urbanistes, architectes, paysagistes) et certains habitants de ces projets diffusent ces attendus comportementaux. Les jugements moraux associés aux comportements sont vite transférés aux individus et aux groupes. Ceux qui les mettent en œuvre sont légitimés, à l’inverse de ceux qui ne les adoptent pas. Nous observons un processus de catégorisation qui distin­gue usagers légitimés ou indésirables en vertu de la conformité ou non de leurs pratiques avec les valeurs durabilistes. En l’occurrence, ce sont les habitants des logements sociaux et ceux issus des classes populaires qui sont montrés du doigt. L’objectif de cet article est de comprendre comment le développement urbain durable rénove les motifs de production de l’indésirabilité. Cet article s’appuie sur l’analyse de 71 entretiens réalisés avec les concepteurs et les habitants de deux projets urbains emblématiques de la production contemporaine : Bottière-Chénaie, à Nantes, et Confluence, à Lyon. Notre enquête montre une redéfinition du groupe social habitant en fonction de la conformité ou non de ses membres à la nouvelle norme qu’est le développement urbain durable.

  • Êtes-vous prêts à vous déséconomiser ?

    Que le Président s’entoure d’un conseil d’experts économistes ne peut, après la #Covid-19, que susciter l’effroi. Nombreux étaient les chercheurs et les activistes qui savaient déjà combien l’économie peut apparaître détachée de l’expérience usuelle des humains mais la douloureuse expérience de la #pandémie a popularisé ce décalage. Ce sont des millions de gens qui ont vécu la même expérience que Jim Carrey, le héros du #Truman_Show : ils ont fini par crever le bord du plateau et réalisé que le décor se détachait de l’armature métallique qui le faisait tenir debout. De cette expérience, de ce décalage, de ce doute, on ne se remet pas.

    « Le chef de l’État met en place une #commission d’#experts_internationaux pour préparer les grands défis », écrit Le Monde dans son édition du 29 mai et les journalistes d’ajouter : « “Le choix a été fait de privilégier une #commission_homogène en termes de profils et d’#expertise, pour avoir les réponses des académiques sur les grands #défis. Mais leurs travaux ne seront qu’une brique parmi d’autres, cela n’épuisera pas les sujets”, rassure-t-on à l’Elysée ». Pourquoi ne me suis-je pas senti « rassuré » du tout ? M’est revenu le souvenir de la Restauration, à laquelle la Reprise après le confinement risque de plus en plus de ressembler : comme les Bourbons de 1814, il est bien possible que la dite commission, même composée d’excellents esprits, n’ait « rien oublié et rien appris »…

    Il serait bien dommage de perdre trop vite tout le bénéfice de ce que la Covid-19 a révélé d’essentiel. Au milieu du chaos, de la #crise mondiale qui vient, des deuils et des souffrances, il y au moins une chose que tout le monde a pu saisir : quelque chose cloche dans l’économie. D’abord, évidemment parce qu’il semble qu’on puisse la suspendre d’un coup ; elle n’apparaît plus comme un mouvement irréversible qui ne doit ni ralentir, ni bien sûr s’arrêter, sous peine de #catastrophe. Ensuite, parce que tous les confinés se sont aperçus que les #rapports_de_classe, dont on disait gravement qu’ils avaient été effacés, sont devenus aussi visibles que du temps de Dickens ou de Proudhon : la #hiérarchie des #valeurs a pris un sérieux coup, ajoutant une nouvelle touche à la célèbre injonction de l’Évangile : « Les premiers (de cordée) seront les derniers et les derniers seront les premiers » (de corvée) (Mt, 19-30)…

    Que quelque chose cloche dans l’économie, direz-vous, on le savait déjà, cela ne date quand même pas du virus. Oui, oui, mais ce qui est plus insidieux, c’est qu’on se dit maintenant que quelque chose cloche dans la définition même du monde par l’économie. Quand on dit que « l’économie doit reprendre », on se demande, in petto, « Mais, au fait, pourquoi ? Est-ce une si bonne idée que ça ? ».

    Voilà, il ne fallait pas nous donner le temps de réfléchir si longtemps ! Emportés par le développement, éblouis par les promesses de l’abondance, on s’était probablement résignés à ne plus voir les choses autrement que par le prisme de l’économie. Et puis, pendant deux mois, on nous a extrait de cette évidence, comme un poisson sorti de l’eau qui prendrait conscience que son milieu de vie n’est pas le seul. Paradoxalement, c’est le confinement qui nous a « ouvert des portes » en nous libérant de nos routines habituelles.

    Du coup, c’est le #déconfinement qui devient beaucoup plus douloureux ; comme un prisonnier qui aurait bénéficié d’une permission trouverait encore plus insupportable de retrouver la cellule à laquelle il avait fini par s’habituer. On attendait un grand vent de #libération, mais il nous enferme à nouveau dans l’inévitable « marche de l’économie », alors que pendant deux mois les explorations du « monde d’après » n’avaient jamais été plus intenses. Tout va donc redevenir comme avant ? C’est probable, mais ce n’est pas inévitable.

    La #vie_matérielle n’est pas faite, par elle-même, de relations économiques.

    Le doute qui s’est introduit pendant la pause est trop profond ; il s’est insinué trop largement ; il a pris trop de monde à la gorge. Que le Président s’entoure d’un conseil d’experts économistes auraient encore paru, peut-être, en janvier, comme un signe rassurant : mais après la Covid-19, cela ne peut que susciter l’effroi : « Quoi, ils vont encore nous faire le coup de recommencer à saisir toute la situation actuelle comme faisant partie de l’économie ? Et confier toute l’affaire à une “commission homogène en termes de profils et d’expertise” ». Mais, sont-ils encore compétents pour saisir la situation comme elle nous est apparue à la lumière de cette suspension imprévue ?

    Que l’économie puisse apparaître comme détachée de l’expérience usuelle des humains, nombreux sont les chercheurs et les activistes qui le savaient, bien sûr, mais la douloureuse expérience de la pandémie, a popularisé ce décalage. Ce sont des millions de gens qui ont vécu la même expérience que Jim Carrey, le héros du Truman Show : ils ont fini par crever le bord du plateau et réalisé que le décor se détachait de l’armature métallique qui le faisait tenir debout. De cette expérience, de ce décalage, de ce doute, on ne se remet pas. Vous ne ferez jamais rentrer Carrey une deuxième fois sur votre plateau de cinéma — en espérant qu’il « marche » à nouveau !
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    > Jusqu’ici, le terme spécialisé pour parler de ce décalage était celui d’économisation. La vie matérielle n’est pas faite, par elle-même, de relations économiques. Les humains entretiennent entre eux et avec les choses dans lesquelles ils s’insèrent une multitude de relations qui mobilisent une gamme extraordinairement large de passions, d’affects, de savoir-faire, de techniques et d’inventions. D’ailleurs, la plupart des sociétés humaines n’ont pas de terme unifié pour rendre compte de cette multitude de relations : elles sont coextensives à la vie même. Marcel Mauss depuis cent ans, Marshall Sahlins depuis cinquante, Philippe Descola ou Nastassja Martin aujourd’hui, bref une grande partie de l’anthropologie n’a cessé d’explorer cette piste[1].
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    > Il se trouve seulement que, dans quelques sociétés récentes, un important travail de formatage a tenté (mais sans jamais y réussir complètement) de réduire et de simplifier ces relations, pour en extraire quelques types de passion, d’affect, de savoir-faire, de technique et d’invention, et d’en ignorer tous les autres. Utiliser le terme d’économisation, c’est souligner ce travail de formatage pour éviter de le confondre avec la multitude des relations nécessaires à la continuation de la vie. C’est aussi introduire une distinction entre les disciplines économiques et l’objet qui est le leur (le mot « disciplines » est préférable à celui de « sciences » pour bien souligner la distance entre les deux). Ces activités procèdent au formatage, à ce qu’on appelle des « investissements de forme », mais elles ne peuvent tenir lieu de l’expérience qu’elles simplifient et réduisent. La distinction est la même qu’entre construire le plateau où Jim Carrey va « se produire » et diffuser la production dans laquelle il va devoir jouer.
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    > L’habitude a été prise de dire que les disciplines économiques performent la chose qu’elles étudient — l’expression est empruntée à la linguistique pour désigner toutes les expressions qui réalisent ce qu’elles disent par l’acte même de le dire — promesses, menaces ou acte légal[2]. Rien d’étrange à cela, et rien non plus de critique. C’est un principe général qu’on ne peut saisir un objet quelconque sans l’avoir préalablement formaté.
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    > Par exemple, il y a aujourd’hui peu de phénomène plus objectif et mieux assuré que celui de l’asepsie. Pourtant, quand je veux prouver à mon petit-fils de dix ans, l’existence de l’asepsie, je dois lui faire apprendre l’ensemble des gestes qui vont conserver à l’abri de toute contamination le bouillon de poulet qu’il a enfermé dans un pot à confiture (et ce n’est pas facile à expliquer par Zoom pendant le confinement). Il ne suffit pas de lui montrer des ballons de verre sortis des mains du verrier de Pasteur dont le liquide est encore parfaitement pur après cent cinquante ans. Il faut qu’Ulysse obtienne la réalisation de ce fait objectif par l’apprentissage de tout un ensemble de pratiques qui rendent possible l’émergence d’un phénomène entièrement nouveau : l’asepsie devient possible grâce à ces pratiques et n’existait pas auparavant (ce qui va d’ailleurs créer, pour les microbes, une pression de sélection tout à fait nouvelle, elle aussi). La permanence de l’asepsie comme fait bien établi dépend donc de la permanence d’une institution — et des apprentissages soigneusement entretenus dans les laboratoires, les salles blanches, les usines de produits pharmaceutiques, les salles de travaux pratiques, etc.
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    > En poursuivant le parallèle, l’économisation est un phénomène aussi objectif, mais également aussi soigneusement et obstinément construit, que l’asepsie. Il suffit qu’Ulysse fasse la moindre erreur dans l’ébouillantement de son flacon de verre, ou dans la mise sous couvercle, et, dans quelques jours, le bouillon de poulet sera troublé. Il en est de même avec l’économisation : il suffit de nous laisser deux mois confinés, hors du cadrage habituel, et voilà que les « mauvaises habitudes » reviennent, que d’innombrables relations dont la présence étaient oubliée ou déniée se mettent à proliférer. Se garder des contaminations est aussi difficile que de rester longtemps économisable. La leçon vaut pour la Covid aussi bien que pour les disciplines économiques. Il faut toujours une institution en bon état de marche pour maintenir la continuité d’un fait ou d’une évidence.
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    > L’Homo oeconomicus existe mais il n’a rien de naturel, de natif ou de spontané. Relâchez la pression, et voilà qu’il s’émancipe, comme les virus soudainement abandonnés dans un laboratoire dont aurait coupé les crédits
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    > Pas plus que les microbes n’étaient préparés à se trouver affrontés aux gestes barrières de l’asepsie inventés par les pastoriens, les humains plongés dans les relations matérielles avec les choses dont ils jouissaient, ne s’étaient préparés au dressage que l’économisation allait leur imposer à partir du XVIIIe siècle. De soi, personne ne peut devenir un individu détaché, capable de calculer son intérêt égoïste, et d’entrer en compétition avec tous les autres, à la recherche d’un profit. Tous les mots soulignés désignent des propriétés qui ont fini par exister bel et bien dans le monde, mais qu’il a fallu d’abord extraire, maintenir, raccorder, assurer par un immense concours d’outils de comptabilité, de titres de propriétés, d’écoles de commerce et d’algorithmes savants. Il en est de l’Homo oeconomicus comme des lignées pures de bactéries cultivées dans une boîte de Pétri : il existe, mais il n’a rien de naturel, de natif ou de spontané. Relâchez la pression, et voilà qu’il s’émancipe, comme les virus soudainement abandonnés dans un laboratoire dont on aurait coupé les crédits — prêts à faire ensuite le tour du monde.
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    > On peut même aller plus loin. Dans un livre plein d’humour (et dans un article récent de Libération), David Graeber fait la suggestion que la « mise en économie » est d’autant plus violente que le formatage est plus difficile et que les agents « résistent » davantage à la discipline[3]. Moins l’économisation paraît réaliste, plus il faut d’opérateurs, de fonctionnaires, de consultants, de comptables, d’auditeurs de toutes sortes pour en imposer l’usage. Si l’on peut assez facilement compter le nombre de plaques d’acier qui sortent d’un laminoir : un œil électronique et une feuille de calcul y suffiront ; pour calculer la productivité d’une aide-soignante, d’un enseignant ou d’un pompier, il va falloir multiplier les intermédiaires pour rendre leur activité compatible avec un tableau Excel. D’où, d’après Graeber, la multiplication des « jobs à la con ».
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    > Si l’expérience de la pandémie a un sens, c’est de révéler la vitesse à laquelle la notion de productivité dépend des instruments comptables. Oui, c’est vrai, on ne peut pas calculer bien exactement la productivité des enseignants, des infirmières, des femmes au foyer. Quelle conclusion en tirons-nous ? Qu’ils sont improductifs ? Qu’ils méritent d’être mal payés et de se tenir au bas de l’échelle ? Ou que c’est sans importance, parce que le problème n’est pas là ? Quel que soit le nom que vous donniez à leur « production », elle est à la fois indispensable et incalculable : eh bien, que d’autres s’arrangent avec cette contradiction : cela veut simplement dire que ces activités appartiennent à un genre d’action inéconomisable. C’est la réalisation par tout un chacun que ce défaut de comptabilité est « sans importance » qui sème le doute sur toute opération d’économisation. C’est là où la prise économique sur les conditions de vie se sépare de ce qu’elle décrivait, comme un pan de mur craquelé se détache du décor.
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    > « Mais sûrement, diront les lecteurs, à force de disciplines économiques qui instituent l’économie comme extraction des relations qui permettent la vie, nous, en tous cas, nous les producteurs et les consommateurs des pays industriels, nous sommes bien devenus, après tant de formatage, des gens économisables de part en part et sans quasi de résidu. Il peut bien exister ailleurs, autrefois, et dans les émouvants récits des ethnologues, d’autres façons de se relier au monde, mais c’est fini pour toujours, en tous cas pour nous. Nous sommes bel et bien devenus ces individus égoïstes en compétition les uns avec les autres, capables de calculer nos intérêts à la virgule près ? »
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    > C’est là, où le choc de la Covid oblige à réfléchir : croire à ce caractère irréversible, c’est comme de croire que les progrès de l’hygiène, des vaccins, et des méthodes antiseptiques nous avaient débarrassé pour toujours des microbes… Ce qui était vrai en janvier 2020, ne l’est peut-être plus en juin 2020.
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    > Il suffit d’une pause de deux mois pour réussir ce que les nombreux travaux des sociologues des marchés et des anthropologues des finances n’auraient jamais pu obtenir : la conviction largement partagée que l’économie tient aussi longtemps que l’institution qui la performe — mais pas un jour de plus. Le pullulement des modes de relations nécessaires à la vie continue, déborde, envahit l’étroit format de l’économisation, comme le grouillement des milliards de virus, de bactériophages et de bactéries continue de relier, de milliards de façons différentes, des êtres aussi éloignés que des chauve-souris, des Chinois affamés ou gastronomes, sans oublier peut-être Bill Gates et le Dr Fauci. En voilà une contamination : d’une cinquantaine de collègues à des dizaines de millions de personnes qui rejoignent sans coup férir les très nombreux mouvements, syndicats, partis, traditions diverses qui avaient déjà de très bonnes raisons de se méfier de l’économie et des économistes (aussi « experts », « homogènes » et qualifiés qu’ils soient). L’infortuné Jim Carrey est devenu foule.
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    > Ce que la pandémie rend plus intense, ce n’est donc pas simplement un doute sur l’utilité et la productivité d’une multitude de métiers, de biens, de produits et d’entreprises — c’est un doute sur la saisie des formes de vie dont chacun a besoin pour subsister par les concepts et les formats venus de l’économie. La productivité — son calcul, sa mesure, son intensification — est remplacée peu à peu, grâce au virus, par une question toute différente : une question de subsistance. Là est le virage ; là est le doute ; là est le ver dans le fruit : non pas que et comment produire, mais « produire » est-il une bonne façon de se relier au monde ? Pas plus qu’on ne peut continuer de « faire la guerre » au virus en ignorant la multitude des relations de coexistence avec eux, pas plus on ne peut continuer « à produire » en ignorant les relations de subsistance qui rendent possible toute production. Voilà la leçon durable de la pandémie.
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    > Et pas simplement parce que, au début, pendant deux mois, on a vu passer beaucoup de cercueils à la télé et entendu des ambulances traverser les rues désertes ; mais aussi parce que, de fil en aiguille, de questions de masques en pénurie de lits d’hôpital, on en est venu à des questions de valeur et de politique de la vie — ce qui la permet, ce qui la maintient, ce qui la rend vivable et juste.
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    > Au début, bien sûr, c’était empêcher la contagion, par l’invention paradoxale de ces gestes barrières qui exigeaient de nous, par solidarité, de rester enfermés chez nous. Ensuite, deuxième étape, on a commencé à voir proliférer en pleine lumière ces métiers de « petites gens » dont on s’apercevait, chaque jour davantage, qu’ils étaient indispensables — retour de la question des classes sociales, clairement racialisées. Retour aussi des durs rapports géopolitiques et des inégalités entre pays, rendus visibles (c’est là une autre leçon durable) produit par produit, chaîne de valeur par chaîne de valeur, route de migration par route de migration.
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    > Troisième étape, la hiérarchie des métiers a commencé à s’ébranler : on se met à trouver mille qualités aux métiers mal payés, mal considérés, qui exigent du soin, de l’attention, des précautions multiples. Les gens les plus indifférents se mettent à applaudir les « soignants » de leur balcon ; là où ils se contentaient jusqu’ici de tondre le gazon, les cadres supérieurs s’essayent à la permaculture ; même les pères en télétravail s’aperçoivent que, pour enseigner l’arithmétique à leurs enfants, il faut mille qualités de patience et d’obstination dont ils n’avaient jamais soupçonné l’importance.
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    > Va-t-on s’arrêter là ? Non, parce que le doute sur la production possède une drôle de façon de proliférer et de contaminer de proche en proche tout ce qu’il touche : dès qu’on commence à parler de subsistance ou de pratiques d’engendrement, la liste des êtres, des affects, des passions, des relations qui permettent de vivre ne cesse de s’allonger. Le formatage par l’économisation avait justement pour but, comme d’ailleurs l’asepsie, de multiplier les gestes barrières afin de limiter le nombre d’êtres à prendre en compte, dans tous les sens du mot. Il fallait empêcher la prolifération, obtenir des cultures pures, simplifier les motifs d’agir, seul moyen de rendre les microbes ou les humains, connaissables, calculables et gérables. Ce sont ces barrières, ces barrages, ces digues qui ont commencé à craquer avec la pandémie.
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    > Le nouveau régime climatique, surajouté à la crise sanitaire, fait peser sur toute question de production un doute si fondamental qu’il ne fallait que deux mois de confinement pour en renouveler l’enjeu.
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    > Ce qui n’aurait pas été possible sans la persistance d’une autre crise qui la déborde de toute part. Par une coïncidence qui n’est d’ailleurs pas complètement fortuite, le coronavirus s’est répandu à toute vitesse chez des gens déjà instruits de la menace multiforme qu’une crise de subsistance généralisée faisait peser sur eux. Sans cette deuxième crise, on aurait probablement pris la pandémie comme un grave problème de santé publique, mais pas comme une question existentielle : les confinés se seraient gardés de la contagion, mais ils ne se seraient pas mis à discuter s’il était vraiment utile de produire des avions, de continuer les croisières dans des bateaux géants en forme de porte-conteneurs, ou d’attendre de l’Argentine qu’elle fournisse le soja nécessaire aux porcs bretons. Le nouveau régime climatique, surajouté à la crise sanitaire, fait peser sur toute question de production un doute si fondamental qu’il ne fallait que deux mois de confinement pour en renouveler l’enjeu. D’où l’extension prodigieuse de la question de subsistance.
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    > Si la crise sanitaire a rappelé le rôle des petits métiers, si elle a donné une importance nouvelle aux professions du soin, si elle a rendu encore plus visible les rapports de classe, elle a aussi peu à peu rappelé l’importance des autres participants aux modes de vie, les microbes d’abord, et puis, de fil en aiguille tout ce qu’il faut pour maintenir en état une économie dont on s’imaginait jusqu’ici qu’elle était la totalité de l’expérience et qu’elle allait « reprendre ». Même la journaliste la plus obtuse qui continue à opposer ceux qui se préoccupent du climat et ceux qui veulent « remplir le frigo », ne peut plus ignorer qu’il n’y a rien dans le frigo qui ne dépende du climat — sans oublier les innombrables micro-organismes associés à la fermentation des fromages, des yaourts et des bières…
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    > Une citation du livre de Graeber sur l’origine de la valeur (vieux débat chez les économistes) résume la situation nouvelle. Il rappelle que la notion de valeur-travail était devenue une évidence au XIXe siècle avant de disparaître sous les coups de boutoir du néolibéralisme au XXe — ce siècle si oublieux de ces conditions de vie. D’où l’injustice sur les causes de la valeur résumée par cette phrase : « Aujourd’hui, si vous évoquez les “producteurs de richesses”, tout le monde pensera que vous voulez parler des capitalistes, certainement pas des travailleurs. » Mais une fois remise en lumière l’importance du travail et du soin, voilà que l’on s’aperçoit très vite que bien d’autres valeurs, et bien d’autres « travailleurs » doivent passer à l’action pour que les humains puissent subsister. Pour capter la nouvelle injustice, il faudrait réécrire la phrase de Graeber : « Aujourd’hui, si vous évoquez les “producteurs de richesses” tout le monde pensera que vous parlez des capitalistes ou des travailleurs, certainement pas des vivants ».
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    > Sous les capitalistes, les travailleurs, et sous les travailleurs, les vivants. La vieille taupe continue toujours à bien travailler ! L’attention s’est décalée non pas d’un cran, mais de deux. Le centre de gravité s’est décalé lui aussi. D’autres sources de la valeur se sont manifestées. C’est ce monde-là qui apparaît en pleine lumière, refuse absolument d’en rester au statut de « simple ressource » que lui octroie par condescendance l’économie standard, et qui déborde tous les gestes barrières qui devaient les tenir éloignés. C’est très bien de produire, mais encore faut-il subsister ! Quelle étonnante leçon que celle de la pandémie : on croit qu’il est possible d’entrer en guerre avec les virus, alors qu’il va falloir apprendre à vivre avec eux sans trop de dégât pour nous ; on croit qu’il est souhaitable d’effectuer une Reprise Économique, alors qu’il va probablement falloir apprendre à sortir de l’Économie, ce résumé simplifié des formes de vie
    >
    > [1] Immense littérature, mais en vrac, Sahlins, Marshall. Âge de pierre, âge d’abondance. Economie des sociétés primitives. Paris : Gallimard, 1976 ; Descola, Philippe. The Ecology of Others (translated by Geneviève Godbout and Benjamin P. Luley). Chicago : Prickly Paradigm Press, 2013 ; Martin, Nastassja. Les âmes sauvages. Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska. Paris : La Découverte, 2016 ; et pour les sociétés industrielles, Callon, Michel, ed. Sociologie des agencements marchands. Textes choisis. Paris : Presses de l’Ecole nationale des mines de Paris, 2013 ; Mitchell, Timothy. Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole (traduit par Christophe Jacquet). Paris : La Découverte, 2013.
    >
    > [2] MacKenzie, Donald, Fabian Muniesa, and Lucia Siu, eds. Do Economists Make Markets ? On the Performativity of Economics. Princeton : Princeton University Press, 2007.
    >
    > [3] 2018. Bullshit Jobs. Paris : Les liens qui libèrent, David Graeber (traduit par Elise Roy) ; et son opinion dans Libération https://www.liberation.fr/debats/2020/05/27/vers-une-bullshit-economy_1789579

    https://aoc.media/opinion/2020/06/01/etes-vous-prets-a-vous-deseconomiser
    #déséconomie #Bruno_Latour #Latour #économie #suspension #le_monde_d'après

    • Le texte de l’appel :

      Nous sommes nombreuses, nous sommes nombreux : nous sommes tant et tant à penser et éprouver que ce système a fait son temps. Mais nos voix sont dispersées, nos appels cloisonnés, nos pratiques émiettées. Au point que quelquefois nous doutons de nos forces, nous succombons à la détresse de l’impuissance. Certes, parfois cette diffraction a du bon, loin des centralisations et, évidemment, loin des alignements. Il n’empêche : nous avons besoin de nous fédérer. Sans doute plus que jamais au moment où une crise économique, sociale et politique commence de verser sa violence sans faux-semblant : gigantesque et brutale. Si « nous sommes en guerre », c’est bien en guerre sociale. D’ores et déjà les attaques s’abattent, implacables : le chantage à l’emploi, la mise en cause des libertés et des droits, les mensonges et la violence d’État, les intimidations, la répression policière, en particulier dans les quartiers populaires, la surveillance généralisée, la condescendance de classe, les discriminations racistes, les pires indignités faites aux pauvres, aux plus fragiles, aux exilé-es. Pour une partie croissante de la population, les conditions de logement, de santé, d’alimentation, parfois tout simplement de subsistance, sont catastrophiques. Il est plus que temps de retourner le stigmate contre tous les mauvais classements. Ce qui est « extrême », ce sont bien les inégalités vertigineuses, que la crise creuse encore davantage. Ce qui est « extrême », c’est cette violence. Dans ce système, nos vies vaudront toujours moins que leurs profits.

      Nous n’avons plus peur des mots pour désigner la réalité de ce qui opprime nos sociétés. Pendant des décennies, « capitalisme » était devenu un mot tabou, renvoyé à une injonction sans alternative, aussi évident que l’air respiré – un air lui-même de plus en plus infecté. Nous mesurons désormais que le capitalocène est bien une ère, destructrice et mortifère, une ère d’atteintes mortelles faites à la Terre et au vivant. L’enjeu ne se loge pas seulement dans un néolibéralisme qu’il faudrait combattre tout en revenant à un capitalisme plus « acceptable », « vert », « social » ou « réformé ». Féroce, le capitalisme ne peut pas être maîtrisé, amendé ou bonifié. Tel un vampire ou un trou noir, il peut tout aspirer. Il n’a pas de morale ; il ne connaît que l’égoïsme et l’autorité ; il n’a pas d’autre principe que celui du profit. Cette logique dévoratrice est cynique et meurtrière, comme l’est tout productivisme effréné. Se fédérer, c’est répondre à cette logique par le collectif, en faire la démonstration par le nombre et assumer une opposition au capitalisme, sans imaginer un seul instant qu’on pourrait passer avec lui des compromis.

      Mais nous ne sommes pas seulement, et pas d’abord, des « anti ». Si nous n’avons pas de projet clé en mains, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à théoriser, penser mais aussi pratiquer des alternatives crédibles et tangibles pour des vies humaines. Nous avons besoin de les mettre en commun. C’est là d’ailleurs ce qui unit ces expériences et ces espérances : les biens communs fondés non sur la possession mais sur l’usage, la justice sociale et l’égale dignité. Les communs sont des ressources et des biens, des actions collectives et des formes de vie. Ils permettent d’aspirer à une vie bonne, en changeant les critères de référence : non plus le marché mais le partage, non plus la concurrence mais la solidarité, non plus la compétition mais le commun. Ces propositions sont solides. Elles offrent de concevoir un monde différent, débarrassé de la course au profit, du temps rentable et des rapports marchands. Il est plus que jamais nécessaire et précieux de les partager, les discuter et les diffuser.

      Nous savons encore que cela ne suffira pas : nous avons conscience que la puissance du capital ne laissera jamais s’organiser paisiblement une force collective qui lui est contraire. Nous connaissons la nécessité de l’affrontement. Il est d’autant plus impérieux de nous organiser, de tisser des liens et des solidarités tout aussi bien locales qu’internationales, et de faire de l’auto-organisation comme de l’autonomie de nos actions un principe actif, une patiente et tenace collecte de forces. Cela suppose de populariser toutes les formes de démocratie vraie : brigades de solidarité telles qu’elles se sont multipliées dans les quartiers populaires, assemblées, coopératives intégrales, comités d’action et de décision sur nos lieux de travail et de vie, zones à défendre, communes libres et communaux, communautés critiques, socialisation des moyens de production, des services et des biens… Aujourd’hui les personnels soignants appellent à un mouvement populaire. La perspective est aussi puissante qu’élémentaire : celles et ceux qui travaillent quotidiennement à soigner sont les mieux à même d’établir, avec les collectifs d’usagers et les malades, les besoins quant à la santé publique, sans les managers et experts autoproclamés. L’idée est généralisable. Nous avons légitimité et capacité à décider de nos vies – à décider de ce dont nous avons besoin : l’auto-organisation comme manière de prendre nos affaires en mains. Et la fédération comme contre-pouvoir.

      Nous n’avons pas le fétichisme du passé. Mais nous nous souvenons de ce qu’étaient les Fédérés, celles et ceux qui ont voulu, vraiment, changer la vie, lui donner sens et force sous la Commune de Paris. Leurs mouvements, leurs cultures, leurs convictions étaient divers, républicains, marxistes, libertaires et parfois tout cela à la fois. Mais leur courage était le même – et leur « salut commun ». Comme elles et comme eux, nous avons des divergences. Mais comme elles et comme eux, face à l’urgence et à sa gravité, nous pouvons les dépasser, ne pas reconduire d’éternels clivages et faire commune. Une coopérative d’élaborations, d’initiatives et d’actions donnerait plus de puissance à nos pratiques mises en partage. Coordination informelle ou force structurée ? Ce sera à nous d’en décider. Face au discours dominant, aussi insidieux que tentaculaire, nous avons besoin de nous allier, sinon pour le faire taire, du moins pour le contrer. Besoin de nous fédérer pour mettre en pratique une alternative concrète et qui donne à espérer.

      Dès que nous aurons rassemblé de premières forces, nous organiserons une rencontre dont nous déciderons évidemment ensemble les modalités.

      #le_monde_d'après #convergence #résistance #convergence_des_luttes #se_fédérer #détresse #impuissance #diffraction #guerre_sociale #inégalités #capitalisme #capitalocène #néolibéralisme #égoïsme #autorité #profit #productivisme #collectif #alternative #alternatives #bien_commun #commun #commons #partage #solidarité #marché #concurrence #compétition #rapports_marchands #affrontement #auto-organisation #autonomie #démocratie #brigades_de_solidarité #mouvement_populaire #fédération #contre-pouvoir #alternative

  • #AgriGenre. Le genre dans les mondes agricoles

    Carnet de recherche tenu par #Valéry_Rasplus (sociologie de l’environnement et du genre).

    Une partie de mes recherches vise à mieux comprendre les #choix et les #pratiques qui sont mis en œuvre au sein des #exploitations_agricoles.

    Je m’intéresse aux stratégies individuelles et collectives des #agriculteurs et des #agricultrices ainsi qu’aux logiques sociales qui président leurs rationalités d’action.

    Le tout en prenant appui sur la question des #rapports_de_genre.


    https://agrigenre.hypotheses.org
    #agriculture #genre #ressources_pédagogiques
    ping @odilon

  • #Essais_cliniques : quand la #science recrute ses doublures en #Afrique ou chez les #pauvres

    Alors qu’il est question sur LCI de vérifier une molécule en Afrique avant d’en faire bon usage face au Covid-19 ou que le protocole du professeur Raoult est mis en question, retour sur l’histoire des essais cliniques : quand le progrès médical faisait bombance des corps de peu d’importance.

    C’était sur LCI la semaine dernière, et la scène en a cueilli plus d’un devant le direct :

    Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le Sida. Chez les prostituées, on essaye des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas.

    En plateau, c’est #Jean-Paul_Mira, chef de la réanimation à l’hôpital Cochin de Paris, qui prononce cette phrase. En duplex, Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, acquiesce :

    Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une #étude en parallèle en Afrique.

    Soigner ou punir, pourquoi choisir ?

    L’idée n’a pas choqué ce microbiologiste parce qu’elle est banale : la #délocalisation des essais cliniques, notamment en Afrique, et/ou sur des prostituées, relève au fond d’une pratique ordinaire de la #recherche_médicale. Mais elle a heurté de nombreux spectateurs parce qu’elle embarque tout un chapelet de représentations qui ne ressortent pas seulement de l’#histoire_de_la_médecine mais aussi de l’#histoire_sociale et de l’#histoire_coloniale. Car l’histoire des essais cliniques est l’histoire d’un #rapport_de_pouvoir, et plus précisément d’un rapport profondément inégalitaire. Longtemps, c’est sur cette inégalité-là que s’est juché le progrès scientifique. A bien des égards, c’est toujours vrai.

    L’exemple des prostituées (celles qui “ne se protègent pas”), que prend le médecin sur LCI, ne vient pas de nulle part : dans l’histoire de la médecine clinique, de nombreuses expérimentations ont été pratiquées sur les travailleuses du sexe. Et souvent, de façon coercitive. Leur marginalité par rapport à la société y a souvent été pour beaucoup, au XIXe siècle, à une époque où justement l’expérimentation médicale se stabilisait. Ces femmes n’étaient pourtant pas hors la loi : ni le tout premier code pénal français (qu’on doit aux révolutionnaires, en 1791), ni celui de 1810 (qui restera en vigueur jusqu’en 1994), n’interdiront la prostitution, qui d’ailleurs est aussi pratiquée de façon ordinaire par les femmes de classes populaires, mariées ou non. Mais même si on appelait ça “le cinquième quart”, c’est-à-dire, celui qui met du beurre dans les épinards et souvent sauve le ménage de la misère, la pratique est stigmatisée par les autorités en dépit de ce que l’historienne Clyde Plumauzille appellera une “dépénalisation silencieuse”. Et c’est depuis ce stigmate-là, et aussi parce qu’elles peuvent propager les maladies, qu’on décidera régulièrement de tester sur elles des remèdes.

    A la fin des années 1820, par exemple, on décide de créer un dispensaire spécialement pour elles, géré par les médecins de la Préfecture de police, qui obligent les filles, prostituées officielles ou non (on dit "soumises" ou "insoumises"), à se faire soigner. A partir de 1836, à Paris, les filles soumises (celles qui se sont déclarées) qui pensent être touchées par des maladies vénériennes comme la syphilis n’ont plus le droit de se présenter dans aucun autre hôpital, et relèvent uniquement de l’infirmerie construite sur les flancs de la prison Saint-Lazare. Un hôpital-prison où, au passage, les médecins peuvent aussi renvoyer toutes les autres, dès lors qu’on les jugerait trop turbulentes, rappellent les historiennes Claire Barillé et Sandie Servais dans leur contribution au livre collectif Impossibles victimes, impossibles coupables.
    Un petit goût de mercure dans la tisane

    C’est dans ce cadre répressif-là que se généralisent les essais thérapeutiques sur les prostituées, sur qui l’on teste, par exemple, différents dosages de mercure. Sont-elles averties du risque inhérent aux expérimentations ? Dans sa formidable généalogie des essais cliniques et de la médecine expérimentale, Les Corps vils, parue en 2008 à La Découverte, le philosophe Grégoire Chamayou racontait qu’une véritable sédition avait eu lieu, entre ces murs parisiens où le soin et le contrôle se superposaient : les prostituées avaient découvert qu’une partie d’entre elles, à qui on administrait un simple placebo et non le traitement au mercure, pouvaient aussi guérir. Réponse de l’administration sanitaire : on inventa alors un breuvage suffisamment amer pour donner au placebo le goût du mercure, et leur faire croire ainsi qu’elles étaient toutes à la même enseigne.

    Car le consentement aux essais cliniques est une invention bien plus tardive que la pratique. C’est tout le sens du terme “corps vils”, qui traduit une locution latine centrale dans l’histoire du jargon médical : “fiat experimentum in corpore vili”, qui rappelle explicitement qu’historiquement, on a d’abord testé les médicaments sur ces “corps de peu d’importance” - mais sans toujours leur demander leur avis. Dans le même ouvrage, Chamayou rappelle que, longtemps, on s’accommodera de faire porter sur les plus pauvres, comme sur les prostituées, le risque des essais, puisqu’après tout, c’est leur mode de vie tout entier qui les exposerait à la mort :

    Le médecin ne portera pas la responsabilité d’un risque que la pauvreté leur aurait de toute façon fait courir.

    Ce rapport sacrément décomplexé à l’administration du risque sur les plus modestes vous semble à peine croyable ? On le comprend mieux si on a en tête deux éléments. D’abord, qu’on a longtemps pratiqué les premiers essais sur les suppliciés et les condamnés. Ainsi, il était très courant de voir des médecins faire le pied de grue au pied de l’échafaud en quête de corps à peine morts, prêts pour l’expérimentation. La science prenant son essor, ce seront bientôt les corps des condamnés qui seront mis à disposition, de leur vivant. Au premier chef, les condamnés à mort, mais aussi des bagnards, sur qui l’on testera par exemple au bagne de Rochefort, en Charente-Maritime, divers remèdes qu’on hésitait encore à administrer aux marins. Ces corps-là sont toujours vivants, mais déchus de leur statut social, et c’est depuis cette déchéance-là qu’on les met à disposition pour la recherche. Ils deviennent au fond profitables pour la médecine quel qu’en soit le prix, parce qu’ils n’ont plus de valeur sociale.
    Droit de guerre ou droit de... guérir ?

    Mais il faut aussi avoir en tête que les hôpitaux du XIXe siècle ne sont pas ceux qu’on connait aujourd’hui, mais d’abord des lieux d’accueil, des hospices, dédiés aux indigents. Ainsi s’installe aussi l’idée que les pauvres, dont les soins mais aussi l’inhumation, représentent une charge pour la collectivité, peuvent bien rembourser leur dette vis-à-vis de la société en soumettant leur corps à divers essais réputés nécessaires. Immoral ? Le débat s’installera à l’échelle de toute l’Europe, dès le XVIIIe siècle, et impliquera, dans le giron des Lumières, aussi bien les Encyclopédistes français qu’Emmanuel Kant. La controverse enfle ainsi, tandis qu’on découvre le principe de la vaccination qui implique d’inoculer dans certains corps la maladie à titre de test. Kant répondra par exemple qu’on n’a pas le droit de risquer la vie d’une partie de la population pour que l’autre vive. Mais bien des philosophes des Lumières estiment, eux, que le progrès de la science prime, et Grégoire Chamayou compare finalement la légitimation des expérimentations à un “droit de guerre”, quand un pouvoir politique lève une armée en masse pour sauver un pays.

    Longtemps, ces corps-là, qu’on pense d’une valeur sociale inférieure, font ainsi office de “doublures”, pour reprendre l’image, très éloquente, développée par Grégoire Chamayou dans son livre. Puis l’idée que le consentement éclairé du patient est nécessaire s’installe bon an, mal an. Si le cobaye est consentant, encore faut-il que les essais soient viables. Or la fin du XIXe siècle est aussi le moment où la recherche médicale se sophistique et se rationalise, avec la généralisation des statistiques, et des mesures qui se systématisent dans les essais (on dit notamment “métrologie”). Ce qu’on appelle “la médecine des preuves” est née, et elle implique des tests à grande échelle... et donc, des corps. La conquête coloniale viendra suppléer au manque de corps à cette échelle, et fournir une nouvelle catégorie de “doublures”. C’est dans cette histoire-là que s’enracine la réaction du médecin sur LCI : aujourd’hui, des essais sont encore pratiqués en grand nombre dans les pays en voie de développement, et notamment en Afrique.
    Les doublures africaines

    En 2015, 658 essais étaient pratiqués en Afrique, dont 280 en Egypte - qui, contre toute attente, tiendrait lieu d’eldorado justement parce que ses infrastructures de santé et ses universités y sont plutôt plus développées. Sur place, on n’en est plus aux gigantesques camps coloniaux, où la nouvelle administration coloniale faisait procéder à des tests à grande échelle dans des régions subalternes, qui correspondent aujourd’hui au Sénégal ou au Cameroun. Ces pays sont aujourd’hui indépendants. Mais leur politique sanitaire reste étroitement liée aux anciennes puissances coloniales, ou à leurs industries pharmaceutiques. Si elles sont correctement menées, c’est à dire que les populations y ont un bénéfice thérapeutique réel, ces recherches sont essentielles pour donner accès à des pays entiers à des traitements cruciaux. C’est pour ça, par exemple, qu’une chercheuse sonnait l’alerte dans Le Monde, le 3 avril, alors qu’aucun des 359 essais cliniques aujourd’hui enregistrés sur terre pour la recherche sur les traitements Covid-19 n’avait encore débuté en Afrique. Mais encore faut-il que ces recherches se déroulent dans les règles de l’art. Car, malgré une naissance aussi tardive que laborieuse, des standards ethiques existent aujourd’hui.

    La bascule remonte au procès de Nüremberg, en 1946, après quoi il sera entendu qu’on doit encadrer la recherche pour que rien ne ressemble plus à ce qui a pu se pratiquer dans les camps nazis. Dans les deux ans qui suivent, un premier squelette de charte éthique prend forme, qui débouche, six ans plus tard, sur ce qui restera comme “la déclaration d’Helsinki”.

    La Déclaration d’Helsinki date de 1964, et c’est le tout premier texte qui encadre les essais. Un texte fondateur, qui reconnaît la nécessité des expérimentations humaines “pour le progrès de la science et pour le bien de l’humanité souffrante”, et qui distingue par exemple les expérimentations menées au chevet du malade, des essais sur un non-malade, dans le but d’élargir la connaissance scientifique. L’idée du consentement du cobaye y figure noir sur blanc. Mais il ne s’agit encore que d’une charte de bonnes pratiques : aucune contrainte dans la Déclaration d’Helsinki ou dans les textes qui verront le jour dans la foulée, et qui précisent par exemple que la personne sur qui on expérimente doit avoir un intérêt. Charge, en fait, aux pays de s’en saisir pour transformer ces grands principes moraux en loi. Il faudra 24 ans en tout pour que la France y vienne : la profession médicale et les juristes sont divisés, et une part non négligeable d’entre eux sont loin d’être acquis à l’idée d’avaliser pour de bon l’expérimentation sur des sujets humains.
    1988, et la toute première loi française

    Mais en 1983, la création du Comité national d’éthique, qui prendra position en faveur des essais, paraît avoir accéléré le calendrier : la toute première proposition de loi sur les essais thérapeutiques en France est débattue en 1985 à l’Assemblée nationale. Le blocage du texte dans le champ politique montre bien toute la charge polémique qui entoure la question de l’expérimentation thérapeutique, en France, dans les années 1980. C’est finalement après un rappel à l’ordre du Conseil d’Etat que sera votée la toute première loi sur les essais : du nom des parlementaires qui la portent, ce sera la loi Huriet-Sérusclat, entrée en vigueur un 20 décembre 1988. On y trouve notamment le principe que ceux sur qui sont pratiqués les tests, qui n’ont pas de bénéfice thérapeutique direct, parce qu’ils ne sont pas malades, peuvent être indemnisés - mais pas les autres. Et aussi que les essais ne sont possibles pour toute une catégorie de personnes qu’à la condition expresse qu’elles y aient intérêt pour leur santé : ça concerne par exemple les mineurs, ou des adultes vulnérables comme les détenus et des patients en situation d’urgence.

    Un quart de siècle plus tard, de nombreuses ONG signalent que les essais cliniques ont explosé en Afrique. Même MSF fait désormais des essais sur le sol africain : les premiers essais de l’ONG sur Ebola remontent à 2014 mais dès les années 1990, on trouve dans les archives de Médecins Sans Frontières la trace d’essais liés au paludisme, avec par exemple cette explication :

    Face à l’absence de données, Médecins sans frontières (MSF) a mis en place des études cliniques afin de mesurer l’efficacité des antipaludéens et d’adapter les traitements au sein de ses missions. Entre 1996 et 2004, plus de 12 000 patients furent inclus dans 43 études réalisées dans 18 pays d’Asie et d’Afrique.

    Comme ici, il s’agit parfois de tester, sur place, des pathologies spécifiques, qui séviraient dans certains pays, et pas dans d’autres. Mais pas toujours. Il arrive aussi qu’une firme pharmaceutique délocalise son expérimentation parce que c’est parfois jusqu’à cinq fois moins cher de mener des essais dans un pays africain qu’en Europe. Et aussi parce que la loi Huriet-Sérusclat ne contraint pas les industriels qui délocalisent leurs essais, même lorsqu’il s’agit de laboratoires français ? Et qu’on prendrait bien des libertés sous les tropiques vis à vis de ces principes éthiques dont l’ébauche fut si tardive en France ? Il est caricatural, et souvent carrément faux, d’imaginer qu’on ferait n’importe quoi dans ce nouveau far west de l’innovation thérapeutique. Des protocoles existent, qui montrent que l’éthique n’a pas tout bonnement disparu quelque part au dessus du Détroit de Gibraltar. Et en 1981, un texte international, resté comme “la Déclaration de Manille”, avait complété celle d’Helsinki, en précisant les conditions des essais cliniques dans les pays en voie de développement.
    Asymétrie Nord-Sud

    Malgré tout, le rapport Nord-Sud en matière d’essais reste marqué par une forte asymétrie. Ainsi, plusieurs scandales, dont certains se sont soldés par des actions en justice, montrent que bien des protocoles peuvent se révéler plus laxistes une fois les essais menés à l’étranger. Par exemple, pour tout ce qui concerne le bénéfice des traitements : quand on voit le tarif de commercialisation de bien des molécules, ou encore les maladies pour lesquelles on procède à des tests, on peut douter parfois que la balance des bénéfices et des risques soit toujours favorables aux populations qui se prêtent aux tests. Jean-Philippe Chippaux est médecin et directeur de recherche à l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement. Dans un ouvrage éclairant qui date de 2004, et disponible par ici, ce chercheur de terrain, qui a longtemps travaillé depuis Dakar, concluait qu’il y avait urgence à ce que “les Africains s’approprient le concept de l’essai clinique pour répondre à leurs besoins spécifiques de santé publique”. Il rappelait à cette occasion la dimension infiniment politique des essais cliniques. C’était vrai au XVIIIe siècle lorsqu’au pied de l’échafaud, la science faisait bombance des corps des suppliciés ramenés au rang d’objet. Mais c’est toujours vrai à présent qu’il s’agit de géopolitique sanitaire :

    L’essai clinique apparaît comme un instrument incontournable de l’indépendance sanitaire. Car, au-delà de cette appropriation, la finalité de la pratique d’essais cliniques dans les pays africains est bien de susciter une capacité locale permettant d’y décider, réaliser, surveiller et exploiter en toute indépendance les recherches cliniques. Cela nécessite une compétence technique et une maîtrise politique, donc financière, de la recherche et de la santé.

    L’essai thérapeutique comme une émancipation plutôt qu’une double peine ? L’idée a quelque chose de rassérénant tant la lecture de la généalogie de Grégoire Chamayou, Les Corps vils, est édifiante. Mais elle rend encore plus décisive la question du consentement des sujets de l’expérimentation. Or, de ce point de vue-là, c’est peu dire que les garanties ne sont pas équivalentes selon que l’essai a lieu sur le sol français ou, par exemple, au Cameroun. Un essai sur le VIH s’est déroulé sur place entre 2004 et 2005, qui ciblait plus particulièrement 400 prostituées. Objet de l’essai à l’époque : un antiviral du nom de "Tenofovir", qui sera commercialisé en France à partir de février 2002. Mais avant sa mise sur le marché, il avait fallu le tester. Or Act-up avait révélé que, non seulement, les femmes camerounaises qui faisaient partie de la cohorte sous placebo étaient insuffisamment protégées. Mais que, de surcroît, elles étaient très nombreuses parmi toutes celles impliquées dans l’étude du laboratoire Gilead, à avoir signé en pensant qu’on allait leur administrer un vaccin. Et pour cause : le protocole écrit, auquel on leur avait donné furtivement accès, était en anglais. Or, pour la plupart, ces femmes étaient illettrées, et surtout, francophones.

    Le consentement de ces femmes n’était donc pas réel. Leur situation paraît d’autant plus asymétrique qu’en France, au contraire, bien des candidats aux essais cliniques doivent au contraire faire carrément acte de candidature. Contrairement aux travaux sur le don du sang, il existe peu d’enquêtes sociologiques sur les essais thérapeutiques. Mais il existe un travail passionnant, signé du politiste Olivier Filleule. Pour une journée d’études en 2015 (qui donnera lieu à l’ouvrage collectif Recrutement-engagement dans des essais cliniques en prévention, sous la direction de Mathilde Couderc et Caroline Ollivier-Yaniv, également en ligne et en acces libre par ici), le chercheur, spécialiste de l’engagement, a passé au crible les lettres de motivation envoyées par 4259 candidats, entre 1991 à 2001, pour des essais vaccinaux sur le VIH. Il a cherché à comprendre non seulement qui se proposait de participer à de tels essais, non rémunérés (et pourquoi), mais aussi qui était retenu.

    Et on prend bien la mesure, en lisant Olivier Filleule, combien un protocole en bonne et due forme, ici, en France, implique non seulement une information au cordeau des volontaires, à qui on exposera clairement les coûts de l’engagement ou les risques encourus. Mais aussi un tri des motivations des candidats, que les promoteurs des essais avertissent par exemple du “caractère illusoire de rétributions pouvant être espérées”. On découvre ainsi au tamis de son enquête qu’un certain nombre des candidats, notamment du côté des hommes, plaçaient beaucoup d’espoir dans l’idée qu’ils pouvaient se faire d’un partenariat privilégié avec les chercheurs au bénéfice de la science. Pas sûr que c’était ce qu’entendaient ces deux médecins sur LCI, début avril, sur fond d’épidémie de Covid 19.

    https://www.franceculture.fr/societe/essais-cliniques-quand-la-science-recrute-ses-doublures-en-afrique-ou-
    #tests_cliniques #coronavirus #néo-colonialisme #covid-19 #médecine #rapports_de_pouvoir #pouvoir

  • #Minorités / #Majorités

    Des #villes coupées, couturées, rafistolées, des vies assignées, mais aussi émancipées : de l’analyse des #politiques_ségrégationnistes aux réflexions sur le caractère inclusif des #espaces_publics en passant par la #négociation des expériences minoritaires individuelles et collectives, les villes constituent des lieux privilégiés de l’analyse des relations entre #groupes_minoritaires et #groupes_majoritaires. La vive actualité scientifique sur le sujet en France comme ailleurs en témoigne. On peut notamment penser au colloque Question raciale / questions urbaines (https://www.pacte-grenoble.fr/actualites/question-raciale-questions-urbaines-frontieres-territoriales-et-racia) : frontières territoriales et #racialisation organisé en février 2019 à Grenoble, au dernier numéro de l’Information géographique (2019) consacré aux géographies de la #différence en ville, ou encore aux nombreuses sessions de la conférence annuelle de l’American Association of Geographers 2020 (https://aag.secure-abstracts.com/AAG%20Annual%20Meeting%202020/sessions-gallery) abordant des questions urbaines sous l’angle des #rapports_sociaux (perspectives féministes, marxistes, empruntant à la Critical Race Theory ou aux approches du Settler Colonialism). C’est dans la continuité de cette actualité que s’inscrit le #13 de la revue Urbanités. En refusant de donner a priori la primauté thématique d’un rapport social sur un autre tout en mettant l’accent sur les mécanismes de production du minoritaire et du majoritaire, ce numéro propose une pluralité de lectures des manières dont les contextes urbains participent à la (re)production des positionnements sociaux, et par conséquent, à la redéfinition du rapport entre minorités et majorités en ville.

    http://www.revue-urbanites.fr/13-edito

    Sommaire :

    Edito

    #Minorités_sexuelles en #exil : l’expérience minoritaire en ville à l’aune de #marginalisations multiples

    Les riverains contre le nourrissage des #pigeons à #Paris

    Construire sa place en #montagne quand on vient des #quartiers_populaires : un enjeu pour l’#éducation_populaire

    Mouvements de #résistance autochtones et #street-art décolonial aux #États-Unis. De la réserve de #Standing_Rock aux murs d’#Indian_Alley

    Hiérarchie sociale et politique pour la visibilité sur le territoire dans un espace ségrégé. Le cas des républicains nord-irlandais

    « L’infusion » d’approches genrées dans l’urbanisme parisien : métaphore d’une propagation aux échelles organisationnelles et individuelles

    Point(s) de rencontres dans les villes émiriennes : le partage d’espaces publics où les minorités sont majoritaires

    #revue #urban_matter #géographie_urbaine #ségrégation #genre #peuples_autochtones #Irlande_du_Nord #Emirats_Arabes_unis #USA

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    Avec cette note :

    La revue Urbanités a la joie de vous annoncer la parution en ligne de son treizième numéro thématique, consacré à la question des rapports entre minorités et majorités en ville. Nous tenons également à souligner que ce numéro ne pourrait pas exister sans les apports précieux de chercheur·e·s aux statuts largement précaires. Sans elleux, ce numéro ne compterait qu’un article et sa direction serait amputée. Ces contributeur·trice·s essentiel·le·s au fonctionnement des revues méritent une plus grande visibilité et une plus grande stabilité professionnelle, garantes d’une recherche de qualité.

  • Une #relève académique en #souffrance

    Il est urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux le #mal-être profond des doctorants, post-doctorants, enseignants et chercheurs, et qu’ils en tirent les conséquences en matière de #politique_de_la_recherche, écrivent cinq post-doctorants en sociologie de l’Université de Neuchâtel.

    Le monde académique est devenu un environnement de #travail toxique. L’article de la Tribune de Genève intitulé « Burn-out en série chez les chercheurs genevois » (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) (8.1.2020) offre un témoignage éclairant sur une réalité méconnue. Il souligne que les #conditions_de_travail très précaires sont le lot commun des doctorant-e-s, post-doctorant-e-s et autres enseignant-e-s et chercheurs-euses réuni-e-s sous l’appellation de « #corps_intermédiaire » – et ce pendant de longues années : contrats à durée déterminée et à temps partiel, salaires insuffisants, dépendance personnelle aux professeur-e-s, problèmes de management, inégalités de traitement, harcèlement, multiplication des #burn-out. Mais comment en est-on arrivé là ? Cette réalité relève d’un #problème_structurel qu’il est nécessaire de prendre à la racine afin d’y apporter des réponses.

    L’#effet_Bologne

    Le système académique international a connu une restructuration profonde avec la mise en place du #processus_de_Bologne. Celui-ci a permis de créer un espace européen de l’enseignement supérieur en mettant en #concurrence les universités. Dans ce contexte, le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) se donne pour mission d’encourager la #compétitivité et la mise en réseau de la recherche scientifique suisse au niveau international (art. 1 de ses statuts). Au sein des universités et hautes écoles spécialisées (HES), dont la marge de manœuvre se réduit, cela s’est traduit par une mise en concurrence extrême des chercheurs-euses à l’échelle internationale. Pour espérer trouver une stabilité professionnelle après le doctorat, il est désormais indispensable de disposer d’articles dans des revues prestigieuses, évalués de façon anonyme, suivant un processus long et pénible. Sans compter que l’#anglais (et la forme d’#écriture_scientifique_standardisée) a pris le dessus sur les langues nationales. Individualisée, la #performance est mesurée d’après des critères précis, qui imposent à chaque chercheur-euse d’indiquer explicitement dans son CV sa « #productivité_scientifique » (sic). L’#impact_factor (citations des travaux par les pairs) détermine toujours les chances d’obtention d’une chaire, peu importe s’il conduit à l’auto-référentialité ou à la multiplication d’articles sans plus-value pour la science.

    Les effets de cette #mise_en_concurrence sont néfastes tant pour la #santé des chercheurs-euses que pour la qualité des connaissances produites. Les #rapports_de_travail se dégradent fortement. Il n’est pas rare qu’un-e collègue de bureau soit vu-e comme un-e concurrent-e direct-e. Pour répondre aux critères d’éligibilité, il faut travailler régulièrement le soir et le week-end. L’injonction d’une #mobilité_internationale favorise des profils conjugaux particuliers, au risque d’impliquer le renoncement à une #vie_familiale et d’accroître les #inégalités_de_genre. Les burn-out en série – qui connaissent une forte hausse généralisée (NZZaS, 12.1.2020) – témoignent de la #solitude dans laquelle les #souffrances sont vécues. Une situation renforcée à l’#université par l’absence d’organisations de défense collective de type syndical.

    Les mécanismes de concurrence

    Pour ces différentes raisons, il nous semble de plus en plus urgent que le Conseil fédéral, le FNS, les universités et HES prennent au sérieux ce mal-être profond et qu’ils en tirent les conséquences en matière de politique de la recherche. Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des #financements_par_projet doivent être sérieusement envisagés. La réflexion devrait également questionner l’impératif d’une mobilité internationale (lorsqu’elle se fait contre la volonté des chercheurs-euses) et une course à la #productivité à tout prix.

    Daniel Burnier, Nicola Cianferoni, Jacinto Cuvi, Thomas Jammet, Miriam Odoni (post-doctorant-e-s en sociologie, Université de Neuchâtel)

    https://www.letemps.ch/opinions/une-releve-academique-souffrance
    #Suisse #université #science

    –-

    ajouté à cette métaliste sur la #précarisation de la #carrière des enseignant·es-chercheur·es dans les universités suisses.
    https://seenthis.net/messages/945135

    • « Burn-out » en série chez les chercheurs genevois

      Il arrive que l’Université se transforme en machine à broyer. Doctorants et chercheurs témoignent.

      Yvan* aurait aimé terminer son doctorat « par une invitation à lecture publique ». Las. Alors qu’il lui restait encore un an pour achever une thèse en sciences politiques entamée en 2016, ce Genevois de 31 ans a dit « stop » il y a quelques semaines. Il s’en explique dans un long message sur Facebook, suscitant une avalanche de commentaires. Il y dénonce la condition « très précaire » des chercheurs et la « culture de travail toxique » à l’œuvre selon lui au sein de l’Université de Genève (UNIGE).

      En trois ans, Yvan a découvert « les coulisses du monde académique ». Du moins celles de la Faculté des sciences de la société. « Et ce n’est pas beau à voir, écrit-il. Des collègues surexploités et surmenés dont on peut voir dans leur regard qu’ils ne dorment pas assez la nuit. Une anxiété insidieuse et une dépression présente partout, à quoi s’ajoutent des burn-out en série. »

      Jungle de contrats

      Les départs « abrupts » font toutefois figure d’exception, tient à préciser l’UNIGE. Brigitte Galliot, la vice-rectrice en charge des relations humaines, explique qu’elle demande à voir toutes les lettres de démission. « Nous cherchons à déterminer si l’encadrement n’a pas été satisfaisant », assure-t-elle.

      Dans son appartement de la Servette, Yvan se souvient de son premier jour en tant que doctorant. « Je n’avais pas de bureau, pas d’assignation, aucune personne de contact. Je ne savais pas quoi faire. J’ai fini par m’asseoir à la place d’une personne qui était absente. » Son contrat de recherche mentionne un 70% rémunéré 3920 francs brut par mois. « Comme premier salaire, on se dit que 4000 francs, c’est bien. Mais quand on soustrait les charges et avec le coût de la vie à Genève, il ne reste pas grand-chose. » Exemple de cette précarité : il est rare que les étudiants vivent seuls. La plupart sont en colocation ou emménagent avec leur copain ou copine.

      Débute la quête de financements complémentaires. Un sport national à l’université. « On te dit : ne t’en fais pas, signe déjà ce contrat à temps partiel, et ensuite on trouvera quelque chose », explique Yvan. De fait, les 2300 doctorants évoluent dans une « véritable jungle de contrats ». Durant un semestre, Yvan a même hérité d’un 5%. Le pourcentage varie, le type de contrat également. Certains sont financés par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), d’autres par le Département de l’instruction publique (DIP). Ces derniers donnent droit à une annuité, qu’il est conseillé de négocier habilement.

      Finir sa thèse au chômage

      Yvan poursuit : « Tu es toujours en train de chercher un bout de contrat pour boucher le prochain trou. Quand tu ajoutes à cela le manque de suivi et de reconnaissance inhérente au milieu universitaire, ça devient infernal. » Un premier burn-out survient en 2017. « Je ne l’ai pas fait parce que je bossais trop mais en raison de cet environnement toxique. »

      Yvan retrouve son bureau six mois plus tard. La perspective de devoir effectuer la dernière année de sa thèse au chômage semble inéluctable. « C’est très fréquent. On t’engage pour trois ou quatre ans et si tu n’as pas fini ton doctorat, on te dit que tu le peux terminer au chômage. » Le chômage devient un « outil pour pallier le manque de financement », dénonce Yvan. Qui raccroche définitivement en novembre.

      Ce tableau très noir est le propre de très nombreuses universités en Suisse et à l’étranger. Dans l’ultracompétitif monde académique, c’est « up or out » : soit on progresse, soit on sort. Mais certains mettent des années à s’en extraire, guettant le prochain contrat dans l’espoir de décrocher ensuite un poste de professeur. À y regarder de plus près, les doctorants sont encore les mieux lotis. La situation peut devenir « catastrophique » pour ceux qui restent dans le giron universitaire par la suite : les postdoctorants, les assistants, les chargés de cours et les maîtres d’enseignement. On appelle cela le corps intermédiaire. À l’UNIGE, il dénombre 3760 personnes, contre seulement 766 professeurs, les seuls à disposer d’un contrat fixe et à temps plein.

      « Système seigneurial »

      Pour accéder à ce « Graal », Cristina Del Biaggio a dû se résoudre à quitter Genève. Cette Tessinoise de 42 ans y avait fait son doctorat, puis enchaîné les contrats. « Vingt au total entre 2007 et 2017 », détaille celle qui officie désormais comme maîtresse de conférence à l’Université de Grenoble, en montrant son attestation. On y remarque qu’elle est passée une fois de la classe23 à la 19. « J’ai donc reculé de classe salariale. Était-ce bien légal ? » s’interroge-t-elle.

      Les étudiants dépendent de leurs professeurs, relais inévitables pour obtenir un nouveau financement ou soumettre un projet de recherche. Un « système seigneurial », selon Yvan. « Quoi que tu fasses, tu dois passer par ton seigneur », dit-il. Il vaut donc mieux s’entendre avec lui, même si son pouvoir s’avère souvent limité.

      Pour « joindre les deux bouts », mais aussi parce qu’elle n’a jamais vu le monde universitaire comme « une fin en soi », Cristina Del Biaggio s’engage en parallèle pour l’association Vivre Ensemble. La crise des politiques migratoires bat alors son plein et la géographe s’exprime régulièrement dans les médias. « J’y étais plus utile. Je n’ai jamais été dans cette logique de course à la publication pour des revues inaccessibles qu’imposent les universités. »

      Liberté académique

      Les « inégalités de statut » et l’opacité ambiante font partie des défis de l’Agrass, l’Association pour la relève académique de la Faculté des sciences de la société. « Il y a énormément de disparités, relève d’emblée Davy-Kim Lascombes, de l’Agrass. Entre les facultés mais aussi entre les différents départements. » Les cahiers des charges peuvent varier sensiblement d’un assistant à l’autre.

      Ces inégalités, le rectorat les déplore, tout en rappelant que les neuf facultés jouissent de « beaucoup d’autonomie ». « C’est à elles de faire le ménage chez elles », relève la vice-rectrice Brigitte Galliot. En vertu de la notion de la liberté académique, les étudiants ont en principe le droit de faire un doctorat sans être payés. Il revient toutefois au directeur de thèse de veiller aux conditions de financement. « Nous nous bagarrons contre les professeurs qui prennent douze étudiants et ne peuvent pas les payer. Certaines facultés, comme les sciences et la médecine, refusent d’inscrire des doctorants non financés », insiste Brigitte Galliot.

      Entre 2007 et 2011, Simon Anderfuhren a rédigé une thèse sur les questions de motivation au travail. Il aborde la gestion des ressources humaines et le burn-out. « J’ai consacré une bonne partie de mon temps à enquêter sur des choses dont, par ailleurs, j’ai été témoin », constate ce quadragénaire. Pour lui, l’aventure universitaire s’achève en 2016 par deux ans de chômage et six mois sans salaire. En « valorisant » ses charges de cours, Simon Anderfuhren est aujourd’hui en passe de réussir sa reconversion dans l’enseignement. « L’université est un milieu qui n’est pas habitué à la souffrance au travail », dit-il.

      Problèmes de harcèlement

      Cristina Del Biaggio va plus loin. Selon elle, la précarité devient un « terrain fertile » pour le harcèlement. Des affaires qui n’ont pas épargné l’UNIGE ces dernières années. « Cela tombe toujours sur des personnes précaires. Car elles ont souvent peur de parler et de ne pas voir leur contrat renouvelé », avance Cristina Del Biaggio. Elle regrette le manque de formation des professeurs. « Ils se retrouvent à gérer des carrières universitaires, sans pour autant avoir des compétences managériales avérées », complète Simon Anderfuhren.

      Le rectorat rappelle que la « cellule confiance » est à la disposition de ceux qui veulent faire part, en toute confidentialité, d’un problème de harcèlement ou de sexisme. « Un soutien psychologique et non juridique », regrette Davy-Kim Lascombes. Une charte universitaire du doctorat est par ailleurs en préparation. « C’est une période où les étudiants peuvent être vulnérables s’ils se retrouvent avec un seul superviseur, reconnaît Brigitte Galliot. L’objectif, c’est qu’ils soient évalués par trois personnes à la fin de la première année. » La vice-rectrice ajoute que depuis deux ans, les nouveaux professeurs doivent suivre une formation de management en milieu académique.

      Plus de contrats stables

      En septembre, les représentants du corps intermédiaire ont présenté au rectorat le rapport 2018 « Next Gen » de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales. Parmi ses recommandations, la hausse du nombre de contrats stables. « Tout ce qu’a proposé le rectorat, c’est la création d’un groupe de travail », regrette Davy-Kim Lascombes. Brigitte Galliot : « Si l’on veut que l’Université crée des postes d’enseignements en CDI, il faut revoir son organisation et que les moyens alloués augmentent en conséquence. »

      De leurs années à l’UNIGE, Cristina Del Biaggo et Simon Anderfuhren gardent quand même un bon souvenir. « On sait pertinemment que tout le monde ne peut pas faire carrière. On connaît les règles du jeu. Mais on continue à y jouer », médite Simon Anderfuhren. Cristina Del Biaggio se remémore son dernier jour : « Cela faisait dix ans que j’y travaillais et je ne savais pas à qui donner la clé de mon bureau. J’ai fini par la laisser dans un casier. » D’une moue, elle ajoute : « Ce jour-là, personne ne m’a dit au revoir, ni merci. »

      *Identité connue de la rédaction

      https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762
      #santé_mentale

      –-> vous allez voir mon nom apparaître dans cet article dans lequel j’ai témoigné...

    • Malaise dans la recherche

      En ce mois de janvier, les langues se délient sur les conditions des chercheur-e-s en Suisse. Le Temps publie le 23 janvier le constat d’une équipe de post-doctorant-e-s de l’Université de Neuchâtel qui enjoint les instances responsables de la recherche de revoir leur politique, ou du moins de prendre conscience des conséquences qu’elle provoque (“Une relève académique en souffrance“). Quelques jours avant (08.01.2020), La Tribune de Genève informait sur les burn-out qui touchent les chercheur-e-s genevois-e-s (“Burn-out en série chez les chercheurs genevois“).

      Oui, le #malaise est là et les causes sont connues de toutes et tous, surtout de celles et ceux qui les vivent ! Pourtant, il n’est pas si aisé de faire part de son malaise, de peur des conséquences, c’est-à-dire de péjorer encore plus sa propre situation !

      Pour l’étudiant-e qui souhaite entreprendre un doctorat, le système suisse est performant et encadrant : écoles doctorales, ateliers divers aidant à entrer dans les métiers de la recherche, soutien financier pour se rendre à des colloques internationaux, aller se former un semestre à l’étranger ou effectuer des recherches de terrain, aides à la publication, etc. Durant ces années de formation, on apprend à devenir chercheur-e dans toutes ses dimensions, y compris celle de l’enseignement. Le travail intense (qui comprend régulièrement vacances et week-ends) fait déjà partie du jeu…Mais il faut bien admettre qu’il est impossible d’achever une thèse si, à un moment donné, on ne vit pas uniquement pour son travail de recherche…

      Les vrais ennuis surviennent après l’obtention du doctorat. Votre contrat ou votre bourse sont terminés, vous n’êtes plus affilié-e à aucune institution, mais il vous faut redoubler d’effort, car la vraie #compétition commence ! Ou vous vous retirez du jeu et essayez d’intégrer le monde professionnel, ce qui, quoi qu’on en dise, est très compliqué si vous vous êtes construit un profil de chercheur-e durant la thèse et implique souvent une formation complémentaire (nombreux sont ceux et celles qui se tournent vers la Haute école pédagogique par exemple…ce qui est, à juste titre, très mal vécu après des années d’étude !). Soit vous restez dans le jeu. Et c’est à ce moment-là qu’il faut devenir une bête de concours et être en mesure de cocher le plus de cases possible : prix, mobilité, publication de la thèse, articles dans des revues prestigieuses, réseau international, participation à des congrès internationaux, organisation de colloques, etc., etc., la liste est longue et augmente à chaque nouvelle demande et au fur et à mesure des années. Puisqu’il est un élément important à prendre en considération, la date de soutien de la thèse qui devient votre an zéro. A partir de là, votre cv doit obligatoirement s’allonger, c’est indispensable pour rester dans la course. Actuellement, il doit même comporter une dimension “utile à la société”, c’est-à-dire que vous devez être à même de justifier d’activités mettant en lien votre recherche et la société dans son ensemble : activités de vulgarisation, organisation d’expositions ou d’événements culturels, participation à des concours, etc. (voir un précédent article sur ce blog : https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2019/06/05/le-metier-de-chercheuse-en-etudes-indiennes).

      Toutes ces activités post-doctorat peuvent être menées soit par le biais de bourses du FNS (Fonds national suisse pour la recherche scientifique), soit en étant engagé-e par une université pour un poste appartenant au corps intermédiaire, souvent à temps partiel et généralement pour une durée déterminée. Et c’est bien là que le bas blesse, dans le cumul de contrats précaires sur une longue durée et parfois pour toute la carrière, lorsque l’accès au statut de professeur-e n’a pu être possible (pour des raisons qu’il serait trop long d’expliciter ici).

      A l’entrée dans le monde de la recherche académique, le-la chercheur-e est tout à fait conscient-e que ce qui est recherché est l’#excellence. Il faut travailler dur, il faut être passionné-e, il faut donner de son temps et dans certaines périodes, tout son temps, il faut répondre à un certain nombre de critères, qui ne sont pas inutiles, mais qui permettent de faire avancer la recherche. En prenant cette voie, tout-e chercheur-e est d’accord avec cela, pour une simple raison qui est la #passion. La passion pour ce que l’on fait. On est aussi le plus souvent d’accord de passer par la case mobilité, car on sait pertinemment combien notre recherche est susceptible de profiter de cette mobilité. A noter cependant que dans cette mobilité, aucun soutien logistique n’est fourni par les institutions suisses.

      Mais ce qui mène au burn-out, à la dépression ou à un profond #mal-être, ce n’est pas tant la #surcharge_de_travail, mais c’est surtout le statut précaire de chercheur-e et le fait de pouvoir à tout moment se voir complètement exclu du champ pour lequel on a tant travaillé. Dans quel autre domaine reste-t-on sur le carreau après tant de compétences accumulées et reconnues (puisque financées et récompensées) ?

      Le problème relève bien du politique. Veut-on vraiment financer des chercheur-e-s pour qu’ils-elles fassent des doctorats, des post-doctorats à l’étranger, des publications en open-access, puis leur dire au bout de dix ans, alors qu’ils-elles sont ultra-spécialisé-e-s et ultra-formé-e-s, que la recherche scientifique suisse n’a pas besoin d’eux ? Où doivent-ils-elles aller ? A l’étranger ? Au chômage ? Doivent-ils-elles se contenter d’un emploi à temps partiel sous-évalué, lorsqu’ils-elles en ont un ?

      Les chercheur-e-s de l’Université de Neuchâtel pointent du doigt la mise en concurrence : “Un premier pas vers des mesures concrètes pouvant éviter que le travail académique ne porte atteinte à la santé et à la vie familiale consisterait à réduire les mécanismes de mise en concurrence des chercheurs-euses. Le développement d’un statut intermédiaire stable et la limitation des financements par projet doivent être sérieusement envisagés.”

      La #mise_en_concurrence en vue de l’excellence est un mécanisme largement utilisé, dans d’autres domaines également : musique, danse, sport. Je pense qu’elle est bénéfique en début de carrière car elle permet une implication totale et fait ressortir le meilleur des potentialités. Mais elle est destructrice sur le long terme et comporte de nombreux effets pervers (voir l’article pré-cité) ! Un-e danseur-se qui gagne des concours se voit offrir une place dans une compagnie de ballet. Il-elle ne sera peut-être jamais danseur-se étoile, mais il-elle pourra travailler et si ses performances seront toujours évaluées, il lui faudra une grande baisse de performance pour être rejeté-e. Le chercheur-e quant à lui-elle, passe des concours à intervalles réguliers, parfois sur une carrière entière et avec des périodes sans financement aucun. Comment travailler avec cette #pression et cette #instabilité dans un domaine où le temps long nourrit la réflexion et est indispensable à une recherche de qualité ? Veut-on réellement faire de la précarité le lot des chercheur-e-s suisses ?

      https://blogs.letemps.ch/nadia-cattoni/2020/02/02/malaise-dans-la-recherche

    • J’ai demandé à des chercheurs étrangers pourquoi ils étaient venus en France. Ils viennent chercher la stabilité de l’emploi et la liberté académique. Ils veulent un cadre stable pour pouvoir prendre des risques. C’est quelque chose que le système anglo-saxon ne permet pas car tout est remis en cause tous les cinq ans pour chercher de nouveaux financements. Ce qui rend la France attractive, ce n’est pas le salaire, c’est le cadre.

      https://www.liberation.fr/france/2020/01/31/on-ne-peut-pas-reformer-la-recherche-sans-les-chercheurs_1776027

    • #Actionuni der Schweizer Mittelbau. Representing scientific staff in Switzerland

      actionuni der Schweizer Mittelbau / actionuni le corps intermédiaire académique suisse / actionuni il collegio intermediario academico svizzero represents young researchers as well as the associations of non-professorial academic staff of the Swiss cantonal universities, the Federal Institutes of Technology, the Swiss Universities of Applied Sciences, and the Swiss Universities of Teacher Education on the Swiss national as well as the international level. actionuni’s objectives are to improve the academic career tracks and to coordinate the activities of the Swiss associations of non-professorial academic staff.

      http://www.actionuni.ch
      #jeunes_chercheurs #jeune_recherche

    • Des doctorants suisses réclament de meilleures conditions de travail

      En publiant dimanche dernier, “Prise de Positions concernant L’Encouragement de la Relève Académique dans les Hautes Écoles Suisses“ (http://www.actionuni.ch/wp-content/uploads/2019/02/PP_FRE_V1.pdf), Actionuni, organisation représentante de jeunes chercheurs en Suisse, appelle à de meilleures conditions de travail pour les doctorants.

      Leur position paper liste 8 revendications :

      Diversification des Parcours Professionnels au sein des Hautes Écoles et Carrières Alternatives, avec des profils alternatifs, à durée indéterminée, et ne dépendant pas d’une chaire.
      Gestion Professionnelle du Personnel.
      Profil double „Recherche/Pratique“, pour dépasser le dogme du « up or out ».
      Transparence des Parcours Professionnel.
      Renforcement des hiérarchies horizontales et des modèles de travail inclusif.
      Temps Minimal de Recherche : la recherche doit être considérée comme une activité professionnelle donnant droit à une rémunération au même titre que n’importe quelle autre prestation. La recherche devrait représenter au moins 60% de temps absolu des doctorants, qui devraient également se voir accorder des semestres de recherche rémunérés.
      Des carrières Compatibles avec la Vie de Famille et autres Obligations.
      Droits de Participation aux choix des établissements en matière de stratégie et de règlements.

      Ce qui ressort principalement de cet appel, c’est une critique de la précarité des doctorants et la centralité de la recherche dans leur pratique. Pour la rectrice de l’Université de Lausanne, l’université n’a pas vocation à faire de la recherche, ni les moyens de contenter en postes stables tous les appétits de recherche, et doit se concentrer sur la formation (https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail. ).


      https://academia.hypotheses.org/5087

    • Les doctorants de Suisse réclament de meilleures conditions de travail

      Les doctorants de Suisse se plaignent de leurs conditions de travail, qu’ils estiment néfastes pour la recherche et l’innovation. Dans un papier de position publié dimanche, ils demandent davantage de contrats à durée indéterminée.

      Dans son article, Actionuni, la faîtière des associations de chercheurs des hautes écoles suisses, revendique également une organisation compatible avec la vie de famille.

      « C’est difficile de se lancer dans un boulot si vous savez que, potentiellement, dans un an, ou même dans trois ans, il sera terminé. Ce sont des postes instables et souvent mouvants. Il faut tout le temps déménager, on vous pousse à le faire pour des critères d’excellence. C’est compliqué à gérer », explique Maximilien Stauber, secrétaire général de l’association ACIDUL à l’Université de Lausanne.

      Pour lui, un réel problème de précarité financière et de l’emploi subsiste : « Nous voulons que davantage de postes avec des durées indéterminées soient ouverts et qu’un temps minimal soit réservé pour la recherche. Dans ces emplois, il y a aussi souvent des tâches administratives et d’enseignement. A Lausanne, le temps minimal pour la recherche est de 50%, la faîtière propose maintenant 60%. »
      Mission de formation

      « Je comprends ces revendications. Le métier de la recherche est extrêmement dur, mais il me semble que la mission de l’université est avant tout de former les gens et pas de les employer pour faire de la recherche », estime la rectrice de l’Université de Lausanne Nouria Hernandez.

      « Il faut se rendre compte qu’il y a beaucoup plus de chercheurs et d’étudiants qui veulent faire de la recherche que de postes stables. Même si nous doublons ou triplons ce type de postes, cela va toujours être le cas », assure la biologiste.

      https://www.rts.ch/info/suisse/10244473-les-doctorants-de-suisse-reclament-de-meilleures-conditions-de-travail.

    • Dans les universités suisses, huit chercheurs sur dix n’ont pas de contrat fixe

      Dans le système académique suisse, seuls les professeurs bénéficient de postes fixes, à quelques exceptions près. Après l’obtention d’un doctorat, ceux qui veulent poursuivre une carrière dans la recherche et gravir les échelons vers ce statut tant convoité cumulent souvent pendant de longues années des contrats à durée déterminée. Ils forment une armée de chercheurs qui enseignent et publient, sans qui la « machine universitaire » ne tournerait pas, mais qui se battent avec des conditions de travail difficiles et des perspectives incertaines

      Pourquoi on en parle. Les incertitudes liées aux carrières dans la recherche universitaire ne sont pas nouvelles, ni propres à la Suisse. Mais le nombre de doctorants en Suisse augmente, ce qui accroît la pression sur le système et accentue la précarité. En 2018, les universités suisses ont décerné 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Les Académies suisses des sciences ont consacré l’an dernier un important rapport à ce sujet sensible. Et la pression est montée d’un cran ce printemps, avec la publication d’une série de revendications de la faîtière des associations de chercheurs, Actionuni.

      https://www.heidi.news/articles/dans-les-universites-suisses-huit-chercheurs-sur-dix-n-ont-pas-de-contrat-fi

    • Ein Königreich für einen Lehrstuhl

      Sie sind die neunzig Prozent, die den akademischen Betrieb aufrechterhalten: Berichte aus dem Inneren eines Systems, das aus der Perspektive des wissenschaftlichen Nachwuchses so nicht länger funktionieren darf.

      «Das hätte auch bei uns passieren können» – ein Satz, der immer wieder fällt. Gemeint sind die eskalierenden Konflikte an der ETH Zürich, die mit Mobbingvorwürfen von Doktorierenden am Astronomielehrstuhl begannen.

      Geäussert haben den Satz Mittelbauangehörige verschiedener Deutschschweizer Universitäten. Denn dieselben Probleme wie an der ETH dräuen auch an den Unis in Basel, Bern, Zürich, Luzern und St. Gallen. Das geht aus internen Dokumenten und zahlreichen Gesprächen mit Doktorierenden, Postdocs und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen dieser Universitäten hervor. Sie waren nur unter Zusicherung absoluter Anonymität überhaupt bereit zu reden (Mittelbauangehörige werden hier als MBAs zitiert), weil ihre akademische Karriere andernfalls ein abruptes Ende nehmen könnte.

      Dabei stellt niemand von ihnen eine Einzelperson an den Pranger – die Probleme, unter denen primär der akademische Nachwuchs leidet, haben strukturelle Wurzeln. Und auch für die ProfessorInnen, das betonen viele aus dem Mittelbau, funktioniere dieses System immer weniger. Gemeint ist das Deutschschweizer Universitätsmodell mit seinen «Grossordinariaten», das im internationalen Vergleich anachronistisch, ja feudalistisch anmutet: Wenige, üppig ausgestattete Lehrstühle vereinen sämtliche Macht auf sich; die ProfessorInnen, die sie besetzen, sind auf Lebenszeit gewählt und gebieten über ein Heer von Nachwuchsforschenden – sie stellen neunzig Prozent des wissenschaftlichen Personals –, das unter höchst prekären Arbeitsbedingungen den universitären Betrieb aufrechterhält. Prekär bedeutet erst einmal: befristet angestellt, meist zu fünfzig Prozent bezahlt, aber hundert Prozent arbeitend, oft auch abends und am Wochenende.
      Das akademische Prekariat

      «Wer ein akademisches Karriereziel vor Augen hat, der kommt mit einer 42-Stunden-Woche nicht weit», so Thomas Grob, Vizerektor der Uni Basel, im hausinternen Magazin vom April 2019. Er reagierte auf eine breit angelegte Umfrage unter Doktorierenden und Postdocs, in der vierzig Prozent angeben, während ihres bezahlten Arbeitspensums keine Zeit für die eigene Forschung zu haben, mit der sie sich für die nächste Karrierestufe qualifizieren müssen. Im Schnitt wenden die Befragten über das bezahlte Pensum hinaus sogar noch einen Arbeitstag zusätzlich pro Woche zur Bewältigung von Arbeiten für den Lehrstuhl auf: Sie erledigen administrative Aufgaben, betreuen Studierende, unterrichten, korrigieren Prüfungen und helfen in anderen Projekten mit.

      Ähnliche Umfragen zur Arbeitssituation von Doktorierenden und Postdocs organisierte der Mittelbau in den letzten Monaten und Jahren auch an den anderen Deutschschweizer Unis. Mit praktisch deckungsgleichen Resultaten – obwohl sich die Rahmenbedingungen zwischen den Fakultäten, Instituten und einzelnen Lehrstühlen zum Teil stark unterscheiden. Sie zeigen: Prekär bedeutet auch, dass die befristete Anstellungsdauer oft zu kurz ist, um erfolgreich zu doktorieren oder sich zu habilitieren. Meist ist man auf drei Jahre hinaus angestellt, mit der Option auf Verlängerung um maximal drei weitere Jahre. In Basel erhalten Doktorierende sogar bloss einen einjährigen, Postdocs einen zweijährigen Vertrag, den sie um drei respektive vier Jahre verlängern können. Vier von fünf bekommen allerdings, wenn überhaupt, eine Verlängerung von einem Jahr oder weniger.

      Prekär bedeutet darüber hinaus: Der Lohn reicht kaum zum Leben – zumal, wenn man in der Stadt wohnt oder bereits eine Familie gegründet hat. In Luzern etwa hatte zum Zeitpunkt der Umfrage jedeR zweite Oberassistierende Kinder, der Bruttojahreslohn von 50 000 Franken genügte indes niemandem, um die Familie zu ernähren. Und familiäre Betreuungspflichten lassen sich, das betonte über die Hälfte aller Befragten mit Kindern, kaum mit einer wissenschaftlichen Qualifikation vereinbaren.

      Zunehmend prekär – namentlich mit Blick auf eine alternative Berufskarriere – wirkt sich auch die biografisch späte Selektion aus. «Über viele Jahre wissen bestens qualifizierte Akademikerinnen und Akademiker im Alter von 35–45 Jahren nicht, ob sie eine gesicherte Existenz an einer Hochschule oder im Wissenschaftssystem im Allgemeinen erreichen werden», hält der Report «Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung» (2018) der Akademien der Wissenschaften Schweiz fest. Denn an Deutschschweizer Universitäten gibt es nur einen einzigen Karriereweg: «up or out» – rauf oder raus. Drei von vier Postdocs streben eine Professur an, aber nur jedeR zehnte unter ihnen schafft es tatsächlich, einen Lehrstuhl zu ergattern.

      Vor diesem Hintergrund bezeichnen MBAs den Rekrutierungspool, in dem sie selber schwimmen, als «Haifischbecken». In der Selektion sei die viel beschworene wissenschaftliche «Exzellenz» kein entscheidendes Kriterium – andere Kompetenzen seien gefragt: die Bereitschaft, sich auf prekäre Arbeitsbedingungen einzulassen, sich finanziell einzuschränken, sich selbst auszubeuten und unsichere Zukunftsperspektiven auszuhalten. «Wer im System überlebt, entspricht einem gewissen Typus Mensch: Haie, die ellbögeln, sich nur um sich selbst kümmern und gleichzeitig kuschen und das System nicht hinterfragen», bilanziert eine MBA.
      Alles QuerulantInnen

      Wer sich wehrt, auch darin sind sich MBAs verschiedener Unis einig, gilt rasch als QuerulantIn. Mitunter genüge bereits ein «kritisches Nachfragen», um dieses Label zu erhalten, sagt einer. Und seit an einem Kollegen «ein Exempel statuiert» worden sei, herrsche im Mittelbau seiner Uni ein «Klima der Angst». «Dieses System bietet viel Platz für Willkür. Und dieser Willkür werden keine Grenzen gesetzt von denjenigen, die es könnten: den Professoren. Sie haben alle Macht, aber eine verschwindend geringe Zivilcourage.» Auch an anderen Unis lautet die Diagnose ähnlich: Die ProfessorInnen getrauten sich nicht, einander auf die Finger zu klopfen – sei es «aus Angst, als Nestbeschmutzer zu gelten», sei es im Wissen darum, sich so selbst zur Zielscheibe zu machen.

      Im universitären Feudalsystem ist die Macht der ProfessorInnen quasi absolut. Jeder Lehrstuhl, jedes Institut, jede Fakultät ist ein kleines Königreich für sich, über das die ProfessorInnen im Rahmen der universitären Selbstverwaltung uneingeschränkt herrschen. Sie verfügen nicht nur über die Mittel, aus denen sie das wissenschaftliche Personal finanzieren, sondern bestimmen auch über die Pflichten und Rechte der damit Angestellten. Der Institutsleiter, die Fakultätsdekanin sowie der Unirektor sind bloss auf Zeit gewählt und werden aus den eigenen Reihen rekrutiert.

      Ähnlich absolut ist umgekehrt die Machtlosigkeit der Assistenten, Oberassistentinnen und wissenschaftlichen MitarbeiterInnen respektive ihre Abhängigkeit von einzelnen ProfessorInnen – eine Art Leibeigenschaft, um im Bild des Feudalsystems zu bleiben. Dieser Professor – in weit selteneren Fällen ist es eine Professorin – ist nämlich zugleich Arbeitgeber, Betreuer und Beurteiler der wissenschaftlichen Qualifikation. Konkret bedeutet das: Er bestimmt nicht nur über Dauer, Umfang, Lohn und Inhalt der Arbeit, er hält auch alle Fäden in der Hand, wenn es um die Chancen auf eine akademische Karriere geht, waltet er doch nicht nur als Förderer und Mentor, sondern beurteilt auch die wissenschaftliche Leistung.
      Macht und Missbrauch

      Der Förderung von «Exzellenz» ist diese Machtkonzentration in keiner Weise zuträglich, wie sämtliche Mittelbauumfragen zeigen. Im Gegenteil: Die Missstände sind deutlich und so weitverbreitet, dass von einem systembedingten Machtmissbrauch gesprochen werden kann. Eine Ausdrucksform davon ist Vernachlässigung. In den Umfragen beklagen sich je nach Uni 25, 35 oder gar über 40 Prozent aller Befragten über eine mangelnde oder völlig fehlende Betreuung und Unterstützung in Bezug auf ihre wissenschaftliche Qualifizierung. An der ETH hatten 60 Prozent der Doktorierenden nie ein Feedback- und Laufbahngespräch mit dem Professor. An der Universität Zürich schreiben viele von «Desinteresse vonseiten des Profs»: Er habe «keine Zeit, antwortet auf keine Mails», «nimmt sich keine Zeit, meine Beiträge / Kapitel der Diss zu lesen, und kommt unvorbereitet in eine Besprechung. Jedes Mal anderes Feedback.»

      Vielen ist bewusst, dass die ProfessorInnen selbst völlig überlastet sind: Die Zahl der Studierenden und Doktorierenden wächst ebenso wie der Aufwand, Drittmittel einzuwerben, und sie werden im Rahmen der universitären Selbstverwaltung mit immer mehr Administrationsaufgaben betreut. Vernachlässigen sie darob ihre Betreuungsfunktion zu stark, kann das für den Nachwuchs akademisch fatale Folgen haben. Eine MBA erzählt im Gespräch von mehreren ihr bekannten Fällen, in denen der Professor respektive die Professorin nach drei Jahren eine Dissertation oder sogar Habilitation abgelehnt habe – etwa mit der Begründung, es sei halt das «falsche Thema».

      Sowohl an der ETH wie an der Uni Zürich wird der Vorwurf des Machtmissbrauchs von jeder vierten Person in den Umfragen explizit erhoben – die persönlichen Erfahrungen sind die immer gleichen: Man wird gezwungen, auch am Wochenende zu arbeiten, stets erreichbar zu sein, selbst in den Ferien, die mitunter sogar verweigert werden. Vertragsverlängerungen werden an Bedingungen geknüpft. «Die Leute werden auf drei bis sechs Monate hinaus angestellt, Verträge als Druckmittel eingesetzt», sagt auch ein MBA einer anderen Uni.

      Zu den häufig und überall genannten Fällen von Machtmissbrauch gehört wissenschaftliches Fehlverhalten aufseiten von ProfessorInnen. So kommt es an einzelnen Unis offenbar immer wieder vor, dass sie Doktorierende Publikationen für Fachzeitschriften schreiben lassen, ohne sie auch nur als MitautorInnen zu nennen. Oder der Professor setze einfach seinen Namen drauf, obwohl er gar nichts zur eigentlichen Forschung beigetragen habe. Ein MBA berichtet, die Professorin habe ihn vor die Wahl gestellt, das zu akzeptieren oder sich einen neuen Job zu suchen.

      «Moralisch verwerfliches Verhalten im Umgang mit Angestellten ist häufig legal», sagt ein anderer MBA. Auch wenn an den einzelnen Unis unterschiedlichste Reglemente den Anstellungsrahmen definieren – das Reglement zu den Rechten und Pflichten von Assistierenden und Oberassistierenden der Uni Luzern gibt ihm recht: «Die Autorschaft und die Koautorschaft werden von der vorgesetzten Person (…) ermöglicht.» Oder, so der Tenor aus dem Mittelbau aller Unis: «Man ist dem Goodwill des Profs komplett ausgeliefert.»
      Bitte recht unverbindlich

      Wissenschaftliche Publikationen wie auch ausgewiesene Lehrerfahrung sind zentrale Meilensteine auf dem akademischen Karriereweg. Doch obwohl besonders in den philosophisch-historischen Fakultäten Assistierende und Oberassistierende extrem stark in die Lehre involviert sind, können sie das kaum je als eigene wissenschaftliche Leistung ausweisen. Zwar gibt es an den meisten Universitäten mittlerweile Reglemente, die den maximalen Umfang der Lehrverpflichtung festlegen – sie reichen von 20 Prozent der bezahlten Anstellung in Basel bis zu 66 Prozent in Luzern –, «das reicht aber nirgends hin», so eine MBA. «Einfordern kann die Beschränkung sowieso niemand», sagt eine andere: «Aufgrund der Machtverhältnisse getraut sich das keiner.»

      Das extreme und einseitige Abhängigkeitsverhältnis von Doktorierenden und Postdocs haben die Universitätsleitungen mittlerweile als Problem anerkannt. Man ist bemüht, die Abhängigkeit von einer einzigen Betreuungsperson zu reduzieren. Reglemente und Doktoratsvereinbarungen halten fest, dass eine zweite Betreuungsperson entweder als fachliche Zweitgutachterin oder besser noch als Förderin und Mentorin eingesetzt werden soll. An der Uni Zürich versucht man es seit 2010 mit Doktoratskomitees und seit Anfang des Jahres mit einer Graduiertenschule in der Philosophischen Fakultät, in der die Betreuung und Förderung aller Doktorierenden auf eine Leitungskommission, verschiedene KoordinatorInnen sowie Fachausschüsse verteilt ist. Auch gestehen die Reglemente dem wissenschaftlichen Nachwuchs ein Mindestmass an Zeit für die eigene Forschung sowie das Recht auf Unterstützungs- und Fördermassnahmen und regelmässige Laufbahngespräche zu.

      Bloss: Die Umsetzung all dieser Massnahmen ist freiwillig und bleibt den Fakultäten, Instituten und damit letztlich den einzelnen ProfessorInnen überlassen. Es gibt keine Zahlen darüber, ob und wie es tatsächlich geschieht. Oft wissen Doktorierende und Postdocs nicht einmal um ihre Rechte. «Wenn ich eine einjährige Assistenzstelle antreten will, muss ich mich selber um die Reglemente kümmern», sagt ein MBA. In den meisten Fakultäten kommt eine Mehrheit aller Doktorierenden und Postdocs aus dem Ausland und ist weder mit den hiesigen Gepflogenheiten noch mit der Sprache vertraut, in der Reglemente fast immer verfasst sind. Das verschärfe die Machtlosigkeit noch, empört sich eine andere MBA: «Es kann doch nicht sein, dass Doktorierende ihnen zustehende Rechte selber einfordern müssen!» Tatsache sei, so eine MBA einer dritten Uni, dass gerade Doktoratsvereinbarungen von den ProfessorInnen häufig ignoriert würden. Und die Umfrage an der Uni Zürich zeigt: Vier von fünf Befragten, die eine Doktoratsvereinbarung unterzeichnet haben, halten diese für «nicht hilfreich». Kein Wunder, fordern mehr als die Hälfte, es müssten Massnahmen zur Einhaltung der Reglemente und Vereinbarungen ergriffen werden.

      Als Reaktion hat die Uni Zürich einen «Best-Practice-Leitfaden» für die Doktoratsstufe erstellt, der genau darauf pocht. Allein, verbindlich ist auch dieser nicht. «Wir legen viel Wert auf akademische Selbstverwaltung», lautet die Begründung von Michael Schaepman, Prorektor Forschung, im «UZH Journal». «Es besteht immer ein Abhängigkeitsverhältnis zwischen Doktorierenden und ihren Professorinnen und Professoren und damit ein Potenzial für Konflikte», hält er fest. «Aber angesichts der speziellen Situation von Doktorierenden, die sich von den meisten anderen Arbeitsverhältnissen unterscheidet, ist die Zahl der Konflikte klein.»
      Deckel drauf

      Wohin sollten sie sich auch wenden? Aus der Perspektive des Mittelbaus bedeutet «akademische Selbstverwaltung» nichts anderes als innerbetriebliche Kontrolle und Unterdrückung. Zwar gibt es an allen Unis eine wachsende Zahl interner Beratungs- und Anlaufstellen personalrechtlicher, psychologischer und konfessioneller Natur sowie Ombudspersonen. In Basel und Zürich dürfen sich Doktorierende und Postdocs seit kurzem in jeder Fakultät an eine designierte «Vertrauensperson» wenden. Bloss handelt es sich bei ihnen um ProfessorInnen aus derselben Fakultät. Schlimmstenfalls landet also, wer Knatsch mit seiner Betreuungsperson hat, bei ebendieser.

      Die Rolle sämtlicher Stellen beschränkt sich darauf, zu beraten, zu vermitteln oder allenfalls zu schlichten. Im Zentrum stehen «Deeskalation, Krisenbewältigung, Kooperation und das Erreichen von Win-win-Situationen», wie es bei der neu eingerichteten Beratungs- und Schlichtungsstelle der Uni Zürich heisst. Auch die Ombudsperson kann nur Empfehlungen aussprechen, die «niemanden zu etwas verpflichten» (Bern), sie ist «kein Richter und trifft keine Entscheide» (Basel). Letztinstanzlich entscheidet immer das Rektorat.

      «Grundsätzlich will die Uni alle Konflikte intern regeln», sagt ein MBA, der selber erfahren hat, wie aussichtslos es ist, sich zu wehren. Sämtliche Stellen hätten sich im Verlauf der Schlichtungsgepräche auf die Seite der Uni geschlagen. «Mir sind keine Verfahren bekannt, die weitergegangen wären oder in Disziplinarverfahren gemündet hätten.» Und wer sich zu stark wehrt, dem bleibt im System des «up or out» nur die eine Option: out.

      Jüngst hat Actionuni, der Dachverband der Mittelbauorganisationen, ein Positionspapier zur Nachwuchsförderung veröffentlicht, das mit dem Dogma des «up or out» brechen will und einen radikalen Strukturwandel fordert. Im Zentrum steht eine Diversifizierung der Karrierewege ab Doktoratsstufe. Die Hälfte der Anstellungen soll unbefristet sein und alternative Karriereprofile in Forschungsmanagement, Lehre oder wissenschaftlicher Verwaltung eröffnen. Der Report «Next Generation» stärkt dieser Forderung den Rücken und zeigt sogar im Detail auf, wie sie sich praktisch umsetzen liesse – unter anderem mit einer Verlagerung der finanziellen Mittel weg von den «Grossordinariaten» hin zu unbefristeten Mittelbaustellen. «Da steckt viel Utopie drin», meint ein MBA, «so beharrlich, wie die Machtverhältnisse an den Universitäten sind.»

      https://www.woz.ch/-9ce8

    • Forschende der Universität Zürich fühlen sich ausgebeutet

      Eine Umfrage zeigt: An einem Zürcher Institut ist Gratisarbeit normal. Es ist kein Einzelfall.

      Am Historischen Institut der Universität Zürich müssten wissenschaftliche Angestellte weit mehr arbeiten, als in ihrem Vertrag steht. Zu diesem Ergebnis kommt eine Umfrage des Studierendenmagazins «etü» (http://www.etue.ch/die-mittelbau-umfrage). Von den gut 90 Doktoranden, Postdocs und Assistenten hat die Hälfte geantwortet. Zwei Drittel geben an, dass sie mehr als das vereinbarte Pensum arbeiten würden. Die Hälfte kommt sich ausgebeutet vor, wie aus den Zahlen hervorgeht, die der «NZZ am Sonntag» vorliegen.

      «Tatsächlich sind die Anstellungsbedingungen des Mittelbaus teils problematisch, teils – um es nett zu sagen – kreativ», schreiben die Autoren im Magazin, das am 15. Februar online erschien und am Montag, 17. Februar, zum Semesterbeginn verteilt wird.

      Wie die Autoren schreiben, müssen die Befragten bei einem vertraglichen Arbeitspensum von meist 50 bis 60 Prozent im Durchschnitt knapp einen Tag pro Woche zusätzlich unentgeltlich für den Lehrstuhl arbeiten. Oft betreiben sie ihre Forschung in der Freizeit, obwohl ihnen dafür ein Teil der Arbeitszeit zur Verfügung stehen sollte.
      Gut für die Wissenschaft

      Das Historische Seminar steht diesbezüglich nicht allein da in der Schweiz. Das Missverhältnis zwischen vereinbartem Pensum und effektivem Aufwand ist im Mittelbau allgegenwärtig. Das bestätigen nicht nur Vertreter der Standesorganisationen: «Es ist ein gesamtschweizerisches Phänomen», sagt auch Antonio Loprieno, ein Kenner der akademischen Welt. Loprieno war Präsident der Akademien der Wissenschaften, sitzt im Zürcher Universitätsrat und präsidierte einst die Uni-Rektorenkonferenz.

      Dazu muss man wissen, dass ein grosser Teil der Forschung und Lehre an den Universitäten von ebendiesem Mittelbau geleistet wird. Schweizweit sind dies 32 000 Personen, davon allein an der Uni Zürich 5300. Es sind Doktorierende, Postdocs und Assistierende, die den Wissenschaftsbetrieb am Laufen halten.

      Gleichzeitig arbeiten sie an ihrer akademischen Karriere, indem sie ihre Forschungsprojekte vorantreiben – viele mit dem Ziel einer Professur. Diese Stellen seien rar, entsprechend gross sei die Konkurrenz, sagt Loprieno: «Für die Wissenschaft ist das gut, für die Wissenschafter ist es schlecht.» Vor diesem Hintergrund sind fast alle bereit, ein Teilpensum anzunehmen und mehr zu arbeiten.

      Wie eine Auswertung von Zahlen des Bundesamtes für Statistik zeigt, sind die Mittelbauangehörigen je nach Universität im Durchschnitt zwischen 45 und 93 Prozent angestellt. Hohe Werte weisen die ETH Zürich und Lausanne auf, tiefe die Unis St. Gallen und Luzern.

      In den Geisteswissenschaften sind kleine Pensen weiter verbreitet als in den Naturwissenschaften. An der Universität Zürich ist das Problem schon länger bekannt: Bereits 2013 ergab eine Umfrage der Vereinigung akademischer Mittelbau, dass 64 Prozent mehr arbeiten, als im Vertrag steht.

      Dass sich seither wenig geändert hat, zeigt nun die Umfrage am Historischen Institut. Konkret heisst das, dass ein Assistent auf einen Lohn von rund 3500 Franken kommt für ein 50-Prozent-Pensum. Gemäss Umfrage von «etü» liegt der Median der Löhne der Befragten bei 4200 Franken im Monat. Ein Zusatzverdienst ist für viele nicht möglich, da sie mehr als das Pensum arbeiten und forschen müssen. «Es braucht einen Kulturwechsel an den Universitäten», fordert darum eine Sprecherin von Actionuni, der Vereinigung des Schweizer Mittelbaus. «Es geht nicht an, dass wir unser Privatleben aufgeben müssen für unsere Arbeit.»
      Uni erwartet Engagement

      Erstaunt ob der Umfrageergebnisse am Historischen Institut ist Co-Seminarvorstand Simon Teuscher: «Wir werden diesen Zahlen nachgehen», sagt der Professor. Sollte sich die Umfrage bestätigen, wäre er dafür, die Pensen der Angestellten zu erhöhen. Das Budget müsste aber gleich bleiben, das heisst: «Weniger Angestellte mit höheren Pensen und dafür bessere Förderung.»

      Übers Knie brechen liessen sich solche Massnahmen nicht. Die Uni selber sieht kaum Handlungsbedarf: «Bei den Doktoratsanstellungen handelt es sich um ein langjährig bewährtes Modell», schreibt die Pressestelle. Sie verweist auf die Rahmenpflichtenhefte, die den Angestellten einen Anteil der Arbeitszeit für die eigene Forschungszeit zur Verfügung stellen. Zudem sei ein «hohes, auch privates Engagement selbstverständlich», heisst es. «Es handelt sich ja auch um eine persönliche Weiterqualifizierung.»

      Auch Antonio Loprieno sieht kaum einen Ausweg. «Das System ist zwar für den Einzelnen brutal, aber es lässt sich nicht leicht verbessern.» Die Budgets der Universitäten blieben beschränkt und der Druck auf den wissenschaftlichen Output gross.

      https://nzzas.nzz.ch/schweiz/problematische-arbeitsbedingungen-uni-forschende-fuehlen-sich-ausgebeutet-

      #Zurich #université_de_Zurich #travail_gratuit

    • Le débat - La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      Débat entre Yves Flückiger, recteur de l’UNIGE, président de swissuniversities, Ola Söderström, président de la division Sciences humaines et sociales du FNS, Verity Elston, responsable conseil en carrières, doctorat et postdoctorat au Graduate Campus de l’UNIL, et Céline Guérin, docteur en neurosciences.


      https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/le-debat-la-suisse-forme-t-elle-trop-de-chercheurs?id=11080302

      –-> Le journaliste fait référence à l’article de la Tribune de Genève (https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/burnout-serie-chercheurs-genevois/story/10365762) et demande au recteur de l’Université de Genève invité sur le plateau de réagir...
      Et il ne répond pas du tout, mais alors pas du tout !!!!!!

      Ola Söderström, lui, parle en tant que représentant du Fonds national suisse de la recherche scientifique... et commence par « les situations sont singulières »... évidemment, rien de structurel, tout est « individuel et singulier »... Et puis, eh voilà... il défend bec et ongles le « propre » du FNS : compétition, faut que les meilleurs restent, sélection précoce... et il faut plus de #tenure_track et de profs assistants qui sont évalués de manière « fine » pour pouvoir obtenir un poste de prof ordinaire...

    • Un environnement de travail toxique ? Débat sur les conditions de travail du corps intermédiaire

      Quel est votre degré de satisfaction ? C’est ce que le magazine zurichois d’étudiant·e·s « etü » a voulu savoir auprès des quelque 90 membres du corps intermédiaire du département d’histoire. La moitié d’entre eux ont répondu à l’enquête en ligne. Le magazine a publié les résultats à la mi-février. Deux tiers des participant·e·s ont déclaré travailler plus que la charge de travail convenue, la moitié a même affirmé se sentir parfois exploité·e·s. Le comité du département a mis les résultats en perspective dans une prise de position. Le co-directeur du département, Simon Teuscher, s’est quant à lui exprimé dans une interview en faveur de salaires et, surtout, de taux d’occupation plus élevés dans le corps intermédiaire.

      Les conditions de travail du corps intermédiaire académique, que beaucoup de personnes concernées considèrent comme précaires, font depuis longtemps l’objet d’une attention particulière dans les médias : le monde universitaire serait devenu un « environnement de travail toxique », selon un article d’opinion rédigé par cinq post-doctorant·e·s en sociologie de l’Université de Neuchâtel dans le journal « Le Temps ».

      Le Conseil fédéral, le Fonds national et les hautes écoles devraient de toute urgence prendre au sérieux le malaise des doctorant·e·s, des post-doctorant·e·s ainsi que des chercheurs et chercheuses afin d’en tirer les conséquences pour leur politique de recherche. Cette contribution a été précédée par un article publié en janvier dans la « Tribune de Genève » sur les conditions de travail précaires à l’Université de Genève.
      La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ?

      En 2018, les universités suisses ont décerné un total de 4164 doctorats, contre 3100 en 2005. Un nouveau rapport de l’Association suisse de science politique a examiné la situation dans son domaine et a recommandé un débat plus ouvert sur le nombre et les possibilités de carrière des doctorant·e·s. Un débat radiophonique diffusé par la Radio Télévision Suisse réunissant des acteurs du paysage de la recherche en Suisse a posé la même question sur les structures de promotion de la relève dans le système universitaire, mais en la formulant de manière plus provocante : « La Suisse forme-t-elle trop de chercheurs ? » En 2018, l’ASSH avait déjà esquissé une vision structurelle pour le nombre croissant de chercheurs et chercheuses de la relève en Suisse dans son rapport « Next Generation », qui envisageait des parcours de carrière diversifiés et davantage de postes bénéficiant d’un contrat de durée indéterminée.

      https://sagw.ch/fr/assh/offre/publications/newsletter/details-newsletter/news/ein-toxisches-arbeitsumfeld-debatte-zu-den-arbeitsbedingungen-des-mittelbaus

    • Parliamentary resolutions

      Thanks to the outreach of the petition, the Petition Committee and mid-level staff associations have been in touch with local and national politicians. This led to several parliamentary resolutions that support better working conditions and open-ended contracts for PhD Students and Post-docs in Swiss universities. All resolutions and responses can be downloaded in the links below.

      Federal Council

      - Interpellation 20.4622 de Christian Dandrès : "Lorsque la faim est à la porte, les chercheurs et chercheuses s’en vont par la fenêtre"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20204622

      - Question 20.5974 de Christian Dandrès : "Conditions de travail du “corps intermédiaire” dans les universités et les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20205974

      – Interpellation 20.3121 de Fabien Fivaz : "Statut précaire du corps intermédiaire dans les hautes écoles"
      https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20203121

      Canton of Neuchâtel

      - Interpellation Sera Pantillon 21.140 : "Quelle est la précarité du corps intermédiaire à l’UniNE ?"
      https://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Interpellations/2021/21140_RepEcr.pdf

      Canton of Geneva

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1429-A : "Fonctions et rémunérations à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01429A.pdf

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1430-A : "Typologie des contrats et taux d’activité des membres du corps intermédiaire à l’Université de Genève"
      https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjBo_nS2_rvAhXN4KQKHRxoBcw

      - Question écrite urgente de Mme Amanda Gavilanes QUE 1431-A : "Origine des financements des postes à l’Université de Genève"
      https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01431A.pdf

      https://info.petition-academia.ch/parlamentary-resolutions

    • Les hautes écoles universitaires s’emploient à promouvoir des conditions de travail, d’enseignement et de recherche optimales en faveur de la relève scientifique

      La pétition nationale pour mettre fin à la précarité dans les hautes écoles suisses exige de meilleures conditions de travail pour le personnel scientifique, notamment la création d’emplois permanents dans le monde académique après l’obtention du doctorat. Les hautes écoles universitaires sont sensibles aux demandes formulées dans la pétition. Elles offrent aux jeunes chercheur·se·s un encadrement et un environnement aussi favorables que possible, tout en mettant l’accent sur les plus hautes exigences de qualité selon les standards internationaux.

      Les associations du corps intermédiaire de différentes hautes écoles suisses ont lancé en octobre 2020, en concertation avec des syndicats, une pétition adressée à l’Assemblée fédérale. Cette pétition exige des mesures concrètes visant à améliorer les conditions de travail du personnel scientifique. Conscientes des préoccupations des pétitionnaires, les hautes écoles universitaires poursuivent leurs efforts visant à renforcer la promotion de la relève au cours de ces prochaines années.

      Les profils et les carrières académiques sont différents suivant les domaines d’études et le cadre institutionnel. Aussi les hautes écoles universitaires plaident-elles en faveur d’une compréhension globale des carrières académiques présentant des options au sein et en dehors des hautes écoles. Pour que les carrières puissent être planifiées, il faut que les procédures de sélection soient claires et transparentes et que les personnes concernées sachent à quel moment les décisions importantes sont prises. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour que les membres du corps intermédiaire puissent participer activement à la gestion de leur carrière.

      Les hautes écoles universitaires ont pour mission de mener des recherches de haute qualité et d’offrir un enseignement exigeant. La meilleure promotion de la relève consiste à former de jeunes chercheur·se·s à même de réussir une carrière scientifique internationale. Par conséquent, les hautes écoles universitaires souhaitent leur offrir un environnement propice au plein développement de leur potentiel.

      Différents instruments déjà existants permettent de répondre aux objectifs visés par la pétition. En effet, les hautes écoles universitaires ont pris de nombreuses mesures au cours de ces dernières années en vue d’améliorer la situation du personnel scientifique et poursuivront leurs efforts dans ce sens. Elles ont notamment augmenté le nombre de postes de professeur·e·s assistant·e·s en tenure track et créé de nouvelles positions et de nouveaux emplois permanents au-dessous des postes de professeur·e·s. Grâce à ces mesures, elles seront à même d’offrir à la relève différentes options de carrière aux objectifs et aux possibilités de développement clairement définis. Outre les carrières académiques classiques, les profils du troisième espace (« third space ») peuvent également offrir de nouveaux débouchés au sein de la haute école. Par ailleurs, elles entendent structurer davantage la phase post-doctorale. Cette mesure va de pair avec une sélection précoce, des objectifs précis et une orientation de carrière personnelle. Enfin, les doctorant·e·s et les post-doctorant·e·s disposent d’instruments efficaces qui les soutiennent dans leur carrière académique ou en vue d’une activité hors de la haute école : attribution de temps protégé (« protected time »), possibilités d’allègement, mesures et offres permettant de renforcer l’égalité des chances, mentorats, consultations et cours pratiques.

      Les hautes écoles universitaires sont sensibles à l’argumentation des pétitionnaires selon lesquels les conditions de travail et d’emploi des chercheur·se·s et des enseignant·e·s devraient être améliorées afin qu’il·elle·s disposent d’un cadre optimal pour compléter leur formation et planifier leurs prochaines étapes de carrière. A cet égard, il faut tenir compte du fait que les postes de qualification après l’obtention du doctorat revêtent aussi un caractère formatif. Par ailleurs, il ne faudrait pas que la mise en place d’emplois fixes entrave la mobilité des jeunes chercheur·e·s censé·e·s se perfectionner et se qualifier dans d’autres universités. Enfin, la flexibilité du système ne devrait pas subir de restriction au détriment des futur·e·s chercheur·se·s.

      Du point de vue des hautes écoles universitaires, la création de postes stables constitue une mesure parmi d’autres. Pour que leur mise en œuvre soit efficace et garantie durablement, ces mesures doivent être réalisées par chaque haute école en fonction de son cadre institutionnel respectif. La création de postes stables pour les chercheur·se·s et les enseignant·e·s ayant obtenu un doctorat requiert des moyens financiers correspondants. Le financement de base des hautes écoles doit pouvoir suivre le rythme de croissance de l’encouragement à la recherche. En l’occurrence, swissuniversities a demandé une augmentation des contributions de base dans sa planification stratégique 2021-2024 afin de pouvoir poursuivre la concrétisation ciblée de mesures visant à améliorer la situation de la relève scientifique.

      https://www.swissuniversities.ch/fr/actualite/les-hautes-ecoles-universitaires-semploient-a-promouvoir-des-condi

    • Das Bild der Exzellenz hängt schief in der Akademie

      Über die Arbeitsbedingungen im akademischen Mittelbau wird lebhaft diskutiert. Ein neuer Bericht des Wissenschaftsrats analysiert die Situation der Postdocs.

      Diskussionen über akademische Karrierewege und den sogenannten «Mittelbau» im Hochschulsystem sind ein wissenschaftspolitischer Dauerbrenner. Schon 1962 forderte der damals 35-jährige Astronom Uli Steinlin in seiner Streitschrift «Hochschule wohin?» in Anlehnung an das amerikanische Modell eine flachere Hierarchie an den Universitäten, einen Abbau von Lehrstühlen und dafür mehr Assistenzprofessuren. 60 Jahre später sind die Universitäten zwar nicht mehr dieselben (die Zahl der Studierendaen hat sich seither fast verzehnfacht), das Grundproblem einer steilen Pyramide mit höchst unsicheren Karriereperspektiven ist aber noch immer da.
      Wird die Postdoc-Blase überschätzt?

      In den letzten zwei Jahren hat die Mittelbau-Debatte wieder Fahrt aufgenommen. Nun legt auch der Schweizerische Wissenschaftsrat, ein Beratungsorgan des Bundes, einen Bericht dazu vor. Anhand quantitativer und qualitativer Daten untersucht er darin die Situation der Postdocs an den Schweizer Hochschulen und formuliert Empfehlungen.

      Erfreulich ist: Der quantitative Teil des Berichts, der zusammen mit dem Bundesamt für Statistik (BfS) erarbeitet wurde, legt erstmals belastbare Zahlen über Zahl und Karriereverläufe der Postdocs vor. Das BfS schätzt, dass gegenwärtig rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt sind, 62 Prozent davon in den Mint-Disziplinen, 18 Prozent in den Bereichen Medizin und Pharmazie und ebenfalls 18 Prozent in den Geistes- und Sozialwissenschaften. Seit 2014 ist die Zahl der Postdocs nur leicht angestiegen. Daraus könnte man ableiten, dass das Bild einer «Postdoc-Blase», wie es unter anderem der SAGW-Bericht «Next Generation» von 2018 zeichnete, hinterfragt werden muss. Allerdings muss die Aussagekraft des kurzen Untersuchungszeitraums 2014–2020 ebenfalls hinterfragt werden. Wenn man zum Beispiel den Zeitraum seit der Jahrtausendwende in den Blick nimmt, zeigt sich ein ganz anderes Bild der Mengenausweitung punkto Zahl der Studierenden, der Doktoranden, der Postdocs, der Projekte, der Publikationen.

      „Heute sind schätzungsweise rund 7000 Postdoktorierende an einer Schweizer Hochschule angestellt“

      Aufhorchen lässt aber vor allem eine andere Zahl: Von den Forscherinnen und Forschern, die 2015 ihr erstes Postdoktorat antraten, haben nach vier Jahren lediglich rund 16 Prozent eine feste Anstellung in der Schweiz gefunden, die ihren Qualifikationen entspricht und mit Wissenschaft und Forschung zu tun hat. Gerade einmal ein Prozent der Kohorte erreichte in diesem Zeitraum eine Professur.
      Zurück auf Feld eins der Mittelbau-Debatte

      Die SAGW, die Mittelbauvereinigung Actionuni oder die Petition Academia haben in den letzten Jahren eine ganze Reihe von Berichten, Studien und Empfehlungen publiziert. Im Grundsatz sind sie sich einig: Das derzeitige Postdoc-System ist dysfunktional und muss grundlegend restrukturiert werden. Eine der wichtigsten Änderungen, die sie vorschlagen, ist die Einführung von mehr unbefristeten Stellen, im Mittelbau oder im sogenannten Third Space, beispielsweise als Lecturer, Data Stewards oder Forschungsmanager. Sie stehen damit weitgehend in Einklang mit den Schlussfolgerungen des 2021 veröffentlichten OECD-Berichts «Reducing the precarity of academic research careers».

      Die Empfehlungen des Wissenschaftsrats gehen in die entgegengesetzte Richtung. Sie stehen in einem losen Verhältnis zu den empirisch-analytischen Teilen des Berichts und beruhen teilweise auf «den kollektiven Erfahrungen» der Ratsmitglieder, wie SWR-Präsidentin Sabine Süsstrunk auf einem zur Publikation organisierten Podium sagte.

      Für ein auf Exzellenz ausgerichtetes System sei eine grosse «Postdoc-Population» eine flexible, kostengünstige und letztlich «unverzichtbare Ressource». Dass nur eine kleine Minderheit davon langfristig Chancen auf eine akademische Karriere hat, sei «an sich nicht problematisch, da ein Postdoc als die letzte Phase der wissenschaftlichen (und nicht nur akademischen) Ausbildung betrachtet werden sollte.» Der Wissenschaftsrat empfiehlt den universitären Hochschulen zwar, mehr Tenure-Track-Positionen zu schaffen, von unbefristeten Stellen unterhalb der Professur hingegen rät er aus ökonomischen Überlegungen ab.

      Postdocs, so ein Lösungsansatz des Berichts, sollten nach ihren Lehr- und Wanderjahren vielmehr dazu ermutigt werden, sich nach Stellen ausserhalb der akademischen Wissenschaft umzusehen oder unternehmerisch tätig werden und Start-ups gründen.

      Wer die Mittelbau-Debatte in den letzten Jahren verfolgt hat, reibt sich verwundert die Augen über dieses, nun ja, traditionelle Verständnis der Rahmenbedingungen für akademische Selektion, Kompetivität und Exzellenz, bei der jede unbefristete Stelle unterhalb der Professur die Universität in einen mediokren Ponyhof zu verwandeln droht.
      Dann heisst es «Pech gehabt» – für Forschende, Unis und Steuerzahler

      Weshalb sollten die besten Köpfe überhaupt mitmachen in einem System, das theoretisch für Exzellenz sorgt, in der Praxis aber erwiesenermassen anfällig für Fehler und Missbrauch ist? Ein aus dem Leben gegriffenes Beispiel für einen Karriereweg im heutigen System: Eine frisch habilitierte Politologin, Schweizerin, Promotion in England mit Auszeichnung, Forschungsaufenthalte in den USA und anderswo auf dem Erdball, wirbt mit 36 Jahren einen der angesehenen und in einem höchst kompetitiven Verfahren vergebenen Eccellenza-Fellowships des Nationalfonds ein. Sie wird schulterbeklopft und darf nun als Assistenzprofessorin an einer Schweizer Uni selbstständig forschen und lehren. Aber nur fünf Jahre lang, dann ist Schluss. Zu einer Tenure-Track-Position mit Entfristung bei guter Leistung kann oder will sich ihre Uni nicht entscheiden. Und die unbefristeten Professuren in ganz Europa in ihrem Spezialgebiet kann die Assistenzprofessorin an einer Hand abzählen. Wenn in dieser Zeit zufällig keine frei wird, gilt: Pech gehabt.

      „Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie“

      Aber wer hat hier eigentlich Pech? Die gut vernetzte Politologin, die sich nebenbei vielleicht längst ein zweites Standbein ausserhalb der Akademie als Beraterin aufgebaut hat? Oder die auf Exzellenz ausgerichtete Uni, die nun eine vom SNF als – eben – exzellent ausgewiesene Forscherin und Hochschullehrerin verliert? Oder die Steuerzahler, die jahrelang eine Karriere mitfinanzierten, die systembedingt in die Sackgasse führte?
      Hinkende Vergleiche mit dem Spitzensport

      Man kann es drehen, wie man will, dieses traditionelle Verständnis von Exzellenz hängt schief und nur noch an einem Nagel in der Akademie. Ins Bild passen die hinkenden Vergleiche mit dem Spitzensport, wie sie neulich auch am Podium des Wissenschaftsrats zu hören waren. Klar: Nur die wenigsten, die gerne und gut Fussball spielen, schaffen es auch in den Profi-Fussball oder gar in die Nationalmannschaft. Und wer zu wenig Leistung bringt, der fliegt aus dem Kader. Aber: Im Fussball gilt die laufende Evaluation nicht nur für die Spieler, sondern auch für die Trainer und die Sportdirektoren. Genauso klar: Nur wer herausragende Leistungen bringt, schafft es in die Top 10 der Tennisweltrangliste. Aber: Roger Federer ist mit 41 Jahren nach einer «Geschichte anhaltender Exzellenz», wie eine Sponsorin seine Karriere in einem Werbespot bezeichnete, als Tennis-Methusalem in einem Alter zurückgetreten, mit dem man im Wissenschaftsbetrieb gut und gerne noch als Nachwuchs durchgeht.
      Auf die Disziplin kommt es an

      Der Bericht des Wissenschaftsrats ist bewusst aus einer Makroperspektive verfasst. Das ist nachvollziehbar. Gleichzeitig scheint es sinnvoll, die Spezifika der einzelnen Fachbereiche stärker in den Vordergrund zu rücken. In den Geistes- und Sozialwissenschaften beispielsweise zeigen sich einige Probleme ausgeprägter als in den Natur- oder Technikwissenschaften: Geistes- und Sozialwissenschaftler sind im Durchschnitt etwas älter, wenn sie ihre erste Postdoc-Stelle antreten als Personen aus anderen Fächern (34 Jahre, Durchschnitt 32 Jahre) und sie sind früher wissenschaftlich unabhängig, weil Gruppen- und Laborarbeit weniger verbreitet sind als in den Mint-Disziplinen. Gleichzeitig sind sie viel häufiger in Teilzeitpensen angestellt.1 Zudem scheint in den Geistes- und Sozialwissenschaften ein Postdoc für den ausserakademischen Arbeitsmarkt tendenziell keinen Vorteil zu bringen, was für eine frühere Selektion und eine berufliche Weichenstellung nicht erst auf Postdoc-Stufe spricht. Eine Analyse der BfS-Daten spezifisch für die Geistes- und Sozialwissenschaften wäre aufschlussreich.

      «Die akademische Welt muss sich an die Anforderungen des heutigen Arbeitsmarktes anpassen, insbesondere an die Erwartungen der neuen Generationen, was ihre Unabhängigkeit und ihre Perspektiven betrifft», liess sich SNF-Direktorin Angelika Kalt kürzlich zitieren. Der Bericht des Wissenschaftsrats hat in seinen empirisch-analytischen Teilen die Grundlagen, auf denen diese Anpassungen gemacht werden müssen, erweitert. Die Schlüsse, die er daraus zieht – und an denen die SWR-Präsidentin in der Podiumsdiskussion eisern-orthodox festhielt – stimmen aber wenig zuversichtlich, dass sich in absehbarer Zeit ein produktives Gleichgewicht einstellen könnte. Die Mittelbau-Debatte bleibt so vorerst ein Dauerbrenner – zuungunsten vieler junger Forscherinnen und Forschern und zum Nachteil der Attraktivität der Universitäten und letztlich der Gesellschaft.
      Fussnoten

      1 2020 waren ein Viertel der Postdocs in den Geistes- und Sozialwissenschaften in einem Pensum von weniger als 60 Prozent angestellt. Gleichzeitig ist die Zahl der Studierenden in den Geistes- und Sozialwissenschaften deutlich höher als in anderen Fachbereichen und das Betreuungsverhältnis entsprechend schlechter. Im Jahr 2021/22 gab es rund 48 000 Studierende in den Geistes- und Sozialwissenschaften, rund 33 000 in den Naturwissenschaften, und je 21 000 in der Medizin und den technischen Wissenschaften.
      Referenzen

      Actionuni (2017): Positionspapier zur Nachwuchsförderung an Schweizer Hochschulen.

      Hildbrand, Thomas (2018): Next Generation: Für eine wirksame Nachwuchsförderung (Swiss Academies Reports 13,1). https://doi.org/10.5281/zenodo.1216424

      OECD (2021). Reducing the precarity of academic research careers (OECD Science, Technology and Industry Policy Papers 113).

      Pétition Academia (2021) : Pétition adressée à l’Assemblée Fédérale: Pour la création d’emplois permanents dans le monde académique: de meilleures conditions de recherche, d’enseignement et de travail.

      Schmidlin, Sabina, Eva Bühlmann und Fitore Muharremi (2020): Next Generation und Third Space: neue Karriereprofile im Wissenschaftssystem. Studie im Auftrag der Schweizerischen Akademie der Geistes- und Sozialwissenschaften (Swiss Academies Reports 15,3). https://doi.org/10.5281/zenodo.3923494

      Schweizerischer Wissenschaftsrat (2022): Postdoktorierende an Schweizer Hochschulen.
      Erkenntnisse und Empfehlungen des Schweizerischen Wissenschaftsrates SWR.

      Zürcher, Markus und Marlene Iseli (2018): Zur Diskussion: Qualität vor Quantität (Swiss Academies Communications 13,5). https://doi.org/10.5281/zenodo.1409674

      Zürcher, Markus: Vier Handlungsoptionen zur Stärkung des akademischen Mittelbaus (SAGW-Blog décodage), 14. Oktober 2021. https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/vier-handlungsoptionen-zur-staerkung-des-akademischen-mittelbaus

      https://www.sagw.ch/sagw/aktuell/blog/details/news/das-bild-der-exzellenz-haengt-schief-in-der-akademie

  • La France propose d’aider la Grèce à reconduire des #déboutés de l’asile

    En visite à Athènes, ce lundi 20 janvier, le secrétaire d’État français à l’Intérieur Laurent Nuñez a confirmé l’accueil dans les prochains mois de 400 demandeurs d’asile actuellement présents en Grèce. Il a par ailleurs déclaré que la France proposait son aide à la Grèce pour « faciliter les reconduites » dans leur pays d’origine des déboutés du droit d’asile.

    Quatre cents demandeurs d’asile présents en Grèce - dont Paris avait annoncé l’accueil dès le mois de décembre - devraient progressivement arriver sur le territoire français d’ici l’été prochain. Le chiffre reste symbolique au vu des près de 10 000 arrivées par mois en Grèce depuis l’été, mais il permet néanmoins à Paris d’appeler a davantage de solidarité européenne.

    « La Grèce a fait l’objet d’un pic migratoire important depuis l’été dernier, souligne le secrétaire d’État Laurent Nunez. Et donc la position de la France, c’est de considérer que dans ce genre de situation, il est normal que nous puissions accueillir par solidarité, en relocalisation, un certain nombre de demandeurs d’asile qui sont, ici, en Grèce, c’est ce que nous allons faire pour 400 personnes, des personnes qui sont particulièrement vulnérables. Et vous savez que dans le cadre de la réflexion en cours sur la gestion globale du système d’asile, cette question des relocalisations est au cœur des discussions. »

    La Commission européenne travaille en effet à redéfinir la législation de l’Union en termes de migrations. Un projet de « Nouveau pacte », qui doit être présenté d’ici au printemps. Les tensions croissantes entre Athènes et Ankara, qui participent aussi des difficultés migratoires actuelles de la Grèce, ne faisaient, elles, pas partie de la communication officielle.

    Par ailleurs, la France a proposé son aide lundi à la Grèce pour « faciliter les reconduites » dans leur pays d’origine des déboutés du droit d’asile, a indiqué Laurent Nuñez. Avec « notre #ambassade à Athènes, nous allons aider la Grèce à obtenir des autorisations de reconduite (...) notamment des #laissez-passer_consulaires qui sont parfois difficiles à obtenir » à la faveur des « #relations_privilégiées » de la France avec « certains pays », a-t-il précisé. Il s’agirait surtout de pays africains, selon une source grecque proche du dossier.

    http://www.rfi.fr/europe/20200120-france-nunez-asile-aider-grece-migrants
    #renvois #expulsions #aide #Grèce #France #aide #Afrique #externalisation

    Une étrange idée de la #solidarité... La France joue la carte des « relations privilégiées »... = relations coloniales...
    #colonialisme #continuité_coloniale #rapports_coloniaux

    ping @isskein @karine4

    Ajouté à cette métaliste sur l’externalisation :
    https://seenthis.net/messages/731749

    • Migrants. La France propose d’aider la Grèce à renvoyer les déboutés de l’asile

      La France a proposé son aide lundi à la Grèce pour « faciliter les reconduites » dans leur pays d’origine des déboutés du droit d’asile, a indiqué le secrétaire d’État français à l’Intérieur, Laurent Nuñez, en visite à Athènes.

      Soulignant la "solidarité" française envers la Grèce, première porte d’entrée des migrants en Europe en 2019, Laurent Nuñez a confirmé que la France accueillerait à l’été prochain 400 demandeurs d’asile "surtout des familles en grande vulnérabilité" se trouvant actuellement en Grèce.

      "Nous allons étudier avec nos amis grecs la possibilité d’organiser des vols groupés pour faciliter les reconduites de personnes qui ne sont pas en besoin de protection dans leurs pays", a également déclaré le secrétaire d’État, à l’issue d’entretiens avec Georges Koumoutsakos, ministre adjoint grec à l’Immigration et l’Asile.

      Ces vols franco-grecs pourront être organisés avec "le concours de Frontex", l’Agence de protection des frontières européennes, a-t-il ajouté.
      L’envoi de 24 experts français

      Avec "notre ambassade à Athènes, nous allons aider la Grèce à obtenir des autorisations de reconduite […] notamment des laissez-passer consulaires qui sont parfois difficiles à obtenir" à la faveur des "relations privilégiées" de la France avec "certains pays", a précisé Laurent Nuñez. Il s’agirait surtout de pays africains, selon une source grecque proche du dossier.

      Laurent Nuñez a aussi annoncé l’envoi en Grèce de 24 experts français pour aider le gouvernement grec à traiter le flot de demandes d’asile.

      Le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis a durci l’octroi de l’asile et insisté sur le rapatriement des déboutés de l’asile, une question critiquée par de nombreuses ONG de défense des migrants.
      400 demandeurs d’asile accueillis en France

      La France avait annoncé mi-décembre qu’elle accueillerait 400 demandeurs d’asile. M. Nuñez a parlé d’"une mesure ponctuelle" pour répondre à une situation "d’urgence" en Grèce.

      Outre la France, le Portugal s’est dit prêt à partager le fardeau migratoire en acceptant de relocaliser 1 000 demandeurs d’asile.

      Athènes ne cesse de demander "plus de solidarité" européenne sur cette question après une hausse importante des arrivées sur son territoire et la détérioration des conditions de vie dans les camps surpeuplés de migrants.

      https://www.ouest-france.fr/europe/grece/migrants-la-france-propose-d-aider-la-grece-renvoyer-les-deboutes-de-l-

  • Faire sa place Par Virginie Jourdain, artiste, commissaire d’expositions et travailleuse culturelle féministe

    Qui peut travailler gratuitement et payer son loyer ? Qui peut faire du réseautage tous les soirs ? Qui peut passer ses journées dans son atelier ? Qui peut partir en résidence d’artiste durant des mois à l’autre bout du monde ? … pas les précaires.

    Un milieu professionnel où les places sont rares et les personnes ont soif de reconnaissance (ou de pouvoir) ça n’est pas forcément le plus safe des contextes. On peut parfois constater que l’ambition de carrière équivaut parfois à pousser des coudes sans état d’âme pour faire son chemin, quitte à broyer du monde au passage, et ce, dans toutes les structures et organismes. Une des conséquences à cette réalité est que la communauté féministe et artistique, dans laquelle je gravite, est épuisée et que tout le monde a peur de perdre sa « place » ou d’éventuelles opportunités, tout en manquant clairement parfois de cohérence politique.

    Cette communauté qui dénonce les méfaits du néolibéralisme se vante en même temps d’être débordée et en surcharge de travail, ce qui s’avérerait être une preuve de réussite de carrière artistique. Comme si le débordement de travail était un gage de crédibilité ou bien d’une pratique de qualité. Il y a des réalités qui font que tu es broyée et cassée par ton travail. Les causes peuvent être multiples, un accident, une dépression, un burn out ou du harcèlement. Faire le paon avec sa biographie à chaque interaction sociale, cela va pourtant à l’encontre des convictions progressistes dont le milieu artistique se prétend être généralement l’étendard et des valeurs de solidarité et de caring défendues par la communauté féministe.

    https://dissident.es/faire-sa-place

    #rapports_de_classe #codes #art_contemporain #travail_gratuit #précarité #travail_gratuit #projets #néolibéralisme #réussite #carrière #féminisme #travail_de_l_art #travail #institutions #stages #travail_étudiant

  • Analyses féministes des rapports de domination dans l’enseignement supérieur et la recherche

    Après douze ans d’existence, le comité de rédaction de la revue Genre, Sexualité & Société a souhaité réfléchir aux normes et #hiérarchies qui organisent le #monde_académique, et influencent son travail de multiples manières. C’est dans le cadre de cette démarche que nous avons décidé de publier ce dossier qui propose des analyses féministes, queer et trans*, pour plusieurs à la première personne, produites principalement par des enseignant·es et chercheur·es francophones, dont beaucoup ne sont pas titulaires d’un poste fixe. Nous l’avons conçu comme un espace de formalisation et d’approfondissement de conversations et d’analyses rarement publicisées. Il ne s’agit toutefois pas tant de dénoncer des situations individuelles – bien que ce travail soit aussi important – que de réfléchir à la façon dont les rapports de domination structurent l’enseignement dit « supérieur » et la recherche, et d’interroger comment les normes et hiérarchies ainsi façonnées sont remises en cause, mais aussi parfois reproduites dans le contexte du développement des études de genre et de sexualité.

    https://journals.openedition.org/gss/6146

    #revue #féminisme #rapports_de_domination #université #ESR #enseignement_supérieur_et_de_la_recherche #domination

    Le sommaire du numéro :

    Marie-Eveline Belinga, Yaël Eched et Rose Ndengue
    Les Féministes des marges peuvent-elles parler ?
    Retour sur un « échec » académique et ses implications épistémologiques et politiques
    Can the feminists from the margins speak ?
    About an academic “failure” and its epistemological and political consequences

    Aden Gaide et Elisabeth Kam
    Militer avec ou contre la référente égalité femmes-hommes ? Retour collectif sur des mobilisations étudiantes infructueuses
    Fighting with or against the gender equality advisor ? A collective feedback on disappointing student-led mobilisations

    Renaud Cornand et Pauline Delage
    Minorisations ordinaires dans l’enseignement supérieur.
    L’expérience d’étudiantes portant un #hijab dans les Bouches du Rhône
    Everyday marginalization in higher education : the experiences of university students who wear a hidjab in Bouches du Rhone

    Clark Pignedoli et Maxime Faddoul
    Recherches sur la #transitude au Québec : entre absence et exploitation des savoirs #trans
    Research on transness in Quebec : between silence and the exploitation of trans knowledge

    Karine Espineira et Maud-Yeuse Thomas
    Études Trans
    Interroger les conditions de production et de diffusion des savoirs
    Transgender Studies
    Examining the conditions of production and dissemination of knowledge

    Cha Prieur
    Les violences envers les personnes trans* à l’université. Des conséquences sur la #santé_mentale aux pistes pour s’en sortir
    Violence against trans* people in academia. From mental health implications to ways to get out of it

    Vanina Mozziconacci
    « Le personnel est académique ».
    Pour une subversion féministe de l’université, de la pédagogie à l’institution
    "The personal is academical". Feminist subversions of the university

    Sklaerenn Le Gallo et Mélanie Millette
    Se positionner comme chercheuses au prisme des luttes intersectionnelles : décentrer la notion d’allié.e pour prendre en compte les personnes concernées
    Positioning oneself as researcher in the prism of intersectional struggles : Reframing the notion of ally from the concerned people’s perspective

    https://journals.openedition.org/gss/5684

    #intersectionnalité #LGBT

  • Pas de rapport sexuel sans #consentement_mutuel

    Avant d’avoir un rapport sexuel, il faut un consentement mutuel ! Cela paraît évident, non ? Pourtant, actuellement, une femme sur cinq a déjà subi des actes sexuels non désirés. Seules 8% d’entre elles ont porté #plainte à la police. La majorité des agressions restent impunies. Demandez à la Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes qui ont subi des violences sexuelles obtiennent #justice !

    https://stop-violences-sexuelles.amnesty.ch
    #sexualité #campagne #consentement #rapports_sexuels #femmes #justice

  • Le numéro 1, un très beau numéro de la revue
    #Nunatak , Revue d’histoires, cultures et #luttes des #montagnes...

    Sommaire :

    Une sensation d’étouffement/Aux frontières de l’Iran et de l’Irak/Pâturages et Uniformes/La Banda Baudissard/
    À ceux qui ne sont responsables de rien/Des plantes dans l’illégalité/Conga no va !/Mundatur culpa labore

    La revue est disponible en pdf en ligne (https://revuenunatak.noblogs.org/numeros), voici l’adresse URL pour télécharger le numéro 1 :
    https://revuenunatak.noblogs.org/files/2017/03/Nunatak1HiverPrintemps2017.pdf

    Je mettrai ci-dessous des mots-clés et citations des articles...

    –—

    métaliste des numéros recensés sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/926433

  • Phénoménologie politique du voile (Hourya Bentouhami, Revue Philosophiques 44/2, automne 2017)
    https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/2017-v44-n2-philoso03291/1042334ar.pdf

    On entend par #phénoménologie #politique la manière dont l’ordre des apparences, la réalité même de ce qui est vu, est déterminée par des #rapports_de_pouvoir reposant sur des logiques de #race, de #sexe et de #classe. Mon objet porte sur la constitution du #voile et des #femmes_musulmanes qui le portent, dans les pays occidentaux et tout particulièrement en France, comme un objet « #phobogène », qui suscite un dégoût à bout d’oeil. Comment expliquer une telle insistance médiatique et politique à vouloir régler l’ordre d’apparition des femmes voilées ? Ma thèse sera de montrer que la #laïcité à la française, dans sa nouvelle version, est fondée sur une théorie des apparences largement déterminée par un #imaginaire_nationaliste de la différence des sexes, par la réactivation d’un #orientalisme_sexuel et par l’#invisibilisation propre au travail du #care auquel les femmes musulmanes sont souvent assignées.

  • The Secret History of Women in Coding
    https://www.nytimes.com/2019/02/13/magazine/women-coding-computer-programming.html

    Almost 200 years ago, the first person to be what we would now call a coder was, in fact, a woman: Lady Ada Lovelace. As a young mathematician in England in 1833, she met Charles Babbage, an inventor who was struggling to design what he called the Analytical Engine, which would be made of metal gears and able to execute if/then commands and store information in memory. Enthralled, Lovelace grasped the enormous potential of a device like this. A computer that could modify its own instructions and memory could be far more than a rote calculator, she realized. To prove it, Lovelace wrote what is often regarded as the first computer program in history, an algorithm with which the Analytical Engine would calculate the Bernoulli sequence of numbers. (She wasn’t shy about her accomplishments: “That brain of mine is something more than merely mortal; as time will show”, she once wrote.) But Babbage never managed to build his computer, and Lovelace, who died of cancer at 36, never saw her code executed.

    #femmes #informatique #rapports_sociaux_de_sexe #parité

  • #Ru'elles

    La Cie Ru’elles est un collectif d’artistes et de chercheur.es qui souhaite surprendre, révéler l’invisible et questionner nos quotidiens In situ.

    Ru’elles invite les passant-es à découvrir un #théâtre_déclencheur, bulle de dérision et de poésie, terrain fertile d’une #recherche-création par le #mouvement des #corps et la résonance des #voix.

    Parce que la #rue est en proie au #conformisme et qu’il s’y joue des #rapports_de_domination, le collectif agit : les #identités de genre ou de classe et de couleurs sont analysées comme un ensemble de masques, de costumes et de gestes prescrits que chacun et chacune de nous répète avec minutie. Il importe de les détourner pour les questionner, de #rendre_visible l’#inégalité des rôles et de perturber les usages de nos #lieux_communs.


    http://www.ru-elles.com
    #art #in/visibilisation #domination #théâtre #Julie_Arménio

  • Des singes en hiver, partie 2
    http://www.radiopanik.org/emissions/emissions-speciales/des-singes-en-hiver

    Vers le XIXème siècle le colonialisme s’approprie massivement les terres du monde entier. Une étrange image accompagne cette démarche : l’idée que ces terres sont un #désert, et que seules les techniques et l’économie occidentale peuvent faire fleurir le désert. En Argentine le massacre des indiens et le vol de leur terres s’appelle officiellement la conquête du désert. Mais on retrouve cette image aux Etats-Unis, en Algérie, en Palestine…

    Ce n’est pas un manque d’information, les colons savent très bien qu’il y a des gens, des animaux, des plantes, des minéraux précieux, de l’eau… dans ces déserts. Mais « désert » est une manière d’envisager le rapport à la terre.

    Parallèlement, lors de ces conquêtes, et c’est aussi une nouveauté de l’humanisme du XIXème siècle (les Espagnols ou les Portugais ne s’étaient pas (...)

    #racisme #décolonisation #racisme,décolonisation,désert
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/emissions-speciales/des-singes-en-hiver_05714__1.mp3

  • Eric Fassin : « L’#appropriation_culturelle, c’est lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de #domination »

    Dans un entretien au « Monde », le sociologue Eric Fassin revient sur ce concept né dans les années 1990, au cœur de nombre de polémiques récentes.

    Des internautes se sont empoignés sur ces deux mots tout l’été : « appropriation culturelle ». Le concept, né bien avant Twitter, connaît un regain de popularité. Dernièrement, il a été utilisé pour décrire aussi bien le look berbère de Madonna lors des MTV Video Music Awards, la dernière recette de riz jamaïcain du très médiatique chef anglais #Jamie_Oliver, ou l’absence de comédien autochtone dans la dernière pièce du dramaturge québécois #Robert_Lepage, #Kanata, portant justement sur « l’histoire du Canada à travers le prisme des rapports entre Blancs et Autochtones ».

    Qu’ont en commun ces trois exemples ? Retour sur la définition et sur l’histoire de l’« appropriation culturelle » avec Eric Fassin, sociologue au laboratoire d’études de genre et de sexualité de l’université Paris-VIII et coauteur de l’ouvrage De la question sociale à la question raciale ? (La Découverte).
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    D’où vient le concept d’« appropriation culturelle » ?

    Eric Fassin : L’expression apparaît d’abord en anglais, à la fin du XXe siècle, dans le domaine artistique, pour parler de « #colonialisme_culturel ». Au début des années 1990, la critique #bell_hooks, figure importante du #Black_feminism, développe par exemple ce concept, qu’elle résume d’une métaphore : « manger l’Autre. » C’est une approche intersectionnelle, qui articule les dimensions raciale et sexuelle interprétées dans le cadre d’une exploitation capitaliste.

    Un regard « exotisant »

    Cette notion est aussi au cœur de la controverse autour de #Paris_Is_Burning, un film #documentaire de 1990 sur la culture des bals travestis à New York. Une autre critique noire, Coco Fusco, reprochait à la réalisatrice #Jennie_Livingston, une lesbienne blanche, son regard « exotisant » sur ces minorités sexuelles et raciales. Pour elle, il s’agissait d’une forme d’#appropriation_symbolique mais aussi matérielle, puisque les sujets du film se sont sentis floués, dépossédés de leur image.

    Comment définir ce concept ?

    E. F. : Ce qui définit l’appropriation culturelle, comme le montre cet exemple, ce n’est pas seulement la circulation. Après tout, l’emprunt est la règle de l’art, qui ne connaît pas de frontières. Il s’agit de #récupération quand la #circulation s’inscrit dans un contexte de #domination auquel on s’aveugle. L’enjeu n’est certes pas nouveau : l’appropriation culturelle, au sens le plus littéral, remplit nos #musées occidentaux d’objets « empruntés », et souvent pillés, en Grèce, en Afrique et ailleurs. La dimension symbolique est aujourd’hui très importante : on relit le #primitivisme_artistique d’un Picasso à la lumière de ce concept.

    Ce concept a-t-il été intégré dans le corpus intellectuel de certaines sphères militantes ?

    E. F. : Ces références théoriques ne doivent pas le faire oublier : si l’appropriation culturelle est souvent au cœur de polémiques, c’est que l’outil conceptuel est inséparablement une arme militante. Ces batailles peuvent donc se livrer sur les réseaux sociaux : l’enjeu a beau être symbolique, il n’est pas réservé aux figures intellectuelles. Beaucoup se transforment en critiques culturels en reprenant à leur compte l’expression « appropriation culturelle ».

    En quoi les polémiques nées ces derniers jours relèvent-elles de l’appropriation culturelle ?

    E. F. : Ce n’est pas la première fois que Madonna est au cœur d’une telle polémique. En 1990, avec sa chanson Vogue, elle était déjà taxée de récupération : le #voguing, musique et danse, participe en effet d’une subculture noire et hispanique de femmes trans et de gays. Non seulement l’artiste en retirait les bénéfices, mais les paroles prétendaient s’abstraire de tout contexte (« peu importe que tu sois blanc ou noir, fille ou garçon »). Aujourd’hui, son look de « #reine_berbère » est d’autant plus mal passé qu’elle est accusée d’avoir « récupéré » l’hommage à la « reine » noire Aretha Franklin pour parler… de Madonna : il s’agit bien d’appropriation.

    La controverse autour de la pièce Kanata, de Robert Lepage, n’est pas la première non plus — et ces répétitions éclairent l’intensité des réactions : son spectacle sur les chants d’esclaves avait également été accusé d’appropriation culturelle, car il faisait la part belle aux interprètes blancs. Aujourd’hui, c’est le même enjeu : alors qu’il propose une « relecture de l’histoire du Canada à travers le prisme des rapports entre Blancs et Autochtones », la distribution oublie les « autochtones » — même quand ils se rappellent au bon souvenir du metteur en scène. C’est encore un choix revendiqué : la culture artistique transcenderait les cultures « ethniques ».

    Par comparaison, l’affaire du « #riz_jamaïcain » commercialisé par Jamie Oliver, chef britannique médiatique, peut paraître mineure ; elle rappelle toutefois comment l’ethnicité peut être utilisée pour « épicer » la consommation. Bien sûr, la #nourriture aussi voyage. Reste qu’aujourd’hui cette #mondialisation marchande du symbolique devient un enjeu.

    Pourquoi ce concept fait-il autant polémique ?

    E. F. : En France, on dénonce volontiers le #communautarisme… des « autres » : le terme est curieusement réservé aux minorités, comme si le repli sur soi ne pouvait pas concerner la majorité ! C’est nier l’importance des rapports de domination qui sont à l’origine de ce clivage : on parle de culture, en oubliant qu’il s’agit aussi de pouvoir. Et c’est particulièrement vrai, justement, dans le domaine culturel.

    Songeons aux polémiques sur l’incarnation des minorités au théâtre : faut-il être arabe ou noir pour jouer les Noirs et les Arabes, comme l’exigeait déjà #Bernard-Marie_Koltès, en opposition à #Patrice_Chéreau ? Un artiste blanc peut-il donner en spectacle les corps noirs victimes de racisme, comme dans l’affaire « #Exhibit_B » ? La réponse même est un enjeu de pouvoir.

    En tout cas, l’#esthétique n’est pas extérieure à la #politique. La création artistique doit revendiquer sa liberté ; mais elle ne saurait s’autoriser d’une exception culturelle transcendant les #rapports_de_pouvoir pour s’aveugler à la sous-représentation des #femmes et des #minorités raciales. L’illusion redouble quand l’artiste, fort de ses bonnes intentions, veut parler pour (en faveur de) au risque de parler pour (à la place de).

    Le monde universitaire n’est pas épargné par ces dilemmes : comment parler des questions minoritaires, quand on occupe (comme moi) une position « majoritaire », sans parler à la place des minorités ? Avec Marta Segarra, nous avons essayé d’y faire face dans un numéro de la revue Sociétés & Représentations sur la (non-)représentation des Roms : comment ne pas redoubler l’exclusion qu’on dénonce ? Dans notre dossier, la juriste rom Anina Ciuciu l’affirme avec force : être parlé, représenté par d’autres ne suffit pas ; il est temps, proclame cette militante, de « nous représenter ». Ce n’est d’ailleurs pas si difficile à comprendre : que dirait-on si les seules représentations de la société française nous venaient d’Hollywood ?


    https://mobile.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2018/08/24/eric-fassin-l-appropriation-culturelle-c-est-lorsqu-un-emprunt-entre-
    #géographie_culturelle #pouvoir #culture #Madonna #exotisme #peuples_autochtones #film #musique #cuisine #intersectionnalité #Eric_Fassin

    • Cité dans l’article, ce numéro spécial d’une #revue :
      #Représentation et #non-représentation des #Roms en #Espagne et en #France

      Les populations roms ou gitanes, en France comme en Espagne, sont l’objet à la fois d’un excès et d’un défaut de représentation. D’une part, elles sont surreprésentées : si la vision romantique des Bohémiens semble passée de mode, les clichés les plus éculés de l’antitsiganisme sont abondamment recyclés par le racisme contemporain. D’autre part, les Roms sont sous-représentés en un double sens. Le sort qui leur est réservé est invisibilisé et leur parole est inaudible : ils sont parlés plus qu’ils ne parlent.

      Ce dossier porte sur la (non-) représentation, autant politique qu’artistique et médiatique, des Roms en France et en Espagne des Gitanxs (ou Gitan·e·s) ; et cela non seulement dans le contenu des articles, mais aussi dans la forme de leur écriture, souvent à la première personne, qu’il s’agisse de sociologie, d’anthropologie ou d’études littéraires, de photographie ou de littérature, ou de discours militants. Ce dossier veut donner à voir ce qui est exhibé ou masqué, affiché ou effacé, et surtout contribuer à faire entendre la voix de celles et ceux dont on parle. L’enjeu, c’est de parler de, pour et parfois avec les Gitan·e·s et les Roms, mais aussi de leur laisser la parole.

      https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2018-1.htm

    • Au #Canada, la notion d’« appropriation culturelle » déchire le monde littéraire

      Tout est parti d’un éditorial dans Write, revue trimestrielle de la Writers’ Union of Canada (l’association nationale des écrivains professionnels) consacrée pour l’occasion aux auteurs autochtones du Canada, sous-représentés dans le panthéon littéraire national. Parmi les textes, l’éditorial d’un rédacteur en chef de la revue, Hal Niedzviecki, qui disait ne pas croire au concept d’« appropriation culturelle » dans les textes littéraires. Cette affirmation a suscité une polémique et une vague de fureur en ligne.

      On parle d’appropriation culturelle lorsqu’un membre d’une communauté « dominante » utilise un élément d’une culture « dominée » pour en tirer un profit, artistique ou commercial. C’est ici le cas pour les autochtones du Canada, appellation sous laquelle on regroupe les Premières Nations, les Inuits et les Métis, peuples ayant subi une conquête coloniale.
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      Des polémiques, plus ou moins importantes, liées à l’appropriation culturelle ont eu lieu ces derniers mois de manière récurrente, par exemple sur l’usage par la marque Urban Outfitters de savoir-faire traditionnels des Indiens Navajos ou la commercialisation par Chanel d’un boomerang de luxe, considéré comme une insulte par certains aborigènes d’Australie.
      Le « prix de l’appropriation »

      La notion est moins usitée pour la création littéraire, où l’on parle plus volontiers « d’orientalisme » pour l’appropriation par un auteur occidental de motifs issus d’une autre culture. Mais c’est bien cette expression qu’a choisie Hal Niedzviecki dans son plaidoyer intitulé « Gagner le prix de l’appropriation ». L’éditorial n’est pas disponible en ligne mais des photos de la page imprimée circulent :

      « A mon avis, n’importe qui, n’importe où, devrait être encouragé à imaginer d’autres peuples, d’autres cultures, d’autres identités. J’irais même jusqu’à dire qu’il devrait y avoir un prix pour récompenser cela – le prix de l’appropriation, pour le meilleur livre d’un auteur qui écrit au sujet de gens qui n’ont aucun point commun, même lointain, avec lui ».

      Il y voit surtout une chance pour débarrasser la littérature canadienne de sa dominante « blanche et classes moyennes », dénonçant la crainte de « l’appropriation culturelle » comme un frein qui « décourage les écrivains de relever ce défi ».

      Le fait que cette prise de position ait été publiée dans un numéro précisément consacré aux auteurs autochtones a été perçu comme un manque de respect pour les participants. L’un des membres du comité éditorial, Nikki Reimer, s’en est pris sur son blog à un article « au mieux, irréfléchi et idiot, au pire (…) insultant pour tous les auteurs qui ont signé dans les pages de la revue ».

      « Il détruit toutes les tentatives pour donner un espace et célébrer les auteurs présents, et montre que la revue “Write” n’est pas un endroit où l’on doit se sentir accueilli en tant qu’auteur indigène ou racisé. »

      La Writers’ Union a rapidement présenté des excuses dans un communiqué. Hal Niedzviecki a lui aussi fini par s’excuser et a démissionné de son poste, qu’il occupait depuis cinq ans.
      Un débat sur la diversité dans les médias

      Son argumentaire a cependant dépassé les colonnes du magazine lorsque plusieurs journalistes ont offert de l’argent pour doter le fameux « prix ». Ken Whyte, ancien rédacteur en chef de plusieurs publications nationales, a lancé sur Twitter :

      « Je donnerai 500 dollars pour doter le prix de l’appropriation, si quelqu’un veut l’organiser. »

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      D’autres figures de la presse canadienne, comme Anne Marie Owens (rédactrice en chef du National Post), Alison Uncles (rédactrice en chef de Maclean’s Magazine), deux éditorialistes du Maclean’s et du National Post, entre autres, se sont dits prêts à faire de même. Quelques heures plus tard, une poignée d’entre eux se sont excusés, dont Anne-Marie Owens, qui a déclaré qu’elle voulait simplement défendre « la liberté d’expression ».

      Comme le débat a débordé sur les réseaux sociaux, des lecteurs anonymes s’y sont invités pour dénoncer l’attitude de ces pontes du journalisme. « Imaginez, vous êtes une personne de couleur qui étudie le journalisme, et vous voyez les trois quarts de vos potentiels futurs chefs tweeter au sujet d’un prix de l’appropriation culturelle », grince une internaute.

      Pour les journalistes issus des minorités, l’affaire a également rappelé à quel point les médias manquent de diversité. Sur Buzzfeed, Scaachi Koul écrit : « Je n’en reviens pas d’avoir à dire ça, mais personne, dans l’histoire de l’écriture littéraire, n’a jamais laissé entendre que les Blancs n’avaient pas le droit de faire le portrait d’autochtones ou de gens de couleurs, en particulier dans la fiction. Franchement, on l’encourage plutôt. » Elle poursuit :

      « S’abstenir de pratiquer l’appropriation culturelle ne vous empêche pas d’écrire de manière réfléchie sur les non blancs. Mais cela vous empêche, en revanche, de déposséder les gens de couleur, ou de prétendre que vous connaissez leurs histoires intimement. Cela vous empêche de prendre une culture qui n’a jamais été à vous – une culture qui rend la vie plus difficile pour ceux qui sont nés avec dans le Canada d’aujourd’hui à majorité blanche – et d’en tirer profit. »

      sur le même sujet Les coiffes amérindiennes dans les défilés font-elles du tort à une culture menacée ?
      « Faire son numéro »

      Helen Knott, l’une des auteurs d’origine indigène dont le travail était publié dans la revue Write a raconté sur Facebook, quelques jours après, une étrange histoire. Contactée par la radio CBC pour une interview à ce sujet, elle est transférée vers quelqu’un qui doit lui poser quelques questions avant l’antenne. Elle entend alors les journalistes se passer le téléphone en disant, selon elle :

      « Helen Knott, c’est l’une de ceux qui sont super énervés par cette histoire. »

      « Précisément, la veille, dans une autre interview, raconte Helen Knott, j’ai rigolé avec le journaliste en lui disant que, contrairement à une idée largement répandue, les autochtones ne sont pas “super énervés” en permanence. »

      Au cours de cette pré-interview, elle dit avoir eu a le sentiment grandissant qu’on lui demandait de « faire son numéro » pour alimenter un « débat-divertissement-scandale ». « Je suis quelqu’un d’heureux et mon droit à être en colère quand la situation mérite de l’être ne me définit pas en tant qu’individu », explique-t-elle.

      « C’est tout le problème de l’appropriation culturelle. Les gens utilisent notre culture pour leur propre profit mais peuvent se désintéresser ensuite de nos difficultés à faire partie de la communauté autochtone, de la politisation continuelle de nos vies, des événements et des institutions qui viennent tirer sur la corde de notre intégrité et de notre sens moral, et qui exigent que nous répondions. Aujourd’hui, j’ai refusé de faire mon numéro. »

      En 2011, les autochtones du Canada représentaient 4,3 % de la population. Ils concentrent le taux de pauvreté le plus élevé du Canada et sont les premières victimes des violences, addictions et incarcérations. En 2016, une série de suicides dans des communautés autochtones de l’Ontario et du Manitoba avaient forcé le premier ministre, Justin Trudeau, à réagir. Sa volonté affichée d’instaurer une « nouvelle relation » avec la population autochtone est critiquée par certains comme n’ayant pas été suivie d’effet.

      https://mobile.lemonde.fr/big-browser/article/2017/05/16/au-canada-la-notion-d-appropriation-culturelle-suscite-la-polemique-d

  • L’intervention de l’#Etat est-elle nécessaire pour protéger et promouvoir la #santé ? Et dans l’affirmative, quels #risques doit-elle couvrir ? Un débat d’actualité alors qu’augmentent les inégalités sociales de santé.

    https://sms.hypotheses.org/3468

    #état, #santé, #risque, #inégalité, #protéger, #protection, #social, #intervention, #rapports_sociaux, #régulation

  • Le Sénégal ou la fabrique du vulnérable - Libération
    http://www.liberation.fr/sports/2018/06/28/le-senegal-ou-la-fabrique-du-vulnerable_1662522

    En fin de thèse à l’université Paris-Descartes, où il travaille sur le thème de la vulnérabilité sociale des athlètes, Seghir Lazri passe quelques clichés du foot au crible des sciences sociales. Aujourd’hui, la formation des joueurs africains dans des académies dépendant de grands clubs européens.

    L’équipe du #Sénégal joue un match clé contre la Colombie ce jeudi, afin de poursuivre la compétition. Entraînée par l’ancien Parisien Aliou Cissé et composée à la fois de binationaux et de natifs du pays, cette équipe reste le seul espoir de voir un pays d’Afrique accéder aux huitièmes de finale. Ses performances ne sont d’ailleurs pas dues au simple hasard, puisque 22 des 23 sélectionnés évoluent en Europe, et pour la plupart d’entre eux dès le plus jeune âge. Dès lors, comment forme-t-on les joueurs natifs du Sénégal ? Et à quoi renvoie cette politique de formation ?

    La main mise de l’Europe sur la formation sportive

    Idrissa Gueye, Kara Mbodj ou encore l’icône Sadio Mané, autant de joueurs natifs du Sénégal, ayant été formé là-bas, mais n’ayant jamais effectué aucun match dans le championnat local. Et pour expliquer ce phénomène assez présent en #Afrique subsaharienne et notamment dans le golfe de Guinée, il faut comprendre les caractéristiques du monde du football dans cette région. Le géographe Bertrand Piraudeau travaillant sur l’industrie du #football, met justement en lumière un élément central de la sphère du football africain et plus particulièrement sénégalais, celui de la formation. S’inscrivant dans un système de production mondialisé, les centres de formation sénégalais ont pour vocation de « produire » des joueurs à destination du marché européen. Les centres partenaires de l’Europe comme le Diambars, Génération foot (antenne du FC Metz) ou encore l’Académie Aspire (sous l’égide du Qatar) ont participé à la formation de nombreux joueurs évoluant en Europe, sans pour autant que ces derniers aient permis le développement du championnat sénégalais. En d’autres termes l’émergence de talents, s’apparente à une nouvelle dépossession des ressources (sportives) du pays.

    Cette situation s’explique par le fait que les clubs et les institutions européens voient dans cette formation, à la fois le moyen de façonner à moindre coût des athlètes, mais aussi de réaliser des plus-values incroyables lors de leur revente sur le Vieux Continent. Néanmoins, si ces centres sous couvert d’un « partenariat » avec les grands clubs, bénéficient d’un soutien matériel et financier important, il semble que les conditions de formation des jeunes athlètes ne soient pas exactement les mêmes que sur le sol européen.

    La fabrique du vulnérable

    D’après le chercheur Raffaele Poli, si cette industrie veut fonctionner, il est impératif d’accentuer son implantation dans de grandes agglomérations, où les jeunes enfants, associés à de la « matière première », sont en très grands nombres. Cette démarche ayant aussi pour conséquence de susciter un fort mouvement migratoire chez les adolescents en provenance de zones plus reculées, quitte à générer souvent quelques risques. Pour exemple, l’international Sadio Mané, en provenance de Casamance, a fugué à plusieurs reprises, afin de participer à des tournois et des détections, mettant sa vie en danger, car livré à lui-même dans la ville de Dakar.

    A vrai dire, l’entrée dans ce type de centre correspond à une rupture avec l’environnement familial, pour l’apprenti footballeur. Une rupture acceptée par ce dernier, car elle apparaît comme le tribut à payer pour accéder à la réussite sportive et permettre l’avènement économique de sa famille, dont il a dû se séparer. Mais ce que souligne surtout Raffaele Poli est que le cahier des charges propre à ces centres, établi sur le modèle des centres de formations européens (notamment français) est loin d’être pleinement respecté. En effet, les offres de formations scolaires sont assez réduites, quant au suivi psychologique, il est totalement inexistant. Ainsi, ces centres concentrant nombre d’individus issus de milieux paupérisés, n’offrent pas d’autres choix de réussites (réels) que celui du sport, qui est très relatif, cela ayant pour effet de cristalliser la vie de l’athlète autour du football, et de rendre la peur de l’échec beaucoup plus grande.

    D’autant plus, qu’en cas revers, l’institut se désengage pleinement de la vie du sportif, qui, se retrouvant livré à lui-même, essaie désespérément de se défaire du stigmate de l’échec, notamment en entrant sur un second marché du travail des footballeurs plus sujet à des trafics et de la corruption.

    En résumé si certains joueurs de la sélection sénégalaise apparaissent comme les signes de la réussite d’une politique de formation africaine, il ne faut guère oublier qu’elle est l’œuvre de grands clubs européens dont les objectifs de gains sont primordiaux. Ainsi en formant quelques stars du show footballistique mondial, cette démarche productive laisse sur le banc de la société un nombre plus grand de personnes vulnérables.

    L’Afrique comme gisement de main d’œuvre à bas coût pour le football européen.
    #rapports_nord_sud #capitalisme