• VIH, sexparties et pupilles dilatées : pour le communisme, éhontément https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/100317/vih-sexparties-et-pupilles-dilatees-pour-le-communisme-ehontement

    Interview de Tadzio Müller par Carl Melchers, publiée le 5 janvier 2017 sur Jungle World sous le titre Die Linke muss geil sein http://jungle-world.com/artikel/2017/01/55499.html

    Tadzio Müller, responsable de la justice climatique et de l’énergie à la Fondation Rosa Luxembourg à Berlin, est impliqué de longue date dans le mouvement pour la justice climatique.

    Traduit de l’anglais par Isabelle Saint-Saëns (@isskein).

    Tadzio Müller : En devenant cadre politique à plein temps, j’ai totalement marginalisé une part très importante de moi-même, je l’ai reniée. J’étais persuadé que c’était la seule façon de fonctionner pour un activiste, au point de ne pas tenir compte de moi-même – ou du moins de certains aspects de moi-même – ce qui a généré d’absurdes pathologies. J’ai complètement séparé de mon activité politique mon côté cuir-queer-sexuel-lubrique, et je me suis senti complètement marginalisé dans une gauche radicale pour laquelle, sans trop d’exagération, les corps n’existent tout simplement pas.

    Pouvez-vous en dire plus ?

    Dans la gauche allemande nous avons tendance à nous méfier du corps, vu la façon dont les Nazis l’ont sollicité et mobilisé. À gauche, nombreux sont ceux dont le schéma conceptuel est influencé, consciemment ou inconsciemment, par l’École de Francfort. Ils en viennent à penser que l’émancipation doit venir de la tête, de la rationalité. Il en résulte que le champ politique des corps et des affects – sur lequel il y a une sorte de tabou dans la gauche allemande, qui le considère souvent comme un frein à l’émancipation – est abandonné à « l’autre bord ».

    Mais une part importante de la gauche allemande n’est-elle pas justement obnubilée par les émotions, les identités et la création des « espaces safe » ?

    Il est vrai que certains débats dans les universités sur les « espaces safe » et les terminologies politiquement acceptables ont pu involontairement créer des incompréhensions, voire provoquer des sentiments d’exclusion, au point de sembler parfois prêter le flanc à des accusations de sectarisme. La gauche ne devrait pas faire peur. La gauche doit être cool ! Nos pratiques politiques doivent absolument accorder une place beaucoup plus centrale à la question des corps et des affects. Si je me bats contre le changement climatique ce n’est pas seulement parce que c’est pour moi la plus importante question de justice à laquelle nous ayons jamais été confrontés ; c’est aussi parce que je veux contribuer à élaborer une façon de faire de la politique où quand on se bat pour une cause juste on se marre et c’est sexy. Bien sûr il faut continuer à ancrer notre pensée politique dans la raison, le débat sur le changement climatique se fonde nécessairement sur l’affirmation de vérités factuelles, de manière on ne peut plus classique.

    Qu’entendez-vous par « #affects » ?

    Il y a un excès de rationalisme dans la gauche allemande. L’idée de honte est, pour moi, centrale dans ce débat – comme l’a bien montré Didier Eribon dans Retour à Reims. La honte est un de ces mots dont la gauche allemande ne sait pas vraiment quoi faire.

    Quel rôle la #honte joue-t-elle dans votre vie ?

    Un rôle important, malheureusement, car il y a toujours quelque chose dont j’ai honte. J’ai honte d’avoir baisé avec des mecs en cachette de ma copine pendant sept ans et demi. J’ai honte d’avoir parfois des marques dans le dos, après un week-end où je me suis fait fouetter ; et ces jours-là, j’évite de faire du sport. Ou j’ai honte de m’écrouler pendant une réunion le lundi parce que j’ai passé tout le week-end à gober sans dormir. Et, il n’y a pas si longtemps, j’avais honte d’être séropositif. Quand je mesure à quel point la honte structure mes actes… et quelle incroyable sensation provoque l’énergie libérée, quand on arrive enfin à s’en débarrasser…

    #militer #émotions #rationalité #politique

  • Populisme, attentats : la #philosophie #politique ne dit plus un mot sur les maux - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/idees/populisme-attentats-la-philosophie-politique-ne-dit-plus-un-mot-sur-les-mau

    Face à la victoire de Donald Trump ou au vote en faveur du Brexit, que peuvent dire les philosophes sinon considérer, dans le cadre de la théorie du choix rationnel, qu’il s’agit d’un choix purement irrationnel ? Or cette réponse n’est pas satisfaisante car elle traduit un #mépris des classes populaires. En effet, cela revient à dire qu’une large partie de la population n’est pas à la hauteur de la #rationalité et que ses décisions ne sont pas prises en connaissance de cause. Si l’on ne veut pas creuser le fossé qui sépare les élites et le peuple, il faut éviter que la philosophie politique ne s’adresse qu’à des universitaires dans un champ disciplinaire donné. C’était d’ailleurs la grande promesse des philosophes des Lumières que de pénétrer l’opinion publique.

  • André Choulaki, Réécrire la vie , éd. Hugo&Cie, 2016.

    Pour cet ex-chercheur, PDG de Cellectis, société cotée en #Bourse, spécialisée dans les traitements contre le cancer à base de cellules immunitaires génétiquement modifiées, « la peur liée à l’édition du génome [...] ne repose sur aucun élément rationnel ».

    Lu dans La Recherche n°518, décembre 2016.

    Cellectis compte également beaucoup sur sa filiale Calyxt, une société de biotechnologie agricole qui, par l’édition du génome, modifie les plantes pour améliorer certaines de ses propriétés ou lui en apporter de nouvelles.

    S’il s’agit d’organismes mutés par édition du génome, André Choulika estime « qu’on ne peut les considérer comme des organismes génétiquement modifiés car n’étant pas transgénique ».

    http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/chimie-pharmacie/cellectis-nous-ne-sommes-pas-sauves-des-eaux-601296.html

    Quel monde merveilleux, n’est-ce pas, que celui où la « #rationalité » est cotée en Bourse !!!

    #scientisme, #OGM, #André_Choulaki

  • Immigration : pourquoi les arguments rationnels ne passent pas

    2 septembre 2016 | Par Carine Fouteau

    L’émotion suscitée par la découverte du corps d’un enfant syrien sur une plage turque n’a pas duré. Un an plus tard, de Nicolas Sarkozy à Jean-Luc Mélenchon, les déclarations des premiers candidats à l’élection présidentielle révèlent à quel point la rhétorique politique constitue les migrants en problème. Cette vision univoque est pourtant contestée par les travaux scientifiques. Mediapart a essayé de comprendre pourquoi les arguments les plus étayés restent inaudibles.

    Les photos d’Aylan Kurdi, cet enfant retrouvé mort le 2 septembre 2015 sur une plage turque alors que sa famille tentait de se rendre en Europe, ont ému le monde entier. Il ne reste plus grand-chose de cette empathie un an plus tard.

    En France, à droite comme à gauche, les premières déclarations des candidats déjà engagés dans la course à l’Élysée témoignent, de Nicolas Sarkozy à François Fillon en passant par Jean-Luc Mélenchon et Arnaud Montebourg, de ce que les migrants sont encore et toujours, élection après élection, considérés comme un problème, alors même que cette vision univoque est unanimement contestée par les travaux scientifiques. Sur ces questions qui promettent d’être au centre de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017, l’extrémisme devient la norme. Dans l’espace public tel qu’il est façonné par les représentants politiques en France, le curseur plonge toujours plus à droite sans paraître rencontrer de butée.

    Le livre programmatique que le président des Républicains vient de publier en est le dernier exemple en date : lui qui a verrouillé les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France – en tant que ministre de l’intérieur de 2002 à 2007, puis en tant que président de la République jusqu’en 2012 – n’a pas l’intention de reconnaître qu’il a échoué, y compris au regard des objectifs qu’il s’était fixés. Au contraire, il pousse la surenchère toujours plus loin, calquant ses propositions sur celles du Front national.

    Lui qui a durci les critères d’accès au regroupement familial entend désormais le « suspendre » (ce qui est potentiellement contraire au principe du « droit à mener une vie familiale normale » inscrit à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des droits fondamentaux, et au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ») ; lui qui a vanté l’immigration « choisie » (de travail) veut aujourd’hui la « stopper » (ce qui est contestable au regard des perspectives économiques et démographiques du pays) ; alors qu’en 2007 et 2012, il fustigeait le concept d’« immigration zéro » cher à Marine Le Pen, il le promeut cinq ans plus tard, sans en prononcer le nom.

    L’incohérence ne le gêne pas : s’il entend bloquer l’immigration familiale et économique, il persiste à défendre l’instauration de quotas (pourtant anticonstitutionnelle) ; refusant jusqu’alors de remettre en cause l’aide médicale d’État (reconnue d’utilité publique pour éviter les épidémies et les surcoûts liés à une prise en charge tardive), il est maintenant favorable à sa suppression.

    Le corps échoué d’un enfant de trois ans retrouvé près de Bodrum en Turquie, le 2 septembre 2015. © AP Le corps échoué d’un enfant de trois ans retrouvé près de Bodrum en Turquie, le 2 septembre 2015. © AP
    La vision qu’il dessine est celle d’un pays où les immigrés seraient en trop grand nombre, consommateurs d’allocations, prenant leur travail aux Français ou dégradant les conditions d’emploi. Or une telle vision, il ne peut l’ignorer, repose sur un assemblage de contrevérités. En 2012, Mediapart s’était évertué à les démonter l’une après l’autre (retrouver ici l’argumentaire complet), en s’appuyant non pas sur les analyses d’experts autoproclamés, mais sur les recherches scientifiques réalisées à partir de données fiables, pour la plupart issues d’organismes publics tels que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’Institut national d’études démographiques (Ined). Non, les immigrés ne sont pas si nombreux en France en comparaison de la plupart des pays européens, même si la part de certains d’entre eux, notamment les personnes originaires des anciennes colonies du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, s’est accrue ; non, les nouveaux venus ne volent pas le travail des Français, mais il serait faux d’affirmer que les effets de leur présence sur le marché de l’emploi sont nuls ; non, ils ne profitent pas des aides sociales, beaucoup ignorant leurs droits en la matière, mais leur précarité fait qu’ils sont plus susceptibles de recevoir des prestations sociales que d’autres catégories de personnes ; non, ils ne sont pas tous chômeurs, au contraire, ils sont surreprésentés parmi les créateurs d’entreprise, même si beaucoup font faillite, comme n’importe quel auto-entrepreneur ; etc.

    Lire aussi

    Immigrés : une boîte à outils pour répondre à Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy Par Carine Fouteau
    Comment expliquer que les arguments rationnels, globalement valorisants à l’égard des migrants, ne parviennent pas à se faire entendre ? La question taraude non seulement le monde universitaire mais aussi le secteur associatif, qui contribue à compiler et diffuser la plupart des résultats des études scientifiques. « Entre collègues, nous nous désolons de cette déconnexion », indique François Gemenne, chercheur en science politique à l’université de Liège (CEDEM) et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (CEARC) et chercheur associé au CERI.

    Spécialiste à la fois des questions migratoires et environnementales, il observe une différence de taille dans la réception des enjeux propres à chacun de ces champs. « La rationalité scientifique a une certaine prise sur la décision politique en matière d’environnement, affirme-t-il, ce n’est pas le cas sur l’immigration. » Il y voit plusieurs raisons. Tout d’abord, rappelle-t-il, le savoir produit sur les migrations est un savoir principalement issu des sciences sociales. Or celles-ci, dans l’esprit des responsables politiques et, plus généralement, de l’opinion publique, continuent d’être perçues comme moins fiables et plus orientées idéologiquement que les sciences dites dures.

    Deuxième facteur : ce savoir pâtit de son manque d’organisation. « Il n’existe pas de structure internationale du type du Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat », analyse-t-il. Pas de lieu, donc, pour poser des bases communes de compréhension du réel. « Le savoir est disparate, peu synthétisé et contesté par de faux experts auxquels les médias donnent la parole, faute de contradicteurs, ajoute-t-il. Alors que sur les questions d’environnement, les climato-sceptiques ont été marginalisés. »

    L’absence d’objectif social faisant consensus constitue une autre raison de l’imperméabilité entre les arguments politiques et scientifiques : « Tout le monde s’accorde, en matière d’environnement ou de santé, par exemple, pour dire qu’il faut trouver les moyens de mieux vivre en accord avec la nature ou mieux prévenir et traiter les maladies. Sur les questions migratoires, il n’y a aucun consensus sur l’objectif : faut-il plus ou moins de migrants ? Faut-il ouvrir ou fermer les frontières ? La question même de savoir s’il faut réduire le nombre de morts en Méditerranée n’est pas considérée comme une priorité partagée par tous. »

    « Les débats sont dominés par les croyances, les idéologies et les opinions », résume François Gemenne, qui rappelle que les immigrés sont en priorité perçus comme des intrus menaçant la façon dont chacun se représente sa place dans la société.

    « On nous accuse de minimiser les flux migratoires... ou alors de les amplifier »

    Le décalage est particulièrement manifeste avec les hommes politiques. La question identitaire s’est tellement imposée dans les discours, y compris à gauche, que les personnalités politiques prêtes à défendre une vision positive de l’immigration se font rares. Au PS, seul l’accueil des réfugiés est encore considéré comme acceptable. Du côté de Jean-Luc Mélenchon, le repli l’emporte. Quand Le Monde, le 24 août, lui demande si « l’immigration peut être une chance pour la France », il répond que la question est « piégée ». Affirmant qu’il n’a jamais été « pour la liberté d’installation », il estime que les migrants feraient mieux de rester dans leur pays d’origine. « L’urgent est qu’ils n’aient plus besoin de partir de chez eux (…), déclare-t-il. Émigrer est une souffrance. »

    Cet écart n’est pas surprenant. Complexes, les enjeux liés aux déplacements de population se laissent difficilement saisir en quelques déclarations, remarque Claire Rodier, juriste au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), auteure de Migrants & réfugiés, Réponse aux indécis, aux inquiets et aux réticents (La Découverte, 2016). Déconstruire les préjugés, par exemple l’idée selon laquelle les femmes étrangères viendraient en France pour accoucher et ainsi obtenir des papiers, voire la nationalité française, suppose de mobiliser des références, ce qui prend du temps et demande de l’attention. « C’est ardu, et moins percutant qu’un discours démagogique soutenant que les étrangers représentent un danger pour la République », souligne-t-elle. Autre obstacle : les enjeux migratoires prennent tout leur sens sur un temps long, peu compatible avec les contraintes d’immédiateté inhérentes au système d’offre et de demande en politique.

    « Il n’est pas facile de lutter contre cette grande entreprise de simplification », reconnaît lui aussi François Héran, sociologue, anthropologue et démographe, ex-directeur de l’Ined, auteur de Parlons immigration en 30 questions (Documentation française, 2016). « Les hommes politiques, a fortiori lorsqu’ils sont populistes, pensent qu’ils communiquent directement avec le peuple parce qu’ils commandent des sondages à partir d’échantillons réduits, alors qu’ils ignorent les résultats de travaux réalisés à partir de plusieurs dizaines de milliers d’entretiens », regrette-t-il.

    Se concentrant sur le cas de Nicolas Sarkozy, il souligne l’« incapacité » de l’ex-chef d’État à analyser l’« échec » de sa politique. « Sa recherche de la formule-choc n’a d’égale que son refus de se confronter au réel », insiste-t-il. Même si l’actuel président de LR ne l’admet pas, il n’a pas réussi à réduire les flux migratoires comme il s’y était engagé : le nombre des entrées d’étrangers en France reste stable et constant, autour de 180 000 chaque année depuis plus d’une décennie. « Il n’a pas compris que les flux, en France, ne sont pas alimentés par le marché du travail, mais par le droit. Pour stopper les arrivées, comme il se propose de le faire, il faudrait résilier les conventions internationales ratifiées par la France. Or je ne suis pas certain qu’il soit prêt à aller jusqu’à cette extrémité. Mais, plutôt que de revoir son discours, et d’organiser les choses différemment, il se contente de le durcir, ce qui est inopérant », affirme-t-il. « Les marges d’action du politique sont faibles », insiste François Héran, principalement parce que la France n’est pas seule au monde. « Faire croire l’inverse, poursuit-il, c’est faire preuve d’irréalisme. » Mais comme le métier d’homme politique consiste à faire penser que le réel se « gère » et se « maîtrise », un tel argument passe mal.

    Ceux qui, éventuellement à gauche, seraient tentés, à l’inverse, de nier l’impact des migrations sur la société se tromperaient tout autant, prévient François Héran. « Le changement de visage de la société française au cours des dernières décennies n’est pas une vue de l’esprit », indique-t-il, rappelant les données : au recensement de 1975, 20 % seulement des immigrés vivant en France étaient originaires des anciennes colonies du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, contre 43 % en 2011, tous âges confondus. « Il est évident que l’opinion publique perçoit cette évolution, refuser de la reconnaître serait contre-productif », affirme-t-il, précisant que l’explication tient principalement au tarissement des migrations ibériques (espagnole et portugaise) à partir des années 1980. Et si l’on regarde les « flux » et non plus le « stock », un autre aspect de la réalité apparaît : la part du Maghreb et du reste de l’Afrique dans les entrées a reculé au cours des dernières années pour se situer autour de 30 %.

    L’absence de terrain d’entente entre la sphère politique et le monde de la recherche se traduit de temps à autre par des bras de fer médiatiques. « Quand les démographes font remarquer que les entrées représentent 180 000 personnes par an, soit 0,3 % de la population, on nous accuse de minimiser les flux ; quand on rappelle qu’un quart de la population est soit immigrée, soit enfant d’immigrés, on nous accuse de les amplifier pour les rendre irréversibles », résume François Héran.

    De ce face-à-face, les arguments les plus solidement étayés sortent perdants aux yeux de l’opinion publique. Comme le rappelle chaque année le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la majorité des Français considèrent qu’il y a trop d’étrangers en France et que la plupart des immigrés viennent en France pour profiter de la protection sociale. Dans la construction de ces représentations négatives, Claire Rodier souligne le rôle dévastateur de certains médias, notamment d’information en continu. « Les migrants sont presque tout le temps représentés de manière effrayante. Les ressorts des reportages sont invariablement la compassion ou l’effroi. Cela ne laisse pas de place à la réflexion », observe-t-elle. Or ce registre de l’émotion est volatil, comme l’a cyniquement montré la diffusion de la photo du petit Aylan. Un consensus semblait s’être construit autour de la nécessité d’aider et de protéger les réfugiés plutôt que de les exclure. Mais, dès que l’empathie s’est effacée des écrans et a disparu des déclarations politiques, la parenthèse s’est refermée. « Ce renversement de l’opinion publique n’était pas rationnel, c’est pour cela qu’il a été de si courte durée », souligne-t-elle.

    Dans la palette des arguments susceptibles de combattre les contrevérités, certains passent toutefois mieux que d’autres : les raisonnements utilitaristes, tournant autour de l’idée que les immigrés rapportent plus qu’ils ne coûtent, sont parmi les plus audibles, selon François Gemenne, alors même qu’ils font partie des moins recevables éthiquement ; Claire Rodier souligne, de son côté, la force du droit pour rappeler les responsables politiques à leurs obligations. « Les succès judiciaires, par exemple à Calais dans la “jungle”, ont un effet mobilisateur qui se traduit par une plus grande visibilité dans l’espace public », note-t-elle, espérant qu’ils finissent par influencer l’opinion publique. Mais le contexte n’est pas propice, jusqu’à l’élection présidentielle tout du moins. La controverse sur le burkini, qui a montré à quel point une tenue manifestant une foi musulmane pouvait heurter viscéralement certaines personnes, augure mal de la suite de la campagne au cours de laquelle il est à prévoir que le rejet de l’autre charpente davantage de discours que la tolérance à l’égard de la différence.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/020916/immigration-pourquoi-les-arguments-rationnels-ne-passent-pas?onglet=full
    #préjugés #asile #migrations #réfugiés #rationalité #irrationalité

  • L’intérêt général, une affaire d’incitations
    http://www.laviedesidees.fr/L-interet-general-une-affaire-d-incitations.html

    En construisant les #marchés, en distribuant les informations et en élaborant les incitations adaptées, la théorie économique moderne se propose de nous conduire vers le bien commun.

    Livres & études

    / #intérêt_général, #information, rationalité, marché, #régulation

    #Livres_&_études #rationalité

  • L’économie, une science expérimentale ?
    http://www.laviedesidees.fr/L-economie-une-science-experimentale.html

    Au sein des sciences économiques, l’étude du comportement se nourrit d’un dialogue fécond entre théorie et expérience. Mettant en cause le modèle de rationalité de l’Homo œconomicus, celui-ci jette une nouvelle lumière sur la prise de #décision dans les situations d’interaction stratégique.

    Essais & débats

    / décision, rationalité, #économie_expérimentale, #homo_œconomicus

    #Essais_&_débats #rationalité

  • en un combat douteux: «Le Mythe de la tragédie des #communaux» par Ian Angus
    http://enuncombatdouteux.blogspot.fr/2016/04/le-mythe-de-la-tragedie-des-communaux.html

    Depuis sa publication dans Science en décembre 1968, La Tragédie des communaux a été reproduite dans au moins 111 anthologies, ce qui en a fait un des articles les plus réimprimés à être paru dans une quelconque revue scientifique. C’est aussi l’un des plus cités : une recherche Google récente a permis de trouver « à peu près 302000 » résultats pour le syntagme « tragédie des communaux ».

    Suivant les termes d’une monographie de la Banque Mondiale, il constitue depuis 40 ans, « le paradigme dominant à travers lequel les savants en sciences sociales évaluent les questions relatives aux ressources naturelles. » (Bromley et Cernea, 1989 : 6) Il a été utilisé à plusieurs reprises pour justifier le #vol des #terres de peuples indigènes, la #privatisation de la couverture médicale et d’autre services sociaux, l’octroi de « permis vendables » de polluer l’air, l’eau et beaucoup plus.

    Le Dr. G.N. Appell (1995), anthropologue réputé, écrit :
    « Cet article a été adopté comme un texte sacré par les spécialistes et les professionnels dont le fond de #commerce est de concevoir des futurs pour d’autres et d’imposer leur #rationalité économique et environnementale à des systèmes sociaux étrangers dont ils ont une compréhension et une connaissance incomplètes. » (...)

  • Flexibilité des chômeurs, mode d’emploi. Les conseillers à l’emploi à l’épreuve de l’activation, Lynda Lavitry
    http://lectures.revues.org/20620

    La fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Assedic) opérée en 2008 et effective en 2009 a considérablement occupé la sphère publique et médiatique pendant de nombreux mois, tout particulièrement dans un contexte d’augmentation importante du nombre de demandeurs d’emploi. Allant au-delà des aspects largement publicisés d’une institution en profond changement, la recherche menée par Lynda Lavitry propose de s’intéresser au traitement bureaucratique contemporain des chômeurs et de s’interroger quant au rôle des conseillers de Pôle emploi en tant qu’intermédiaires publics de l’emploi. À travers un dispositif ethnographique ambitieux inspiré de la tradition interactionniste de l’École de Chicago, l’auteur livre ici une étude approfondie des coulisses du « nouveau » service public de l’emploi.

    2Dans un premier chapitre, l’auteure expose clairement sa posture, son terrain multisitué et son approche méthodologique. Faisant de l’entretien entre le conseiller à l’emploi et le chômeur le cœur de son enquête, elle a donc construit son dispositif méthodologique autour de la pratique de l’observation in situ, facilitée par la réalisation de sa thèse via l’obtention d’un contrat de recherche « Convention industrielle de formation par la recherche » (CIFRE) avec l’institution. Ainsi, Lynda Lavitry a pu observer 202 entretiens entre conseillers et demandeurs d’emploi au sein de 9 agences #Pôle_emploi, et mener elle-même 68 entretiens avec des conseillers. Si le dispositif est largement inspiré des méthodes ethnographiques de l’École de Chicago, Lynda Lavitry explicite sa posture, en soulignant comment elle s’inscrit dans le croisement de sociologies sectorielles, entre sociologie pragmatique, sociologie politique et sociologie des organisations.

    2 Comme le souligne l’auteure, il s’agit ici d’analyser, « leurs caractéristiques sociodémographiques (...)
    3 « L’#activation recouvre en tout cas, de manière centrale, une dimension contractuelle, qui vise à i (...)
    3En préalable à l’explicitation des données de l’enquête, l’auteure dresse la morphologie sociale des conseillers à l’emploi, notamment via les aspects de leur identité professionnelle au sens de Hughes2. Elle observe une féminisation importante des conseillers, leur nette surqualification et une certaine valorisation morale du travail. Elle souligne également ce qu’elle nomme des « parcours empêchés », puisque bon nombre de conseillers n’ont pas choisi par vocation leur métier mais plutôt par défaut, suite à des trajectoires professionnelles #précaires ou des échecs à d’autres concours administratifs. Ces conseillers sont soumis à de fortes injonctions paradoxales, liées à la tutelle de l’État, qui non seulement induisent un déficit de légitimité sociale de leur fonction mais les mettent également en tension entre une logique civique, « plutôt orientée vers une action contre-sélective en faveur des chômeurs » et une #logique_technico-commerciale, « plutôt orientée vers la satisfaction des offres des entreprises » (p. 50). Si les limites floues et réversibles du métier de conseiller à l’emploi ne vont pas sans difficultés et doutes, son utilité sociale demeure incontestable. Cette morphologie sociale des conseillers à l’emploi est enrichie par une présentation du contexte sociohistorique de l’ANPE, depuis sa création en 1967 jusqu’à sa fusion avec les Assedic pour devenir Pôle Emploi en 2009. Les transformations opérées par l’institution portent la marque des politiques publiques de l’emploi qui se sont succédées en France et mettent en évidence trois étapes : la première de 1970 à1980, principalement axée sur des interventions directes et massives en faveur de l’emploi ; la seconde dans les années 1990, privilégiant le traitement social et économique du chômage ; la troisième de la fin des années 1990 au début des années 2000, qui introduit la notion centrale d’activation et les mesures plus focalisées sur l’individu et son employabilité. Dans ce contexte, l’auteure souligne les formes et les bouleversements organisationnels induits par l’émergence d’une #rationalité_gestionnaire au sein de l’institution : gestionnarisation de l’accompagnement, notamment via le passage d’indicateurs d’activité à des indicateurs d’efficacité pour l’évaluation des conseillers, et un Suivi mensuel personnalisé (SMP) non dénué d’ambivalence, pour le suivi des demandeurs d’emploi ; gestionnarisation du tri des chômeurs, notamment à travers le #profilage, qui illustre comment la notion de parcours est davantage liée aujourd’hui à la #recrutabilitié de l’individu qu’à son employabilité ; gestionnarisation des #sanctions, enfin, à travers leur net renforcement.

    #chômeurs

  • USA : À Flint, dans le Michigan, il y a tellement de #plomb dans le sang des enfants qu’un état d’urgence a été déclaré – Le Partage
    http://partage-le.com/2015/12/usa-a-flint-dans-le-michigan-il-y-a-tellement-de-plomb-dans-le-sang-des-

    Ces parents, et d’autres habitants de Flint ont entrepris un recours judiciaire fédéral en nom collectif contre Snyder, l’État, la ville et 13 élus, en novembre, en raison des dommages subis à cause de l’eau contaminée par le plomb. La plainte, qui dit représenter « des dizaines de milliers d’habitants », allègue que les élus de la ville et les représentants de l’État les ont « délibérément privés » de leurs droits liés au 14ème amendement de la Constitution*** en remplaçant une source d’#eau potable saine par une alternative à meilleur marché dont la haute toxicité était connue.

    #empoisonnement #poison #pollution #santé #rationalité_économique @marclaime

    • Empêtré dans le scandale de l’eau empoisonnée, le gouverneur du Michigan tente de sauver la face
      http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/01/22/empetre-dans-le-scandale-sanitaire-de-flint-le-gouverneur-du-michigan-tente-

      ...dans The National Journal, il a comparé sa gestion « désastreuse » de la crise de Flint à celle de l’ouragan Katrina, en 2005, par le président George W. Bush.
      Mardi, dans son discours sur l’état du Michigan, devant le Parlement local où un millier de manifestants s’étaient regroupés pour protester contre la crise sanitaire, Rick Snyder a ordonné aux députés d’autoriser le déblocage d’un fonds d’urgence de 28 millions de dollars

      ... Rick Snyder a décidé de dévoiler, mercredi, 273 pages d’e-mails (accessibles sur son site, au format PDF) qui révèlent la gestion laborieuse de la crise par son administration.

      ....Kyle Feldscher, le journaliste en charge des sujets liés à l’énergie et l’environnement du Washington Examiner [un journal qui se présente comme un concurrent conservateur du Washington Post], considèrent que le premier mail de Rick Snyder illustre de manière caricaturale l’effort de transparence : tout le texte est… masqué.

      ... Le Guardian ajoute que la divulgation de ces e-mails est incomplète : elle ne couvre que la période allant de 2014 à 2015, et ne s’intéresse pas aux origines du problème, lorsqu’en 2011, Flint, au bord de la faillite, est placée par le gouverneur républicain du Michigan, Rick Snyder, sous le contrôle d’une autorité de tutelle.
      Mais rien n’oblige le gouverneur à le faire, souligne le Guardian : le Michigan est l’un des Etats dans lesquels le gouverneur est exempté du Freedom of Information Act (FOIA), la « Loi pour la liberté d’information » qui oblige les agences fédérales à transmettre leurs documents, à quiconque en fait la demande, quelle que soit sa nationalité.

      http://seenthis.net/messages/451262
      http://seenthis.net/messages/447984

  • Toute notre #civilisation est fondée sur la spécialisation, laquelle implique l’asservissement de ceux qui exécutent à ceux qui coordonnent ; et sur une telle base, on ne peut qu’organiser et perfectionner l’#oppression, mais non pas l’alléger.
    Simone Weil (1909-1943)

    http://iresmo.jimdo.com/2015/07/18/simone-weil-une-critique-de-l-industrialisme
    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/reflexions_causes_liberte_oppression/reflexions_sur_la_liberte.pdf
    #guerre_aux_pauvres #critique_techno #critique_de_la_valeur

    • Mais, si l’état actuel de la technique ne suffit pas à libérer les travailleurs, peut-on du moins raisonnablement espérer qu’elle soit destinée à un développement illimité, qui impliquerait un accroissement illimité du rendement du travail ? C’est ce que tout le monde admet, chez les capitalistes comme chez les socialistes, et sans la moindre étude préalable de la question ; il suffit que le rendement de l’effort humain ait augmenté d’une manière inouïe depuis trois siècles pour qu’on s’attende à ce que cet accroissement se poursuive au même rythme. Notre culture soi-disant scientifique nous a donné cette funeste habitude de généraliser, d’extrapoler arbitrairement, au lieu d’étudier les conditions d’un phénomène et les limites qu’elles impliquent ; et Marx, que sa méthode dialectique devait préserver d’une telle erreur, y est tombé sur ce point comme les autres.

    • Il n’existe par ailleurs qu’une autre ressource permettant de diminuer la somme de l’effort humain, à savoir ce que l’on peut nommer, en se servant d’une expression moderne, la #rationalisation du #travail.
      [...]
      Dès qu’on jette un regard sur le régime actuel de la production, il semble assez clair non seulement que ces facteurs d’économie comportent une limite au-delà de laquelle ils deviennent facteurs de dépense, mais encore que cette limite est atteinte et dépassée. Depuis des années déjà l’agrandissement des entreprises s’accompagne non d’une diminution, mais d’un accroissement des frais généraux ; le fonctionnement de l’entreprise, devenu trop complexe pour permettre un contrôle efficace, laisse une marge de plus en plus grande au #gaspillage et suscite une extension accélérée et sans doute dans une certaine mesure parasitaire du personnel affecté à la coordination des diverses parties de l’entreprise. L’extension des échanges, qui a autrefois joué un rôle formidable comme facteur de #progrès économique, se met elle aussi à causer plus de frais qu’elle n’en évite, parce que les marchandises restent longtemps improductives, parce-que le personnel affecté aux échanges s’accroît lui aussi à un rythme accéléré, et parce que les transports consomment une énergie sans cesse accrue en raison des innovations destinées à augmenter la vitesse, innovations nécessairement de plus en plus coûteuses et de moins en moins efficaces à mesure qu’elles se succèdent. Ainsi à tous ces égards le progrès se transforme aujourd’hui, d’une manière à proprement parler mathématique, en régression.

      #contre-productivité

    • Simone Weil aborde dans ses textes plusieurs points qui raisonnent avec une accuité particulière aujourd’hui dans une économie pourtant souvent qualifiée de post-fordiste et de post-industrielle. Elle s’interroge sur le mythe de la #croissance illimitée. Elle montre la difficulté à s’appuyer sur une croyance en l’innovation technologique et la confiance dans le progrès #technique. Elle rappelle au contraire la part d’imprévisibilité à laquelle est soumise l’#innovation technologique. De même, elle montre le lien entre la #rationalité technique et calculante. Elle met en lumière la manière dont cette rationalité calculante envahit tous les pans de l’existence. Aujourd’hui, l’utilisation de la rationalité algorithmique dans le monde de l’entreprise et de la gouvernance politique en constitue une nouvelle étage. L’automatisation du travail par l’"#intelligence_artificielle" et l’utilisation des #big_data en vue d’une analyse prédictive en sont deux exemples. Face aux tenants du #capitalisme vert, qui affirment que les progrès technologique pourront dépasser le problème des limites naturelles, Simone Weil montre en quoi cette croyance relève d’une foi religieuse dans le progrès technique.

    • Le problème est effectivement spécialisation + besoin de coordination. Ce besoin de coordination est apparemment apparu avec les infrastructures agricoles (barrages, bassins, canaux d’irrigation....). Et la spécialisation a été possible grâce à l’#agriculture aussi, avec des denrées stockables en surplus (céréales).

    • @nicolasm comme le disait Hemenway, l’agriculture amène, toujours, à une concentration du pouvoir par l’élite. C’est le résultat inévitable de l’existence de gros surplus stockables, qui est au coeur de l’agriculture, et nous pourrions avoir besoin de créer une culture où le surplus, ainsi que la peur et la cupidité qui le rendent desirable, ne sont plus les résultats structurels de nos pratiques culturelles.
      http://seenthis.net/messages/190256
      Ce qui nous ramène à l’#horticulture

      Most horticultural societies are far more egalitarian than agriculturists, lacking despots, armies, and centralized control hierarchies.
      Horticulture is the most efficient method known for obtaining food, measured by return on energy invested. Agriculture can be thought of as an intensification of horticulture, using more labor, land, capital, and technology. This means that agriculture, as noted, usually consumes more calories of work and resources than can be produced in food, and so is on the wrong side of the point of diminishing returns. That’s a good definition of unsustainability, while horticulture is probably on the positive side of the curve.

      http://tobyhemenway.com/203-is-sustainable-agriculture-an-oxymoron

    • Oui mais j’imagine que ça ne suffit pas, car même si les céréales sont sans mesure pour la facilité et la durée de stockage et la versatilité de l’utilisation, on pourrait imaginer une capitalisation agricole avec surplus temporaires (tubercules, fruits à coques) suffisamment en nombre pour fabriquer une élite ? Peut être qu’une condition nécessaire est d’avoir des biens communs pour que celles et ceux qui ne veulent pas être esclaves puissent vivre librement en autonomie. Mais malheureusement ce n’est pas de la seule volonté des humains libres, comme l’a démontré maintes fois l’Histoire.

    • Sauf que l’horticulture étant par définition très manuelle, tu ne peux pas avoir de grosse surface cultivée par personne. Ça favorise une relative égalité dans la propriété, et une plus grande dispersion des ressources, qui sont de ce fait moins accumulables.
      La disparition des #communs a par ailleurs été de pair avec la mise en place des #enclosures, qui a marqué les débuts du capitalisme.

    • Sauf que l’horticulture étant par définition très manuelle, tu ne peux pas avoir de grosse surface cultivée par personne. Ça favorise une relative égalité dans la propriété

      Une égalité ... ou de l’esclavage. La canne à sucre est un bon exemple, puisque ça doit être une des culture les plus rentables en calories/ha, mais requérant une grosse main d’œuvre. Mais peut être s’éloigne t-on de l’horticulture

    • La puissance et la concentration des armements mettent toutes les vies humaines à la merci du pouvoir central. En raison de l’extension formidable des échanges, la plupart des hommes ne peuvent atteindre la plupart des choses qu’ils consomment que par l’intermédiaire de la société et contre de l’argent ; les paysans eux-mêmes sont aujourd’hui soumis dans une large mesure à cette nécessité d’acheter. Et comme la grande industrie est un régime de production collective, bien des hommes sont contraints, pour que leurs mains puissent atteindre la matière du travail, de passer par une collectivité qui se les incorpore et les astreint à une tâche plus ou moins servile ; lorsque la collectivité les repousse, la force et l’habileté de leurs mains restent vaines. Les paysans eux-mêmes, qui échappaient jusqu’ici à cette condition misérable, y ont été réduits récemment sur un sixième du globe. Un état de choses aussi étouffant suscite bien ça et là une réaction individualiste ; l’art, et notamment la littérature, en porte des traces ; mais comme en vertu des conditions objectives, cette réaction ne peut mordre ni sur le domaine de la pensée ni sur celui de l’action, elle demeure enfermée dans les jeux de la #vie_intérieure ou dans ceux de l’aventure et des actes gratuits, c’est-à-dire qu’elle ne sort pas du royaume des ombres ; et tout porte à croire que même cette ombre de réaction est vouée à disparaître presque complètement.

      #hétéronomie #système_technicien

    • Elle a écrit ce texte en 1934 et c’est impressionnant de voir avec quelle précision ça décrit la situation actuelle

      L’augmentation formidable de la part prise dans les entreprises par le capital matériel, si on la compare à celle du #travail_vivant, la diminution rapide du #taux_de_profit qui en a résulté, la masse perpétuellement croissante des frais généraux, le #gaspillage, le coulage, l’absence de tout élément régulateur permettant d’ajuster les diverses branches de la production, tout empêche que l’activité sociale puisse encore avoir pour pivot le développement de l’#entreprise par la transformation du #profit en #capital. Il semble que la lutte économique ait cessé d’être une rivalité pour devenir une sorte de guerre. Il s’agit non plus tant de bien organiser le travail que d’arracher la plus grande part possible de capital disponible épars dans la société en écoulant des actions, et d’arracher ensuite la plus grande quantité possible de l’argent dispersé de toutes parts en écoulant des produits ; tout se joue dans le domaine de l’opinion et presque de la fiction, à coups de #spéculation et de #publicité. Le crédit étant à la clef de tout succès économique, l’épargne est remplacée par les dépenses les plus folles. Le terme de #propriété est devenu presque vide de sens ; il ne s’agit plus pour l’ambitieux de faire prospérer une affaire dont il serait le propriétaire, mais de faire passer sous son contrôle le plus large secteur possible de l’activité économique. En un mot, pour caractériser d’une manière d’ailleurs vague et sommaire cette transformation d’une obscurité presque impénétrable, il s’agit à présent dans la lutte pour la puissance économique bien moins de construire que de conquérir ; et comme la conquête est destructrice, le système capitaliste, demeuré pourtant en apparence à peu près le même qu’il y a cinquante ans, s’oriente tout entier vers la destruction.

    • Les moyens puissants sont oppressifs, les moyens faibles sont inopérants. Toutes les fois que les opprimés ont voulu constituer des groupements capables d’exercer une influence réelle, ces groupements, qu’ils aient eu nom partis ou syndicats, ont intégralement reproduit dans leur sein toutes les tares du régime qu’ils prétendaient réformer ou abattre, à savoir l’organisation bureaucratique, le renversement du rapport entre les moyens et les fins, le mépris de l’individu, la séparation entre la pensée et l’action, le caractère machinal de la pensée elle-même, l’utilisation de l’abêtissement et du mensonge comme moyens de propagande, et ainsi de suite. L’unique possibilité de salut consisterait dans une coopération méthodique de tous, puissants et faibles, en vue d’une décentralisation progressive de la vie sociale ; mais l’absurdité d’une telle idée saute immédiatement aux yeux. Une telle coopération ne peut pas s’imaginer même en rêve dans une civilisation qui repose sur la rivalité, sur la lutte, sur la guerre

      lien avec http://seenthis.net/messages/315340

    • Les leaders sont des types durs, qui ont des idées et des idéologies, et la visibilité et l’illusion de l’unité disparaîtraient. C’est précisément parce qu’ils n’ont pas de leader que le mouvement peut survivre. Mais c’est précisément parce qu’ils n’ont pas de leader qu’ils ne peuvent pas transformer leur unité en action concrète.

      http://cultura.elpais.com/cultura/2015/12/30/babelia/1451504427_675885.html

  • Le resserrement de la cage d’acier
    http://www.lecourrier.ch/130349/le_resserrement_de_la_cage_d_acier

    Il y a plus d’un siècle, le sociologue Max Weber considérait que la modernité capitaliste se caractérisait par la progression d’une rationalité qui se concrétisait par l’enfermement de nos vies quotidiennes dans une cage d’acier faite de normes techniques. Où en sommes-nous face à une telle prévision ?

    La colonisation du monde vécu. Il ne semble pas que la prévision énoncée par Max Weber de l’enfermement des existences dans une cage d’acier, constituée de normes techniques, ait été démentie. Dès les années 1970, le philosophe Jürgen Habermas a utilisé pour décrire ce mouvement l’expression de « colonisation du monde vécu ». Cette expression désigne, chez cet auteur, le fait que le monde de la vie quotidienne se trouve enserré par la rationalité instrumentale du système qui se divise, selon lui, en deux sous-systèmes : économique et administratif. Le fonctionnement du marché et les normes juridiques constituent un maillage de plus en plus serré de nos existences, au point qu’il devient de plus en plus difficile d’imaginer et d’admettre que l’on puisse vivre sans cet encadrement de nos vies.
    La domination de la rationalité marchande et technocratique au travail. L’économiste Daniel Cohen, dans Homo economicus (2012) ou encore le philosophe Michael Sandel, dans Ce que l’argent ne saurait acheter (2014) ont mis en lumière les transformations que la domination de la rationalité marchande sont en train d’effectuer sur les comportements humains. Progressivement, ce sont des manières d’être traditionnelles, ancrées dans la vie quotidienne et des modes de relations sociales non marchands, qui perdent leur sens subjectif pour les personnes. Ainsi, il arrivera un temps où les cadeaux offerts lors des fêtes traditionnelles n’auront plus de valeurs symboliques ou affectives, mais uniquement la valeur marchande que l’on peut en tirer sur les sites internet de vente en ligne. C’est ce que Karl Polanyi dans La grande transformation (1944) avait déjà souligné en parlant du désencastrement de l’économie marchande par rapport au social.

    Mais ce ne sont pas seulement les relations de solidarité qui perdent leur sens au profit du calcul utilitaire. Cette rationalité technocratique atteint le monde du travail, provoquant, comme cela a été mis en valeur par les travaux du psychologue du travail Christophe Dejours, des psychopathologies et une souffrance psychique et physique. Notre activité de consommateur se trouve également soumise à des normes de rationalité imposées par la logique capitaliste, nous forçant au travail gratuit, comme le montre Marie-Anne Dujarier dans Le travail du consommateur (2014).

    La domination de la rationalité bureaucratique. Nombre de discours sociologiques, à la suite de ceux de Michel Crozier, avaient mis en valeur la critique de la bureaucratie, aussi bien dans le monde de l’entreprise que de l’Etat. Néanmoins, le travail de Béatrice Hibou vient relativiser cette thèse. Dans La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale (2012), elle montre comment notre quotidien se trouve au contraire quadrillé par des normes en tout genre : de qualité, d’hygiène... Cette rationalité technocratique étatique est également à l’œuvre dans l’emprise exercée par la surveillance et le contrôle des existences quotidiennes, comme l’a analysé entre autre Armand Mattelart dans La globalisation de la surveillance (2008), analyse qu’il a complétée, avec André Vitalis, dans Le profilage des populations (2014).

    La technocratisation de la vie quotidienne. Cet enserrement de la vie quotidienne n’est pas seulement à l’œuvre du fait de l’Etat et du marché. Il ne s’applique pas seulement aux travailleurs ou aux consommateurs que nous sommes. C’est l’ensemble de nos actions et de notre subjectivité qui se trouve transformé par le techno-capitalisme.

    On peut ainsi citer les analyses faites sur la transformation de notre rapport au temps, que ce soit par Paul Virilio ou Hartmut Rosa : l’accélération du monde vécu, qui a pour corollaire le rétrécissement de l’espace et l’augmentation du stress. Cette transformation du rapport au temps se traduit par une diminution du temps de sommeil, comme le souligne Jonathan Crary dans 24/7 - Le capitalisme à l’assaut du sommeil (2014). Cette colonisation technocratique du monde est à l’œuvre également dans l’espace urbain, comme l’analyse Elisabeth Pélegrin-Genel, dans Des souris dans un labyrinthe (2012). Cette emprise sur notre monde vécu est présente dans le moindre des objets standardisés de notre vie quotidienne, comme le met en lumière le philosophe Jean-Michel Besnier dans L’homme simplifié (2012). Elle est à l’œuvre enfin dans nos loisirs, en particulier dans ce que le philosophe Roberto Casati appelle le colonialisme numérique.

    Dans ce monde d’objets marchands et de constructions urbaines, pensées selon les logiques des politiques étatiques et de la rationalité capitaliste, quelle place reste-t-il encore pour la constitution de subjectivités individuelles et collectives qui échappent aux logiques du techno-capitalisme ?

    #idées #capitalisme #rationalisme #temps

  • « Être fort assez ». Entretien radiophonique avec Jeanne Favret-Saada - La sorcellerie dans le bocage de Mayenne - jef klak
    http://jefklak.org/?p=2001

    Par @intempestive et Yeter Akyaz

    Oui, voilà, vous étiez sa cliente : vous avez vous-même été engagée dans un désorcèlement avec madame Flora.

    J’étais sa cliente pour ma vie, et d’ailleurs, elle m’a appris des choses. J’étais au même moment en psychanalyse, et elle m’a appris des choses que la psychanalyste était absolument incapable de m’apprendre. Entre autres, à me dépatouiller des rapports de force injustes – ce qui est une chose sur laquelle j’avais toujours achoppé jusque-là. À partir du moment où elle m’a donné, sur plusieurs années, cet entraînement, je l’ai fait sans me fatiguer : dès que je m’aperçois qu’on est en train de me maltraiter, je mets toujours quelques claques morales aux uns et aux autres, jusqu’à ce qu’ils comprennent que je suis là, en face. Après, je m’arrête, parce que moi, j’ai horreur des rapports de force. Mais je peux mettre mon habit de méchante, mon habit de fille agressive avec des collègues, par exemple.

    Très chouette entretien

    #sorcellerie

    • [Ils disqualifient] même les pratiques paysannes. Par exemple, le directeur de l’hôpital psychiatrique me disait : « Être psychiatre ici, c’est de l’art vétérinaire. Ils n’ont pas de parole. » Ce n’est pas vrai. Quand ils ont commencé à me parler, ils ne s’arrêtaient pas pendant quatre heures. On peut dire qu’ils ont une parole. Interdite ou retenue devant le notable qui peut les interner, mais c’est tout. On ne peut pas dire que ce sont des êtres sans paroles, mais on peut dire qu’ils savent ce qu’est un rapport de force et qu’ils ne vont pas se risquer.

      Vous montrez, à travers des exemples, que le discours prétendument rationnel, prétendument scientifique, est chargé de mythologie et de représentations qui ne sont pas plus justes que les représentations qui s’expriment à travers la sorcellerie…

      Je peux même vous dire que depuis que mes livres ont été publiés, jusqu’à aujourd’hui – cela s’est produit cette semaine encore –, il y a pas mal de savants et de chercheurs qui m’écrivent pour me demander de les « désorceler ». D’ailleurs, je ne réponds pas, en général, à ces lettres parce qu’ils penseraient que c’est moi qui dois les désorceler, ce que je ne veux pas faire, de toute façon. J’ai eu sept ou huit directeurs de recherche au CNRS qui m’ont directement demandé de les désorceler. Donc il ne faut pas… vous voyez.

      Mais là, ce sont des comportements totalement irrationnels au regard de l’univers dans lesquels ils s’expriment…

      Être pris dans une crise de sorcellerie, c’est être pris dans des malheurs à répétition. Tout lecteur de mes livres, y compris s’il est directeur de recherche au CNRS, qui est lui-même pris dans des malheurs à répétition, se projette immédiatement sur ce que j’écris et pense tout de suite que j’ai la clef de son problème. Bien qu’il sache qu’il y a d’autres types de personnes qui s’occupent des malheurs à répétition, par exemple les psychiatres, les psychanalystes et toute une série de gens qui ont inventé les thérapies pour ceci ou cela, il ne veut pas s’adresser [à ces personnes]. C’est ce qu’il ne dit justement pas : « Je ne veux pas m’y adresser » ou : « Je m’y suis adressé et ça ne m’a rien fait ». C’est tout à fait absent de leur propos. [Ils disent :] « Je veux que vous me trouviez un désorceleur ». Vous voyez.

      Mais ce qui est frappant, c’est de voir comment le moindre de mes lecteurs, pourvu qu’il soit pris dans des malheurs à répétition, se projette immédiatement, parce qu’il a, comme je le dis dans un papier qui sort ces jours-ci2, « la mort aux trousses ». Il sent qu’il a la mort aux trousses, et là, il ne fait plus du tout de discours, il ne fait plus de chichis intellectuels, il ne dit pas : « Ces gens sont irrationnels ! » ou « Moi, je suis rationnel ! » ; il dit : « Je veux en sortir ! ».

      #paysannerie
      #mépris_de_classe #déshumanisation
      #rationalisme #rationalité

    • Passionnant, #merci. Ça donne envie de lire ses bouquins.

      Ça m’a fait penser à certaines choses dont parle Tobie Nathan ("le représentant le plus connu de l’#ethnopsychiatrie en France" http://fr.wikipedia.org/wiki/Tobie_Nathan).

      Après, je n’ai lu de lui que 2 romans , il y a longtemps (Dieu-Dope et Saraka Bô, qui m’ont assez plu).
      Jeanne Favret-Saada et lui doivent sûrement se connaître, je me demande bien quelles sont leurs positions respectives ^^

  • Paul Feyerabend, anarchiste des sciences
    http://www.laviedesidees.fr/Paul-Feyerabend-anarchiste-des-sciences.html

    Paul Feyerabend ne cessa de critiquer le rationalisme et l’approche abstraite de la philosophie des sciences, enfermée dans son jargon et son logicisme. Quitte à prêter le flanc au relativisme et à passer pour « le pire ennemi de la #science » ?

    Essais & débats

    / science, rationalité, #épistémologie

    #Essais_&_débats #rationalité

  • « Il n’est pas interdit d’être de gauche et de #bon_sens », affirme Emmanuel Macron dans Ouest-France, qui a repris la phrase en titre de l’interview.

    (...) C’est Roland Barthes qui a porté l’estocade à l’expression, dans une formule restée célèbre, reprise par la suite à l’envi par les marxistes : le bon sens, c’est le « chien de garde des équations petites-bourgeoises ».

    http://blogs.rue89.nouvelobs.com/les-mots-demons/2014/09/02/bon-sens-ooops-macron-vante-le-chien-de-garde-de-la-petite-bo via @mona

    #raison #rationalité #réalité #rhétorique

  • Kant, c’est plastique
    http://lemonde.fr/livres/article/2014/08/28/kant-c-est-plastique_4478274_3260.html

    Avant demain poursuit ce travail. Kant soutenait que la raison, par ses seuls moyens, ne peut rien dire sur le monde ; il faut qu’elle soit informée par l’expérience. Cependant l’expérience, elle, est conditionnée (par le #temps, l’espace, la causalité, etc.), et ces conditions ne sauraient être dérivées de l’expérience. Vous ne les trouverez pas sous votre microscope, puisqu’il faut que vous les ayez déjà acceptées pour reconnaître comme un fait ce que vous voyez dans votre ­microscope ! Mais ces conditions (que Kant appelle « transcen­dantales ») ne sauraient, non plus, être nécessaires en elles-mêmes. Elles sont nécessaires pour nous. Il se trouve que notre expérience n’est possible que par elles. D’où leur instabilité : sont-elles une sorte de fait contingent, ou bien une nécessité ?

    Cette question hante la #philosophie moderne. Le #livre de Malabou traverse les grandes lectures de Kant, mais sur le mode d’une enquête, en prenant pour indice une expression que Kant utilise très précisément au paragraphe 27 de Critique de la raison pure : « épigenèse de la raison pure ».

    L’épigenèse s’oppose à la préformation : celle-ci soutient qu’un corps est le développement d’un programme entièrement déterminé ; celle-là, au contraire, qu’il est le résultat d’une aventure embryonnaire toujours en contact avec son dehors. Parler d’épigenèse de la raison, c’est donc suggérer que le transcendantal n’est pas juste « ainsi et pas autrement » ; il est le résultat d’un ­développement. Mais – et tout l’intérêt du livre de Catherine ­Malabou est là – l’épigenèse n’est pas une remontée à l’origine ; elle est au contraire l’ouverture à une transformation de soi : elle « joue avec les forces de son propre dehors à partir de ses ressources créatrices, formatrices et trans­formatrices. On parvient ainsi à définir le cœur de la #rationalité comme milieu mobile entre ­constitution et dessaisissement de soi ».

    cc @opironet @pguilli @prac_6

  • #politique et internet : mais que s’est-il donc passé ?
    http://www.internetactu.net/2014/04/10/politique-et-internet-mais-que-sest-il-donc-passe

    C’est pour témoigner que Pierre Mounier (@piotrr70) était invité au séminaire de l’Institut rhône-alpin des systèmes complexes (Ixxi) sur la gouvernance politique à l’heure du numérique. Témoigner de son expérience, non pas en tant que directeur adjoint du Centre pour l’édition électronique ouverte, ni comme animateur du blog Homo-numericus, mais en tant que militant politique et candidat aux élections législatives…

    #Participation

  • “La liberté d’utiliser ou de repousser la #technologie est inexistante aujourd’hui”, #Alain-Damasio, écrivain de SF - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/idees/la-liberte-d-utiliser-ou-de-repousser-la-technologie-est-inexistante-aujour

    Ma thèse est la suivante : la technologie accroît notre pouvoir sur les choses mais diminue notre puissance de vivre. Elle nous pousse à déléguer ce que nos forces intérieures sont capables d’accomplir seules. Des philosophes comme Jean-François Lyotard et Spinoza font cette distinction entre pouvoir et puissance et je la trouve très probante dans notre relation aux nouvelles technologies.

    • Nous sommes aussi en train d’externaliser le cerveau ! Nous déléguons toutes nos facultés cognitives automatisables. L’orientation avec le GPS, la mémorisation avec les moteurs de recherche, l’organisation rationnelle à coup d’applis dédiées. Michel Serres a joliment développé ces enjeux. Il fait preuve d’une sorte d’optimisme technologique et trouve formidable d’externaliser la mémoire pour se concentrer sur le plus beau de l’être humain : la créativité.

      En vérité, nous avons délégué tellement de nos capacités à la technologie que si l’on n’y prend garde, il ne nous restera que l’émotion brute. La créativité n’apparaît pas du jour au lendemain, elle demande des années de construction. Il faut avoir des piles de pont mémorielles pour pouvoir relier les choses, pour pouvoir même penser. Sans cette mémoire de travail, sans ces structures cognitives de base que sont l’analyse, la synthèse, l’effort de classer ou de hiérarchiser, nous deviendrons tout doucement des légumes qui feront des likes et des dislikes sur Internet, retransféreront des tweets et singeront des mèmes parce que nous n’aurons plus l’appareil cognitif pour manipuler tout ça.

      Il est urgent d’apprendre aux gens à aller au bout de ce qu’ils peuvent, avec leur propres forces – intellectuelles, corporelles, spirituelles – leur rappeler que percevoir est un art qui prend des années de minuscules efforts quotidiens. Le transhumanisme est une fermeture frustrée au monde parce que l’humain n’a pas encore livré toute sa saveur, sa grandeur et son intelligence sensible, qui jaillit à la jonction de la chair et de l’esprit. Notre intellect est infini, certes, mais comme le disait Spinoza, il y a plus fascinant encore : « on ne sait pas ce que peut un corps ». Alors apprenons.

    • C’est juste @aude_v, ce sont aussi les mêmes arguments « pour aider les handicapés » dans les technologies sécuritaires : surveillance par bracelet GPS des personnes atteintes d’Alzheimer.

      On tente de pallier au handicap de la liberté, de ce qui n’est pas contrôlable ou échappe à la raison.

      Le « progrès » fabrique nos handicaps en nous faisant perdre l’autonomie de la connaissance (je pense à Ellul) savoir faire notre pain, nos vêtements, jusqu’à notre épanouissement personnel, sans être relié à un réseau technologique (informatique, électrique) devient impossible voire impensable. Nous faisant perdre donc notre capacité à nous penser autrement que comme handicapé.

    • Oui, mais c’est toujours le même scénario fascisant qui se rejoue sur le dos des libertés, et ce n’est pas faute de ne pas avoir dénoncé comme une manipulation le processus que tu évoques .
      L’handicapé est sans capacité à agir, comme il ne peut pas, il n’a pas le pouvoir de, on se subordonne à lui dans l’agir.
      De la même façon que le système représentatif fait que le citoyen se laisse subordonner par le principe du vote et qu’il est de ce fait considéré comme incapable de politique, handicapé des décisions collectives, relégué à l’urne.

      Les dérives technologiques de surveillance globale étaient plus que prévisibles, mais les représentants politiques, comme le législateur n’ont rien fait pour protéger les principes fondateurs du vivre ensemble. Bien au contraire, en se mettant à la botte des industriels de l’armement ils ont alimenté le moteur antidémocratique.

      Comme pour la peine de mort, ce n’est pas à la morale des médias de comptoir d’en décider mais à un projet philosophique globale de société et de respect de l’humain pour lequel il fallait s’unir.
      Parce que tout se construit, la morale comme les

      vrais besoins ou de situations inacceptables

      il faut savoir défendre des idées et un choix de société bien au delà de faits douloureux, un courage qui manque aujourd’hui.

      http://souriez.info/Un-oubli-a-reparer-le-rapport-du-commissariat-a

      Le 4 octobre 2001, Le commissaire à la protection de la vie privée au canada, George Radwanski :

      « Dans les États policiers, il peut y avoir peu ou pas de criminalité, mais il y a également peu ou pas de liberté. Ici au Canada, nous modérons les activités d’application de la loi en fonction du genre de société que nous choisissons. Nous ne tolérons pas d’énormes violations des droits de la personne, peu importe la mesure dans laquelle elles peuvent s’avérer utiles pour prévenir ou résoudre les crimes.

      Nous faisons ces choix parce que, même si nous voulons une société sûre, nous reconnaissons que notre sécurité et notre qualité de vie ne se limitent pas à l’absence de criminalité »

  • L’intime, un concept politique - La Vie des idées
    http://www.laviedesidees.fr/L-intime-un-concept-politique.html via @bug_in

    L’enjeu du livre de Michaël Foessel est de dégager, délimiter et promouvoir, aux côtés des sphères publique et privée auxquelles se limitent les théories politiques modernes et contemporaines, la sphère de « l’intime ». S’il importe de prendre la mesure de cette sphère, c’est qu’elle met en jeu des expériences spécifiques quant au mode de #relation, de visibilité et de responsabilité entre les #individus. Dans le schéma dichotomique classique, ces expériences sont trop souvent confondues avec celles qui ont cours dans le champ du #privé, alors que ce dernier relève exclusivement du domaine économique et rend compte des relations individuelles sur le modèle de transactions entre des propriétaires (de soi, de son corps), y compris au sein du #couple et de la #famille. Au contraire, pris dans sa spécificité, l’intime nous permet de penser une autre approche du politique — selon une double dimension.

    Dimension normative d’abord : l’intime et le public partagent des structures et des normes communes qui les distinguent, ensemble, du privé : c’est notamment le cas, dans la « démocratisation de l’intime » (selon l’expression de Giddens), de la progressive imposition de l’idée selon laquelle la vie personnelle est un « projet ouvert » et non pas caché ou silencieux. Dans le couple pris comme « lieu d’élaboration éthique » (p. 39), les partenaires ne sont pas pensés comme des co-contractants aux liens d’abord sociaux et juridiques, mais comme les tenants de discours de soi qui ne font sens que dans la relation, en prenant le risque de la désappropriation de soi. De ce point de vue, s’attacher à penser la spécificité de l’intime permet de se délivrer de l’erreur qui consiste à replier le politique sur l’économique. Ainsi peut se dégager une autre manière de penser le politique et ses acteurs, les individus affectifs et non pas seulement les individus performants, pris dans un « vivre ensemble » dont les modalités, sentimentales et morales, sont elles aussi renouvelées.

    De là découle la seconde dimension, pratique et positive : l’intime nous donne accès à un pan trop ignoré de la démocratie, la démocratie « sensible » (p. 138) — au double sens d’une démocratie des sentiments et d’une démocratie vulnérable, qu’il s’agit précisément de protéger contre l’intrusion du privé ou contre l’interprétation exclusivement sociale des #identités et des interactions.

    nous sommes invités à nous méfier de la mise en scène des sentiments par les acteurs politiques professionnels, qui jouent des confusions conceptuelles et des dénis de reconnaissance qui affectent les individus dans leur vie quotidienne pour promouvoir leur propre carrière publique, pensée comme celle d’entrepreneurs d’eux-mêmes. Ils font étalage d’un amour « réussi », performant, légitimés dans cette pratique par la dissolution générale de l’intime dans la #rationalité stratégique. C’est au nom d’une recherche de l’authentique que l’attitude politique de la méfiance, à la fois philosophique et engagée, doit être adoptée.

    la « pipolisation » est cette pratique de mise en scène de soi contrôlée et contractuelle dans laquelle M. Foessel voit le paradigme de la tendance néolibérale à dissoudre le public et l’intime dans la sphère du privé.

    Le second intermède poursuit l’interrogation sur la nature du « moi » de l’homo œconomicus que thématise l’individualisme libéral, à partir d’une lecture d’Adolphe de Benjamin Constant, « roman de la disparition de l’intime dans le “privé” » (p. 100). Adophe, confondant l’idéal d’authenticité et l’impératif de réussite, rate ses amours et sa vie en demeurant étranger auprès des autres, incapable d’engagement — ce qui selon M. Fœssel, est le pendant inévitable de la liberté négative des Modernes. En effet, la #modernité libérale arrache l’intime à la contrainte normative de la tradition, mais commet dans le même mouvement l’erreur de le conceptualiser en termes de « droit à la vie privée » ; or « le privé nous appartient alors que l’intime nous concerne » (p. 111). Se joue ici la confusion essentielle qui nous conduit à oublier d’agir selon le souci authentique de soi. Nous sommes ainsi amenés à prendre pour « moi » ce qui s’expose comme moi et qui se trouve seulement pris dans une logique stratégique : la transparence donnée en spectacle remplace l’authenticité d’un échange intime de regards.

    #vie_intérieure #réciprocité #privatisation #marchandisation #narcissisme #néolibéralisme

    de quoi enrichir aussi les discussions sur la #prostitution

    et comme on parlait dernièrement (notamment @aude_v) de la perte de la réciprocité, je dirais que le commerce et l’idée de « ne rien devoir à personne » sont un mode d’échange correspondant à la sphère du privé, tandis que la #logique_du_don et la non-comptabilité correspondraient à l’authenticité et à l’intime, prenant en compte les liens non mesurables de tout un chacun avec le monde.

  • Sur l’absence de limites et la perte de sens, les liens entre science et irrationnalité, la barbarie

    entretiens avec Jacques Ellul
    http://www.dailymotion.com/video/x4dwrz_jacques-ellul_tech


    [à partir 6:05] Ce monde #technique est sûrement celui de l’insignifiance, où tout est équivalent à tout, en même temps que celui de la puissance. Les deux choses sont liées. Quand vous arrivez à une #puissance extrême, ce que vous faites n’a plus de sens [...] Quand vous pouvez tout faire, vous avez éliminé les #valeurs. Quand un Etat arrive, comme l’Etat hitlérien, au sommet du « tout est possible », ça veut dire que rien n’a plus de sens.
    [...]
    L’Etat hitlérien a été une réussite assez exceptionnelle, une crise de fièvre qui heureusement n’a pas été au delà (mais nous en sommes toujours menacés). C’est bien plus qu’une dictature, c’est la combinason d’une #rationalité technicienne absolument rigoureuse et de l’utilisation de l’irrationnel de l’homme qui est intégré dans le système. C’est ça qui me paraît être la réussite effroyable des hitlériens.
    [...]
    La technique militaire à permis d’éliminer l’hitlérisme, mais d’un autre côté quand on voit l’utilisation de la torture et le développement des camps de concentration et de tous les systèmes bureaucratiques et aussi la croissance du pouvoir de l’Etat, on est bien obligé de dire que le système hitléren a influencé notre société, et combien. Alors on a des réserves morales, c’est bien gentil mais pour le fond du problème nous sommes mal engagés à sa suite.

    conf de Miguel Benasayag
    https://www.youtube.com/watch?v=8LHPR9uawrI


    [à partir de 6:58] Tout se passe comme si des processus techniques très rationnels étaient capturés par un irrationnel très fou. Tout à coup ce désir de non-limite devient aujourd’hui envisageable scientifiquement, dans une vision du monde sans #limites. Des processus tout à fait rationnels sont hantés par un désir absolument irrationnel d’absence de limites. Problème : ce sont en grande partie des fanatiques ou des obscurantistes ou des moralistes qui nous disent « il y a des limites », et on a vite fait de les qualifier de technophobes ayant peur de choses nouvelles qu’ils ne comprennent pas. La réponse « des valeurs, oui, même irrationnelles » n’est pas satisfaisante, et en même temps tout se passe comme s’il y avait d’un côté une « sagesse » fanatique et de l’autre un irrationnnel technico-scientifique. La question est comment pouvons-nous introduire dans notre modèle de pensée, d’agir, de recherche, des limites qui disent que tout n’est pas possible, car si on postule que tout est possible rien n’est réel.
    Il existe certains invariants biologiques, par exemple le fait que le vivant fonctionne en perte permanente de son matériel. Si cette perte ne peut plus avoir lieu le vivant disparaît. L’identité du vivant existe au prix de la perte matérielle. L’idée irrationnelle du « toujours plus » est dangereuse et idéologique.
    Actuellement nous vivons peut-être l’équivalent d’une transition de phase, pendant laquelle une partie des processus ne sont pas codifiables et modélisables, ne peuvent pas être compris par les outils conceptuels de la technologie dominante. Le danger vient d’une information et d’une modélisation trop virtualisées, qui font que ce « toujours plus » est en pure perte de substance et de sens, et qu’on peut louper et piétiner sans s’en rendre compte des choses essentielles.
    Il est important d’éviter cette contamination idéologique du « toujours plus », de l’absolu qui du religieux est aujourd’hui passé dans le scientisme. La #culture doit recoloniser la technique et l’économie.
    L’absence de limites, au niveau individuel ça correspond à la psychose, au niveau biologique c’est le cancer, et au niveau social c’est la #barbarie ou le #néolibéralisme.

    (au passage merci @Mona et @bug_in par qui j’ai découvert il y a quelques années Miguel Benasayag et Jacques Ellul)

    • Dommage que Benasayag en reste a l’idée de réintroduction des valeurs, qui sont d’ailleurs plus une question d’établissement de sens, de justice, que de limite (la limite est donné par le sens, les objectifs qui apparaissent grace a lui).
      A chaque fois que je reparle du transhumanisme et des idées de ce genre, il est clair pour moi que c’est une question de justice, de ce qu’entraine des dépendances.
      On aura tjs des dépendances, c’est comme ça, on est vulnérable (comme disent les partisans du care), mais c’est une vulnérabilité qui doit être pensée, rationalisée, questionné au niveau de ce que les diverses possibilité de dépendances entrainent.
      A partir de la il y a tout un tas de critères intéressant, comme la possibilité de réparer soi même ou en petit groupe (sans dépendre d’entreprises et de diplome, ou certificat), que ce soit avec des éléments rennouvellables disponible localement etc...
      Je pense que l’angle de benasayag, même s’il n’est pas faux, sur la question de la nécessité d’acceptation d’une perte pour avancer et venir critiquer le tjs plus, ainsi que sur l’importance du lien plutôt que les parties, risque de perdre les auditeurs et surtout de nous mettre sur un terrain trop peu politique et trop culturel. Un terrain malheureusement établi par Illich et d’autres :/

    • salut Florian
      je passais de temps en temps sur le forum de decroissance.info de fin 2004 (zecc « organisons-nous » à l’époque) à 2007

      sur le fait d’accepter la perte comme faisant partie du vivant ça me rappelle aussi ce qu’en disait Harold Morowitz (cité par Augustin Berque) :

      Toute chose vivante est une structure dissipative, c’est-à-dire qu’elle ne dure pas en soi, mais seulement en tant que résultat du flux continuel de l’énergie dans le système. De ce point de vue, la réalité des individus pose problème parce qu’ils n’existent pas [en eux-mêmes] mais seulement comme des perturbations locales dans ce flux d’énergie universel.

      Je pense que c’est un peu aussi à ça que Benasayag fait référence. C’est une vision de l’individu que j’aime bien.

      oui les sauts béarnais et les sauts basques sont en fait les mêmes, c’est juste la langue qui les accompagne qui change :-)

    • Je ne remet pas en cause sinon, les propositions de benasayag sur l’individu qu’on trouve notamment dans ses livres, que j’avais bien aimé (le mythe de l’individu). Mais j’ai peur qu’il reste au niveau psy - qui est son domaine - alors qu’il y a d’autres éléments politiques sur lesquels on a tous droit de s’exprimer qui peuvent être recherché.

      Pour les sauts, pas tout a fait ! (je connais quand même un peu :p ) D’abord il semble qu’il y a des sauts basques qui n’ont pas d’équivalent béarnais, ensuite la manière dont on termine le pas du « simple » par ex. ou d’autres est différente. Sans oublier évidemment les particularité selon les vallées, mais ça c’est autre chose.

    • oui possible qu’il s’attache surtout au niveau psy, je ne saurais trop le dire. pour ma part j’aime bien l’approche sorcière http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=59#chapitre4 (sans pour autant que ça en exclue d’autres)

      je n’ai pas regardé les sauts béarnais d’assez près alors :-), la fois où j’en avais vu j’étais surtout frappé par leur ressemblance avec les nôtres.
      l’histoire et la romanisation partielle des Pyrnénées ont fait diverger certains détails, mais le fond est commun.

  • "Relire Marcuse pour ne pas vivre comme des porcs"

    Une vivifiante et salutaire analyse de l’oeuvre de Marcuse par le philosophe et mathématicien #Gilles_Châtelet publié dans le Monde diplomatique en août 1998.
    Pour appuyer l’exposé de Gilles Châtelet, une passionnante interview (1976) de #Marcuse ou il évoque entre autres le rôle de la philosophie politique dans les sociétés modernes.

    http://www.monde-diplomatique.fr/1998/08/CHATELET/10825

    Pour Marcuse, vivre les années 30, c’était être confronté directement à trois dispositifs redoutables qui articulaient la puissance technique et la domination politique : nazisme, socialisme totalitaire et capitalisme démocratique, par lesquels « la société et la nature, l’esprit et le corps sont gardés dans un état de mobilisation permanent ».

    Nous savons désormais que l’histoire a tranché et éliminé les deux dispositifs de mobilisation les plus brutaux ; que c’est la technologie de persuasion la plus subtile - et certainement la moins odieuse - qui l’a emporté. Mise au point par les ingénieurs sociaux américains des années 20, la « #manufacture du #consentement (8) », cette technologie répertoriée par Noam #Chomsky (lire « Machines à endoctriner ») comme machine à endoctriner, réussit à sévir ici et maintenant, partout et nulle part, des sphères les plus intimes de l’égo jusqu’à celles qui impliquent la mobilisation de masses humaines de très grandes dimensions.

    Partie 1/5
    (Il faut activer les sous-titres)
    https://www.youtube.com/watch?v=DMV-BR5AE00


    (...)

    Refuser d’affronter le problème de la mobilité, c’est céder à ce que Hegel appelle le valet de soi-même, à son prosaïsme, à son inertie, à son horizon borné, rester crispé à la finitude, tôt ou tard capituler devant les technologies de mobilisation (11) ou de mise au pas brutales ou subtiles. Penser la mobilité, c’est, selon Marcuse, capter toute la patience et le mordant de la pensée négative dont on pouvait croire qu’ « elle est en voie de disparition ». C’est refuser d’abdiquer devant les impostures qui prétendent aller de soi et se donnent comme « philosophie positive », légitimant une « sage résignation (12) » devant des lois sociales aussi naturelles que les lois de Newton. Avec cette philosophie, « combien il est doux d’obéir, lorsque nous pouvons réaliser le bonheur, d’être convenablement déchargés, par de sages et dignes guides, de la pesante responsabilité d’une direction générale de notre conduite (13) ».

    Partie2/5
    https://www.youtube.com/watch?v=vpr8ggnv9LI


    (...)

    Les analyses de L’Homme unidimensionnel amplifient l’offensive contre la « philosophie positive » et son jumelage de plus en plus tyrannique entre opérations mentales et pratiques sociales. Avec beaucoup de lucidité et de talent polémique, elles dénoncent le « jargon tracassier » et le « concret académique » d’une certaine philosophie qui aimerait réduire toute proposition à des énoncés aussi bouleversants que « Mon balai est dans le placard », « John mange le chapeau de Paul » ou le classique « Betty a cassé son sèche-cheveux au coin de la rue ».

    Marcuse anticipe le dressage cognitif et ethico-neuronal contemporain ! On se tromperait pourtant en y reconnaissant une méfiance conventionnelle de la technique. Ce ne sont pas les robots qui sont à craindre mais notre soumission de plus en plus étriquée à la commande socio-opérationnelle et Marcuse remarque : « La machine est une esclave qui sert à faire d’autres esclaves... Régner sur un peuple de machines asservissant le monde entier, c’est encore régner et tout règne suppose l’acceptation des schémas d’asservissement (15) .

    Partie 3/5
    https://www.youtube.com/watch?v=dEJV0Mt4t1w


    (...)

    Pour la Triple Alliance, tout ce qui prétend ne pas s’incliner devant les états de fait ou ne pas se reconnaître dans une pensée algorithmique, est soupçonnée de « romantisme malsain » d’« élitisme » ou, au mieux, de folklore recyclable dans les spéculations inoffensives des « cultural studies ». La science est d’ailleurs, elle aussi, mise à contribution : on ne compte plus les « Réflexions » ou les « Dialogues », différents par leur contenu scientifique mais identifiables par leur rationalisme endimanché et le ton désabusé qui sied à la philosophie en chaise longue. Nous sommes ici, bien sûr, aux antipodes des « philosophies dangereuses » réclamées par Gilles Deleuze et Michel Foucault : ce « rationalisme » ne menace que par son inertie et sa lourdeur - comme une barge à la dérive.

    Partie4/5
    https://www.youtube.com/watch?v=3yI8MeBBLdI


    (...)

    Le mariage - de cœur et de raison - de la Triple Alliance et de la Contre-Réforme libérale est désormais officiel, avec sa définition du travail comme denrée rare, ne posant aucun problème scientifique, transparent, reproductible et formalisable ; travail « outputé » par des opérateurs (17), ou mieux, des UET (unité élémentaire de travail).
    C’est la même pensée qui veut mater toute subversion de la langue et nier le réel du travail. Il s’agit, coûte que coûte, d’affubler la guerre de tous contre tous d’une rationalité cybernétique, quitte à nourrir - comme M. Bill Gates - l’ambition secrète de fabriquer des tranches d’âges, des comportements et des psychologies comme des jeans ; et remplacer la spéculation sur la viande sur pied des ingénieurs financiers d’autrefois par la spéculation sur un immense cheptel de neurones sur pied.
    Mais, performance oblige - et ceci n’aurait pas surpris Marcuse -, la Triple Alliance sait se montrer festive avec tout le cortège New Age, du nomade, du chaos, et pourquoi pas, du fractal. Pourtant, déjà Carnaval fait la grimace ; la langue semble se venger comme les incendies vengent la nature lorsque la broussaille fait place à la forêt : épidémies de lynchages médiatiques, proliférations de psychologies-zombies et, surtout, superstitions cultivées et engrangées par les sectes multinationales.

    Parie 5/5
    https://www.youtube.com/watch?v=-7V4gGfrJDU

    Extrait de « l’homme unidimensionnel » (P/74/75)

    La #société industrielle récente n’a pas réduit, elle à plutôt multiplié les fonctions parasitaires et aliénées(destinées à la société en tant que tout, si ce n’est à l’individu).
    La #publicité, les relations publiques, l’#endoctrinement, le gaspillage organisé ne sont plus désormais des dépenses improductives, ils font partie des couts productifs de base. Pour #produire efficacement cette sorte de gaspillage socialement nécessaire,il faut recourir à une #rationalité constante, il faut utiliser systématiquement les techniques et les sciences avancées. par conséquent, la société industrielle politiquement manipulée à presque toujours comme sous-produit un niveau de vie croissant, une fois qu’elle a surmonté un certain retard.
    la #productivité croissante du travail crée une super #production grandissante (qui est accaparée et distribuée soit par une instance privée soit par une instance publique) laquelle permet à son tour une #consommation grandissante et cela bien que la productivité croissante du travail tende à se diversifier. Cette configuration, aussi longtemps qu’elle durera, fera baisser la valeur d’usage de la liberté ;
    à quoi bon insister sur l’autodétermination tant que la vie régentée est la vie confortable et même la « bonne » vie. C’est sur cette base, rationnelle et matérielle que s’unifient les opposés, que devient possible un comportement politique #unidimensionnel. sur cette base, les forces politiques transcendantes qui sont à l’intérieur de la société sont bloquées et le changement qualitatif ne semble possible que s’il vient du dehors.
    Refuser l’#Etat de bien-être en invoquant des idée abstraites de #liberté est une attitude peu convaincante. La perte des libertés économiques et politiques qui constituaient l’aboutissement des deux siècles précédents, peut sembler un dommage négligeable dans un Etat capable de rendre la vie administrée, sûr et confortable. Si les individus sont satisfait, s’ils sont heureux grâce aux marchandises et aux services que l’administration met à leur disposition, pourquoi chercheraient-ils à obtenir des institutions différentes, une production différente de marchandises et de services ? E si les #individus qui sont au préalable #conditionnés dans ce sens s’attendent à trouver, parmi les marchandises satisfaisantes, des pensées, des sentiments et des aspirations, pourquoi désireraient-ils penser, sentir et imaginer par eux mêmes ? Bien entendu ces marchandises matérielles et culturelles qu’on leur offre peuvent être mauvaises, vides et sans intérêt mais le Geist et la connaissance ne fournissent aucun argument contre la satisfaction des besoins.
    La critique de l’état du bien-Etre en termes de #libéralisme (avec le préfixe néo ou sans sans) n’est pas valable parce qu’elle s’attache à des conditions que l’Etat de bien-Etre a dépassées : à un degré moindre de richesse #sociale et de technologie. Cette critique manifeste son aspect #réactionnaire en attaquant la législation sociale dans son ensemble et des dépenses gouvernementales justifiées et destinées à d’autres secteurs que ceux de la défense militaire.

    Traduit de l’anglais par #Monique_Wittig et l’auteur.
    Copyright : Editions de Minuit

    #Philosophie #Subjectivité #Existentialisme #Utopie #Praxis #anthropologie #Politique #idéologie #Sciences #Technologie #Marxisme #Socialisme #Capitalisme #Théorie_critique #Marchandise #Prolétariat #Travail #Aliénation #Ordre #Autorité #Violence #Kant #Hegel #Marx #Husserl #Freud #Heidegger #Sartre #Adorno #Horkheimer #Benjamin #Ecole_de_Francfort #Livres #Vidéo

  • Gilbert Simondon philosophe de la technique qui a pensé le pouvoir et l’ontologie poétique de la « machine »
    Partie 1 :
    https://www.youtube.com/watch?v=VLkjI8U5PoQ

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilbert_Simondon

    La pensée de Simondon a influencé la pensée naissante de Gilles #Deleuze, qui l’évoque dans Différence et répétition et Logique du sens. Mais l’œuvre de Simondon n’est véritablement découverte par les philosophes que depuis la fin des années 1990, et elle continue d’ailleurs de paraître de façon posthume. Les deux concepts qui dominent ses thèses principale et complémentaire pour le Doctorat d’État - c’est-à-dire ses deux ouvrages les plus connus - sont les concepts d’individuation et de transduction.
    Simondon, critique de l’hylémorphisme de la tradition philosophique occidentale, opère dans sa thèse principale la synthèse, et donc pour certains le dépassement, des pensées de Gaston #Bachelard et Henri #Bergson : à l’#épistémologie anti-substantialiste du premier, qu’il reprend et approfondit sous le nom de « réalisme des relations », il adjoint une #ontologie génétique des « régimes d’individuation », qu’il décline en trois catégories : le #physique, le #vital et le #transindividuel.
    Dans sa thèse complémentaire, il réconcilie culture et technique en s’opposant au « facile #humanisme » technophobe au profit de ce que l’on peut nommer un « humanisme difficile » (selon J.-H. Barthélémy). Il est par ailleurs l’héritier - involontaire - de Jacques Lafitte, qui, dès 1932, a préconisé le développement d’une science des machines, la « mécanologie ». Comme l’a montré Pascal Chabot (2003), une des oppositions centrales de l’œuvre de Simondon est celle de l’adaptation et de l’invention.
    D’un point de vue plus général, sa pensée est un dialogue constant mais plus ou moins explicite avec #Kant, comme avec #Marx, mais aussi avec la cybernétique. L’œuvre de Simondon est par ailleurs l’une des principales sources, avec l’œuvre de Freud pour ce qui est de la compréhension de l’appareil psychique, de la pensée de Bernard #Stiegler.

    Partie 2 :
    https://www.youtube.com/watch?v=HRqy9vttW-E

    http://anuel.free.fr/spip/spip.php?article67

    Introduction. Le problème que pose ce texte et celui d’un écart, d’une contradiction entre la réalité de la technique et la représentation que nous en avons. La technique est un phénomène culturel à part entière (dans son principe et dans ses finalités). Ne pas le reconnaître est illégitime et dangereux à plus d’un titre. D’abord cette attitude ne peut qu’engendrer indifférence ou mépris envers les techniciens. Que se passe t il si on néglige par exemple la formation de ceux dont par ailleurs on peut penser qu’ils sont essentiels au fonctionnement de notre monde ? C’est une vieille histoire, il suffit de considérer la place faite au cuisinier ou au parfumeur chez Platon, pour s’en convaincre. C’est encore risquer de ne pas comprendre comment se profile l’avenir d’une société (qui est toujours quelque part une technique) : c’est l’objet du débat aujourd’hui sur l’Internet. Or n’est il pas de la responsabilité des politiques de penser l’avenir ? Enfin on peut se demander si la pensée technique est tout à fait neutre. Ne pas se préoccuper de savoir comment elle fonctionne risque de la voir s’orienter dangereusement. Nous avons ici affaire à un texte philosophique d’abord parce qu’il dénonce une ignorance ou une illusion, ensuite parce qu’il propose de regarder autrement une réalité.

    Texte. L’opposition dressée entre la culture et la technique, entre l’homme et la machine est fausse et sans fondement, elle ne recouvre qu’ignorance et ressentiment.

    Partie 3 :
    https://www.youtube.com/watch?v=kCBWTHjKvbU


    #Gilbert_Simondon #Philosophie #Civilisation #Culture #Technique #Matière #objets #Machine #Cybernétique #Mécanologie #Energie #Anti-phénoménologie #Individuation #Rationalité #Livre #Vidéo

    • Merci @pariaurbain

      J’avais signalé ce #livre il y a quelque temps : http://seenthis.net/messages/98587

      Autrement, paraît que ce #film est super :

      SIMONDON DU DÉSERT
      http://www.hors-oeil.com/index.php?option=com_content&task=view&id=67&Itemid=1

      Un film de François Lagarde
      Image, son, montage : François Lagarde
      Dialogue : Pascal Chabot
      Musique : Jean-Luc Guionnet
      Mixage : Mikaël Barre
      Traduction : Aliza Krefetz
      Un philosophe sans image
      http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=DB1pe_PFyq8


      Gilbert Simondon (1924-1989), philosophe français aussi mystérieux qu’important, est de ceux qui, selon la formule, « ont eu tort d’avoir raison trop tôt ». Penseur de la technique et du devenir, il a créé dans les années 1960 des concepts pour dire notre monde. Son langage résonne avec les plus utopiques des propositions contemporaines en faveur d’un nouveau pacte entre nature et technologie. Lu à son époque par quelques proches seulement, dont Gilles Deleuze, il est désormais traduit à travers le monde.

      Comme personne, il apparaît seul, fragile, toujours au bord de la rupture, mais aussi attachant et intègre. De lui, nous n’avons pas d’image, mais de sa pensée, existent des « lieux-moments » qui sont la pointe visible de sa philosophie. De Lecce à Brest, du CERN de Genève aux grottes préhistoriques du Mas d’Azil, du Collège de France aux moulins des Flandres, des penseurs racontent comment leur parcours a été transformé par leur rencontre de Simondon. Vies et théories se nouent pour dire la singularité d’une démarche.

      En filigrane, une question revient, obsédante : quelles sont les raisons qui ont pu masquer à ce point une œuvre aussi magistrale dont la pertinence et l’humanité nous éclairent aujourd’hui ?