• Débat sur la violence des jeunes : « La répression est une idée populaire, mais c’est un échec »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/24/debat-sur-la-violences-des-jeunes-la-repression-est-une-idee-populaire-mais-

    Face à la description de la « violence déchaînée, morbide, sans règle » de certains jeunes, le 18 avril, par le premier ministre, les historiens que nous sommes proposent d’inscrire un nouveau chapitre au programme d’éducation civique qui lui tient tant à cœur. Il s’intitulerait : « La #justice des #enfants ou la longue histoire d’une addiction à la sanction ». Il permettrait de raconter à nos écolières et nos écoliers comment, depuis le XIXe siècle, ses prédécesseurs ont fait face au « fléau de la #délinquance_juvénile » décrite comme « toujours plus violente, plus nombreuse, plus précoce » (Le Petit Journal, 1907). Les élèves découvriraient sans doute avec surprise que ses propositions s’inscrivent dans une fascinante continuité, qu’elles ont été maintes fois appliquées et qu’à l’épreuve des faits leur efficacité est discutable.

    Le chapitre débuterait en 1810. On ouvrirait ensemble le code pénal de Napoléon (empereur peu réputé pour son laxisme), et les élèves liraient dans ses articles la volonté de ne plus juger un enfant comme un adulte, la nécessité de pouvoir l’excuser du fait de sa minorité. Ils observeraient aussi que, sans doute effrayé par sa propre hardiesse, le législateur impérial s’assure néanmoins que tout enfant capable de marcher et de voler une pomme puisse être envoyé en prison ordinaire.
    L’histoire se poursuivrait avec une analyse de la loi de 1850 « sur le patronage des #jeunes_détenus », censée répondre à l’échec de la #prison. Les députés républicains considèrent alors que le gamin de Paris, le petit vagabond, l’enfant de parents ouvriers – souvent décrits comme abrutis de travail et viciés par l’alcool – doit bénéficier d’une correction avant de « tomber dans la délinquance », pour reprendre les mots de M. Attal. Selon eux, pour le redresser, il est nécessaire de le placer en #internat_disciplinaire, loin de la ville et d’une famille défaillante, afin de le remettre sur le bon chemin.

    Malgré les rapports parlementaires dénonçant le coût de ces institutions, leur violence et le niveau élevé de récidive des jeunes placés, ces « colonies agricoles pénitentiaires » fleurissent. La France est inquiète ! Des bandes de jeunes gens cruels font régulièrement la une de la presse à grand tirage, et les statistiques, déjà, sont formelles : « De 16 à 20 ans le nombre de jeunes délinquants quadruple » (Le Temps, 1899) ; « Inquiétante augmentation de près de 50 % d’enfants délinquants en vingt ans » (Le Journal, 1901).

    Accompagnement social des mineurs

    Le cours aborderait ensuite les temps bouleversés du début du XXe siècle. En 1912, une nouvelle loi a le courage de considérer que l’accompagnement social des mineurs délinquants est une priorité. Elle n’aura ni les moyens ni le temps d’être appliquée, la Grande Guerre ravivant les angoisses d’une dérive de la jeunesse.
    Néanmoins, l’hécatombe de 14-18 modifie en profondeur le regard des Français sur l’enfermement et la peine. Les élèves liraient alors, médusés, que la presse en vient à se scandaliser du sort réservé aux jeunes délinquants dans les « bagnes d’enfants », certains allant même jusqu’à reprendre les mots d’un poète, Jacques Prévert, dénonçant la « chasse à l’enfant ». Soudain, il serait presque possible de croire que le temps de la jeunesse doit être une promesse.

    Nous pourrions poursuivre avec le second conflit mondial. La France occupée puis libérée, souvent grâce à la fougue de jeunes héros ; un hiver 1945 rude amenant son lot de destructions, de violences, de marché noir, et une explosion de la délinquance juvénile. La France peut alors compter sur l’autorité du général de Gaulle, et c’est bien sa signature qu’ils découvriront au bas du préambule de l’ordonnance du 2 février 1945 « relative à l’enfance délinquante ».

    Nous croiront-ils quand nous expliquerons que ce texte fait primer l’éducation sur la sanction ? Que la prison doit être l’exception ? Parviendrons-nous à faire admettre que l’article 17 expose alors que les mineurs « ne pourront faire l’objet que de mesures de protection, d’éducation ou de réforme, en vertu d’un régime d’irresponsabilité pénale » ? [principe jamais appliqué ; quant à l’éducation... ndc] Rapidement, nous devrons ajouter, pour être précis, que cette ordonnance prévoyait des dérogations, laissant la possibilité aux juridictions de lever l’excuse de minorité. Sans oublier que la peine de mort fut applicable aux mineurs jusqu’en 1981.

    Justice spécifique

    Enfin, il serait temps de conclure. Nous pourrions alors évoquer ce texte fondateur qu’est la Convention internationale des droits de l’enfant (1989), sanctuarisant une justice spécifique pour les #mineurs et l’inscrivant dans un ensemble de droits protecteurs et émancipateurs. Il faudrait des trésors d’imagination pédagogique pour expliquer comment cette apothéose des droits se transforme en véritable feu d’artifice de mesures répressives en France : lois, circulaires, ordonnances affirmant la « fermeté » des pouvoirs publics, création de foyers renforcés (1998) puis fermés (2002), construction d’établissements pénitentiaires pour mineurs (2002), levée de l’excuse de minorité pour les 16-18 ans en état de récidive (2007), peines plancher (2007), tribunaux correctionnels pour mineurs (2010), mise à l’épreuve éducative (2024)…

    La leçon se terminerait, et peut-être qu’un doigt se lèverait pour nous demander : mais alors, si les politiques affirment que la violence des jeunes ne cesse d’augmenter, c’est peut-être que toutes ces punitions ne fonctionnent pas ? Pourquoi continuer ?

    La répression est une idée populaire, mais c’est un échec. Pas tant parce que les jeunes seraient d’incorrigibles criminels biberonnés à la violence, mais parce que la sanction brute se fait toujours prophétie créatrice : elle fragilise des jeunes et leurs familles déjà vulnérables, elle sape le travail social et éducatif censé les aider à sortir de la délinquance. Et si, pour une fois, nous avions l’audace de mettre en application les réformes progressistes votées depuis plus de deux cents ans ?

    La supposée crise de l’autorité que nous traversons ne prend pas racine dans un affaiblissement des institutions. Bien loin d’un « réarmement civique » martial, c’est en conférant aux jeunes liberté, égalité et, in fine, pouvoir d’agir que nous les rendrons maîtres de leur propre destin, artisans de la paix sociale dans un monde qu’ils estiment plus juste et solidaire. En somme, sevrons-nous de l’autoritarisme en pensant l’émancipation de la jeunesse.

    Véronique Blanchard est historienne, enseignante-chercheuse à l’université d’Angers (Temos) ; David Niget est historien, enseignant-chercheur à l’université d’Angers (Temos). Ils sont tous les deux spécialistes de l’histoire de l’enfance, de la jeunesse et de la justice.

    #colonies_pénitentaires et aujourd’hui, outre les #CJD, les #établissements_pénitentiares_pour_mineurs, les #centres_éducatifs_fermés

    • Christian Mouhanna, sociologue : « En dépit de dramatiques faits divers, le nombre de mineurs auteurs de délits baisse »
      TRIBUNE
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/24/christian-mouhanna-sociologue-en-depit-de-dramatiques-faits-divers-le-nombre

      Une fois de plus revient sur le devant de la scène politique et médiatique le thème des #mineurs_délinquants, qui seraient de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Premier ministre, ministres, préfets et syndicalistes policiers reprennent tous cette assertion pour désigner une menace qui viendrait fragiliser la tranquillité et la cohésion de la société.

      L’actualité, il est vrai, invite les responsables à réagir : les meurtres de Grande-Synthe (Nord), Romans-sur-Isère (Drôme) ou Viry-Châtillon (Essonne) et l’agression de Montpellier, lors des deux premières semaines d’avril, choquent l’opinion publique. Faut-il pour autant en conclure que nous avons affaire à un phénomène de masse, accentué par les réseaux sociaux et la perte du sens de l’autorité et du devoir parmi les plus jeunes ? Sans minimiser l’émotion légitime suscitée par ces événements, on peut néanmoins observer que les chiffres disponibles ne confirment pas cette impression.

      Les statistiques des tribunaux nous montrent en effet une baisse notable des mineurs auteurs de délits. Ceux qui sont orientés vers les alternatives aux poursuites, sanctions qui concernent les cas les moins graves, ont diminué de 40 % entre 2018 et 2022. Quant aux faits plus graves, qui font l’objet d’une orientation devant les juges des enfants ou les juges d’instruction, ils baissent de 33 % sur la même période. Globalement, le nombre de mineurs condamnés n’a cessé de diminuer depuis 2017. Et ils représentent toujours une infime minorité des auteurs de meurtres ou tentatives de meurtre.

      Durcissement des lois

      On pourrait objecter qu’il s’agit là d’un effet du « laxisme »
      judiciaire dénoncé par certains, mais en ce qui concerne les majeurs, les condamnations et les incarcérations ont augmenté entre 2018 et 2022. Si l’on regarde les établissements pénitentiaires , ceux qui sont réservés aux mineurs – établissements pour mineurs et quartiers mineurs des prisons – affichent un taux d’occupation de « seulement » 60 % fin 2023, alors qu’il dépasse les 145 % dans les maisons d’arrêt pour majeurs. Et beaucoup de ces jeunes incarcérés (56 %) sont en détention provisoire, en attente de jugement. La baisse du nombre de mineurs sanctionnés par l’appareil judiciaire est d’autant plus remarquable que la période considérée se caractérise par un durcissement des lois visant les comportements jugés inappropriés ou incivils des jeunes, notamment dans l’espace public.
      Bien entendu, ces chiffres ne viendront pas consoler la peine des proches des victimes de ces actes. Ils viennent seulement interroger ceux qui instrumentalisent ces faits divers terribles pour en tirer des leçons sur les évolutions de la société et en faire le terreau de politiques prônant davantage de sanctions. Ces derniers ignorent, ou font semblant d’ignorer, que les lois pénalisant les mineurs n’ont cessé de se multiplier depuis le milieu des années 1990, et jusque très récemment.

      Le nouveau code de la justice pénale des mineurs est entré en vigueur le 30 septembre 2021, réformant l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. C’est la quarantième fois que ce texte, à l’origine fondé sur un équilibre entre éducation et sanction, est modifié. Depuis 2002 et les #lois_Perben, une orientation toujours plus répressive n’a cessé de s’imposer à une justice des mineurs par ailleurs de moins en moins bien dotée en moyens matériels et humains. Cette sévérité renforcée n’a pourtant pas apaisé les discours punitifs. Depuis le début des années 2000, les ministres de l’intérieur successifs reprennent la rengaine des « mineurs délinquants de plus en plus jeunes et de plus en plus violents », alimentant un discours anxiogène sur le déclin supposé de nos sociétés.

      Ce discours n’est ni neuf ni étayé par des résultats scientifiquement prouvés, bien au contraire. Toute réflexion s’appuyant sur les nombreux rapports disponibles dans les ministères ou les assemblées législatives, sans parler des laboratoires de recherche et les universités, est écartée au profit d’une #réaction immédiate, sans mise en perspective.

      Au lieu de replacer ces événements dans un cadre plus large, les discours n’hésitent pas à monter en généralité à partir de faits divers certes réels, mais qui ne reflètent pas une situation d’ensemble. Et dans ce cadre du court terme, les solutions proposées ne sont pas le fruit d’une réflexion approfondie : on ressort sans cesse la menace de sanctions plus dures, sans évaluation et sans attendre les effets éventuels des précédents textes votés.

      Stratégie politique

      Dans une période où les fake news et les discours populistes et démagogiques sont dénoncés, il est dommage de voir un gouvernement prétendument réaliste sombrer, pour des raisons de stratégie politique, dans les mêmes travers que les pires idéologues fascinés par la punition des plus faibles. Car les mineurs sont aussi parmi les plus touchés par les homicides intrafamiliaux.

      Si le nombre de mineurs auteurs de délits baisse, en revanche celui de ceux qui sont pris en charge au titre de l’enfance en danger s’est accru. Il représente 72 % de l’activité des juridictions pour mineurs. A l’heure de la disparition de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, il serait peut-être important de remettre ces résultats en perspective et de s’interroger sur le « processus de décivilisation » à l’œuvre, selon le président de la République dans son discours de mai 2023.

      S’agit-il d’un processus dont serait responsable une jeunesse spontanément ancrée dans la violence, ou bien du résultat de choix politiques peu cohérents ? Les cadres politiques actuels auront-ils le courage de leurs prédécesseurs de 1945, pour qui l’enfance délinquante était un défi qu’il fallait relever en donnant plus de moyens à l’éducatif ? Ou se contenteront-ils de continuer à tenter – inutilement – de se construire une légitimité fondée sur la peur et sur leur volonté d’y apporter une réponse par une sévérité accrue ?

      Christian Mouhanna est sociologue, chercheur au CNRS et au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), où il étudie les organisations policières, la justice pénale et le milieu carcéral.

    • Enfants en danger : l’embolie des services chargés de leur protection provoque des situations dramatiques
      https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2022/05/11/la-protection-de-l-enfance-en-danger-confrontee-a-une-nouvelle-degradation_6

      La mise en œuvre des décisions de justice censées protéger les mineurs maltraités ou délaissés intervient avec des retards croissants, provoquant des situations dramatiques.

      https://justpaste.it/bg1y7

      #enfance

    • Délinquance des mineurs : « Les effectifs des éducateurs de rue sont devenus une variable d’ajustement économique », David Puaud, Anthropologue

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/24/delinquance-des-mineurs-les-effectifs-des-educateurs-de-rue-sont-devenus-une

      « Je vous le dis, la culture de l’excuse, c’est fini. » C’est avec cette ritournelle sécuritaire que le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé, jeudi 18 avril à Viry-Châtillon (Essonne) une série de mesures visant à lutter contre la violence d’une partie de la jeunesse. Ce discours à l’accent frontiste a réamorcé les vieilles antiennes de l’internat éducatif, de l’autorité à l’école ou de la responsabilisation des parents.

      La remise en cause par Gabriel Attal de l’« excuse de minorité », établie dans le code de la justice pénale des mineurs et dont le principe est consacré par le Conseil constitutionnel, vise une nouvelle fois à privilégier l’aspect répressif par rapport à la prévention et à la protection de l’enfance.

      Et pourtant, de nombreuses études attestent que la prévention et la protection sont essentielles à l’expérience de la citoyenneté et à la remédiation sociale de sujets en voie de marginalisation. A l’été 2023, après la mort de Nahel M. à Nanterre, la France avait été secouée par onze jours de violences urbaines. Au cœur de cette période de turbulences, les plus importantes depuis celles de novembre 2005, des éducateurs de prévention spécialisée, dits « éducs de rue », ont été en première ligne dans de nombreux quartiers populaires.

      Ces « fantassins du travail social », tels que les nomma Pierre Bourdieu dans La Misère du monde (Seuil, 1993), ont pour mission principale de travailler avec des jeunes en situation de marginalité plus ou moins avancée. Soumis à des principes d’intervention fondés sur la libre adhésion, l’anonymat et le secret professionnel, ils favorisent l’inclusion sociale de jeunes en situation de disqualification sociale et/ou préviennent les processus de désaffiliation sociale.

      Désengagement économique

      En 2021, la ministre déléguée chargée de la ville Nadia Hai avait recruté 600 « adultes-relais » au sein de « bataillons de la prévention » dans 45 quartiers prioritaires, 300 médiateurs et 300 éducateurs spécialisés afin de tisser un « filet de protection contre la délinquance de la ville ». On compte aujourd’hui en France environ 4 000 de ces éducateurs de rue, mais déjà en sous-effectifs, ils sont devenus dans de nombreux territoires de l’Hexagone une variable d’ajustement économique.

      Parce que son financement reste facultatif, des départements se désengagent de cette compétence, alors même qu’elle relève de l’aide sociale à l’enfance, dont ils sont responsables. Ainsi, le 29 mars, le conseil départemental de la Vienne a entériné une baisse de 250 000 euros de la dotation annuelle allouée aux services de prévention spécialisée de l’association départementale de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, tout en accordant une subvention de 190 000 euros pour le passage de la flamme olympique. Cette coupe budgétaire entraîne la suppression de cinq postes d’éducateurs dans des quartiers de Poitiers et Châtellerault touchés par les émeutes de l’été 2023. Ainsi, environ quatre cents enfants et familles ne seront plus accompagnés socialement par ces éducateurs de proximité.

      En 2022, le département de l’Ardèche avait annoncé la fin de ses financements en direction de la prévention spécialisée, avant de faire machine arrière et de réduire de moitié la baisse de subvention, en appelant d’autres collectivités à les compléter. A Cognac, le service de prévention spécialisée a disparu à la suite de la non-reconduction de la convention avec l’association socio-éducative locale chargée de cette mission. A Perpignan, huit des douze éducateurs des bataillons de la prévention ont été menacés de licenciement en 2024, et l’incertitude reste de mise pour 2025.

      Equations à inconnues multiples

      Dans de nombreux autres territoires de la République, les services sociaux de proximité sont régulièrement soumis à des équations budgétaires aux multiples inconnues. En effet, les injonctions sécuritaires se sont immiscées au cœur de l’éducatif dans la rue. Certaines équipes sont désormais municipalisées. D’autres, comme celles des bataillons, relèvent des préfectures. La majorité est rattachée aux conseils départementaux qui devraient leur garantir un cadre d’action structuré au sein de la protection de l’enfance. Pourtant, toutes se retrouvent au cœur d’enjeux politico-financiers locaux et nationaux.

      Ces professionnels attachés historiquement au secteur de la protection de l’enfance, dont la mission est d’« aller vers » des jeunes en situation de marginalisation, ont besoin de pérennité et d’engagement à long terme. Dans nos enquêtes menées ces dernières années sur les processus de violence et sur la prévention de la radicalisation, nous constatons que ces spécialistes contribuent à prévenir des situations dramatiques et à rétablir des liens entre les habitants des quartiers populaires et les institutions républicaines. La temporalité de leurs « terrains » est différente de celle du financeur, soumis aux aléas du politique à court terme.

      Force est de constater, malheureusement, que la montée de l’extrême droite et les enjeux électoraux à court et moyen terme ne laissent guère de place à la narration des résultats pourtant probants des actions de prévention qui se jouent sur le long terme.

      Cette cécité à l’égard des acteurs sociaux de proximité renforce la marginalisation d’une partie de nos concitoyens dans les zones dites pourtant « prioritaires ». Colette Pétonnet, pionnière de l’anthropologie urbaine, qualifiait en 1975 de catégorie sacrifiable ces « gens unanimement désignés comme marginaux, asociaux, inadaptés, ou handicapés, suggérant qu’ils sont à la société contemporaine ce que les pharmakoi étaient aux Athéniens, c’est-à-dire à la fois le mal et le remède ». A renier ainsi une partie de la population devenue « victime-émissaire », l’histoire nous raconte que nous en paierons comptant les conséquences sociétales.

      David Puaud est anthropologue au sein du Laboratoire d’anthropologie politique (CNRS-EHESS) et chargé d’enseignement à Sciences Po Paris (campus de Poitiers). Il a notamment écrit « Les Surgissants. Ces terroristes qui viennent de nulle part » (Rue de Seine, 2022) et « Un monstre humain ? Un anthropologue face à un crime sans mobile » (La Découverte, 2018).

    • Comme le souligne l’historienne, Véronique Blanchard, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’État a eu besoin de « forces vive » et a mis en place de nouvelles modalités de contrôle de la jeunesse, via l’ordonnance de 1945. L’étude des donnés statistiques concernant la population envoyées dans les colonies agricoles et industrielles montre que le nombre d’enfants détenus en ces lieux diminua à partir du moment où la législation prolongea l’âge de l’enseignement scolaire obligatoire. Il y a donc transfert de l’exercice du contrôle de la jeunesse, des structures répressive vers l’Éducation nationale. Ce temps scolaire, comme a pu l’être par le passé le service militaire, a pour objectif que le jeune devienne ce que la société attend de lui afin que le fonctionnement du pouvoir puisse perdurer.

      Milot L’incorrigible. Parcours d’un jeune insoumis à la Belle Époque, Collectif l’Escapade. Niet ! éditions.

    • 100 années d’éducation spécialisée mises à la poubelle. C’est ça, ça fait plus d’un siècle qu’on réfléchit à ces questions pour sortir de l’horreur autoritariste imposée par les bourgeois du XIXe… et ces salopards considèrent que rien de tout cela n’existe.

  • Le meilleur remède contre l’éco-anxiété

    https://bonpote.com/le-meilleur-remede-contre-leco-anxiete

    #kevin_jean
    https://mesurs.cnam.fr/laboratoire-mesurs/kevin-jean--1398727.kjsp#

    “Ne soyez plus éco-anxieux, soyez éco-furieux”
    C’est donc peut-être en mettant l’accent, dans les titres de presse ou dans les sujets du 20h, plus sur les causes des #dégradations_environnementales que sur leurs impacts présents ou attendus, qu’on peut espérer transformer l’éco-anxiété, forme d’angoisse face à une menace floue et mal cernée, en éco-colère. C’est le fameux “ne soyez plus #éco-anxieux, soyez #éco-furieux” de Frédéric Lordon, qui fait, au-delà de la formule, l’objet de travaux de #recherche récents.

    Car en effet, l’#éco-anxiété ou la colère climatique semble bien être un tremplin à l’engagement pour les causes environnementales. Dans une étude conduite en 2022 par l’université de Yale, les personnes qui exprimaient un sentiment de détresse climatique (près de 10% de l’échantillon d’étude, en gardant en tête que cette proportion est très dépendante de la formulation de la question posée) rapportaient bien plus fréquemment être passées à l’action pour la cause climatique, de la signature de pétition à l’investissement personnel dans des organisations environnementales. 

    Source : https://climatecommunication.yale.edu/publications/distress-about-climate-change-and-climate-action

    L’éco-anxiété peut donc constituer un tremplin à l’action collective, mais, et c’est là une bonne nouvelle qu’il ne faut pas se lasser de partager, l’action collective pourrait bien être le meilleur remède à l’éco-anxiété. En effet, une étude conduite en 2022 auprès de jeunes américains suggérait que l’engagement au sein d’actions collectives pouvait jouer le rôle de tampon face au risque que l’éco-anxiété peut représenter pour la santé mentale.

    Dans l’étude en question, parmi les jeunes déclarant être affectés par l’éco-anxiété, celles et ceux qui par ailleurs étaient engagé(e)s dans des actions collectives en faveur du climat étaient moins affecté(e)s par des troubles dépressifs. Si ces premiers résultats méritent d’être confirmés dans d’autres études, ils corroborent largement les témoignages de nombreux activistes ou scientifiques engagés pour le climat, de Cyril Dion à Jean Jouzel. 
    [...]

    L’éco-anxiété : un tremplin vers l’action ?
    Rappelons-le, l’éco-anxiété constitue une #réaction saine et justifiée face à l’ampleur des #menaces_écologiques. C’est bien plus la réaction inverse, le déni ou le #cynisme, qui se rapproche du #pathologique

    La succession des événements climatiques extrêmes, et sans doute encore plus les renoncements répétés des élites à répondre à l’ampleur des crises écologiques, constituent le moteur de la diffusion de l’éco-anxiété, y compris chez les populations vulnérables ou défavorisées. 

    Il peut être tentant de chercher des manières individuelles de gérer ce trouble, mais il ne faut pas s’y tromper : c’est bien l’action collective, et elle seule, qui est à même de s’attaquer au moteur du mal.

    Le mouvement écologique a tout intérêt à s’efforcer de faire de l’éco-anxiété un tremplin vers l’action, en communiquant sur les causes ou les freins à l’action plutôt que sur les désastres à venir. Il semblerait d’ailleurs au passage que cibler les opposants à l’action climatique – pétroliers, lobbyistes, politiques – dans des messages en faveur du climat soit particulièrement efficace.

    Il est d’autant plus justifié de le faire car l’#action_collective pourrait bien apporter une certaine forme de soulagement à l’éco-anxiété, et ainsi s’avérer être également une forme de remède à l’échelle individuelle.

  • La dégradation de la santé mentale des jeunes Britanniques affecte l’économie RTS - Catherine Ilic

    Le Royaume-Uni fait face à une hausse préoccupante des troubles psychiques chez les 18-24 ans, selon une étude publiée le 26 février par le centre de réflexion britannique indépendant Resolution Foundation. L’économie nationale, déjà mise à mal par la pénurie de main d’oeuvre, s’en retrouve affectée, alerte l’auteure du rapport dans Tout un monde vendredi.

    Bien que ce soit le cas dans de nombreux pays d’Europe, dont la Suisse, cette tendance a de plus lourdes conséquences outre-Manche.

    Selon l’étude https://www.resolutionfoundation.org/press-releases/efforts-to-tackle-britains-epidemic-of-poor-mental-health-shou , les Britanniques de 18 à 24 ans ont la pire santé mentale de tous les groupes d’âge. Il y a 20 ans, c’étaient pourtant eux qui avaient la meilleure santé mentale.


    « Un jeune sur trois fait état d’un trouble psychique qu’il s’agisse d’anxiété, de dépression ou encore de bipolarité », note Louise Murphy, économiste et auteure du rapport, sur le plateau de la RTS. « C’est un chiffre qui a considérablement augmenté. Au tournant des années 2000, la proportion était d’un sur quatre. »

    Les résultats de l’étude s’appuient sur trois ans de recherche sur la santé mentale des jeunes et l’impact sur le marché du travail.

    « Sérieux problème pour l’économie »
    Selon l’économiste, cette tendance affecte l’économie. « C’est un sérieux problème, pas seulement pour les jeunes, mais aussi pour l’économie en général. »

    « Il y a 25 ans, il était beaucoup plus fréquent d’avoir des personnes âgées en incapacité de travailler en raison d’un problème de santé ». Tandis qu’aujourd’hui, cette tendance touche plus les jeunes que ceux qui entament la quarantaine, précise-t-elle encore.

    Cinq pour cent des Britanniques de 18-24 ans ne travaillent pas à cause d’un problème de santé, alors que le pays souffre d’une pénurie de main d’oeuvre.

    Réseaux sociaux dans le viseur
    L’isolement pendant les confinements du Covid, le climat général actuel de guerre et la crise du coût de la vie sont régulièrement pointés du doigt pour expliquer cette tendance. Mais, pour Sarah Jarvis, médecin généraliste, les réseaux sociaux y sont aussi pour quelque chose.

    « Je vois une incroyable augmentation de jeunes qui vont mal. Je pense que les réseaux sociaux ont une responsabilité considérable : les jeunes ont désormais des attentes complètement irréalistes. Ils pensent que tous les gens autour d’eux ont des vies fabuleuses et cela peut être très dur quand votre vie est à mille lieues de cette réalité enjolivée », déplore-t-elle.

    L’éducation aussi en cause
    La baisse de la stigmatisation des personnes concernées, qui conduit à une augmentation du nombre de diagnostics effectués, explique en partie cette hausse du nombre de cas. Mais il ne faut pas voir partout des jeunes avec des problèmes psychiques, met en garde Frank Furedi, sociologue connu outre-Manche. Selon lui, l’impact des souffrances psychiques sur les enfants est visible depuis une vingtaine d’années et il accuse l’éducation de jouer un rôle dans ce phénomène.

    « Lorsque les enfants sont encouragés à utiliser le langage de la psychologie pour parler de leurs problèmes, ils ne ressentent pas la déception, l’échec et le rejet comme des difficultés de la vie, mais comme des troubles psychiques ».

    Et de poursuivre : « Ce qui est dramatique, c’est que ce phénomène n’est pas récent. A chaque génération, le problème est pire. Par conséquent, plus vous êtes jeune, plus vous êtes susceptible d’avoir des troubles psychiques parce que vous avez été éduqués comme cela. »

    Cette éducation est transmise depuis de nombreuses années par les écoles et universités au Royaume-Uni, et en Europe. C’est ce qu’on appelle l’"éducation bienveillante".

    La médecin généraliste Sarah Jarvis ajoute que le problème de cette éducation est qu’elle incite les jeunes à percevoir la moindre difficulté de la vie comme anormale. « Au cours de cette dernière génération, les parents ont élevé leurs enfants dans le culte du bonheur, en pensant qu’il fallait qu’ils soient tout le temps heureux. Malheureusement, ce n’est pas réaliste et cela fait croire aux enfants qu’être en colère, triste ou frustré n’est pas acceptable... »

    « Le résultat, je le vois dans mon cabinet : les jeunes ne vont vraiment pas bien », constate-t-elle encore.

    Besoin de trouver un meilleur équilibre
    Sarah Jarvis ne plaide pas pour un retour aux méthodes anciennes, mais pour la nécessité de trouver un meilleur équilibre. Ce que partage Louise Murphy, l’auteure du rapport sur la santé mentale des jeunes.

    « Je pense qu’il y a un débat très important à avoir sur la bonne approche à adopter. Il faudrait pouvoir aider les jeunes en réelle difficulté, sans créer de problèmes parmi ceux qui n’ont pas vraiment de soucis au départ. (...) Il faudrait faire beaucoup plus de recherches dans ce domaine », avance-t-elle.

    Ce blues croissant des jeunes est un vrai enjeu de société. Les problèmes de santé mentale - tous âges confondus - ont un coût énorme pour l’Etat britannique : près de 120 milliards de livres par année, soit 5% du PIB.

    #jeunes #smartphones #éducation #troubles_psychiques #santé_mentale #société #santé #économie #bonheur #réalité

    Source : https://www.rts.ch/info/monde/2024/article/la-degradation-de-la-sante-mentale-des-jeunes-britanniques-affecte-l-economie-28

  • A l’Elysée, la revanche de Bruno Roger-Petit, récit d’une discrète lutte d’influence autour d’Emmanuel Macron

    Le numéro de duettistes de « BRP » et Jonathan Guémas, qui partagent la même lecture verticale de la Ve République, est rodé : l’un est l’auteur de la formule « #régénération », l’autre « #réarmement », les deux piliers de l’« opération reconquête » lancée par Emmanuel Macron en janvier. Le conseiller mémoire vante « une cohérence intellectuelle, politique et narrative retrouvée ».

    [...] Ces derniers mois, « BRP » s’est rapproché de Gabriel Attal, qui apprécie son côté « briseur de tabous » et le consulte à tout-va.

    Dès la rentrée 2023, le spin doctor élyséen dépeint le jeune ministre de l’éducation en Michael Corleone, le fils préféré et héritier naturel du « Parrain ». Il estime que l’ex-conseiller de Marisol Touraine, qui a acté une #droitisation de la société à laquelle il n’a pas peur de coller, a « tout compris ». D’où sa percée fulgurante dans les études d’opinion.

    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/19/a-l-elysee-bruno-roger-petit-ou-la-revanche-de-l-aile-madame_6222816_823448.

    https://justpaste.it/f55xj

    Fourmille de détails façon Gala (Bern envisagé comme ministre de la culture...), éclairant l’ethos de droite revendiqué par le couple présidentiel.

    #fin_de_règne #Gouvernement #droite #Bolloré

    • Les infiltrés : Lordon a raison de citer cette note d’ Intérêt Général, c’est un des seuls travaux qui affronte les difficultés que rencontrerait un gouvernement “vraiment” de gauche qui serait élu, et tente d’y apporter des réponses ⤵️

      Avec du Intérêt Général dedans. (Vers la 5e minute). Et ça c’est la grande classe ! Et les désaccords sont surtout des nuances. Si cela vous intéresse, voilà la note dont parle le grand Fred ▶️ https://interetgeneral.net/publications/pdf/29.pdf
      https://twitter.com/MathsDuPeuple/status/1766485969258045593

      Faire sauter les verrous ! Les clés pour que la gauche ne capitule pas.

      C’est reparti. Un gouvernement tente à nouveau d’imposer « sa » réforme du système des retraites. Comme à chaque reprise, il affronte le refus populaire. Le peuple bat le pavé. La rivière menace de sortir de son lit. L’espoir d’un recul des dominants pointe à l’horizon. Que faudra-t-il faire alors ? Rentrer chez nous et espérer que le pouvoir entende, enfin, l’exigence populaire d’une autre politique ? Comme si la ligne droite des politiques néolibérales tracée par la succession des « réformes » avancées pratiquement tous les quatre ans depuis trente ans était sur le point de connaître la bifurcation tant attendue ?

      « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », a ironisé un jour le physicien Albert Einstein. Peut-on imaginer qu’une victoire du mouvement social sur le projet de « réforme » des retraites concocté par le pouvoir actuel prépare autre chose qu’une nouvelle offensive, le moment venu ? Soit la logique d’un scénario sisyphéen condamnant le courant progressiste à ne s’autoriser qu’un unique espoir : celui de parvenir à repousser l’adversaire, assaut après assaut.

      Si les retraites mobilisent tant, c’est qu’il y est en réalité question de tout ce qui n’est pas la retraite. C’est que, pour tous ceux qui descendent dans la rue, cette période de la vie représente la fin de ce qui a précédé : la fin de la précarité, la fin du chômage, la fin de l’épuisement, la fin des cadences, la fin du diktat managérial, la fin de l’injonction à la productivité, la fin de l’absurde… La retraite, c’est l’espoir de voir le temps ralentir, de se lever quand le sommeil est épuisé, de se libérer des emplois du temps contraints, de ne plus avoir à réfléchir aux moyens de gagner sa vie, de consacrer ses journées à autre chose qu’à l’optimisation de sa propre rentabilité. Parfois, c’est la première occasion de découvrir la planète sur laquelle on s’est agité toute une vie. La retraite incarne donc une sorte de miroir inversé du monde du travail contemporain : on défend la première, car on déteste le second.

      Il n’en va pas autrement du côté du pouvoir. Loin de se limiter à un projet de modification de l’âge légal de départ à la retraite, la réforme actuelle cristallise les exigences d’un système : celles, budgétaires, de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) qui réclament la destruction des dispositifs par répartition ; celles du monde de la finance, qui asservit la vie des salariés à l’extraction des profits ; celles du patronat qui n’imagine pas qu’un citoyen puisse échapper au carcan du salariat ; celles d’un mode de production aveugle qui écrase les êtres et la planète.

      Deux mondes s’affrontent donc actuellement. D’un côté, les possédants qui, banderille après banderille, réforme après réforme, travaillent patiemment à éreinter le mouvement social ; de l’autre, le peuple qui, en défendant les retraites, réclame en réalité la fin d’un système que seule la perspective d’y échapper quelques années avant de mourir rend encore tolérable. Alors, que faire ? Rentrer chez nous ou engager la bataille ? Attendre le prochain assaut néolibéral ou mettre à terre le système qui nous opprime ?

      À nos yeux, l’heure du combat a sonné : dans la rue, dans les institutions et dans les urnes. Car nous ne changerons pas le monde sans prendre le pouvoir. Mais une fois conquis, il s’agira de le conserver et d’affronter les vents contraires avec lucidité et détermination. Pour y parvenir, il faudra livrer bataille : autant s’y préparer. Cela commence par la cartographie des verrous imaginés par nos adversaires pour défendre leurs privilèges.

      https://interetgeneral.net/publications/29.html

  • Quand la réalité surpasse la satire
    https://9v741.r.sp1-brevo.net/mk/mr/sh/SMJz09SDriOHWo3rRTdTXUfaGhvR/4NSk0O6VYVsu

    Quelque temps avant qu’une alliance d’États “libéraux” ne le musèle, Julian Assange avait donné une interview où il déclarait : “Presque chaque guerre qui a débuté au cours de ces cinquante dernières années a été le résultat de mensonges médiatisés. Les médias les auraient arrêtées s’ils avaient fait des recherches plutôt que de relayer la propagande gouvernementale. Ce qui signifie que, fondamentalement, les populations n’aiment pas les guerres, et que les premières doivent être manipulées pour accepter les secondes. Les populations n’acceptant pas aveuglement d’entrer en guerre, si nous avions un bon environnement médiatique, nous aurions un environnement pacifique. Notre ennemi numéro un est l’ignorance. C’est l’ennemi numéro un de tout un chacun : ne pas comprendre ce qu’il se passe réellement. Car c’est seulement quand on commence à comprendre qu’on peut prendre de bonnes décisions. La question est : qui promeut l’ignorance ? Les organisations qui, pour garder des secrets, déforment les informations. Et dans cette catégorie, on trouve les mauvais médias. Il y a bien sûr de très bons journalistes, et WikiLeaks travaille avec beaucoup d’entre eux, ainsi qu’avec de bonnes organisations médiatiques. Mais la majorité sont si mauvais et déforment tant la réalité du monde dans lequel nous vivons que le résultat est une continuité de guerres et de gouvernements corrompus. On doit donc se demander si le monde ne serait pas meilleur sans eux.”

    C’est évidemment une conclusion à laquelle était arrivé Kraus voilà un siècle, plus ou moins. Et il n’eut jamais de mots assez durs sur la responsabilité de la presse dans la manipulation par le discours et la corruption de la langue, signe de la corruption de la pensée et du sentiment.

    #Agone #Julian_Assange #Karl_Kraus #journalisme #manipulation #réalité

  • « #Bye_Bye_Tibériade » : #Lina_Soualem convoquée #Au_Poste

    https://www.auposte.fr/bye-bye-tiberiade-lina-soualem-convoquee-au-poste

    #dav_duf #palestine #cinéma

    Brel avait un mot. Aller voir. Il faut aller voir. Cette maxime, Hiam Abbass aurait pu la faire sienne. Il y a 30 ans, l’immense actrice a quitté son village #palestinien pour l’Europe, et son cinéma, puis les Etats-Unis, et leur folie. Avec sa fille Lina Soualem, #réalisatrice (son « #Leur_Algérie », il y a trois ans, fut un bijou d’humanité et de drôlerie), #Hiam_Abbass retourne sur les traces des lieux disparus et des #mémoires dispersées de quatre #générations de femmes #palestiniennes.

  • « #Anatomie_d’une_chute » et la question de l’#interprétation du #récit

    « Vous ne contextualisez pas, vous délirez sur un détail ! »
    « Un roman n’est pas la vie, un auteur n’est pas un personnage ! »
    « Mais un auteur peut exprimer ses idées par ses personnages ! »

    Des bribes d’un cours de licence de lettres ? Des débats lors d’un colloque littéraire ? Non ! Il s’agit de certains échanges entre les personnages du film Anatomie d’une chute de Justine Triet, palme d’or du dernier Festival de Cannes, qui met en scène le procès de l’écrivaine Sandra Voyter, accusée d’avoir tué son mari Samuel.

    On pourrait penser que ces échanges sont irréalistes. Mais la littérature s’invite parfois dans des procès bien réels : dans Histoire de la violence, Edouard Louis relate, de manière autobiographique, un épisode traumatique (une agression physique et un viol). Lors du procès, son avocat a renvoyé, dans sa plaidoirie, au récit de l’écrivain, alors que l’avocate de l’accusé a déclaré qu’Edouard Louis « avait confondu son roman avec la réalité ». La procureure elle, a appelé à trouver une « vérité judiciaire » et non « littéraire ».

    La manière dont le film de Justine Triet traite la question du couple, du genre, de l’innocence et de la culpabilité a été abondamment commentée. Mais une autre question irrigue le film : celle de l’interprétation du récit littéraire (les deux protagonistes du couple étant, l’une écrivaine à succès, l’autre aspirant écrivain), notamment lorsque ce récit joue sur certaines marges troubles, entre fiction et non-fiction, représentation artistique et fidélité mimétique au réel et lorsqu’il se confronte à d’autres récits, qui ont leurs propres critères de cohérence, de validité, de recevabilité : le récit juridique, mais aussi le récit journalistique, le récit psychanalytique, le récit médical, le récit d’expert, etc.

    Chaque catégorie peut par ailleurs se décliner en une multitude de récits : les récits des avocats comme ceux des experts peuvent être diamétralement opposés, par exemple. Le passage d’une langue à l’autre dans le film – de l’anglais au français et vice-versa – nous fait d’ailleurs littéralement entendre cette polyphonie.

    L’autofiction, ou l’art de brouiller les limites entre fiction et réalité

    « What do you want to know ? » (« Que voulez-vous savoir ? ») demande, au tout début du film, Sandra à l’étudiante venue l’interroger. Elle veut savoir ce qui relève de la réalité et de la fiction dans les écrits de Sandra Voyter, et si l’écrivaine pense qu’on ne peut inventer, créer, qu’à partir de la réalité. Or la production littéraire de Sandra se situe dans un genre qu’on peut appeler l’autofiction.

    Le terme a été employé pour la première fois en 1977 par l’écrivain et critique Serge Doubrovsky (pour qualifier son récit, Fils). Il mêle ce qu’on pourrait croire a priori opposé : l’autobiographie et la fiction. L’autofiction est en effet un récit inspiré par la vie de l’autrice ou de l’auteur du récit, mais un récit qui se permet de romancer, d’imaginer, qui ne veut pas se plier aux critères de sincérité, d’authenticité, de conformité aux faits qu’on associe souvent à l’autobiographie traditionnelle (et au « pacte autobiographique » tel qu’il a été défini par Philippe Lejeune).

    Le terme autofiction a donné lieu à de multiples définitions et à de multiples critiques, comme l’a montré le chercheur Philippe Gasparini. Il n’est notamment pas aisé de le distinguer du roman autobiographique comme l’a résumé Sylvie Jouanny, on peut distinguer deux tendances : l’une, référentielle, qui repose sur l’homonymie entre narrateur/narratrice, auteur/autrice et personnage et qui considère que « l’autofiction est un roman qui traite de la réalité, fût-ce dans le recours à la fiction », l’autre, fictionnelle, qui défend « la fiction plus que l’autobiographie » et s’intéresse au travail de « fictionnalisation de soi » (cette fictionnalisation pouvant remettre en cause l’homonymie entre narrateur/narratrice, auteur/autrice et personnage).

    Dans Anatomie d’une chute, il est admis que Sandra Voyter écrit de l’autofiction en s’inspirant des éléments de sa vie (notamment l’accident de son fils, mais aussi ses relations avec son père). Lorsque l’étudiante, au début du film, essaie de distinguer ce qui est réel de ce qui est inventé, Sandra esquive et déplace le sujet de la conversation. Mais, tout au long du film, elle va devoir répondre aux questions de la police, de ses avocats, avant et pendant le procès.

    Elle va devoir parler d’elle, de ses livres, et chaque élément de son discours va être disséqué, chacun des mots prononcés (ou échappés, comme lorsque l’étudiante appelle l’accusée par son prénom durant le procès) va être analysé comme on pourrait le faire dans une explication de texte.
    « Alors, on va vraiment entrer dans un débat littéraire ? »

    C’est lorsqu’un des livres de Sandra est brandi au procès, malgré les protestations d’une des avocates de la défense (« On ne juge pas des livres, on juge des faits ») qu’on se retrouve au cœur de questions débattues dans le monde de la recherche et de la critique littéraires.

    Reprenons les échanges entre l’accusation et la défense et la manière dont ces débats incarnent différentes manières de lire l’œuvre littéraire.

    Les questions posées sont fondamentales dès qu’il s’agit d’interpréter une œuvre littéraire : qui parle ? (le personnage ou l’auteur/l’autrice ?) Peut-on comprendre le sens d’un extrait (d’un livre ou d’un enregistrement – celui de la dispute du couple –) sans le mettre en rapport avec un contexte plus large ? Qui décide du sens d’un texte (la personne qui produit le discours ? Celle qui le reçoit ?)

    L’accusation veut lire l’extrait d’un livre de Sandra Voyter, qui raconte les pensées d’un personnage qui éprouve le désir de tuer. L’accusation établit clairement un lien mimétique entre ce passage et la mort de Samuel : Sandra aurait préfiguré dans son roman son désir de tuer.

    Pour la défense, c’est inacceptable : « Vous ne contextualisez pas ! Vous délirez sur un détail » ! L’extrait n’est pas contextualisé, il ne s’agit que d’un personnage secondaire, qui d’ailleurs ne passe pas à l’acte. Même dans le régime du texte littéraire, il ne s’agit que d’un fantasme, pas d’un fait. La défense reproche à l’accusation de surinterpréter en faisant d’un passage secondaire le cœur du livre – ce à quoi l’accusation répond que la défense avait également relevé ce passage, ce qui voudrait dire qu’elle le considérait bien comme significatif.

    La défense insiste : il faut distinguer l’autrice du personnage. Le point de vue du personnage n’engage pas l’autrice. Il existe une différence entre le monde de la fiction (du personnage) et celui de la réalité (de l’autrice).

    L’accusation se justifie alors sur ce dernier point : « Les livres de Sandra Voyter font partie du procès, elle y met son existence, notamment son couple ». Les livres de l’accusée appartiennent au récit de soi, d’inspiration autobiographique, on peut donc faire cette adéquation entre personnage et autrice puisqu’il ne s’agit pas de fiction.

    Pour la défense, il ne s’agit pas d’autobiographie, mais d’autofiction, un genre qui se permet de réintroduire de la fiction dans l’écriture de soi. La défense essaie de ridiculiser la lecture de la littérature comme mimétique de la réalité (« Vous allez nous dire que Stephen King est un serial killer ? »), l’accusation la justifie (« La femme de Stephen King n’a pas été retrouvée morte ! »)
    La littérature ou le jeu avec les limites

    Par rapport au trouble suscité par le récit littéraire, l’enregistrement de la dispute entre Sandra et son mari semble pouvoir constituer un récit fiable. Mais en réalité cette dispute se révèle être, comme le dit l’avocat de la défense, un « document ambigu » tout aussi ambigu que le texte de Sandra Voyter, pour deux raisons.

    D’une part, comme le texte cité par l’accusation, l’enregistrement n’est qu’un extrait, qu’un moment de la relation entre deux personnes et ne peut représenter toute leur vie. Sandra Voyter le dit : l’enregistrement n’est pas la réalité, car il n’est qu’une partie de la réalité – tout comme elle dit au psychanalyste, joué par le metteur en scène Wajdi Mouawad, qui rapporte le récit de ses sessions avec Samuel : « Mais ce que vous dites n’est qu’une petite partie de la situation globale ». Il s’agit bien de leurs échanges, de leurs mots, de leurs voix, mais ce n’est pas eux – tous leurs êtres, la somme de leurs échanges, de leurs interactions, de leurs corps : on ne peut jamais saisir l’entièreté d’un être ni d’une relation.

    D’autre part, alors qu’on croit a priori, avec cet enregistrement, être à coup sûr dans le domaine de la réalité, des faits (et non de la fiction et de la représentation) on apprend, via l’avocat de la défense, que Samuel enregistrait des moments de sa vie et les retranscrivait, qu’il cherchait à faire de « l’autofiction » (le mot est prononcé) en s’inspirant de la méthode de son épouse. On pense ici à différentes productions de littérature contemporaine qui donnent une part de plus en plus importante à des documents matériels : Annie Ernaux, qui retranscrit son journal intime (dans Se perdre ou Je ne suis pas sortie de ma nuit), qui introduit des reproductions de photographies dans ses livres (tout comme Édouard Louis), Neige Sinno qui reproduit dans Triste Tigre les articles de presse parlant de son enfance et de l’arrestation de son beau-père pour viol.

    On pense plus généralement aux productions, qui se développent depuis les années 1960, que la chercheuse Marie-Jeanne Zenetti appelle, après l’écrivain Magnus Enzensberger, des factographies. Les factographies cherchent une nouvelle manière de dire le réel en captant des images, des sons, des discours. Elles peuvent se manifester formellement par des compilations de notes, des retranscriptions, des reproductions d’archives. Dans ces récits à l’« écriture enregistreuse », il s’agit de « jouer au document et avec le document » comme le dit Marie-Jeanne Zenetti.

    L’enregistrement fait par Samuel Voyter n’est-il pas aussi un objet littéraire ? La défense se demande ainsi si Samuel n’aurait pas provoqué la dispute pour avoir de la matière pour son livre. L’ordre traditionnel (la littérature qui vient après la vie, retranscrit la vie, représente la vie) est inversé : il y aurait d’abord la littérature (l’envie d’écrire, la mise en scène) et ensuite la vie. On retrouve les propos tenus par Sandra Voyter dans un ancien entretien : « Mon travail, c’est de brouiller les pistes pour que la fiction détruise le réel » et le commentaire des journalistes : « On a l’impression que ça vient de ses livres, qu’elle l’a déjà écrit ».

    Dernier récit et dernier doute du film : lorsque l’enfant du couple, Daniel, fait le récit de son trajet avec son père, pour emmener leur chien chez le vétérinaire. Il rapporte les propos de Samuel, qui aurait filé une métaphore entre l’état du chien et le sien, pour préparer son fils à sa mort prochaine. « Ce récit est extrêmement subjectif » déclare l’accusation. S’agit-il d’une interprétation ? D’une invention ? Ou Daniel se met-il lui aussi à pratiquer l’autofiction ?
    Anatomie d’une chute ou les mises en abyme du récit

    En filmant le public du procès, la réalisatrice met en abyme notre situation de spectatrices et spectateurs : nous regardons le public qui regarde le procès, ce public qui frémit à l’annonce d’un éventuel rebondissement – tout comme nous. Le film nous renvoie à nos attentes et nos projections sur le type de récit que nous avons envie de voir (ou d’entendre, ou de lire…)

    Ainsi, dans une émission de débat télévisé de deuxième partie de soirée représentée dans le film – sur laquelle tombe Sandra Voyter en zappant – la question de sa culpabilité ou de son innocence n’est plus liée aux faits, mais, plus cyniquement (ou d’un point de vue plus littéraire ?) à l’intérêt de l’un ou l’autre récit : « L’idée d’une écrivaine qui assassine son mari est tellement plus intéressante que celle d’un prof qui se suicide ».

    D’un côté, les émois potentiellement romanesques du couple, le lien dangereux entre fiction et non-fiction, de l’autre la mort banale d’un homme qui a échoué en tant qu’écrivain. La conclusion judiciaire du procès a l’air d’entériner le second récit (le suicide), puisque Sandra est acquittée, mais c’est bien le premier récit (la femme coupable) qui est interrogé et mis en scène. Parce que c’est ce que le public (le public du procès, le public du film) voulait voir ?

    « Je crois qu’il y a eu trop de mots dans ce procès et j’ai plus rien à dire », déclare Sandra Voyter aux journalistes à la sortie du tribunal. De fait, on parle beaucoup dans Anatomie d’une chute (nous avons pu commenter le film dans cet article en ne parlant quasiment que de dialogue verbal, sans mentionner les autres manifestations du langage cinématographique !) – jusqu’au silence final de Sandra : la multitude des récits n’aboutit pas à une vérité proclamée, mais à l’indicible, à l’invérifiable, à l’opacité (ce qui est devenu quasiment un topos romanesque). Se refuser à toute conclusion rassurante, est-ce une déconstruction du récit traditionnel… ou une variation sur un type de récit dont nous avons déjà l’habitude, un récit ouvert, un récit réflexif, un récit qui joue sur la mise en abyme de lui-même, bref le récit d’un film littéraire ?

    https://theconversation.com/anatomie-dune-chute-et-la-question-de-linterpretation-du-recit-2158

    #procès #justice #littérature #vérité #fiction #non-fiction #cohérence #validité #recevabilité #récit_juridique #polyphonie #réalité #autofiction #Serge_Doubrovsky #factographies

  • Mon corps n’est pas une arme

    Il y a quelques semaines, notre président utilisait un lexique guerrier pour parler de donner la vie. Ça m’a fait froid dans le dos, j’avais l’impression de sortir d’un épisode de La Servante Écarlate.

    J’ai eu envie d’utiliser cette #colère pour créer. Rappeler que le fait de devenir parent n’est pas simplement une question de biologie et de #fertilité. C’est surtout une #expérience_intime qui s’inscrit dans un contexte sociale, politique et culturelle. Qu’on décide de vouloir avoir des enfants ou non, ça doit rester un #choix_individuel et non un #devoir_patriotique.

    https://www.youtube.com/watch?feature=shared&v=ClnJ9Krq1FQ

    #film #vidéo #réarmement_démographique #corps #arme #parentalité #Lisa_Miquet

  • « Si “réarmement agricole” il y a, c’est surtout d’un “réarmement chimique” de l’agriculture qu’il est question »

    Le surgissement et la diffusion éclair de certains mots, qui sculptent tout à coup le débat public, a quelque chose de fascinant. Ainsi du vocabulaire martial subitement apparu le 31 décembre 2023 dans la parole présidentielle et, depuis, inlassablement commenté, répercuté, repris, répété, et surtout raccommodé jusqu’à l’indigestion par les membres du gouvernement : il faut se réarmer, il faut tout #réarmer.
    L’armement, les armes sont devenus en quelques semaines la métrique de toute chose. « Réarmement démographique », « réarmement civique », « réarmement moral », « réarmement des services publics »… C’est donc dans le contexte d’une propagation rapide – et assez inquiétante – de cette terminologie guerrière, que le premier ministre, Gabriel Attal, et le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, ont annoncé, jeudi 1er février, la mise en branle des grandes manœuvres du « #réarmement agricole ».
    Si « réarmement agricole » il y a, c’est surtout d’un « réarmement chimique » de l’agriculture qu’il est question. A l’heure où l’#infertilité et les #maladies_chroniques s’envolent dans la population générale, où environ un tiers des foyers français reçoivent au robinet une eau non conforme aux critères de qualité pour cause de métabolites de #pesticides, où sans doute plus de 80 % de la #biomasse d’insectes volants et 60 % des oiseaux des champs ont disparu en quarante ans, on se plaît à imaginer le fou rire nerveux d’hypothétiques historiens qui chercheraient, dans les prochaines décennies, à décrire et surtout comprendre la logique de ce qui se produit ces jours-ci.

    Le plan #Ecophyto est d’abord mis à l’arrêt, le temps, comme l’a dit M. Attal, de « mettre en place un nouvel indicateur ». Bénigne en apparence, cette annonce signe en réalité la mort du plan destiné à réduire l’usage des pesticides en France. Mais après tout qu’importe, peut-on objecter, puisque le plan Ecophyto a, depuis son lancement en 2008, complètement échoué à atteindre ses objectifs.
    Ce n’est pas si simple. D’abord, malgré sa relative inefficience, le plan était l’incarnation d’une volonté partagée de réduire la pression des pesticides sur l’environnement et la #santé. Ensuite et surtout, il reposait sur un indicateur stable – le NODU (nombre de doses unités) – reflétant la réalité des usages de « phytos » et de leur évolution dans le temps.

    C’est une question bien plus importante et subtile qu’il n’y paraît. Une expérience de pensée toute simple permet de comprendre pourquoi. Figurez-vous un indicateur principalement lié à la quantité des différents produits utilisés sur les parcelles. Si vous remplacez 10 kilogrammes de DDT (un insecticide organochloré) épandus sur un champ, par 1 kg d’imidaclopride (un insecticide #néonicotinoïde) utilisés sur ce même champ, votre indicateur vous dira que vous avez fait baisser le recours aux #insecticides de 90 %. Vous serez donc très satisfait et vous pourrez annoncer ce chiffre sans craindre de démenti. Mais cette diminution de 90 % correspondrait en réalité à une aggravation des dommages sur les pollinisateurs d’environ 80 000 %, puisque 1 gramme d’imidaclopride peut tuer autant d’abeilles que 8 kg de DDT.

    Il ne fait ainsi aucun doute que le démantèlement du NODU et la coconstruction d’un nouvel indicateur d’usage – avec l’aimable concours des syndicats agricoles productivistes –, signerait la mort du plan Ecophyto, donc la fin d’une ambition.

    Tutelle politique

    Dans ce plan de « réarmement chimique » de l’#agriculture française, il y a plus inquiétant que la destruction du thermomètre. Il y a les pressions sur ceux qui sont chargés, au sein des institutions publiques, de le lire et de l’interpréter. Gabriel Attal a ainsi mis en cause, sans la nommer, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (#Anses), chargée d’évaluer les risques sanitaires et environnementaux des pesticides et de leur octroyer (ou leur retirer) leur autorisation de mise sur le marché. Le premier ministre annonce de facto vouloir placer l’agence – coupable selon lui d’interdire des molécules en France avant qu’elles ne soient interdites dans l’Union européenne –, sous une forme de tutelle politique.
    Pour Dominique Potier, agriculteur de métier et député (Parti socialiste) de Meurthe-et-Moselle, rapporteur de la commission d’enquête sur les pesticides tenue en 2023, il s’agit là « d’un recul de l’Etat de droit ». « Dans une démocratie, la remise en cause par le pouvoir politique d’une autorité scientifique constituée n’est pas un acte banal, dit au Monde cet élu peu coutumier des outrances et des vociférations d’Hémicycle. C’est un moment de bascule. »

    Bien sûr, l’expertise peut – et doit – être constamment interrogée dans sa rigueur, son indépendance, dans ses choix de tenir compte de tel ou tel élément plutôt que de tel autre. Mais elle doit l’être avec les instruments intellectuels de la disputatio savante, et il va sans dire que l’injonction politique n’en fait pas partie. La volonté de contrôle de la science et de l’expertise est un trope des régimes césaristes ou à tentation autoritaire. De fait, on se souvient que parmi les premières décisions de Donald Trump, à son arrivée à la présidence des Etats-Unis, figuraient la reprise en main de l’Agence fédérale américaine pour la protection de l’environnement (EPA) et sa mise sous tutelle par le pouvoir.
    Le « réarmement chimique » de l’agriculture française et ses modalités ne sont donc pas seulement une catastrophe environnementale et sanitaire dont les effets seront irréversibles à brève ou moyenne échéance. Ils s’inscrivent, comme pour la question migratoire, dans un mouvement de ratification culturelle de l’#extrême droite : est-ce vraiment une bonne idée ?

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/03/si-rearmement-agricole-il-y-a-c-est-surtout-d-un-rearmement-chimique-de-l-ag

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • France : Gravelines : Série noire à la centrale, 5 accidents en 5 semaines

    https://www.sortirdunucleaire.org/France-Gravelines-Serie-noire-a-la-centrale-5-accidents-en-5-sema

    Mi janvier 2024, plusieurs interventions sont en cours sur le réacteur 1 de la centrale #nucléaire de Gravelines (Nord), qui fonctionne à pleine puissance. En lançant ces opérations en même temps, EDF n’a pas anticipé que son réacteur serait privé de plusieurs systèmes qui doivent être pleinement fonctionnels. Manque d’analyse, mauvaise gestion et absence de vision globale, ce nouvel incident montre un sérieux défaut de compétences de l’exploitant nucléaire. Et il n’y a pas que sur le réacteur 1 que les problèmes se multiplient : c’est le 5ème accident déclaré par le site en à peine 5 semaines.

  • Réarmement démographique : « L’État veut produire de la chair à canon »
    https://reporterre.net/Rearmement-demographique-L-Etat-veut-produire-de-la-chair-a-canon

    En évoquant le réarmement démographique, M. Macron rajoute aux discours natalistes « classiques » une « connotation guerrière insupportable », dit l’éditrice féministe Isabelle Cambourakis. « On nage en pleine dystopie. »
    [...]
    Le corps des femmes n’est pas une arme de guerre. Associer cette terminologie martiale à la politique nataliste me glace le sang. Cela donne l’impression que le gouvernement veut produire de la chair à canon. Ce n’est pas simplement un discours nataliste comme il y en a eu tant d’autres dans l’histoire. S’y ajoute en plus cette connotation guerrière insupportable, alors même que les conflits se multiplient dans le monde. On se demande quel est l’objectif visé concrètement par le gouvernement. Quelle politique le réarmement démographique va-t-il entraîner ? Est-ce seulement un élément de communication militariste ou non ? On reste dans l’expectative mais l’usage de ces mots est sidérant, rien que dans l’image que cela crée. Emmanuel Macron s’impose comme un chef autoritaire et martial qui veut avoir la main sur tout, un petit père du peuple, un pater familias qui irait jusqu’à gérer la reproduction de sa population.

    « On nage en pleine dystopie »

    J’ai l’impression d’assister à une vaste opération d’embrigadement des corps et des personnes pour les besoins d’une hypothétique guerre à venir, pour l’économie et la production ou pour faire face aux futures crises climatiques. On instrumentalise la jeunesse pour tenter de répondre aux catastrophes. Cela fait écho à de nombreux romans d’anticipation comme La Servante écarlate de Margaret Atwood ou le livre que j’ai édité, Viendra le temps du feu (2021) de Wendy Delorme. Dans ce livre, l’État oblige à la procréation et met en place des contrôles sanitaires pour surveiller la fertilité de sa population. Exactement comme les annonces d’Emmanuel Macron avec les tests de fertilité à 25 ans… On nage en pleine dystopie. Le discours du chef de l’État emprunte autant au pétainisme qui vante « la régénération du pays » qu’à la science-fiction.

    [...]

    Cela n’a pas d’influence sur les pratiques de procréation. Ce n’est pas parce que Macron appelle à un réarmement démographique que les gens vont tout d’un coup décider de faire des enfants ! Ces discours n’ont aucun effet, c’est une simple adresse envoyée aux conservateurs.

    … qui arrive un mois après l’adoption de la loi immigration.

    Cela va de pair. Pour que « la France reste la France », selon la formule d’Emmanuel Macron reprise à l’extrême droite, il faut à la fois limiter l’immigration et soutenir la reproduction des femmes blanches et des familles hétérosexuelles françaises.

    [...]

  • Nouveaux dérapages de coûts et de calendrier pour les #réacteurs_EPR anglais d’#EDF à la centrale d’Hinkley Point C
    https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/nouveaux-derapages-de-couts-et-de-calendrier-pour-les-reacteurs-epr-ang

    De nouveaux revers pour les EPR, fleuron du #nucléaire à la française. Le chantier du premier réacteur de nouvelle génération de la centrale d’#Hinkley_Point_C, en Angleterre, devrait connaître entre 2 et 4 ans de retard et un quasi doublement de la facture initiale. La mise en service du premier EPR d’Hinkley Point C est désormais repoussée d’au moins 2 ans, voire 4 ans, soit au mieux en « 2029 », voire « 2030 » ou « 2031 », a annoncé, mardi 23 janvier, le constructeur EDF.

    […] Plus long donc plus cher : le projet voit son coût désormais « évalué dans une fourchette entre 31 et 34 milliards de livres en valeur 2015 », a annoncé l’énergéticien, précisant que les coûts en valeur 2023 sont en cours d’estimation. Cela représente un surcoût de 6 à 8 milliards de livres (7 à 9,3 milliards d’euros) par rapport à la dernière révision qui remonte à 2022. EDF avait alors réévalué le projet à 25-26 milliards en livres 2015, contre 18 milliards estimés au début du projet en 2016. En outre, avec l’inflation, les coûts d’Hinkley Point pourraient encore gonfler, et EDF pourrait avoir à les supporter seul, faute de participation de son partenaire chinois CGN à des coûts supplémentaires.

  • « A la conférence de presse de Macron, le fantôme du général de Gaulle était omniprésent »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/17/a-la-conference-de-presse-de-macron-de-gaulle-etait-omnipresent_6211299_8234

    Tout, dans la mise en scène et le timing (le soir, en prime time), rappelait les conférences de presse, très théâtrales, du Général. Arnaud Jolens, le responsable « image » de la présidence, s’était d’ailleurs plongé dans les archives de l’Elysée pour bâtir son « plan de réalisation » pour les télévisions, nombreuses à retransmettre l’événement. Pour être fidèle aux images de l’époque, le fauteuil de Macron avait été remonté de 20 centimètres, afin que « le rapport buste-table » soit le même que pour de Gaulle.

    Ah ouais, quand même…

    • Se mettre sur la pointe des pieds, est-ce c’est de droite ?

      https://www.rtbf.be/article/petit-nicolas-sur-la-pointe-des-pieds-5328483

      Les couples Obama et Sarkozy se sont pliés à la traditionnelle séance de photos protocolaires du sommet de l’OTAN, le week-end dernier. Les mauvaises langues du Spiegel ont remarqué que le Président français se mettait sur la pointe des pieds lorsque les flashs crépitaient. De quoi créer un portfolio. C’est un peu facile. Mais l’image est forte.

    • « A la conférence de presse de Macron, le fantôme du général de Gaulle était omniprésent »

      Une France sépia idéalisée
      Renouer avec le macronisme des origines, comme le suggèrent les stratèges de l’Elysée, passait donc d’abord, mardi soir, par l’affirmation d’un imaginaire gaullien dont s’était inspiré Macron dans sa conquête et ses premiers mois au pouvoir : position transpartisane, pragmatisme et efficacité, méfiance à l’endroit des représentants politiques, des syndicats et des journalistes (des « stylographes », méprisait le Général), appel à de hauts fonctionnaires zélés pour gouverner par ordonnances, pratique verticale du pouvoir.

      Une référence utile – dans le gaullisme se mêlent grandeur de la France et valeurs de la République – au moment où le chef de l’Etat lance un « #réarmement_civique » afin de tenter de redonner aux Français le goût du vivre ensemble dans un pays travaillé par les inégalités et la question identitaire.

      Le « rendez-vous avec la nation » de ce président impopulaire, qui entend retrouver l’oreille et le cœur des Français, passe donc par la réponse à une « angoisse culturelle », doublée d’une supposée « demande de conservation », théorisées depuis longtemps à l’Elysée – et quotidiennement alimentées par les médias de Vincent Bolloré.
      Macron a choisi de rassurer en proposant aux Francais un retour vers une France sépia idéalisée : instauration progressive de l’uniforme à l’école, apprentissage de La Marseillaise par les élèves de primaire, cérémonie de remise du diplôme au collège. « La France sera plus forte si nous sommes plus unis, si nous réussissons à partager des valeurs, une culture commune, le sens du respect », a-t-il plaidé, assumant entre les lignes une nostalgie pour la période supposée glorieuse des années 1960, où la France exerçait encore un rayonnement dans le monde.

      Clins d’œil à la droite conservatrice
      Tout au long de sa conférence de presse, Macron a ainsi multiplié les formules désuètes, vantant sa fréquentation de « la laïque », ou se présentant comme « un enfant des deux écoles », comme le chantait Michel Sardou. Elevé par une grand-mère adorée, Macron a toujours revendiqué une forme de décalage avec son temps, étalant des goûts loin des standards de sa génération. « J’ai grandi de manière anachronique », confiait-il au Monde en 2018.
      Mais, au-delà de ce tropisme personnel, et de ce fameux « ethos de droite » qui s’épanouit à mesure que le temps passe, la convocation de la #France_d’hier répondait d’abord à un calcul électoral, à six mois des européennes. En multipliant les clins d’œil à la droite conservatrice, le président entend conserver son socle et contrer la progression du Rassemblement national.

      Interrogé sur le décalage entre un gouvernement présenté en préambule comme étant « le plus jeune de la Ve République » et des mesures qui fleurent bon la France d’antan, Macron s’est défendu d’être « vieux jeu ». En 1967, de Gaulle avait terminé sa grande conférence de presse en dissertant sur « l’après-gaullisme » : « Tout a toujours une fin. Chacun se termine. Pour le moment, ce n’est pas le cas. » « Je gouvernerai jusqu’au dernier quart d’heure », fait valoir Macron en écho. Il y a décidément des ritournelles qui ne changent pas.

      https://justpaste.it/2gtup

      "c’est pas de la pipe"

    • pardon mais ça veut dire quoi ça sent le sépia ? je vois cette expression associée à macron, est-ce ça sent le brun, le fascisme ? ou le sapin ? ou la vieille photo ? ou tout ça à la fois ?

      1. Liquide brun-noir sécrété par des glandes ventrales de la seiche, pour camoufler sa fuite. · 2. Encre brune préparée avec ce liquide

    • Une photo ancienne, bien loin de la staretupenaicheune. Ni contraste, ni définition, ni allant, pas même « en marche » donc. Une France du passé, imaginaire. Notre jeune homme moderne de la politique ? Un boomer au carré qui ne sait pas élargir son micro socle électoral de retraités.
      En écho, "ca sent le sapin", pour un kamikaze sans panache.

      edit Seul le journaliste de la BBC aurait quitté la conférence de presse salle lorsque la manip est devenue trop visible.

    • @colporteur je me suis étonnée aussi que plus de 200 journalistes lui tiennent le bavoir et restent assis sagement, la promesse d’un buffet a du les retenir. J’évite même les images et vidéos parce que ça me rend malade, et en général je me demande comment on peut rester stoïque devant cette litanie pétainiste.

  • Emmanuel Macron annonce un congé de naissance et un plan contre l’infertilité en vue du « réarmement démographique » du pays
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/17/emmanuel-macron-annonce-un-conge-de-naissance-et-un-plan-contre-l-infertilit

    M. Macron a esquissé rapidement les contours du futur congé de naissance, « qui viendra remplacer le congé parental actuel ». Ce dernier sera « mieux rémunéré », plus court que l’actuel congé parental et « permettra aux deux parents d’être auprès de leur enfant pendant six mois s’ils le souhaitent ».

    Le président de la République confirme ainsi que cette réforme, annoncée par Aurore Bergé dès son arrivée au ministère des solidarités, à l’été 2023, verra bien le jour. Une concertation avait débuté à la rentrée de septembre avec les partenaires sociaux pour proposer un dispositif plus attractif pour les familles, en partant du constat de la faible attractivité du congé parental tel qu’il existe aujourd’hui. En novembre, la ministre avait annoncé l’entrée en vigueur de ce « nouveau droit » en 2025. A l’époque, il était question qu’il coexiste avec le congé parental actuel, ce qui ne semble donc plus être à l’ordre du jour.

    Perplexité. Est ce que c’est vraiment la raison de la baisse des naissances ? N’a t elle pas plus à voir avec des raisons plus fondamentales, telles que l’incertitude face à l’avenir ou plus précisément la certitude que le monde de demain ne vaudra pas la peine d’être infligé aux enfants à venir, pour des raisons tant écologiques que politiques, à savoir une société de la précarité, des inégalités, de la vacuité de sens, notamment au travail. Et par ailleurs, le recul de l’âge des femmes à la naissance traduit peut être aussi une aspiration à vivre sa vie pleinement, sans les lourdes contraintes de la maternité surtout lorsque la parentalité n’est pas égalitaire. Un congé maternité mieux rémunéré répond il à cela, lorsqu’on apprend par ailleurs que ce sont précisément les retours de congés maternité qui dévalorisent les femmes en entreprise, où on ne les considère plus comme assez disponibles pour leur tâche, où on les placardise. Autrement dit, c’est plutôt sur les relations d’emploi qu’il faudrait mettre l’accent.
    Enfin, dernier point, est-ce si mal que le rythme d’accroissement démographique se réduise ? Il faut imaginer un meilleur système de prise en charge des retraites, en ponctionnant les riches retraités en particulier...

    • Complément, avec un tout petit peu de cynisme à l’intérieur :

      – Les pays du sud global n’ont pas (encore) désarmé leur natalité et pourtant, eux aussi auraient des raisons de...

      – Argumenter que les pays riches ont une natalité désarmée, alors qu’on a de plus en plus de pauvres dans nos pays du nord pourrait donc poser question

      – Le doute face à l’avenir est tout aussi vrai dans les pays du sud global, les effets du réchauffement climatique sont au moins aussi fort que chez nous ; et pourtant, donc, pas de désarmement chez eux

      – Si j’osais, j’émettrais l’hypothèse que la raison supplémentaire qui fait que le désarmement est plus effectif dans le nord global, ce serait que les femmes y sont (encore) éduquées, et en mesure (encore) d’user de leurs droits à la contraception.

      – Un réarmement de la natalité dans un tel contexte devrait donc soit en passer par une dés-éducation (à la Stanislas, comme on dit maintenant), ou par une réduction des droits à la contraception.

      Compagnon de la Renaissance, choisis ton camp !

    • En fait, c’est pas degaule mais naboléon matiné pétin que monarc copie. Naboléon avait fait en sorte d’augmenter les abandons de nouveaux nés pour alimenter ses armées de chair fraiche. (ça colle bien avec le réarmement et le SNU) Reste plus qu’à rétablir l’esclavage pour le réarmement de france travail.

      Ces boîtes où on déposait les bébés au XIXème siècle : les tours d’abandon – On n’Est Pas des Lumières
      https://compediart.com/index.php/2019/04/01/ces-boites-ou-on-deposait-les-bebes-au-xixeme-siecle-les-tours-dabandon

      En effet, l’Empereur a instauré une législation familiale pour le moins sévère : d’une part le Code civil de 1804 interdit toute recherche de paternité, ce qui fait peser la charge des enfants illégitimes uniquement sur les femmes, et d’autre part, en 1810, l’avortement est considéré comme un délit criminel passible d’une peine de prison. Ainsi, la prise en charge des abandons d’enfants sous le Ier Empire apparaît d’autant plus nécessaires que ces deux mesures ont pour conséquence une multiplication de ces-derniers, notamment pour celles qu’on appelle alors les filles-mères, condamnées à une vie de mépris social et qui ne peuvent ni avorter, ni exiger une reconnaissance paternelle de leur enfant. Napoléon Ier instaure donc différentes mesures qui renforcent l’action du gouvernement dans la prise en charge de ces enfants : il créé au sein de chaque préfecture un service des enfants abandonnés et trouvés, et créé le statut de « pupille de l’État » pour les enfants trouvés, dont la tutelle est de nouveau confiée aux hospices, mais avec des financements départementaux et municipaux jusqu’à leur douze ans.

    • Camille Froidevaux-Metterie : « Affirmer la nécessité d’une politique nataliste, c’est relancer un programme d’un autre âge »

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/20/camille-froidevaux-metterie-affirmer-la-necessite-d-une-politique-nataliste-

      Lorsque le président de la République déplore que les femmes ne fassent pas davantage d’enfants, il occulte les raisons pour lesquelles le projet parental fait aujourd’hui réfléchir. Le cadre d’ensemble de la fondation des familles a de quoi décourager. Crise environnementale, inflation, insécurité internationale : les motifs de renoncer à devenir parents ne manquent pas. Mais ce sont surtout les conditions dans lesquelles les femmes deviennent mères qu’il faut interroger. L’enquête que j’ai menée auprès d’une trentaine d’entre elles (Un si gros ventre. Expériences vécues du corps enceint, Stock, 2023) révèle l’intensité des logiques de dépossession par lesquelles les femmes se trouvent réduites à leur si gros ventre et, littéralement, désubjectivées, c’est-à-dire privées de toute réflexivité et de toute agentivité durant leur grossesse et au-delà.

      Lire aussi (2017) : Les inégalités femmes-hommes en 12 chiffres et 6 graphiques

      Ajouter à vos sélections
      Les enquêtes montrent par ailleurs que les nouvelles mères sont discriminées dans le monde du travail. Dans le baromètre 2022 sur la perception des discriminations dans l’emploi, la Défenseure des droits, Claire Hédon, écrit ainsi : « Nous rendons encore un nombre trop important de décisions où des femmes ne sont pas embauchées en raison de leur état de grossesse ; ne retrouvent pas leur poste au retour de leur congé maternité ; ou dont la période d’essai est rompue, car elles sont enceintes. C’est sidérant et illégal. Les discriminations sont considérables. » La création d’un « congé de naissance » partagé entre les deux parents et mieux rémunéré ne suffira pas à remédier à ce fait massif : les femmes perdent dans la maternité certains des attributs de leur autonomie.

      Droits fondamentaux
      Alors que l’Assemblée nationale se prépare à discuter le projet de loi visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, il est bon de rappeler que procréer est un choix et que les droits reproductifs sont des droits fondamentaux. N’en déplaise aux nostalgiques des familles nombreuses, le non-désir d’enfant constitue une option procréative aussi légitime que les autres. Aucune injonction, aussi officielle soit-elle, ne doit nous priver de cette liberté démocratique que constitue la maîtrise de nos corps.

    • Et il ajoute aussi, avant qu’on le pende …

      M. Larcher, rappelant « qu’on a fermé en plus de dix ans 130 centres » qui se consacraient à l’IVG.

      Voila voila où le droit des femmes à avorter a sombré, c’est beau les lois et les inscriptions au fronton de la constitution mais en réalité c’est du pipeau, un vrai foutage de gueule parce que derrière les lieux d’avortement ferment. Et il y a un peu plus de dix ans, j’avortais au RU dans… une maternité et dans… une chambre d’accouchement, flippant. A 100km de chez moi (A/R dans la journée) sur les conseils du planning familial de Narbonne (qui a fermé depuis) et il m’a fallut subir les remarques culpabilisantes de la gynéco, les nouveaux nés, et aucune prévenance ni suivi. Genre tu gênes. J’imagine même pas ce que ça doit être aujourd’hui.

    • SNU, uniformes, « réarmement civique » : le #gouvernement-Attal, ennemi numéro 1 de la jeunesse
      https://www.revolutionpermanente.fr/SNU-uniformes-rearmement-civique-le-gouvernement-Attal-ennemi-n

      Des vœux du Président au remaniement gouvernemental, il ne fait aucun doute que la jeunesse constitue une cible privilégiée de la macronie pour 2024. Face à une génération en voie de radicalisation, un pari risqué pour le régime.

      En cette rentrée de janvier 2024, la feuille de route dont s’est dotée le gouvernement a le mérite d’être claire. Dans la continuité de la rhétorique sur « l’ordre, l’ordre, l’ordre » martelée au sortir des révoltes pour Nahel, qui a conduit à l’interdiction du port de l’abaya à l’école, Emmanuel Macron a promis lors de ses vœux un « réarmement civique » pour la nouvelle année.

      Derrière l’objectif affiché de « faire des républicains » et d’endiguer « l’effondrement de la civilité », l’auto-proclamé « Président des Jeunes » adresse une menace à peine voilée à l’endroit de la jeunesse. Il faut dire que la politisation de cette dernière se fond mal avec l’ambition autoritaire du macronisme : protagonistes quasi-systématique des mobilisations de ces dernières années, seul 20% des moins de 25 ans ont voté pour lui en 2022. Dans le contexte réactionnaire actuel, en dépit de la répression et de la rhétorique pour diviser les classes populaires, ce sont les jeunes qui soutiennent le plus le peuple palestinien, contestent le plus la Loi immigration, et fustigent le caractère antidémocratique des institutions.

      Pour les ramener dans le droit chemin des « valeurs de la République », le chef de l’État a donc nommé Gabriel Attal comme Premier Ministre. Le plus jeune à ce poste de toute l’histoire de la V° République, architecte du SNU, de l’interdiction du port de l’abaya et de l’expérimentation de l’uniforme à l’école, sera accompagné de Prisca Thévenot comme porte-parole du gouvernement et Amélie Oudéa-Castéra comme ministre de l’Éducation Nationale et des JO. Deux proches de Macron ayant déjà une certaine expérience dans le domaine puisque la première était chargée ces derniers mois d’envisager la généralisation du SNU et que la seconde a mis en place l’expulsion de milliers d’étudiants de leur logement Crous pour l’été 2024. Un scandale en pleine crise du logement, accompagné d’appels à la « mobilisation » des étudiants pour des jobs payés au lance-pierre pendant les Jeux.

      Des premiers« efforts » demandés aux jeunes par la ministre des Sports qui pourraient franchir un cap supplémentaire avec le nouveau gouvernement Attal, cette fois pour répondre aux préoccupations de l’exécutif dans une situation internationale marquée par des guerres en Ukraine ou à Gaza, des turbulences géopolitiques, et des perspectives de destabilisation dans de nombreuses régions. Après avoir porté une nouvelle Loi de programmation militaire d’envergure inédite en vue « de se préparer au retour des conflits de haute intensité », le ministre des armées plaide pour un renforcement du SNU afin de faire naitre des vocations militaires chez les moins de 18 ans. Une politique non sans lien avec le rapport de la mission pour la résilience nationale rendu à l’automne 2022, préconisant d’augmenter « la mobilisation des effectifs susceptibles d’intervenir en première ligne en cas de crise grave ». De quoi consacrer une « phase préparatoire à un réarmement militaire et à une mobilisation nationale de la jeunesse » résume dans les colonnes de Reporterre le chercheur au CNRS Thierry Ribault.

      Un enjeu stratégique pour l’impérialisme français qu’il sera néanmoins périlleux d’honorer : jusqu’ici, le gouvernement a échoué à aller au bout de ses nombreuses tentatives de généralisation du SNU, trop inquiet d’une mobilisation lycéenne dans un climat social déjà éruptif. Dans ce cadre, l’instauration de l’uniforme dans le secondaire devrait faire office de crash test, le gouvernement espérant cette fois compter sur le soutien de la droite traditionnelle, après les difficultés rencontrées au temps de Blanquer avec les polémiques sur les « tenues républicaines » et les crop-tops.

      En dépit de cette tentative impuissante d’endiguer l’isolement en visant toujours plus à droite, à force de vouloir remettre de force les jeunes sur le droit chemin, le gouvernement pourrait bien prendre un sévère retour de bâton en encourageant la sécession de toute une génération. Car les réformes sécuritaires comme la rhétorique réactionnaire participent à dévoiler le caractère profondément autoritaire du régime, sans répondre aux aspirations d’une jeunesse en rupture avec l’avenir de crises que lui est promis. Une réalité qui avait déjà valu une mobilisation étudiante « Ni Le Pen, Ni Macron » pendant l’entre-deux tours de 2022 et qui s’est confirmée pendant la réforme des retraites, les révoltes pour Nahel, la Palestine et désormais la mobilisation contre la Loi Darmanin. Faire de cette sécession une lutte contre le régime de la Ve République et les intérêts capitalistes qu’elle défend, telle est la perspective que nous défendrons avec Le Poing Levé pour 2024.

      Ariane Anemoyannis et Le Poing Levé

    • « Macron prépare la militarisation de la société »
      https://reporterre.net/Macron-prepare-la-militarisation-de-la-societe

      Le « réarmement civique » prôné par le chef de l’État est un « appel au sacrifice du peuple », alerte le chercheur Thierry Ribault. Il prépare la jeunesse à une « inéluctable » mobilisation nationale.

      Un faisceau d’indices, d’événements et d’éléments de langage montrent que nous changeons d’époque. Le dernier discours d’Emmanuel Macron sur « la régénération » et « le réarmement civique » en est une illustration. On prépare les esprits à un endurcissement de la société et à un monde en guerre, alerte Thierry Ribault, chercheur en sciences sociales au CNRS à Lille et auteur de Contre la résilience — À Fukushima et ailleurs (éd. L’Échappée), pour qui la mobilisation générale est indispensable au « survivalisme d’État ».

      Reporterre — Le chef de l’État prépare son « rendez-vous avec la nation » de janvier. Il dit vouloir impulser un « réarmement civique » de la jeunesse. Que vous évoque cette expression ?

      Thierry Ribault — Le réarmement civique est un sous-produit idéologique de la doctrine de la résilience nationale élaborée par les dirigeants macronistes. C’est une phase préparatoire à un réarmement militaire et à une mobilisation nationale de la jeunesse.

      Cela fait plusieurs années que l’on entend cette petite musique. Trois jours avant l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine, une mission parlementaire a rendu en France son rapport sur la résilience nationale. Pour « absorber les chocs », il faut éduquer, disait-elle, les citoyens à être de bons soldats au service d’une « défense totale » de la Nation. Dans ce « monde en guerre » où « la conflictualité s’est généralisée à tous les espaces », la mobilisation de la jeunesse est considérée comme inéluctable par nos élites...

      ... Nous sommes dans un culte de l’adaptation. Et l’incantation à la résilience peut aller jusqu’à l’éloge du sacrifice, sous couvert de solidarité. Le rapport de la mission pour la résilience nationale préconisait d’ailleurs d’accroître « la mobilisation des effectifs susceptibles d’intervenir en première ligne en cas de crise grave ».

      L’uniforme et le SNU sont autant de moyens de nous discipliner et de nous apprendre le sens du devoir. « Chez de nombreux jeunes et moins jeunes, l’abondance inhérente à la société de consommation a fait oublier la possibilité du manque matériel ; l’habitude du confort a fait perdre l’aptitude à la rusticité », écrivaient les auteurs du rapport. Pour y faire face, le retour à un État fort, avec de l’autorité, est jugé indispensable.

      L’ancien Premier ministre Édouard Philippe se dit aussi favorable à un retour du service militaire, l’ex-ministre des Armées affirme avoir besoin de « cybercombattants »…

      Face à une société qui s’endurcit avec brutalité, les dirigeants vantent l’endurcissement des individus. Plus concrètement, il s’agit de garantir l’engagement des corps. Car la préoccupation centrale actuelle des dirigeants, c’est la crainte d’un déficit de troupes mobilisables dans un conflit éventuel à venir. Le conflit russo-ukrainien rappelle le caractère crucial de la disposition d’une matière première humaine destinée au combat et à la destruction.

      Les dirigeants entretiennent le fantasme de la création d’un continuum d’engagements dans la société qui irait de l’élève de collège au militaire de carrière, et qui couvrirait les formes de combat les plus variées, de la tranchée au cyberespace. Il faut bien faire rêver la jeunesse… Indéniablement, l’Ukraine est un modèle pour les élites françaises.

      À quoi le voyez-vous ?

      À leur discours. Au forum Normandie pour la paix, l’ancien ministre des Armées, Sébastien Lecornu, disait sans ambages toute la teneur sacrificielle de la résiliomanie à laquelle il nous commande de prendre part. Il soulignait la nécessité d’une « capacité de résilience collective » pour faire face simultanément à « une pandémie, un attentat terroriste et une guerre aux portes de l’Europe, ainsi qu’aux effets du dérèglement climatique ».

      Il n’hésitait pas à déclarer en parfait promoteur du survivalisme d’État : « La leçon de l’Ukraine, c’est que c’est un peuple résilient. [...] Le don qu’ils font, c’est celui de leurs fils. »

      « Plus nous sommes en guerre, moins nous sommes en lutte »

      Dès qu’il y a appel à la résilience du peuple, il y a appel au sacrifice du peuple. Les dirigeants tablent sur une exaltation du sacrifice. Libres d’obéir et condamnés à résilier, tel est le mot d’ordre des administrateurs du consentement aux désastres. Plus nous sommes en guerre, moins nous sommes en lutte.

      Quelle conséquence peut avoir l’endoctrinement de la jeunesse ? Quel type d’avenir cela promet-il ?

      Les appels à la résilience nationale sont des ordres adressés à la jeunesse. C’est une façon de les enjoindre à ne surtout pas s’autonomiser et à rester dépendants. Voire même à accroître cette dépendance vis-à-vis des puissants, dans les temps de catastrophe. Plus que jamais nous devons rester solidaires de la production en tant que telle. Produire pour produire, y compris pour produire des catastrophes, tel est l’impératif.

      Dans ce « monde en guerre » dans lequel nous sommes projetés, la quête effrénée de résilience nationale prend les allures d’une rhétorique de nationale-résilience. Et parmi les « modèles » de résiliocraties mis en avant, on retrouve des démocraties aussi exemplaires que la Russie avec son prototypique « ministère des situations d’urgence », la Chine « qui met en place un système unique », Singapour, « une démocratie hybride » où « la défense totale est présente dans tous les aspects de la vie des citoyens », ou encore Israël dont la « politique de résilience robuste et opérationnelle » avec des exercices pratiques permet de « préparer les esprits et les populations au spectre d’un conflit ouvert ». Sans aucun doute, l’actualité récente nous en fournit un exemple éloquent.

      Alors qu’il passe pour un modèle de résilience, Israël est en réalité l’archétype d’un monde faux : un monde où tout menace, mais où il faut tenir malgré tout. Le réarmement civique est bien, en ce sens, un outil d’israélisation du monde. Car ce que l’on ne dit pas assez, c’est combien les Israéliens sont victimes de la résiliomanie de leurs dirigeants, qui leur demandent d’être endurants et de vivre au quotidien avec le pire. D’apprendre à vivre dans un état perpétuel de catastrophe et de lutte contre « l’ennemi ».

      Ce programme est également, désormais, celui auquel les dirigeants français nous enjoignent de nous conformer.

      Où nous mène donc ce programme ?

      Plus que la « confirmation d’un virage droitier, aux accents conservateurs », le discours sur le réarmement civique est une nouvelle contre-offensive étatique face à la montée des aspirations de la jeunesse. Pour reprendre la formulation de Jacques Philipponneau, dans son livre Au-dessus du volcan, la jeunesse manifeste une détermination croissante « à critiquer l’ensemble du système économico-politique, non seulement au nom de l’évidence d’un péril imminent, mais de plus en plus au nom d’une autre conception de la vie ».

      Or les pouvoirs publics entretiennent une confusion entre les deux champs sémantiques de la résilience et de la résistance, parce qu’ils ne veulent surtout pas résister, c’est-à-dire remettre en cause le système technocapitaliste et industriel qui est à l’origine des catastrophes. À travers cette sidération, qui consiste à nous dire qu’il n’y a pas de quoi être anxieux mais qu’il faut tout de même se préparer au pire, l’objectif des gouvernants est de perpétuer l’existant et d’y soumettre les populations.

      « Une technologie de consentement au désastre »

      De ce point de vue, l’idée d’un réarmement civique s’inscrit dans la liste des technologies du consentement au désastre et à l’addiction au désastre, dont le triple objectif est : ne pas s’attaquer aux responsables ; ne pas remettre en cause le système ; éviter la révolte contre ce qui règne, gouverne, et agonise en ce moment.

      Cette idée de réarmement civique fait partie de la quincaillerie idéologique survivaliste du gouvernement. Elle nous empêche de résister à l’ogritude en cours. Une ogritude qu’on euphémise d’ailleurs, en parlant aussi bien de « crise climatique » liée au réchauffement, qu’en parlant de « crise humanitaire » à Gaza, pour éviter de parler respectivement d’écocide et de génocide.

      Ainsi quand l’Élysée prétend à la fois répondre à « l’effondrement de la civilité », constaté par le chef de l’État ces quinze dernières années, et à la « fragmentation croissante de la société », on est en droit de se demander ce qu’il en est de l’effondrement de solidarité et d’humanité auquel on assiste à Gaza et ailleurs. Qu’en est-il encore de la fragmentation de la société que Macron et d’autres précipitent en interdisant l’expression des solidarités avec les Palestiniens emmurés vivants ?

  • Mais c’était un coup en 3 bandes (comme disait Stéphane Guillon) depuis le premier quinquennat ?
    Tu te fais élire centriste, mais le but, c’est de placer le plus de réformes conservatistes, réactionnaires et droitardes, le plus sournoisement du monde. Pour enfin avoir construit une société de droite dure.
    SNU, uniforme à l’école, sport+jeune, théâtre, éducation civique (de droite)... ca ressemble bien à un période pré-extreme droite, non ?
    Si vous rêviez de vous immerger dans ce que pouvaient être les années 30, ne cherchez pas, remplissez vos poumons, c’est exactement ca.

    J’en ai mare de voir chaque jour les choses s’éloigner de ce que j’imagine être une société. En plus de la frustration et la rage, j’ai cette impression de solitude.
    Les directeurs d’écoles ne devraient pas appliquer cela.

    Service national universel, uniforme à l’école, théâtre... Les outils du « réarmement civique » voulu par Emmanuel Macron

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/17/service-national-universel-uniforme-education-civique-theatre-les-outils-du-

    Les contours de plusieurs mesures annoncées lors de la conférence de presse du chef de l’Etat, le 16 janvier, demeurent flous, et l’application de certaines d’entre elles est soumise à la mise en place de moyens supplémentaires.

    --- --- --- ET DONC --- --- ---

    On en arrive au texte que personne n’a relayé @rezo @7h36 , et pourtant terrifiant de vérité

    L’extrême droite REGNE mais ne gouverne pas
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/L-extreme-droite-regne-mais-ne-gouverne-pas

  • Exporter Zola
    https://laviedesidees.fr/Exporter-Zola

    Désireux de vivre de sa plume, Zola a vite compris l’importance du marché des traductions. La circulation de ses romans, mais aussi la publicité, le merchandising et les scandales ont permis d’exploiter largement son œuvre. Dans le monde entier, la « machine naturaliste » a tourné à plein régime.

    #Arts #littérature #commerce #histoire_sociale #réalisme #Entretiens_écrits
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202312_zola.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202312_zola-2.docx

  • Mortalité infantile : la France dégringole
    https://www.lequotidiendumedecin.fr/specialites/pediatrie/mortalite-infantile-la-france-degringole

    En passant de la 3e à la 20e place en Europe pour ce qui est de la mortalité néonatale, la France se déclasse. En cause, une offre inadaptée dans le bas risque et des manques de moyens en réanimation néonatale.

    La situation périnatale ne s’est guère améliorée en France : elle a même continué à se dégrader par rapport à l’an dernier, ce qui place la France dans une mauvaise direction par rapport au reste de l’Europe – notamment de l’Europe du Nord –, où la mortalité infantile continue à baisser.

    • La publication de l’Insee, à partir des données de l’état-civil (14/06/2023)
      avec tous les chiffres, téléchargeables

      Depuis 2015, la mortalité infantile en France est supérieure à la moyenne européenne - Insee Focus - 301
      https://www.insee.fr/fr/statistiques/7627069#graphique-figureencadre

      En 2021, 2 700 enfants de moins d’un an sont décédés en France, soit 3,7 décès pour 1 000 naissances vivantes. Bien qu’historiquement bas, ce taux ne baisse plus depuis 2005. Il a même légèrement augmenté entre 2014 et 2017, en particulier en ce qui concerne la mortalité dans les premiers jours de la vie. La moitié des enfants décédés avant leur premier anniversaire en 2021 ont vécu moins d’une semaine.
      Depuis 2015, la mortalité infantile en France est supérieure à la moyenne européenne, alors qu’elle était l’une des plus basses d’Europe à la fin du XXe siècle. En effet, contrairement à la France, la mortalité infantile en Europe continue de diminuer en moyenne, bien que modérément ces dernières années. La baisse de la mortalité néonatale (avant 28 jours) est particulièrement ralentie en France depuis 20 ans ; c’est aussi le cas en Allemagne.

    • la lecture et l’interprétation de ces chiffres par l’INED (août 2024)
      (on notera les hypothèses émises - et leur ordre ? – toutes basées sur des éléments factuels (il y a des données…) : 2 démographiques et 2 sociales)

      Est-il vrai que la mortalité infantile est en hausse en France ? - La question du jour - Les mémos de la démo - Ined - Institut national d’études démographiques
      https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/faq/est-il-vrai-que-la-mortalite-infantile-est-en-hausse-en-france

      Après une baisse continue durant le XXe siècle, le taux de mortalité infantile atteint désormais un très faible niveau mais ce taux stagne. Il a même légèrement augmenté entre 2014 et 2017 en France, alors qu’il tend à baisser dans quasiment tous les pays de l’UE27. En 2022, il s’établit à 3,9 pour 1000 naissances vivantes (3,7 en métropole), ce qui place la France au-dessus de la moyenne européenne. La hausse du taux de mortalité infantile est particulièrement marquée lors de la première semaine de vie qui concentre 47,8 % des décès.

      Les données d’état civil ne permettant pas de disposer d’informations d’ordre médical, seules des hypothèses visant à expliquer cette augmentation sont émises, telles que la hausse de l’âge des mères au moment de l’accouchement, l’accroissement des grossesses multiples, les situations de précarité ou encore une dégradation du circuit de soins.

    •  :-)

      conséquence du surcroît de maltraitance sur le nouveau-né (port du masque…)

      Alors qu’un troisième confinement est en discussion en France, les pédiatres, pédopsychiatres et services d’urgences pédiatriques de tout le pays observent depuis quelques semaines une augmentation sans précédent des consultations ambulatoires et hospitalières, admissions aux urgences et hospitalisations pour motifs psychiatriques tels qu’anxiété, idées noires ou gestes suicidaires, souvent dans un contexte de maltraitance. Les services d’hospitalisation habituellement surchargés à cette période d’enfants atteints de pathologies infectieuses (bronchiolites, gastro-entérite) le sont cette année encore mais d’enfants maltraités, déprimés, anxieux et suicidaires.

      dernier avis en date du 25/01/2021

    • Que diantre, vous n’y êtes pas du tout ! C’est la faute aux migrants, bien sûr ! Jordan l’a démontré, hôtel 5 étoiles à l’appui, l’autre vendredi sur RCI, c’est que des enfants de migrants nés illégalement sur nos fiers trottoirs de fRrance qui plombent notre beau classement de 3e meilleur européen.

      (je préfère ne pas sourcer, ça tâche)

  • L’erosione di Schengen, sempre più area di libertà per pochi a danno di molti

    I Paesi che hanno aderito all’area di libera circolazione strumentalizzano il concetto di minaccia per la sicurezza interna per poter ripristinare i controlli alle frontiere e impedire così l’ingresso ai migranti indesiderati. Una forzatura, praticata anche dall’Italia, che scatena riammissioni informali e violazioni dei diritti. L’analisi dell’Asgi

    Lo spazio Schengen sta venendo progressivamente eroso e ridotto dagli Stati membri dell’Unione europea che, con il pretesto della sicurezza interna o di “minacce” esterne, ne sospendono l’applicazione. Ed è così che da spazio di libera circolazione, Schengen si starebbe trasformando sempre più in un labirinto creato per isolare e respingere le persone in transito e i cittadini stranieri.

    Per l’Associazione per gli studi giuridici sull’immigrazione (Asgi) la sospensione della libera circolazione, che dovrebbe essere una pratica emergenziale da attivarsi solo nel caso di minacce gravi per la sicurezza di un Paese, rischia infatti di diventare una prassi ricorrente nella gestione dei flussi migratori.

    A fine ottobre di quest’anno il governo italiano ha riattivato i controlli al confine con la Slovenia, giustificando l’iniziativa con l’aumento del rischio interno a seguito della guerra in atto a Gaza e da possibili infiltrazioni terroristiche. La decisione è stata anche proposta come reazione alla pressione migratoria a cui è soggetto il Paese. Lo stesso giorno in cui l’Italia ha annunciato la sospensione della libera circolazione -misura prorogata- la stessa scelta è stata presa anche da Slovenia, Austria, Repubblica Ceca, Slovacchia, Polonia e Germania. Una prassi che rischia di agevolare le violazioni dei diritti delle persone in transito. “Questa pratica, così come l’uso degli accordi bilaterali di riammissione, ha di fatto consentito alle autorità di frontiera dei vari Stati membri di impedire l’ingresso nel territorio e di applicare respingimenti ai danni di persone migranti e richiedenti asilo, in violazione di numerose norme nazionali e sovranazionali”, scrive l’Asgi.

    Il “Codice frontiere Schengen” prevede che i confini interni possano essere attraversati in un qualsiasi punto senza controlli sulle persone, in modo indipendente dalla loro nazionalità. Secondo i dati del Consiglio dell’Unione europea, circa 3,5 milioni di persone attraverserebbero questi confini ogni giorno mentre in 1,7 milioni lavorerebbero in un Paese diverso da quello di residenza, attraversando così una frontiera interna. In caso di minaccia grave per l’ordine pubblico o la sicurezza interna in uno Stato membro, però, quest’ultimo è autorizzato a ripristinare i controlli “in tutte o in alcune parti delle sue frontiere interne per un periodo limitato non superiore a 30 giorni o per la durata prevedibile della minaccia grave”. Tuttavia, lo stesso Codice afferma che “la migrazione e l’attraversamento delle frontiere esterne di un gran numero di cittadini di Paesi terzi non dovrebbero in sé essere considerate una minaccia per l’ordine pubblico o la sicurezza”.

    Inoltre, anche nel caso in cui vengano introdotte restrizioni alla libera circolazione, queste vanno applicate in accordo con il diritto delle persone in transito. “La reintroduzione temporanea dei controlli non può giustificare alcuna deroga al rispetto dei diritti fondamentali delle persone straniere che fanno ingresso nel territorio degli Stati membri e, nel caso specifico dell’Italia, attraverso il confine italo-sloveno -ribadisce l’Asgi-. In particolare, il controllo non può esentare le autorità di frontiera dalla verifica delle situazioni individuali delle persone straniere che intendano accedere nel territorio dello Stato e che intendano presentare domanda di asilo”. In particolare, la sicurezza dei confini non può impedire l’accesso alle procedure di protezione internazionale per chi ne fa richieste e di riceve informazioni sulla possibilità di farlo. Infine, i controlli non possono portare a una violazione del diritto di non respingimento, che impedisce l’espulsione di una persona verso Paese dove potrebbe subire trattamenti inumani o degradanti o dove possa essere soggetta a respingimenti “a catena” verso Stati che si macchiano di queste pratiche.

    Le operazioni di pattugliamento lungo il confine tra Italia e Slovenia presentano criticità proprio in tal senso. Secondo le notizie riportate dai media e le recenti dichiarazioni del ministro dell’Interno Matteo Piantedosi, l’Italia avrebbe applicato ulteriori misure che hanno l’evidente effetto di impedire alla persona straniera l’accesso al territorio nazionale e ai diritti che ne conseguono. Già a settembre del 2023 il ministro aveva dichiarato, in risposta a un’interrogazione parlamentare, la ripresa dell’attività congiunta tra le forze di polizia di Italia e Slovenia a partire dal 2022. Sottolineando come grazie all’accordo fosse stato possibile impedire, per tutto il 2023, l’ingresso sul territorio nazionale di circa 1.900 “migranti irregolari”. “Preoccupa, inoltre, l’opacità operativa che caratterizza questi interventi di polizia: le modalità, infatti, con le quali vengono condotti sono poco chiare e difficilmente osservabili ma celano evidenti profili di criticità e potenziali lesioni di diritti”.

    Le azioni di polizia, infatti, avrebbero avuto luogo già in territorio italiano oltre il confine: una simile procedura appare in linea con quanto previsto dalle procedure di riammissione bilaterale, ma in contrasto con il Codice frontiere Schengen, che presuppone che i controlli possano essere svolti solo presso i valichi di frontiera comunicati alle istituzioni competenti. Una prassi simile è stata riscontrata lungo il confine italo-francese, dove l’Asgi ha identificato la coesistenza di pratiche legate alla sospensione della libera circolazione con procedure di riammissione informale.

    “La libera circolazione nello spazio europeo è una delle conquiste più importanti dei nostri tempi -è la conclusione dell’Asgi-. Il suo progressivo smantellamento dovrebbe essere dettato da una effettiva emergenza e contingenza, entrambe condizioni che sembrano non rinvenibili nelle motivazioni addotte dall’Italia e dagli altri Stati membri alla Commissione europea. La libertà di circolazione, pilastro fondamentale dell’area Schengen, rivela forse a tutt’oggi la sua vera natura: un’area di libertà per pochi a danno di molti”.

    https://altreconomia.it/lerosione-di-schengen-sempre-piu-area-di-liberta-per-pochi-a-danno-di-m

    #Schengen #contrôles_frontaliers #contrôles_systématiques_aux_frontières #asile #migrations #réfugiés #frontières #Europe #frontières_intérieures #espace_Schengen #sécurité #libre_circulation #Italie #Slovénie #terrorisme #Gaza #Slovénie #Autriche #République_Tchèque #Slovaquie #Pologne #Allemagne #accords_bilatéraux #code_frontières #droits_humains #droits_fondamentaux #droit_d'asile #refoulements_en_chaîne #patrouilles_mixtes #réadmissions_informelles #France #frontière_sud-alpine

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    ajouté au fil de discussion sur la réintroduction des contrôles systématiques à la frontière entre Italie et Slovénie :
    https://seenthis.net/messages/1021994

  • Communiqué commun et publication d’une analyse préliminaire sur la mort de Roger ‘#Nzoy’ Wilhelm

    Depuis plusieurs mois, Border Forensics enquête sur la mort de Roger ‘Nzoy’ Wilhelm, un Suisse d’origine sud-africaine, tué par la #police à la gare de #Morges (Suisse) le 30 août 2021. Plus de deux ans après sa mort, alors que le déroulement exact des événements reste flou, le #Ministère_public du Canton de Vaud a récemment annoncé sa volonté de rendre une #ordonnance_de_classement et une #ordonnance_de_non-entrée_en_matière.

    Alors que notre enquête sur la mort de Roger ‘Nzoy’ Wilhelm est toujours en cours, et en contribution à la demande de vérité et de justice de la Commission d’enquête indépendante sur la mort de Roger Nzoy Wilhelm, aujourd’hui une analyse préliminaire produite par Border Forensics concernant une partie des événements a été soumise au Ministère public du Canton de Vaud. Cette analyse sera rendu public prochainement.

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    Communiqué de presse : La Commission indépendante et Border Forensics critiquent le ministère public dans l’affaire de l’homicide de Roger Nzoy Wilhelm et publient des preuves ignorées

    Le Zurichois Roger Wilhelm, âgé de 38 ans, a été abattu par un policier le 30 août 2021 à la gare de Morges. Wilhelm a été laissé sur le ventre pendant six minutes et demie, sans que les autres policiers impliqués ne lui prodiguent les premiers soins. Malgré cela, le 10 octobre 2023, le Ministère public du canton de Vaud a annoncé qu’il ne poursuivrait ni l’#homicide ni l’#omission_de_prêter_secours.

    La Suisse ne dispose pas d’une institution indépendante pour enquêter sur les incidents de violence policière, c’est pourquoi un examen et une enquête indépendants de la société civile sur ce cas de décès s’avèrent urgents. Une commission indépendante composée de scientifiques issus des domaines de la médecine, de la psychologie, du droit et des sciences sociales ainsi que l’organisation de recherche scientifique Border Forensics examinent désormais le cas eux- mêmes. Les résultats provisoires de ces recherches ont été présentés aujourd’hui [vendredi 10.11.23] à Lausanne en présence d’Evelyn Wilhelm et de l’avocat Me Ludovic Tirelli, chargé de l’affaire. Ces travaux montrent que la décision du Ministère public doit être remise en question de toute urgence.

    Elio Panese, membre de l’équipe de recherche Border Forensics, a reconstitué à la seconde près le déroulement de l’#homicide à Morges au moyen d’un film. Ce film montre que Roger Wilhelm est resté au sol menotté pendant six minutes et demie alors qu’il avait une blessure par balle et qu’il n’a pas fait d’autres mouvements que de respirer. Cela prouve que les policières/policiers impliqué·es ont négligé de prendre les mesures de #sauvetage et de #réanimation vitales. Le Dr Martin Herrmann, qui fait partie des experts médicaux de la commission (spécialiste FMH en chirurgie générale et traumatologie), a confirmé dans son analyse que les mesures de #premiers_secours nécessaires n’avaient pas été prises, bien que Roger Wilhelm, allongé sur le ventre, ne représentait aucune menace pour les policières/policiers et qu’il effectuait encore des mouvements respiratoires. La question à clarifier devant le tribunal est la suivante : la vie de Roger Wilhelm aurait-elle pu être sauvée par des mesures de premiers secours immédiates prises par la police ?

    Udo Rauchfleisch, professeur émérite de psychologie clinique et membre de la commission, a rédigé un rapport basé sur des dossiers psychiatriques, des entretiens avec des proches, des déclarations de témoins et des séquences vidéo de l’homicide de Roger Wilhelm. Selon ce rapport, la police vaudoise a été appelée pour venir en aide à un homme Noir qui présentait des symptômes de psychose. Selon l’expertise du Prof. Rauchfleisch, Roger Wilhelm n’était en aucune manière et à aucun moment agressif, mais il était stressé et aurait eu besoin d’une #aide_psychologique. Au lieu d’apporter leur aide, les quatre policières/policiers ont accru le #stress_psychologique de Roger Wilhelm. Celui-ci a été considéré comme une menace et a finalement été abattu. C’est pourquoi une autre question décisive se pose, qui doit être clarifiée devant le tribunal : le comportement des policières/policiers était-il adéquat et l’utilisation d’#armes_à_feu était-elle nécessaire et conforme à la loi ?

    La mort de Roger Wilhelm doit être replacée dans le contexte d’autres homicides de personnes Noires par la police en Suisse. Dans le cas de #Mike_Ben_Peter, décédé le 28 février 2018 à la suite d’une intervention policière, le procureur chargé de l’enquête, qui gère également le cas de Roger Nzoy Wilhelm, a demandé à la surprise générale l’acquittement des policiers impliqués lors du procès. Me Brigitte Lembwadio Kanyama, membre du groupe juridique de la Commission, a sévèrement critiqué le traitement des décès survenus à la suite d’interventions policières dans le canton de Vaud. Dans tous les cas, les personnes tuées étaient des personnes Noires. L’avocat Me Philipp Stolkin, membre du groupe juridique de la Commission, a souligné que le #ministère_public devrait être en mesure de mener son enquête indépendamment de la #couleur_de_peau de la victime et du fait qu’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction soit employée par une entité de droit public.

    Selon un autre membre du groupe de la commission, le juriste David Mühlemann, du point de vue des #droits_humains, le ministère public est tenu d’enquêter de manière indépendante, efficace et complète sur de tels décès exceptionnels : « Ce qui est en jeu, ce n’est rien de moins que la confiance du public dans le monopole de la violence de l’État. » En voulant classer l’affaire, le ministère public empêche la possibilité d’une enquête conforme aux droits humains. C’est pourquoi la Commission demande instamment au Ministère public vaudois d’ouvrir une enquête sur l’affaire Roger Nzoy Wilhelm et de porter l’affaire devant le tribunal.

    Vous trouverez plus d’informations sur : https://nzoycommission.org

    https://www.borderforensics.org/fr/actualites/20231110-pr-roger-nzoy-wilhelm

    #border_forensics #architecture_forensique #violences_policières #Suisse #Roger_Wilhelm #justice #impunité

    • Commission d’enquête indépendante sur la mort de Roger Nzoy Wilhelm

      Roger Nzoy Wilhelm a été abattu le 30 août 2021 par un policier de la police régionale à la gare de Morges. Une commission indépendante s’est constituée le 31 mai 2023 pour faire la lumière sur les circonstances de sa mort.

      En Suisse, des agressions policières sont régulièrement commises contre des personnes de couleur, des migrants et des personnes socialement défavorisées. Certaines de ces agressions ont une issue fatale, comme dans le cas de Roger Nzoy Wilhelm. La commission estime qu’il est urgent de faire toute la lumière sur ces décès et de mettre en place un contrôle de l’action de la police par la société civile. C’est pourquoi nous avons décidé de commencer à travailler sur les points suivants :

      - l’élucidation complète des circonstances qui ont conduit à la mort de Roger Nzoy Wilhelm à la gare de Morges le 30 août 2021.
      – l’examen complet de la procédure juridique et policière, des dossiers d’enquête et de l’administration des preuves par la justice. Il s’agit d’examiner si l’enquête a satisfait aux exigences de la procédure pénale en matière d’enquête sur les décès ou dans quelle mesure l’enquête a été déficiente : Comment la scène de crime a-t-elle été sécurisée ? Les témoins ont-ils été correctement interrogés ou ont-ils subi des pressions ? Comment s’est déroulé l’examen médico-légal ?
      - Il s’agit d’examiner si les enquêtes menées dans le cas de Roger Nzoy répondent aux exigences des droits de l’homme en matière d’enquête efficace et indépendante en cas de décès exceptionnel et quels sont les obstacles structurels à l’élucidation des violences policières.
      - la mise en perspective des circonstances qui ont conduit à la mort de Roger Nzoy Wilhelm dans le contexte historique et social en Suisse.

      https://www.nzoycommission.org/fr