• Substances chimiques : « Aucun débat ne s’engage sur nos usages, alors que se déploie sous nos yeux une catastrophe », Stéphane Foucart

    Les dégâts sanitaires attribués aux substances de synthèse dangereuses, évalués à plus de 30 milliards d’euros par an en Europe par la Commission européenne elle-même, n’y ont rien fait. Bruxelles a annoncé l’abandon de la révision du règlement Reach sur les produits chimiques

    Voilà, c’est fini. La Commission européenne a abandonné l’idée d’adopter dans cette législature, qui s’achève en juin 2024, la réforme du règlement communautaire sur les #produits_chimiques, l’une des mesures les plus ambitieuses du #Pacte_vert (ou #Green_Deal) annoncé par Ursula von der Leyen, en 2019. Ce n’est pas une surprise. Le pacte n’a cessé de s’étioler au fil des mois, détricoté par une majorité d’Etats membres et par l’aile droite du Parlement européen. Le bilan, qu’il faudra bien tirer un jour, risque d’être cruel.

    La réforme du règlement Reach (Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) devait notamment permettre d’exclure les familles chimiques les plus dangereuses, qu’il s’agisse de plastifiants, de solvants, d’ignifuges, d’imperméabilisants, de cosmétiques, de nanomatériaux, etc. C’est-à-dire une diversité de substances présentes dans les objets du quotidien et qui finissent, d’une manière ou d’une autre, par se retrouver dans l’eau, l’environnement, la chaîne alimentaire et in fine dans les organismes de dizaines de millions d’Européens.

    Il est difficile de donner à voir toute l’étendue et toute la profondeur de la faillite politique que constitue l’abandon de cette révision. Pour le comprendre, il faut consulter quelques passages-clés de l’étude d’impact conduite par les services de l’exécutif européen lui-même. Ces pages devaient demeurer confidentielles, mais Le Monde et le quotidien britannique The Guardian en ont révélé des paragraphes éclairants en juillet. « Des bénéfices directs, pour la santé des consommateurs et des travailleurs, comme une meilleure fertilité, une baisse d’incidence de l’obésité, de l’asthme, de maladies neurologiques et du cancer sont attendus de la réduction d’exposition aux produits chimiques les plus dangereux », y lit-on.

    La catastrophe est officiellement là

    Un chiffre, établi par la Commission européenne, permet d’apprécier la magnitude de ces dégâts. Les mesures de retrait les plus ambitieuses des molécules problématiques représenteraient quelque 31 milliards d’euros de bénéfices annuels en termes de #maladies évitées (les pertes associées pour les #industriels étant environ dix fois moindres). C’est évidemment énorme, mais ces chiffrages économiques – la seule métrique que les élites occidentales semblent capables de comprendre – ont tendance à invisibiliser ce qu’ils sont pourtant censés refléter : la maladie et la souffrance, la détresse, le malheur et la mort.
    Pourtant, la révision de Reach a été abandonnée. Ni l’ampleur des dégâts ni le caractère incontrôlable de nos usages de la #chimie_de_synthèse ne semblent, outre quelques aménagements à la marge, pouvoir enclencher le changement. La #catastrophe est officiellement là. Dans un message adressé à ses cadres en septembre et révélé le 18 octobre par Le Canard enchaîné, le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie écrit : « Très clairement, nous allons devoir changer d’approche et de discours ; il y a des #PFAS_ [molécules per- et polyfluoroalkylées] _et des métabolites [produits de dégradation de #pesticides] partout. Et plus on va en chercher, plus on va en trouver. » La situation est si ingérable que l’intéressé écrit dans son courriel que la sécurité sanitaire de l’#eau distribuée n’est plus garantie.

    La contamination généralisée des eaux de surface et souterraines ne concerne pas seulement l’Occitanie mais l’ensemble du territoire national, en particulier le Bassin parisien, la région lyonnaise, les Hauts-de-France, la Loire-Atlantique, la Vienne et bien d’autres zones. Dernier événement en date : le 18 octobre, l’agglomération de La Rochelle fermait provisoirement ses quinze captages pour cause de contamination des nappes phréatiques par un métabolite très persistant du chlorothalonil – un fongicide interdit en 2020. L’eau sera prélevée jusqu’à nouvel ordre dans la Charente.

    Dangereuse cécité

    Dans le courriel révélé par Le Canard enchaîné, le directeur de l’#ARS Occitanie recommande enfin de ne pas mettre en œuvre les contrôles renforcés de l’#eau_potable prévus pour 2026, suspectant que de nouvelles découvertes désagréables ne rendent la situation plus inextricable encore. Un haut responsable de #santé_publique qui confesse sa volonté de ne pas connaître la réalité d’un problème au motif de son ampleur prévisible, cela devrait porter l’ensemble de la société à la plus profonde inquiétude.
    Il n’en est rien. Ni à Bruxelles, ni à Paris, ni dans la plupart des capitales européennes, ni au Parlement européen. En témoigne, on l’a vu, le report sine die de la réforme de #Reach, mais aussi la guérilla menée par la droite européenne contre le règlement sur l’usage durable des pesticides (règlement SUR), en cours de discussion.

    Le projet est du reste déjà moribond. Le principal indicateur de risque (dit « HRI-1 »), la méthode de mesure qui doit objectiver l’utilisation des pesticides dans l’UE, est le fruit d’un trucage manifeste, comme cela a déjà été raconté dans Le Monde. Les Vingt-Sept s’apprêtent à naviguer munis d’une boussole qui indique le sud : ce n’est pas très encourageant.
    Ainsi, alors que se déploie sous nos yeux une catastrophe dont nul ne peut plus nier la réalité, aucun débat ne s’engage sur nos usages de la chimie. Frappés d’une dangereuse cécité, la plus grande part de nos responsables politiques sont prisonniers de leurs automatismes, et bredouillent inlassablement les mêmes mots-clés dont plus personne ne sait trop ce qu’ils veulent dire : innovation, technologies vertes, compétitivité, etc. Il suffit d’écouter le discours prononcé le 17 octobre par le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, où il justifie le report sine die de la révision de Reach : tout y est.
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/22/substances-chimiques-aucun-debat-ne-s-engage-sur-nos-usages-alors-que-se-dep

    #écologie_capitaliste #écologie

  • Sels d’aluminium : la France attaque l’Agence européenne des produits chimiques
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/26/sels-d-aluminium-la-france-attaque-l-agence-europeenne-des-produits-chimique

    Pour les autorités françaises, les industriels ont entravé l’expertise de la toxicité de ces substances couramment utilisées.

    Bien qu’utilisés dans les systèmes d’assainissement de l’eau potable ou dans de nombreux cosmétiques, les sels d’aluminium ne sont guère au centre de l’attention médiatique. Ils n’en sont pas moins au cœur d’une dispute inédite. Passée inaperçue en pleine pandémie de Covid-19, celle-ci n’a été rendue publique que mi-juin dans le Journal officiel de l’Union européenne : la France a introduit, fin février, un recours contre l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) devant le Tribunal de l’Union européenne. C’est la première fois qu’un Etat membre attaque, devant la haute juridiction basée au Luxembourg, l’intégrité d’une décision rendue par une agence d’expertise communautaire.

    L’histoire commence en 2014. Dans le cadre du règlement #Reach (Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals), la France devait mesurer, entre autres substances, les dangers de trois sels d’aluminium. C’est l’un des principes du règlement européen sur les substances de synthèse : les Etats membres se partagent le « fardeau du passé », ainsi que les spécialistes nomment le travail titanesque d’évaluation des centaines de substances de synthèse produites et commercialisées de longue date, mais dont la sûreté n’a jamais été évaluée. Régulièrement, les experts des différents Etats membres soumettent ainsi leurs résultats à l’ECHA et aux autres Etats membres. Après conciliabules, l’ECHA rend ses avis.

    En France, ce travail d’expertise est confié à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). « Sur ces sels d’aluminium, les experts français ont identifié un risque sur leur caractère potentiellement génotoxique [toxique pour l’ADN], dit-on à la direction générale de la prévention des risques (DGPR), l’administration du ministère de la transition écologique et solidaire qui pilote le dossier. Ce qui a soulevé notre préoccupation, c’est la question du traitement de l’eau [grâce à des sels d’aluminium] et l’exposition d’employés qui travaillent au contact de ces substances. »

    Pas d’étude complémentaire
    La France soutient donc, à l’ECHA, une demande d’informations complémentaires. En décembre 2017, cette demande est validée par les autres Etats membres et endossée par l’agence européenne : une étude de mutagénicité est demandée au consortium industriel produisant des sels d’aluminium (notamment BASF, Grace, Kemira). En matière réglementaire, c’est la norme : ce sont les industriels qui mènent les études testant la sûreté de leurs propres produits, à charge ensuite pour les agences sanitaires de les examiner. « C’est franchement une étude très simple et peu coûteuse à réaliser, mais c’était une nécessité, dit un connaisseur du dossier, qui requiert l’anonymat. Il y avait des contradictions dans les données disponibles et il fallait clarifier ce point. »

    #paywall

    • L’expression « d’assainissement de l’eau potable » est une ineptie ! On produit de l’eau potable et on assainit les eaux usées, deux process qui n’utilisent ps les mêmes réactifs. Les sels d’aluminium, longtemps utilisés pour produire de l’eau potable, ne le sont plus que de manière très résiduelle.

    • Mais les industriels ne l’entendent pas de cette oreille et refusent de conduire cette étude : ils saisissent la chambre de recours de l’ECHA. Cette juridiction d’appel, attachée à l’agence européenne, peut être saisie en cas de désaccord des industriels avec des décisions d’experts. La chambre de recours peut ainsi invalider – sur la foi d’arguments juridiques plus que scientifiques – une décision de l’agence à laquelle elle est rattachée.

      C’est chose faite le 17 décembre 2019. Les trois juges de la chambre de recours mandatés pour arbitrer le litige cassent la décision de l’ECHA et donnent raison aux industriels. Ils n’auront pas à fournir l’étude complémentaire demandée par la France et l’agence européenne. « La chambre de recours a estimé qu’il y avait un manque de clarté et, à certains égards, de cohérence quant à savoir si le problème de génotoxicité concernait uniquement les trois substances, tous les sels d’aluminium solubles ou l’ion aluminium », écrivent les juges.

      « On est face à une dérive »

      « Cette décision de la chambre de recours nous apparaît problématique, dit-on à la DGPR. En particulier, sa décision s’appuie en partie sur une étude de 1997 qui n’a pas été versée au dossier consulté par les experts ! » L’étude en question – un essai de toxicocinétique, c’est-à-dire une évaluation du comportement d’une substance toxique dans l’organisme – n’a donc pas pu être évaluée par les scientifiques, mais a été prise en compte dans l’arbitrage juridique. « Cette étude devait être fournie aux experts [par les industriels] en amont, insiste-t-on à la DGPR. C’est à eux d’examiner ces travaux. Sinon, on est face à une dérive. »
      Un autre aspect de la décision de la chambre de recours de l’agence européenne scandalise les experts. Les juges ont en effet estimé que la décision de l’ECHA de demander des informations complémentaires n’explique pas comment celles-ci pouvaient « conduire à de meilleures mesures de gestion des risques ». Ce qui revient à refuser l’accès à des données au motif que l’usage qui en sera fait par les pouvoirs publics n’est pas précisé. « Si on laisse passer ça et que ça fait jurisprudence, cela veut dire que nous ne pourrons plus jamais exiger des études complémentaires des industriels », dit un proche du dossier.

      Pour les autorités françaises, ce qui est considéré comme un trucage de la procédure d’expertise justifie le recours contre l’agence européenne, tout en se défendant de remettre en cause sa crédibilité. « La chambre de recours de l’ECHA fait partie de l’agence mais en est malgré tout indépendante. Une fois que la chambre de recours a rendu son avis, celui-ci devient de facto l’avis de l’ECHA, explique-t-on à la DGPR. L’ECHA ne pouvant faire appel contre sa chambre des recours, c’est-à-dire contre elle-même, elle se retrouve coincée. En somme, nous faisons ce que l’ECHA ne peut pas faire. »

      La France n’est pas seule à s’agacer du pouvoir de la chambre de recours de l’ECHA. Dans une communication officielle à la Commission européenne publiée le 19 juin, le Danemark demande à Bruxelles de « limiter les compétences » de cette juridiction : « Elle ne devrait pas avoir le pouvoir discrétionnaire de rejeter les décisions prises par l’agence, après accord unanime des experts de tous les Etats membres. » Interrogée par Le Monde, l’ECHA ne commente pas une affaire en cours ; les industriels concernés n’ont pas répondu à nos sollicitations.

    • Du coup à l’arrivée on n’y comprend plus rien, ce qui est typique de ce genre d’affaire, la question scientifique initiale « c’est dangereux ou non » étant totalement noyée sous des arguties juridico-bureaucratiques sur lesquelles les medias mainstream nous tartinent des « kilomètres d’attendu que », sans jamais répondre à la question initiale... Cà les 150 citoyens de la « Convention », risquait pas qu’un « expert » vienne leur en parler :-)

    • Entre les années 2004 et 2014, le nombre de ressortissants non tunisiens résidant en Tunisie a évolué de 66%, passant de 35192 à 53490 personnes. Cela exclut toutefois les plus de 10’000 migrants subsahariens en situation irrégulière qui vivraient dans le pays et pour lesquels aucune statistique fiable et à jour n’est disponible, révèle la source.
      En réponse au manque d’informations sur la migration de l’Afrique subsaharienne vers la Tunisie et ses dynamiques les plus récentes, REACH et Mercy Corps ont voulu creuser la question et ont collecté entre le 9 août et le 2 septembre 2018 des données auprès des trois principaux centres de migration en Tunisie pour les migrants subsahariens à savoir Tunis, Sfax et Medenine.

      Chiffres à retenir :
      – Plus de 83% d’entre eux ont prévu de se rendre vers la Tunisie dès leur départ
      – Environ 14% entre d’eux sont motivés par les facilités de #visas
      – 1/3 des migrants subsahariens considèrent la Tunisie comme étant un tremplin
      – 1/3 des travailleurs subsahariens estime trouver des #emplois plus attractifs que dans leur pays d’origine
      – Près de la moitié des #étudiants subsahariens estiment que l’#éducation est de qualité
      – Ils sont peu nombreux ceux qui ont l’intention de rejoindre l’Europe clandestinement
      – Plus de 90% des interrogés sont venus en Tunisie par avion
      – 50% ont décidé de résider sur le Grand #Tunis
      – 3/4 des migrants subsahariens ont des difficultés d’accès au #permis_de_séjour
      – La majorité des migrants subsahariens envisagent de rester en Tunisie

      #pays_de_destination #pays_de_transit #migrations #statistiques #chiffres #travail

      Ces chiffres servent aussi à relativiser les #préjugés sur la #ruée_vers_l'Europe (v. notamment ici la référence au livre de #Stéphen_Smith : https://seenthis.net/messages/673774), l’#invasion et l’ #afflux...

  • L’Etat privatise une partie des expulsions de sans-papiers

    La police délègue certaines reconduites d’étrangers en situation irrégulière à des sociétés privées. Des escortes payées par les compagnies aériennes qui, par ailleurs, si elles refusent d’embarquer un #sans-papiers doivent s’acquitter d’une lourde amende.

    Au sein d’Air France, la demande a fait l’effet d’une petite bombe. « La violence légitime est le monopole de l’Etat. Seul un service de l’Etat peut contraindre un passager à rester dans l’avion », tonne la direction de la sûreté de la compagnie dans ce même mémo de juin 2017. « Air France est une société de transport, ce n’est pas une société de sécurité. La coercition est une mesure régalienne », renchérit le service presse de la compagnie aérienne.

    Pour faire pression sur les compagnies aériennes, la police dispose d’un argument de poids. La loi du 7 mars 2016 prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 30.000 euros pour les transporteurs qui refusent d’embarquer un sans-papiers. La plupart du temps, ce sont des raisons de sécurité qui sont invoquées par les commandants de bord. De nombreux expulsés contestent leur renvoi de manière virulente. Et en l’absence de policiers, impossible de faire revenir le calme dans l’appareil. « Avec une telle amende, un vol régulier n’est plus rentable », explique un commandant de bord. Seule solution pour les compagnies aériennes : embaucher des agents de sécurité privés.

    https://www.streetpress.com/sujet/1511865886-etat-privatise-expulsions-sans-papiers
    #privatisation #compagnies_aériennes #asile #migrations #réfugiés #expulsions #France #amendes #rétorsions #Air_France #sociétés_de_sécurité_privées #escortes_privées #police #tous_les_moyens #réacheminement #Turkish_Airlines
    cc @reka

    Et pour @sinehebdo, une spéciale dédicace, voici un nouveau mot, pour sa collection :

    les #INAD [étrangers non-admis sur le territoire français et interpellés à leur descente de l’avion]

    Dans l’article on utilise aussi le mot cool (?) « le #sans-pap’ »

    #mots #vocabulaire #terminologie

    cc @isskein

  • #Volkswagen, #Renault et le #TTIP
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/190116/volkswagen-renault-et-le-ttip

    Le TTIP aurait pu donner aux Européens l’occasion d’aligner leurs normes laxistes pour le #Diesel sur celles bien plus strictes des États-Unis. Raté : ce n’est pas au programme. L’épouvantail à altermondialistes est un tigre de papier.

    #Economie #Automobile #CO2 #Commission_européenne #environnement #normes_d'émission #OMC #oxyde_d'azote #Reach #Toyota #TPP

  • Companies failing to live up to EU chemical law | Nature News Blog
    http://blogs.nature.com/news/2011/11/companies_failing_to_live_up_t.html

    Companies are failing to provide the safety data required by Europe’s sweeping chemicals law #REACH (registration, evaluation, authorization and restriction of chemicals), according to a study for the Centre for Alternatives to Animal Testing at the University of Konstanz in Germany. (...)
    For example, nearly half the documents were found to have missing or inconclusive evidence of chemicals’ toxicity on embryo development.

    #chimie #europe