• #Patrick_Boucheron : « La #jeunesse a payé un prix extravagant à cette #crise »

    Patrick Boucheron, historien et professeur au Collège de France, est l’invité du grand entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé, à 8h20, sur France Inter.

    Pour entamer ce « Monde d’après », Patrick Boucheron tire le bilan, d’un point de vue historique, de ce #confinement : « On est ramené aux conditions singulières de l’expérience, chacun confronté à sa propre #solitude (...) On a pas tous les mêmes fondations, sûres, et il est temps de descendre à la cave pour voir les dégâts (...) Il y a un gouffre qui s’ouvre devant nous, la #responsabilité_politique c’est l’autre temps, qui vient ».

    « Je me méfie spontanément des intellectuels à thèse (...) il y a une opportunité formidable, l’histoire n’est pas là pour nous rassurer sur nos certitudes, mais pour nous dire ‘là, il y a une entaille’ : ce qui va avoir lieu, c’est à nous d’en décider collectivement, politiquement ».

    « La terre entière a pris une décision incroyable au regard de l’Histoire : défendre toutes les vies, quoi qu’il en coûte »

    Pour Patrick Boucheron, ce geste politique a affirmé le fait que « la #vie est un bien inconditionnel, aujourd’hui, si on doit sauver des vies, ça vaut pour tout le monde, c’est à ce moment-là qu’il faut vérifier qu’on est bien d’accord, pour ceux qui rament dans la vie, ceux qui sont sur des canots en Méditerranée ».

    #Sacrifice_générationnel

    « Je ne vais pas dire que j’ai eu le confinement heureux, parce que franchement me séparer des autres, c’est m’affaiblir » explique l’historien, qui veut avant tout pointer du doigt le tribut payé à cette crise par les jeunes générations : « La jeunesse a payé un prix extravagant, et encore aujourd’hui : il y a eu un sacrifice générationnel, enfant compris, et les #étudiants ».

    « Dans les annonces gouvernementales, les #universités venaient toujours en dernier, après les terrasses et le #Puy_du_Fou de fou, on leur disait : ’elles ne rouvriront pas’. Mais quel scandale ! »

    « On ne parle que des #exames, on s’assure qu’ils [les étudiants] n’ont pas triché, on utilise leurs webcam comme outil de #télésurveillance. Ils [le gouvernement] ne sont pas très précis ni très pressés » estime l’historien et universitaire.

    « La population étudiante n’est pas qu’une question sanitaire : ce sont des lieux de vie et de production du savoir, et on n’a jamais autant parlé de sciences que pendant cette crise ».

    La jeune génération a des solutions

    « On doit dire à la jeunesse qu’elle a peut-être la solution à des questions que leurs ainés ont été incapables de poser (...) J’ai 54 ans, et je suis dans une société ou l’on considère que je suis jeune ! Ça ne va pas ! On encombre ! On doit penser à la jeunesse, il ne faut pas la pousser à la révolte, c’est absurde ! ».

    « On ne peut pas se laisser désigner par une catastrophe, la jeunesse ne peut [accepter de se faire appeler la génération Covid], à eux de donner le nom du temps qu’ils ont vécu (...) l’événement, c’est moins l’épidémie, que la réponse politique : ce sont les jeunes qui doivent dire, aujourd’hui, de quelle génération ils veulent être. »

    « Aujourd’hui ça n’a de sens, quand on est expert de rien, comme moi, [de prendre la parole] que pour dire ’ça commence’. »

    Médecine spectacle

    Sur les leçons à tirer du débat entre experts de la santé, Patrick Boucheron rappelle que des leçons avaient autrefois été tirées après les crises sanitaires provoquées par d’autres virus, comme le Sida ou Ebola, « où l’on avait compris que les médecins avaient besoin de sociologues et d’ anthropologues ». Évoquant, entre autres, des figures comme celles du professeur Raoult, il confesse : « Aujourd’hui, [certains] disent qu’ils ont raison parce que les Français ne leur donnent pas tort, comme Raoult : moi je ne comprends pas ce qu’il dit (...) On a vu comment se construit la #science, c’est compliqué ».

    « On s’est tous autoproclamés virologues, on a l’impression qu’il n’y a plus que ce métier. Or il y a aussi ceux des #sciences_sociales, qui consistent à douter », dit-il en revenant sur l’expérience des années sida : « On a rien à attendre d’une maladie, sinon qu’elle ne nous tue pas et qu’elle passe le plus vite possible, ce sont les malades, les marqueurs sociaux, ça veut dire qu’on va en discuter en commun (...) La #recherche-publique : c’est en faire un enjeu commun. »

    https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-03-juin-2020
    #jeunes #SHS