• « La dépendance alimentaire et énergétique de Gaza a été lentement organisée par le pouvoir israélien », Stéphanie Latte Abdallah
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/05/21/la-dependance-alimentaire-et-energetique-de-gaza-a-ete-lentement-organisee-p

    Des camions d’aide humanitaire pour Gaza au point de passage de Kerem Shalom, dans le sud d’Israël, le 20 mai 2025. MAYA ALLERUZZO / AP

    Plusieurs centres de stockage de l’aide ont en effet commencé à être construits dans le sud du territoire, où est massé l’essentiel de la population – 70 % de l’enclave est, à ce jour, sous contrôle de l’armée ou fait l’objet d’ordres d’évacuation. L’objectif est que cette population soit regroupée dans trois zones dites « stériles », c’est-à-dire sans combattants ou membres du Hamas, créées au sein de l’enclave et entre lesquelles les mouvements seront contrôlés, de façon à faciliter ultérieurement le transfert des habitants hors de l’enclave.

    Dans ces zones, un système de reconnaissance faciale algorithmique permettra à une société américaine privée émanant de la Gaza Humanitarian Foundation, fondée en Suisse en février, de distribuer des denrées stockées dans les centres cités plus haut à un membre de chaque famille préalablement doté d’un « laissez-passer sécuritaire ». Précisons que cette société est composée d’anciens de l’armée et des services de renseignement américains sans expérience reconnue dans l’humanitaire, et qu’elle prend la suite d’un projet similaire, celui de la Global Delivery Company – cyniquement vanté par son fondateur, Mordechai Kahana, comme un « Uber pour zones de guerre » ayant pour objectif de délivrer de l’aide dans de futures « bulles humanitaires » ou « cantons électroniques ».

    Politique d’assiègement

    Cette reconfiguration du système d’aide humanitaire à destination de #Gaza nécessitait au préalable la disqualification du travail de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dans le Proche-Orient et le blocage de ses activités par deux lois votées à l’automne 2024, de même que celles d’autres acteurs humanitaires. Le projet de démantèlement de cette agence des Nations unies est ancien, tant elle représente le droit des réfugiés palestiniens et tant elle a pris de l’ampleur depuis sa création, en 1950, jusqu’à devenir une véritable administration. L’UNRWA gère en effet un vaste réseau d’écoles, de centres de santé, de services sociaux, et emploie 13 000 Gazaouis, participant ainsi d’une autonomie palestinienne.

    Le blocus et la privatisation de l’aide humanitaire sont l’expression d’une politique d’assiègement qui s’est intensifiée depuis 2007, moment de la prise de pouvoir du Hamas dans l’enclave. En 2009, Gaza couvrait encore l’essentiel de ses besoins en légumes et une grande partie de ceux en fruits. Pour résister au blocus israélien, le gouvernement palestinien avait, de surcroît, fortement encouragé une agriculture et une économie tournées vers la subsistance et l’autonomie. De plus, entre 2007 et 2013, les importations via les tunnels vers l’Egypte couvraient les trois quarts des besoins de l’enclave.

    [...]

    Ce gouvernement algorithmique s’attache ainsi à des formes de relationalité inhumaines qui n’ont besoin ni du sujet, ni du peuple, ni de l’intention ou de la politique. En cela, il approfondit l’« idéal libéral d’une apparente disparition du projet même de gouverner » (...)

    https://archive.ph/jHVfN

    #Israël #Microsoft #IA #reconnaissance_faciale #gouvernement_invisible

  • En Europe, les migrants premières victimes de l’intelligence artificielle

    Alors que se tient à Paris cette semaine le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA), chefs d’État, chefs d’entreprise, chercheurs et société civile sont appelés à se prononcer sur les #risques et les #limites de ses usages. Des #biais_discriminatoires et des #pratiques_abusives ont déjà été observés, en particulier dans la gestion européenne de l’immigration.

    Un #détecteur_d’émotions pour identifier les #mensonges dans un #récit, un #détecteur_d’accent pour trouver la provenance d’un ressortissant étranger, une analyse des #messages, des #photos, des #géolocalisations d’un #smartphone pour vérifier une #identité… voici quelques exemples de systèmes intelligents expérimentés dans l’Union européenne pour contrôler les corps et les mouvements.

    « Ici, les migrations sont un #laboratoire_humain d’#expérimentation_technologique grandeur nature », résume Chloé Berthélémy, conseillère politique à l’EDRi (European Digital Rights), un réseau d’une cinquantaine d’ONG et d’experts sur les droits et libertés numériques. « Les gouvernements et les entreprises utilisent les environnements migratoires comme une phase de #test pour leurs produits, pour leurs nouveaux systèmes de contrôle. »

    Des détecteurs de mensonges à la frontière

    L’un des plus marquants a été le projet #iBorderCtrl. Financé partiellement par des fonds européens, le dispositif prévoyait le déploiement de détecteurs de mensonges, basés sur l’analyse des #émotions d’un individu qui entrerait sur le sol européen. « Les #visages des personnes, en particulier des demandeurs d’asile, étaient analysés pour détecter si, oui ou non, ils mentaient. Si le système considérait que la personne était un peu suspecte, les questions devenaient de plus en plus compliquées. Puis, éventuellement, on arrivait à un contrôle plus approfondi par un agent humain », explique-t-elle.

    Expérimenté dans les #aéroports de Grèce, de Hongrie et de Lettonie, il ne serait officiellement plus utilisé, mais l’EDRi émet quelques doutes. « Dans ce milieu-là, on est souvent face à une #opacité complète et il est très dur d’obtenir des informations. Difficile de dire à l’heure actuelle si cette technologie est encore utilisée, mais dans tous les cas, c’est une volonté européenne que d’avoir ce genre de systèmes aux frontières. »

    Drones de surveillance, caméras thermiques, capteurs divers, les technologies de surveillance sont la partie émergée de l’iceberg, la face visible de l’intelligence artificielle. Pour que ces systèmes puissent fonctionner, il leur faut un carburant : les #données.

    Les bases de données se multiplient

    L’Europe en a plusieurs en matière d’immigration. La plus connue, #Eurodac – le fichier des #empreintes_digitales – vise à ficher les demandeurs et demandeuses d’asile appréhendés lors d’un passage de frontière de manière irrégulière. Créée en 2002, la nouvelle réforme européenne sur l’asile étend considérablement son pouvoir. En plus des empreintes, on y trouve aujourd’hui des photos pour alimenter les systèmes de #reconnaissance_faciale. Les conditions d’accès à Eurodac pour les autorités policières ont également été assouplies. « Elles pourront le consulter pour des objectifs d’enquêtes criminelles, on retrouve donc cette idée que de facto, on traite les demandeurs d’asile, les réfugiés, avec une présomption d’illégalité », conclut Chloé Berthélémy.

    Or, ces collectes d’informations mettent de côté un principe clef : celui du #consentement, condition sine qua non dans l’UE du traitement des données personnelles, et clairement encadré par le Règlement général de protection des données (#RGPD). Les politiques migratoires et de contrôles aux frontières semblent donc faire figures d’#exception. Lorsqu’une personne pose le pied sur le sol européen, ses empreintes seront collectées, qu’il soit d’accord ou non. Selon l’EDRi, « l’Union européenne est en train de construire deux standards différents. Un pour ceux qui ont les bons papiers, le bon statut migratoire, et un autre pour ceux qui ne les ont pas ».

    Un nouveau cadre juridique qui a d’ailleurs été attaqué en justice. En 2021, en Allemagne, la GFF, la Société des droits civils (qui fait partie du réseau de l’EDRi) triomphe de l’Office allemand de l’immigration, condamné pour pratiques disproportionnées. Textos, données de géolocalisation, contacts, historique des appels et autres #fichiers_personnels étaient extraits des #smartphones des demandeurs d’asile à la recherche de preuve d’identité.

    Automatisation des décisions

    Une fois les frontières passées, l’intelligence artificielle continue à prendre pour cible des étrangers, à travers sa manifestation la plus concrète : les #algorithmes. Examiner les demandes de #visa ou de #naturalisation, attribuer un #hébergement, faciliter l’organisation des #expulsions, prédire les flux migratoires… la multiplication des usages fait craindre aux chercheurs une administration sans guichet, sans visage humain, entièrement automatisée. Problème : ces systèmes intelligents commettent encore beaucoup trop d’#erreurs, et leur prise de décisions est loin d’être objective.

    En 2023, l’association La Quadrature du Net révèle que le code source de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) attribue un « score de risque » à chaque allocataire. La valeur de ce score est ensuite utilisée pour sélectionner ceux qui feront l’objet d’un contrôle. Parmi les critères de calcul : avoir de faibles revenus, être au chômage, ou encore être né en dehors de l’Union européenne. « En assimilant la précarité et le soupçon de fraude, l’algorithme participe à une politique de #stigmatisation et de #maltraitance institutionnelle des plus défavorisés », estime Anna Sibley, chargée d’étude au Gisti. Quinze ONG ont d’ailleurs attaqué cet algorithme devant le Conseil d’État en octobre 2024 au nom du droit à la protection des données personnelles et du principe de non-discrimination.

    Autre exemple : l’IA a déjà été utilisée par le passé pour soutenir une prise de décision administrative. En 2023, le ministère de l’Intérieur a « appelé à la rescousse » le logiciel #Google_Bard, un outil d’aide à la prise de décision, pour traiter la demande d’asile d’une jeune Afghane. « Ce n’est pas tant le fait que l’intelligence artificielle ait donné une réponse négative qui est choquant. C’est plutôt le fait qu’un employé du ministère de l’Intérieur appuie sa réponse sur celle de l’IA, comme si cette dernière était un argument valable dans le cadre d’une décision de justice », analyse la chercheuse.

    #Dématérialisation à marche forcée

    En 2024, un rapport du Défenseur des droits pointait du doigt les atteintes massives aux droits des usagers de l’ANEF, l’administration numérique des étrangers en France. Conçue pour simplifier les démarches, l’interface permet le dépôt des demandes de titres de séjour en ligne.

    Pourtant, les #dysfonctionnements sont criants et rendent la vie impossible à des milliers de ressortissants étrangers. Leurs réclamations auprès du Défenseur des droits ont augmenté de 400% en quatre ans. Des #plaintes allant du simple problème de connexion aux erreurs de décisions de la plateforme. Un casse-tête numérique contre lequel il est difficile de se prémunir. « Les services d’accompagnement déployés sont trop limités », constate Gabrielle de Boucher, chargée de mission numérique droits et libertés auprès du Défenseur des droits. Selon elle, il est important que la France reconnaisse aux étrangers le droit de réaliser toute démarche par un canal humain, non dématérialisé, un accueil physique.

    Le biais discriminatoire

    Autre écueil de la dématérialisation croissante des administrations : le biais discriminatoire. Puisque les systèmes intelligents sont entraînés par des êtres humains, ces derniers reproduisent leurs biais et les transmettent involontairement à l’IA. Illustration la plus concrète : les erreurs d’#identification.

    En 2023, un homme a été arrêté aux États-Unis après que les logiciels de reconnaissance faciale l’ont désigné par erreur comme l’auteur de vols. « On peut légitimement avoir des craintes sur le respect des droits, puisqu’on sait, par exemple, que le taux d’erreur est plus élevé pour les personnes non blanches », s’inquiète Gabrielle du Boucher. Comme elles sont sous représentées dans les #bases_de_données qui nourrissent l’apprentissage de l’IA, celle-ci sera moins fiable que lorsqu’elle devra, par exemple, se concentrer sur les personnes blanches.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/62762/en-europe-les-migrants-premieres-victimes-de-lintelligence-artificiell
    #IA #AI #intelligence_artificielle #migrations #réfugiés #victimes #frontières #technologie #contrôle #surveillance #accent #langue #discrimination

  • Toulouse dévisse du ciboulot. Carnaval surveillé par des drones
    https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/toulouse-les-autorites-craignent-des-debordements-cette-manifestation-va-etre-s

    #drones_pour_un_carnaval

    Dimanche 30 mars 2025 a lieu le carnaval « sauvage et populaire de Bonnefoy ». Les autorités vont utiliser des drones pour surveiller cet événement interdit au centre-ville.

    (…)

    La préfecture s’attend à voir défiler environ 500 personnes.

    #ouhlala #prétextes_sécuritaires #surveillance #contrôle_social #notre_argent #toulouse #militarisation #fichage #biométrie #vidéosurveillance #reconnaissance_faciale #police

  • Un logiciel de reconnaissance faciale utilisé illégalement dans des dizaines de courses organisées en France
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/03/19/un-logiciel-de-reconnaissance-faciale-utilise-illegalement-dans-des-dizaines

    Depuis au moins un an, les visages de plusieurs centaines de milliers de Français ont été illégalement soumis à un système de #reconnaissance_faciale, selon les informations et les constatations du Monde. Par son ampleur, il s’agit très vraisemblablement de l’usage le plus important en France – dans l’espace public – de cette technologie particulièrement sensible et décriée. Les personnes concernées ont participé, en tant que coureurs ou simples spectateurs, à des événements publics, principalement des courses à pied. Parmi elles figurent des milliers de mineurs.

    Les organisateurs de ce genre de manifestations proposent fréquemment un service de photographie permettant aux participants d’obtenir, contre rémunération, les images prises par des photographes postés le long du parcours. Longtemps, les photographes ont associé manuellement le numéro de dossard du coureur à chaque photographie, permettant ainsi la récupération du cliché. Un processus long et coûteux. Avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA), il est devenu possible de reconnaître automatiquement le dossard. Mais PhotoRunning, l’une des principales entreprises du secteur, qui photographie des centaines de courses par an, s’est mise à la reconnaissance faciale.

    Après la course, les sportifs peuvent soumettre une photo de leur visage sur le site de la société afin de se procurer toutes les photos de l’événement sur lesquelles ils apparaissent. Or, pour que cela fonctionne, tous les participants doivent être soumis à la reconnaissance faciale. Au total, quarante-huit événements photographiés par PhotoRunning ont utilisé cet outil au cours des douze derniers mois, d’après les observations du Monde.

    https://archive.ph/Ysopj

  • Siri visé par une plainte en France : le long combat d’un lanceur d’alerte
    https://www.telerama.fr/debats-reportages/siri-vise-par-une-plainte-en-france-le-long-combat-d-un-lanceur-d-alerte-70


    Thomas Le Bonniec, ex-employé de la firme et devenu lanceur d’alerte. Photo Jérôme Bonnet pour Télérama

    Il y a quatre ans, Télérama avait rencontré ce jeune Français, recruté à la sortie de l’université comme sous-traitant de l’entreprise à la pomme. En 2019, répondant à une offre d’emploi mystérieuse et bardée de clauses de confidentialité, il ne connaît alors pas l’identité de son employeur final. Tout juste sait-il qu’il devra « contrôler la qualité de la donnée ». Il accepte, s’envole pour Cork, à deux heures de Dublin, haut lieu de l’optimisation fiscale. Là-bas, salarié par une société du nom de GlobeTech, il est chargé d’écouter et de retranscrire mille trois cents enregistrements, « parfois très intimes ou violents », par jour. Objectif, bien avant la hype autour de ChatGPT : entraîner l’intelligence artificielle de Siri, embarqué dans les iPhone depuis 2011. Au bout de quelques semaines, il prend la tangente. « Ce boulot rend tellement mou que j’ai craqué à retardement », nous expliquait-il alors, décrivant des conditions de travail éprouvantes, soumises au secret.

    Watergate domestique

    Des universitaires, comme la sociologue américaine Sarah T. Roberts, pointent de longue date les risques psychosociaux, et même de stress post-traumatique, de ces métiers invisibles du numérique ; mais ils restent indispensables à la bonne marche du capitalisme extractiviste des plateformes. Thomas Le Bonniec décide alors de dénoncer ce Watergate domestique, convaincu qu’il s’agit « d’un système d’écoute à grande échelle ». Il alerte la presse anglo-saxonne dès l’été 2019, ce qui pousse Apple à suspendre momentanément son programme d’évaluation de Siri. De son côté, GlobeTech annonce le licenciement de trois cents salariés. En réalité, ils sont mis au chômage technique pendant six semaines, le temps pour la Californie de dépêcher une équipe en urgence, afin de relancer la machine. Enfreignant sa clause de confidentialité, le jeune homme sort même de l’anonymat et saisit les agences de protection des données européennes. Las, la Cnil irlandaise a classé sans suite son signalement à l’été 2022. Sans jamais ouvrir d’enquête. D’où cette nouvelle offensive sur le front judiciaire français.

    Hasard – ou non – du calendrier, la justice californienne doit valider ce vendredi une procédure à l’amiable dans une affaire similaire, qui concerne aussi #Siri : visé par un recours collectif d’utilisateurs américains, Apple, qui a toujours réfuté les accusations de #surveillance, a accepté de payer 95 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites. De quoi entacher la réputation de la première capitalisation boursière de la planète, qui met en avant son respect scrupuleux de la vie privée, mais goûte peu qu’on regarde de trop près l’arrière-boutique. En 2023, une autre lanceuse d’alerte, l’Américaine Ashley Gjøvik, nous racontait comment #Apple utilisait ses propres salariés comme cobayes, les obligeant à utiliser des applications clandestines pour entraîner son logiciel de #reconnaissance_faciale, et multipliant les expérimentations pour collecter des #informations_biométriques et améliorer les produits de la marque : scan des conduits auditifs, mesure du sommeil, pression artérielle et même surveillance du cycle menstruel.

    #IA

  • Londres sous le diktat de la reconnaissance faciale

    Sous le couvert de réduire le vol dans les magasins, cette technologie qui fiche les individus dits « indésirables » gagne commerces ou boîtes de nuit de la capitale britannique. Une pratique décriée.


    Le système de reconnaissance faciale Facewatch alerte le personnel de sécurité lorsqu’une personne figurant sur une liste de suspects de vol à l’étalage entre dans le magasin. A Basildon, en Angleterre, le 28 juin 2023. SUZIE HOWELL/NYT-REDUX-REA

    Sur la vitrine, un panneau prévient : « Reconnaissance faciale en cours. Pour protéger nos employés, nos clients, nos biens. » A l’entrée du magasin Sports Direct, à Stoke Newington, un quartier résidentiel du nord-est de Londres, la boule noire oscillant dans un socle blanc est bien visible. Au Royaume-Uni, un pays dont la capitale abrite la plus forte densité de #caméras_de_surveillance au monde en dehors de la Chine, la #reconnaissance_faciale se généralise : 97 pour 1 000 habitants contre 2,1 pour 1 000 habitants à Paris, selon les chiffres de la société de sécurité britannique Clarion Security Systems et, pour la France, du ministère de l’intérieur.

    « Il n’y a pas si longtemps, cette technologie était réservée aux forces de police, relève Daragh Murray, un spécialiste des nouvelles technologies et des droits humains à l’université Queen Mary de Londres. Mais, depuis deux ans, elle a connu une expansion spectaculaire dans le secteur privé. » Elle est dorénavant utilisée dans les supermarchés, à l’entrée des boîtes de nuit et même dans l’espace public [et les écoles].

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/01/12/londres-sous-le-diktat-de-la-reconnaissance-faciale_6493772_3234.html

    https://justpaste.it/gsie5

    #surveillance

  • Reconnaissance faciale : la police désactive le logiciel Briefcam après l’enquête de Disclose
    https://disclose.ngo/fr/article/reconnaissance-faciale-la-police-desactive-le-logiciel-briefcam-apres-lenq

    Un rapport du ministère de l’intérieur publié en catimini, lundi 28 octobre, confirme les révélations de Disclose sur l’utilisation illégale par la police et la gendarmerie du logiciel Briefcam, entre 2015 et 2023. Cet outil qui permet la reconnaissance faciale a été désactivé juste après notre enquête. Une décision qui met fin, au moins temporairement, à l’une des plus graves atteintes à la vie privée en France ces dernières années. Lire l’article

  • Reconnaissance faciale : Gérald Darmanin veut enterrer « l’affaire Briefcam »
    https://disclose.ngo/fr/article/reconnaissance-faciale-gerald-darmanin-veut-enterrer-laffaire-briefcam

    En novembre, à la suite des révélations de Disclose sur l’utilisation par la police du logiciel de reconnaissance faciale Briefcam, Gérald Darmanin annonçait le lancement d’une enquête indépendante dont les conclusions devaient être rendues « sous trois mois ». Alors que le ministère de l’intérieur refuse de communiquer sur le sujet, un rapport confidentiel démontre que la fonction reconnaissance faciale est « activée par défaut » depuis 2018. Lire l’article

  • Le #règlement européen sur l’IA n’interdira pas la #surveillance_biométrique de masse

    Le 8 décembre 2023, les législateurs de l’#Union_européenne se sont félicités d’être parvenus à un accord sur la proposition de #règlement tant attendue relative l’intelligence artificielle (« #règlement_IA »). Les principaux parlementaires avaient alors assuré à leurs collègues qu’ils avaient réussi à inscrire de solides protections aux #droits_humains dans le texte, notamment en excluant la #surveillance_biométrique_de_masse (#SBM).

    Pourtant, malgré les annonces des décideurs européens faites alors, le règlement IA n’interdira pas la grande majorité des pratiques dangereuses liées à la surveillance biométrique de masse. Au contraire, elle définit, pour la première fois dans l’#UE, des conditions d’utilisation licites de ces systèmes. Les eurodéputés et les ministres des États membres de l’UE se prononceront sur l’acceptation de l’accord final au printemps 2024.

    L’UE entre dans l’histoire – pour de mauvaises raisons

    La coalition #Reclaim_Your_Face soutient depuis longtemps que les pratiques des SBM sont sujettes aux erreurs et risquées de par leur conception, et qu’elles n’ont pas leur place dans une société démocratique. La police et les autorités publiques disposent déjà d’un grand nombre de données sur chacun d’entre nous ; elles n’ont pas besoin de pouvoir nous identifier et nous profiler en permanence, en objectifiant nos #visages et nos #corps sur simple pression d’un bouton.

    Pourtant, malgré une position de négociation forte de la part du Parlement européen qui demandait l’interdiction de la plupart des pratiques de SBM, très peu de choses avaient survécu aux négociations du règlement relatif à l’IA. Sous la pression des représentants des #forces_de_l’ordre, le Parlement a été contraint d’accepter des limitations particulièrement faibles autour des pratiques intrusives en matière de SBM.

    L’une des rares garanties en la matière ayant apparemment survécu aux négociations – une restriction sur l’utilisation de la #reconnaissance_faciale a posteriori [par opposition à l’utilisation en temps réel] – a depuis été vidée de sa substance lors de discussions ultérieures dites « techniques » qui se sont tenues ces dernière semaines.

    Malgré les promesses des représentants espagnols en charge des négociations, qui juraient que rien de substantiel ne changerait après le 8 décembre, cette édulcoration des protections contre la reconnaissance faciale a posteriori est une nouvelle déception dans notre lutte contre la #société_de_surveillance.

    Quel est le contenu de l’accord ?

    D’après ce que nous avons pu voir du texte final, le règlement IA est une occasion manquée de protéger les #libertés_publiques. Nos droits de participer à une #manifestation, d’accéder à des soins de #santé_reproductive ou même de nous asseoir sur un #banc pourraient ainsi être menacés par une surveillance biométrique omniprésente de l’#espace_public. Les restrictions à l’utilisation de la reconnaissance faciale en temps réel et a posteriori prévues par la loi sur l’IA apparaissent minimes et ne s’appliqueront ni aux entreprises privées ni aux autorités administratives.

    Nous sommes également déçus de voir qu’en matière de « #reconnaissance_des_émotions » et les pratiques de #catégorisation_biométrique, seuls des cas d’utilisation très limités sont interdits dans le texte final, avec d’énormes lacunes.

    Cela signifie que le règlement IA autorisera de nombreuses formes de reconnaissance des émotions – telles que l’utilisation par la police de systèmes d’IA pour évaluer qui dit ou ne dit pas la #vérité – bien que ces systèmes ne reposent sur aucune base scientifique crédible. Si elle est adoptée sous cette forme, le règlement IA légitimera une pratique qui, tout au long de l’histoire, a partie liée à l’#eugénisme.

    Le texte final prévoit également d’autoriser la police à classer les personnes filmées par les caméras de #vidéosurveillance en fonction de leur #couleur_de_peau. Il est difficile de comprendre comment cela peut être autorisé étant donné que la législation européenne interdit normalement toute #discrimination. Il semble cependant que, lorsqu’elle est pratiquée par une machine, les législateurs considèrent de telles #discriminations comme acceptables.

    Une seule chose positive était ressorti des travaux techniques menés à la suite des négociations finales du mois de décembre : l’accord entendait limiter la reconnaissance faciale publique a posteriori aux cas ayant trait à la poursuite de crimes transfrontaliers graves. Bien que la campagne « Reclaim Your Face » ait réclamé des règles encore plus strictes en la matière, cela constituait un progrès significatif par rapport à la situation actuelle, caractérisée par un recours massif à ces pratiques par les États membres de l’UE.

    Il s’agissait d’une victoire pour le Parlement européen, dans un contexte où tant de largesses sont concédées à la surveillance biométrique. Or, les négociations menées ces derniers jours, sous la pression des gouvernements des États membres, ont conduit le Parlement à accepter de supprimer cette limitation aux #crimes_transfrontaliers graves tout en affaiblissant les garanties qui subsistent. Désormais, un vague lien avec la « #menace » d’un crime pourrait suffire à justifier l’utilisation de la #reconnaissance_faciale_rétrospective dans les espaces publics.

    Il semblerait que ce soit la #France qui ait mené l’offensive visant à faire passer au rouleau compresseur notre droit à être protégés contre les abus de nos données biométriques. À l’approche des #Jeux_olympiques et paralympiques qui se tiendront à Paris cet été, la France s’est battue pour préserver ou étendre les pouvoirs de l’État afin d’éradiquer notre anonymat dans les espaces publics et pour utiliser des systèmes d’intelligence artificielle opaques et peu fiables afin de tenter de savoir ce que nous pensons. Les gouvernements des autres États membres et les principaux négociateurs du Parlement n’ont pas réussi à la contrer dans cette démarche.

    En vertu du règlement IA, nous serons donc tous coupables par défaut et mis sous #surveillance_algorithmique, l’UE ayant accordé un blanc-seing à la surveillance biométrique de masse. Les pays de l’UE auront ainsi carte blanche pour renforcer la surveillance de nos visages et de nos corps, ce qui créera un précédent mondial à faire froid dans le dos.

    https://www.laquadrature.net/2024/01/19/le-reglement-europeen-sur-lia-ninterdira-pas-la-surveillance-biometriq
    #surveillance_de_masse #surveillance #intelligence_artificielle #AI #IA #algorithme

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/1037288

  • Pourquoi la #promesse de « vidéogérer » les #villes avec des caméras couplées à une #intelligence_artificielle séduit et inquiète

    Sécurité, stationnement, déchets… #Nîmes a inauguré, à l’automne 2023, son « #hyperviseur_urbain ». Alors que la collecte et la circulation des #données sont au cœur de ce système, l’antenne locale de la Ligue des droits de l’homme s’inquiète. D’autres villes, comme #Dijon, ont déjà fait ce choix.

    La salle a des allures de centre spatial : un mur de plus de 20 mètres de long totalement recouvert d’écrans, 76 au total, chacun pouvant se diviser en neuf. Ici parviennent les images des 1 300 #caméras disposées dans la ville de Nîmes et dans certaines communes de son agglomération.

    A la pointe depuis 2001 sur le thème des #caméras_urbaines, se classant sur le podium des villes les plus vidéosurveillées du pays, Nîmes a inauguré, le 13 novembre 2023, son « #hyperviseur ». Ce plateau technique et confidentiel de 600 mètres carrés est entièrement consacré à une « nouvelle démarche de #territoire_intelligent », indique le maire (Les Républicains), Jean-Paul Fournier, réélu pour un quatrième mandat en 2020.

    Avec cet outil dernier cri, sur lequel se relaient nuit et jour une cinquantaine de personnes, la ville fait un grand pas de plus vers la #smart_city (la « #ville_connectée »), une tendance en plein développement pour la gestion des collectivités.

    Ce matin-là, les agents en poste peuvent facilement repérer, à partir d’images de très haute qualité, un stationnement gênant, un véhicule qui circule trop vite, un dépotoir sauvage, un comportement étrange… L’hyperviseur concentre toutes les informations en lien avec la gestion de l’#espace_public (sécurité, circulation, stationnement, environnement…), permet de gérer d’un simple clic l’éclairage public d’un quartier, de mettre une amende à distance (leur nombre a augmenté de 23 % en un an avec la #vidéoverbalisation) ou de repérer une intrusion dans un des 375 bâtiments municipaux connectés.

    La collecte et la circulation des données en temps réel sont au cœur du programme. Le système s’appuie sur des caméras dotées, et c’est la nouveauté, de logiciels d’intelligence artificielle dont les #algorithmes fournissent de nouvelles informations. Car il ne s’agit plus seulement de filmer et de surveiller. « Nous utilisons des caméras qui permettent de gérer en temps réel la ville et apportent des analyses pour optimiser la consommation d’énergie, par exemple, ou gérer un flux de circulation grâce à un logiciel capable de faire du comptage et de la statistique », explique Christelle Michalot, responsable de ce centre opérationnel d’#hypervision_urbaine.

    #Reconnaissance_faciale

    Si la municipalité n’hésite pas à présenter, sur ses réseaux sociaux, ce nouveau dispositif, elle est en revanche beaucoup plus discrète lorsqu’il s’agit d’évoquer les #logiciels utilisés. Selon nos informations, la ville travaille avec #Ineo, une entreprise française spécialisée dans le domaine de la #ville_intelligente. Le centre de police municipale est également équipé du logiciel de #surveillance_automatisée #Syndex, et d’un logiciel d’analyse pour images de vidéosurveillance très performant, #Briefcam.

    Ce dernier logiciel, de plus en plus répandu dans les collectivités françaises, a été mis au point par une société israélienne rachetée par le japonais #Canon, en 2018. Il est surtout au cœur de plusieurs polémiques et d’autant d’actions en justice intentées par des syndicats, des associations et des collectifs qui lui reprochent, notamment, de permettre la reconnaissance faciale de n’importe quel individu en activant une fonctionnalité spécifique.

    Le 22 novembre 2023, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté de communes normande #Cœur-Côte-Fleurie, ardente promotrice de cette solution technologique, « à l’effacement des données à caractère personnel contenues dans le fichier », en estimant que l’utilisation de ce type de caméras dites « intelligentes » était susceptible de constituer « une atteinte grave et manifestement illégale au #respect_de_la_vie_privée ». D’autres décisions de la #justice administrative, comme à #Nice et à #Lille, n’ont pas condamné l’usage en soi du #logiciel, dès lors que la possibilité de procéder à la reconnaissance faciale n’était pas activée.

    A Nîmes, le développement de cette « surveillance de masse » inquiète la Ligue des droits de l’homme (LDH), la seule association locale à avoir soulevé la question de l’utilisation des #données_personnelles au moment de la campagne municipale, et qui, aujourd’hui encore, s’interroge. « Nous avons le sentiment qu’on nous raconte des choses partielles quant à l’utilisation de ces données personnelles », explique le vice-président de l’antenne nîmoise, Jean Launay.

    « Nous ne sommes pas vraiment informés, et cela pose la question des #libertés_individuelles, estime celui qui craint une escalade sans fin. Nous avons décortiqué les logiciels : ils sont prévus pour éventuellement faire de la reconnaissance faciale. C’est juste une affaire de #paramétrage. » Reconnaissance faciale officiellement interdite par la loi. Il n’empêche, la LDH estime que « le #droit_à_la_vie_privée passe par l’existence d’une sphère intime. Et force est de constater que cette sphère, à Nîmes, se réduit comme peau de chagrin », résume M. Launay.

    « Des progrès dans de nombreux domaines »

    L’élu à la ville et à Nîmes Métropole Frédéric Escojido s’en défend : « Nous ne sommes pas Big Brother ! Et nous ne pouvons pas faire n’importe quoi. L’hyperviseur fonctionne en respectant la loi, le #RGPD [règlement général sur la protection des données] et selon un cahier des charges très précis. » Pour moderniser son infrastructure et la transformer en hyperviseur, Nîmes, qui consacre 8 % de son budget annuel à la #sécurité et dépense 300 000 euros pour installer entre vingt-cinq et trente nouvelles caméras par an, a déboursé 1 million d’euros.

    La métropole s’est inspirée de Dijon, qui a mis en place un poste de commandement partagé avec les vingt-trois communes de son territoire il y a cinq ans. En 2018, elle est arrivée deuxième aux World Smart City Awards, le prix mondial de la ville intelligente.

    Dans l’agglomération, de grands panneaux lumineux indiquent en temps réel des situations précises. Un accident, et les automobilistes en sont informés dans les secondes qui suivent par le biais de ces mâts citadins ou sur leur smartphone, ce qui leur permet d’éviter le secteur. Baptisé « #OnDijon », ce projet, qui mise aussi sur l’open data, a nécessité un investissement de 105 millions d’euros. La ville s’est associée à des entreprises privées (#Bouygues_Telecom, #Citelum, #Suez et #Capgemini).

    A Dijon, un #comité_d’éthique et de gouvernance de la donnée a été mis en place. Il réunit des habitants, des représentants de la collectivité, des associations et des entreprises pour établir une #charte « de la #donnée_numérique et des usages, explique Denis Hameau, adjoint au maire (socialiste) François Rebsamen et élu communautaire. La technique permet de faire des progrès dans de nombreux domaines, il faut s’assurer qu’elle produit des choses justes dans un cadre fixe. Les données ne sont pas là pour opprimer les gens, ni les fliquer ».

    Des « systèmes susceptibles de modifier votre #comportement »

    Nice, Angers, Lyon, Deauville (Calvados), Orléans… Les villes vidéogérées, de toutes tailles, se multiplient, et avec elles les questions éthiques concernant l’usage, pour le moment assez flou, des données personnelles et la #surveillance_individuelle, même si peu de citoyens semblent s’en emparer.

    La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), elle, veille. « Les systèmes deviennent de plus en plus performants, avec des #caméras_numériques capables de faire du 360 degrés et de zoomer, observe Thomas Dautieu, directeur de l’accompagnement juridique de la CNIL. Et il y a un nouveau phénomène : certaines d’entre elles sont augmentées, c’est-à-dire capables d’analyser, et ne se contentent pas de filmer. Elles intègrent un logiciel capable de faire parler les images, et ces images vont dire des choses. »

    Cette nouveauté est au cœur de nouveaux enjeux : « On passe d’une situation où on était filmé dans la rue à une situation où nous sommes analysés, reprend Thomas Dautieu. Avec l’éventuel développement des #caméras_augmentées, quand vous mettrez un pied dans la rue, si vous restez trop longtemps sur un banc, si vous prenez un sens interdit, vous pourrez être filmé et analysé. Ces systèmes sont susceptibles de modifier votre comportement dans l’espace public. Si l’individu sait qu’il va déclencher une alerte s’il se met à courir, peut-être qu’il ne va pas courir. Et cela doit tous nous interpeller. »

    Actuellement, juridiquement, ces caméras augmentées ne peuvent analyser que des objets (camions, voitures, vélos) à des fins statistiques. « Celles capables d’analyser des comportements individuels ne peuvent être déployées », assure le directeur à la CNIL. Mais c’est une question de temps. « Ce sera prochainement possible, sous réserve qu’elles soient déployées à l’occasion d’événements particuliers. » Comme les Jeux olympiques.

    Le 19 mai 2023, le Parlement a adopté une loi pour mieux encadrer l’usage de la #vidéoprotection dite « intelligente ». « Le texte permet une expérimentation de ces dispositifs, et impose que ces algorithmes ne soient mis en place, avec autorisation préfectorale, dans le temps et l’espace, que pour une durée limitée, par exemple pour un grand événement comme un concert. Ce qui veut dire que, en dehors de ces cas, ce type de dispositif ne peut pas être déployé », insiste Thomas Dautieu. La CNIL, qui a déjà entamé des contrôles de centres d’hypervision urbains en 2023, en fait l’une de ses priorités pour 2024.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/02/pourquoi-la-promesse-de-videogerer-les-villes-avec-des-cameras-couplees-a-un
    #vidéosurveillance #AI #IA #caméras_de_vidéosurveillance

  • L’#activisme_écologiste, nouveau terrain d’#expérimentation de la #Technopolice

    Drones, reconnaissance faciale, marqueurs codés… Outre l’arsenal administratif et répressif déployé par l’État pour les punir, le ministère de l’Intérieur expérimente et perfectionne sur les activistes écologiques ses nouveaux outils technopoliciers.

    Plusieurs affaires récentes ont mis en lumière la surveillance particulièrement intensive subie par les militantes écologistes. Outre l’arsenal administratif et répressif déployé par l’État pour les punir, c’est la nature des moyens utilisés qui interpelle : drones, reconnaissance faciale, marqueurs codés… Le ministère de l’Intérieur expérimente et perfectionne sur les activistes écologiques ses outils technopoliciers.

    Plusieurs articles ont révélé le caractère intensif des moyens de surveillance et de répression déployés par l’État pour punir certaines actions militantes écologistes. Si cela avait déjà été documenté pour le mouvement de résistance nucléaire à Bure, c’est dernièrement le cas de l’affaire Lafarge pour laquelle un article paru sur Rebellyon a détaillé les outils mis en œuvre par la police afin d’identifier les personnes ayant participé à une action ciblant une usine du cimentier.

    Vidéosurveillance, analyse des données téléphoniques, réquisitions aux réseaux sociaux, relevés ADN, virements bancaires, traceurs GPS… La liste paraît infinie. Elle donne une idée de la puissance que peut déployer l’État à des fins de surveillance, « dans un dossier visant avant tout des militants politiques » – comme le souligne Médiapart dans son article.

    Pour avoir une idée de l’étendue complète de ces moyens, il faut y ajouter la création des cellules spécialisées du ministère de l’Intérieur (la cellule Démeter, créée en 2019 pour lutter contre « la délinquance dans le monde agricole » et la cellule « anti-ZAD », mise en place en 2023 à la suite de Sainte-Soline) ainsi que l’alerte donnée par la CNCTR (l’autorité de contrôle des services de renseignement) qui en 2023 a souligné son malaise sur l’utilisation accrue des services de renseignement à des fins de surveillance des organisations écologistes.

    Les forces de sécurité semblent continuer de perfectionner et expérimenter sur les organisations écologistes leurs nouveaux outils de surveillance : drones, caméras nomades, reconnaissance faciale, produits de marquages codés… Parce que ces organisations leur opposent une résistance nouvelle, souvent massive, déployée sur un ensemble de terrains différents (manifestations en milieu urbain, ZAD, méga-bassines…), les forces de police semblent trouver nécessaire l’utilisation de ces outils de surveillance particulièrement invasifs.
    Capter le visage des manifestantes

    Outil phare de la Technopolice, le drone a été expérimenté dès ses débuts sur les écologistes. Difficile d’y voir un hasard quand (d’après la gendarmerie), la première utilisation d’un drone à des fins de surveillance par la gendarmerie a lieu dans le Tarn en 2015, pour évacuer la ZAD du barrage de Sivens. En 2017, c’est Bure (site prévu pour l’enfouissement de déchets nucléaires) qui sert d’expérimentation avant une utilisation officialisée pour la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en 2018.

    La gendarmerie y décrit dans sa revue officielle un contexte idéal d’expérimentation avec une utilisation permettant un « grand nombre de premières » : utilisation simultanée de drones et d’hélicoptères de surveillance, retransmission en direct des divers flux vidéos, guidage des tirs de lacrymogènes… Des utilisations qui seront ensuite reprises et normalisées dans les futures utilisations des drones, en particulier pour la surveillance des manifestations. À noter dans la revue officielle de la gendarmerie l’utilisation répétée du terme d’ « adversaires » pour décrire les militantes : « marquage d’adversaire », « manœuvre de l’adversaire »….

    Ce n’est pas non plus un hasard si dans le Livre blanc de la sécurité intérieure, document publié fin 2020 par le ministère de l’Intérieur pour formuler un ensemble de propositions sur le maintien de l’ordre, l’exemple de Notre-Dame-des-Landes est cité pour justifier l’utilisation massive de drones, comme une « une étape importante dans la planification et l’exécution d’une opération complexe de maintien de l’ordre ».

    Résultat : après la généralisation des drones dès 2020 avec le Covid-19, on a ensuite assisté, une fois l’ensemble légalisé à posteriori (et non sans difficultés), à la normalisation de l’usage des drones pour la surveillance des manifestations. Les drones sont aujourd’hui encore bien utiles à la police pour suivre les actions militantes écologistes, que ce soit récemment pour le Convoi de l’eau ou la mobilisation contre les travaux de l’A69.

    À noter que l’imagination de la police et de la gendarmerie ne se limite pas aux drones en ce qui concerne les nouveaux moyens de surveillance vidéo. Plusieurs organisations ont documenté l’utilisation de caméras nomades ou dissimulées pour épier les allées et venues des activistes : caméras dans de fausses pierres ou troncs d’arbres pour la ZAD du Carnet, caméras avec vision nocturne en 2018 dans la Sarthe…
    Ficher le visage des manifestantes

    Autre outil phare de la Technopolice : la reconnaissance faciale. Rappelons-le : la reconnaissance faciale est (malheureusement) autorisée en France. La police ou la gendarmerie peuvent identifier des personnes grâce à leurs visages en les comparant à ceux enregistrés dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ). L’utilisation qui en est faite par les services de sécurité est aujourd’hui massive, estimée à plus de 600 000 fois en 2021 (donc plus de 1600 fois par jour).

    Il est néanmoins assez rare d’avoir des exemples concrets de son utilisation pour comprendre comment et sur qui la police utilise ce dispositif. À ce titre, comme souligné dans l’article de Rebellyon, la reconnaissance faciale a été utilisée pour incriminer des personnes censément impliquées dans l’affaire Lafarge, avec l’utilisation d’images tirées de la réquisition des vidéosurveillances des bus de la ville pour les comparer au fichier TAJ. Médiapart dénombre dans son enquête huit personnes identifiées via ce dispositif.

    Même chose pour la manifestation de Sainte-Soline : dans un article de juillet 2023, Médiapart relate que les quatre personnes qui ont comparu ont été retrouvées grâce à la reconnaissance faciale. Un premier procès plus tôt, déjà sur Sainte Soline, fait également mention de l’utilisation de la reconnaissance faciale.

    Notons bien qu’au vu des chiffres cités plus haut, l’utilisation de la reconnaissance faciale est massive et n’est pas concentrée sur les militant·es écologistes (voir ici une utilisation récente pour retrouver une personne soupçonnée de vol). On constate néanmoins une utilisation systématique et banalisée de la reconnaissance faciale du TAJ, normalisée au point de devenir un outil d’enquête comme les autres, et de plus en plus présentée comme élément de preuve dans les tribunaux.

    En 2021, nous avions attaqué devant le Conseil d’État cette reconnaissance faciale en soulevant que celle-ci devait légalement être limitée à la preuve d’une « nécessité absolue », un critère juridique qui implique qu’elle ne soit utilisée qu’en dernier recours, si aucune autre méthode d’identification n’est possible, ce qui n’était déjà pas le cas à l’époque. Cela l’est encore moins aujourd’hui à lire les comptes-rendus de Rebellyon ou de Médiapart.
    Marquer les manifestantes

    D’autres outils de surveillance, encore au stade de l’expérimentation, semblent testés dans les mobilisations écologistes. Parmi les plus préoccupants, les produits de marquage codés. Il s’agit de produits, tirés par un fusil type paintball, invisibles, indolores, permettant de marquer une personne à distance et persistant sur la peau et les vêtements. Ils peuvent être composés d’un produit chimique ou d’un fragment d’ADN de synthèse, se révélant à la lumière d’une lampe UV, porteurs d’un identifiant unique pour « prouver » la participation à une manifestation.

    Comme rappelé par le collectif Désarmons-les, c’est dès 2021 que Darmanin annonce l’expérimentation de ce dispositif. Il semble être ensuite utilisé pour la première fois en 2022 lors d’une première manifestation contre la bassine de Sainte-Soline (via l’utilisation par la police de fusils spéciaux, ressemblant à ceux utilisés par les lanceurs paintball). En 2022, Darmanin dénombrait déjà plus de 250 utilisations de ce dispositif.

    En 2023, son utilisation est de nouveau remarquée pour la manifestation contre la bassine de Sainte-Soline. Elle entraîne la garde à vue de deux journalistes qui ont détaillé à la presse la procédure suivie par la police et la gendarmerie pour récupérer et analyser la trace de peinture laissée par le fusil PMC.

    Cet usage ne semble être aujourd’hui qu’à ses débuts. Dans le cadre d’un recours contentieux contre les drones, la préfecture de police, dans une surenchère sécuritaire sans limite, avait notamment émis le souhait de pouvoir équiper ses drones d’un lanceur de PMC. Le ministre de la Justice a également vanté l’utilisation de ces outils dans une récente audition sur le sujet, « utiles pour retrouver la trace d’un individu cagoulé ». Un rapport parlementaire de novembre 2023 rappelle néanmoins que son utilisation se fait aujourd’hui sans aucun cadre légal, ce qui la rend purement et simplement illégale. Si certains parlementaires semblent également s’interroger sur son efficacité, d’autres, dans un rapport sur « l’activisme violent », appellent à sa pérennisation et sa généralisation. Côté gouvernement, après l’avoir expérimenté sur les militants sans aucun cadre légal, le ministère de l’intérieur semble pour l’instant avoir suspendu son utilisation.

    Les mouvements militants ne sont évidemment pas les seuls à connaître cette intensité dans le déploiement des moyens de surveillance : les exilées, les habitantes des quartiers populaires ont toujours été les premières à subir la militarisation forcenée des forces du ministère de l’Intérieur. Néanmoins, cette expérimentation des technologies sur les organisations écologistes est une nouvelle preuve de l’escalade sécuritaire et déshumanisée de la police et de la gendarmerie en lien avec la criminalisation des mouvements sociaux. La France est à l’avant-garde de la dérive autoritaire en Europe, puisqu’il semble être l’un des pays du continent ayant une pratique régulière et combinée de ces nouveaux outils

    https://blogs.mediapart.fr/la-quadrature-du-net/blog/191223/l-activisme-ecologiste-nouveau-terrain-d-experimentation-de-la-techn

    #répression #contrôle #surveillance #écologie #résistance #activisme #technologie #technologie_de_surveillance #cellule_Démeter #cellule_anti-ZAD #CNCTR #drone #ZAD #Sivens #Bure #Notre-Dame-des-Landes #reconnaissance_faciale

  • Europe’s (digital) borders must fall: End the expansion of the EU’s #EURODAC database

    110 civil society organisations, including Statewatch, are calling for an end to the expansion of EURODAC, the EU database for the registration of asylum-seekers. EURODAC, designed to collect and store migrants’ data, is being transformed into an expansive, violent surveillance tool that will treat people seeking protection as crime suspects This will include children as young as 6 whose fingerprints and facial images will be integrated into the database.

    Europe’s (digital) borders must fall: End the expansion of the EU’s EURODAC database

    EURODAC is being expanded to enforce the EU’s discriminatory and hostile asylum and migration policies: increasing deportations, detention and a broader climate of racialised criminalisation.

    The endless expansion of EURODAC must be stopped: https://edri.org/wp-content/uploads/2021/10/EURODAC-open-letter.pdf.

    What is EURODAC?

    Since its inception in 2003, the EU has repeatedly expanded the scope, size and function of EURODAC.

    Created to implement the Dublin system and record the country responsible for processing asylum claims, it originally stored only limited information, mostly fingerprints, on few categories of people: asylum-seekers and people apprehended irregularly crossing the EU’s borders. From the start, this system has been a means to enforce a discriminatory and harmful deportation regime, premised on a false framework of ‘illegality’ in migration.

    After a first reform in 2013 allowing police to access the database, the EU continues to detach EURODAC from its asylum framework to re-package it as a system pursuing ‘wider immigration purposes’. The changes were announced in 2020 in the EU Migration Pact, the EU’s so-called ‘fresh start on migration’. Rather than a fresh start, the proposals contain the harshest proposals in the history of the EU’s migration policy: more detention, more violence, and a wider, evolved tool of surveillance in the EURODAC database to track, push back and deport ‘irregular’ migrants.
    How is the EURODAC expansion endangering people’s human rights?

    More people included into the database: Concretely EURODAC would collect a vast swathe of personal data (photographs, copies of travel and identity documents, etc.) on a wider range of people: those resettled, relocated, disembarked following search and rescue operations and arrested at borders or within national territories.

    Data collection on children: The reform would also lower the threshold for storing data in the system to the age of six, extend the data retention periods and weaken the conditions for law enforcement consultation of the database.

    Including facial images into the database: The reform also proposes the expansion to include facial images. Comparisons and searches run in the database can be based on facial recognition – a technology notoriously error-prone and unreliable that threatens the essence of dignity, non- discrimination and privacy rights. The database functions as a genuine tool of violence as it authorises the use of coercion against asylum-seekers who refuse to give up their data, such as detention and forced collection. Not only do these changes contradict European data protection standards, they demonstrate how the EU’s institutional racism creates differential standards between migrants and non-migrants.

    Access by law enforcement: EURODAC’s revamp also facilitates its connection to other existing EU migration and police databases as part of the so-called ‘interoperability’ initiative - the creation of an overarching EU information system designed to increase police identity checks of non-EU nationals, leading to increased racial profiling. These measures also unjustly equate asylum seekers with criminals. Lastly, the production of statistics from EURODAC data and other databases is supposed to inform future policymaking on migration movement trends. In reality, it is expected that they will facilitate illegal pushbacks and overpolicing of humanitarian assistance.
    End the expansion of EURODAC

    The EURODAC reform is a gross violation of the right to seek international protection, a chilling conflation of migration and criminality and an out-of-control surveillance instrument. The far- right is already anticipating the next step, calling for the collection of DNA.

    The EURODAC reform is one of many examples of the digitalisation of Fortress Europe. It is inconsistent with fundamental rights and will undermine frameworks of protection and rights of people on the move.

    We demand:

    – That the EU institutions immediately reject the expansion of EURODAC.
    - For legislators to prevent further violence and ensure protection at and within borders when rethinking the EURODAC system.
    - For legislators and EU Member States to establish safe and regular pathways for migrants and protective reception conditions.

    https://www.statewatch.org/news/2023/december/europe-s-digital-borders-must-fall-end-the-expansion-of-the-eu-s-eurodac
    #base_de_données #surveillance #frontières #frontières_digitales #migrations #asile #réfugiés #Dublin #règlement_Dublin #données_personnelles #reconnaissance_faciale #technologie

  • #Interpol makes first border arrest using Biometric Hub to ID suspect

    Global database of faces and fingerprints proves its worth.

    European police have for the first time made an arrest after remotely checking Interpol’s trove of biometric data to identify a suspected smuggler.

    The fugitive migrant, we’re told, gave a fake name and phony identification documents at a police check in Sarajevo, Bosnia and Herzegovina, while traveling toward Western Europe. And he probably would have got away with it, too, if it weren’t for you meddling kids Interpol’s Biometric Hub – a recently activated tool that uses French identity and biometrics vendor Idemia’s technology to match people’s biometric data against the multinational policing org’s global fingerprint and facial recognition databases.

    “When the smuggler’s photo was run through the Biometric Hub, it immediately flagged that he was wanted in another European country,” Interpol declared. “He was arrested and is currently awaiting extradition.”

    Interpol introduced the Biometric Hub – aka BioHub – in October, and it is now available to law enforcement in all 196 member countries.

    Neither Interpol nor Idemia immediately responded to The Register’s questions about how the technology and remote access works.

    But Cyril Gout, Interpol’s director of operational support and analysis, offered a canned quote: “The Biometric Hub helps law enforcement officers know right away whether the person in front of them poses a security risk.”

    That suggests Interpol member states’ constabularies can send biometric data to BioHub from the field and receive real-time info about suspects’ identities.

    The multinational policing org has said that Hub’s “biometric core” combines Interpol’s existing fingerprint and facial recognition databases, which both use Idemia tech, with a matching system also based on Idemia’s biometric technology.

    Interpol and Idemia have worked together for years. In 1999, he police organization chose Idemia to develop its fingerprint database, called the Automated Fingerprint Identification System (AFIS). And then in 2016, Interpol inked another contract with Idemia to use the French firm’s facial recognition capabilities for the Interpol Face Recognition System (IFRS).

    According to Idemia, the latest version of its Multibiometric Identification System, MBIS 5, uses “new generation algorithms which provide a higher matching accuracy rate with a shorter response time and a more user-friendly interface.”

    In its first phase, Interpol will use MBIS 5 to identify persons of interest (POIs) for police investigations.

    A second phase, which will take two years to become fully operational, will extend the biometric checks to border control points. During this phase the system will be able to perform up to one million forensic searches per day – including fingerprints, palm prints, and portraits.

    Interpol expects the combined fingerprints and facial recognition system will speed future biometric searches. Instead of running a check against separate biometric databases, BioHub allows police officers to submit data to both through one interface, and it only requires human review if the “quality of the captured biometric data is such that the match falls below a designated threshold.”

    To address data governance concerns, Interpol claims BioHub complies with its data protection framework. Additionally, scans of faces and hands uploaded to the Hub are not added to Interpol’s criminal databases or made visible to other users. Any data that does not result in a match is deleted following the search, we’re told.

    While The Register hasn’t heard of any specific data privacy and security concerns related to BioHub, we’re sure it’s only a matter of time before it’s misused.

    America’s Transportation Security Agency (TSA) over the summer also said it intends to expand its facial recognition program, which also uses Idemia’s tech, to screen air travel passengers to 430 US airports. The TSA wants that capability in place within ten years.

    The TSA announcement was swiftly met with opposition from privacy and civil rights organizations, along with some US senators who took issue [PDF] with the tech.

    https://www.theregister.com/2023/12/01/interpol_biohub_arrest

    #frontières #contrôles_frontaliers #technologie #empreintes_digitales #biométrie #Interpol #migrations #asile #réfugiés #Biometric_Hub #Balkans #route_des_Balkans #Bosnie-Herzégovine #Idemia #reconnaissance_faciale #passeurs #BioHub #extradition #sécurité #risque #interopérabilité #base_de_données #Automated_Fingerprint_Identification_System (#AFIS) #Interpol_Face_Recognition_System (#IFRS) #Multibiometric_Identification_System #MBIS_5 #algorithmes #persons_of_interest (#POIs) #portraits #Transportation_Security_Agency (#TSA)

  • Vidéosurveillance algorithmique à la police nationale : des révélations passibles du droit pénal
    https://www.laquadrature.net/2023/11/14/videosurveillance-algorithmique-a-la-police-nationale-des-revelations-

    Dans un article publié aujourd’hui, le média d’investigation Disclose révèle que depuis des années, en se sachant dans l’illégalité la plus totale, la police nationale a recouru au logiciel de l’entreprise israélienne Briefcam, qui permet…

    #Surveillance

    • Tout aussi choquant est le sentiment d’impunité généralisé que révèle cette affaire. Les cadres de la Direction Générale de la Police Nationale, de même que les ministres successifs, ont sciemment organisé le secret par peur de la controverse, se sachant hors du droit.

      Rappelons-le : « Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. » (cf. art. 226-18 et -19 du code pénal). Par ailleurs, tout·e fonctionnaire est tenu·e de signaler sur le champ une infraction dont il ou elle aurait connaissance au procureur (article 40 du code de procédure pénale). Enfin, Disclose explique que pour financer le renouvellement des licences Briefcam, « la hiérarchie policière a pioché dans le « fonds concours drogue » ». Ce qui pourrait s’apparenter à du détournement de fonds publics.

      Ces faits sont extrêmement graves. L’impuissance chronique à laquelle se condamnent les contre-pouvoirs institutionnels, de la CNIL à l’IGPN, est elle aussi symptomatique d’une crise systémique de l’État de droit. L’actualité donne d’ailleurs une nouvelle et triste illustration de cette coupable inaction : la CNIL s’est contentée d’un « rappel à l’ordre » à l’encontre de deux ministères après le détournement de fichiers et l’envoi au printemps dernier de 2 millions de messages de propagande destinés à manipuler l’opinion au sujet de la réforme des retraites.

    • The Recognition Machine
      https://recognitionmachine.vandal.ist

      The Recognition Machine presents itself as a photo booth, but with a difference: your photograph will be linked to a portrait with a troubled status that raises questions important to address today.

      source : Cinema Nova @cinema
      https://nova-cinema.org/prog/2023/195-decembre/etc-enz/article/the-recognition-machine

      À l’heure de la #reconnaissance_faciale, voici une machine qui vient questionner quelques unes de nos pratiques anthropométriques. Semblable à un photomaton, la « machine à reconnaître » invite les visiteurs à se prendre en photo. La photo active un algorithme qui tente d’établir des liens entre les pixels enregistrés et ceux d’une bases de données d’images de personnes colonisées du 19e siècle. Puis la machine imprime votre portrait avec les visages auxquels l’algorithme l’associe. Une expérience troublante qui relie les régimes de surveillance contemporains à ceux d’un passé colonial.

  • La #police_nationale utilise illégalement un #logiciel #israélien de #reconnaissance_faciale
    https://disclose.ngo/fr/article/la-police-nationale-utilise-illegalement-un-logiciel-israelien-de-reconnai

    En 2015, les forces de l’ordre ont acquis, en secret, un logiciel d’analyse d’images de vidéosurveillance de la #société_israélienne #Briefcam. Depuis huit ans, le ministère de l’intérieur dissimule le recours à cet outil qui permet l’emploi de la #reconnaissance faciale.

    C’est devenu une habitude. Ce mardi 14 novembre, comme ce fut le cas lors de l’édition précédente, Gérald Darmanin inaugure le salon #Milipol, au parc des Expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Consacré à la #sécurité intérieure des États, ce salon est une vitrine mondiale pour des entreprises souvent inconnues du grand public. C’est le cas de Briefcam, une société israélienne spécialisée dans le développement de logiciels destinés à la #vidéosurveillance #algorithmique (VSA). Grâce à l’#intelligence_artificielle, cette technologie permet d’analyser des images captées par des caméras ou des drones et de détecter des situations jugées « anormales ».

    Jusqu’en mai dernier, la VSA ne pouvait être utilisée par la police nationale que dans de très rares cas. Mais à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, le gouvernement est parvenu à faire adopter une loi au parlement qui autorise son expérimentation par la police nationale à une large échelle et ce, jusqu’au 31 mars 2025. Face aux risques d’atteinte à la vie privée, les député·es ont néanmoins interdit le recours à la reconnaissance faciale, qui permet d’identifier une personne sur des images à partir des traits du visage. Un outil #ultra-intrusif que certains logiciels commercialisés par Briefcam permettent d’activer en quelques clics. Et que les services de Gérald Darmanin connaissent bien.

  • The State of #Chihuahua Is Building a 20-Story Tower in #Ciudad_Juarez to Surveil 13 Cities–and Texas Will Also Be Watching

    Chihuahua state officials and a notorious Mexican security contractor broke ground last summer on the #Torre_Centinela (Sentinel Tower), an ominous, 20-story high-rise in downtown Ciudad Juarez that will serve as the central node of a new AI-enhanced surveillance regime. With tentacles reaching into 13 Mexican cities and a data pipeline that will channel intelligence all the way to Austin, Texas, the monstrous project will be unlike anything seen before along the U.S.-Mexico border.

    And that’s saying a lot, considering the last 30-plus years of surging technology on the U.S side of the border.

    The Torre Centinela will stand in a former parking lot next to the city’s famous bullring, a mere half-mile south of where migrants and asylum seekers have camped and protested at the Paso del Norte International Bridge leading to El Paso. But its reach goes much further: the Torre Centinela is just one piece of the Plataforma Centinela (Sentinel Platform), an aggressive new technology strategy developed by Chihuahua’s Secretaria de Seguridad Pública Estatal (Secretary of State Public Security or SSPE) in collaboration with the company Seguritech.

    With its sprawling infrastructure, the Plataforma Centinela will create an atmosphere of surveillance and data-streams blanketing the entire region. The plan calls for nearly every cutting-edge technology system marketed at law enforcement: 10,000 surveillance cameras, face recognition, automated license plate recognition, real-time crime analytics, a fleet of mobile surveillance vehicles, drone teams and counter-drone teams, and more.

    If the project comes together as advertised in the Avengers-style trailer that SSPE released to influence public opinion, law enforcement personnel on site will be surrounded by wall-to-wall monitors (140 meters of screens per floor), while 2,000 officers in the field will be able to access live intelligence through handheld tablets.

    https://www.youtube.com/watch?v=NKPuur6s4qg

    Texas law enforcement will also have “eyes on this side of the border” via the Plataforma Centinela, Chihuahua Governor Maru Campos publicly stated last year. Texas Governor Greg Abbott signed a memorandum of understanding confirming the partnership.

    Plataforma Centinela will transform public life and threaten human rights in the borderlands in ways that aren’t easy to assess. Regional newspapers and local advocates–especially Norte Digital and Frente Político Ciudadano para la Defensa de los Derechos Humanos (FPCDDH)—have raised significant concerns about the project, pointing to a low likelihood of success and high potential for waste and abuse.

    “It is a myopic approach to security; the full emphasis is placed on situational prevention, while the social causes of crime and violence are not addressed,” FPCDDH member and analyst Victor M. Quintana tells EFF, noting that the Plataforma Centinela’s budget is significantly higher than what the state devotes to social services. “There are no strategies for the prevention of addiction, neither for rebuilding the fabric of society nor attending to dropouts from school or young people at risk, which are social causes of insecurity.”

    Instead of providing access to unfiltered information about the project, the State of Chihuahua has launched a public relations blitz. In addition to press conferences and the highly-produced cinematic trailer, SSPE recently hosted a “Pabellón Centinel” (Sentinel Pavillion), a family-friendly carnival where the public was invited to check out a camera wall and drones, while children played with paintball guns, drove a toy ATV patrol vehicle around a model city, and colored in illustrations of a data center operator.

    Behind that smoke screen, state officials are doing almost everything they can to control the narrative around the project and avoid public scrutiny.

    According to news reports, the SSPE and the Secretaría de Hacienda (Finance Secretary) have simultaneously deemed most information about the project as classified and left dozens of public records requests unanswered. The Chihuahua State Congress also rejected a proposal to formally declassify the documents and stymied other oversight measures, including a proposed audit. Meanwhile, EFF has submitted public records requests to several Texas agencies and all have claimed they have no records related to the Plataforma Centinela.

    This is all the more troubling considering the relationship between the state and Seguritech, a company whose business practices in 22 other jurisdictions have been called into question by public officials.

    What we can be sure of is that the Plataforma Centinela project may serve as proof of concept of the kind of panopticon surveillance governments can get away with in both North America and Latin America.
    What Is the Plataforma Centinela?

    High-tech surveillance centers are not a new phenomenon on the Mexican side of the border. These facilities tend to use “C” distinctions to explain their functions and purposes. EFF has mapped out dozens of these in the six Mexican border states.

    https://www.eff.org/files/2023/09/14/c-centers_map.png
    https://www.google.com/maps/d/viewer?mid=1W73dMXnuXvPl5cSRGfi1x-BQAEivJH4&ll=25.210543464111723%2C-105.379

    They include:

    - C4 (Centro de Comunicación, Cómputo, Control y Comando) (Center for Communications, Calculation, Control, and Command),
    - C5 (Centro de Coordinación Integral, de Control, Comando, Comunicación y Cómputo del Estado) (Center for Integral Coordination for Control, Command, Communications, and State Calculation),
    - C5i (Centro de Control, Comando, Comunicación, Cómputo, Coordinación e Inteligencia) (Center for Control, Command, Communication, Calculation, Coordination and Intelligence).

    Typically, these centers focus as a cross between a 911 call center and a real-time crime center, with operators handling emergency calls, analyzing crime data, and controlling a network of surveillance cameras via a wall bank of monitors. In some cases, the Cs may be presented in different order or stand for slightly different words. For example, some C5s might alternately stand for “Centros de Comando, Control, Comunicación, Cómputo y Calidad” (Centers for Command, Control, Communication, Computation and Quality). These facilities also exist in other parts of Mexico. The number of Cs often indicate scale and responsibilities, but more often than not, it seems to be a political or marketing designation.

    The Plataforma Centinela however, goes far beyond the scope of previous projects and in fact will be known as the first C7 (Centro de Comando, Cómputo, Control, Coordinación, Contacto Ciudadano, Calidad, Comunicaciones e Inteligencia Artificial) (Center for Command, Calculation, Control, Coordination, Citizen Contact, Quality, Communications and Artificial Intelligence). The Torre Centinela in Ciudad Juarez will serve as the nerve center, with more than a dozen sub-centers throughout the state.

    According to statistics that Gov. Campos disclosed as part of negotiations with Texas and news reports, the Plataforma Centinela will include:

    - 1,791 automated license plate readers. These are cameras that photograph vehicles and their license plates, then upload that data along with the time and location where the vehicles were seen to a massive searchable database. Law enforcement can also create lists of license plates to track specific vehicles and receive alerts when those vehicles are seen.
    - 4,800 fixed cameras. These are your run-of-the-mill cameras, positioned to permanently surveil a particular location from one angle.
    - 3,065 pan-tilt-zoom (PTZ) cameras. These are more sophisticated cameras. While they are affixed to a specific location, such as a street light or a telephone pole, these cameras can be controlled remotely. An operator can swivel the camera around 360-degrees and zoom in on subjects.
    - 2,000 tablets. Officers in the field will be issued handheld devices for accessing data directly from the Plataforma Centinela.
    - 102 security arches. This is a common form of surveillance in Mexico, but not the United States. These are structures built over highways and roads to capture data on passing vehicles and their passengers.
    - 74 drones (Unmanned Aerial Vehicles/UAVs). While the Chihuahua government has not disclosed what surveillance payload will be attached to these drones, it is common for law enforcement drones to deploy video, infrared, and thermal imaging technology.
    - 40 mobile video surveillance trailers. While details on these systems are scant, it is likely these are camera towers that can be towed to and parked at targeted locations.
    - 15 anti-drone systems. These systems are designed to intercept and disable drones operated by criminal organizations.
    - Face recognition. The project calls for the application of “biometric filters” to be applied to camera feeds “to assist in the capture of cartel leaders,” and the collection of migrant biometrics. Such a system would require scanning the faces of the general public.
    - Artificial intelligence. So far, the administration has thrown around the term AI without fully explaining how it will be used. However, typically law enforcement agencies have used this technology to “predict” where crime might occur, identify individuals mostly likely to be connected to crime, and to surface potential connections between suspects that would not have been obvious to a human observer. However, all these technologies have a propensity for making errors or exacerbating existing bias.

    As of May, 60% of the Plataforma Centinela camera network had been installed, with an expected completion date of December, according to Norte Digital. However, the cameras were already being used in criminal investigations.

    All combined, this technology amounts to an unprecedented expansion of the surveillance state in Latin America, as SSPE brags in its promotional material. The threat to privacy may also be unprecedented: creating cities where people can no longer move freely in their communities without being watched, scanned, and tagged.

    But that’s assuming the system functions as advertised—and based on the main contractor’s history, that’s anything but guaranteed.
    Who Is Seguritech?

    The Plataforma Centinela project is being built by the megacorporation Seguritech, which has signed deals with more than a dozen government entities throughout Mexico. As of 2018, the company received no-bid contracts in at least 10 Mexican states and cities, which means it was able to sidestep the accountability process that requires companies to compete for projects.

    And when it comes to the Plataforma Centinela, the company isn’t simply a contractor: It will actually have ownership over the project, the Torre Centinela, and all its related assets, including cameras and drones, until August 2027.

    That’s what SSPE Secretary Gilberto Loya Chávez told the news organization Norte Digital, but the terms of the agreement between Seguritech and Chihuahua’s administration are not public. The SSPE’s Transparency Committee decided to classify the information “concerning the procedures for the acquisition of supplies, goods, and technology necessary for the development, implementation, and operation of the Platforma Centinela” for five years.

    In spite of the opacity shrouding the project, journalists have surfaced some information about the investment plan. According to statements from government officials, the Plataforma Centinela will cost 4.2 billion pesos, with Chihuahua’s administration paying regular installments to the company every three months (Chihuahua’s governor had previously said that these would be yearly payments in the amount of 700 million to 1 billion pesos per year). According to news reports, when the payments are completed in 2027, the ownership of the platform’s assets and infrastructure are expected to pass from Seguritech to the state of Chihuahua.

    The Plataforma Centinela project marks a new pinnacle in Seguritech’s trajectory as a Mexican security contractor. Founded in 1995 as a small business selling neighborhood alarms, SeguriTech Privada S.A de C.V. became a highly profitable brand, and currently operates in five areas: security, defense, telecommunications, aeronautics, and construction. According to Zeta Tijuana, Seguritech also secures contracts through its affiliated companies, including Comunicación Segura (focused on telecommunications and security) and Picorp S.A. de C.V. (focused on architecture and construction, including prisons and detention centers). Zeta also identified another SecuriTech company, Tres10 de C.V., as the contractor named in various C5i projects.

    Thorough reporting by Mexican outlets such as Proceso, Zeta Tijuana, Norte Digital, and Zona Free paint an unsettling picture of Seguritech’s activities over the years.

    Former President Felipe Calderón’s war on drug trafficking, initiated during his 2006-2012 term, marked an important turning point for surveillance in Mexico. As Proceso reported, Seguritech began to secure major government contracts beginning in 2007, receiving its first billion-peso deal in 2011 with Sinaloa’s state government. In 2013, avoiding the bidding process, the company secured a 6-billion peso contract assigned by Eruviel Ávila, then governor of the state of México (or Edomex, not to be confused with the country of Mexico). During Enrique Peña Nieto’s years as Edomex’s governor, and especially later, as Mexico’s president, Seguritech secured its status among Mexico’s top technology contractors.

    According to Zeta Tijuana, during the six years that Peña Nieto served as president (2012-2018), the company monopolized contracts for the country’s main surveillance and intelligence projects, specifically the C5i centers. As Zeta Tijuana writes:

    “More than 10 C5i units were opened or began construction during Peña Nieto’s six-year term. Federal entities committed budgets in the millions, amid opacity, violating parliamentary processes and administrative requirements. The purchase of obsolete technological equipment was authorized at an overpriced rate, hiding information under the pretext of protecting national security.”

    Zeta Tijuana further cites records from the Mexican Institute of Industrial Property showing that Seguritech registered the term “C5i” as its own brand, an apparent attempt to make it more difficult for other surveillance contractors to provide services under that name to the government.

    Despite promises from government officials that these huge investments in surveillance would improve public safety, the country’s number of violent deaths increased during Peña Nieto’s term in office.

    “What is most shocking is how ineffective Seguritech’s system is,” says Quintana, the spokesperson for FPCDDH. By his analysis, Quintana says, “In five out of six states where Seguritech entered into contracts and provided security services, the annual crime rate shot up in proportions ranging from 11% to 85%.”

    Seguritech has also been criticized for inflated prices, technical failures, and deploying obsolete equipment. According to Norte Digital, only 17% of surveillance cameras were working by the end of the company’s contract with Sinaloa’s state government. Proceso notes the rise of complaints about the malfunctioning of cameras in Cuauhtémoc Delegation (a borough of Mexico City) in 2016. Zeta Tijuana reported on the disproportionate amount the company charged for installing 200 obsolete 2-megapixel cameras in 2018.

    Seguritech’s track record led to formal complaints and judicial cases against the company. The company has responded to this negative attention by hiring services to take down and censor critical stories about its activities published online, according to investigative reports published as part of the Global Investigative Journalism Network’s Forbidden Stories project.

    Yet, none of this information dissuaded Chihuahua’s governor, Maru Campos, from closing a new no-bid contract with Seguritech to develop the Plataforma Centinela project.
    A Cross-Border Collaboration

    The Plataforma Centinela project presents a troubling escalation in cross-border partnerships between states, one that cuts out each nation’s respective federal governments. In April 2022, the states of Texas and Chihuahua signed a memorandum of understanding to collaborate on reducing “cartels’ human trafficking and smuggling of deadly fentanyl and other drugs” and to “stop the flow of migrants from over 100 countries who illegally enter Texas through Chihuahua.”

    https://www.eff.org/files/2023/09/14/a_new_border_model.png

    While much of the agreement centers around cargo at the points of entry, the document also specifically calls out the various technologies that make up the Plataforma Centinela. In attachments to the agreement, Gov. Campos promises Chihuahua is “willing to share that information with Texas State authorities and commercial partners directly.”

    During a press conference announcing the MOU, Gov. Abbot declared, “Governor Campos has provided me with the best border security plan that I have seen from any governor from Mexico.” He held up a three-page outline and a slide, which were also provided to the public, but also referenced the existence of “a much more extensive detailed memo that explains in nuance” all the aspects of the program.

    Abbott went on to read out a summary of Plataforma Centinela, adding, “This is a demonstration of commitment from a strong governor who is working collaboratively with the state of Texas.”

    Then Campos, in response to a reporter’s question, added: “We are talking about sharing information and intelligence among states, which means the state of Texas will have eyes on this side of the border.” She added that the data collected through the Plataforma Centinela will be analyzed by both the states of Chihuahua and Texas.

    Abbott provided an example of one way the collaboration will work: “We will identify hotspots where there will be an increase in the number of migrants showing up because it’s a location chosen by cartels to try to put people across the border at that particular location. The Chihuahua officials will work in collaboration with the Texas Department of Public Safety, where DPS has identified that hotspot and the Chihuahua side will work from a law enforcement side to disrupt that hotspot.”

    In order to learn more about the scope of the project, EFF sent public records requests to several Texas agencies, including the Governor’s Office, the Texas Department of Public Safety, the Texas Attorney General’s Office, the El Paso County Sheriff, and the El Paso Police Department. Not one of the agencies produced records related to the Plataforma Centinela project.

    Meanwhile, Texas is further beefing up its efforts to use technology at the border, including by enacting new laws that formally allow the Texas National Guard and State Guard to deploy drones at the border and authorize the governor to enter compacts with other states to share intelligence and resource to build “a comprehensive technological surveillance system” on state land to deter illegal activity at the border. In addition to the MOU with Chihuahua, Abbott also signed similar agreements with the states of Nuevo León and Coahuila in 2022.
    Two Sides, One Border

    The Plataforma Centinela has enormous potential to violate the rights of one of the largest cross-border populations along the U.S.-Mexico border. But while law enforcement officials are eager to collaborate and traffic data back and forth, advocacy efforts around surveillance too often are confined to their respective sides.

    The Spanish-language press in Mexico has devoted significant resources to investigating the Plataforma Centinela and raising the alarm over its lack of transparency and accountability, as well as its potential for corruption. Yet, the project has received virtually no attention or scrutiny in the United States.

    Fighting back against surveillance of cross-border communities requires cross-border efforts. EFF supports the efforts of advocacy groups in Ciudad Juarez and other regions of Chihuahua to expose the mistakes the Chihuahua government is making with the Plataforma Centinela and call out its mammoth surveillance approach for failing to address the root social issues. We also salute the efforts by local journalists to hold the government accountable. However, U.S-based journalists, activists, and policymakers—many of whom have done an excellent job surfacing criticism of Customs and Border Protection’s so-called virtual wall—must also turn their attention to the massive surveillance that is building up on the Mexican side.

    In reality, there really is no Mexican surveillance and U.S. surveillance. It’s one massive surveillance monster that, ironically, in the name of border enforcement, recognizes no borders itself.

    https://www.eff.org/deeplinks/2023/09/state-chihuahua-building-20-story-tower-ciudad-juarez-surveil-13-cities-and-sta
    #surveillance #tour #surveillance_de_masse #cartographie #visualisation #intelligence_artificielle #AI #IA #frontières #contrôles_frontaliers #technologie #Plataforma_Centinela #données #reconnaissance_faciale #caméras_de_surveillance #drones #Seguritech #complexe_militaro-industriel #Mexique

  • La chute du Heron blanc, ou la fuite en avant de l’agence #Frontex

    Sale temps pour Frontex, l’agence européenne de gardes-frontières : après le scandale des pushbacks dans les eaux grecques, qui a fait tomber son ex-directeur, l’un de ses drones longue portée de type Heron 1, au coût faramineux, s’est crashé fin août en mer ionienne. Un accident qui met en lumière la dérive militariste de l’Union européenne pour barricader ses frontières méridionales.

    Jeudi 24 août 2023, un grand oiseau blanc a fait un plongeon fatal dans la mer ionienne, à 70 miles nautiques au large de la Crète. On l’appelait « Heron 1 », et il était encore très jeune puisqu’il n’avait au compteur que 3 000 heures de vol. Son employeur ? Frontex, l’agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes chargée depuis 2004 de réguler les frontières européennes, avec un budget sans cesse en hausse.

    Le Heron 1 est désigné dans la terminologie barbare du secteur de l’armement comme un drone MALE (Medium Altitude Long Endurance) de quatrième génération, c’est-à-dire un engin automatisé de grande taille capable de voler sur de longues distances. Frontex disposait jusqu’au crash de seulement deux drones Heron 1. Le premier a été commandé en octobre 2020, quand l’agence a signé un contrat de 50 millions d’euros par an avec Airbus pour faire voler cet appareil en « leasing » – Airbus passant ensuite des sous-contrats, notamment avec le constructeur israélien IAISystem
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    – pour un total de 2 400 heures de vol, et avec des dépassements qui ont fait monter la facture annuelle. En clair, le coût de fonctionnement de ce drôle d’oiseau est abyssal. Frontex rechigne d’ailleurs à entrer dans les détails, arguant de « données commerciales sensibles », ainsi que l’explique Matthias Monroy, journaliste allemand spécialisé dans l’aéronautique : « Ils ne veulent pas donner les éléments montrant que ces drones valent plus cher que des aéroplanes classiques, alors que cela semble évident. »
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    La nouvelle de la chute de l’onéreux volatile n’a pas suscité beaucoup de réactions publiques – il n’en est quasiment pas fait mention dans les médias autres que grecs, hormis sur des sites spécialisés. On en trouve cependant une trace sur le portail numérique du Parlement européen, en date du 29 août 2023. Ce jour-là, Özlem Demirel, députée allemande du parti de gauche Die Linke, pose la question « E-002469/2023 » (une interpellation enregistrée sous le titre : « Crash of a second long-range drone operated on Frontex’s behalf »), dans laquelle elle interroge la fiabilité de ces drones. Elle y rappelle que, déjà en 2020, un coûteux drone longue distance opéré par Frontex s’était crashé en mer – un modèle Hermes 900 cette fois-ci, tout aussi onéreux, bijou de l’israélien Elbit Systems. Et la députée de demander : « Qui est responsable ? »

    Une question complexe. « En charge des investigations, les autorités grecques détermineront qui sera jugé responsable, explique Matthias Monroy. S’il y a eu une défaillance technique, alors IAI System devra sans doute payer. Mais si c’est un problème de communication satellite, comme certains l’ont avancé, ou si c’est une erreur de pilotage, alors ce sera à Airbus, ou plutôt à son assureur, de payer la note. »
    VOL AU-DESSUS D’UN NID D’EMBROUILLES

    Le Heron 1 a la taille d’un grand avion de tourisme – presque un mini-jet. D’une envergure de 17 mètres, censé pouvoir voler en autonomie pendant 24 heures (contre 36 pour le Hermes 900), il est équipé de nombreuses caméras, de dispositifs de vision nocturne, de radars et, semble-t-il, de technologies capables de localiser des téléphones satellites
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    . Détail important : n’étant pas automatisé, il est manœuvré par un pilote d’Airbus à distance. S’il est aussi utilisé sur des théâtres de guerre, notamment par les armées allemande et israélienne, où il s’est également montré bien peu fiable
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    , sa mission dans le cadre de Frontex relève de la pure surveillance : il s’agit de fournir des informations sur les embarcations de personnes exilées en partance pour l’Europe.

    Frontex disposait de deux drones Heron 1 jusqu’au crash. Airbus était notamment chargé d’assurer le transfert des données recueillies vers le quartier général de Frontex, à Varsovie (Pologne). L’engin qui a fait un fatal plouf se concentrait sur la zone SAR(Search and Rescue
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    ) grecque et avait pour port d’attache la Crète. C’est dans cette même zone SAR que Frontex a supervisé plus ou moins directement de nombreux pushbacks (des refoulements maritimes), une pratique illégale pourtant maintes fois documentée, ce qui a provoqué un scandale qui a fini par contraindre le Français Fabrice Leggeri à démissionner de la tête de l’agence fin avril 2022. Il n’est pas interdit de penser que ce Heron 1 a joué en la matière un rôle crucial, fournissant des informations aux gardes-côtes grecs qui, ensuite, refoulaient les embarcations chargées d’exilés.

    Quant à son jumeau, le Heron positionné à Malte, son rôle est encore plus problématique. Il est pourtant similaire à celui qui s’est crashé. « C’est exactement le même type de drone », explique Tamino Bohm, « tactical coordinator » (coordinateur tactique) sur les avions de Sea-Watch, une ONG allemande de secours en mer opérant depuis l’île italienne de Lampedusa. Si ce Heron-là, numéro d’immatriculation AS2132, diffère de son jumeau, c’est au niveau du territoire qu’il couvre : lui survole les zones SAR libyennes, offrant les informations recueillies à ceux que la communauté du secours en mer s’accorde à désigner comme les « soi-disant gardes-côtes libyens »
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    – en réalité, des éléments des diverses milices prospérant sur le sol libyen qui se comportent en pirates des mers. Financés en partie par l’Union européenne, ils sont avant tout chargés d’empêcher les embarcations de continuer leur route et de ramener leurs passagers en Libye, où les attendent bien souvent des prisons plus ou moins clandestines, aux conditions de détention infernales
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    .

    C’est ainsi qu’au large de Lampedusa se joue une sorte de guerre aérienne informelle. Les drones et les avions de Frontex croisent régulièrement ceux d’ONG telles que Sea-Watch, dans un ballet surréaliste : les premiers cherchant à renseigner les Libyens pour qu’ils arraisonnent les personnes exilées repérées au large ; les seconds s’acharnant avec leurs maigres moyens à documenter et à dénoncer naufrages et refoulements en Libye. Et Tamino d’asséner avec malice : « J’aurais préféré que le drone crashé soit celui opérant depuis Malte. Mais c’est déjà mieux que rien. »
    BUDGET GONFLÉ, MANDAT ÉLARGI

    Tant que l’enquête sur le crash n’aura pas abouti, le vol de drones Heron 1 est suspendu sur le territoire terrestre et maritime relevant des autorités grecques, assure Matthias Monroy (qui ajoute que cette interdiction s’applique également aux deux drones du même modèle que possède l’armée grecque). Le crash de l’un de ses deux Heron 1 est donc une mauvaise nouvelle pour Frontex et les adeptes de la forteresse Europe, déjà bien éprouvés par les arrivées massives à Lampedusa à la mi-septembre et l’hospitalité affichée sur place par les habitants. À l’image de ces murs frontaliers bâtis aux frontières de l’Europe et dans l’espace Schengen – un rapport du Parlement européen, publié en octobre 2022 « Walls and fences at EU borders » (https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EPRS_BRI(2022)733692), précise que l’on en est à 2 035 kilomètres de barrières frontalières, contre 315 en 2014 –, matérialisation d’un coûteux repli identitaire clamant une submersion fantasmée, il est évident que la démesure sécuritaire ne freine en rien les volontés de rejoindre l’Europe.

    Ce ne sont pourtant pas les moyens qui manquent. Lors de sa première année d’opérations, en 2005, Frontex disposait d’un budget de 6 millions d’euros. Depuis, celui-ci n’a cessé d’enfler, pour atteindre la somme de 845,4 millions d’euros en 2023, et un effectif de plus de 2 100 personnels – avec un budget prévisionnel 2021-2027 de 11 milliards d’euros et un objectif de 10 000 gardes d’ici à 2027 (dont 7 000 détachés par les États membres).

    Depuis 2019, Frontex dispose d’un mandat élargi qui autorise l’acquisition et la possession d’avions, de drones et d’armes à feu. L’agence s’est aussi géographiquement démultipliée au fil de temps. Ses effectifs peuvent aussi bien patrouiller dans les eaux de Lampedusa que participer à des missions de surveillance de la frontière serbo-hongroise, alors que son rôle initial était simplement d’assister les pays européens dans la gestion de leurs frontières. L’agence européenne joue aussi un rôle dans la démesure technologique qui se développe aux frontières. Rien que dans les airs, l’agence se veut novatrice : elle a déjà investi plusieurs millions d’euros dans un projet de #zeppelin automatisé relié à un câble de 1 000 mètres, ainsi que dans le développement de drones « #quadcopter » pesant une dizaine de kilos. Enfin, Frontex participe aussi à la collecte généralisée de #données migratoires dans le but d’anticiper les refoulements. Elle soutient même des projets visant à gérer les flux humains par #algorithmes.

    Traversée comme les armées par une culture du secret, l’agence s’est fait une spécialité des zones grises et des partenariats opaques, tout en prenant une place toujours plus importante dans la hausse de la létalité des frontières. « Frontex est devenue l’agent de la #militarisation_des_frontières européennes depuis sa création, résume un rapport de la Fondation Jean-Jaurès sorti en juillet 2023. Fondant son fonctionnement sur l’#analyse_des_risques, Frontex a contribué à la perception des frontières européennes comme d’une forteresse assiégée, liant le trafic de drogue et d’êtres humains à des mouvements migratoires plus larges. »

    « VOUS SURVEILLEZ LES FRONTIÈRES, NOUS VOUS SURVEILLONS »

    Dans sa volonté d’expansion tous azimuts, l’agence se tourne désormais vers l’Afrique, où elle œuvre de manière plus ou moins informelle à la mise en place de politiques d’#externalisation des frontières européennes. Elle pèse notamment de tout son poids pour s’implanter durablement au #Sénégal et en #Mauritanie. « Grâce à l’argent des contribuables européens, le Sénégal a construit depuis 2018 au moins neuf postes-frontières et quatre antennes régionales de la Direction nationale de lutte contre le trafic de migrants. Ces sites sont équipés d’un luxe de #technologies de #surveillance_intrusive : outre la petite mallette noire [contenant un outil d’extraction des données], ce sont des #logiciels d’#identification_biométrique des #empreintes_digitales et de #reconnaissance_faciale, des drones, des #serveurs_numériques, des lunettes de vision nocturne et bien d’autres choses encore », révèle une enquête du journal étatsunien In These Times. Très impopulaire sur le continent, ce type de #néocolonialisme obsidional se déploie de manière informelle. Mais il porte bien la marque de Frontex, agence agrippée à l’obsession de multiplier les murs physiques et virtuels.

    Au Sénégal, pour beaucoup, ça ne passe pas. En août 2022, l’association #Boza_Fii a organisé plusieurs journées de débat intitulées « #Pushback_Frontex », avec pour slogan : « Vous surveillez les frontières, nous vous surveillons ». Une manifestation reconduite en août 2023 avec la mobilisation « 72h Push Back Frontex ». Objectif : contrer les négociations en cours entre l’Union européenne et le Sénégal, tout en appelant « à la dissolution définitive de l’agence européenne de gardes-frontières ». Sur RFI, son porte-parole #Saliou_Diouf expliquait récemment son point de vue : « Nous, on lutte pour la #liberté_de_circulation de tout un chacun. […] Depuis longtemps, il y a beaucoup d’argent qui rentre et est-ce que ça a arrêté les départs ? »

    Cette politique « argent contre muraille » est déployée dans d’autres États africains, comme le #Niger ou le #Soudan. Frontex n’y est pas directement impliquée, mais l’Europe verse des centaines de millions d’euros à 26 pays africains pour que des politiques locales visant à bloquer les migrations soient mises en place.

    « Nous avons besoin d’aide humanitaire, pas d’outils sécuritaires », assure Mbaye Diop, travailleur humanitaire dans un camp de la Croix-Rouge situé à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, dans l’enquête de In These Times. Un constat qui vaut de l’autre côté de la Méditerranée : dans un tweet publié après le crash du Heron 1, l’ONG Sea-Watch observait qu’avec les 50 millions alloués à Airbus et à ses sous-traitants pour planter son Heron dans les flots, « on pourrait faire voler pendant 25 ans nos avions de secours Seabird 1 et Seabird 2 ».

    https://afriquexxi.info/La-chute-du-Heron-blanc-ou-la-fuite-en-avant-de-l-agence-Frontex

    #drones #Heron_1 #frontières #surveillances_des_frontières #contrôles_frontaliers #migrations #asile #réfugiés #drone_MALE (#Medium_Altitude_Long_Endurance) #crash #Airbus #complexe_militaro-industriel #IAI_System #coût #prix #budget #chute #fiabilité #Hermes_900 #Elbit_Systems #données #push-backs #refoulements #AS2132 #Libye #guerre_aérienne_informelle #biométrie

  • Affaire « Lafarge ». Les moyens d’enquête utilisés et quelques attentions à en tirer - Rebellyon.info
    https://rebellyon.info/Affaire-Lafarge-Les-moyens-d-enquete-25197

    Suite aux 35 arrestations des 5 et 20 juin dernier, les entretiens menés avec les arrêté.e.s ont en partie révélé l’ampleur de ce que l’État est prêt à déployer pour traquer celleux qui s’opposent au ravage écologique et industriel. Ecoutes, filatures, logiciel espion, reconnaissance faciale, balise GPS...

    À noter que plusieurs des personnes visées par ces réquisitions ont vu leur compte en banque clôturé sans explication ou ont subit des #contrôles_domicilaires très poussés par la CAF. Une clôture de compte bancaire inexpliquée peut ainsi être un signe de surveillance.

    La police dit ne pas envoyer de réquisitions à Riseup par peur qu’iels ne préviennent les personnes concernées, et considérant que Riseup ne leur répondra probablement jamais. Cela semble confirmer que l’utilisation de fournisseurs mail militantes mettant en œuvre un certain nombre de protections et de système de chiffrement tels que #Riseup leur pose beaucoup plus de problèmes d’accès que dans le cas de fournisseurs commerciaux [6]. (Il va sans dire que l’utilisation de clés de chiffrement PGP pour les échanges de mails ajoute une couche de protection supplémentaire).

    [...] Sans tomber dans le fantasme d’une surveillance permanente et omniprésente, autant prendre un certain nombre de mesures pour se protéger du traçage policier, tout en veillant à ce que ça ne nous pourrisse pas trop la vie et que ça ne nous empêche pas de nous organiser collectivement.

    Nous travaillons à une analyse plus poussée de ces premiers éléments et d’autres. Vous pouvez nous contacter à lesmoyens @ systemli.org

    #lafarge #police #justice #luttes #enquête #SDAT #ADN #vidéosurveillance #Reconnaissance_faciale #téléphonie #fadettes #géolocalisation #logiciel_espion #IMSI_catchers #écoutes #CAF #Pôle_emploi #impôts #ANTS #blablacar ++ #SNCF #FlixBus #banques #Twitter #Facebook (refus !) #Instagram #sonorisation_de_véhicule #boîtiers_GPS #Filatures #sociétés_d'autoroute #Demande_de_photos_des_véhicules_aux_péages_autoroutiers

    • Lors de la dernière audition, à court de nouvelles déductions, Z. avait finit par me questionner à propos d’un billet de France Culture sur la dissolution des Soulèvements de la Terre, écouté le matin même dans sa voiture. Il me précise que l’éditorialiste Jean Leymarie y critique la dissolution mais interroge la « radicalisation du mouvement » : « Leymarie cite le philosophe Pascal et son adage - la justice sans la force est impuissante mais la force sans la justice est tyrannique ? Continuerez vous malgré votre mesure de garde à vue à légitimer l’usage de la violence ? N’avez vous pas peur que votre mouvement devienne tyrannique ? Allez vous vous ranger du côté de la justice ? »

      Ce qui est bien quand on est seul à faire les questions et à savoir que les réponses ne viendront pas, c’est que l’on a toujours la possibilité de se les poser à soi-même et à son corps de métier. Une semaine après nos sorties de garde à vue, des policiers tuaient une fois de plus dans la rue un adolescent des quartiers populaires, provoquant le soulèvement politique le plus fracassant qu’ait connu ce pays depuis les Gilets Jaunes, avant d’envoyer des centaines de nouvelles personnes en prison. Alors que la conséquence que les policiers en tirent quant à eux est de revendiquer aujourd’hui, avec l’appui du ministère de l’Intérieur, un statut d’exception à même de les faire échapper à la loi, la question de ce que devient la force sans la justice est tragiquement d’actualité.

    • Quand je suis emmené pour la dernière fois dans son bureau pour l’audition finale, il ne nous cache cette fois pas sa forte déception et l’étonnement des enquêteurs de ne pas avoir été suivis par la juge. L’un deux soufflera d’ailleurs à une autre personne que celle-ci est « à moitié en burn out ». Lui confirme en tout cas qu’elle a estimé que « les conditions de sérénité des débats n’étaient pas réunies ». On peut imaginer, au-delà de toute autres considérations guidant cette décision, que la juge doit à minima répugner à ce que son indépendance soit publiquement mise en débat et à ce que le doute continue à se distiller sur son instrumentalisation au profit d’une urgence gouvernementale à mettre fin aux Soulèvements de la Terre. D’autant que depuis l’affaire Tarnac, les juges d’instruction savent bien que la fragnolite peut toujours les attendre au tournant, et depuis Bure que les associations de malfaiteurs trop enflées politiquement peuvent finir en relaxe.

    • Le capitaine nous affirme d’ailleurs que justement la SDAT « cherche aujourd’hui de nouveaux débouchés » du côté de l’« écologie » et « des violences extrêmes ».

      [...]

      Z. dira à plusieurs reprises que la seule raison pour laquelle la SDAT a pu « lever le doigt » pour être chargée de l’affaire était les « tentatives d’incendies sur des véhicules de l’usine », et que « sans le feu » tout ceci serait sans doute resté dans une catégorie de délit inférieur sans bénéficier de leur attention

      [...]

      Au long des 4 jours, on constate que Z. oscille quant à lui maladroitement entre une surqualification des faits incriminés seule à même de justifier que les moyens de la SDAT soit employée dans cette affaire, et une posture opposée visant à déjouer les critiques sur l’emploi des moyens de l’anti-terrorisme à l’encontre d’actions écologistes qui peuvent difficilement être qualifiée comme telles. Il estime d’un côté que notre mise en cause de l’emploi de la SDAT dans la presse est déplacée puisque la qualification « terroriste » n’est pas retenue dans le classement de cette affaire et que la SDAT agirait ici comme un « simple corps de police ». Mais il nous exposera par ailleurs dans le détail comment seuls les moyens exceptionnels de l’anti-terrorisme ont pu permettre de mener une telle enquête et que « nul autre qu’eux » aurait été capable de fournir ce travail.

      Il faut dire que la taille du dossier d’instruction encore incomplet est de 14 000 pages, ce qui représente à ce que l’on en comprend six mois de plein emploi pour un nombre significatif de policiers, et donne une idée du sens des priorités dans l’exercice de la justice dans ce pays. A sa lecture ultérieure et en y explorant dans le détail l’amplitude des moyens qu’ont jugé bon de déployer les enquêteurs pour venir à la rescousse de Lafarge, les mis en examen constateront qu’ils avaient effectivement carte blanche. L’officier concède d’ailleurs à mon avocat que la police est, ces dernières années, une des institutions les mieux dotées financièrement du pays, et admet que leurs syndicats font quand même bien du cinéma. En l’occurrence cette manne a été mise au service de ce qui paraît être devenu ces derniers mois deux impératifs catégoriques pour le gouvernement français et les entreprises qui comptent sur sa loyauté à leur égard. En premier lieu produire une secousse répressive suffisante pour décourager toute velléité de reproduction d’un telle intrusion. Il doit demeurer absolument inconcevable que la population fasse le nécessaire et mette elle-même à l’arrêt les infrastructures qui ravagent ses milieux de vie. En second lieu, étendre encore le travail de surveillance et de fichage déjà à l’œuvre sur un ensemble de cercles jugés suspects en s’appuyant sur les moyens débridés offerts par l’enquête.

    • Il veux savoir si j’ai lu les brochures visant à attaquer les #Soulèvements_de_la_Terre, de ceux qu’il qualifie d’« #anarchistes individualistes ». Les accusations portées à notre égard y sont selon lui fort instructives et mettent en cause les faits et gestes de certaines personnes d’une manière qui s’avère sans doute pertinente pour l’enquête. C’est notamment à partir de ces fables intégralement versées au dossier que la SDAT justifie certaines des #arrestations, et fonde une partie de la structure incriminante de son récit sur ces « cadres des Soulèvements » qui resteraient « au chaud » en envoyant d’autres personnes au charbon. Ce sont d’ailleurs ces mêmes pamphlets, publiées sur certains sites militants, que le ministère de l’Intérieur reprend avec application pour fournir des « preuves » de l’existence et de l’identité de certains soit-disant « #dirigeants », et alimenter, dans son argumentaire sur la dissolution, l’idée d’un mouvement « en réalité vertical ». Z. est en même temps « bien conscient », dit-il, que ces écrits, sont « probablement l’expression de « guerres de chapelles », comme ils peuvent en avoir eux-même de services à service ». Cela ne l’empêche pas de proposer à une autre personne, arrêtée lors de la première vague, de prendre le temps de les lire pendant sa garde à vue « pour réaliser à quel point » elle se serait fait « manipuler ».

      #récit #autonomie #surveillance #police_politique #SDAT (héritage du PS années 80) #arrestations #interrogatoires #SLT #écologie #sabotage #anti_terrorisme #Lafarge #Béton

    • Lafarge, Daesh et la DGSE
      La raison d’Etat dans le chaos syrien

      https://lundi.am/Lafarge-Daesh-et-la-DGSE

      Ce mardi 19 septembre se tenait une audience devant la cour de cassation concernant l’affaire Lafarge en Syrie dans laquelle le cimentier et ses dirigeants sont soupçonnés de financement du terrorisme. Alors que le terme terrorisme plane frauduleusement autour du désarmement de l’usine de Bouc-bel-Air, voilà l’occasion d’une petite mise en perspective.

      #lafarge #daesh #dgse #syrie

  • Comment l’Europe sous-traite à l’#Afrique le contrôle des #migrations (1/4) : « #Frontex menace la #dignité_humaine et l’#identité_africaine »

    Pour freiner l’immigration, l’Union européenne étend ses pouvoirs aux pays d’origine des migrants à travers des partenariats avec des pays africains, parfois au mépris des droits humains. Exemple au Sénégal, où le journaliste Andrei Popoviciu a enquêté.

    Cette enquête en quatre épisodes, publiée initialement en anglais dans le magazine américain In These Times (https://inthesetimes.com/article/europe-militarize-africa-senegal-borders-anti-migration-surveillance), a été soutenue par une bourse du Leonard C. Goodman Center for Investigative Reporting.

    Par une brûlante journée de février, Cornelia Ernst et sa délégation arrivent au poste-frontière de Rosso. Autour, le marché d’artisanat bouillonne de vie, une épaisse fumée s’élève depuis les camions qui attendent pour passer en Mauritanie, des pirogues hautes en couleur dansent sur le fleuve Sénégal. Mais l’attention se focalise sur une fine mallette noire posée sur une table, face au chef du poste-frontière. Celui-ci l’ouvre fièrement, dévoilant des dizaines de câbles méticuleusement rangés à côté d’une tablette tactile. La délégation en a le souffle coupé.

    Le « Universal Forensics Extraction Device » (UFED) est un outil d’extraction de données capable de récupérer les historiques d’appels, photos, positions GPS et messages WhatsApp de n’importe quel téléphone portable. Fabriqué par la société israélienne Cellebrite, dont il a fait la réputation, l’UFED est commercialisé auprès des services de police du monde entier, notamment du FBI, pour lutter contre le terrorisme et le trafic de drogues. Néanmoins, ces dernières années, le Nigeria et le Bahreïn s’en sont servis pour voler les données de dissidents politiques, de militants des droits humains et de journalistes, suscitant un tollé.

    Toujours est-il qu’aujourd’hui, une de ces machines se trouve au poste-frontière entre Rosso-Sénégal et Rosso-Mauritanie, deux villes du même nom construites de part et d’autre du fleuve qui sépare les deux pays. Rosso est une étape clé sur la route migratoire qui mène jusqu’en Afrique du Nord. Ici, cependant, cette technologie ne sert pas à arrêter les trafiquants de drogue ou les terroristes, mais à suivre les Ouest-Africains qui veulent migrer vers l’Europe. Et cet UFED n’est qu’un outil parmi d’autres du troublant arsenal de technologies de pointe déployé pour contrôler les déplacements dans la région – un arsenal qui est arrivé là, Cornelia Ernst le sait, grâce aux technocrates de l’Union européenne (UE) avec qui elle travaille.

    Cette eurodéputée allemande se trouve ici, avec son homologue néerlandaise Tineke Strik et une équipe d’assistants, pour mener une mission d’enquête en Afrique de l’Ouest. Respectivement membres du Groupe de la gauche (GUE/NGL) et du Groupe des Verts (Verts/ALE) au Parlement européen, les deux femmes font partie d’une petite minorité de députés à s’inquiéter des conséquences de la politique migratoire européenne sur les valeurs fondamentales de l’UE – à savoir les droits humains –, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Europe.

    Le poste-frontière de Rosso fait partie intégrante de la politique migratoire européenne. Il accueille en effet une nouvelle antenne de la Division nationale de lutte contre le trafic de migrants (DNLT), fruit d’un « partenariat opérationnel conjoint » entre le Sénégal et l’UE visant à former et équiper la police des frontières sénégalaise et à dissuader les migrants de gagner l’Europe avant même qu’ils ne s’en approchent. Grâce à l’argent des contribuables européens, le Sénégal a construit depuis 2018 au moins neuf postes-frontières et quatre antennes régionales de la DNLT. Ces sites sont équipés d’un luxe de technologies de surveillance intrusive : outre la petite mallette noire, ce sont des logiciels d’identification biométrique des empreintes digitales et de reconnaissance faciale, des drones, des serveurs numériques, des lunettes de vision nocturne et bien d’autres choses encore…

    Dans un communiqué, un porte-parole de la Commission européenne affirme pourtant que les antennes régionales de la DNLT ont été créées par le Sénégal et que l’UE se borne à financer les équipements et les formations.

    « Frontex militarise la Méditerranée »

    Cornelia Ernst redoute que ces outils ne portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes en déplacement. Les responsables sénégalais, note-t-elle, semblent « très enthousiasmés par les équipements qu’ils reçoivent et par leur utilité pour suivre les personnes ». Cornelia Ernst et Tineke Strik s’inquiètent également de la nouvelle politique, controversée, que mène la Commission européenne depuis l’été 2022 : l’Europe a entamé des négociations avec le Sénégal et la Mauritanie pour qu’ils l’autorisent à envoyer du personnel de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, patrouiller aux frontières terrestres et maritimes des deux pays. Objectif avoué : freiner l’immigration africaine.

    Avec un budget de 754 millions d’euros, Frontex est l’agence la mieux dotée financièrement de toute l’UE. Ces cinq dernières années, un certain nombre d’enquêtes – de l’UE, des Nations unies, de journalistes et d’organisations à but non lucratif – ont montré que Frontex a violé les droits et la sécurité des migrants qui traversent la Méditerranée, notamment en aidant les garde-côtes libyens, financés par l’UE, à renvoyer des centaines de milliers de migrants en Libye, un pays dans lequel certains sont détenus, torturés ou exploités comme esclaves sexuels. En 2022, le directeur de l’agence, Fabrice Leggeri, a même été contraint de démissionner à la suite d’une cascade de scandales. Il lui a notamment été reproché d’avoir dissimulé des « pushbacks » : des refoulements illégaux de migrants avant même qu’ils ne puissent déposer une demande d’asile.

    Cela fait longtemps que Frontex est présente de façon informelle au Sénégal, en Mauritanie et dans six autres pays d’Afrique de l’Ouest, contribuant au transfert de données migratoires de ces pays vers l’UE. Mais jamais auparavant l’agence n’avait déployé de gardes permanents à l’extérieur de l’UE. Or à présent, Bruxelles compte bien étendre les activités de Frontex au-delà de son territoire, sur le sol de pays africains souverains, anciennes colonies européennes qui plus est, et ce en l’absence de tout mécanisme de surveillance. Pour couronner le tout, initialement, l’UE avait même envisagé d’accorder l’immunité au personnel de Frontex posté en Afrique de l’Ouest.

    D’évidence, les programmes européens ne sont pas sans poser problème. La veille de leur arrivée à Rosso, Cornelia Ernst et Tineke Strik séjournent à Dakar, où plusieurs groupes de la société civile les mettent en garde. « Frontex menace la dignité humaine et l’identité africaine », martèle Fatou Faye, de la Fondation Rosa Luxemburg, une ONG allemande. « Frontex militarise la Méditerranée », renchérit Saliou Diouf, fondateur de l’association de défense des migrants Boza Fii. Si Frontex poste ses gardes aux frontières africaines, ajoute-t-il, « c’est la fin ».

    Ces programmes s’inscrivent dans une vaste stratégie d’« externalisation des frontières », selon le jargon européen en vigueur. L’idée ? Sous-traiter de plus en plus le contrôle des frontières européennes en créant des partenariats avec des gouvernements africains – autrement dit, étendre les pouvoirs de l’UE aux pays d’origine des migrants. Concrètement, cette stratégie aux multiples facettes consiste à distribuer des équipements de surveillance de pointe, à former les forces de police et à mettre en place des programmes de développement qui prétendent s’attaquer à la racine des migrations.

    Des cobayes pour l’Europe

    En 2016, l’UE a désigné le Sénégal, qui est à la fois un pays d’origine et de transit des migrants, comme l’un de ses cinq principaux pays partenaires pour gérer les migrations africaines. Mais au total, ce sont pas moins de 26 pays africains qui reçoivent de l’argent des contribuables européens pour endiguer les vagues de migration, dans le cadre de 400 projets distincts. Entre 2015 et 2021, l’UE a investi 5 milliards d’euros dans ces projets, 80 % des fonds étant puisés dans les budgets d’aide humanitaire et au développement. Selon des données de la Fondation Heinrich Böll, rien qu’au Sénégal, l’Europe a investi au moins 200 milliards de francs CFA (environ 305 millions d’euros) depuis 2005.

    Ces investissements présentent des risques considérables. Il s’avère que la Commission européenne omet parfois de procéder à des études d’évaluation d’impact sur les droits humains avant de distribuer ses fonds. Or, comme le souligne Tineke Strik, les pays qu’elle finance manquent souvent de garde-fous pour protéger la démocratie et garantir que les technologies et les stratégies de maintien de l’ordre ne seront pas utilisées à mauvais escient. En réalité, avec ces mesures, l’UE mène de dangereuses expériences technico-politiques : elle équipe des gouvernements autoritaires d’outils répressifs qui peuvent être utilisés contre les migrants, mais contre bien d’autres personnes aussi.

    « Si la police dispose de ces technologies pour tracer les migrants, rien ne garantit qu’elle ne s’en servira pas contre d’autres individus, comme des membres de la société civile et des acteurs politiques », explique Ousmane Diallo, chercheur au bureau d’Afrique de l’Ouest d’Amnesty International.

    En 2022, j’ai voulu mesurer l’impact au Sénégal des investissements réalisés par l’UE dans le cadre de sa politique migratoire. Je me suis rendu dans plusieurs villes frontalières, j’ai discuté avec des dizaines de personnes et j’ai consulté des centaines de documents publics ou qui avaient fuité. Cette enquête a mis au jour un complexe réseau d’initiatives qui ne s’attaquent guère aux problèmes qui poussent les gens à émigrer. En revanche, elles portent un rude coup aux droits fondamentaux, à la souveraineté nationale du Sénégal et d’autres pays d’Afrique, ainsi qu’aux économies locales de ces pays, qui sont devenus des cobayes pour l’Europe.

    Des politiques « copiées-collées »

    Depuis la « crise migratoire » de 2015, l’UE déploie une énergie frénétique pour lutter contre l’immigration. A l’époque, plus d’un million de demandeurs d’asile originaires du Moyen-Orient et d’Afrique – fuyant les conflits, la violence et la pauvreté – ont débarqué sur les côtes européennes. Cette « crise migratoire » a provoqué une droitisation de l’Europe. Les leaders populistes surfant sur la peur des populations et présentant l’immigration comme une menace sécuritaire et identitaire, les partis nationalistes et xénophobes en ont fait leurs choux gras.

    Reste que le pic d’immigration en provenance d’Afrique de l’Ouest s’est produit bien avant 2015 : en 2006, plus de 31 700 migrants sont arrivés par bateau aux îles Canaries, un territoire espagnol situé à une centaine de kilomètres du Maroc. Cette vague a pris au dépourvu le gouvernement espagnol, qui s’est lancé dans une opération conjointe avec Frontex, baptisée « Hera », pour patrouiller le long des côtes africaines et intercepter les bateaux en direction de l’Europe.

    Cette opération « Hera », que l’ONG britannique de défense des libertés Statewatch qualifie d’« opaque », marque le premier déploiement de Frontex à l’extérieur du territoire européen. C’est aussi le premier signe d’externalisation des frontières européennes en Afrique depuis la fin du colonialisme au XXe siècle. En 2018, Frontex a quitté le Sénégal, mais la Guardia Civil espagnole y est restée jusqu’à ce jour : pour lutter contre l’immigration illégale, elle patrouille le long des côtes et effectue même des contrôles de passeports dans les aéroports.

    En 2015, en pleine « crise », les fonctionnaires de Bruxelles ont musclé leur stratégie : ils ont décidé de dédier des fonds à la lutte contre l’immigration à la source. Ils ont alors créé le Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (EUTF). Officiellement, il s’agit de favoriser la stabilité et de remédier aux causes des migrations et des déplacements irréguliers des populations en Afrique.

    Malgré son nom prometteur, c’est la faute de l’EUTF si la mallette noire se trouve à présent au poste-frontière de Rosso – sans oublier les drones et les lunettes de vision nocturne. Outre ce matériel, le fonds d’urgence sert à envoyer des fonctionnaires et des consultants européens en Afrique, pour convaincre les gouvernements de mettre en place de nouvelles politiques migratoires – des politiques qui, comme me le confie un consultant anonyme de l’EUTF, sont souvent « copiées-collées d’un pays à l’autre », sans considération aucune des particularités nationales de chaque pays. « L’UE force le Sénégal à adopter des politiques qui n’ont rien à voir avec nous », explique la chercheuse sénégalaise Fatou Faye à Cornelia Ernst et Tineke Strik.

    Une mobilité régionale stigmatisée

    Les aides européennes constituent un puissant levier, note Leonie Jegen, chercheuse à l’université d’Amsterdam et spécialiste de l’influence de l’UE sur la politique migratoire sénégalaise. Ces aides, souligne-t-elle, ont poussé le Sénégal à réformer ses institutions et son cadre législatif en suivant des principes européens et en reproduisant des « catégories politiques eurocentrées » qui stigmatisent, voire criminalisent la mobilité régionale. Et ces réformes sont sous-tendues par l’idée que « le progrès et la modernité » sont des choses « apportées de l’extérieur » – idée qui n’est pas sans faire écho au passé colonial.

    Il y a des siècles, pour se partager l’Afrique et mieux piller ses ressources, les empires européens ont dessiné ces mêmes frontières que l’UE est aujourd’hui en train de fortifier. L’Allemagne a alors jeté son dévolu sur de grandes parties de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique de l’Est ; les Pays-Bas ont mis la main sur l’Afrique du Sud ; les Britanniques ont décroché une grande bande de terre s’étendant du nord au sud de la partie orientale du continent ; la France a raflé des territoires allant du Maroc au Congo-Brazzaville, notamment l’actuel Sénégal, qui n’est indépendant que depuis soixante-trois ans.

    L’externalisation actuelle des frontières européennes n’est pas un cas totalement unique. Les trois derniers gouvernements américains ont abreuvé le Mexique de millions de dollars pour empêcher les réfugiés d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud d’atteindre la frontière américaine, et l’administration Biden a annoncé l’ouverture en Amérique latine de centres régionaux où il sera possible de déposer une demande d’asile, étendant ainsi de facto le contrôle de ses frontières à des milliers de kilomètres au-delà de son territoire.

    Cela dit, au chapitre externalisation des frontières, la politique européenne en Afrique est de loin la plus ambitieuse et la mieux financée au monde.

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/06/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-1-4-fron

    #réfugiés #asile #contrôles_frontaliers #frontières #Sénégal #Rosso #fleuve_Sénégal #Mauritanie #Universal_Forensics_Extraction_Device (#UFED) #données #technologie #Cellebrite #complexe_militaro-industriel #Division_nationale_de_lutte_contre_le_trafic_de_migrants (#DNLT) #politique_migratoire_européenne #UE #EU #Union_européenne #partenariat_opérationnel_conjoint #dissuasion #postes-frontières #surveillance #technologie_de_surveillance #biométrie #identification_biométrie #reconnaissance_faciale #empreintes_digitales #drones #droits_fondamentaux #militarisation_des_frontières #Boza_Fii #externalisation #expériences_technico-politiques #Hera #opération_Hera #mobilité_régionale

    • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (2/4) : « Nous avons besoin d’aide, pas d’outils sécuritaires »

      Au Sénégal, la création et l’équipement de postes-frontières constituent des éléments clés du partenariat avec l’Union européenne. Une stratégie pas toujours efficace, tandis que les services destinés aux migrants manquent cruellement de financements.

      Par une étouffante journée de mars, j’arrive au poste de contrôle poussiéreux du village sénégalais de #Moussala, à la frontière avec le #Mali. Des dizaines de camions et de motos attendent, en ligne, de traverser ce point de transit majeur. Après avoir demandé pendant des mois, en vain, la permission au gouvernement d’accéder au poste-frontière, j’espère que le chef du poste m’expliquera dans quelle mesure les financements européens influencent leurs opérations. Refusant d’entrer dans les détails, il me confirme que son équipe a récemment reçu de l’Union européenne (UE) des formations et des équipements dont elle se sert régulièrement. Pour preuve, un petit diplôme et un trophée, tous deux estampillés du drapeau européen, trônent sur son bureau.

      La création et l’équipement de postes-frontières comme celui de Moussala constituent des éléments clés du partenariat entre l’UE et l’#Organisation_internationale_pour_les_migrations (#OIM). Outre les technologies de surveillance fournies aux antennes de la Division nationale de lutte contre le trafic de migrants (DNLT, fruit d’un partenariat entre le Sénégal et l’UE), chaque poste-frontière est équipé de systèmes d’analyse des données migratoires et de systèmes biométriques de reconnaissance faciale et des empreintes digitales.

      Officiellement, l’objectif est de créer ce que les fonctionnaires européens appellent un système africain d’#IBM, à savoir « #Integrated_Border_Management » (en français, « gestion intégrée des frontières »). Dans un communiqué de 2017, le coordinateur du projet de l’OIM au Sénégal déclarait : « La gestion intégrée des frontières est plus qu’un simple concept, c’est une culture. » Il avait semble-t-il en tête un changement idéologique de toute l’Afrique, qui ne manquerait pas selon lui d’embrasser la vision européenne des migrations.

      Technologies de surveillance

      Concrètement, ce système IBM consiste à fusionner les #bases_de_données sénégalaises (qui contiennent des données biométriques sensibles) avec les données d’agences de police internationales (comme #Interpol et #Europol). Le but : permettre aux gouvernements de savoir qui franchit quelle frontière et quand. Un tel système, avertissent les experts, peut vite faciliter les expulsions illégales et autres abus.

      Le risque est tout sauf hypothétique. En 2022, un ancien agent des services espagnols de renseignement déclarait au journal El Confidencial que les autorités de plusieurs pays d’Afrique « utilisent les technologies fournies par l’Espagne pour persécuter et réprimer des groupes d’opposition, des militants et des citoyens critiques envers le pouvoir ». Et d’ajouter que le gouvernement espagnol en avait parfaitement conscience.

      D’après un porte-parole de la Commission européenne, « tous les projets qui touchent à la sécurité et sont financés par l’UE comportent un volet de formation et de renforcement des capacités en matière de droits humains ». Selon cette même personne, l’UE effectue des études d’impact sur les droits humains avant et pendant la mise en œuvre de ces projets. Mais lorsque, il y a quelques mois, l’eurodéputée néerlandaise Tineke Strik a demandé à voir ces études d’impact, trois différents services de la Commission lui ont envoyé des réponses officielles disant qu’ils ne les avaient pas. En outre, selon un de ces services, « il n’existe pas d’obligation réglementaire d’en faire ».

      Au Sénégal, les libertés civiles sont de plus en plus menacées et ces technologies de surveillance risquent d’autant plus d’être utilisées à mauvais escient. Rappelons qu’en 2021, les forces de sécurité sénégalaises ont tué quatorze personnes qui manifestaient contre le gouvernement ; au cours des deux dernières années, plusieurs figures de l’opposition et journalistes sénégalais ont été emprisonnés pour avoir critiqué le gouvernement, abordé des questions politiques sensibles ou avoir « diffusé des fausses nouvelles ». En juin, après qu’Ousmane Sonko, principal opposant au président Macky Sall, a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour « corruption de la jeunesse », de vives protestations ont fait 23 morts.

      « Si je n’étais pas policier, je partirais aussi »

      Alors que j’allais renoncer à discuter avec la police locale, à Tambacounda, autre grand point de transit non loin des frontières avec le Mali et la Guinée, un policier de l’immigration en civil a accepté de me parler sous couvert d’anonymat. C’est de la région de #Tambacounda, qui compte parmi les plus pauvres du Sénégal, que proviennent la plupart des candidats à l’immigration. Là-bas, tout le monde, y compris le policier, connaît au moins une personne qui a tenté de mettre les voiles pour l’Europe.

      « Si je n’étais pas policier, je partirais aussi », me confie-t-il par l’entremise d’un interprète, après s’être éloigné à la hâte du poste-frontière. Les investissements de l’UE « n’ont rien changé du tout », poursuit-il, notant qu’il voit régulièrement des personnes en provenance de Guinée passer par le Sénégal et entrer au Mali dans le but de gagner l’Europe.

      Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal est salué comme un modèle de démocratie et de stabilité, tandis que nombre de ses voisins sont en proie aux dissensions politiques et aux coups d’Etat. Quoi qu’il en soit, plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et l’absence de perspectives pousse la population à migrer, notamment vers la France et l’Espagne. Aujourd’hui, les envois de fonds de la diaspora représentent près de 10 % du PIB sénégalais. A noter par ailleurs que, le Sénégal étant le pays le plus à l’ouest de l’Afrique, de nombreux Ouest-Africains s’y retrouvent lorsqu’ils fuient les problèmes économiques et les violences des ramifications régionales d’Al-Qaida et de l’Etat islamique (EI), qui ont jusqu’à présent contraint près de 4 millions de personnes à partir de chez elles.

      « L’UE ne peut pas résoudre les problèmes en construisant des murs et en distribuant de l’argent, me dit le policier. Elle pourra financer tout ce qu’elle veut, ce n’est pas comme ça qu’elle mettra fin à l’immigration. » Les sommes qu’elle dépense pour renforcer la police et les frontières, dit-il, ne servent guère plus qu’à acheter des voitures climatisées aux policiers des villes frontalières.

      Pendant ce temps, les services destinés aux personnes expulsées – comme les centres de protection et d’accueil – manquent cruellement de financements. Au poste-frontière de Rosso, des centaines de personnes sont expulsées chaque semaine de Mauritanie. Mbaye Diop travaille avec une poignée de bénévoles du centre que la Croix-Rouge a installé du côté sénégalais pour accueillir ces personnes expulsées : des hommes, des femmes et des enfants qui présentent parfois des blessures aux poignets, causées par des menottes, et ailleurs sur le corps, laissées par les coups de la police mauritanienne. Mais Mbaye Diop n’a pas de ressources pour les aider. L’approche n’est pas du tout la bonne, souffle-t-il : « Nous avons besoin d’aide humanitaire, pas d’outils sécuritaires. »

      La méthode de la carotte

      Pour freiner l’immigration, l’UE teste également la méthode de la carotte : elle propose des subventions aux entreprises locales et des formations professionnelles à ceux qui restent ou rentrent chez eux. La route qui mène à Tambacounda est ponctuée de dizaines et de dizaines de panneaux publicitaires vantant les projets européens.

      Dans la réalité, les offres ne sont pas aussi belles que l’annonce l’UE. Binta Ly, 40 ans, en sait quelque chose. A Tambacounda, elle tient une petite boutique de jus de fruits locaux et d’articles de toilette. Elle a fait une année de droit à l’université, mais le coût de la vie à Dakar l’a contrainte à abandonner ses études et à partir chercher du travail au Maroc. Après avoir vécu sept ans à Casablanca et Marrakech, elle est rentrée au Sénégal, où elle a récemment inauguré son magasin.

      En 2022, Binta Ly a déposé une demande de subvention au Bureau d’accueil, d’orientation et de suivi (BAOS) qui avait ouvert la même année à Tambacounda, au sein de l’antenne locale de l’Agence régionale de développement (ARD). Financés par l’UE, les BAOS proposent des subventions aux petites entreprises sénégalaises dans le but de dissuader la population d’émigrer. Binta Ly ambitionnait d’ouvrir un service d’impression, de copie et de plastification dans sa boutique, idéalement située à côté d’une école primaire. Elle a obtenu une subvention de 500 000 francs CFA (762 euros) – soit un quart du budget qu’elle avait demandé –, mais peu importe, elle était très enthousiaste. Sauf qu’un an plus tard, elle n’avait toujours pas touché un seul franc.

      Dans l’ensemble du Sénégal, les BAOS ont obtenu une enveloppe totale de 1 milliard de francs CFA (1,5 million d’euros) de l’UE pour financer ces subventions. Mais l’antenne de Tambacounda n’a perçu que 60 millions de francs CFA (91 470 euros), explique Abdoul Aziz Tandia, directeur du bureau local de l’ARD. A peine de quoi financer 84 entreprises dans une région de plus d’un demi-million d’habitants. Selon un porte-parole de la Commission européenne, la distribution des subventions a effectivement commencé en avril. Le fait est que Binta Ly a reçu une imprimante et une plastifieuse, mais pas d’ordinateur pour aller avec. « Je suis contente d’avoir ces aides, dit-elle. Le problème, c’est qu’elles mettent très longtemps à venir et que ces retards chamboulent tout mon business plan. »

      Retour « volontaire »

      Abdoul Aziz Tandia admet que les BAOS ne répondent pas à la demande. C’est en partie la faute de la bureaucratie, poursuit-il : Dakar doit approuver l’ensemble des projets et les intermédiaires sont des ONG et des agences étrangères, ce qui signifie que les autorités locales et les bénéficiaires n’exercent aucun contrôle sur ces fonds, alors qu’ils sont les mieux placés pour savoir comment les utiliser. Par ailleurs, reconnaît-il, de nombreuses régions du pays n’ayant accès ni à l’eau propre, ni à l’électricité ni aux soins médicaux, ces microsubventions ne suffisent pas à empêcher les populations d’émigrer. « Sur le moyen et le long termes, ces investissements n’ont pas de sens », juge Abdoul Aziz Tandia.

      Autre exemple : aujourd’hui âgé de 30 ans, Omar Diaw a passé au moins cinq années de sa vie à tenter de rejoindre l’Europe. Traversant les impitoyables déserts du Mali et du Niger, il est parvenu jusqu’en Algérie. Là, à son arrivée, il s’est aussitôt fait expulser vers le Niger, où il n’existe aucun service d’accueil. Il est alors resté coincé des semaines entières dans le désert. Finalement, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) l’a renvoyé en avion au Sénégal, qualifiant son retour de « volontaire ».

      Lorsqu’il est rentré chez lui, à Tambacounda, l’OIM l’a inscrit à une formation de marketing numérique qui devait durer plusieurs semaines et s’accompagner d’une allocation de 30 000 francs CFA (46 euros). Mais il n’a jamais touché l’allocation et la formation qu’il a suivie est quasiment inutile dans sa situation : à Tambacounda, la demande en marketing numérique n’est pas au rendez-vous. Résultat : il a recommencé à mettre de l’argent de côté pour tenter de nouveau de gagner l’Europe.

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/07/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-2-4-nous
      #OIM #retour_volontaire

    • Comment l’Europe sous-traite à l’Afrique le contrôle des migrations (3/4) : « Il est presque impossible de comprendre à quoi sert l’argent »

      A coups de centaines de millions d’euros, l’UE finance des projets dans des pays africains pour réduire les migrations. Mais leur impact est difficile à mesurer et leurs effets pervers rarement pris en considération.

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      Au chapitre migrations, rares sont les projets de l’Union européenne (UE) qui semblent adaptés aux réalités africaines. Mais il n’est pas sans risques de le dire tout haut. C’est ce que Boubacar Sèye, chercheur dans le domaine, a appris à ses dépens.

      Né au Sénégal, il vit aujourd’hui en Espagne. Ce migrant a quitté la Côte d’Ivoire, où il travaillait comme professeur de mathématiques, quand les violences ont ravagé le pays au lendemain de l’élection présidentielle de 2000. Après de brefs séjours en France et en Italie, Boubacar Sèye s’est établi en Espagne, où il a fini par obtenir la citoyenneté et fondé une famille avec son épouse espagnole. Choqué par le bilan de la vague de migration aux Canaries en 2006, il a créé l’ONG Horizons sans frontières pour aider les migrants africains en Espagne. Aujourd’hui, il mène des recherches et défend les droits des personnes en déplacement, notamment celles en provenance d’Afrique et plus particulièrement du Sénégal.

      En 2019, Boubacar Sèye s’est procuré un document détaillant comment les fonds des politiques migratoires de l’UE sont dépensés au Sénégal. Il a été sidéré par le montant vertigineux des sommes investies pour juguler l’immigration, alors que des milliers de candidats à l’asile se noient chaque année sur certaines des routes migratoires les plus meurtrières au monde. Lors d’entretiens publiés dans la presse et d’événements publics, il a ouvertement demandé aux autorités sénégalaises d’être plus transparentes sur ce qu’elles avaient fait des centaines de millions d’euros de l’Europe, qualifiant ces projets de véritable échec.

      Puis, au début de l’année 2021, il a été arrêté à l’aéroport de Dakar pour « diffusion de fausses informations ». Il a ensuite passé deux semaines en prison. Sa santé se dégradant rapidement sous l’effet du stress, il a fait une crise cardiaque. « Ce séjour en prison était inhumain, humiliant, et il m’a causé des problèmes de santé qui durent jusqu’à aujourd’hui, s’indigne le chercheur. J’ai juste posé une question : “Où est passé l’argent ?” »

      Ses intuitions n’étaient pas mauvaises. Les financements de la politique anti-immigration de l’UE sont notoirement opaques et difficiles à tracer. Les demandes déposées dans le cadre de la liberté d’information mettent des mois, voire des années à être traitées, alors que la délégation de l’UE au Sénégal, la Commission européenne et les autorités sénégalaises ignorent ou déclinent les demandes d’interviews.

      La Division nationale de lutte contre le trafic de migrants (DNLT, fruit d’un partenariat entre le Sénégal et l’UE), la police des frontières, le ministère de l’intérieur et le ministère des affaires étrangères – lesquels ont tous bénéficié des fonds migratoires européens – n’ont pas répondu aux demandes répétées d’entretien pour réaliser cette enquête.
      « Nos rapports doivent être positifs »

      Les rapports d’évaluation de l’UE ne donnent pas de vision complète de l’impact des programmes. A dessein ? Plusieurs consultants qui ont travaillé sur des rapports d’évaluation d’impact non publiés de projets du #Fonds_fiduciaire_d’urgence_de_l’UE_pour_l’Afrique (#EUTF), et qui s’expriment anonymement en raison de leur obligation de confidentialité, tirent la sonnette d’alarme : les effets pervers de plusieurs projets du fonds sont peu pris en considération.

      Au #Niger, par exemple, l’UE a contribué à élaborer une loi qui criminalise presque tous les déplacements, rendant de fait illégale la mobilité dans la région. Alors que le nombre de migrants irréguliers qui empruntent certaines routes migratoires a reculé, les politiques européennes rendent les routes plus dangereuses, augmentent les prix qu’exigent les trafiquants et criminalisent les chauffeurs de bus et les sociétés de transport locales. Conséquence : de nombreuses personnes ont perdu leur travail du jour au lendemain.

      La difficulté à évaluer l’impact de ces projets tient notamment à des problèmes de méthode et à un manque de ressources, mais aussi au simple fait que l’UE ne semble guère s’intéresser à la question. Un consultant d’une société de contrôle et d’évaluation financée par l’UE confie : « Quel est l’impact de ces projets ? Leurs effets pervers ? Nous n’avons pas les moyens de répondre à ces questions. Nous évaluons les projets uniquement à partir des informations fournies par des organisations chargées de leur mise en œuvre. Notre cabinet de conseil ne réalise pas d’évaluation véritablement indépendante. »

      Selon un document interne que j’ai pu me procurer, « rares sont les projets qui nous ont fourni les données nécessaires pour évaluer les progrès accomplis en direction des objectifs généraux de l’EUTF (promouvoir la stabilité et limiter les déplacements forcés et les migrations illégales) ». Selon un autre consultant, seuls les rapports positifs semblent les bienvenus : « Il est implicite que nos rapports doivent être positifs si nous voulons à l’avenir obtenir d’autres projets. »

      En 2018, la Cour des comptes européenne, institution indépendante, a émis des critiques sur l’EUTF : ses procédures de sélection de projets manquent de cohérence et de clarté. De même, une étude commanditée par le Parlement européen qualifie ses procédures d’« opaques ». « Le contrôle du Parlement est malheureusement très limité, ce qui constitue un problème majeur pour contraindre la Commission à rendre des comptes, regrette l’eurodéputée allemande Cornelia Ernst. Même pour une personne très au fait des politiques de l’UE, il est presque impossible de comprendre où va l’argent et à quoi il sert. »

      Le #fonds_d’urgence pour l’Afrique a notamment financé la création d’unités de police des frontières d’élite dans six pays d’Afrique de l’Ouest, et ce dans le but de lutter contre les groupes de djihadistes et les trafics en tous genres. Or ce projet, qui aurait permis de détourner au moins 12 millions d’euros, fait actuellement l’objet d’une enquête pour fraude.
      Aucune étude d’impact sur les droits humains

      En 2020, deux projets de modernisation des #registres_civils du Sénégal et de la Côte d’Ivoire ont suscité de vives inquiétudes des populations. Selon certaines sources, ces projets financés par l’EUTF auraient en effet eu pour objectif de créer des bases de #données_biométriques nationales. Les défenseurs des libertés redoutaient qu’on collecte et stocke les empreintes digitales et images faciales des citoyens des deux pays.

      Quand Ilia Siatitsa, de l’ONG britannique Privacy International, a demandé à la Commission européenne de lui fournir des documents sur ces projets, elle a découvert que celle-ci n’avait réalisé aucune étude d’impact sur les droits humains. En Europe, aucun pays ne possède de base de données comprenant autant d’informations biométriques.

      D’après un porte-parole de la Commission, jamais le fonds d’urgence n’a financé de registre biométrique, et ces deux projets consistent exclusivement à numériser des documents et prévenir les fraudes. Or la dimension biométrique des registres apparaît clairement dans les documents de l’EUTF qu’Ilia Siatitsa s’est procurés : il y est écrit noir sur blanc que le but est de créer « une base de données d’identification biométrique pour la population, connectée à un système d’état civil fiable ».

      Ilia Siatitsa en a déduit que le véritable objectif des deux projets était vraisemblablement de faciliter l’expulsion des migrants africains d’Europe. D’ailleurs, certains documents indiquent explicitement que la base de données ivoirienne doit servir à identifier et expulser les Ivoiriens qui résident illégalement sur le sol européen. L’un d’eux explique même que l’objectif du projet est de « faciliter l’identification des personnes qui sont véritablement de nationalité ivoirienne et l’organisation de leur retour ».

      Quand Cheikh Fall, militant sénégalais pour le droit à la vie privée, a appris l’existence de cette base de données, il s’est tourné vers la Commission de protection des données personnelles (CDP), qui, légalement, aurait dû donner son aval à un tel projet. Mais l’institution sénégalaise n’a été informée de l’existence du projet qu’après que le gouvernement l’a approuvé.

      En novembre 2021, Ilia Siatitsa a déposé une plainte auprès du médiateur de l’UE. En décembre 2022, après une enquête indépendante, le médiateur a rendu ses conclusions : la Commission n’a pas pris en considération l’impact sur la vie privée des populations africaines de ce projet et d’autres projets que finance l’UE dans le cadre de sa politique migratoire.

      Selon plusieurs sources avec lesquelles j’ai discuté, ainsi que la présentation interne du comité de direction du projet – que j’ai pu me procurer –, il apparaît que depuis, le projet a perdu sa composante biométrique. Cela dit, selon Ilia Siatitsa, cette affaire illustre bien le fait que l’UE effectue en Afrique des expériences sur des technologies interdites chez elle.

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/08/comment-l-europe-sous-traite-a-l-afrique-le-controle-des-migrations-3-4-il-e

  • Lausanne interdira la reconnaissance faciale dans l’espace public Marie Giovanola/lan - RTS
    https://www.rts.ch/info/regions/vaud/13902665-lausanne-interdira-la-reconnaissance-faciale-dans-lespace-public.html

    Lausanne sera la première ville romande à interdire les systèmes de reconnaissance faciale dans l’espace public. C’est ce qu’a décidé mardi soir le Conseil communal de la ville. Elle emboîte ainsi le pas à St-Gall et Zurich.

    Le débat au sein du Conseil communal a été alimenté par le récent revirement des CFF en la matière.

    L’interdiction de la reconnaissance faciale et biométrique a fait l’unanimité des groupes politiques, s’est réjoui dans le 12h30 Benoît Gaillard, conseiller communal socialiste à l’origine de la démarche.

    « Il n’y a pas eu d’opposition. Nous avons voulu agir sur l’espace public où nous pouvons édicter des règlements, que la police qui dépend de la Ville peut également suivre. Un postulat a aussi été adopté. Il demande à la Municipalité de mettre en oeuvre les mêmes lignes directrices dans les sociétés où elles exercent une influence, soit les transports publics et les infrastructures sportives ».

    La balle est maintenant dans le camp de la Municipalité de Lausanne qui va devoir proposer un changement de règlement.
    #biométrie #facial #surveillance #algorithme #reconnaissance #vidéo-surveillance #reconnaissance_faciale #discrimination #police #vie_privée #Suisse #démocratie #bonne_nouvelle

  • Reconnaissance faciale : 2/3 des aéroports internationaux se sont déjà équipés de systèmes d’enregistrement automatisés et 80 % ont des projets d’investissement à 3 ans :

    A Roissy, un système de reconnaissance faciale, testé en 2021 et 2022, a permis de gagner 15 minutes sur le temps d’#embarquement d’un avion gros-porteur long-courrier - en évitant aux passagers volontaires d’avoir à ressortir carte d’embarquement et pièce d’identité. Le taux de satisfaction était de 94 %. Toujours à #Roissy, des #radar_Lidar à infrarouge, couplés à un logiciel d’#intelligence_artificielle, permettent de suivre l’évolution de la fréquentation des aérogares et même d’anticiper les pics d’affluence, afin d’adapter les postes de contrôle en conséquence. A terme, ils permettraient aux passagers de connaître à l’avance les temps d’attente.

    Dans le nouvel #aéroport_international d’Istanbul, le système de #reconnaissance_faciale, qui permet au passager d’accéder à la zone d’embarquement, aux salons et à l’avion sans sortir ni passeport, ni carte d’embarquement, aurait réduit de 30 % la durée totale du parcours du passager. A Lyon-Saint-Exupéry, Vinci va même tenter prochainement une première mondiale, en testant l’identification des passagers par leur iris.

    (Les Échos)
    #capitalisme_de_surveillance #système_d'enregistrement_automatisé

  • From GPS tagging to facial recognition watches: expanding the surveillance of migrants in the UK

    Through its use of GPS tags and smartwatches in immigration enforcement, the UK is extending the reach of surveillance and control of migrants to frightening levels.

    In early August, we learned that the Ministry of Justice had awarded a £6m contract for ‘facial recognition smartwatches’ to be worn by foreign national offenders. The devices will track their GPS location 24 hours a day, 7 days a week, and will require them to scan their faces up to five times a day. The information obtained from the devices, including names, date of birth, nationality, photographs, and location data, will be stored for up to six years and may be accessed by the Home Office and shared with law and border enforcement agencies.

    This is just the latest intrusive electronic monitoring (EM) technology to be used on migrants, after the Home Office moved from ‘traditional’ radio frequency tags (which measure the distance between the tag and the subject’s home) to GPS tags (which monitor the subject’s precise location 24/7). Electronic monitoring has been a key part of criminal justice for many years throughout the world, operational in many US states since the 1980s and implemented in England and Wales under the Criminal Justice Act 1991. It was introduced to address prison overcrowding and the rising costs of incarceration by diverting offenders from custody, but it is doubtful whether EM actually shrinks the size of prison populations or simply expands criminal justice interventions through a ‘net-widening effect’ – a 2016 comparative study found that high use of imprisonment is linked to high use of EM.[i] England and Wales now has the highest number of offenders subjected to this technology in the world,[ii] and has extended its use to immigration enforcement, through the Asylum and Immigration (Treatment of Claimants, etc) Act 2004. (In the US, it was extended to immigration control in about 2002.) As far as we know, Britain is the only state in Europe to use EM in the migration arena.

    EM is used as a condition by the Home Office for people released from immigration detention on bail, added to conditions such as reporting to the immigration authorities or staying at the property stated on the bail application, for those the Home Office considers at risk of absconding. One of the key differences in the use of EM within the criminal justice and immigration systems is time: whilst criminal sentences involving EM are determinate in nature, the immigration system uses it with no upper limit nor clear guidelines around time. Home Office guidance says tags are most likely to be used on individuals posing a ‘high risk of harm to the public’, but it is not just foreign nationals who have completed their sentences who are tagged: a 12-month pilot scheme began in June to test electronic monitoring on any asylum seekers who arrive in the UK by ‘unnecessary and dangerous’ routes.
    Alternative to detention?

    It is now well-known that detention centres are harmful, exacerbating mental distress and anxiety amongst those confined, leading too often to suicide and self-harm. EM has been described as an alternative to detention, and its use may seem attractive to certain anti-detention activists for humanitarian reasons. However, EM (and other alternative measures, such as signing at the reporting centres) represent a net-widening of interventions. More importantly, although tagging is not supposed to be punitive – it is an ‘administrative measure’ enforced by the Home Office and the immigration tribunal, not the criminal courts – it is experienced as punishment and deprivation of liberty by those subjected to it. Less intrusive alternatives have an equally high compliance rate: after the US Family Case Management Program (FCMP) was implemented, in which families received caseworker support without having to wear an ankle monitor, they had 99 per cent compliance with court appearances and ICE appointments. A similar pattern was noted across other initiatives where the compliance rate was 100 per cent and rate of absconding 0 per cent. And in the UK, an FOI request to the Home Office revealed that in 2019 only three percent of those released from detention without EM absconded, and only one percent in 2020. As Bail for Immigration Detainees noted, ‘With rates of absconding so low, [EM] is designed to solve a problem that does not exist.’
    Mental distress

    Bhatia’s research on the impact of EM on mental health[iii] revealed that migrants consider EM as punishment, triggering the feeling of perpetual confinement and the constant feeling of being watched. The individuals were not able to carry on with their daily activities and they were perceived as ‘dangerous’ (non-white) persons in public spaces. The criminalising, dehumanising and degrading effects of EM resulted in deeper exclusion and isolation, and mental distress. As one research participant explained: ‘I felt in prison with that thing [i.e. tag] . . . they came every week to check the tag. I was very upset and thinking, I keep talking to myself: “what has happened to me?”. All I did was smoke drugs, take pills at house and fall asleep. So much pressure and depression and no freedom . . . I have not done anything wrong. I just wanted life. This is shit life, this is no life. Whenever I don’t take drug, I felt like suicide.’

    Total surveillance

    When Bhatia did his research on the impact of EM on migrants’ mental health, monitoring of migrants relied on traditional radio frequency tags rather than GPS tags. In 2021, the Home Office introduced GPS tagging for immigration bail. While ‘traditional’ radio frequency tags merely measure the distance between the tag and a base station in the subject’s home, usually in order to enforce a curfew, GPS tags monitor subjects’ precise location 24/7, generating a considerable volume of ‘trail data’, which is stored for years. Trail data is highly sensitive – it provides deep insight into intimate details of an individual’s life, revealing a comprehensive picture of everyday habits and movements, permanent or temporary places of residence, hobbies and other activities, social relationships, political, religious or philosophical interests, health concerns, consumption patterns, etc – data that is absolutely unnecessary and disproportionate to the stated purpose of monitoring bail compliance and preventing absconding.

    The Home Office can access the entire trail data every time a breach of bail conditions is detected by the tag (eg, breaching a curfew, entering an exclusion zone, or failing to charge the tag’s battery). It has also claimed the right to review trail data in order to assess tagged individuals’ claims to private and family life (a way to resist removal through human rights law). This use of trail data falls entirely outside the scope of the legislation, and arguably violates not just privacy and data protection but other rights too – the knowledge that every single movement is monitored, and may be used to justify refusal of applications, is a serious limitation on freedom of movement, assembly and association. This is why in August 2022, Privacy International filed a complaint with the UK Information Commissioner’s Office, on the grounds of breaches of data protection and human rights law.
    Errors and discrimination

    Tagging is operated exclusively by the private sector in England and Wales, and the EM market is highly oligopolistic, with only four or five companies bidding for lucrative government contracts. Despite the sparse or inconclusive evidence around the effectiveness of the technology, and ongoing Serious Fraud Office investigations of G4S, one of the main players in the market, the company was awarded a £22 million contract in May 2022 by the government. Serious concerns have been raised over the lack of independent oversight of the EM industry and insufficient monitoring by government bodies.

    This is particularly concerning given that the technology involved in GPS tags is prone to failures and inaccuracies, leading to wrongful accusations of breach of bail conditions and inaccurate compliance records. GPS location data can be inaccurate, sometimes by 100 metres or more, depending on the surrounding environment – for example, highly built-up areas will cause a GPS signal to ‘drift’ and record inaccurate locations. In addition, the tags used by the Home Office have been reported to suffer from serious battery issues, with people reporting having to charge them multiple times a day. This is a serious problem, as battery depletion is usually deemed a breach of bail conditions – it therefore triggers an alert and entitles the Home Office to review all trail data. In addition, applications based on family and private life may be wrongfully refused on the basis of such inaccurate trail data. In August 2022, Privacy International filed a complaint with the UK’s Forensic Science Regulator about systemic failures in relation to the quality and accuracy of data extracted from the devices.

    Facial recognition smartwatches are meant to be ‘less invasive’ and ‘more proportionate’ than GPS ankle tags – but in fact are likely to cause more harm to non-white people. Facial recognition is known to be a discriminatory technology that regularly misidentifies people of colour and is disproportionately used against minorities. Facial recognition algorithms are usually trained on non-representative datasets of faces, and their design is often infused with existing racial biases – meaning that non-white people are more often misidentified. This will inevitably cause additional levels of anxiety to non-white people who have to wear these, and to false allegations and excessive enforcement against them.
    Fighting Back

    Over 40 human rights groups condemned the introduction of GPS tags (without consultation) in June 2021, as ‘an extension of immigration detention beyond the physical walls of detention centres and prisons’. Labour MP Bell Ribeiro-Addy, vice-chair of the all-party parliamentary group on immigration detention, described 24/7 tracking via GPS tags as ‘a Trojan horse which would grant the Home Office expansive new surveillance powers which would extend well beyond their stated purpose’. A number of legal challenges have been launched, in addition to Privacy International’s complaints. As Rudy Schulkind of Bail for Immigration Detainees said, ‘This is a thoroughly dehumanising policy designed to ensure that certain people can never be allowed to enjoy a moment of peace, dignity or community.’ The race to acquire invasive surveillance technologies leads a considerable amount of public funds to line the pockets of tech companies, instead of spending these funds on support for vulnerable migrants, dealing with the backlog of immigration applications, and generally useful, respectful and lawful policies.

    [i] A. Hucklesby et al., ‘Creativity and effectiveness in the use of electronic monitoring: a case study of five European jurisdictions’, European Commission briefing paper, 2016.

    [ii] Ibid.

    [iii] Bhatia, M, ‘Racial surveillance and the mental health impacts of electronic monitoring on migrants’, Race & Class, 2021 62(3):18-36. doi:10.1177/0306396820963485

    https://irr.org.uk/article/from-gps-tagging-to-facial-recognition-watches-expanding-the-surveillance-of

    #surveillance #migrations #asile #réfugiés #UK #Angleterre #reconnaissance_faciale #AI #IA #GPS #géolocalisation #surveillance_électronique

    ping @isskein

  • Classer pour dominer [et réprimer] : petite Histoire critique du fichage en France | LQDN | 07.09.22

    https://www.laquadrature.net/2022/09/07/classer-pour-dominer-petite-histoire-critique-du-fichage-en-france

    Qui c’est les plus forts ? Évidemment c’est les Bleus !

    Finalement abandonné face à la controverse, le projet SAFARI déboucha sur une commission d’enquête qui donna naissance à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et à la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, socle de la protection des données personnelles encore en vigueur aujourd’hui. Au-delà de la création d’un encadrement juridique, cet épisode marque une amorce de politisation sur le sujet. Cette réflexion avait d’ailleurs débuté avant ce scandale, le directeur du « service des écoles et techniques » mentionné plus haut écrivait lui-même en 1969 :

    « La mise en mémoire d’un certain nombre de données n’est-elle pas attentatoire à la liberté et même à la dignité de l’homme ? Ne présente t-elle pas des dangers si nous connaissons à nouveau comme naguère la férule d’un État totalitaire, le joug d’une police politique orientée non vers le maintien de l’ordre public, la prévention et la répression des crimes, mais vers l’asservissement des citoyens libres, privés par une minorité de leurs moyens d’expression ? Le problème vaut qu’on y réfléchisse longuement et profondément ».

    [sauf que]

    Malheureusement ce ne fut pas le cas, ces pratiques d’identification de surveillance étant probablement bien trop ancrées dans les rouages de l’institution policière.

    Dès les années 1980, avec la généralisation des ordinateurs, la police commençait à collecter des informations de façon massive et désordonnée. Plutôt que de limiter ces pratiques, il fut au contraire décidé de rationaliser et d’organiser cette quantité de données au sein de fichiers centralisés pour en tirer une utilité. C’est dans ce contexte qu’est apparue l’idée du fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées), visant à intégrer toutes les informations exploitées par les services de police dans une seule et même architecture, accessible à tous les échelons du territoire. Finalement mis en œuvre et expérimenté dans les années 1990, le fichier STIC cristallisa de nombreuses tensions entre le Ministère de l’Intérieur et la CNIL qui durent négocier pendant plusieurs années afin d’en fixer le cadre légal. Si la CNIL a obtenu des garanties dans un accord à l’arrachée en 1998, cette victoire a paradoxalement signé la fin de son influence et de sa légitimité. En effet, dans les années qui suivirent, toutes les réserves qu’elles avait pu obtenir ont été ostensiblement bafouées. Mais surtout, cette longue bataille qui avait concrètement ralenti et empêché le développement du fichier souhaité par le Ministère poussa le gouvernement à supprimer par la suite le pouvoir d’autorisation attribué à la CNIL afin de ne plus être gêné dans ses projets. C’est pourquoi, en 2004, la modification de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) acta la suppression du pouvoir de contrainte de la CNIL pour le transformer en simple avis consultatif. Cela signifie qu’elle ne dispose plus de l’autorité nécessaire pour empêcher ou limiter la création de fichiers de police par le gouvernement. Cette modification législative marque un tournant dans le droit des fichiers et des données personnelles ainsi que dans la pratique policière. Les garde-fous ayant sauté, l’espace politique pour parvenir à une surveillance massive se libère, les limites légales devenant purement cosmétiques.

    #chassez_le_naturel