• Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail : « Le CV est un frein au recrutement des personnes en situation de handicap »
    https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/03/20/thibaut-guilluy-directeur-general-de-de-france-travail-le-cv-est-un-frein-au

    Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail, à Paris, le 15 janvier 2024. DIMITAR DILKOFF / AFP

    Or, des publics, je pense par exemple aux jeunes sortant d’Ulis [des dispositifs qui permettent la scolarisation d’élèves en situation de handicap au sein d’établissements scolaires ordinaires], sont aujourd’hui parfois orientés un peu trop systématiquement en #Esat [établissement et service d’accompagnement par le travail] sans que le service public de l’#emploi ait pu, au préalable, réaliser un diagnostic approfondi de leur situation individuelle.

    Dès lors qu’ils sont en recherche d’emploi, ils seront désormais systématiquement adressés à #France_Travail afin que soit déterminé avec eux, notamment sur la base d’immersions, l’environnement professionnel le mieux adapté : Esat, entreprise adaptée, entreprise classique, etc. C’est seulement ensuite, sur préconisation de France Travail, que la maison départementale des personnes handicapées validera les décisions d’orienter en Esat. Plus de 80 % des personnes handicapées seront ainsi orientées vers l’emploi, contre seulement 30 % ou 40 % jusqu’à présent.

    [...]

    Nous privilégions aussi de plus en plus les méthodes permettant de s’affranchir du CV, qui peut être un frein au recrutement des personnes en situation de handicap. Elles ont parfois moins de qualifications et d’expériences professionnelles, mais pas forcément moins de #compétences. Ainsi, avec le dispositif d’immersion professionnelle, au lieu de recruter sur CV, l’#entreprise peut tester le candidat pendant un jour, une semaine, un mois. Nous accélérons aussi le #recrutement par test de simulation, qui permet d’évaluer si la personne a des aptitudes recherchées pour un poste. Nous développons également la formation préalable à l’embauche et pouvons financer jusqu’à quatre cents heures d’adaptation au poste de travail .

    https://archive.ph/XzDvl

    #handicap #MDPH #travail

  • Trois #idées_reçues sur l’#Ukraine en #guerre

    « Les Ukrainiens sont fatigués », « l’Ukraine n’arrive plus à recruter des combattants », « les Ukrainiens souhaitent négocier ». Ces commentaires que l’on entend de plus en plus souvent depuis un an dans nos médias et sur nos réseaux sociaux ont toute l’apparence d’un simple constat de faits issus de l’observation.

    Devenus des lieux communs, ces clichés circulent de plateaux de télévision en cercles de réflexion, désormais sous forme d’évidences inébranlables, tout comme étaient une évidence inébranlable la représentation héroïque de l’Ukraine il y a encore deux ans. L’épaisseur sociale de la guerre se perd dans ces diagnostics rapides qui aplanissent les situations complexes, gomment la pluralité des acteurs et négligent les choix difficiles que ces derniers doivent faire. Or, ces énoncés ne sont pas politiquement neutres, car ils construisent une certaine représentation de l’Ukraine qui peut servir à justifier des choix politiques que nos gouvernants sont amenés à faire dans la guerre. Déconstruire les diagnostics de sens commun, c’est aussi nous donner des outils plus fins pour comprendre et agir.
    « Les Ukrainiens sont fatigués »

    70 % d’Ukrainiens ont en 2024 un proche qui combat ou qui a combattu contre la Russie dans les rangs de l’armée ukrainienne. Près de 80 % déclaraient en 2023 avoir au moins un proche blessé ou mort à la guerre. Ces indicateurs seuls suffisent à montrer le prix considérable que paie la société entière dans ce conflit armé. Au bout de trois ans de guerre de haute intensité, la fatigue des combattants sur le front, celle des institutions fonctionnant en situation d’urgence permanente, et celle des civils devant s’ajuster à un risque quotidien sur tout le territoire du pays, est indéniable. La résistance armée, tout comme la résilience civile, ont un coût, et nous ne mesurons pas encore leur impact durable sur les personnes et la société dans son ensemble.

    La fatigue est bien là, et il ne pourrait pas en être autrement. Cependant, derrière le constat de fatigue des Ukrainiens, on entend, implicitement posé, une autre affirmation, un doute sur leur volonté de poursuivre le combat. La société épuisée le serait littéralement : vidée de ses ressources, sur le point de s’arrêter faute de carburant. Ma collègue ukrainienne, l’intellectuelle Tatyana Ogarkova, le disait un jour dans un échange avec les étudiants : « Quand on me pose la question “êtes-vous fatigués ?”, j’entends derrière “Quand est-ce que vous allez enfin vous arrêter ?” »

    Il est indispensable de s’écarter de l’analogie un peu trop facile entre fatigue et fin de consentement à poursuivre la guerre.

    Les enquêtes d’opinion publique mesurent depuis le début de la guerre la volonté de la société ukrainienne de continuer le combat contre l’agresseur russe. Évidemment, les réponses données ne reflètent pas tant les choix faits par chacun des Ukrainiens quand la guerre vient frapper à sa porte, que la manière dont la société se perçoit et se raconte à un moment donné. Cependant, même lues de cette manière, les réponses, et surtout leur dynamique, sont riches d’enseignements. Ainsi, l’Institut international de sociologie de Kyiv pose, à intervalles réguliers, la question aux Ukrainiens : « Combien de temps encore êtes-vous prêts à endurer la guerre ? » Pendant deux ans, entre mars 2022 et février 2024, la réponse « le temps qu’il faudra » a plafonné en tête avec des scores de 71 %-73 % des réponses. Une baisse s’observe effectivement dans la troisième année de la guerre, avec 63 % en octobre et 57 % en décembre 2024. Ce qui a surtout augmenté pendant cette période, c’est la proportion de réponses « difficile à dire », passée en un an de 4 % à 18 % des réponses, et jusqu’à 28 % dans l’est du pays, au plus près de la zone de front. Les incertitudes d’une période où les Ukrainiens ont pris conscience que l’aide de leurs partenaires ne leur donnait pas les moyens d’une victoire militaire sur la Russie, ont inscrit la guerre dans une autre temporalité aux yeux de la population : « le temps qu’il faudra » ne se compte désormais plus en mois, mais en décennies, et introduit le trouble.

    Dans une enquête réalisée de manière récurrente par Rating group, à la question « Croyez-vous que l’Ukraine gagnera cette guerre ? »[1], 97 % des personnes interrogées ont répondu par la positive pendant les deux premières années de guerre. Le taux de réponses positives est descendu à 88 % depuis février 2024. Ce qui change surtout, c’est la répartition entre ceux qui se déclarent « certains » que l’Ukraine gagnera la guerre (81 % début 2022, 56 % à l’automne 2024) et ceux qui pensent qu’elle la gagnera « probablement » (16 % en 2022, 32 % en 2024). Ce que nous indiquent ces enquêtes, c’est à la fois le maintien d’un consensus social autour d’une guerre perçue comme juste, et une confrontation à des difficultés accrues, à la fois à l’intérieur de la société et dans le soutien international à l’Ukraine.

    Cependant, au-delà des chiffres, l’observation des pratiques quotidiennes des Ukrainiens montrent une société en constante évolution, engagée dans une dynamique d’ajustements permanents aux nouveaux problèmes qui surgissent. À l’arrière du front, de nombreux Ukrainiens sont engagés de leur propre initiative dans des activités de défense. Par exemple, depuis la prise de conscience de la centralité des drones sur le champ de bataille actuel, les centres privés ou associatifs de formation au pilotage de drone, des initiatives de recherche sur les technologies qui y sont associées, des ateliers artisanaux ou industriels de fabrication de ces matériels, de levées de fonds pour l’achat de drones, se sont multipliés dans la société. Lorsque la problématique sur le champ de bataille change ou que de nouveaux besoins surgissent, la société se réorganise.

    Sur les territoires diversement affectés par les combats, les Ukrainiens travaillent très activement à préserver les fondamentaux de la vie civile : continuité de l’éducation, maintien des services publics, activités économiques, vie culturelle. Cette paradoxale normalité, si surprenante pour le visiteur étranger qui s’étonne de voir les boutiques ouvertes et les cappuccinos servis sur les terrasses de café des villes ukrainiennes, n’est pas le signe d’un désengagement de la société qui souhaiterait oublier la guerre, mais un acte de résistance au quotidien. Alors que nos médias ne cessaient de promettre à l’Ukraine un hiver 2024-2025 catastrophiques sans chauffage ni électricité, l’Ukraine semble contrer les attaques sur ses infrastructures mieux que prévu. Repousser, reconstruire, refaire marcher, secourir après un bombardement est un travail de Sisyphe, mais c’est lui qui montre le mieux la capacité de la société ukrainienne à être fatiguée, tout en continuant à rechercher des ressources nouvelles pour avancer.
    « L’Ukraine n’arrive plus à recruter de combattants »

    « Oui mais le front ? », retorquera le lecteur attentif. Les difficultés de l’armée ukrainienne sur le champ de bataille sont mises en scène au quotidien dans des comptes-rendus médiatiques, à grands renforts de cartes d’avancée ou de recul des troupes, tellement zoomées qu’elles en deviennent illisibles. Si le chapelet des noms de localités prises ou abandonnées par les belligérants tel ou tel jour brouillent la compréhension et se fondent dans un brouhaha monocorde, un message se détache clairement : l’armée ukrainienne manque de combattants, n’arrive pas à en recruter assez, et fait face à une multiplication de désertions.

    Une fois de plus, le message vient avec un sous-entendu : si l’armée peine à recruter et garder les combattants, c’est peut-être que les Ukrainiens ne souhaitent plus combattre et ne consentent plus à poursuivre cette guerre. Là aussi, il est indispensable de détacher la question du consentement à la prise d’armes de celle du consentement à la guerre. Chercher à comprendre les logiques sociales et les contraintes administratives à l’œuvre dans le recrutement des combattants offre une porte d’entrée bien plus heuristique dans la question cruciale du recrutement de civils pour la guerre.

    La mobilisation militaire n’est pas seulement un acte performatif, elle est aussi un ensemble d’actions administratives qui assurent sa mise en œuvre, portées par des institutions plus ou moins aptes à la conduire. Le grand élan d’engagement volontaire dans l’armée qui a immédiatement suivi l’agression russe, a assuré la constitution d’unités combattantes pendant la première période de la guerre, mais a aussi masqué pendant plusieurs mois les fragilités de l’administration militaire.

    L’une de ces fragilités était la difficulté pour les forces armées à identifier les civils qu’elles souhaitaient mobiliser : les registres des citoyens au regard de leur obligation militaire étaient sous format papier, localisés dans des bureaux dispersés, et surtout très inégalement mis à jour. La mobilisation générale prévue dans la législation ukrainienne ne suit pas une logique de sélection aléatoire, mais procède de manière progressive, des citoyens ayant la meilleure expérience militaire, jusqu’à ceux qui n’en ont aucune. S’il était relativement facile d’identifier les citoyens qui avaient récemment quitté les forces armées ou fait leur service militaire peu de temps auparavant, l’administration militaire a éprouvé de plus en plus de difficultés au fur et à mesure de la progression de la guerre, alors qu’elle devait piocher dans des catégories de citoyens dont le lien avec l’armée était bien plus distendu, qui n’avaient jamais mis à jour leur dossier dans les registres.

    La difficulté était moindre en milieu rural, où il était plus facile de recenser les mobilisables, que dans les grandes villes, ce qui a conduit l’armée à sur-recruter dans les campagnes, donnant l’image d’une mobilisation inégalitaire et socialement injuste. Dans les villes, les bureaux de recrutement, dotés de fichiers de moins en moins pertinents sur des hommes de moins en moins socialisés à l’armée, ont multiplié les dérives. Les pratiques de rafles largement médiatisées, où des militaires étaient filmés en train d’arrêter et d’embarquer des hommes en pleine rue, étaient révélatrices de la tension entre l’ordre donné aux bureaux de recrutement de mobiliser un certain nombre d’hommes, et l’inadaptation des outils administratifs mis à leur disposition pour le faire. La numérisation des registres militaires est bien en cours, et une base de données électronique unifiée est entrée en fonctionnement il y a quelques mois, signalant la prise de conscience par l’État ukrainien des conséquences désastreuses de cette faille administrative. Grâce à ce nouvel outil, les pratiques de recrutement vont peut-être évoluer.

    Au-delà des difficultés pratiques, la guerre pose une question fondamentale en Ukraine : celle du modèle du devoir citoyen en vigueur dans la société, et de l’adéquation du dispositif de mobilisation militaire à ce modèle. Pensé pour les guerres et les sociétés d’hier, le modèle de la mobilisation repose sur la figure du citoyen-soldat, unité de base des forces armées dont cette dernière peut faire un usage indiscriminé. Ce modèle vient heurter les contours de la citoyenneté et du devoir citoyen élaborés dans l’Ukraine de ces dernières décennies. Dans une société où l’État était perçu comme fragile et potentiellement défaillant, et où les idées libérales d’initiative et d’autonomie ont été au contraire valorisées, les citoyens ont élaboré des modes particuliers d’action pour le bien commun.

    Dès le début de la guerre dans le Donbass en 2014, les citoyens se sont engagés dans la défense du pays, mais au sein de communautés restreintes. De nombreux civils avaient rejoint des bataillons volontaires, sensibles à la liberté et à la camaraderie dans leur fonctionnement. D’autres se sont engagés dans des groupes associatifs, autour de projets : achat d’équipements pour l’armée, évacuation de blessés, réintégration de vétérans… Être efficace et utile, utiliser au mieux ses compétences au service de son pays, en appui de son État, est devenu le mode le plus valorisé d’accomplissement de son devoir citoyen. En se focalisant strictement sur l’institution militaire, les analystes négligent souvent un pan entier de la société ukrainienne activement engagée dans la défense, comme les initiatives autour des drones évoquées plus haut. Ces initiatives, externes à l’armée, viennent pourtant en support de la conduite de la guerre. Elles contribuent aussi à créer un vaste espace social, entre civil et militaire, de citoyens déjà concrètement engagés dans la guerre.

    La mobilisation, anonyme et aveugle à l’expérience de vie de l’appelé, à ses projets et à sa perception de son utilité au service du pays, vient heurter de plein fouet ce modèle de citoyenneté. Le choc est encore accentué par le profil démographique des mobilisés. L’âge moyen de l’armée ukrainienne est en effet assez élevé, autour de 40-45 ans. Ces hommes arrivent dans l’armée riches d’une expérience personnelle et professionnelle, conscients de leurs handicaps, dont l’impréparation physique, mais conscients aussi de leurs atouts. Ils sont, encore moins que d’autres, prêts à devenir des unités interchangeables sur le front.

    L’État ukrainien a pris conscience de ce problème, et teste aujourd’hui des dispositifs d’ajustement des modes de recrutement à ces exigences de la société. Grâce aux initiatives proposées initialement par la société civile, l’État met en place des circuits de recrutement plus décentralisés et alignés sur les pratiques du privé, où les civils postulent de leur propre initiative à des offres d’emploi proposés par telle ou telle brigade des forces armées. Composer une armée à partir d’un corps social de civils, dans l’urgence de la guerre, n’est pas seulement une opération logistique : la mobilisation confronte aussi l’État aux fondements de son contrat social et au contenu du devoir citoyen.

    La désertion, elle aussi largement médiatisée en tant que signe de démoralisation des Ukrainiens, relève également de logiques sociales bien plus complexes. De nombreux déserteurs, à la fois ceux qui sont nouvellement arrivés sur le front et ceux qui combattent depuis bientôt trois ans, pointent des raisons très précises de leur refus à continuer. L’absence de durée maximale de mobilisation est l’un des points de blocage. Alors qu’au début de la guerre, les combattants ne se posaient pas la question de la durée de leur engagement, la temporalité du conflit a changé. Conscients d’une armée russe qui se réorganise et se renforce, et de partenaires occidentaux qui, dans la perception ukrainienne, prennent soin de donner à l’Ukraine juste assez d’armes pour tenir, mais pas assez pour gagner, les Ukrainiens voient aujourd’hui leur guerre s’inscrire dans un temps très long. Dès lors, être mobilisé pour la durée totale de la guerre revient à s’engager jusqu’à sa mort, et de devoir abandonner tous projets d’après-guerre qui devient un horizon qui s’éloigne à mesure qu’on avance. Cette situation est aujourd’hui insupportable pour de nombreux combattants qui désertent pour signifier leur protestation, et exigent la fixation d’une date de démobilisation en échange de leur retour sur le front. L’État ukrainien est dès lors dans une équation difficile à résoudre : il doit mobiliser plus de combattants, mais pour pouvoir les attirer, il doit accepter de démobiliser.

    Enfin, les motifs de désertion, évoqués notamment dans une enquête récemment publiée, relèvent aussi des problèmes de montée en capacité de l’armée ukrainienne : le manque de commandants compétents, les défauts d’encadrement et les défauts de la formation sont notamment soulignés par les déserteurs comme motifs principaux de leur départ. Ces problèmes organisationnels sont un défi majeur pour l’armée ukrainienne et jouent certainement sur le moral des troupes. Cependant, ils sont très loin de marquer un état de débâcle morale et ne s’accompagnent pas forcément d’une perte du sens de la guerre. Souvent vue comme un « exit », la désertion des Ukrainiens se rapproche parfois au contraire du « voice », une prise de parole active pour demander des réformes à l’État.
    « Les Ukrainiens souhaitent négocier »

    Les mots comptent. « Pensez-vous que le moment de pourparlers de paix officiels entre l’Ukraine et la Russie soit arrivé ? », interroge la population ukrainienne l’institut de sondages Fondation des initiatives démocratiques, en juin 2024. 44 % des personnes interrogées répondent par la positive. Le chiffre se met rapidement à circuler dans les médias, mais avec une formulation légèrement différente : « 44 % des Ukrainiens sont prêts à des négociations avec la Russie », rend ainsi compte du sondage dans un article Public Sénat.

    « L’Ukraine doit-elle rentrer dans des pourparlers avec la Russie pour tenter de parvenir à la paix ? », interroge l’Institut international de sociologie dans un sondage, et obtient 57 % de réponses positives en mai 2024. Cependant, dans la version anglaise de cette enquête, commanditée par le think tank américain National Democratic Institute, le terme de pourparlers (« переговори » en ukrainien) a disparu, remplacé par celui de « négociations » : « Do you think that Ukraine should engage in negotiations with Russia to try to achieve peace ? », dit la version anglaise. La formulation est reprise à l’identique par Le Monde quelques mois plus tard, en affirmant que la part des Ukrainiens « ouverts à des négociations serait passée de 33 %, en mai 2023, à 57 %, un an plus tard », et titrant sur « Les Ukrainiens de plus en plus ouverts à des négociations ».

    Pourparlers ou négociations ? Ce jeu de traduction n’est pas une querelle de linguistes. L’idée d’une volonté croissante des Ukrainiens à négocier, donc s’engager dans un jeu de compromis et de concessions, fait de plus en plus partie du sens commun, là où les sondages faisaient réagir les Ukrainiens sur leur acceptation de pourparlers, c’est-à-dire l’ajout d’un volet diplomatique au volet militaire pour tenter de parvenir à la paix. Consciente ou non, la manipulation produit des effets, en créant une représentation déformée de l’état d’esprit des Ukrainiens dans nos sociétés, mais mettant aussi une pression sur l’Ukraine.

    La pression externe à la négociation est bien perceptible dans la société ukrainienne. Les enquêtes d’opinion permettent de creuser le sujet, pour comprendre la manière dont les citoyens réagissent à ces pressions. En décembre 2024, alors que l’on anticipe déjà la présidence de Donald Trump et sa volonté de pousser à un accord rapide, l’Institut international de sociologie de Kyiv propose aux Ukrainiens différents scénarios de négociation, en les interrogeant sur l’acceptabilité des hypothèses proposées.

    Le scénario « optimiste » d’une Russie qui garde le contrôle des territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk et de la Crimée, mais rend à l’Ukraine les régions occupées de Kherson et Zaporijjia, avec une Ukraine qui deviendrait membre de l’OTAN et de l’UE, obtenant des garanties de sécurité sérieuse et une aide à la reconstruction, obtient l’assentiment de 60 % des personnes interrogées. Le scénario « intermédiaire » d’une Russie qui garde le contrôle de tous les territoires occupés, mais d’une Ukraine qui devient membre de l’OTAN, de l’UE, et obtient des garanties de sécurité et des aides à la reconstruction, est déclaré acceptable par 64% des Ukrainiens interrogés. Cependant, pour plus de 2/3 de ceux-là, accepter un tel accord serait une décision « douloureuse à prendre ». Le troisième scénario qu’on peut décrire comme « pessimiste », celui d’une Russie qui garde le contrôle des territoires occupés, avec une Ukraine qui renonce à faire partie de l’OTAN, mais devient membre de l’Union européenne et obtient le soutien nécessaire à la reconstruction, est « douloureux, mais en définitive acceptable » pour 34 % des personnes interrogées, et aisément acceptable pour 7 %.

    Rares sont les Ukrainiens prêts à un accord de paix quel qu’en soit le prix, nous disent ces enquêtes. Plus que le facteur territorial, ce sont les garanties de sécurité qui font la différence. La préoccupation première de l’Ukraine est de préserver sa souveraineté face à une Russie dont l’intention principale est, à ses yeux, au mieux d’assujettir le pays, au pire de le plonger dans le chaos. Ce ne sont pas tant des territoires qui préoccupent les Ukrainiens que le destin de ceux qui se trouvent sur ces territoires, sous une occupation dont l’Ukraine ne cesse de souligner la violence.

    La temporalité de la guerre et cette perception des aspirations de la Russie sont ici centrales pour comprendre l’attitude des Ukrainiens. Alors que les impératifs de l’action politique et du temps contraint par les échéances électorales incitent nos dirigeants à raisonner dans un temps court, et à se projeter en priorité jusqu’à un cessez-le-feu, la société ukrainienne voit dans les négociations à venir seulement une étape dans une guerre inscrite dans un temps qui ne se compte pas en années, mais en décennies. Il y a aujourd’hui un consensus dans la société ukrainienne pour affirmer que l’hostilité russe à une Ukraine souveraine ne se limite pas à la figure de Poutine, et ne s’arrêtera pas avec lui. La guerre d’aujourd’hui poursuit celle de 2014-2022, et sera probablement suivie, aux yeux des Ukrainiens, de celle de demain, où la Russie gouvernée par Poutine ou un autre poursuivra le projet de retirer à l’Ukraine la maîtrise de son destin.

    L’attachement des Ukrainiens à leur adhésion à l’Union européenne est à comprendre dans cette perspective : si 71 % des Ukrainiens interrogés affirment en août 2024 qu’il est inacceptable que la Russie les force à renoncer à rejoindre l’UE, c’est parce qu’au-delà de ses capacités d’aide militaire, l’Europe représente pour eux une garantie politique d’échapper à la déstabilisation et à l’effondrement souhaités par la Russie. Cette garantie politique joue dans le temps long, ce temps long que nous avons tant de mal à appréhender et à anticiper dans cette guerre.

    Éviter des interprétations rapides ne permet pas seulement d’échapper au piège des solutions faciles, et de donner des clefs pour comprendre les événements dans leur inscription historique et sociale. Cela permet également d’ouvrir les yeux sur des questions qui concernent au plus haut point nos propres sociétés, notamment celles qu’il serait plus confortable de ne pas se poser. Quel prix faudra-t-il payer pour notre difficulté à nous projeter dans le temps long ? Quel est le modèle de devoir citoyen observable dans nos sociétés ? Comment nos sociétés réagiraient-elles face à la nécessité de se mobiliser face à un danger, et quels seraient les ressorts d’un engagement ? Quels sont nos outils de résilience et de résistance ? La puissance perçue de nos États est-elle une force ou une faiblesse ? Autant de questions que l’Ukraine nous renvoie, tel un miroir de nos propres doutes.

    https://aoc.media/analyse/2025/02/04/trois-idees-recues-sur-lukraine-en-guerre
    #guerre_en_Ukraine #fatigue #recrutement #négociation

    ping @fil

  • RSA sous conditions : un bilan encourageant dans le Loiret, mais qui pose la question des moyens - ici
    https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/rsa-sous-conditions-un-bilan-encourageant-dans-le-loiret-mais-qui-pose-la

    Mais le principal enseignement de cette expérimentation, c’est qu’il faut d’abord lever les freins sociaux pour espérer ensuite un retour à l’#emploi. "On commence par un diagnostic précis pour identifier ces freins sociaux, explique Martine Sonny, référente en parcours d’insertion #RSA à Montargis. Ces freins peuvent être variés : garde d’enfant, mobilité, logement, santé. Il faut aider ces personnes à résoudre leur problème. Ce n’est qu’après qu’on peut parler sérieusement d’orientation professionnelle. Or bien souvent ces personnes n’y parviennent pas seules, parce que ça leur semble compliqué, pour tout un tas de raisons." Le temps passé à résoudre ces problèmes fait d’ailleurs partie des « 15 heures d’#activité » exigées en retour.

    D’où l’importance des moyens humains pour réaliser cet accompagnement personnalisé. Pour cette expérimentation, le Département a dû recruter 12 agents supplémentaires, neuf référents de parcours, deux agents administratifs et un infirmier. Et en avril dernier, lorsque l’expérimentation a été élargie aux territoires de Lorris et de Courtenay, le Département a de nouveau embauché quatre référents en plus. "Chacun de ces agents suit 70 à 80 personnes, c’est deux fois moins que lors du suivi classique des dossiers RSA, tel qu’il était jusqu’ici pratiqué", précise Julie Grimoin, l’une des coordinatrices du RSA au Département du Loiret.

    Ces #recrutements ont été possibles grâce à l’aide de l’État qui a versé près d’un million d’euros. Toute la question à présent est de savoir comment aura lieu la généralisation du dispositif, sachant que le Loiret compte actuellement 15.900 allocataires du RSA, soit quatre fois plus que ceux qui ont bénéficié de l’expérimentation, et que les incertitudes financières de l’État comme des collectivités locales n’ont jamais été aussi fortes.

    • #Louboulbil : une boulangerie paysanne anarchiste et solidaire

      #Jean-Pierre_Delboulbe est un paysan boulanger. À la tête de la société Louboulbil, ce patron a une vision de l’entreprise bien à lui. Ici pas question de PIB mais de BIB, bonheur intérieur brut…

      Une semaine de travail de 4 jours, un salaire mensuel entre 2000 et 3000 euros, incluant des primes et des bénéfices partagés, et surtout entre 7 et 13 semaines de congés payés. Bienvenue dans l’entreprise Louboulbil ! Une société « déplafonnée », anarchiste et solidaire.

      Pour comprendre ce fonctionnement atypique, il faut s’intéresser à son fondateur : Jean-Pierre Delboulbe. Âgé de 54 ans aujourd’hui, le gérant est issu d’une famille d’agriculteurs installée à Castelsagrat au nord du Tarn-et-Garonne. « Nous avions une ferme en polyculture. On faisait du blé, de l’orge, du maïs, un peu de melon aussi. On avait des poules et des vaches. On faisait même du tabac, je me souviens qu’on le faisait sécher ici », raconte-t-il en pointant du doigt un espace qui fait partie aujourd’hui du fournil.
      Une première carrière dans une grande entreprise en région parisienne

      Pour autant, le quinquagénaire n’a pas immédiatement pris le chemin pour être agriculteur. « Nos parents nous avaient dit qu’on pourrait toujours être agriculteur mais qu’avant on devait faire des études », révèle-t-il. Le jeune homme suit alors des études scientifiques. Elles le conduisent à faire math sup, math spé et l’École nationale supérieure de chimie de Paris. Un cursus « royal », songe-t-il à ce moment-là.

      Embauché dans une grande société, il se conforme à ce que ses études ont fait de lui. Mais ce carcan lui pèse et l’oppresse. « Je pense que j’étais trop sensible pour ce genre de modèle. Le monde de l’entreprise m’a fait ressentir comme une grande baffe. Je me sentais mal, confie-t-il. Il n’y avait pas de place à la compétence, on subissait la tyrannie des diplômes et il y avait toujours quelqu’un au-dessus de vous avec un diplôme plus important. Avec du recul, ça me fait penser à aujourd’hui, aux gens qui à 45 ans font des burn-out, décident de changer de boulot et de remettre du sens à ce qu’ils font. Moi j’ai fait un refus de ce monde capitaliste », détaille-t-il.

      À 28 ans, il quitte donc la capitale et rentre dans le giron familial. « Mes parents m’ont toujours soutenu sans poser de questions », souligne-t-il, reconnaissant. À 28 ans, il se lance dans une activité surprenante pour son cursus : « J’ai fait des gâteaux et je suis allé les vendre au marché », révèle-t-il.
      Plusieurs années pour trouver sa voie

      Cette activité ne lui permet pourtant pas d’en vivre et il a des difficultés à gérer les stocks et la logistique. « Pour la fête des mères, il manquait toujours des gâteaux et d’autre fois je revenais avec tous mes gâteaux », se souvient-il. Aussi quand son cousin lui suggère de faire du pain, l’entrepreneur se lance. Il achète un pétrin, moud la farine à partir du blé qu’il sème et devient boulanger. L’activité prend petit à petit, tant et si bien que le Castelsagratois se met à embaucher des salariés. Si les débuts sont difficiles, la clientèle, qu’il séduit sur les marchés, se fait de plus en plus nombreuse. Aujourd’hui, Louboulbil est présent sur une vingtaine de marchés situés autour de ses locaux. Et il n’est pas rare de voir les clients faire la queue afin de pouvoir acheter un des nombreux pains proposés par les boulangers.

      Mais attention, chez Louboulbil pas question de venir avec un CV et faire étalage de ses diplômes. Le patron veut des personnes motivées. « C’est une entreprise déplafonnée », aime-t-il expliquer. Comprendre « sans plafond de verre ». « J’ai cassé à coups de masse tous les plafonds que je pouvais pour donner envie aux salariés de s’impliquer. D’ailleurs parmi les 30 salariés, il y en pas ou peu qui ont des diplômes. Pourtant, on n’arrête de pas de progresser, je suis même obligé de contenir notre croissance car pour l’instant on n’a pas envie de se développer trop. Ça voudrait dire qu’il faudrait acheter un quatrième four, et ça, c’est beaucoup de boulot pour moi car je les achète aux enchères, je les démonte et je les remonte, donne-t-il pour exemple. Et puis se développer pour quoi faire ? », se demande-t-il.
      Un patron au service de ses salariés

      La réussite de Louboulbil, c’est en grande partie à ses salariés qu’il la doit, estime-t-il. « Je vois la société comme une pyramide inversée. Les clients ce sont eux les patrons, puis il y a les salariés et en dessous, le patron, qui est là pour aider les employés à faire fonctionner l’entreprise. Je suis à leur service. De temps en temps, je leur laisse ma main pour signer des documents, s’amuse-t-il à donner comme image. J’ai déjà embauché de personnes que je n’ai jamais rencontrées. Ce sont chacun des services qui me disent qui et quand il faut embaucher. Ils font les entretiens et me disent ensuite à qui je dois faire un contrat », explique-t-il.

      Et ça marche aussi dans l’autre sens. Si quelqu’un ne fait pas l’affaire, on lui laisse un peu plus de temps que dans une entreprise traditionnelle pour changer ce qui ne va pas, mais s’il ne fait rien, et que l’équipe le décide, on met un terme à son contrat", précise-t-il.

      Louboulbil, c’est donc une entreprise « anarchique mais pas dans le sens où on nous l’apprend à l’école. Ça ne veut pas dire sans ordre, mais sans hiérarchie, insiste-t-il. Ils se gèrent tous seuls ».
      Concrètement comment est-ce possible ?

      Louboulbil est une société d’intérêt collectif agricole. Il y a d’une part un salaire qui est défini pour les employés, auquel s’ajoutent différentes primes. Certains des employés sont aussi agriculteurs et contribuent à faire tourner la société en apportant du blé. Ce dernier est ensuite moulu au moulin de Montricoux et servira à faire la farine des différents pains. Certaines primes sont ainsi versées en fonction du tonnage de blé apporté par chacun d’eux, ce qui explique que tous les salaires ne sont pas identiques.

      « On a reversé aussi une prime Macron dès qu’on a pu. Certains à temps plein ont touché le maximum 6000 euros, et les temps partiels ont eu au prorata de cette somme », donne pour exemple le patron.

      « Si on ne partageait pas ce qu’on gagnait avec les salariés, ils dépenseraient leur énergie contre le patron, leurs collègues…, imagine le boulanger. Là, on récupère le maximum d’énergie des salariés pour faire avancer l’entreprise », se félicite l’entrepreneur.
      Ici pas de PIB mais du BIB, bonheur intérieur brut

      Mais surtout ce que donne l’entreprise à chacun de ses salariés c’est du temps. « La boulangerie c’est un métier difficile, on commence tôt, on travaille les samedis, les dimanches, il faut aussi que les personnes puissent passer du temps avec leur famille », insiste Jean-Pierre Delboulbe. C’est ce qui lui permet au boulanger de parler de BIB, le bonheur intérieur brut, explique-t-il en désignant un document où est répertorié le nombre de semaines de congé pris par chacun des salariés.

      Ce sont eux aussi qui décident du nombre de semaines de congé qu’ils souhaitent. « En fonction de leur besoin, ils définissent le nombre de congés qu’ils prennent et quand ils les prennent. Ils gèrent aussi leur temps, je ne sais même pas à quelle heure ils arrivent », explique-t-il en prenant un grand calendrier accroché au mur. « Ah bah les vendeuses ont déjà calé leurs congés jusqu’à noël », découvre-t-il.
      Une grande liberté

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      Louboulbil : une boulangerie paysanne anarchiste et solidaire
      Economie, Entreprise, Castelsagrat
      Publié le 25/02/2023 à 16:03 , mis à jour le 04/11/2024 à 17:12
      Émilie Lauria

      l’essentiel Jean-Pierre Delboulbe est un paysan boulanger. À la tête de la société Louboulbil, ce patron a une vision de l’entreprise bien à lui. Ici pas question de PIB mais de BIB, bonheur intérieur brut…

      Une semaine de travail de 4 jours, un salaire mensuel entre 2000 et 3000 euros, incluant des primes et des bénéfices partagés, et surtout entre 7 et 13 semaines de congés payés. Bienvenue dans l’entreprise Louboulbil ! Une société « déplafonnée », anarchiste et solidaire.

      Pour comprendre ce fonctionnement atypique, il faut s’intéresser à son fondateur : Jean-Pierre Delboulbe. Âgé de 54 ans aujourd’hui, le gérant est issu d’une famille d’agriculteurs installée à Castelsagrat au nord du Tarn-et-Garonne. « Nous avions une ferme en polyculture. On faisait du blé, de l’orge, du maïs, un peu de melon aussi. On avait des poules et des vaches. On faisait même du tabac, je me souviens qu’on le faisait sécher ici », raconte-t-il en pointant du doigt un espace qui fait partie aujourd’hui du fournil.
      Une première carrière dans une grande entreprise en région parisienne

      Pour autant, le quinquagénaire n’a pas immédiatement pris le chemin pour être agriculteur. « Nos parents nous avaient dit qu’on pourrait toujours être agriculteur mais qu’avant on devait faire des études », révèle-t-il. Le jeune homme suit alors des études scientifiques. Elles le conduisent à faire math sup, math spé et l’École nationale supérieure de chimie de Paris. Un cursus « royal », songe-t-il à ce moment-là.

      Embauché dans une grande société, il se conforme à ce que ses études ont fait de lui. Mais ce carcan lui pèse et l’oppresse. « Je pense que j’étais trop sensible pour ce genre de modèle. Le monde de l’entreprise m’a fait ressentir comme une grande baffe. Je me sentais mal, confie-t-il. Il n’y avait pas de place à la compétence, on subissait la tyrannie des diplômes et il y avait toujours quelqu’un au-dessus de vous avec un diplôme plus important. Avec du recul, ça me fait penser à aujourd’hui, aux gens qui à 45 ans font des burn-out, décident de changer de boulot et de remettre du sens à ce qu’ils font. Moi j’ai fait un refus de ce monde capitaliste », détaille-t-il.

      À 28 ans, il quitte donc la capitale et rentre dans le giron familial. « Mes parents m’ont toujours soutenu sans poser de questions », souligne-t-il, reconnaissant. À 28 ans, il se lance dans une activité surprenante pour son cursus : « J’ai fait des gâteaux et je suis allé les vendre au marché », révèle-t-il.
      Plusieurs années pour trouver sa voie

      Cette activité ne lui permet pourtant pas d’en vivre et il a des difficultés à gérer les stocks et la logistique. « Pour la fête des mères, il manquait toujours des gâteaux et d’autre fois je revenais avec tous mes gâteaux », se souvient-il. Aussi quand son cousin lui suggère de faire du pain, l’entrepreneur se lance. Il achète un pétrin, moud la farine à partir du blé qu’il sème et devient boulanger. L’activité prend petit à petit, tant et si bien que le Castelsagratois se met à embaucher des salariés. Si les débuts sont difficiles, la clientèle, qu’il séduit sur les marchés, se fait de plus en plus nombreuse. Aujourd’hui, Louboulbil est présent sur une vingtaine de marchés situés autour de ses locaux. Et il n’est pas rare de voir les clients faire la queue afin de pouvoir acheter un des nombreux pains proposés par les boulangers.

      Carlos, mécanicien qui entretient les fours et les véhicules de la société, et Sébastien, un des 5 boulangers de Louboulbil.
      Carlos, mécanicien qui entretient les fours et les véhicules de la société, et Sébastien, un des 5 boulangers de Louboulbil. Louboulbil

      Mais attention, chez Louboulbil pas question de venir avec un CV et faire étalage de ses diplômes. Le patron veut des personnes motivées. « C’est une entreprise déplafonnée », aime-t-il expliquer. Comprendre « sans plafond de verre ». « J’ai cassé à coups de masse tous les plafonds que je pouvais pour donner envie aux salariés de s’impliquer. D’ailleurs parmi les 30 salariés, il y en pas ou peu qui ont des diplômes. Pourtant, on n’arrête de pas de progresser, je suis même obligé de contenir notre croissance car pour l’instant on n’a pas envie de se développer trop. Ça voudrait dire qu’il faudrait acheter un quatrième four, et ça, c’est beaucoup de boulot pour moi car je les achète aux enchères, je les démonte et je les remonte, donne-t-il pour exemple. Et puis se développer pour quoi faire ? », se demande-t-il.
      Un patron au service de ses salariés

      La réussite de Louboulbil, c’est en grande partie à ses salariés qu’il la doit, estime-t-il. « Je vois la société comme une pyramide inversée. Les clients ce sont eux les patrons, puis il y a les salariés et en dessous, le patron, qui est là pour aider les employés à faire fonctionner l’entreprise. Je suis à leur service. De temps en temps, je leur laisse ma main pour signer des documents, s’amuse-t-il à donner comme image. J’ai déjà embauché de personnes que je n’ai jamais rencontrées. Ce sont chacun des services qui me disent qui et quand il faut embaucher. Ils font les entretiens et me disent ensuite à qui je dois faire un contrat », explique-t-il.

      Et ça marche aussi dans l’autre sens. Si quelqu’un ne fait pas l’affaire, on lui laisse un peu plus de temps que dans une entreprise traditionnelle pour changer ce qui ne va pas, mais s’il ne fait rien, et que l’équipe le décide, on met un terme à son contrat", précise-t-il.

      Louboulbil, c’est donc une entreprise « anarchique mais pas dans le sens où on nous l’apprend à l’école. Ça ne veut pas dire sans ordre, mais sans hiérarchie, insiste-t-il. Ils se gèrent tous seuls ».
      Concrètement comment est-ce possible ?

      Louboulbil est une société d’intérêt collectif agricole. Il y a d’une part un salaire qui est défini pour les employés, auquel s’ajoutent différentes primes. Certains des employés sont aussi agriculteurs et contribuent à faire tourner la société en apportant du blé. Ce dernier est ensuite moulu au moulin de Montricoux et servira à faire la farine des différents pains. Certaines primes sont ainsi versées en fonction du tonnage de blé apporté par chacun d’eux, ce qui explique que tous les salaires ne sont pas identiques.

      « On a reversé aussi une prime Macron dès qu’on a pu. Certains à temps plein ont touché le maximum 6000 euros, et les temps partiels ont eu au prorata de cette somme », donne pour exemple le patron.

      « Si on ne partageait pas ce qu’on gagnait avec les salariés, ils dépenseraient leur énergie contre le patron, leurs collègues…, imagine le boulanger. Là, on récupère le maximum d’énergie des salariés pour faire avancer l’entreprise », se félicite l’entrepreneur.
      Ici pas de PIB mais du BIB, bonheur intérieur brut

      Mais surtout ce que donne l’entreprise à chacun de ses salariés c’est du temps. « La boulangerie c’est un métier difficile, on commence tôt, on travaille les samedis, les dimanches, il faut aussi que les personnes puissent passer du temps avec leur famille », insiste Jean-Pierre Delboulbe. C’est ce qui lui permet au boulanger de parler de BIB, le bonheur intérieur brut, explique-t-il en désignant un document où est répertorié le nombre de semaines de congé pris par chacun des salariés.

      Ce sont eux aussi qui décident du nombre de semaines de congé qu’ils souhaitent. « En fonction de leur besoin, ils définissent le nombre de congés qu’ils prennent et quand ils les prennent. Ils gèrent aussi leur temps, je ne sais même pas à quelle heure ils arrivent », explique-t-il en prenant un grand calendrier accroché au mur. « Ah bah les vendeuses ont déjà calé leurs congés jusqu’à noël », découvre-t-il.
      Une grande liberté

      Anne-Charlotte, assistante de direction.
      Anne-Charlotte, assistante de direction. DDM - DDM HAZEM ALATRASH

      « On est indépendant. On fait ce qu’on veut quand on veut », confirme Danielle, une des salariées. On sait ce qu’on a à faire et quand on doit le faire". Anne-Charlotte, l’assistante de direction a le même discours. « On a une grande autonomie. Jean-Pierre n’est pas présent comme un chef d’entreprise, tout le monde se gère ». Pour la jeune femme, la semaine de quatre jours et les nombreux jours de congé sont des atouts indéniables pour chacun des membres de l’entreprise.

      « Je travaille 4 jours par semaine, j’ai un très bon salaire, des primes, un intéressement, bien sûr que c’est un très bon principe », se réjouit Nathalie une des 21 vendeuses. Alors bien sûr on travaille les week-ends, mais c’est comme ça, balaie-t-elle. Ce que j’aime beaucoup, c’est que le patron n’est jamais là, plaisante-t-elle, il ne nous surveille pas, on est en pleine autonomie", conclut-elle.

      https://www.ladepeche.fr/2023/02/25/louboulbil-une-boulangerie-paysanne-anarchiste-et-solidaire-11020466.php

    • Du même journal

      Publié le 15/05/2022

      L’histoire de Louboulbil a commencé il y a un peu plus de vingt-cinq ans lors d’un repas d’une famille avec des agriculteurs. Un convive lâche : « Nous sommes bien bêtes, on vend notre blé pour rien alors que les boulangers le vendent transformé bien plus cher ! ». Un an plus tard, Jean-Pierre se mettait à fabriquer, le 1er mai 1997, des tourtières pour les vendre le 3 mai, au marché de Montauban, puis aux supermarchés locaux.

  • Bulletin de jurisprudence universitaire #1 : septembre 2024
    https://academia.hypotheses.org/57621

    Le carnet Academia accueille désormais dans ses colonnes le Bulletin de jurisprudence universitaire. Le #BuJU est une publication mensuelle qui propose une sélection de décisions de justice concernant l’enseignement supérieur et la recherche. Son orientation se veut originale : il ne … Continuer la lecture →

    #Billets #État_de_droit #CNESER #CNRS #conditions_de_travail #recrutements

  • Israël recrute des demandeurs d’asile africains pour ses opérations à Gaza, selon “Ha’Aretz”

    Selon une information du journal israélien de gauche “Ha’Aretz”, l’État hébreu aurait mis en place un système de recrutement de demandeurs d’asile afin qu’ils s’engagent dans le conflit à Gaza en échange de l’obtention d’un statut de résident permanent.

    “Les institutions de la défense en Israël proposent à des demandeurs d’asile africains qui contribuent à l’effort de guerre à Gaza une aide à l’obtention de la résidence permanente en Israël”, révèle Ha’Aretz. Le quotidien israélien de gauche s’appuie sur des documents internes et des sources citées sous le couvert de l’anonymat.

    Près de 30 000 demandeurs d’asile originaires d’Afrique vivraient actuellement en Israël – dont 3 500 Soudanais, dont le pays est en proie à un violent conflit interne. Trois demandeurs d’asile sont mortslors des attaques du 7 octobre menées par le Hamas, rappelle le journal.

    “Des responsables de la défense ont compris qu’ils pouvaient avoir besoin de l’aide des demandeurs d’asile et les inciter en exploitant leur souhait d’obtenir la résidence permanente en Israël. […] Les dimensions éthiques n’ont pas été envisagées”, continue Ha’Aretz.

    Aucun document délivré

    Pour illustrer la procédure de recrutement, le journal retrace l’expérience d’un homme désigné par la lettre “A.”. Durant “l’un des premiers mois de la guerre”, celui qui dispose d’un statut de réfugié temporaire reçoit un appel d’un homme se présentant comme un policier lui demandant, sans explications, de se rendre sur un site des forces de sécurité. Sur place, il rencontre ce qu’il définit comme des “hommes liés à la sécurité”. A. raconte à Ha’Aretz :

    “Ils m’ont dit qu’ils cherchaient des personnes particulières pour s’engager dans l’armée. Ils m’ont dit que cette guerre était une question de vie ou de mort pour Israël.”

    D’autres prises de contact s’ensuivront, dont une où on lui aurait proposé 1 000 shekels (environ 240 euros) en liquide pour couvrir les jours de travail qu’il a perdus à cause de ces entretiens. Finalement, A. déclinera l’offre d’engagement.

    Contrairement à A., d’autres demandeurs d’asile se sont engagés avec Tsahal et ont participé à des opérations militaires dans la bande de Gaza, dont la nature précise n’est pas détaillée par Ha’Aretz. Et le quotidien de préciser que, “à ce jour, aucun demandeur d’asile ayant contribué à l’effort de guerre n’a obtenu de papiers”.

    Le journal a également appris que le ministère de l’Intérieur avait aussi étudié la possibilité d’enrôler dans l’armée les enfants de demandeurs d’asile scolarisés dans des écoles israéliennes. “Il est déjà arrivé que le gouvernement autorise les enfants de travailleurs étrangers à s’engager dans l’armée d’Israël en échange de papiers pour les membres de leur famille immédiate.”

    https://www.courrierinternational.com/article/guerre-israel-recrute-des-demandeurs-d-asile-africains-pour-s

    #Israël #Gaza #asile #migrations #chair_à_canon #demandeurs_d'asile #armée #recrutement #guerre

  • « NazTok » : un rapport révèle comment des groupes néonazis utilisent l’algorithme de TikTok à leur avantage
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/07/29/naztok-un-rapport-revele-comment-des-groupes-neonazis-utilisent-l-algorithme

    A partir d’un compte néonazi préalablement repéré, les chercheurs de l’ISD ont mis au jour un réseau de 200 profils du même type sur #TikTok. Après avoir parcouru certains de leurs contenus à l’aide d’un compte utilisateur vierge, ils ont pu constater que des vidéos d’#extrême_droite similaires leur étaient alors très vite proposées sur la page « Pour toi » (« For You »), qui affiche les vidéos sélectionnées par l’algorithme de recommandation de l’application. Un phénomène de renforcement algorithmique déjà largement documenté, les vidéos figurant dans la page « Pour toi » étant fonction, notamment, de ce que l’internaute a visionné auparavant, du temps passé sur chaque contenu ou de ses « likes ».

    Mais l’étude de l’ISD montre surtout que les groupes d’extrême droite semblent avoir très bien compris comment TikTok peut servir leurs intérêts. Ces derniers mettent sur pied des réseaux de comptes se suivant les uns les autres afin d’accroître leur visibilité. Une « tactique du follow-for-follow » – que l’on peut traduire par « tu me suis-je te suis » –, selon le rapport, « méthode classique pour obtenir un réseau au maillage resserré permettant un plus grand engagement [des internautes] » et « faciliter une croissance rapide ». « Des douzaines de comptes comportent des noms, des photos de profils et des nombres de “followers” et de “followings” quasi-identiques, ce qui indique qu’il s’agit de comptes dupliqués par le même utilisateur », détaillent les auteurs.

    Les personnes derrière ces comptes néonazis se retrouvent bien souvent hors de TikTok, sur des chaînes Telegram. C’est là qu’ils mettent en commun vidéos, images et sons à diffuser, et qu’ils se coordonnent afin de maximiser leur exposition sur la plate-forme chinoise. L’ISD a ainsi listé plus d’une centaine de canaux de ce type sur Telegram, application notoirement connue pour son absence quasi complète de modération.

    L’étude montre aussi l’éventail des stratégies mises au point par ces comptes d’extrême droite pour contourner la modération de TikTok, dont beaucoup sont déjà connues : l’utilisation de langage codé ou d’émoji spécifique (comme la boîte de jus de fruit, « juice » en anglais, qui par homophonie se rapproche de « jews » – « juifs »), l’intégration de mots-clés à l’orthographe volontairement altérée, ou encore le choix méticuleux d’une image d’appel – celle qui apparaît avant qu’on ne clique sur une vidéo – en apparence neutre, afin de masquer le propos réel du contenu.

    Le rapport détaille aussi comment l’utilisation de clips audio ou de musiques spécifiques, sans contenir d’éléments explicitement racistes ou haineux, peut servir de « clin d’œil », de référence. « Sur TikTok, une recherche sur une chanson écoutée par l’auteur de l’attentat de Christchurch alors qu’il conduisait après avoir tué 51 musulmans débouche sur 1 200 vidéos, prennent les auteurs en exemple. Parmi elles, sept vidéos sur dix célébraient l’attaque, son objectif ou le tueur, voire le recréaient dans un jeu vidéo. »

    (selon un rapport publié lundi 29 juillet par l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) https://www.isdglobal.org/digital_dispatches/naztok-an-organized-neo-nazi-tiktok-network-is-getting-millions-of-views et révélé par le magazine spécialisé Wired https://www.wired.com/story/tiktok-nazi-content-moderation/.)

    #naztok #recrutement #propagande

  • Enseignement : les concours ne font pas le plein, la crise du recrutement se poursuit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/07/08/enseignement-les-concours-ne-font-pas-le-plein-la-crise-du-recrutement-se-po

    Selon les résultats définitifs publiés [opportunément le lendemain des élections] lundi 8 juillet par le ministère, 1 163 postes n’ont pas été pourvus dans le premier degré public (contre 1 227 en 2023), concentrés dans les académies en crise, Créteil, Versailles, Mayotte et la Guyane, qui sont désormais structurellement déficitaires. Dans les deux académies franciliennes, les plus grosses du pays, il manquait, à l’issue du concours externe, 48 % des postes à Versailles et 39 % à Créteil, des carences qui n’ont pu être que partiellement comblées par l’organisation de concours supplémentaires.

    Dans les vingt-sept autres académies, qui, elles, font le plein, le ministère a autorisé le recrutement sur listes complémentaires là où elles ont pu être constituées. « Recourir aux listes complémentaires démontre que, même dans les académies qui ne sont pas déficitaires, la situation est tendue », remarque Guislaine David, secrétaire général du SNuipp-FSU. Dans un communiqué publié début juin, le syndicat avait dénoncé une « érosion massive (…) imputable au gouvernement actuel ».

    Dans le second degré, l’agrégation, si elle continue à mieux recruter que les autres concours, voit son taux de couverture baisser (94 % contre 95,7 % en 2023). La situation s’améliore en revanche pour le #Capes externe public, principale voie de #recrutement des professeurs de collège et de lycée, mais 12,4 % des places, soit 635 postes, restent encore en souffrance, contre 17 % en 2023. Les différences sont nettes entre les matières qui pourvoient tous leurs postes, comme l’histoire-géographie ou les sciences de la vie et de la terre, et les disciplines en crise, au premier rang desquelles figurent les mathématiques (20 % de postes non pourvus), l’allemand (54,5 %), les lettres modernes (11 %) ou encore les lettres classiques (36 %).

    [...]

    La pénurie s’aggrave, en revanche, dans l’enseignement technique, où près d’un quart des places reste vacant au concours externe, contre moins de 15 % en 2023. Dans les lycées professionnels, le bilan s’améliore mais reste très problématique, avec 23 % de postes non pourvus (28 % en 2023). « Après deux sessions catastrophiques (…), la session 2024 du CAPLP n’est guère plus brillante », se désole le Snuep-FSU dans un communiqué.

    « Chaque année qui s’écoule vient aggraver le problème », pointe Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. Et les manques se cumulent. Selon la Cour des comptes, il aurait ainsi manqué plus de 5 500 enseignants sur la période 2017-2021, soit plus de 1 100 chaque année – des chiffres qui se sont largement aggravés depuis, notamment après le déplacement des concours à la fin du bac + 5 en 2022.

    [...]

    L’urgence est d’autant plus grande que, selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de 2022, 329 000 #enseignants doivent être recrutés d’ici à 2030 pour remplacer les départs en retraite. « Le mur approche », s’inquiète Sophie Vénétitay.

  • Bien dans ton corps, bien dans ton job
    https://lundi.am/Bien-dans-ton-corps-bien-dans-ton-job

    La chef des RH expose le déroulement de la journée. Il y a des recruteurs parmi nous, qui feront du sport à nos côtés. Il nous faut nous détendre, ce n’est pas un exercice de recrutement classique, on est aussi là pour passer du bon temps, et à travers ça les recruteurs pourront repérer nos soft skills, nos savoirs-êtres. Voilà donc la raison pour laquelle on n’avait pas le droit de sécher l’EPS du matin. L’évaluation de nos compétences relationnelles, comportementales, pendant les ateliers bien-être. L’après-midi sera consacrée au speed job dating, conclut la RH, pas peu fière de son dispositif.

    S’ensuit un discours de la Présidente de l’université, qui nous fait l’honneur d’être là « malgré un agenda très contraint ». Elle est fière de cette initiative, qui renouvelle la façon de recruter. Fière aussi d’accueillir les personnes « dans toute leur diversité, car [l’Université] n’a pas de modèle ni de norme ». Applaudissements. Direction gymnase.

    Ce sont des profs de sport de l’université qui encadrent les activités. Il y a environ 80 participants, répartis en 4 groupes. Le nôtre débute par un atelier badminton. « Pas de niveau requis en sport, les ateliers sont accessibles à tous ! » affirmait le programme. Il va quand même falloir courir et sauter de bon matin. Et nous sommes effectivement très divers. Des vieux, des jeunes, des gros, des minces, des bien portants, des malades chroniques, des athlètes du dimanche, des pas sportifs pour un sou. Si certains sont comme des poissons dans l’eau avec leur raquette et leur volant, d’autres ratent, sont trop lents, n’ont pas le bon geste… et font perdre leur équipe. Car un peu de compet’ s’est immiscée dans ce flot de convivialité. Le binôme qui gagne monte d’un terrain, celui qui perd descend. Avec ça on en oublierait presque cette dame, la cinquantaine, restée seule sur la touche parce que son épaule ne lui permet pas de participer.

    #rh #recrutement #université #néolibéralisme

  • Agro-business

    Parmi les mesures annoncées en réponse aux mobilisations d’agriculteurs en janvier 2024, l’une a consisté en l’ajout de professions agricoles à la liste des métiers « en tension ». L’exécution de la promesse ne s’est pas fait attendre : un arrêté du 1er mars a « mis à jour » cette liste en y introduisant, pour l’ensemble du territoire métropolitain, quatre familles professionnelles de salariés : #agriculteurs, #éleveurs, #maraîchers et #horticulteurs, #viticulteurs et #arboriculteurs. D’autres secteurs d’activité peuvent déplorer de n’avoir pas les moyens de pression que représentent des centaines de tracteurs capables de bloquer des autoroutes, des jours durant...

    La #FNSEA a aussitôt affiché sa satisfaction. La reconnaissance de l’agriculture comme « #secteur_en_tension » est une revendication que le syndicat majoritaire d’exploitants agricoles portait en fait depuis plusieurs mois, et qu’il avait, entre autres, présentée à la Première ministre Élisabeth Borne en octobre 2023, assurant que l’obtention de ce statut « favorisera l’embauche directe et limitera le recours aux prestataires [1] ».

    On se frotte les yeux pour comprendre… #Embauche_directe ? Recours aux #prestataires ? En quoi l’inscription de métiers de l’agriculture dans la liste des métiers en tension serait à même de résoudre les difficultés de recrutement de #saisonniers dont le secteur dit souffrir ? Les listes de métiers en tension servent à l’instruction des demandes d’autorisation de travail déposées par les employeurs, soit pour ce qu’on nomme « introduction » de #main-d’œuvre, soit pour l’embauche d’étrangers déjà présents sur le territoire. Est-ce à dire que les agriculteurs voudraient se charger eux-mêmes de faire venir des saisonniers ? Ou pouvoir employer comme saisonniers des étrangers résidant en France ?

    On se souvient qu’au moment où le Covid avait imposé la fermeture des frontières, avait été lancée une campagne [2] afin de recruter des personnels pour les récoltes, et que la FNSEA avait parlé de cette main-d’œuvre autochtone comme décevante : ne sachant pas travailler, trop revendicatrice… avant d’obtenir que des saisonniers du sud de la Méditerranée, malgré les risques sanitaires, soient acheminés dans les champs en France… Alors ?

    Le secteur agricole bénéficie depuis des décennies d’un dispositif spécifique pour faire venir la main-d’œuvre étrangère qu’il souhaite, les ex-« #contrats_OMI » désormais gérés par l’#Office_français_de_l’immigration_et_de_l’intégration (#Ofii). L’office se charge de recruter ces employé·es, des démarches administratives nécessaires à leur venue, de leur faire signer un engagement à quitter la France après la saison – de 6 mois maximum, le cas échéant pour revenir les années suivantes.

    Est-ce que le souhait des exploitants agricoles est de se passer de ces contrats Ofii ?

    Le #dispositif présente manifestement des contraintes jugées excessives par les exploitants agricoles puisqu’ils ont de plus en plus recours à d’autres formules : l’#intérim, l’emploi de #sans-papiers, le #détachement... Ce dernier a ainsi connu une croissance considérable dans le secteur, y compris via des systèmes contournant les règles européennes sur le #travail_détaché. Les procès des entreprises espagnoles #Terra_Fecundis ou #Laboral_Terra ont mis au jour les montages opérés. Ces grosses entreprises de travail temporaire ont été condamnées à de lourdes peines – et avec elles des chefs d’exploitation en France – pour avoir fait travailler des milliers d’ouvriers et ouvrières agricoles, essentiellement sud-américain·es, sous contrat espagnol, donc en payant en #Espagne, et aux tarifs espagnols, les cotisations sociales correspondant à ces emplois, de surcroît dans des conditions d’exploitation insupportables. L’importance des condamnations et le retentissement de ces procès ont quelque peu refroidi l’enthousiasme pour l’usage du détachement. À nouveau trop de contraintes.

    Mais en fait, de quelles difficultés de #recrutement exactes souffrent donc les exploitants agricoles ?

    L’argument de la #pénurie de main-d’œuvre est dénoncé par divers travaux de sociologie [3]. Nicolas Jounin, à propos du secteur du bâtiment, dans lequel la même plainte est récurrente, parle de cette pénurie comme d’une #fiction : « Ou, plutôt, ni vraie ni fausse, la pénurie est recréée périodiquement (et toujours compensée) par un système de dévalorisation de la main-d’œuvre dont elle est l’argument [4]. » Les travailleurs saisonniers dans l’agriculture, de même que les manœuvres dans le BTP, sont considérés comme des bouche-trous, des pis-aller.

    Pendant que se déroulait, en début d’année, ce scénario d’une revendication enfin satisfaite, l’inscription de métiers de l’agriculture dans la liste des métiers en tension, un nouveau montage était, beaucoup plus discrètement, mis en place.

    La FNSEA, toujours elle, a présenté au Salon de l’agriculture, le 28 février, dans une réunion fermée au public, le nouveau service de recrutement de travailleurs saisonniers qu’elle vient de créer. La prestation, rendue possible par des accords passés avec la Tunisie et le Maroc, donc avec l’aval du gouvernement, ne coûtera à l’exploitant agricole que 600 € par saisonnier. Dans une note de cadrage sur ce service, la fédération recommande d’éviter d’employer le terme « migrant », et de lui préférer « saisonnier hors Union européenne ».

    Là, on comprend mieux : la mesure « métiers en tension » est certes de nature à faciliter le recours à cette main-d’œuvre introuvable ! Pour les employeurs, finis les contrôles et tracasseries de l’Ofii – pourtant bien peu protecteurs, dans les faits, des travailleurs agricoles immigrés. Finis aussi les ennuis que peut causer un usage abusif du détachement. Enfin libres d’employer des travailleurs, d’ici ou d’ailleurs, toujours plus précarisés !

    http://www.gisti.org/article7242

    #métiers_en_tension #agriculture #migrations #France

  • La crise de recrutement des enseignants s’enkyste
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/05/15/la-crise-de-recrutement-des-enseignants-s-enkyste_6233368_3224.html

    Après 3 100 places non pourvues en 2023 et 4 000 en 2022, des postes d’#enseignants ne trouveront pas preneurs pour la rentrée 2024, obligeant le ministère à recourir à des #contractuels.

    Selon les premiers résultats d’admissibilité compilés par Le Monde avec le site de gestion des concours Cyclades, plusieurs centaines de postes sont d’ores et déjà vacants dans le premier degré et environ 90 dans le second, des chiffres qui devraient augmenter une fois les concours terminés, le nombre d’admis étant inférieur au nombre d’admissibles. La courbe n’arrive pas à s’inverser depuis la chute des inscriptions qui s’est opérée entre 2021 et 2022 avec le passage du concours en fin de deuxième année de master. Dans ce contexte tendu, le gouvernement mise sur une réforme de la formation et le déplacement en fin de licence des #concours pour y remédier dans les prochaines années.

    [...]

    Les résultats d’admissibilité viennent confirmer la crise systémique que traverse la profession. Comme les années précédentes, ils dessinent cependant un paysage bien différent d’une académie à l’autre ou d’une discipline à l’autre. Dans le premier degré, trois académies concentrent, année après année, les difficultés : la #Guyane, #Créteil et #Versailles. Les deux dernières académies ont, et de très loin, les besoins en #recrutement les plus élevés du pays. En 2024, l’académie de Créteil compte ainsi 733 admissibles pour 1 037 postes ; l’académie de Versailles 744 admissibles pour 1 230 postes ; et la Guyane 61 admissibles pour 152 postes. Les concours supplémentaires organisés depuis plusieurs années dans les académies franciliennes pour augmenter les viviers combleront seulement une partie de ces manques.

    En 2023, la direction générale des ressources humaines du ministère de l’#éducation nationale confiait au Monde qu’à partir de 1,5 admissible par poste la qualité du recrutement était « suffisante ». Vingt-trois académies sur 29 atteignent ce seuil cette année, un chiffre identique à l’année précédente. Sur le long terme, la tendance à la baisse est néanmoins éloquente. On compte ainsi 45 % d’admissibles en moins entre 2008 et 2024.

    [...]

    De l’aveu même du ministère de l’éducation nationale, trois disciplines « risquent de rester en difficulté » : l’espagnol, les mathématiques et les lettres modernes. Ainsi, malgré une augmentation du nombre d’admissibles par rapport à 2023, le Capes de mathématiques n’arrive qu’à un ratio de 1,2 admissible par poste, ce qui peut laisser présager des postes vacants à l’issue de la phase d’admission. Au #Capes de lettres modernes, les jurys auront face à eux seulement un peu plus d’un candidat pour un poste lors des oraux d’admission. La physique-chimie est également dans ce cas de figure.

    A l’heure de la mise en place du #choc_des_savoirs et de groupes en français et en mathématiques en 6e et en 5e pour prendre en charge l’hétérogénéité des élèves, les résultats d’admissibilité à ces Capes interrogent. Qui assurera cette mission si des postes sont laissés vacants ?

    [...]

    La modification du recrutement et de la formation risque, en outre, de ne constituer qu’une partie de la réponse au déficit d’attractivité. Dans les enquêtes menées auprès des étudiants, la faible rémunération, les conditions de travail ou encore la reconnaissance du métier sont des éléments bien plus décisifs dans le choix de rejoindre la profession que la place du concours ou le niveau de diplôme.

  • Discrimination 2.0 : ces algorithmes qui perpétuent le racisme

    L’IA et les systèmes algorithmiques peuvent désavantager des personnes en raison de leur origine, voire conduire à des discriminations raciales sur le marché du travail. A l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, AlgorithmWatch CH, humanrights.ch et le National Coalition Building Institute NCBI mettent en lumière la manière dont les systèmes automatisés utilisés dans les procédures de recrutement peuvent reproduire les inégalités.

    Les procédures d’embauche sont et ont toujours été caractérisées par une certaine inégalité des chances. Aujourd’hui, les entreprises utilisent souvent des systèmes algorithmiques pour traiter les candidatures, les trier et faire des recommandations pour sélectionner des candidat·e·x·s. Si les départements des ressources humaines des grandes entreprises souhaitent augmenter leur efficacité grâce aux « Applicant Tracking Systems » (ATS), l’utilisation de tels systèmes peut renforcer les stéréotypes discriminatoires ou même en créer de nouveaux. Les personnes issues de l’immigration sont souvent concernées par cette problématique.
    Exemple 1 : un algorithme qui préfère les CV « indigènes »

    Une étude récente menée en Grande-Bretagne a comparé les CV sélectionnés par une personne experte en ressources humaines et ceux qu’un système de recommandation algorithmique avait identifiés comme étant ceux de candidat·e·x·s compétent·e·x·s. La comparaison a montré que les personnes que les recruteur·euse·x·s considéraient comme les meilleur·e·x·s candidat·e·x·s ne faisaient parfois même pas partie de la sélection effectuée par les systèmes basés sur des algorithmes. Ces systèmes ne sont pas capables pas lire tous les formats avec la même efficacité ; aussi les candidatures compétentes ne correspondant pas au format approprié sont-elles automatiquement éliminées. Une étude portant sur un autre système a également permis de constater des différences claires dans l’évaluation des CV. Ainsi, il s’est avéré que le système attribuait davantage de points aux candidatures « indigènes », en l’occurrence britanniques, qu’aux CV internationaux. Les candidat·e·x·s britanniques avaient donc un avantage par rapport aux personnes migrantes ou ayant une origine étrangère pour obtenir une meilleure place dans le classement.
    Exemple 2 : les formations à l’étranger moins bien classées

    En règle générale, les systèmes de recrutement automatisés sont entraînés de manière à éviter l’influence de facteurs tels que le pays d’origine, l’âge ou le sexe sur la sélection. Les candidatures contiennent toutefois également des attributs plus subtils, appelés « proxies » (en français : variables de substitution), qui peuvent indirectement donner des informations sur ces caractéristiques démographiques, par exemple les compétences linguistiques ou encore l’expérience professionnelle ou les études à l’étranger. Ainsi, la même étude a révélé que le fait d’avoir étudié à l’étranger entraînait une baisse des points attribués par le système pour 80% des candidatures. Cela peut conduire à des inégalités de traitement dans le processus de recrutement pour les personnes n’ayant pas grandi ou étudié dans le pays dans lequel le poste est proposé.

    Les critères de sélection de nombreux systèmes de recrutement basés sur les algorithmes utilisés par les entreprises sont souvent totalement opaques. De même, les jeux de données utilisés pour entraîner les algorithmes d’auto-apprentissage se basent généralement sur des données historiques. Si une entreprise a par exemple jusqu’à présent recruté principalement des hommes blancs âgés de 25 à 30 ans, il se peut que l’algorithme « apprenne » sur cette base que de tels profils doivent également être privilégiés pour les nouveaux postes à pourvoir. Ces stéréotypes et effets discriminatoires ne viennent pas de l’algorithme lui-même, mais découlent de structures ancrées dans notre société ; ils peuvent toutefois être répétés, repris et donc renforcés par l’algorithme.

    Ces exemples illustrent la discrimination par les algorithmes de personnes sur la base de leur origine. Les algorithmes discriminent également de nombreux autres groupes de population. En Suisse aussi, de plus en plus d’entreprises font usage d’algorithmes pour leurs processus de recrutement ainsi que sur le lieu de travail.

    Discrimination algorithmique en Suisse : le cadre légal de protection contre la discrimination en Suisse ne protège pas suffisamment contre la discrimination par les systèmes algorithmiques et doit être renforcé. Ce papier de position présente les problématiques liées à la discrimination algorithmique et décrit les moyens d’améliorer la protection contre ce type de discrimination.

    Les algorithmes discriminent également de nombreux autres groupes de population. Dans la série « Discrimination 2.0 : ces algorithmes qui discriminent », AlgorithmWatch CH et humanrights.ch, en collaboration avec d’autres organisations, mettent en lumière divers cas de discrimination algorithmique.

    https://www.humanrights.ch/fr/nouvelles/discrimination-20-algorithmes-perpetuent-racisme
    #discrimination #racisme #algorithme #xénophobie #IA #AI #intelligence_artificielle #travail #recrutement #discrimination_raciale #inégalités #ressources_humaines #Applicant_Tracking_Systems (#ATS) #CV #curriculum_vitae #sélection #tri

    • « L’IA et les systèmes algorithmiques peuvent désavantager des personnes en raison de leur origine, voire conduire à des discriminations raciales sur le marché du travail. » mais l’ia et les systemes algorithmiques peuvent tout aussi bien avantager des personnes en raison de leur origine, voire conduire à des discriminations raciales sur le marché du travail. La banque mondiale exige déja une discrimination selon les pratiques sexuelles pour favoriser emprunts et subventions !

  • Travailleurs saisonniers du #Maghreb : la #FNSEA lance son propre business

    Grâce à des #accords passés en #Tunisie et au #Maroc, le syndicat agricole a décidé de fournir des « saisonniers hors Union européenne » aux agriculteurs. Elle fait des prix de gros et recommande d’éviter de parler de « migrants ».

    Le syndicat de l’#agrobusiness ne laisse décidément rien au hasard. Après avoir mis des pions dans la banque, l’assurance, les oléoprotéagineux ou le biodiesel, la FNSEA vient de lancer un service destiné à fournir des saisonniers aux agriculteurs français. #Jérôme_Volle, vice-président du syndicat agricole, a organisé, mercredi, au Salon de l’agriculture, une réunion de présentation du dispositif, fermée au public et aux journalistes.

    Pour l’instant, la chambre d’agriculture Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) a été la seule à promouvoir ce « nouvel outil » destiné « à faire face à la pénurie de main-d’œuvre ». Le nom du service, « Mes #saisonniers_agricoles », a été déposé, le 9 janvier, à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi).

    Ce « #service_de_recrutement » de la FNSEA repose sur « un #partenariat avec les ministères et les partenaires emploi de la Tunisie et du Maroc » et ne proposera que des saisonniers recrutés hors Union européenne. Ce #service n’est pas sans but lucratif. Selon des documents obtenus par Mediapart, le syndicat s’apprête à facturer aux agriculteurs « 600 euros hors taxe » par saisonnier en cas de commande « de 1 à 3 saisonniers », mais il fait un prix « à partir du 4e saisonnier » : « 510 euros hors taxe le saisonnier ».

    Cette note interne précise qu’un montant de 330 euros est affecté à la « prestation fixe » du syndicat (« rétribution FNSEA »), pour la « recherche / formalité » et le fonctionnement de la « #cellule_recrutement ». Et qu’une rétribution de 270 euros, « ajustable », pourra être perçue par la fédération départementale du syndicat.

    Ces montants sont calculés « pour la première année », car la FNSEA propose aussi son « offre renouvellement », pour un ou plusieurs saisonniers « déjà venu(s) sur l’exploitation », soit « 120 euros hors taxe par saisonnier, puis au 4e 20 euros par saisonnier ». Le syndicat entend donc prélever sa dîme aussi pour les saisonniers déjà connus de l’employeur.

    « Le réseau FNSEA est le premier à mettre en place un schéma organisé et vertueux incluant la phase amont de #recrutement dans les pays hors UE », vante un autre document, qui précise les « éléments de langage » destinés à promouvoir le service « auprès des employeurs agricoles ». « La construction d’un cadre administratif conventionné a été réalisée en concertation avec les ministères de l’intérieur, du travail, des affaires étrangères, les agences pour l’emploi », indique ce document, qui signale que « les premiers pays engagés dans la démarche sont la Tunisie et le Maroc », mais que « d’autres suivront ».

    Dans le lot des récentes #concessions_gouvernementales à la FNSEA figure d’ailleurs la possible inscription de plusieurs #métiers_agricoles dans la liste des #métiers_en_tension – agriculteurs, éleveurs, maraîchers, horticulteurs, viticulteurs et arboriculteurs salariés. Cette mesure qui pourrait être prise par arrêté, le 2 mars, après consultation des partenaires sociaux, doit permettre d’accélérer les procédures de recrutement hors UE. Et devrait donc faciliter le fonctionnement de la cellule ad hoc du syndicat.

    Dans sa note de cadrage, la FNSEA avertit son réseau d’un « point de vigilance » sur le #vocabulaire à employer s’agissant des saisonniers et recommande d’éviter d’employer les termes « #migrant » ou « #primo-migrant » dans leur description du service.

    Le fonctionnement de la « cellule recrutement » des saisonniers n’est pas détaillé par la FNSEA. « Les candidats sont retenus selon les critères mis en place par un #comité_de_sélection composé d’exploitants qui examinent la pertinence des candidatures », précise seulement le syndicat.

    « L’exploitant retrouve le pouvoir de déterminer les compétences souhaitées pour les saisonniers qu’il recrute, il redevient donc maître de ses choix en matières RH. La FD [la fédération départementale – ndlr] l’accompagne et vérifie avec lui la cohérence de ses besoins avec les productions pratiquées (nombre de saisonniers, périodes, tâches). »

    –—

    Le précédent de Wizifarm

    « Nos saisonniers agricoles » n’est pas la première tentative de la FNSEA sur le marché du travail des saisonniers. En 2019, sa fédération départementale de la Marne et deux entreprises contrôlées par le syndicat avaient créé une #start-up, #Wizifarm, pour offrir aux agriculteurs une #plateforme de recrutement de saisonniers en ligne « en s’inspirant du modèle des sites de rencontre ». Lors du premier confinement, cette plateforme est mise à profit par la FNSEA et Pôle emploi pour tenter de fournir de la #main-d’œuvre à l’agriculture dans le cadre de l’opération « desbraspourtonassiette.wizi.farm ».

    La structure a été initialement capitalisée à hauteur de 800 000 euros par « l’apport en nature de logiciels » achetés par la FDSEA à la société #TER’informatique – présidée par le secrétaire général adjoint de la FDSEA, #Mickaël_Jacquemin –, et par l’apport de 100 000 euros de la société d’expertise comptable de la fédération, #AS_Entreprises – présidée par le président de la FDSEA #Hervé_Lapie.

    Cinq fédérations départementales du syndicat et la chambre d’agriculture de la Marne ont rejoint la start-up en 2021. Mais, fragile financièrement, Wizifarm s’essouffle. La société vote sa dissolution anticipée et sa mise en liquidation judiciaire fin 2022. Wizifarm laisse un passif de 1,3 million d’euros. Contactés, Hervé Lapie et Mickaël Jacquemin ont refusé de répondre aux questions de Mediapart.

    –—

    On ne sait pas précisément comment la cellule de la FNSEA fonctionnera avec ses « fédés » départementales mais « un process informatique national » doit charpenter l’initiative. Sollicité par Mediapart au Salon de l’agriculture, Jérôme Volle, artisan de ce dispositif, vice-président de la FNSEA et président de sa commission emploi, n’a pas souhaité répondre à nos questions.

    En 2022, il soulignait que « les filières viticoles et arboricoles », « très gourmandes en main-d’œuvre », étaient « les plus mobilisées dans la recherche de candidats », suivies par la filière maraîchage.

    Aucune des différentes notes de cadrage obtenues par Mediapart n’évoque la #rémunération des saisonniers ou leurs #conditions_de_travail ou d’hébergement, pourtant récemment au cœur de l’actualité. En septembre dernier, après la mort de quatre personnes lors des vendanges en Champagne, la Confédération paysanne avait demandé un « plan de vigilance et d’amélioration des conditions de travail et de rémunération » pour les saisonniers, ainsi que « le contrôle des sociétés de prestation de services internationales ».

    https://www.mediapart.fr/journal/france/290224/travailleurs-saisonniers-du-maghreb-la-fnsea-lance-son-propre-business
    #travail_saisonnier #saisonniers #agriculture #France #accords_bilatéraux #migrations #business

  • VRAI OU FAUX. Nicole Belloubet a-t-elle envisagé la « suppression du ministère de l’Education nationale » ?
    https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-faux-nicole-belloubet-a-t-elle-envisage-la-suppression-du-minis


    Nicole Belloubet, nommée ministre de l’Education après un remaniement ministériel, le 8 février 2024. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

    Cette expression provient du titre d’un article sur la décentralisation du système scolaire français, rédigé par la nouvelle ministre en 2016. Un titre provocateur que l’ancienne rectrice d’académie assumait à l’époque.
    Article rédigé par Linh-Lan Dao
    France Télévisions
    Publié le 12/02/2024 06:13

    La nouvelle patrone de l’Education nationale n’a pas l’habitude de mâcher ses mots sur l’institution. En 2016, l’ancienne rectrice d’académie, a publié un article dans la revue universitaire Après-demain, intitulé « Supprimer le ministère de l’Éducation nationale ? ». Un titre qu’elle temporise aussitôt dans l’article : « À l’évidence il s’agit d’une provocation, mais une provocation source de réflexion ! » En effet, dans cet article, il n’est pas tant question pour l’auteure de démanteler un ministère, dont elle rappelle l’importance, que de décentraliser le système éducatif français.

    Succédant à une Amélie Oudéa-Castera sur la sellette, Nicole Belloubet a assuré jeudi 8 février qu’elle « poursuivait la mise en oeuvre » des mesures annoncées par Gabriel Attal et Emmanuel Macron. Port de l’uniforme, harcèlement scolaire, groupes de niveaux... Nombreux sont les dossiers brûlants qui attendent la nouvelle ministre. Toutefois, l’ex-Garde des Sceaux, issue du sérail socialiste, n’a pas toujours été alignée sur la politique éducative actuelle de l’exécutif. Comment entendait-elle, il y a sept ans, réformer l’Education nationale ? Franceinfo revient sur ses prises de position.
    « Des fariboles sur le port de la blouse »

    Quand elle a publié son article sur la « suppression du ministère de l’Education nationale », Nicole Belloubet était alors membre du Conseil constitutionnel. Avant cela, son parcours était étroitement lié au système éducatif français : docteure en droit public, professeure des universités puis rectrice des académies de Limoges et Toulouse, entre 1997 et 2005. Dans son article, elle rappelle la mission des instituteurs et celle de l’autorité ministérielle, qui en « garantit la cohérence, réalise les indispensables péréquations pour conquérir plus d’égalité, labellise les diplômes, leur qualité et leur valeur d’insertion sociale, en particulier ».

    Tandis qu’elle plaidait pour « la prise en compte des besoins spécifiques des élèves », l’ancienne rectrice critiquait d’un autre côté les « fariboles sur la restauration de l’autorité ou le port de la blouse ». Une expérimentation à grande échelle de l’uniforme avait été annoncée par Gabriel Attal en décembre dernier. Interrogé sur Nicole Belloubet, le Premier ministre a déclaré jeudi soir sur France 2 qu’"on peut avoir pris des positions par le passé et avoir évolué" assurant que ses ministres sont « totalement alignés » sur ses positions. Vendredi, à son arrivée au ministère, Nicole Belloubet a pris soin d’évoquer « les valeurs de respect et d’autorité ».
    Une « décentralisation » du système éducatif français

    Plus de local, moins d’Etat. Pour Nicole Belloubet, « le système éducatif français doit évoluer vers plus de décentralisation territoriale et fonctionnelle », a-t-elle estimé dans son article de 2016, aux allures de feuille de route ministérielle. A savoir, une gestion des établissements scolaires plus locale, assurée par les collectivités territoriales, visant plus de mixité sociale et une réduction des inégalités scolaires.

    Côté ressources humaines, l’ancienne rectrice a réclamé une plus grande autonomie des établissements scolaires dans le recrutement des enseignants. « Même s’il faut un pouvoir régulateur de niveau supérieur, c’est le chef d’établissement qui est le garant de l’unité et de la réussite de son équipe. Faut-il aller plus loin ? », a-t-elle interrogé. Nicole Belloubet voulait aussi confier aux régions le pilotage des filières agricoles et professionnelles. « Cela fait des années que l’État tente sans grand succès de revaloriser un enseignement professionnel dont l’image reste toujours aussi dégradée, alors même qu’il attire un nombre important de jeunes », a-t-elle justifié.

    Pour étayer son propos, l’ancienne sage n’a pas hésité à évoquer l’exemple des 35 autres pays membres de l’OCDE, où pour la majorité, « la gestion unique par l’État devient une exception, de même que la conception centralisée et détaillée des programmes scolaires », relève-t-elle. Sans tout à fait remettre cet Etat en question, puisqu’elle a soutenu que « le soutien concret » aux établissement scolaires « émane des concours tant de l’État que des collectivités locales ».

    Pas de « suppression du ministère de l’Education nationale » à l’ordre du jour, donc. Mais en 2024, la décentralisation du système scolaire français fait-elle partie des futurs chantiers de la ministre ? Sollicité par franceinfo, le cabinet du ministère de l’Education nationale n’a pas répondu à notre demande.

  • Des Malawites en quête de travail en Israël, « une chance », en dépit de la guerre
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/12/01/des-malawites-en-quete-de-travail-en-israel-une-chance-en-depit-de-la-guerre

    Des Malawites en quête de travail en Israël, « une chance », en dépit de la guerre
    Lilongwe a signé un accord avec Tel-Aviv « d’exportation de main-d’œuvre » alors que de nombreuses fermes israéliennes sont désertées depuis les attaques du Hamas début novembre.
    Ils considèrent ça comme une chance, malgré la guerre : au Malawi, pays d’Afrique australe parmi les plus pauvres de la planète, des centaines de jeunes font la queue, prêts à rejoindre Israël pour y travailler, avec l’espoir d’une vie meilleure. « C’est risqué, mais c’est mieux que de rester chez nous à ne rien faire », lâche à l’AFP une jeune femme de 24 ans, qui ne souhaite pas donner son nom. Comme elle, ils sont plusieurs centaines ce jour de novembre à attendre pour déposer leur candidature au départ, dans cet hôtel de la capitale, Lilongwe, transformé temporairement en centre de recrutement. Serrant contre elle une enveloppe marron contenant son dossier, elle raconte être au chômage depuis la fin de ses études, il y a trois ans : « Je prie pour que nous rentrions tous chez nous sains et saufs, mais c’est un risque que je prends. »
    Le Malawi, où près des trois quarts des 20 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, mène un programme d’émigration ciblant les jeunes, pour leur permettre notamment de gagner des devises étrangères, dont le pays a désespérément besoin.
    Lilongwe a tissé des liens étroits avec Tel-Aviv au fil des années, alors que d’autres pays africains défendent plus radicalement les droits des Palestiniens. Par le passé, le pays a déjà envoyé en Israël des diplômés en agriculture. Depuis les attaques du Hamas du 7 octobre, suivis de bombardements israéliens massifs sur Gaza en représailles, des milliers d’employés agricoles ont quitté les fermes en Israël, dépouillant ce secteur important de l’économie nationale d’une partie de sa main-d’œuvre. En plus de cet exode, quelque 350 000 Israéliens ont été appelés sous les drapeaux et les travailleurs palestiniens de Gaza ont vu leur permis de travail israélien révoqué après les attaques.
    « La vie est faite de hasard, on fait des paris. Parfois c’est bien de prendre des risques », philosophe Blessings Kanyimbo, un autre candidat. Mercredi soir, un avion a décollé pour Tel-Aviv. Un autre était déjà parti la semaine dernière, transportant plus de 200 jeunes hommes et femmes attirés par les promesses d’embauches dans les fermes désertées.Jusqu’à 5 000 Malawites pourraient ainsi être envoyés en Israël, selon les autorités. Les recrutements sont prévus jusqu’à fin janvier 2024. « La vie est dure au Malawi, de plus en plus. On ne voit pas le bout du tunnel », se lamente Graciam Banda, qui attend aussi patiemment dans la file. Ce commerçant de 30 ans dit gagner l’équivalent de 60 dollars (55 euros) par mois quand Israël lui promet un salaire mensuel de 1 500 dollars. « Je dois nourrir ma famille, payer mon loyer et m’occuper de tout le reste. Avec ce que je gagne ici, c’est impossible, calcule-t-il. Ce job, même à 6 800 km de là, c’est une chance pour moi. »
    L’opposition au Malawi a qualifié l’accord « d’exportation de main-d’œuvre » du gouvernement de « transaction diabolique » avec une région où la guerre a déjà fait des milliers de morts. Les organisations de défense des droits humains ont exigé que soient dévoilées les conditions exactes de l’accord avec Israël afin que les Malawites soient informés des risques qu’ils encourent. Mais le gouvernement rejette les critiques en bloc alors que des dizaines de travailleurs étrangers figuraient parmi les 239 personnes prises en otage par le Hamas, selon Israël.
    « Nos jeunes travaillent dans de nombreux pays comme le Qatar, les Emirats arabes unis, le Koweït, Israël et bien d’autres, a expliqué à l’AFP le ministre de l’information, Moses Kunkuyu. Tout peut arriver n’importe où, mais le même niveau de sécurité que celui accordé aux citoyens israéliens sera accordé aux citoyens malawites. » L’ambassadeur d’Israël au Malawi, Michael Lotem, a pour sa part assuré dans la presse locale qu’il s’agit d’un accord « gagnant-gagnant », arguant que les Malawites gagneront de l’argent et du savoir, tandis qu’Israël comblera en partie son déficit de main-d’œuvre. Les travailleurs malawites « ne vont pas à Gaza. Ils travailleront en Israël », a souligné M. Lotem, promettant : « Nous prendrons soin d’eux autant que nous prenons soin des Israéliens. »

    #Covid-19#migrant#migration#israel#malawi#gaza#travailleurmigrant#economie#recrutement#economie#agriculture

  • Immigration : entre le Maroc et la France, le ballet des saisonniers agricoles
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/03/immigration-entre-le-maroc-et-la-france-le-ballet-des-saisonniers-agricoles_

    Immigration : entre le Maroc et la France, le ballet des saisonniers agricoles
    Par Julia Pascual (Casablanca (Maroc), envoyée spéciale)
    Dans un contexte de hausse des besoins de recrutement, la France recourt plus que jamais à des migrants temporaires. Rencontrés à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de Casablanca, où les candidats défilent, certains racontent les conditions de travail difficiles dans les exploitations agricoles et les mauvaises pratiques d’intermédiaires.
    A Fès, il travaillait dans un hôtel cinq étoiles et servait les touristes, français et chinois pour la plupart. Il était payé 100 dirhams par jour, soit moins de 10 euros. En France, dit-il, il gagnera 100 euros par jour. Alors Imad (les personnes citées par leur seul prénom ont requis l’anonymat) n’hésite pas. Bientôt, il rejoindra une exploitation agricole dans la région de Nîmes, où il récoltera des navets. Ce matin d’octobre, le jeune homme de 34 ans est venu passer une visite médicale dans les locaux marocains de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), à Casablanca. Un médecin doit vérifier son aptitude physique avant qu’un visa lui soit remis.
    Imad va bientôt partir pour Nîmes, où il récoltera des navets. Ici le 11 octobre 2023, à Casablanca, au Maroc. A côté de lui, d’autres travailleurs saisonniers défilent. Qui pour emballer des poireaux, qui pour récolter des noisettes, qui pour tailler la vigne, principalement dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, la Haute-Corse ou encore le Lot-et-Garonne. (...)
    Les bureaux de l’OFII sont installés dans des bâtiments qui servaient, avant l’indépendance, de lieu de casernement pour les soldats marocains qui combattaient au côté de la France. Les bidasses ont été remplacés par des travailleurs depuis 1963 et la signature d’un accord de main-d’œuvre entre les deux pays.
    Seuls les étudiants et les titulaires de passeports talents (un titre de séjour destiné aux profils très qualifiés) s’adressent directement au consulat de France. Tous les autres – travailleurs permanents, saisonniers, candidats au regroupement familial – font étape à l’OFII. Casablanca abrite la plus grosse antenne de l’établissement à l’étranger.
    Depuis la pandémie de Covid-19, les flux de travailleurs saisonniers ont considérablement augmenté. En 2022, près de 17 000 d’entre eux ont ainsi été recrutés au Maroc, contre un peu plus de 8 000 en 2019 et moins de 5 000 en 2013. En 2023, les chiffres devraient tourner autour de 15 000 saisonniers, originaires pour la majorité d’entre eux des régions de Fès-Meknès et de l’Oriental. Parmi eux, 95 % sont des hommes et des ouvriers agricoles, payés au smic de la profession. Dans un contexte d’augmentation des besoins de recrutement, la France – premier producteur agricole européen – recourt plus que jamais à ces migrants temporaires, dont les contrats durent entre trois et six mois maximum. Le restant est employé dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. « Je reçois deux fois plus d’autorisations de travail que je n’ai de créneaux pour déposer les demandes de visas pour cette catégorie de salariés », rapporte Ahmed Chtaibat, le directeur de l’OFII à Casablanca, incapable de satisfaire la demande d’immigration professionnelle qui lui arrive d’employeurs en France, friands d’une main-d’œuvre peu chère et tenue par la promesse d’un titre de séjour. « Le traitement de ces dossiers est loin d’être satisfaisant », poursuit-il.
    Cela fait huit ans que Jalila rejoint les cultures de fraises sous serre du Lot-et-Garonne. Cette femme de 53 ans, sans enfant, part six mois et vit le reste de l’année au Maroc grâce à la paye amassée. Elle parvient même à « mettre de côté » pour sa retraite. On la croise à l’OFII, où elle est venue déclarer son retour au pays, démarche indispensable pour espérer, l’année suivante, voir son visa renouvelé. « J’aimerais m’installer en France, confie pourtant Jalila, notamment pour le système de soins. » (...)
    Dans une petite salle de l’OFII, une trentaine de saisonniers se sont assis sur des rangées de bancs. Le plus jeune a 25 ans, le plus âgé 64 ans. Ils font partie des 1 300 ouvriers agricoles envoyés cette année par charters en Haute-Corse pour l’« opération clémentine », une récolte qui s’étale d’octobre à février et qui ne peut se faire que grâce à ces ouvriers marocains. Un agent de l’OFII leur explique sommairement qu’il va leur remettre à chacun passeport, visa et qu’ils sont attendus le lendemain matin à l’aéroport. Et il ajoute : « Si jamais le patron ne vous renouvelle pas, venez nous voir et on vous trouvera un autre patron. » L’un d’eux prend alors la parole : « Mon frère n’a pas été renouvelé cette année alors que ça faisait quatre ans qu’il travaillait pour un patron, rapporte-t-il. Quatre ans de sa vie sont partis en fumée parce que le chef de culture a exigé 100 euros par mois pour que le contrat soit renouvelé. » Il a refusé et a perdu son travail.A quelques encablures de l’OFII, dans une petite maison dotée de deux chambres, une douzaine d’ouvriers se sont installés pour passer les quelques nuits qui précèdent la date de leur vol vers la Corse. Ils viennent de Marrakech ou de Taroudant et ont l’habitude de se retrouver ici avant leur saison en France. Le plus âgé fait la récolte des clémentines depuis dix-huit ans. Dans sa valise, hormis une paire de genouillères, une combinaison de travail et quelques tee-shirts, il a placé deux litres d’huile d’olive, des boîtes de thon et, dans des sachets de plastique, du riz, des pois chiches, des lentilles et des épices. Il passera tout son temps sur son lieu de travail. « On a le droit de sortir de l’exploitation mais quand ça nous arrive, le patron nous lance un mauvais regard et nous le reproche, explique Mounir, embauché depuis dix ans par le même employeur corse. Alors l’un de nous va faire des courses alimentaires tous les quinze jours et c’est tout. »
    S’ils gagnent en France trois fois le salaire auquel ils pourraient prétendre au Maroc, tous décrivent un « travail acharné ». « Si on ne remplit pas chacun cinq palox [caisse palette en plastique] par jour, le patron ne nous dit pas bonjour le lendemain et il menace de ne pas nous reprendre l’année d’après. » Ils racontent aussi les heures supplémentaires payées au noir, les journées de pluie non travaillées… et non rémunérées. Se plaindre à l’OFII ? Trop risqué, croit Mounir : « Le patron ruinerait notre réputation auprès de tous les autres et on n’aurait plus de travail. » Cette insécurité l’angoisse. Alors, ils sont plusieurs à mûrir une décision : celle de ne pas revenir au Maroc à l’issue de la saison et de basculer dans la clandestinité. « J’irai en Espagne, là-bas il y a des opportunités », assure Mounir. Si, en 2019, 95 % des saisonniers retournaient au Maroc à l’issue de leur contrat, ils ne sont plus que 80 % désormais. Le directeur de l’OFII au Maroc y voit notamment l’effet d’un dévoiement du système par des intermédiaires. « L’an dernier, une société qui recourait à des saisonniers a été sortie du dispositif car le chef de culture prenait 8 000 euros sur chaque contrat et les partageait avec le patron », rapporte-t-il.
    Huit mille euros, le prix d’un sésame pour l’Europe. « Avant, le recrutement des saisonniers se faisait par affinités, par le réseau familial ou à l’échelle d’un village, mais maintenant, la plupart des employeurs recourent à des intermédiaires informels pour trouver des candidats, explique M. Chtaibat. Dans ce système, des réseaux se sont spécialisés dans le rabattage de saisonniers et l’intérêt de l’intermédiaire est de vendre un contrat entre 8 000 et 12 000 euros. La monétarisation attire des profils pour qui le dispositif est surtout un moyen sécurisé d’entrer en France. » Pour ne pas revenir.
    Afin de contourner ce risque, l’OFII essaye de développer des partenariats entre des syndicats d’employeurs et l’Anapec, le Pôle emploi marocain. Un système éprouvé au début des années 2000. Une convention a, par exemple, été signée en juin avec Légumes de France. Confronté à un manque criant de main-d’œuvre, le syndicat de producteurs ambitionne de faire venir à terme 7 000 saisonniers du Maroc. A cette fin, l’Anapec organise une présélection de profils en ciblant les hommes âgés de 30 à 50 ans, mariés, pères d’enfants en bas âge et originaires de zones rurales. Sylvestre Bertucelli, le directeur général de Légumes de France, y voit une garantie : « Ceux-là, on est sûr qu’ils reviendront au pays. »

    #Covid-19#migrant#migration#france#maroc#OFII#migrationsaisonniere#agriculture#reseau#contrat#economie#recrutement#sante

  • Comment l’austérité paralyse l’université

    [Rentrée sous tension à la fac] Pour dénoncer leur manque de #reconnaissance, des enseignants démissionnent de leurs #tâches_administratives, alors que le projet de loi de finances 2024 risque d’aggraver les difficultés financières de l’université.

    Les présidents d’université l’ont mauvaise. La raison ? Le #projet_de_loi_de_finances (#PLF) 2024, qui n’est pas à la hauteur des besoins de leurs établissements. Déjà fortement impactées par la hausse des prix en général et des coûts de l’énergie en particulier, les universités vont en effet devoir financer pour 2023 et 2024 une partie de la hausse des #salaires décidée en juin par le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini. « Une très mauvaise nouvelle », a réagi France Universités dans un communiqué du 19 octobre :

    « Pour les universités, cela signifie qu’elles devront financer 120 millions d’euros [sur un coût total d’environ 400 millions d’euros, NDLR], soit par prélèvement sur leurs fonds de roulement, soit par réduction de leur campagne d’emplois. Cela équivaut à 1 500 #emplois de maîtres de conférences en moins, non ouverts au recrutement, dénonce l’association, qui fédère l’ensemble des présidents d’universités. Encore une fois, les universités font les frais de la #politique_budgétaire du gouvernement qui considère l’#enseignement_supérieur et la #recherche comme une variable d’ajustement et non comme un investissement en faveur de la jeunesse », ajoute le communiqué.

    La situation est, il est vrai, particulièrement difficile, avec de nombreuses universités au #budget_déficitaire ou en passe de le devenir. Et un gouvernement qui n’entend rien leur concéder.

    Chute de la dépense par étudiant

    Début septembre, #Emmanuel_Macron expliquait, dans un échange avec le Youtubeur Hugo Travers, qu’il n’y avait « pas de problème de moyens » dans l’enseignement supérieur public, dénonçant une forme de « #gâchis_collectif » puisque, à ses yeux, il y aurait « des formations qui ne diplôment pas depuis des années » et d’autres qui se maintiennent « simplement pour préserver des postes d’enseignants ».

    Dans la foulée, la ministre #Sylvie_Retailleau, exigeait de libérer leurs #fonds_de_roulement – cet « argent public qui dort » d’après elle – estimés à un milliard d’euros, et qui permettrait de financer une partie des mesures en faveur du pouvoir d’achat des #fonctionnaires décidées cet été. Seulement, arguent les chefs d’établissements, ces fonds sont destinés aux rénovations énergétiques des bâtiments ou aux équipements de laboratoires de recherches.

    Déjà peu élevée par rapport aux autres pays d’Europe, la #dépense_par_étudiant décroche en réalité nettement depuis 2010. À l’université, le nombre d’inscrits a augmenté de 25 %, et le budget d’à peine 10 %. Le nombre d’enseignants a, lui, baissé de 2 %.

    « Pour retrouver les #taux_d’encadrement de 2010, il faudrait créer 11 000 postes dans les universités », a calculé Julien Gossa, maître de conférences en sciences informatiques à l’université de Strasbourg et fin observateur des questions liées à l’enseignement supérieur.

    Dans le détail, ces chiffres masquent des #inégalités : tous les établissements ne sont pas dotés de la même manière. Difficile d’obtenir des données officielles à ce sujet, mais celles produites par Julien Gossa révèlent des écarts allant parfois du simple au double.

    A L’université de Créteil, qui a vu ses effectifs exploser ces dernières années et devrait atteindre un #déficit de 10 millions d’euros cette année, l’Etat débourse en moyenne 6 750 euros par étudiant. À Aix-Marseille, le montant s’élève à 10 000 euros. À la Sorbonne, celui-ci est de 13 000 euros, soit presque deux fois plus qu’à Nantes (7 540 euros). Et largement plus qu’à Nîmes (5 000 euros). « Ces grandes différences ne peuvent s’expliquer uniquement par des frais de structures », souligne Hervé Christofol, membre du bureau national du Snesup-FSU.

    La #concurrence s’est aggravée en 2007 avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (#LRU). Réforme majeure du quinquennat de #Nicolas_Sarkozy, elle a transféré aux établissements universitaires la maîtrise de leurs budgets, et de leurs #ressources_humaines, qui revenait jusqu’ici à l’Etat.

    « On nous a vendu l’idée selon laquelle les universités seraient plus libres de faire leurs propres choix en s’adaptant à leur territoire. Mais en réalité, le gouvernement s’est tout simplement déresponsabilisé », tance Julien Gossa.

    Manque de profs titulaires

    Concrètement, pour fonctionner à moyens constants, les présidents d’universités sont contraints de mener des politiques d’austérité. Conséquences : les #recrutements d’#enseignants_titulaires sont gelés dans plusieurs universités, comme à Créteil, et celles et ceux en poste accumulent les #heures_supplémentaires.

    En 2022, le nombre d’ouvertures de postes de maîtres de conférences a augmenté de 16 %, mais cela ne suffit pas à rattraper la stagnation des dernières années. Le Snesup-FSU, syndicat majoritaire, avait d’ailleurs identifié la date du 26 janvier comme le « #jour_du_dépassement_universitaire », autrement dit le jour à compter duquel les titulaires ont épuisé les heures correspondant à leurs obligations de service pour l’année en cours.

    Au-delà, tous les enseignements sont assurés en heures supplémentaires, ou bien par le recrutement de #contractuels ou #vacataires – des #contrats_précaires qui interviennent de façon ponctuelle, sans que l’université ne soit leur activité principale. Les syndicats estiment qu’ils sont entre 100 000 et 130 000. Leur #rémunération : à peine 40 euros bruts de l’heure, contre environ 120 euros bruts pour un titulaire.

    Les problématiques de rémunération ont d’ailleurs créé la pagaille lors de la rentrée dans un certain nombre d’universités. À Paris-Est-Créteil, les étudiants de première année de la filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) ont vu leur rentrée décalée de deux semaines. Puis les cours ont démarré, mais dans une situation pour le moins dantesque : pas préparés en amont, les groupes de TD ont été créés dans la panique par des agents administratifs déjà débordés… Sans tenir compte des options souhaitées par les étudiants.

    Une quinzaine d’enseignants ont en effet démissionné d’une partie de leurs responsabilités : ils continuent d’assurer leurs cours, mais refusent d’effectuer leurs tâches administratives ou pédagogiques non statutaires pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’un « manque de reconnaissance » de l’État. À Rouen, ils sont 57 à en avoir fait de même. Même son de cloche à l’IUT Sciences de gestion de l’Université de Bordeaux, ou à celui de Chimie d’Aix-Marseille.

    « Cela impacte tout le monde, insiste Gabriel Evanno, représentant du bureau des élèves de Staps à Créteil. Pour l’instant, nous ne savons même pas si les partiels de cet hiver pourront avoir lieu puisqu’il n’y a plus de surveillants d’examens. Nous ne savons pas non plus qui sera en mesure de signer nos conventions de stages étant donné que les enseignants qui étaient en mesure de le faire n’y sont plus habilités depuis leurs démissions de ces tâches. »

    L’étudiant soutient, malgré tout, la protestation des enseignants.

    Mobilisations des « ESAS »

    Ces #démissions_massives sont le fruit d’une #mobilisation démarrée il y a un an à l’initiative du collectif 384 regroupant près de 2 000 enseignants au statut particulier, les #enseignants_du_secondaire_affectés_dans_le_supérieur (#ESAS) : des professeurs agrégés, d’autres certifiés, d’autres issus de lycées professionnels. Au nombre de 13 000, ces enseignants se trouvent majoritairement dans les instituts universitaires de technologie (IUT), les filières Staps ou les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).

    Toutes et tous assurent 384 heures de cours par an, soit deux fois plus que les enseignants-chercheurs, sans compter le suivi des étudiants.

    Or, début 2022, un nouveau système de #primes pouvant atteindre d’ici 2027 6 400 euros par an a été mis en place, pour inciter à prendre en charge des tâches administratives et pédagogiques. Le problème, c’est qu’il a été réservé aux enseignants-chercheurs, alors même que les ESAS remplissent tout autant ce genre de missions.

    « En plus de nos heures de cours, nous assurons depuis longtemps des missions non statutaires, parfois délaissées par les enseignants-chercheurs : le suivi des stages, le recrutement des étudiants, ou encore l’élaboration des emplois du temps, énumère Nicolas Domergue, porte-parole du collectif et enseignant à l’IUT du Puy-en-Velay. Le tout pour la somme ridicule de 600 euros par an. On est surinvestis, et pourtant oubliés au moment des réformes. »

    Pour Guillaume Dietsch, enseignant en Staps de l’Université de Paris-Est-Créteil et « démissionnaire », cette exclusion des primes a été « la goutte d’eau de trop. Cette injustice a été perçue de façon symbolique comme un manque de reconnaissance plus large de notre travail. »

    Le Ministère de l’enseignement supérieur avait d’abord justifié cette différence de traitement par l’absence de mission de recherche des enseignants issus du second degré, avant de chercher un moyen de stopper la vague des démissions. Pour calmer la grogne, début septembre, le Ministère a débloqué 50 millions d’euros afin de revaloriser la prime des ESAS qui passera à 4 200 euros en 2027. Ce qui fait toujours 2 200 euros de moins que celle accordée aux enseignants-chercheurs.

    « Contrairement à ce que ce procédé laisse entendre, nous pensons que la formation des futurs actifs doit être reconnue au même niveau que la recherche », rétorque Nicolas Domergue.

    Au-delà de cette question de prime, se joue une autre bataille : celle de l’évolution de carrière. De par leur statut hybride, ces enseignants sont pris en étau entre deux ministères, celui de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’éducation nationale.

    « Notre carrière est quasiment à l’arrêt dès que l’on quitte le secondaire, regrette Céline Courvoisier, membre du collectif 384 et professeure agrégée de physique à l’IUT d’Aix-Marseille. Nous ne sommes plus évalués par le rectorat au motif que nous travaillons dans le supérieur. »

    Ces enseignants sont, de fait, exclus des primes dont peuvent bénéficier leurs collègues dans les collèges ou les lycées. Pour eux, c’est la double peine quand les effets de l’austérité budgétaire s’ajoutent à leur insuffisante reconnaissance salariale. Ainsi, depuis 2021, les IUT se font désormais en trois ans au lieu de deux auparavant.

    « Nous avons dû monter une troisième année à coûts constants alors que cela nécessite nécessairement des embauches, des salles… Comment est-ce possible ? », interroge Céline Courvoisier.

    Surtout, a-t-on envie de se demander, combien de temps cette situation va-t-elle pouvoir durer ?

    https://www.alternatives-economiques.fr/lausterite-paralyse-luniversite/00108494

    #austérité #université #ERS #France #facs #démission

  • A Moscou, la chasse aux migrants pour garnir les rangs de l’armée
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/27/a-moscou-la-chasse-aux-migrants-pour-garnir-les-rangs-de-l-armee_6196764_321

    A Moscou, la chasse aux migrants pour garnir les rangs de l’armée
    Par Benoît Vitkine(Moscou, correspondant)
    Comme s’il craignait les répliques des événements de la semaine précédente, Rouslan (le prénom a été modifié) fait un détour imperceptible, s’éloignant de quelques pas des portes métalliques derrière lesquelles s’abrite la mosquée de Kotelniki. « En réalité, il n’y a pas grand-chose à faire pour se protéger, reconnaît ce citoyen kirghiz d’une trentaine d’années, qui habite à quelques pâtés d’immeubles de là. Tu peux être contrôlé et arrêté partout : dans le métro, dans la rue, sur ton lieu de travail… » Le raid de la police, vendredi 20 octobre, dans cette banlieue-dortoir située à une heure du centre de Moscou, à la sortie de la prière musulmane, a marqué les esprits.
    En fait de mosquée, le lieu est une modeste salle de prière nichée dans les étages d’une tour HLM. Kotelniki, 70 000 habitants dont une forte population immigrée, en compte une poignée. Celle du boulevard Pokrovski défraie régulièrement la chronique : attroupements massifs, protestations des riverains, visites régulières de la police… En juillet, les forces antiémeutes sont entrées, précédées de gaz lacrymogènes, pour procéder à des contrôles d’identité. L’épisode du 20 octobre a été moins brutal. Il est lié non pas aux tensions ethniques et religieuses qui agitent occasionnellement Moscou (selon les estimations, contestées, du grand mufti de Russie, la capitale compterait 3 à 4 millions de musulmans), mais aux conséquences de la guerre en Ukraine : en manque de bras pour l’armée, et soucieux d’éviter une nouvelle vague de mobilisation impopulaire, le pouvoir russe fait la chasse aux migrants. (...)
    Environ 250 personnes ont été emmenées. Selon les informations du Monde, seize n’étaient pas revenues une semaine plus tard et ont été incorporées à l’armée. Parmi eux, le finaliste d’un télécrochet célèbre, Mamout Ouseïnov, qui a filmé toutes les étapes, depuis l’arrestation jusqu’à l’arrivée du groupe directement dans un dortoir militaire. C’est grâce à sa présence que l’affaire a reçu un certain écho. « Le même jour, rien que pour Kotelniki et ses environs, il y a eu deux autres rafles sur des marchés, précise Valentina Tchoupik, défenseuse historique des droits des migrants, qui vit désormais en exil. Depuis l’été, ce sont des dizaines à travers toute la Russie. »
    Face au scandale – relatif –, les autorités militaires ont expliqué que le but était de vérifier les états de service des personnes contrôlées. Depuis novembre 2022, une loi exige en effet que les étrangers ayant acquis la nationalité russe à l’âge adulte effectuent, s’ils ont moins de 30 ans, leur service militaire. La différence est notable, puisque les conscrits ne sont pas censés être envoyés sur le front ukrainien – même s’ils peuvent être mobilisés dès la fin de leur service.
    Sauf que tous les témoignages concordent pour affirmer que les officiers ont bien évoqué « l’obligation de signer un contrat d’un an », ce qui implique de rejoindre l’armée régulière pour être envoyé en Ukraine. « C’est l’une des techniques qu’ils utilisent fréquemment, constate Mme Tchoupik. Ils jouent de la confusion face à des gens qui ne connaissent pas leurs droits. Formellement, il s’agit du service militaire ; dans les faits, les recruteurs leur expliquent qu’ils doivent signer un contrat, et parfois ils les menacent de la prison. »
    Le Monde Application
    Plusieurs témoins de la rafle de Kotelniki assurent que l’alternative de la prison a bel et bien été évoquée par les officiers sur place, particulièrement insistants avec les titulaires d’un passeport russe. « Depuis quinze ans que je suis en Russie, tout le monde rêve d’obtenir la nationalité russe, constate Timour, originaire du Kirghizistan, qui a lui-même reçu son passeport peu avant la guerre. Ça te facilite la vie, ça la rend moins dangereuse… Maintenant c’est devenu synonyme de danger. » En réalité, les pressions exercées par Moscou sur les migrants ne visent pas seulement ceux ayant acquis récemment la nationalité russe. Dès le mois de septembre 2022, les autorités ont mis en place une procédure de naturalisation accélérée pour les étrangers signant un contrat avec le ministère de la défense. A en juger par les informations publiquement disponibles sur les pertes au combat, le dispositif n’a que peu séduit. La manœuvre a aussi crispé les pays d’Asie centrale et du Caucase, dont sont originaires la plupart des quelque 11 millions d’immigrés vivant en Russie, et qui s’opposent, plus ou moins fermement, à l’envoi de leurs ressortissants en Ukraine. Moscou a conduit ce travail tout en affirmant n’avoir aucun mal à recruter des volontaires pour la guerre, principalement grâce aux salaires mirobolants proposés par l’armée. Le 25 octobre, l’ancien président Dmitri Medvedev donnait ainsi le chiffre de 385 000 recrues pour l’année 2023. En plus de ce dispositif légal, les moyens utilisés pour incorporer des étrangers incluent la coercition et la duperie. Les témoignages et demandes d’aide qui remontent au réseau de Valentina Tchoupik, mais aussi à d’autres défenseurs des droits de l’homme, font état de migrants arrêtés pour être placés en position de vulnérabilité. (...)
    Mi-octobre, un acteur tadjik du nom de Charifdjon Tillozoda, qui s’était d’abord engagé avant de solliciter l’aide de ses proches pour échapper à l’envoi au front, s’est retrouvé sous le coup d’une accusation d’espionnage passible de vingt ans de détention. La prison constitue ensuite un autre vivier pour les recruteurs – ceux de Wagner, auparavant, et désormais ceux du ministère de la défense.La défenseuse des droits de l’homme assure toutefois que de telles pratiques se sont raréfiées alors qu’elles étaient, selon elle, massives en septembre-octobre 2022 et avril-mai 2023, avec des signalements à ses collègues se comptant alors en milliers par mois. Selon elle, les rafles actuelles se soldent plus souvent par des expulsions que par des tentatives de recrutement : « C’est une pratique récurrente à chaque fois que des élections approchent [un scrutin présidentiel est prévu en mars 2024], une pression très démonstrative est mise sur les migrants. Pour les policiers, c’est aussi une occasion de les voler. »
    Les cas de manipulations sont eux aussi fréquents. Le Monde a recueilli le témoignage d’un ressortissant ouzbek sur une pratique en vigueur à Sakharovo, une localité de la grande banlieue moscovite où est situé le principal centre administratif (et de rétention) pour les migrants de la capitale. Cet homme, qui demande à se faire appeler Sarvar et qui enchaîne depuis vingt ans les petits boulots dans la construction, s’y est rendu au début du mois d’octobre pour renouveler son permis de travail. (...) Sarvar assure avoir demandé, par curiosité, quelles étaient les conditions d’un tel contrat. Plus tard, au moment de déposer les documents requis pour son permis de travail, une employée lui a remis une liasse de documents à parapher pour finaliser la procédure, lui enjoignant de « faire vite » et de signer directement au guichet. Dix minutes plus tard, quand des policiers sont venus le chercher en lui disant : « Maintenant tu es des nôtres, que tu le veuilles ou non », Sarvar a compris qu’il avait signé, dans la masse de papiers, un contrat d’engagement avec le ministère de la défense.En demandant conseil à l’ambassade de son pays et à des juristes, le travailleur migrant a pu établir que le document n’était pas un contrat en bonne et due forme, mais une déclaration d’intérêt. Deux semaines plus tard, quand il est venu chercher son permis de travail, un officier a encore passé une demi-heure à essayer de le convaincre, allant jusqu’à prétendre qu’il aurait le choix entre aller au front et « rester dans la réserve ». « Depuis vingt ans, conclut Sarvar, je suis en règle, je paie mes impôts. J’ai tout subi, les passeports confisqués par les employeurs, les salaires non versés, les menaces et les violences de la police… Mais je n’imaginais pas qu’ils pourraient en arriver à un tel niveau de cynisme. »

    #Covid-19#migrant#migration#russie#guerre#recrutement#immigrant#caucase#asie#kirghizistan#oubzekhistan#passeport#nationalite#sante#droit

    • le théâtre de la candidature est un art total

      ce qui est intéressant c’est l’aspect mise en mouvement, dans anonymat, ne pas savoir qui est qui ce qui permet de destresser .... on a envie de faire autre chose pour aller déceler des savoirs être ... des employeurs me disent, les compétences techniques, ils peuvent les acquérir, ce qui importe pour moi, c’est la façon dont il va se comporter.... le sourire, faut que ça rayonne ! encore !

      l’AFP conclut son bobino par un jeune descendant de l’immigration arabe (il semble y avoir peu de colorés dans le gros groupe, où on note la présence de pas mal de candidat.e.s à des emplois vieux) qui a l’insigne honneur de rencontrer un « directeur de casting qui cherche de nouvelles silhouettes »

      le prix à payer, avec l’agence régionale Pôle emploi « scène et image », pour avancer vers un très relatif anonymat des candidatures....
      #emploi #chômeurs #chômeuses #candidat #candidate #coaching #non_verbal #improvisation_dirigée #corps #savoir_être #compétences #recrutement #théâtre