• Mort d’#Adam et #Raihane : les incohérences de la version policière révélées

    En août 2022 à #Vénissieux, deux jeunes hommes étaient tués par des tirs policiers sur un véhicule signalé volé. Les policiers ont justifié leur usage des armes en invoquant la #légitime_défense : l’un des agents aurait tiré cinq fois alors qu’il se trouvait embarqué sur le capot du véhicule en fuite. Reconstitution 3D à l’appui, la contre-enquête d’INDEX révèle les failles de ce récit.

    Dans la nuit du 18 au 19 août 2022, une intervention de police sur le parking de l’hypermarché Carrefour à Vénissieux fait deux morts. Adam B., âgé de 20 ans, et Raihane S., âgé de 25 ans, sont tués par des tirs de pistolet semi-automatique alors qu’ils se trouvent à bord d’un véhicule Renault Mégane, signalé volé.

    L’enquête a déterminé que les deux individus ont été tués par des balles provenant de la même arme, appartenant au policier Geoffray D., chef de bord d’une patrouille de la Brigade Spécialisée de Terrain affectée à Vénissieux. Au total, onze balles ont atteint le véhicule dans lequel se trouvaient Adam et Raihane.

    Les policiers ont justifié ces tirs en invoquant la légitime défense, devant un cas de « refus d’obtempérer » qui les mettait en grave danger. Selon leur récit, le policier Geoffray D. aurait été percuté par le véhicule en fuite et aurait tiré alors qu’il se trouvait embarqué sur le capot du véhicule, affirmant qu’il n’avait « pas d’autres solutions ». L’expert balistique désigné a conclu que le scénario présenté par les policiers étaient « parfaitement cohérent » avec les constatations matérielles. Le parquet a classé l’affaire sans suite.

    INDEX a mené une contre-enquête, à partir d’une reconstitution numérique en 3D de l’incident. Celle-ci révèle le caractère très peu plausible du récit policier concernant les circonstances de la mort d’Adam B. et de Raihane S., et souligne de nombreuses zones d’ombres à ce jour ignorées par l’enquête officielle.

    Adam B. et Raihane S. sont deux des treize personnes tuées par des tirs policiers sur des véhicules en mouvement au cours de l’année 2022, dans des situations dites de « refus d’obtempérer ».

    https://www.index.ngo/enquetes/mort-dadam-et-raihane-les-incoherences-de-la-version-policiere-revelees
    #enquête #contre-enquête #violences_policières #Index #refus_d'obtempérer #reconstitution #reconstruction

  • La mission d’information sur le rôle de l’éducation et de la culture dans la Défense nationale a été créée par le bureau de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale le 14 novembre 2023. Ses travaux visent à s’interroger sur le rôle que peuvent ou que pourraient avoir l’éducation et la culture dans la consolidation de l’esprit de défense des citoyens. Les députés désignés rapporteurs de la mission d’information mènent depuis le mois de décembre 2023 de nombreuses auditions d’acteurs publics ou privés issus notamment des secteurs de l’éducation, de la culture ou du monde de la défense.

    Afin d’associer pleinement les citoyens à sa réflexion, la mission d’information a décidé de mener une consultation citoyenne. Cette initiative doit permettre de consulter directement les Français sur leur perception du rôle de l’éducation dans la Défense nationale, en les interrogeant notamment sur leur rapport à l’éducation à la défense, à la journée défense et citoyenneté (JDC) ou encore au service national universel (SNU). https://assemblee-nationale.limequery.org/516594?lang=fr

    #consultation #SNU #refuser_massivement

  • #Profilage_raciste : la #Cour_européenne_des_droits_de_l’homme rend un #arrêt de principe dans l’affaire #Wa_Baile

    C’est un litige stratégique exemplaire : #Mohamed_Wa_Baile a recouru contre le contrôle de police raciste qu’il a subi devant toutes les instances suisses, jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Les juges de Strasbourg ont finalement donné raison à M. Wa Baile dans un arrêt de principe rendu aujourd’hui, constatant que la Suisse a enfreint l’interdiction de la #discrimination.


    C’est un incident qui a eu lieu il y a maintenant neuf ans : le 5 février 2015 au matin, Mohamed Wa Baile est le seul à se faire contrôler par deux fonctionnaires de police parmi la foule en gare de Zurich. Les agent·e·x·s ayant reconnu qu’aucune personne Noire n’était recherchée, Wa Baile refuse de décliner son identité. Après avoir trouvé sa carte AVS dans son sac à dos, les fonctionnaires de police le laissent partir.

    Peu de temps après, M. Wa Baile reçoit l’ordre de payer une amende de 100 francs pour #refus_d'obtempérer aux injonctions de la police. Il décide de contester cette décision, ayant déjà subi un grand nombre de contrôles de police dégradants en public en raison de la couleur de sa peau. A travers cette procédure judiciaire, il souhaite attirer l’attention sur la problématique du profilage raciste, qui touche de nombreuses personnes en Suisse.

    Soutenu par l’« #Alliance_contre_le_profilage_raciste » qui prend forme autour de son cas, Mohamed Wa Baile porte plainte et lance une procédure civile devant les tribunaux suisses. Le Tribunal fédéral n’ayant constaté aucune violation de l’interdiction de la discrimination dans cette affaire, M. Wa Baile dépose alors une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH).

    En 2022, la CrEDH a reconnu l’importance du ce cas en le désignant comme une « affaire à impact ». Dans son arrêt rendu aujourd’hui, la Cour a constaté à l’unanimité trois violations de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Elle estime que la Suisse a violé à deux reprises l’interdiction de la discrimination, garantie par l’article 14 CEDH combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée) : d’une part, compte tenu des circonstances concrètes du contrôle d’identité, elle constate une discrimination de M. Wa Baile sur la base de sa couleur de peau ; d’autre part, elle conclut que les tribunaux suisses n’ont pas examiné de manière effective si des motifs discriminatoires avaient joué un rôle dans le contrôle subi par le requérant. Les juges de Strasbourg estiment également que la Suisse a violé l’article 13 CEDH (droit à un recours effectif), dans la mesure où M. Wa Baile n’a pas bénéficié d’un recours effectif devant les juridictions internes.

    « Cet arrêt constitue une étape importante dans la lutte contre le profilage raciste (délit de faciès) et le racisme institutionnel » déclare l’Alliance contre le profilage raciste dans son communiqué de presse. Cette décision phare a des répercussions sur la politique, le système judiciaire et la police en Suisse et dans tous les Etats ayant ratifié la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour met la Suisse dans l’obligation de prendre des mesures efficaces et globales pour empêcher que les contrôles de police racistes se reproduisent à l’avenir.

    humanrights.ch accompagne ce litige stratégique depuis son lancement, l’ayant notamment documenté dans cet article : https://www.humanrights.ch/fr/litiges-strategiques/cas-traites/delit-facies

    https://www.humanrights.ch/fr/nouvelles/profilage-raciste-cour-europeenne-droits-homme-arret-principe-affaire-wa
    #CEDH #justice #racisme #police #contrôles_policiers #Suisse #profilage_racial #couleur_de_peau

    • Raniero Panzieri, Mario Tronti, Gaspare De Caro, Toni Negri (Turin, 1962)

      Conférence de Potere operaio à l’Université de Bologne en 1970.

      Manifestation de Potere operaio à Milan en 1972.

      Negri lors de son procès après la rafle du 7 avril 1979

      #Toni_Negri
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Toni_Negri

      Lénine au-delà de Lénine, Toni Negri (extrait de 33 Leçons sur Lénine), 1972-1973
      http://revueperiode.net/lenine-au-dela-de-lenine

      Domination et sabotage - Sur la méthode marxiste de transformation sociale, Antonio Negri (pdf), 1977
      https://entremonde.net/IMG/pdf/a6-03dominationsabotage-0-livre-high.pdf

      L’Anomalie sauvage d’Antonio Negri, Alexandre Matheron, 1983
      https://books.openedition.org/enseditions/29155?lang=fr

      Sur Mille Plateaux, Toni Negri, Revue Chimères n° 17, 1992
      https://www.persee.fr/doc/chime_0986-6035_1992_num_17_1_1846

      Les coordinations : une proposition de communisme, Toni Negri, 1994
      https://www.multitudes.net/les-coordinations-une-proposition

      Le contre-empire attaque, entretien avec Toni Negri, 2000
      https://vacarme.org/article28.html

      [#travail #multitude_de_singularités à 18mn] : Toni Negri, 2014
      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/actualite-philosophique-toni-negri-5100168

      à l’occasion de la parution du Hors-Série de Philosophie Magazine sur le thème, les philosophes et le #communisme.

      Socialisme = soviets + électricité, Toni Negri, 2017
      http://revueperiode.net/les-mots-dordre-de-lenine

      L’appropriation du capital fixe : une métaphore ?
      Antonio Negri, Multitudes 2018/1 (n° 70)
      https://www.cairn.info/revue-multitudes-2018-1-page-92.htm

      Domination et sabotage - Entretien avec Antonio Negri, 2019
      https://vacarme.org/article3253.html

    • Les nécros de Ration et de L’imMonde ont par convention une tonalité vaguement élogieuse mais elles sont parfaitement vides. Celle de l’Huma parait plus documentée mais elle est sous paywall...

      edit L’Huma c’est encore et toujours la vilaine bêtise stalinienne :

      Figure de prou de "l’opéraïsme" dans les années 1960, arrêté durant les années de plomb en Italie, penseur de la "multitude" dans les années 2000, le théoricien politique, spécialiste de la philosophie du droit et de Hegel, est mort à Paris à l’âge de 90 ans.
      Pierre Chaillan

      (...) Figure intellectuelle et politique, il a traversé tous les soubresauts de l’histoire de l’Italie moderne et restera une grande énigme au sein du mouvement communiste et ouvrier international . Né le 1er août 1933 dans l’Italie mussolinienne, d’un père communiste disparu à la suite de violences infligées par une brigade fasciste, Antonio Negri est d’abord militant de l’Action catholique avant d’adhérer en 1956 au Parti socialiste italien, qu’il quittera rapidement.

      Le théoricien, animateurs de “l’opéraïsme”

    • Un journaliste du Monde « Gauchologue et fafologue / Enseigne @sciencespo » diffuse sur X des extraits de l’abject "Camarade P38" du para-policier Fabrizio Calvi en prétendant que cette bouse « résume les critiques ».
      Mieux vaut se référer à EMPIRE ET SES PIÈGES - Toni Negri et la déconcertante trajectoire de l’opéraïsme italien, de Claudio Albertani https://infokiosques.net/spip.php?article541

    • #opéraïsme

      http://www.zones-subversives.com/l-op%C3%A9ra%C3%AFsme-dans-l-italie-des-ann%C3%A9es-1960

      Avant l’effervescence de l’Autonomie italienne, l’opéraïsme tente de renouveler la pensée marxiste pour réfléchir sur les luttes ouvrières. Ce mouvement politique et intellectuel se développe en Italie dans les années 1960. Il débouche vers une radicalisation du conflit social en 1968, et surtout en 1969 avec une grève ouvrière sauvage. Si le post-opéraïsme semble relativement connu en France, à travers la figure de Toni Negri et la revue Multitudes, l’opéraïsme historique demeure largement méconnu.

      Mario Tronti revient sur l’aventure de l’opéraïsme, à laquelle il a activement participé. Son livre articule exigence théorique et témoignage vivant. Il décrit ce mouvement comme une « expérience de pensée - d’un cercle de personnes liées entre elles indissolublement par un lien particulier d’amitié politique ». La conflictualité sociale et la radicalisation des luttes ouvrières doit alors permettre d’abattre le capitalisme.

    • IL SECOLO BREVE DI TONI NEGRI, Ago 17, 2023,
      di ROBERTO CICCARELLI.

      http://www.euronomade.info/?p=15660

      Toni Negri hai compiuto novant’anni. Come vivi oggi il tuo tempo?

      Mi ricordo Gilles Deleuze che soffriva di un malanno simile al mio. Allora non c’erano l’assistenza e la tecnologia di cui possiamo godere noi oggi. L’ultima volta che l’ho visto girava con un carrellino con le bombole di ossigeno. Era veramente dura. Lo è anche per me oggi. Penso che ogni giorno che passa a questa età sia un giorno di meno. Non hai la forza di farlo diventare un giorno magico. È come quando mangi un buon frutto e ti lascia in bocca un gusto meraviglioso. Questo frutto è la vita, probabilmente. È una delle sue grandi virtù.

      Novant’anni sono un secolo breve.

      Di secoli brevi ce ne possono essere diversi. C’è il classico periodo definito da Hobsbawm che va dal 1917 al 1989. C’è stato il secolo americano che però è stato molto più breve. È durato dagli accordi monetari e dalla definizione di una governance mondiale a Bretton Woods, agli attentati alle Torri Gemelle nel settembre 2001. Per quanto mi riguarda il mio lungo secolo è iniziato con la vittoria bolscevica, poco prima che nascessi, ed è continuato con le lotte operaie, e con tutti i conflitti politici e sociali ai quali ho partecipato.

      Questo secolo breve è terminato con una sconfitta colossale.

      È vero. Ma hanno pensato che fosse finita la storia e fosse iniziata l’epoca di una globalizzazione pacificata. Nulla di più falso, come vediamo ogni giorno da più di trent’anni. Siamo in un’età di transizione, ma in realtà lo siamo sempre stati. Anche se sottotraccia, ci troviamo in un nuovo tempo segnato da una ripresa globale delle lotte contro le quali c’è una risposta dura. Le lotte operaie hanno iniziato a intersecarsi sempre di più con quelle femministe, antirazziste, a difesa dei migranti e per la libertà di movimento, o ecologiste.

      Filosofo, arrivi giovanissimo in cattedra a Padova. Partecipi a Quaderni Rossi, la rivista dell’operaismo italiano. Fai inchiesta, fai un lavoro di base nelle fabbriche, a cominciare dal Petrolchimico di Marghera. Fai parte di Potere Operaio prima, di Autonomia Operaia poi. Vivi il lungo Sessantotto italiano, a cominciare dall’impetuoso Sessantanove operaio a Corso Traiano a Torino. Qual è stato il momento politico culminante di questa storia?

      Gli anni Settanta, quando il capitalismo ha anticipato con forza una strategia per il suo futuro. Attraverso la globalizzazione, ha precarizzato il lavoro industriale insieme all’intero processo di accumulazione del valore. In questa transizione, sono stati accesi nuovi poli produttivi: il lavoro intellettuale, quello affettivo, il lavoro sociale che costruisce la cooperazione. Alla base della nuova accumulazione del valore, ci sono ovviamente anche l’aria, l’acqua, il vivente e tutti i beni comuni che il capitale ha continuato a sfruttare per contrastare l’abbassamento del tasso di profitto che aveva conosciuto a partire dagli anni Sessanta.

      Perché, dalla metà degli anni Settanta, la strategia capitalista ha vinto?

      Perché è mancata una risposta di sinistra. Anzi, per un tempo lungo, c’è stata una totale ignoranza di questi processi. A partire dalla fine degli anni Settanta, c’è stata la soppressione di ogni potenza intellettuale o politica, puntuale o di movimento, che tentasse di mostrare l’importanza di questa trasformazione, e che puntasse alla riorganizzazione del movimento operaio attorno a nuove forme di socializzazione e di organizzazione politica e culturale. È stata una tragedia. Qui che appare la continuità del secolo breve nel tempo che stiamo vivendo ora. C’è stata una volontà della sinistra di bloccare il quadro politico su quello che possedeva.

      E che cosa possedeva quella sinistra?

      Un’immagine potente ma già allora inadeguata. Ha mitizzato la figura dell’operaio industriale senza comprendere che egli desiderava ben altro. Non voleva accomodarsi nella fabbrica di Agnelli, ma distruggere la sua organizzazione; voleva costruire automobili per offrirle agli altri senza schiavizzare nessuno. A Marghera non avrebbe voluto morire di cancro né distruggere il pianeta. In fondo è quello che ha scritto Marx nella Critica del programma di Gotha: contro l’emancipazione attraverso il lavoro mercificato della socialdemocrazia e per la liberazione della forza lavoro dal lavoro mercificato. Sono convinto che la direzione presa dall’Internazionale comunista – in maniera evidente e tragica con lo stalinismo, e poi in maniera sempre più contraddittoria e irruente -, abbia distrutto il desiderio che aveva mobilitato masse gigantesche. Per tutta la storia del movimento comunista è stata quella la battaglia.

      Cosa si scontrava su quel campo di battaglia?

      Da un lato, c’era l’idea della liberazione. In Italia è stata illuminata dalla resistenza contro il nazi-fascismo. L’idea di liberazione si è proiettata nella stessa Costituzione così come noi ragazzi la interpretammo allora. E in questa vicenda non sottovaluterei l’evoluzione sociale della Chiesa Cattolica che culminò con il Secondo Concilio Vaticano. Dall’altra parte, c’era il realismo ereditato dal partito comunista italiano dalla socialdemocrazia, quello degli Amendola e dei togliattiani di varia origine. Tutto è iniziato a precipitare negli anni Settanta, mentre invece c’era la possibilità di inventare una nuova forma di vita, un nuovo modo di essere comunisti.

      Continui a definirti un comunista. Cosa significa oggi?

      Quello che per me ha significato da giovane: conoscere un futuro nel quale avremmo conquistato il potere di essere liberi, di lavorare meno, di volerci bene. Eravamo convinti che concetti della borghesia quali libertà, uguaglianza e fraternità avrebbero potuto realizzarsi nelle parole d’ordine della cooperazione, della solidarietà, della democrazia radicale e dell’amore. Lo pensavamo e lo abbiamo agito, ed era quello che pensava la maggioranza che votava la sinistra e la faceva esistere. Ma il mondo era ed è insopportabile, ha un rapporto contraddittorio con le virtù essenziali del vivere insieme. Eppure queste virtù non si perdono, si acquisiscono con la pratica collettiva e sono accompagnate dalla trasformazione dell’idea di produttività che non significa produrre più merci in meno tempo, né fare guerre sempre più devastanti. Al contrario serve a dare da mangiare a tutti, modernizzare, rendere felici. Comunismo è una passione collettiva gioiosa, etica e politica che combatte contro la trinità della proprietà, dei confini e del capitale.

      L’arresto avvenuto il 7 aprile 1979, primo momento della repressione del movimento dell’autonomia operaia, è stato uno spartiacque. Per ragioni diverse, a mio avviso, lo è stato anche per la storia del «manifesto» grazie a una vibrante campagna garantista durata anni, un caso giornalistico unico condotto con i militanti dei movimenti, un gruppo di coraggiosi intellettuali, il partito radicale. Otto anni dopo, il 9 giugno 1987, quando fu demolito il castello di accuse cangianti, e infondate, Rossana Rossanda scrisse che fu una «tardiva, parziale riparazione di molto irreparabile». Cosa significa oggi per te tutto questo?

      È stato innanzitutto il segno di un’amicizia mai smentita. Rossana per noi è stata una persona di una generosità incredibile. Anche se, a un certo punto, si è fermata anche lei: non riusciva a imputare al Pci quello che il Pci era diventato.

      Che cosa era diventato?

      Un oppressore. Ha massacrato quelli che denunciavano il pasticcio in cui si era andato a ficcare. In quegli anni siamo stati in molti a dirglielo. Esisteva un’altra strada, che passava dall’ascolto della classe operaia, del movimento studentesco, delle donne, di tutte le nuove forme nelle quali le passioni sociali, politiche e democratiche si stavano organizzando. Noi abbiamo proposto un’alternativa in maniera onesta, pulita e di massa. Facevamo parte di un enorme movimento che investiva le grandi fabbriche, le scuole, le generazioni. La chiusura da parte del Pci ha determinato la nascita di estremizzazioni terroristiche: questo è fuori dubbio. Noi abbiamo pagato tutto e pesantemente. Solo io ho fatto complessivamente quattordici anni di esilio e undici e mezzo di prigione. Il Manifesto ha sempre difeso la nostra innocenza. Era completamente idiota che io o altri dell’Autonomia fossimo considerati i rapitori di Aldo Moro o gli uccisori di compagni. Tuttavia, nella campagna innocentista che è stata coraggiosa e importante è stato però lasciato sul fondo un aspetto sostanziale.

      Quale?
      Eravamo politicamente responsabili di un movimento molto più ampio contro il compromesso storico tra il Pci e la Dc. Contro di noi c’è stata una risposta poliziesca della destra, e questo si capisce. Quello che non si vuol capire è stata invece la copertura che il Pci ha dato a questa risposta. In fondo, avevano paura che cambiasse l’orizzonte politico di classe. Se non si comprende questo nodo storico, come ci si può lamentare dell’inesistenza di una sinistra oggi in Italia?

      Il sette aprile, e il cosiddetto «teorema Calogero», sono stati considerati un passo verso la conversione di una parte non piccola della sinistra al giustizialismo e alla delega politica alla magistratura. Come è stato possibile lasciarsi incastrare in una simile trappola?

      Quando il Pci sostituì la centralità della lotta morale a quella economica e politica, e lo fece attraverso giudici che gravitavano attorno alla sua area, ha finito il suo percorso. Questi davvero credevano di usare il giustizialismo per costruire il socialismo? Il giustizialismo è una delle cose più care alla borghesia. È un’illusione devastante e tragica che impedisce di vedere l’uso di classe del diritto, del carcere o della polizia contro i subalterni. In quegli anni cambiarono anche i giovani magistrati. Prima erano molto diversi. Li chiamavano «pretori di assalto». Ricordo i primi numeri della rivista Democrazia e Diritto ai quali ho lavorato anch’io. Mi riempivano di gioia perché parlavamo di giustizia di massa. Poi l’idea di giustizia è stata declinata molto diversamente, riportata ai concetti di legalità e di legittimità. E nella magistratura non c’è più stata una presa di parola politica, ma solo schieramenti tra correnti. Oggi, poi abbiamo una Costituzione ridotta a un pacchetto di norme che non corrispondono neanche più alla realtà del paese.

      In carcere avete continuato la battaglia politica. Nel 1983 scriveste un documento in carcere, pubblicato da Il Manifesto, intitolato «Do You remember revolution». Si parlava dell’originalità del 68 italiano, dei movimenti degli anni Settanta non riducibili agli «anni di piombo». Come hai vissuto quegli anni?

      Quel documento diceva cose importanti con qualche timidezza. Credo dica più o meno le cose che ho appena ricordato. Era un periodo duro. Noi eravamo dentro, dovevamo uscire in qualche maniera. Ti confesso che in quell’immane sofferenza per me era meglio studiare Spinoza che pensare all’assurda cupezza in cui eravamo stati rinchiusi. Ho scritto su Spinoza un grosso libro ed è stato una specie di atto eroico. Non potevo avere più di cinque libri in cella. E cambiavo carcere speciale in continuazione: Rebibbia, Palmi, Trani, Fossombrone, Rovigo. Ogni volta in una cella nuova con gente nuova. Aspettare giorni e ricominciare. L’unico libro che portavo con me era l’Etica di Spinoza. La fortuna è stata finire il mio testo prima della rivolta a Trani nel 1981 quando i corpi speciali hanno distrutto tutto. Sono felice che abbia prodotto uno scossone nella storia della filosofia.

      Nel 1983 sei stato eletto in parlamento e uscisti per qualche mese dal carcere. Cosa pensi del momento in cui votarono per farti tornare in carcere e tu decidesti di andare in esilio in Francia?

      Ne soffro ancora molto. Se devo dare un giudizio storico e distaccato penso di avere fatto bene ad andarmene. In Francia sono stato utile per stabilire rapporti tra generazioni e ho studiato. Ho avuto la possibilità di lavorare con Félix Guattari e sono riuscito a inserirmi nel dibattito del tempo. Mi ha aiutato moltissimo a comprendere la vita dei Sans Papiers. Lo sono stato anch’io, ho insegnato pur non avendo una carta di identità. Mi hanno aiutato i compagni dell’università di Parigi 8. Ma per altri versi mi dico che ho sbagliato. Mi scuote profondamente il fatto di avere lasciato i compagni in carcere, quelli con cui ho vissuto i migliori anni della mia vita e le rivolte in quattro anni di carcerazione preventiva. Averli lasciati mi fa ancora male. Quella galera ha devastato la vita di compagni carissimi, e spesso delle loro famiglie. Ho novant’anni e mi sono salvato. Non mi rende più sereno di fronte a quel dramma.

      Anche Rossanda ti criticò…

      Sì, mi ha chiesto di comportarmi come Socrate. Io le risposi che rischiavo proprio di finire come il filosofo. Per i rapporti che c’erano in galera avrei potuto morire. Pannella mi ha materialmente portato fuori dalla galera e poi mi ha rovesciato tutte le colpe del mondo perché non volevo tornarci. Sono stati in molti a imbrogliarmi. Rossana mi aveva messo in guardia già allora, e forse aveva ragione.

      C’è stata un’altra volta che lo ha fatto?

      Sì, quando mi disse di non rientrare da Parigi in Italia nel 1997 dopo 14 anni di esilio. La vidi l’ultima volta prima di partire in un café dalle parti del Museo di Cluny, il museo nazionale del Medioevo. Mi disse che avrebbe voluto legami con una catena per impedirmi di prendere quell’aereo.

      Perché allora hai deciso di tornare in Italia?

      Ero convinto di fare una battaglia sull’amnistia per tutti i compagni degli anni Settanta. Allora c’era la Bicamerale, sembrava possibile. Mi sono fatto sei anni di galera fino al 2003. Forse Rossana aveva ragione.

      Che ricordo oggi hai di lei?

      Ricordo l’ultima volta che l’ho vista a Parigi. Una dolcissima amica, che si preoccupava dei miei viaggi in Cina, temeva che mi facessi male. È stata una persona meravigliosa, allora e sempre.

      Anna Negri, tua figlia, ha scritto «Con un piede impigliato nella storia» (DeriveApprodi) che racconta questa storia dal punto di vista dei vostri affetti, e di un’altra generazione.

      Ho tre figli splendidi Anna, Francesco e Nina che hanno sofferto in maniera indicibile quello che è successo. Ho guardato la serie di Bellocchio su Moro e continuo ad essere stupefatto di essere stato accusato di quella incredibile tragedia. Penso ai miei due primi figli, che andavano a scuola. Qualcuno li vedeva come i figli di un mostro. Questi ragazzi, in una maniera o nell’altra, hanno sopportato eventi enormi. Sono andati via dall’Italia e ci sono tornati, hanno attraversato quel lungo inverno in primissima persona. Il minimo che possono avere è una certa collera nei confronti dei genitori che li hanno messi in questa situazione. E io ho una certa responsabilità in questa storia. Siamo tornati ad essere amici. Questo per me è un regalo di una immensa bellezza.

      Alla fine degli anni Novanta, in coincidenza con i nuovi movimenti globali, e poi contro la guerra, hai acquisito una forte posizione di riconoscibilità insieme a Michael Hardt a cominciare da «Impero». Come definiresti oggi, in un momento di ritorno allo specialismo e di idee reazionarie e elitarie, il rapporto tra filosofia e militanza?

      È difficile per me rispondere a questa domanda. Quando mi dicono che ho fatto un’opera, io rispondo: Lirica? Ma ti rendi conto? Mi scappa da ridere. Perché sono più un militante che un filosofo. Farà ridere qualcuno, ma io mi ci vedo, come Papageno…

      Non c’è dubbio però che tu abbia scritto molti libri…

      Ho avuto la fortuna di trovarmi a metà strada tra la filosofia e la militanza. Nei migliori periodi della mia vita sono passato in permanenza dall’una all’altra. Ciò mi ha permesso di coltivare un rapporto critico con la teoria capitalista del potere. Facendo perno su Marx, sono andato da Hobbes a Habermas, passando da Kant, Rousseau e Hegel. Gente abbastanza seria da dovere essere combattuta. Di contro la linea Machiavelli-Spinoza-Marx è stata un’alternativa vera. Ribadisco: la storia della filosofia per me non è una specie di testo sacro che ha impastato tutto il sapere occidentale, da Platone ad Heidegger, con la civiltà borghese e ha tramandato con ciò concetti funzionali al potere. La filosofia fa parte della nostra cultura, ma va usata per quello che serve, cioè a trasformare il mondo e farlo diventare più giusto. Deleuze parlava di Spinoza e riprendeva l’iconografia che lo rappresentava nei panni di Masaniello. Vorrei che fosse vero per me. Anche adesso che ho novant’anni continuo ad avere questo rapporto con la filosofia. Vivere la militanza è meno facile, eppure riesco a scrivere e ad ascoltare, in una situazione di esule.

      Esule, ancora, oggi?

      Un po’, sì. È un esilio diverso però. Dipende dal fatto che i due mondi in cui vivo, l’Italia e la Francia, hanno dinamiche di movimento molto diverse. In Francia, l’operaismo non ha avuto un seguito largo, anche se oggi viene riscoperto. La sinistra di movimento in Francia è sempre stata guidata dal trotzkismo o dall’anarchismo. Negli anni Novanta, con la rivista Futur antérieur, con l’amico e compagno Jean-Marie Vincent, avevamo trovato una mediazione tra gauchisme e operaismo: ha funzionato per una decina d’anni. Ma lo abbiamo fatto con molta prudenza. il giudizio sulla politica francese lo lasciavamo ai compagni francesi. L’unico editoriale importante scritto dagli italiani sulla rivista è stato quello sul grande sciopero dei ferrovieri del ’95, che assomigliava tanto alle lotte italiane.

      Perché l’operaismo conosce oggi una risonanza a livello globale?

      Perché risponde all’esigenza di una resistenza e di una ripresa delle lotte, come in altre culture critiche con le quali dialoga: il femminismo, l’ecologia politica, la critica postcoloniale ad esempio. E poi perché non è la costola di niente e di nessuno. Non lo è stato mai, e neanche è stato un capitolo della storia del Pci, come qualcuno s’illude. È invece un’idea precisa della lotta di classe e una critica della sovranità che coagula il potere attorno al polo padronale, proprietario e capitalista. Ma il potere è sempre scisso, ed è sempre aperto, anche quando non sembra esserci alternativa. Tutta la teoria del potere come estensione del dominio e dell’autorità fatta dalla Scuola di Francoforte e dalle sue recenti evoluzioni è falsa, anche se purtroppo rimane egemone. L’operaismo fa saltare questa lettura brutale. È uno stile di lavoro e di pensiero. Riprende la storia dal basso fatta da grandi masse che si muovono, cerca la singolarità in una dialettica aperta e produttiva.

      I tuoi costanti riferimenti a Francesco d’Assisi mi hanno sempre colpito. Da dove nasce questo interesse per il santo e perché lo hai preso ad esempio della tua gioia di essere comunista?

      Da quando ero giovane mi hanno deriso perché usavo la parola amore. Mi prendevano per un poeta o per un illuso. Di contro, ho sempre pensato che l’amore era una passione fondamentale che tiene in piedi il genere umano. Può diventare un’arma per vivere. Vengo da una famiglia che è stata miserabile durante la guerra e mi ha insegnato un affetto che mi fa vivere ancora oggi. Francesco è in fondo un borghese che vive in un periodo in cui coglie la possibilità di trasformare la borghesia stessa, e di fare un mondo in cui la gente si ama e ama il vivente. Il richiamo a lui, per me, è come il richiamo ai Ciompi di Machiavelli. Francesco è l’amore contro la proprietà: esattamente quello che avremmo potuto fare negli anni Settanta, rovesciando quello sviluppo e creando un nuovo modo di produrre. Non è mai stato ripreso a sufficienza Francesco, né è stato presa in debito conto l’importanza che ha avuto il francescanesimo nella storia italiana. Lo cito perché voglio che parole come amore e gioia entrino nel linguaggio politico.

      *

      Dall’infanzia negli anni della guerra all’apprendistato filosofico alla militanza comunista, dal ’68 alla strage di piazza Fontana, da Potere Operaio all’autonomia e al ’77, l’arresto, l’esilio. E di nuovo la galera per tornare libero. Toni Negri lo ha raccontato con Girolamo De Michele in tre volumi autobiografici Storia di un comunista, Galera e esilio, Da Genova a Domani (Ponte alle Grazie). Con Mi chael Hardt, professore di letteratura alla Duke University negli Stati Uniti, ha scritto, tra l’altro, opere discusse e di larga diffusione: Impero, Moltitudine, Comune (Rizzoli) e Assemblea (Ponte alle Grazie). Per l’editore anglo-americano Polity Books ha pubblicato, tra l’altro, sei volumi di scritti tra i quali The Common, Marx in Movement, Marx and Foucault.

      In Italia DeriveApprodi ha ripubblicato il classico «Spinoza». Per la stessa casa editrice: I libri del rogo, Pipe Line, Arte e multitudo (a cura di N. Martino), Settanta (con Raffaella Battaglini). Con Mimesis la nuova edizione di Lenta ginestra. Saggio sull’ontologia di Giacomo Leopardi. Con Ombre Corte, tra l’altro, Dall’operaio massa all’operaio sociale (a cura di P. Pozzi-R. Tomassini), Dentro/contro il diritto sovrano (con G. Allegri), Il lavoro nella costituzione (con A. Zanini).

      A partire dal prossimo ottobre Manifestolibri ripubblicherà i titoli in catalogo con una nuova prefazione: L’inchiesta metropolitana e altri scritti sociologici, a cura di Alberto De Nicola e Paolo Do; Marx oltre Marx (prefazione di Sandro Mezzadra); Trentatré Lezioni su Lenin (Giso Amendola); Potere Costituente (Tania Rispoli); Descartes politico (Marco Assennato); Kairos, Alma Venus, moltitudo (Judith Revel); Il lavoro di Dioniso, con Michael Hardt (Francesco Raparelli)

      #autonomie #prison #exil

    • Le philosophe italien Toni Negri est mort

      Inspirant les luttes politiques en Italie dans les années 1960 et 1970, son travail a également influencé le mouvement altermondialiste du début du XXIe siècle.


      Toni Negri, à Rome (Italie), en septembre 2010. STEFANO MONTESI - CORBIS / VIA GETTY IMAGES

      Il était né dans l’Italie fasciste. Il disparaît alors que l’extrême droite gouverne à nouveau son pays. Le philosophe Toni Negri, acteur et penseur majeur de plus d’un demi-siècle de luttes d’extrême gauche, est mort dans la nuit du 15 au 16 décembre à Paris, à l’âge de 90 ans, a annoncé son épouse, la philosophe française Judith Revel.

      « C’était un mauvais maître », a tout de suite réagi, selon le quotidien La Repubblica, le ministre de la culture italien, Gennaro Sangiuliano. « Tu resteras à jamais dans mon cœur et dans mon esprit, cher Maître, Père, Prophète », a écrit quant à lui, sur Facebook, l’activiste Luca Casarini, l’un des leaders du mouvement altermondialiste italien. Peut-être aurait-il vu dans la violence de ce contraste un hommage à la puissance de ses engagements, dont la radicalité ne s’est jamais affadie.

      Né le 1er août 1933 à Padoue, Antonio Negri, que tout le monde appelle Toni, et qui signera ainsi ses livres, commence très tôt une brillante carrière universitaire – il enseigne à l’université de Padoue dès ses 25 ans –, tout en voyageant, en particulier au Maghreb et au Moyen-Orient. C’est en partageant la vie d’un kibboutz israélien que le jeune homme, d’abord engagé au parti socialiste, dira être devenu communiste. Encore fallait-il savoir ce que ce mot pouvait recouvrir.

      Cette recherche d’une nouvelle formulation d’un idéal ancien, qu’il s’agissait de replacer au centre des mutations du monde, parcourt son œuvre philosophique, de Marx au-delà de Marx (Bourgois, 1979) à l’un de ses derniers livres, Inventer le commun des hommes (Bayard, 2010). Elle devient aussi l’axe de son engagement militant, qui va bientôt se confondre avec sa vie.

      Marxismes hétérodoxes

      L’Italie est alors, justement, le laboratoire des marxismes dits hétérodoxes, en rupture de ban avec le parti communiste, en particulier l’« opéraïsme » (de l’italien « operaio », « ouvrier »). Toni Negri le rejoint à la fin des années 1960, et s’en fait l’un des penseurs et activistes les plus emblématiques, toujours présent sur le terrain, dans les manifestations et surtout dans les usines, auprès des ouvriers. « Il s’agissait d’impliquer les ouvriers dans la construction du discours théorique sur l’exploitation », expliquera-t-il dans un entretien, en 2018, résumant la doctrine opéraïste, particulièrement celle des mouvements auxquels il appartient, Potere Operaio, puis Autonomia Operaia.

      Des armes circulent. Le terrorisme d’extrême droite et d’extrême gauche ravage le pays. Bien qu’il s’oppose à la violence contre les personnes, le philosophe est arrêté en 1979, soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de l’homme politique Aldo Moro, accusation dont il est rapidement blanchi. Mais d’autres pèsent sur lui – « association subversive », et complicité « morale » dans un cambriolage – et il est condamné à douze ans de prison.
      Elu député du Parti radical en 1983, alors qu’il est encore prisonnier, il est libéré au titre de son immunité parlementaire. Quand celle-ci est levée [par un vote que le parti Radical a permis de rendre majoritaire, ndc], il s’exile en France. Rentré en Italie en 1997, il est incarcéré pendant deux ans, avant de bénéficier d’une mesure de semi-liberté. Il est définitivement libéré en 2003.

      Occupy Wall Street et les Indignés

      Il enseigne, durant son exil français, à l’Ecole normale supérieure, à l’université Paris-VIII ou encore au Collège international de philosophie. Ce sont aussi des années d’intense production intellectuelle, et, s’il porte témoignage en publiant son journal de l’année 1983 (Italie rouge et noire, Hachette, 1985), il développe surtout une pensée philosophique exigeante, novatrice, au croisement de l’ontologie et de la pensée politique. On peut citer, entre beaucoup d’autres, Les Nouveaux Espaces de liberté, écrit avec Félix Guattari (Dominique Bedou, 1985), Spinoza subversif. Variations (in)actuelles (Kimé, 1994), Le Pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité (PUF, 1997) ou Kairos, Alma Venus, multitude. Neuf leçons en forme d’exercices (Calmann-Lévy, 2000).
      Ce sont cependant les livres qu’il coécrit avec l’Américain Michael Hardt qui le font connaître dans le monde entier, et d’abord Empire (Exils, 2000), où les deux philosophes s’efforcent de poser les fondements d’une nouvelle pensée de l’émancipation dans le contexte créé par la mondialisation. Celle-ci, « transition capitale dans l’histoire contemporaine », fait émerger selon les auteurs un capitalisme « supranational, mondial, total », sans autres appartenances que celles issues des rapports de domination économique. Cette somme, comme la suivante, Multitude. Guerre et démocratie à l’époque de l’Empire (La Découverte, 2004), sera une des principales sources d’inspiration du mouvement altermondialiste, d’Occupy Wall Street au mouvement des Indignés, en Espagne.

      C’est ainsi que Toni Negri, de l’ébullition italienne qui a marqué sa jeunesse et décidé de sa vie aux embrasements et aux espoirs du début du XXIe siècle, a traversé son temps : en ne lâchant jamais le fil d’une action qui était, pour lui, une forme de pensée, et d’une pensée qui tentait d’agir au cœur même du monde.
      Florent Georgesco
      https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2023/12/16/le-philosophe-italien-toni-negri-est-mort_6206182_3382.html

      (article corrigé trois fois en 9 heures, un bel effort ! il faut continuer !)

    • Pouvoir ouvrier, l’équivalent italien de la Gauche prolétarienne

      Chapeau le Diplo, voilà qui est informé !
      En 1998, le journal avait titré sur un mode médiatico-policier (« Ce que furent les “années de plomb” en Italie »). La réédition dans un Manière de voir de 2021 (long purgatoire) permis un choix plus digne qui annonçait correctement cet article fort utile : Entre « compromis historique » et terrorisme. Retour sur l’Italie des années 1970.
      Diplo encore, l’iconographie choisit d’ouvrir l’oeil... sur le rétroviseur. J’identifie pas le leader PCI (ou CGIL) qui est à la tribune mais c’est évidement le Mouvement ouvrier institué et son rôle (historiquement compromis) d’encadrement de la classe ouvrière qui est mis en avant.

      #média #gauche #Italie #Histoire #Potere_operaio #PCI #lutte_armée #compromis_historique #terrorisme

      edit

      [Rome] Luciano Lama, gli scontri alla Sapienza e il movimento del ’77
      https://www.corriere.it/foto-gallery/cultura/17_febbraio_16/scontri-sapienza-lama-foto-6ad864d0-f428-11e6-a5e5-e33402030d6b.shtml

      «Il segretario della Cgil Luciano Lama si è salvato a stento dall’assalto degli autonomi, mentre tentava di parlare agli studenti che da parecchi giorni occupano la città universitaria. Il camion, trasformato in palco, dal quale il sindacalista ha preso la parola, è stato letteralmente sfasciato e l’autista è uscito dagli incidenti con la testa spaccata e varie ferite». E’ la cronaca degli scontri alla Sapienza riportata da Corriere il 18 febbraio del 1977, un giorno dopo la “cacciata” del leader della CGIL Luciano Lama dall’ateneo dove stava tenendo un comizio. Una giornata di violenza che diventerà il simbolo della rottura tra la sinistra istituzionale, rappresentata dal Pci e dal sindacato, e la sinistra dei movimenti studenteschi. Nella foto il camion utilizzato come palco da Luciano Lama preso d’assalto dai contestatori alla Sapienza (Ansa)

    • ENTRE ENGAGEMENT RÉVOLUTIONNAIRE ET PHILOSOPHIE
      Toni Negri (1933-2023), histoire d’un communiste
      https://www.revolutionpermanente.fr/Toni-Negri-1933-2023-histoire-d-un-communiste

      Sans doute est-il compliqué de s’imaginer, pour les plus jeunes, ce qu’a pu représenter Toni Negri pour différentes générations de militant.es. Ce qu’il a pu symboliser, des deux côtés des Alpes et au-delà, à différents moments de l’histoire turbulente du dernier tiers du XXème siècle, marqué par la dernière poussée révolutionnaire contemporaine – ce « long mois de mai » qui aura duré plus de dix ans, en Italie – suivie d’un reflux face auquel, loin de déposer les armes, Negri a choisi de résister en tentant de penser un arsenal conceptuel correspondant aux défis posés par le capitalisme contemporain. Tout en restant, jusqu’au bout, communiste. C’est ainsi qu’il se définissait.

    • À Toni Negri, camarade et militant infatigable
      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/181223/toni-negri-camarade-et-militant-infatigable

      Toni Negri nous a quittés. Pour certains d’entre nous, c’était un ami cher mais pour nous tous, il était le camarade qui s’était engagé dans le grand cycle des luttes politiques des années soixante et dans les mouvements révolutionnaires des années soixante-dix en Italie. Il fut l’un des fondateurs de l’opéraïsme et le penseur qui a donné une cohérence théorique aux luttes ouvrières et prolétariennes dans l’Occident capitaliste et aux transformations du Capital qui en ont résulté. C’est Toni qui a décrit la multitude comme une forme de subjectivité politique qui reflète la complexité et la diversité des nouvelles formes de travail et de résistance apparues dans la société post-industrielle. Sans la contribution théorique de Toni et de quelques autres théoriciens marxistes, aucune pratique n’aurait été adéquate pour le conflit de classes.
      Un Maître, ni bon ni mauvais : c’était notre tâche et notre privilège d’interpréter ou de réfuter ses analyses. C’était avant tout notre tâche, et nous l’avons assumée, de mettre en pratique la lutte dans notre sphère sociale, notre action dans le contexte politique de ces années-là. Nous n’étions ni ses disciples ni ses partisans et Toni n’aurait jamais voulu que nous le soyons. Nous étions des sujets politiques libres, qui décidaient de leur engagement politique, qui choisissaient leur voie militante et qui utilisaient également les outils critiques et théoriques fournis par Toni dans leur parcours.

    • Toni Negri, l’au-delà de Marx à l’épreuve de la politique, Yann Moulier Boutang
      https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/toni-negri-lau-dela-de-marx-a-lepreuve-de-la-politique-20231217_Z5QALRLO7

      Il n’est guère de concepts hérités du marxisme qu’il n’ait renouvelés de fond en comble. Contentons-nous ici de quelques notions clés. La clé de l’évolution du capitalisme, ne se lit correctement que dans celle de la composition du travail productif structuré dans la classe ouvrière et son mouvement, puis dans les diverses formes de salariat. Le Marx le plus intéressant pour nous est celui des Grundrisse (cette esquisse du Capital). C’est le refus du travail dans les usines, qui pousse sans cesse le capitalisme, par l’introduction du progrès technique, puis par la mondialisation, à contourner la « forteresse ouvrière ». Composition de classe, décomposition, recomposition permettent de déterminer le sens des luttes sociales. Negri ajoute à ce fond commun à tous les operaïstes deux innovations : la méthode de la réalisation de la tendance, qui suppose que l’évolution à peine perceptible est déjà pleinement déployée, pour mieux saisir à l’avance les moments et les points où la faire bifurquer. Deuxième innovation : après l’ouvrier qualifié communiste, et l’ouvrier-masse (l’OS du taylorisme), le capitalisme des années 1975-1990 (celui de la délocalisation à l’échelle mondiale de la chaîne de la valeur) produit et affronte l’ouvrier-social.

      C’est sur ce passage obligé que l’idée révolutionnaire se renouvelle. L’enquête ouvrière doit se déplacer sur ce terrain de la production sociale. La question de l’organisation, de la dispersion et de l’éclatement remplace la figure de la classe ouvrière et de ses allié.e.s. L’ouvrier social des années 1975 devient la multitude. Cela paraît un diagramme abstrait. Pourtant les formes de lutte comme les objectifs retenus, les collectifs des travailleuses du soin, de chômeurs ou d’intérimaires, les grèves des Ubereat témoignent de l’actualité de cette perspective. Mais aussi de ses limites, rencontrées au moment de s’incarner politiquement. (1)

      https://justpaste.it/3t9h9

      edit « optimisme de la raison, pessimisme de la volonté », T.N.
      Ration indique des notes qui ne sont pas publiées...

      Balibar offre une toute autre lecture des apports de T.N. que celle du très recentré YMB
      https://seenthis.net/messages/1032920

      #marxisme #mouvements_sociaux #théorie #compostion_de_classe #refus_du_travail #luttes_sociales #analyse_de_la tendance #ouvrier_masse #ouvrier_social #enquête_ouvrière #production_sociale #multitude #puissance #pouvoir

    • Décider en Essaim, Toni Negri , 2004
      https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=pqBZJD5oFJY

      Toni Negri : pour la multitude, Michael Löwy
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2023/12/18/toni-negri

      Avec la disparition d’Antonio Negri – Toni pour les amis – la cause communiste perd un grand penseur et un combattant infatigable. Persécuté pour ses idées révolutionnaires, incarcéré en Italie pendant de longues années, Toni est devenu célèbre grâce à ses ouvrages qui se proposent, par une approche philosophique inspirée de #Spinoza et de #Marx, de contribuer à l’émancipation de la multitude

      .

    • Un congedo silenzioso, Paolo Virno
      https://ilmanifesto.it/un-congedo-silenzioso


      Toni Negri - Tano D’Amico /Archivio Manifesto

      Due anni fa, credo, telefona Toni. Sarebbe passato per Roma, mi chiede di vederci. Un’ora insieme, con Judith, in una casa vuota nei pressi di Campo de’ Fiori (un covo abbandonato, avrebbe pensato una canaglia dell’antico Pci). Non parliamo di niente o quasi, soltanto frasi che offrono un pretesto per tacere di nuovo, senza disagio.

      Ebbe luogo, in quella casa romana, un congedo puro e semplice, non dissimulato da nenie cerimoniose. Dopo anni di insulti pantagruelici e di fervorose congratulazioni per ogni tentativo di trovare la porta stretta attraverso cui potesse irrompere la lotta contro il lavoro salariato nell’epoca di un capitalismo finalmente maturo, un po’ di silenzio sbigottito non guastava. Anzi, affratellava.

      Ricordo Toni, ospite della cella 7 del reparto di massima sicurezza del carcere di Rebibbia, che piange senza ritegno perché le guardie stanno portando via in piena notte, con un «trasferimento a strappo», i suoi compagni di degnissima sventura. E lo ricordo ironico e spinoziano nel cortile del penitenziario di Palmi, durante la requisitoria cui lo sottopose un capo brigatista da operetta, che minacciava di farlo accoppare da futuri «collaboratori di giustizia» allora ancora bellicosi e intransigenti.

      Toni era un carcerato goffo, ingenuo, ignaro dei trucchi (e del cinismo) che il ruolo richiede. Fu calunniato e detestato come pochi altri nel Novecento italiano. Calunniato e detestato, in quanto marxista e comunista, dalla sinistra tutta, da riformatori e progressisti di ogni sottospecie.

      Eletto in parlamento nel 1983, chiese ai suoi colleghi deputati, in un discorso toccante, di autorizzare la prosecuzione del processo contro di lui: non voleva sottrarsi, ma confutare le accuse che gli erano state mosse dai giudici berlingueriani. Chiese anche, però, di continuare il processo a piede libero, giacché iniqua e scandalosa era diventata la carcerazione preventiva con le leggi speciali adottate negli anni precedenti.

      Inutile dire che il parlamento, aizzato dalla sinistra riformatrice, votò per il ritorno in carcere dell’imputato Negri. C’è ancora qualcuno che ha voglia di rifondare quella sinistra?

      Toni non ha mai avuto paura di strafare. Né quando intraprese un corpo a corpo con la filosofia materialista, includendo in essa più cose di quelle che sembrano stare tra cielo e terra, dal condizionale controfattuale («se tu volessi fare questo, allora le cose andrebbero altrimenti») alla segreta alleanza tra gioia e malinconia. Né quando (a metà degli anni Settanta) ritenne che l’area dell’autonomia dovesse sbrigarsi a organizzare il lavoro postfordista, imperniato sul sapere e il linguaggio, caparbiamente intermittente e flessibile.

      Il mio amico matto che voleva cambiare il mondo
      Toni non è mai stato oculato né morigerato. È stato spesso stonato, questo sì: come capita a chi accelera all’impazzata il ritmo della canzone che ha intonato, ibridandolo per giunta con il ritmo di molte altre canzoni appena orecchiate. Il suo luogo abituale sembrava a molti, anche ai più vicini, fuori luogo; per lui, il «momento giusto» (il kairòs degli antichi greci), se non aveva qualcosa di imprevedibile e di sorprendente, non era mai davvero giusto.

      Non si creda, però, che Negri fosse un bohèmien delle idee, un improvvisatore di azioni e pensieri. Rigore e metodo campeggiano nelle sue opere e nei suoi giorni. Ma in questione è il rigore con cui va soppesata l’eccezione; in questione è il metodo che si addice a tutto quel che è ma potrebbe non essere, e viceversa, a tutto quello che non è ma potrebbe essere.

      Insopportabile Toni, amico caro, non ho condiviso granché del tuo cammino. Ma non riesco a concepire l’epoca nostra, la sua ontologia o essenza direbbe Foucault, senza quel cammino, senza le deviazioni e le retromarce che l’hanno scandito. Ora un po’ di silenzio benefico, esente da qualsiasi imbarazzo, come in quella casa romana in cui andò in scena un sobrio congedo.

  • Course-poursuite à Chelles : le deuxième adolescent, conducteur du scooter, est mort
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/10/course-poursuite-a-chelles-le-deuxieme-adolescent-conducteur-du-scooter-est-

    Deux jeunes ont été tués vendredi soir en Seine-et-Marne dans un accident à vive allure après ce qui est qualifié par la police de « refus d’obtempérer ».

    #police #BAC #refus_d'obtempérer

  • 17.08.2018: German government concludes agreement with Greece
    (pour archivage)

    On 17 August 2018, the Federal Minister of the Interior, Building and Community, #Horst_Seehofer, and his Greek counterpart reached an agreement which covers cooperation regarding refusal of entry at the border and family reunification in cases under the Dublin-III-Regulation.

    In cases where internal border checks at the German-Austrian border produce a hit in the European fingerprint database #EURODAC revealing that an asylum applicant has already filed an asylum application in Greece, it will be possible under this agreement for Germany to return the persons concerned directly to Greece within 48 hours. This does not apply to unaccompanied minors.

    In line with what was agreed in the margins of the European Council meeting and in compliance with existing legal obligations, Germany is, in return, prepared to speed up processing the backlog of family reunification cases by the end of 2018. In addition, Germany is prepared to review contentious family reunification cases. Both sides confirm their resolve to continue working towards common European solutions and ensure one another of their mutual solidarity and support in case of future migration crises.

    The Federal Minister of the Interior, Building and Community, Horst Seehofer, said: ""The signing of this administrative agreement with Greece is another important step that will help establish orderly conditions in European migration policy. With this agreement, Germany and Greece set a clear signal for the enforcement of existing law which does not give individuals the freedom to choose the EU member state which is to process their asylum application.""

    Greece is the second partner country after Spain with which Germany has concluded an agreement on the refusal of entry at the border.

    https://www.bmi.bund.de/SharedDocs/pressemitteilungen/EN/2018/agreement_greece.html

    #Allemagne #frontière_sud-alpine #frontières #accord #renvois #expulsions #refoulements #Autriche #refus_d'entrée #empreintes_digitales #frontières_intérieures #Grèce

    • Deal between Greece and Germany „clearly unlawful“

      On 4 May 2021 in a chamber decision the Administrative Court of Munich found the administrative arrangement between Germany and Greece, known as the “Seehofer Deal”, which facilitates the immediate return of asylum applicants from the German border with Austria to Greece, as “clearly unlawful” and in violation of European law. The court ordered to immediately return the concerned applicant from Greece to Germany, who had been deported in August 2020. The person concerned is represented by the lawyer Matthias Lehnert. The proceedings are supported by the Greek Council for Refugees (GCR) and PRO ASYL.

      „The Administrative Court of Munich clearly states: procedural requirements and compliance with human rights cannot be bypassed by fast-track procedures at the border, especially by the Federal Police. The Dublin Regulation cannot be circumvented unilaterally or by an agreement between two Member States,“ emphasizes lawyer Matthias Lehnert. „But that’s what the federal government of Germany has done, and in doing so, it’s been breaking European law with its eyes wide open.“

      The Greek Council for Refugees and PRO ASYL expect the decision to be implemented immediately.

      Background to the case

      The person concerned, a Syrian applicant, had initially applied for asylum in Greece. There he was threatened with deportation to Turkey due to the EU-Turkey deal. He continued his flight to Germany. On 13 August 2020 he was apprehended by the Federal Police at the German-Austrian border and expressed his wish to apply for asylum. Instead of initiating the procedure required under European law within the framework of the Dublin III Regulation at the Federal Office for Migration and Refugees (BAMF), the Federal Police deported the Syrian concerned to Greece in application of the “Seehofer Deal” the following day. In Greece he was notified a rejection decision regarding his asylum application and a return decision to Turkey and was detained for several weeks before GCR was able to obtain his release. Since then he has been living homeless in Athens, threatened with deportation to Turkey.

      The „Seehofer Deal“: refoulement at the German-Austrian border

      The “Seehofer Deal” between Germany and Greece (a similar arrangement also exists with Spain) was concluded in 2018. It provides for the refusal of entry to protection seekers who were previously registered in Greece and who enter Germany via the border with Austria. They are to be detained and deported to Greece within 48 hours. As of June 2020, 39 people were affected by the deal between Greece and Germany (answer to question 42).

      As Prof. Dr. Anna Lübbe already confirmed in her expert opinion in December 2018, the binding Dublin Regulation defines the procedure and criteria for whether and how an asylum seeker can be transferred from one Member State to another – after sufficient examination and with effective access to legal protection. The “Seehofer Deal” ignores this and places itself outside the existing law.

      The deal itself was not even made available to members of the parliaments at first. It only became public thanks to PRO ASYL’s Greek partner organisation, Refugee Support Aegean.

      https://www.proasyl.de/en/pressrelease/deal-between-greece-and-germany-clearly-unlawful

  • Les aventures de l’enquête militante, Davide Gallo Lassere, Frédéric Monferrand, Rue Descartes 2019/2 (N° 96), pages 93 à 107
    https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2019-2-page-93.htm

    Depuis la crise de 2008, on assiste à un retour en force de la notion de « capitalisme » sur la scène intellectuelle et dans le débat public, ce qui soulève au moins deux questions : que faut-il au juste entendre par « capitalisme » ? Et qu’est-ce qui en justifie la critique ? Dans une perspective marxienne, la réponse à la première question ne paraît guère problématique, même si elle peut faire l’objet de développements divergents. Par « capitalisme », on entend en effet un mode de production fondé sur la généralisation de l’échange marchand, l’exploitation d’une force de travail « libre » et l’accumulation indéfinie de survaleur. La réponse à la seconde question est en revanche moins évidente, ne serait-ce que parce qu’on trouve dans Le Capital différents modèles de critique du capitalisme.

    Dans les deux premières sections de l’ouvrage, Marx explique que l’échange marchand génère des illusions socialement nécessaires qui imposent aux individus des rôles sociaux unilatéraux en les transformant en simples « porteurs » d’un processus de valorisation anonyme. De la lecture des deux cent premières pages du Capital, on retire donc l’impression que le capitalisme doit être critiqué parce qu’il constitue un système opaque animé d’une tendance incontrôlable à élargir la base de sa reproduction.

    Or, une telle critique, menée du point de vue objectif du capital, resterait formelle si elle n’était complétée par une description, menée du point de vue subjectif du travail, des effets concrets de l’accumulation capitaliste sur l’expérience sociale de celles et ceux qui en assurent la continuité. Dès lors qu’on quitte la sphère de la circulation marchande pour descendre dans l’« antre secret de la production , le capital n’apparaît en effet plus comme un « sujet automate, mais comme une forme de #commandement sur le travail qui suscite des conflits portant sur le #temps et sur l’#organisation de l’activité, qui oppose différentes stratégies d’extraction du surtravail et de refus de l’exploitation et qui se traduit par des dégradations physiques et morales dont Marx, à la suite des inspecteurs de fabrique, fournit la patiente description . Dans cette seconde perspective, le #capitalisme ne doit plus être critiqué parce qu’il constitue un système irrationnel et autoalimenté, mais parce qu’il produit des effets négatifs sur la vie physique, psychique et sociale des subjectivités.

    L’objectif de cet article est de développer ce second modèle critique – qu’on peut qualifier de « critique par les effets » – en montrant qu’il a reçu dans la pratique de l’enquête militante un appui théorique et une continuation politique. Partant des élaborations pionnières du jeune Engels, nous soutiendrons la thèse selon laquelle l’enquête militante permet d’articuler la connaissance des rapports sociaux et l’organisation des pratiques visant à en accomplir la transformation. Car, comme nous tenterons de le montrer ensuite en parcourant la séquence menant des élaborations de Socialisme ou Barbarie en France à celles des _Quaderni rossi puis de Classe operaia en Italie, c’est bien la question de l’organisation qui fournit à l’enquête militante sa raison d’être et en détermine les différentes modalités.

    #enquête_ouvrière #enquête_militante #opéraïsme #stratégie #travail #subjectivité #refus #organisation_autonome #autonomie #barbarie

  • Les pratiques de la France à la frontière franco-italienne jugées non conformes par Luxembourg

    Pour télécharger le communiqué : https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2023/11/CP-interasso-Les-pratiques-de-la-France-a-la-frontiere-franco-italienne-

    Alors que le gouvernement soumet au Sénat son projet de loi sur l’asile et l’immigration, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de Luxembourg vient de rendre un arrêt, en réponse à une question préjudicielle du Conseil d’Etat, qui oblige la France à mettre ses pratiques aux frontières et notamment à la frontière franco-italienne en conformité avec le droit de l’Union européenne.

    Depuis 2015, la France a rétabli les contrôles à ses frontières intérieures, par dérogation au principe de libre circulation dans l’espace Schengen. Et depuis cette date, elle enferme dans des bâtiments de fortune et refoule des personnes étrangères à qui elle refuse l’entrée sur le territoire, notamment à la frontière franco-italienne, comme c’est le cas, en ce moment même, à Menton ou à Montgenèvre. En prévision de l’augmentation des arrivées en provenance d’Italie à la mi septembre, les dispositifs de surveillance ont été renforcés et les baraquements dits de « mise à l’abri » se sont multipliés. Pour enfermer et expulser en toute illégalité, car les constats sur le terrain démontrent que ces contrôles débouchent sur de l’enfermement et des refoulements de personnes en dehors d’un cadre juridique défini.

    À de multiples reprises, depuis plusieurs années, nos associations ont protesté contre cette situation et ont saisi, en vain, les tribunaux français pour obtenir qu’il soit mis fin à ces pratiques en conséquence desquelles, au fil des années, des milliers de personnes ont été privées de liberté et expulsées, sans pouvoir accéder à leurs droits fondamentaux (accès à une procédure, accès au droit d’asile, recours effectif). Nos associations ayant contesté la conformité au droit européen de la disposition du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui permet à l’administration de prononcer des « refus d’entrée » aux frontières intérieures sans respecter les normes prévues par la directive européenne 2008/115/CE, dite directive « Retour », le Conseil d’État a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle sur ce point.

    Dans sa décision du 21 septembre 2023, la CJUE a répondu à cette question en retenant le raisonnement juridique défendu par nos organisations. Elle estime que lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, les « normes et procédures prévues par cette directive » sont applicables aux personnes qui, se présentant à un point de passage frontalier situé sur son territoire, se voient opposer un refus d’entrer.

    Par cette décision, la CJUE rappelle à tous les Etats membres de l’UE leurs obligations lorsqu’ils rétablissent des contrôles à leurs frontières intérieures :
    – notifier à la personne à qui elle refuse l’entrée une décision de retour vers un pays tiers ainsi qu’une voie de recours effective (autrement dit on ne peut pas se contenter de refouler en la remettant aux autorités de l’État membre de provenance) ;
    – lui accorder un délai de départ volontaire (vers le pays tiers désigné dans la notification) ;
    – n’imposer une privation de liberté à cette personne, dans l’attente de son éloignement, que dans les cas et conditions de la rétention prévus par la directive « Retour ».

    Depuis fin septembre, nos associations organisent de manière régulière des observations des pratiques des forces de l’ordre à la gare de Menton Garavan et aux postes de la police aux frontières de Montgenèvre (Hautes-Alpes) et de Menton pont Saint-Louis (Alpes-Maritimes). Force est de constater que les pratiques à la frontière intérieure n’ont pas évolué. Les contrôles au faciès aux points de passage autorisés (PPA), ainsi que dans d’autres zones frontalières, sont quotidiens, les procédures de « refus d’entrée » sont toujours réalisées à la va-vite, sur le quai de la gare, devant le poste de police ou parfois à l’intérieur de celui-ci, sans interprète et sans examen individuel de la situation des personnes. Des majeurs comme des mineurs sont refoulés, des personnes à qui l’entrée sur le territoire est refusée sont privées de liberté, sans pouvoir demander l’asile ou contester la mesure d’enfermement à laquelle elles sont soumises, et sans accès à un avocat à ou une association.

    Interrogée par des élus qui, pour certains, se sont vu opposer des refus d’accès au locaux dits « de mise à l’abri », la police aux frontières a précisé qu’aucune directive ne lui avait été transmise depuis la décision de la CJUE.

    Parce que la France persiste dans son refus de se conformer au droit de l’UE, les pratiques illégales perdurent et des dizaines de personnes continuent, quotidiennement, à être victimes de la violation de leurs droits fondamentaux.

    Il revient désormais au Conseil d’État de tirer les enseignements de la décision de la CJUE et de mettre fin aux pratiques d’enfermement et de refoulement aux frontières, hors du cadre juridique approprié, notamment à la frontière franco-italienne.

    Organisations signataires : ADDE ; Anafé (Association nationale d’assistance pour les personnes étrangères) ; Emmaüs Roya ; Gisti ; Groupe accueil solidarité ; La Cimade ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Roya Citoyenne ; Syndicat de la Magistrature ; Syndicat des avocats de France ; Tous migrant.

    Paris, le 13 novembre 2023

    https://www.ldh-france.org/les-pratiques-de-la-france-a-la-frontiere-franco-italienne-jugees-non-co
    #frontière_sud-alpine #justice #Alpes #montagne #migrations #frontières #asile #réfugiés #Cour_de_justice_de_l’Union_européenne (#CJUE) #arrêt #droit #contrôles_systématiques_aux_frontières #contrôles_frontaliers #enfermement #Menton #Montgenèvre #Hautes-Alpes #Alpes_Maritimes #mise_à_l'abri #refoulements #push-backs #droits_fondamentaux #code_de_l’entrée_et_du_séjour_des_étrangers_et_du_droit_d’asile (#Ceseda) #refus_d'entrée #frontières_intérieures #directive_retour #contrôles_au_faciès #points_de_passage_autorisés (#PPA) #police_aux_frontières (#PAF)

    • ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

      21 septembre 2023 (*)

      « Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Contrôle aux frontières, asile et immigration – Règlement (UE) 2016/399 – Article 32 – Réintroduction temporaire par un État membre du contrôle à ses frontières intérieures – Article 14 – Décision de refus d’entrée – Assimilation des frontières intérieures aux frontières extérieures – Directive 2008/115/CE – Champ d’application – Article 2, paragraphe 2, sous a) »

      Dans l’affaire C‑143/22,

      ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 24 février 2022, parvenue à la Cour le 1er mars 2022, dans la procédure

      Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE),

      Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE),

      Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (ARCAT),

      Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade),

      Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s (FASTI),

      Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI),

      Ligue des droits de l’homme (LDH),

      Le paria,

      Syndicat des avocats de France (SAF),

      SOS – Hépatites Fédération

      contre

      Ministre de l’Intérieur,

      en présence de :

      Défenseur des droits,

      LA COUR (quatrième chambre),

      composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, Mme L. S. Rossi, MM. J.‑C. Bonichot, S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

      avocat général : M. A. Rantos,

      greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

      vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2023,

      considérant les observations présentées :

      – pour l’Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), l’Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (ARCAT), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), la Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s (FASTI), le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), la Ligue des droits de l’homme (LDH), Le paria, le Syndicat des avocats de France (SAF) et SOS – Hépatites Fédération, par Me P. Spinosi, avocat,

      – pour le Défenseur des droits, par Mme C. Hédon, Défenseure des droits, Mmes M. Cauvin et A. Guitton, conseillères, assistées de Me I. Zribi, avocate,

      – pour le gouvernement français, par Mme A.-L. Desjonquères et M. J. Illouz, en qualité d’agents,

      – pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, Mmes E. Borawska-Kędzierska et A. Siwek-Ślusarek, en qualité d’agents,

      – pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma, A. Katsimerou, MM. T. Lilamand et J. Tomkin, en qualité d’agents,

      ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mars 2023,

      rend le présent

      Arrêt

      1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1, ci-après le « code frontières Schengen »), ainsi que de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).

      2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), l’Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (ARCAT), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), la Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s (FASTI), le Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), la Ligue des droits de l’homme (LDH), Le paria, le Syndicat des avocats de France (SAF) et SOS – Hépatites Fédération, au ministre de l’Intérieur (France) au sujet de la légalité de l’ordonnance no 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (JORF du 30 décembre 2020, texte no 41).

      Le cadre juridique

      Le droit de l’Union

      Le code frontières Schengen

      3 Aux termes de l’article 2 du code frontières Schengen :

      « Aux fins du présent règlement, on entend par :

      1) “frontières intérieures” :

      a) les frontières terrestres communes, y compris fluviales et lacustres, des États membres ;

      b) les aéroports des États membres pour les vols intérieurs ;

      c) les ports maritimes, fluviaux et lacustres des États membres pour les liaisons régulières intérieures par transbordeur ;

      2) “frontières extérieures” : les frontières terrestres des États membres, y compris les frontières fluviales et lacustres, les frontières maritimes, ainsi que leurs aéroports, ports fluviaux, ports maritimes et ports lacustres, pour autant qu’ils ne soient pas des frontières intérieures ;

      [...] »

      4 Le titre II de ce code, relatif aux « frontières extérieures », comprend les articles 5 à 21 de celui-ci.

      5 L’article 14 dudit code, intitulé « Refus d’entrée », prévoit :

      « 1. L’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée énoncées à l’article 6, paragraphe 1, et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 6, paragraphe 5. Cette disposition est sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour.

      2. L’entrée ne peut être refusée qu’au moyen d’une décision motivée indiquant les raisons précises du refus. La décision est prise par une autorité compétente habilitée à ce titre par le droit national. Elle prend effet immédiatement.

      La décision motivée indiquant les raisons précises du refus est notifiée au moyen d’un formulaire uniforme tel que celui figurant à l’annexe V, partie B, et rempli par l’autorité compétente habilitée par le droit national à refuser l’entrée. Le formulaire uniforme ainsi complété est remis au ressortissant de pays tiers concerné, qui accuse réception de la décision de refus au moyen dudit formulaire.

      Les données relatives aux ressortissants de pays tiers auxquels l’entrée pour un court séjour a été refusée sont enregistrées dans l’EES conformément à l’article 6 bis, paragraphe 2, du présent règlement et à l’article 18 du règlement (UE) 2017/2226 [du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d’un système d’entrée/de sortie (EES) pour enregistrer les données relatives aux entrées, aux sorties et aux refus d’entrée concernant les ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures des États membres et portant détermination des conditions d’accès à l’EES à des fins répressives, et modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et les règlements (CE) no 767/2008 et (UE) no 1077/2011 (JO 2017, L 327, p. 20)].

      3. Les personnes ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée ont le droit de former un recours contre cette décision. Les recours sont formés conformément au droit national. Des indications écrites sont également mises à la disposition du ressortissant de pays tiers en ce qui concerne des points de contact en mesure de communiquer des informations sur des représentants compétents pour agir au nom du ressortissant de pays tiers conformément au droit national.

      L’introduction d’un tel recours n’a pas d’effet suspensif à l’égard de la décision de refus d’entrée.

      Sans préjudice de toute éventuelle compensation accordée conformément au droit national, le ressortissant de pays tiers concerné a le droit à la rectification des données introduites dans l’ESS ou du cachet d’entrée annulé, ou les deux, ainsi qu’à la rectification de toute autre annulation ou ajout qui ont été apportés, de la part de l’État membre qui a refusé l’entrée, si, dans le cadre du recours, la décision de refus d’entrée est déclarée non fondée.

      4. Les gardes-frontières veillent à ce qu’un ressortissant de pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée ne pénètre pas sur le territoire de l’État membre concerné.

      5. Les États membres établissent un relevé statistique sur le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une décision de refus d’entrée, les motifs du refus, la nationalité des personnes auxquelles l’entrée a été refusée et le type de frontière (terrestre, aérienne, maritime) auquel l’entrée leur a été refusée, et le transmettent chaque année à la Commission (Eurostat) conformément au règlement (CE) no 862/2007 du Parlement européen et du Conseil[, du 11 juillet 2007, relatif aux statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale, et abrogeant le règlement (CEE) no 311/76 du Conseil relatif à l’établissement de statistiques concernant les travailleurs étrangers (JO 2007, L 199, p. 23)].

      6. Les modalités du refus d’entrée sont décrites à l’annexe V, partie A. »

      6 Le titre III du code frontières Schengen, relatif aux « frontières intérieures », comprend les articles 22 à 35 de celui-ci.

      7 L’article 25 dudit code, intitulé « Cadre général pour la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures », dispose, à son paragraphe 1 :

      « En cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre dans l’espace sans contrôle aux frontières intérieures, cet État membre peut exceptionnellement réintroduire le contrôle aux frontières sur tous les tronçons ou sur certains tronçons spécifiques de ses frontières intérieures pendant une période limitée d’une durée maximale de trente jours ou pour la durée prévisible de la menace grave si elle est supérieure à trente jours. La portée et la durée de la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour répondre à la menace grave. »

      8 L’article 32 du même code, intitulé « Dispositions s’appliquant en cas de réintroduction du contrôle aux frontières intérieures », énonce :

      « Lorsque le contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes du titre II s’appliquent mutatis mutandis. »

      9 L’annexe V, partie A, du code frontières Schengen prévoit :

      « 1. En cas de refus d’entrée, le garde-frontière compétent :

      a) remplit le formulaire uniforme de refus d’entrée figurant dans la partie B. Le ressortissant de pays tiers concerné signe le formulaire et en reçoit une copie après signature. Si le ressortissant de pays tiers refuse de signer, le garde-frontière indique ce refus dans le formulaire, sous la rubrique “observations” ;

      b) en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers dont l’entrée pour un court séjour a été refusée, enregistre dans l’EES les données relatives au refus d’entrée conformément à l’article 6 bis, paragraphe 2, du présent règlement et à l’article 18 du règlement (UE) 2017/2226 ;

      c) procède à l’annulation ou à la révocation du visa, le cas échéant, conformément aux conditions fixées à l’article 34 du règlement (CE) no 810/2009 [du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO 2009, L 243, p. 1)] ;

      d) en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers dont le refus d’entrée n’est pas enregistré dans l’EES, appose sur le passeport un cachet d’entrée, barré d’une croix à l’encre noire indélébile, et inscrit en regard, à droite, également à l’encre indélébile, la ou les lettres correspondant au(x) motif(s) du refus d’entrée, dont la liste figure dans le formulaire uniforme de refus d’entrée comme indiqué dans la partie B de la présente annexe. En outre, pour ces catégories de personnes, le garde-frontière enregistre tout refus d’entrée dans un registre ou sur une liste, qui mentionne l’identité et la nationalité du ressortissant de pays tiers concerné, les références du document autorisant le franchissement de la frontière par ce ressortissant du pays tiers, ainsi que le motif et la date de refus d’entrée.

      Les modalités pratiques de l’apposition du cachet sont décrites à l’annexe IV.

      2. Si le ressortissant de pays tiers frappé d’une décision de refus d’entrée a été acheminé à la frontière par un transporteur, l’autorité localement responsable :

      a) ordonne à ce transporteur de reprendre en charge le ressortissant de pays tiers sans tarder et de l’acheminer soit vers le pays tiers d’où il a été transporté, soit vers le pays tiers qui a délivré le document permettant le franchissement de la frontière, soit vers tout autre pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou de trouver un moyen de réacheminement conformément à l’article 26 de la convention de Schengen et aux dispositions de la directive 2001/51/CE du Conseil[, du 28 juin 2001, visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 (JO 2001, L 187, p. 45)] ;

      b) en attendant le réacheminement, prend, dans le respect du droit national et compte tenu des circonstances locales, les mesures appropriées afin d’éviter l’entrée illégale des ressortissants de pays tiers frappés d’une décision de refus d’entrée.

      [...] »

      10 Aux termes de l’article 44 de ce code, intitulé « Abrogation » :

      « Le règlement (CE) no 562/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1)] est abrogé.

      Les références faites au règlement abrogé s’entendent comme faites au présent règlement et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe X. »

      11 Conformément à ce tableau de correspondance, l’article 14 du code frontières Schengen correspond à l’article 13 du règlement no 562/2006.

      La directive 2008/115

      12 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115 dispose :

      « 1. La présente directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

      2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers :

      a) faisant l’objet d’une décision de refus d’entrée conformément à l’article 13 du [règlement no 562/2006], ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l’occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre ;

      b) faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition. »

      13 Aux termes de l’article 3 de cette directive :

      « Aux fins de la présente directive, on entend par :

      [...]

      2) “séjour irrégulier” : la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du [règlement no 562/2006], ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

      3) “retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

      – son pays d’origine, ou

      – un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

      – un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

      [...] »

      14 L’article 4, paragraphe 4, de ladite directive prévoit :

      « En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers exclus du champ d’application de la présente directive conformément à l’article 2, paragraphe 2, point a), les États membres :

      a) veillent à ce que le traitement et le niveau de protection qui leur sont accordés ne soient pas moins favorables que ceux prévus à l’article 8, paragraphes 4 et 5 (limitations du recours aux mesures coercitives), à l’article 9, paragraphe 2, point a) (report de l’éloignement), à l’article 14, paragraphe 1, points b) et d) (soins médicaux d’urgence et prise en considération des besoins des personnes vulnérables), ainsi qu’aux articles 16 et 17 (conditions de rétention), et

      b) respectent le principe de non-refoulement. »

      15 L’article 5 de la directive 2008/115 dispose :

      « Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

      a) de l’intérêt supérieur de l’enfant,

      b) de la vie familiale,

      c) de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

      et respectent le principe de non-refoulement. »

      16 L’article 6 de cette directive dispose :

      « 1. Les État membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

      2. Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre. En cas de non-respect de cette obligation par le ressortissant concerné d’un pays tiers ou lorsque le départ immédiat du ressortissant d’un pays tiers est requis pour des motifs relevant de l’ordre public ou de la sécurité nationale, le paragraphe 1 s’applique.

      3. Les État membres peuvent s’abstenir de prendre une décision de retour à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire si le ressortissant concerné d’un pays tiers est repris par un autre État membre en vertu d’accords ou d’arrangements bilatéraux existant à la date d’entrée en vigueur de la présente directive. Dans ce cas, l’État membre qui a repris le ressortissant concerné d’un pays tiers applique le paragraphe 1.

      [...] »

      17 L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive prévoit :

      « La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. »

      18 L’article 15, paragraphe 1, de la même directive énonce :

      « À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :

      a) il existe un risque de fuite, ou

      b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

      Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. »

      Le droit français

      19 L’article L. 213-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa version issue de la loi no 2018-778, du 10 septembre 2018, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (JORF du 11 septembre 2018, texte no 1) (ci-après le « Ceseda ancien »), énonçait :

      « En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures prévue au chapitre II du titre III du [code frontières Schengen], les décisions mentionnées à l’article L. 213-2 peuvent être prises à l’égard de l’étranger qui, en provenance directe du territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et a été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà. Les modalités de ces contrôles sont définies par décret en Conseil d’État. »

      20 L’ordonnance no 2020-1733 a procédé à la refonte de la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’article L. 332-2 de ce code ainsi modifié (ci-après le « Ceseda modifié ») dispose :

      « La décision de refus d’entrée, qui est écrite et motivée, est prise par un agent relevant d’une catégorie fixée par voie réglementaire.

      La notification de la décision de refus d’entrée mentionne le droit de l’étranger d’avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu’il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix. Elle mentionne le droit de l’étranger de refuser d’être rapatrié avant l’expiration du délai d’un jour franc dans les conditions prévues à l’article L. 333-2.

      La décision et la notification des droits qui l’accompagne lui sont communiquées dans une langue qu’il comprend.

      Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs accompagnés ou non d’un adulte. »

      21 L’article L. 332-3 du Ceseda modifié prévoit :

      « La procédure prévue à l’article L. 332-2 est applicable à la décision de refus d’entrée prise à l’encontre de l’étranger en application de l’article 6 du [code frontières Schengen]. Elle est également applicable lors de vérifications effectuées à une frontière intérieure en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du [code frontières Schengen]. »

      Le litige au principal et la question préjudicielle

      22 Les associations visées au point 2 du présent arrêt contestent devant le Conseil d’État (France), dans le cadre d’un recours en annulation de l’ordonnance no 2020‑1733, la validité de celle-ci au motif, notamment, que l’article L. 332-3 du Ceseda modifié qui en est issu méconnaît la directive 2008/115 en ce qu’il permet l’adoption de décisions de refus d’entrée aux frontières intérieures sur lesquelles des contrôles ont été réintroduits.

      23 Cette juridiction explique, en effet, que, dans son arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a. (C‑444/17, EU:C:2019:220), la Cour a jugé que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115, lu en combinaison avec l’article 32 du code frontières Schengen, ne s’applique pas à la situation d’un ressortissant d’un pays tiers arrêté à proximité immédiate d’une frontière intérieure et en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, même lorsque cet État membre a réintroduit, en vertu de l’article 25 de ce code, le contrôle à cette frontière en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre.

      24 Le Conseil d’État souligne que, dans sa décision no 428175 du 27 novembre 2020, il a jugé contraires à la directive 2008/115, telle qu’interprétée par la Cour, les dispositions de l’article L. 213-3-1 du Ceseda ancien, qui prévoyaient que, en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, l’étranger en provenance directe du territoire d’un État partie à la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la « convention de Schengen »), pouvait faire l’objet d’une décision de refus d’entrée dans les conditions de l’article L. 213-2 du Ceseda ancien lorsqu’il avait pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et avait été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà.

      25 Certes, selon le Conseil d’État, l’article L. 332-3 du Ceseda modifié ne reprend pas les dispositions de l’article L. 213-3-1 du Ceseda ancien. Toutefois, l’article L. 332-3 du Ceseda modifié prévoirait encore qu’une décision de refus d’entrée peut être prise à l’occasion de vérifications effectuées aux frontières intérieures, en cas de réintroduction temporaire du contrôle à ces frontières, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du code frontières Schengen.

      26 Cette juridiction estime, dès lors, qu’il convient de déterminer si, dans un tel cas, le ressortissant d’un pays tiers, en provenance directe du territoire d’un État partie à la convention de Schengen et qui se présente à un point de passage frontalier autorisé sans être en possession des documents permettant de justifier d’une autorisation d’entrée ou du droit de séjourner en France peut se voir opposer une décision de refus d’entrée, sur le fondement de l’article 14 du code frontières Schengen, sans que soit applicable la directive 2008/115.

      27 Dans ces conditions, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante :

      « En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du [code frontières Schengen], l’étranger en provenance directe du territoire d’un État partie à la [convention de Schengen] peut-il se voir opposer une décision de refus d’entrée, lors des vérifications effectuées à cette frontière, sur le fondement de l’article 14 de ce [code], sans que soit applicable la directive [2008/115] ? »

      Sur la question préjudicielle

      28 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si le code frontières Schengen et la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée, au sens de l’article 14 de ce code, sans être soumis au respect de cette directive.

      29 L’article 25 du code frontières Schengen autorise, à titre exceptionnel et dans certaines conditions, un État membre à réintroduire temporairement un contrôle aux frontières sur tous les tronçons ou certains tronçons spécifiques de ses frontières intérieures en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure de cet État membre. Selon l’article 32 de ce code, lorsqu’un contrôle aux frontières intérieures est réintroduit, les dispositions pertinentes du titre II dudit code, titre qui porte sur les frontières extérieures, s’appliquent mutatis mutandis.

      30 Tel est le cas de l’article 14 du code frontières Schengen, qui prévoit que l’entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas l’ensemble des conditions d’entrée énoncées à l’article 6, paragraphe 1, de ce code et qui n’appartient pas à l’une des catégories de personnes visées à l’article 6, paragraphe 5, du même code.

      31 Il importe toutefois de rappeler qu’un ressortissant d’un pays tiers qui, à la suite de son entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre, est présent sur ce territoire sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, se trouve, de ce fait, en séjour irrégulier, au sens de la directive 2008/115. Ce ressortissant relève, donc, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive et sous réserve de l’article 2, paragraphe 2, de celle-ci, du champ d’application de ladite directive, sans que cette présence sur le territoire de l’État membre concerné soit soumise à une condition de durée minimale ou d’intention de rester sur ce territoire. Il doit donc, en principe, être soumis aux normes et aux procédures communes prévues par la même directive en vue de son éloignement et cela tant que son séjour n’a pas été, le cas échéant, régularisé (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a., C‑444/17, EU:C:2019:220, points 37 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

      32 Il en va ainsi y compris lorsque ce ressortissant d’un pays tiers a été appréhendé à un point de passage frontalier, pour autant que ce point de passage frontalier se situe sur le territoire dudit État membre. À cet égard, il convient, en effet, de relever qu’une personne peut être entrée sur le territoire d’un État membre avant même d’avoir franchi un point de passage frontalier [voir, par analogie, arrêt du 5 février 2020, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Enrôlement des marins dans le port de Rotterdam), C‑341/18, EU:C:2020:76, point 45].

      33 Il convient encore de préciser, à titre d’exemple, que, lorsqu’il est procédé à des vérifications à bord d’un train entre le moment où ce train quitte la dernière gare, située sur le territoire d’un État membre partageant une frontière intérieure avec un État membre ayant réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, et le moment où ledit train entre dans la première gare située sur le territoire de ce dernier État membre, le contrôle à bord de ce même train doit, sauf accord en sens contraire passé entre ces deux États membres, être considéré comme un contrôle réalisé à un point de passage frontalier situé sur le territoire de l’État membre ayant réintroduit de tels contrôles. En effet, le ressortissant d’un pays tiers ayant été contrôlé à bord de ce train séjournera nécessairement, à la suite de ce contrôle, sur le territoire de ce dernier État membre, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2008/115.

      34 Cela étant, il convient encore de relever que l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115 permet aux États membres d’exclure, à titre exceptionnel et sous certaines conditions, les ressortissants de pays tiers qui séjournent irrégulièrement sur leur territoire du champ d’application de cette directive.

      35 Ainsi, d’une part, cet article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115 permet, à son point a), aux États membres de ne pas appliquer cette dernière, sous réserve des prescriptions contenues à l’article 4, paragraphe 4, de celle-ci, dans deux situations particulières, à savoir celle de ressortissants de pays tiers qui font l’objet d’une décision de refus d’entrée à une frontière extérieure d’un État membre, conformément à l’article 14 du code frontières Schengen, ou celle de ressortissants de pays tiers qui sont arrêtés ou interceptés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une telle frontière extérieure et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre.

      36 Cela étant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces deux situations se rapportent exclusivement au franchissement d’une frontière extérieure d’un État membre, telle que définie à l’article 2 du code frontières Schengen, et ne concernent donc pas le franchissement d’une frontière commune à des États membres faisant partie de l’espace Schengen, même lorsque des contrôles ont été réintroduits à cette frontière, en vertu de l’article 25 de ce code, en raison d’une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a., C‑444/17, EU:C:2019:220, points 45 et 67).

      37 Il s’ensuit, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 35 de ses conclusions, que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115 n’autorise pas un État membre ayant réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures à déroger aux normes et aux procédures communes prévues par cette directive afin d’éloigner le ressortissant d’un pays tiers qui a été intercepté, sans titre de séjour valable, à l’un des points de passage frontaliers situés sur le territoire de cet État membre et où s’exercent de tels contrôles.

      38 D’autre part, si l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115 autorise, à son point b), les États membres à ne pas appliquer cette directive aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l’objet de procédures d’extradition, force est de constater qu’un tel cas de figure n’est pas celui qui est visé par la disposition en cause dans le litige au principal.

      39 Il résulte de tout ce qui précède, d’une part, qu’un État membre ayant réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures peut appliquer, mutatis mutandis, l’article 14 du code frontières Schengen ainsi que l’annexe V, partie A, point 1, de ce code à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui est intercepté, sans titre de séjour régulier, à un point de passage frontalier autorisé où s’exercent de tels contrôles.

      40 D’autre part, lorsque ce point de passage frontalier est situé sur le territoire de l’État membre concerné, ce dernier doit toutefois veiller à ce que les conséquences d’une telle application, mutatis mutandis, des dispositions citées au point précédent n’aboutissent pas à méconnaître les normes et les procédures communes prévues par la directive 2008/115. La circonstance que cette obligation qui pèse sur l’État membre concerné est susceptible de priver d’une large partie de son effectivité l’éventuelle adoption d’une décision de refus d’entrée à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers se présentant à l’une de ses frontières intérieures n’est pas de nature à modifier un tel constat.

      41 Concernant les dispositions pertinentes de cette directive, il convient de rappeler, notamment, qu’il résulte de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115 que tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre doit, sans préjudice des exceptions prévues aux paragraphes 2 à 5 de cet article et dans le strict respect des exigences fixées à l’article 5 de cette directive, faire l’objet d’une décision de retour, laquelle doit identifier, parmi les pays tiers visés à l’article 3, point 3, de ladite directive, celui vers lequel il doit être éloigné [arrêt du 22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique), C‑69/21, EU:C:2022:913, point 53].

      42 Par ailleurs, le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet d’une telle décision de retour doit encore, en principe, bénéficier, en vertu de l’article 7 de la directive 2008/115, d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire de l’État membre concerné. L’éloignement forcé n’intervient qu’en dernier recours, conformément à l’article 8 de cette directive, et sous réserve de l’article 9 de celle-ci, qui impose aux États membres de reporter l’éloignement dans les cas qu’il énonce [arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale), C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 252].

      43 En outre, il découle de l’article 15 de la directive 2008/115 que la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier ne peut être imposée que dans certains cas déterminés. Cela étant, comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 46 de ses conclusions, cet article ne s’oppose pas à ce que, lorsqu’il représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, ce ressortissant fasse l’objet d’une mesure de rétention, dans l’attente de son éloignement, pour autant que cette rétention respecte les conditions énoncées aux articles 15 à 18 de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main, C‑18/19, EU:C:2020:511, points 41 à 48).

      44 Par ailleurs, la directive 2008/115 n’exclut pas la faculté pour les États membres de réprimer d’une peine d’emprisonnement la commission de délits autres que ceux tenant à la seule circonstance d’une entrée irrégulière, y compris dans des situations où la procédure de retour établie par cette directive n’a pas encore été menée à son terme. Dès lors, ladite directive ne s’oppose pas davantage à l’arrestation ou au placement en garde à vue d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier lorsque de telles mesures sont adoptées au motif que ledit ressortissant est soupçonné d’avoir commis un délit autre que sa simple entrée irrégulière sur le territoire national, et notamment un délit susceptible de menacer l’ordre public ou la sécurité intérieure de l’État membre concerné (arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a., C‑444/17, EU:C:2019:220, point 66).

      45 Il s’ensuit que, contrairement à ce que le gouvernement français soutient, l’application, dans un cas tel que celui visé par la demande de décision préjudicielle, des normes et des procédures communes prévues par la directive 2008/115 n’est pas de nature à rendre impossible le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure, au sens de l’article 72 TFUE.

      46 En égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que le code frontières Schengen et la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée, en vertu d’une application mutatis mutandis de l’article 14 de ce code, pour autant que les normes et les procédures communes prévues par cette directive soient appliquées à ce ressortissant en vue de son éloignement.

      Sur les dépens

      47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

      Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

      Le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), et la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier,

      doivent être interprétés en ce sens que :

      lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée, en vertu d’une application mutatis mutandis de l’article 14 de ce règlement, pour autant que les normes et les procédures communes prévues par cette directive soient appliquées à ce ressortissant en vue de son éloignement.

      https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=277630&doclang=FR

  • Suppression de l’aide médicale d’Etat : le directeur général de l’AP-HP exprime sa "très vive inquiétude"
    https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/suppression-de-l-aide-medicale-d-etat-le-directeur-general-de-l-ap-hp-e


    Le directeur général de l’AP-HP, Nicolas Revel, sur France Inter le 9 novembre 2023. (RADIOFRANCE / FRANCE INTER)

    Cette réforme « coûterait à la fin plus cher et elle constituerait un choc pour l’hôpital public », selon Nicolas Revel, invité jeudi 9 novembre sur France Inter.

    Publié le 09/11/2023 09:13

    Nicolas Revel, directeur général de l’AP-HP, a exprimé jeudi 9 novembre sur France Inter sa « très vive inquiétude » alors que les sénateurs ont voté la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), dispositif qui prend en charge les frais médicaux des personnes en situation irrégulière sur le sol français, dans le cadre du projet de loi immigration.

    « Si cette réforme allait au bout, elle aurait un effet délétère sur notre système de santé. Elle coûterait à la fin plus cher et elle constituerait un choc pour l’hôpital public », a-t-il déclaré. C’est « la réaction du directeur de l’AP-HP que je suis, mais aussi de la communauté médicale et soignante très majoritairement », a-t-il souligné.

    Le texte voté par les sénateurs prévoit que seules seraient prises en charge des personnes atteintes de pathologies graves ou celles qui subissent des douleurs aiguës.

    Attendre que quelqu’un soit très malade pour pouvoir le soigner et le prendre en charge, c’est faire tout le contraire de ce que l’on veut faire qui est d’essayer de diagnostiquer les gens le plus vite possible.

    L’objectif est de « les traiter et de les soigner le plus tôt possible pour éviter, soit quand ils sont infectieux et contaminants, qu’ils diffusent la maladie autour d’eux, soit quand ils ont des maladies graves qui ne sont pas transmissibles comme un cancer ou un diabète, qu’ils s’aggravent », a-t-il expliqué. Selon lui, le risque est « qu’ils deviennent des patients beaucoup plus lourds à prendre en charge, avec des hospitalisations plus longues et beaucoup plus coûteuses », a-t-il précisé. Si cette réforme est adoptée, « il y a, à mon sens, un risque d’aggravation des dépenses. On ne les aura pas tout de suite, mais dans les premières années », a-t-il averti.

    Le directeur de l’AP-HP ne voit pas bien les bénéfices de la réforme

    Nicolas Revel ne voit pas les soignants de l’AP-HP « renvoyer un patient au motif que sa douleur ne serait pas suffisamment aiguë ou que sa pathologie ne serait pas encore suffisamment grave ». 420 000 personnes sont bénéficiaires de l’AME en France, sans compter ceux qui y auraient droit au dispositif sans le demander. Le directeur de l’AP-HP ne voit pas très bien les bénéfices de cette réforme : « Ceux qui pourraient choisir la France au motif que l’AME existe, c’est quand même plutôt des gens déjà malades plutôt que des gens jeunes et bien portants. Quand on est déjà malade parce qu’on a un cancer ou un diabète, on se dit : je vais plutôt aller en France plutôt qu’ailleurs, parce qu’il y a un dispositif. Le paradoxe, c’est que quand vous regardez le texte voté par le Sénat, ces gens-là seront pris en charge », a-t-il expliqué.

    #AME #AP-HP #Nicolas_Revel #politique_de_santé #santé_publique

    • C’est pas comme si il y a de plus en plus d’épidémies mondiales toutes mignonnes ! Ordures incompétentes et criminelles.

    • Je voudrais pas dire, mais le blocage de l’accès aux soins des sans-papiers et autres immigrés est une obsession de longue date de la droite au front bas.

      cf. par exemple :
      Aide médicale d’État — Wikipédia
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Aide_m%C3%A9dicale_d%27%C3%89tat

      La loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, dite « loi Pasqua », introduit une condition de régularité de séjour pour bénéficier de l’assurance maladie.

      Entrée en vigueur le 1er janvier 2000 par Bernard Kouchner et Martine Aubry, ministres du gouvernement Lionel Jospin, l’AME remplace l’aide médicale gratuite (AMG) de par la loi 99-641 du 27 juillet 1999 relative à la Couverture maladie universelle (CMU). Celle-ci devait à l’origine faire disparaître l’AMD et unifier tous les résidents de France dans une protection maladie « universelle », égale pour tous. Mais le maintien de l’exigence de le régularité de séjour pour bénéficier de l’assurance maladie conduit au maintien d’un dispositif spécifique pour les sans-papiers.

      on peut aussi, faire une recherche « suppression de l’AME » à toute date antérieure au 01/01/2023 (et postérieure à 2000) pour constater que la question ne quitte jamais vraiment l’actualité…

    • embouteillage à prévoir à l’entrée de services d’urgence (retard de soins = aggravations de l’état due santé) déjà « saturés » faute de politique de santé. toute les vies ne se valent pas, et, sous couvert de protéger le panier de soins national des nationaux et étrangers tolérés (à papiers) l’accès aux soins doit être conçu, y compris par les « nationaux », comme un privilège dont on peut ne pas remplir les conditions

      edit effet des retards de diags faute d’AME à La Réunion [Saint-Denis, 93 en fait]
      https://seenthis.net/messages/1025634

      c’est pas forcément mauvais pour l’économie. peut-être qu’on va pouvoir hausser les dépenses de santé au niveau de celui des USA ? il y a quand même une logique à ce que les meilleurs gagnent, hein. 1, 10, 200 hôpitaux américains de Neuilly !

      comme non citoyen, je signale que outre quelques cris d’orfraie antiracistes ou soignantes, le débat public est entre eux... ce techno zélé de Nicolas Revel a fait un passage par la Mairie de Paris où j’ai comme d’autres eu à connaître de son action (Les Dents la mer avec sourire tévé, et descentes de police)
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Revel

      #urgences #laisser_mourir #refus_de_soins

    • En dehors du racisme affiché, je vois ça aussi comme une manière de rendre moins pire la dégradation de prise en charge générale à coup de restrictions budgétaires.

      L’idée générale semble de défoncer les pauvres, faibles & vulnérables pour que les bourre-pifs infligés à la « classe moyenne » aient l’air plus « sympas » à côté.

      Vous voyez le truc ?

      Un peu comme un dentiste qui te collerait un coup de lattes dans les tibias pour que tu penses moins à la fraise en train de se frayer un chemin dans ta pulpe dentaire sans anesthésie…

    • Je voie ca aussi @monolecte vu que la secu est en dégraissage pour toustes, faut bien montrer que le francon sous-chien est pas tout en bas de la chaine alimentaire.

      Et il y a aussi la suppression de la CAF pendant les 5 premières années de cotisations sociales, la reconduite aux frontière sans procès pour non respect des valeurs de La Raie Publique...

  • Dans le #Pas-de-Calais, des « refus quasi systématiques » de #mise_à_l'abri des #mineurs isolés

    Depuis cet été, les associations au contact des mineurs non-accompagnés dans le Pas-de-Calais s’inquiètent de la multiplication des refus de mise à l’abri, faute de places disponibles. Les associations craignent de perdre la confiance des jeunes, et de les voir entrer dans des réseaux d’exploitation.

    Sous un pont du centre-ville de #Calais, D., un jeune Syrien de 13 ans, a dormi plusieurs nuits d’affilée avec son grand frère, F., âgé de 16 ans. « Nous les avons rencontrés, avec Utopia 56, et avons essuyé plusieurs refus de mise à l’abri de la part du département », raconte Jérémy Ribeiro, juriste auprès des mineurs non-accompagnés pour l’association ECPAT à Calais.

    « Après énormément d’insistance, les équipes mobiles du département sont arrivées, mais pour mettre à l’abri uniquement le plus jeune. Celui-ci ne voulait pas se séparer de son grand frère... », raconte le responsable associatif. Après plusieurs jours sans abri, les deux frères ont fini par traverser la Manche pour aller au Royaume-Uni.

    L’#errance des mineurs isolés dans le Pas-de-Calais s’aggrave de semaine en semaine, alertent aujourd’hui Médecins du Monde, Utopia56, Ecpat, le Secours Catholique et la Cimade. Dans une lettre commune diffusée jeudi 26 octobre, leurs équipes « constatent avec inquiétude depuis le mois de juillet 2023 une hausse importante des refus de prise en charge dans le dispositif d’accueil provisoire d’urgence ». En cause : le manque de places.

    Des #refus « quasi systématiques »

    Ces refus sont même devenus « quasi-systématiques » depuis le mois de septembre 2023, écrivent les associations. Le centre de Saint-Omer, géré par l’opérateur France Terre d’Asile sous la houlette du département, est le seul centre d’accueil provisoire d’urgence pour les mineurs non-accompagnés existant dans le département. Avec « trois ou quatre appartements également situés à Saint-Omer, nous comptons 70 places d’hébergement », détaille Serge Durand, directeur MIE pour France Terre d’Asile.

    S’ajoutent à cela quelques places d’#hébergement_d'urgence dans la commune de Liévin, également gérées par le département (mais pas par France Terre d’Asile). Sur tout le département, le nombre de places total pour les mineurs s’élève à 80. Mais tout le dispositif est aujourd’hui saturé.

    Entre le mois de septembre et le 20 octobre, la seule association ECPAT dénombre pas moins de 100 refus opposés à des enfants en demande de mise à l’abri. Sans compter ceux comptabilisés par les autres associations de terrain. En outre, un décompte associatif « n’est pas représentatif de l’ampleur du phénomène : nombre de refus sont actés sans que nous en ayons connaissance », précise encore le communiqué.
    « On perd le contact avec beaucoup d’entre eux »

    Un jeune rencontré récemment par Ecpat a essuyé durant huit jours d’affilée des refus de mise à l’abri. De quoi casser le lien établi avec les associations qui mènent un travail de dentelle pour orienter les jeunes vers une prise en charge et désamorcer leurs appréhensions. « Cela créé de la défiance. Les jeunes ne veulent plus nous parler, on perd le contact avec beaucoup d’entre eux », regrette Julie Brémond, chargée de coordination Protection de l’Enfance du Littoral pour plusieurs associations (ECPAT, Utopia, La Croix rouge, Safe Passage et la Plateforme de soutien aux migrants).

    Ecpat a par exemple perdu tout contact avec le jeune en question. Pour tous ces mineurs, « cela ne fait que renforcer l’idée que la France n’est pas une terre de protection », déplore la coordinatrice.

    En outre, « en étant dans un besoin matériel extrêmement fort, ils peuvent se retrouver dans un système d’exploitation sexuelle ou essayer de trouver de l’argent par d’autres moyens pour payer leur voyage [vers l’Angleterre] plus vite ou se reposer dans une chambre d’hôtel », explique-t-elle.

    « Chaque fois que les autorités refusent de mettre un enfant à l’abri, elles l’obligent à adopter des stratégies de survie qui le mettront en danger, augmentant les risques de violence, d’exploitation, de disparition », synthétise le communiqué inter-associatif.
    « Embouteillage à tous les niveaux »

    Dès qu’une association fait face à un refus, une « information préoccupante » ou un message d’alerte est transmis au département. Les associatifs y indiquent toujours « le nombre d’enfants en demande, l’endroit où ils ont été repérés, la raison donnée pour le refus de prise en charge », explique Julie Brémond.

    Sollicités à ce sujet, les services du conseil départemental du Pas-de-Calais réitèrent leur « position de principe » s’agissant des sujets touchant à la protection de l’enfance : pas de communication. Le département assure continuer de mener son travail avec « conviction et détermination » sur ces dossiers mais ne souhaite pas répondre par voie de presse aux alertes inter-associatives.

    Reste que des réunions sont organisées régulièrement entre les associations, le département et les services de l’État autour de ces enjeux. À cette occasion, les services du département ont fait part aux associations de leurs différentes problématiques. « Il y a une forme d’embouteillage à tous les niveaux », résume Jérémy Ribeiro.

    D’abord, le département fait face à « une hausse des arrivées dans la ville d’Arras de mineurs venus d’Afrique de l’Ouest pour se stabiliser sur le territoire français ». Ensuite, des lenteurs sont rencontrées par les jeunes majeurs qui doivent sortir des structures de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) pour aller vers du logement classique ou des bailleurs sociaux.

    Par conséquent, « des jeunes arrivent dans l’accueil provisoire de Saint-Omer, y sont reconnus mineurs, mais il n’y a plus de place pour eux dans les structures de l’ASE », en particulier dans les maisons d’enfant à caractère social (MECS), censées les prendre en charge.
    Des arrivées de mineurs plus importantes depuis cet été

    Or, avec les mauvaises conditions météorologiques à l’approche de l’hiver, les demandes de mise à l’abri se multiplient. Autre facteur jouant sur la multiplication des demandes : « Les associations qui distribuent des tentes et vêtements n’ont plus les capacités de faire face. Le nombre de tentes est très limité », décrit Julie Brémond.

    « Il n’y a pas non plus assez d’accès à la nourriture. Tout le monde ne mange pas tous les jours, ou bien seulement une fois par jour. La situation est très compliquée, peut-être même plus tendue que d’autres années », s’alarme la coordinatrice.

    À ces conditions de survie difficiles s’ajoutent une hausse des arrivées de mineurs, constatée depuis le mois d’août. « On accompagne toujours énormément de mineurs soudanais, c’est une constante depuis que l’on est à Calais. Mais désormais, certains profils croisés par le passé commencent à revenir, notamment des mineurs afghans et syriens, dont certains sont très jeunes », décrit Jérémy Ribeiro.

    « Nous faisons face à des arrivées plus importantes depuis fin juillet, dans le Pas-de-Calais comme dans la région parisienne où nous intervenons », confirme Serge Durand de France Terre d’Asile. « C’est à nous de nous adapter à cette réalité alors que c’est le département qui a la main sur la création de places ».
    Des déménagements à venir pour les accueils d’urgence

    Au mois de septembre, lors d’une réunion avec les autorités, celles-ci « nous ont dit que ce problème de saturation allait se régler avec des places supplémentaires en MECS et deux nouvelles structures d’accueil provisoire d’urgence », indique Jérémy Ribeiro.

    Mais, selon nos informations, ces nouvelles structures ne seront pas synonymes de création de places supplémentaires. La première sera ouverte non loin de Saint-Omer, pour déménager le centre actuel vers un nouveau local. La seconde structure, elle, devrait ouvrir à Arras. À une centaine de kilomètres de Calais, loin du littoral où les jeunes exilés espèrent tenter le passage. Là encore, il s’agirait de déménagement, pour répartir les 80 places existantes et non pour en ouvrir de nouvelles. Les associations restent en attente de précisions sur les modalités et le calendrier de ces changements à venir.

    « On sait que le département travaille et l’on espère vraiment l’ouverture de places supplémentaires », conclut Julie Brémond. « Mais nous ne sommes pas sûrs que les annonces permettront de répondre aux besoins d’urgence, alors que nous alertons depuis longtemps sur les risques de saturation. »

    https://www.infomigrants.net/fr/post/52869/dans-le-pasdecalais-des-refus-quasi-systematiques-de-mise-a-labri-des-
    #migrerrance #migrations #asile #réfugiés #MNA #mineurs_non_accompagnés #France #hébergement #logement #SDF #sans-abris #sans-abrisme

    ping @karine4 @isskein

  • [en ce jour de recours au 49.3 pour l’adoption du budget] La loi « immigration » contiendra une disposition permettant d’expulser un étranger sans qu’il ait commis d’infraction pénale, selon Olivier Véran
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/18/loi-immigration-un-etranger-expulsable-sans-infraction-penale-selon-olivier-

    « Le but est de faire en sorte que quand une personne étrangère dans notre pays ne respecte pas les valeurs de notre République (…) », que celle-ci « ne soit pas contrainte de la conserver sur son territoire », a insisté le porte-parole du gouvernement.

    Le port ostensible d’un signe religieux à l’école ou le refus d’être reçu par un agent de sexe opposé dans un service public pourront être des motifs pour retirer un titre de séjour si le projet de loi « immigration » est adopté, a fait valoir mercredi 18 octobre le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. « Actuellement, il n’est pas possible de retirer un titre de séjour pour des comportements non constitutifs d’une infraction pénale, mais démontrant des comportements non conformes à nos valeurs », a souligné M. Véran lors de son point presse à l’issue du conseil des ministres.

    Dans son projet de loi qui sera débattu en novembre au Sénat, à l’article 13, le ministre de l’intérieur propose de retirer un titre de séjour en cas de non-respect des principes de la République, a souligné M. Véran.

    « Sortir du tout-pénal » [chic !]

    [ah ben non] Cet article prévoit dans son premier alinéa que « l’étranger qui sollicite un document de séjour s’engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers ».

    #étrangers #expulsions #droit_au_séjour #valeurs_de_la_république #immigration #loi_immigration

    • Loi sur l’immigration : pourquoi les mesures annoncées sur le retrait des titres de séjour sont contestables du point de vue du droit

      Le gouvernement promet d’agir contre les étrangers en situation régulière mais opposés aux « valeurs de la République ». Des juristes dénoncent un risque d’arbitraire.
      Par Julia Pascual

      Depuis l’attentat d’Arras, perpétré vendredi 13 octobre par un jeune Russe islamiste arrivé à l’âge de 5 ans en France, qui a coûté la vie au professeur Dominique Bernard, l’exécutif multiplie les annonces pour parer aux critiques de la droite et satisfaire une opinion publique que les sondages disent inquiète et avide de fermeté.
      Jeudi 19 octobre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a estimé, sur BFM-TV, que « si quelqu’un n’est pas en conformité avec les valeurs de la République, on doit pouvoir l’expulser ». Il a invité à cette fin les parlementaires à voter la loi sur l’immigration, qui sera débattue au Sénat, à partir du 6 novembre, « la plus dure et la plus ferme présentée depuis trente ans ». La veille, c’est le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, qui a promis que le texte permettrait de retirer un titre de séjour à un étranger en cas de « comportements non conformes à nos valeurs ».

      Pour rappel, l’auteur de l’attaque d’Arras, Mohammed Mogouchkov, était en situation irrégulière en France. Puisqu’il était arrivé avant l’âge de 13 ans sur le territoire, le droit le protégeait cependant d’une expulsion, sauf, selon la loi en vigueur, en cas de « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence ». Selon le projet de loi sur l’immigration, cette protection ne s’opposerait pas à une obligation de quitter le territoire en cas de « menace grave à l’ordre public ».

      Méconnaissance de la loi

      Ce que vise aussi le gouvernement par ses annonces, ce sont les personnes en #situation_régulière. M. Darmanin a lui-même demandé aux préfets de passer au tamis les 2 852 étrangers réguliers inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (#FSPRT), pour envisager le retrait de leur #titre_de_séjour, préalable à leur éloignement.
      « Actuellement, il n’est pas possible de retirer un titre de séjour pour des comportements non constitutifs d’une infraction pénale », a regretté M. Véran. « La loi empêche le ministre de l’intérieur de faire son travail », a répété M. Darmanin sur BFM-TV. En méconnaissance de la loi. « Dans le droit actuel, le préfet a déjà toute latitude pour ne pas délivrer, ne pas renouveler ou retirer un titre de séjour à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l’#ordre_public , fait remarquer Camille Escuillié, avocate membre de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. La loi n’exige pas de condamnation ni même de poursuites pénales. »

      C’est d’ailleurs, selon le ministère de l’intérieur, sur ce motif de menace à l’ordre public que Mohammed Mogouchkov n’avait pas obtenu de titre de séjour en 2021, bien que n’ayant aucun casier judiciaire, parce qu’il était déjà dans le viseur des services de renseignement et fiché au FSPRT.

      Cela correspond par ailleurs aux directives données par M. Darmanin aux préfets depuis une circulaire de septembre 2020. « On a des dossiers de retrait de titre ou de refus de renouvellement ou de délivrance de titre concernant des personnes qui n’ont jamais été condamnées, mais qui sont apparues lors des consultations de #fichiers tels que le traitement d’antécédents judiciaires [#TAJ], le fichier national automatisé des empreintes génétiques [#FNAEG] ou le fichier automatisé des empreintes digitales [#FAED], constate Nicolas De Sa-Pallix, avocat spécialisé dans le droit des étrangers et membre du Syndicat des avocats de France. Généralement, les empreintes sont prises dans le cadre de gardes à vue et, même s’il n’y a pas de suite judiciaire, l’autorité administrative peut considérer que vous représentez une menace pour l’ordre public. »

      « De même, la présence au TAJ indique juste que vous apparaissez dans une procédure pénale comme prévenu ou victime. Et si vous êtes prévenu, il se peut que vous soyez innocenté ou même pas poursuivi. Il y a donc des étrangers auxquels on reproche des faits pour lesquels ils ont déjà été définitivement innocentés, ou jamais formellement poursuivis », complète l’avocat. [où l’on voit que la surreprésentation des étrangers en GàV dénoncée comme "discrimination" est une nécessité technique du #droit_des_étrangers, ndc].

      Censure du Conseil constitutionnel

      Tout à sa volonté de rassurer l’opinion, le gouvernement entend aller plus loin encore. Grâce à l’article 13 du projet de loi sur l’immigration, Olivier Véran promet de « sortir du tout-pénal pour pouvoir retirer un titre en allant sur les valeurs de la République ». Et de citer des motifs en exemple tels que le « port ostensible en milieu scolaire de signes et de tenues religieux »[ce qui fait littéralement kiffer nombre de profs, ndc] ou le « refus d’être reçu ou entendu aux guichets des services publics par un agent de sexe opposé pour des motifs religieux ».

      L’article 13 du texte énonce en effet qu’un document de séjour pourra être retiré ou non renouvelé lorsque les actes délibérés d’un étranger troublent l’ordre public en ne respectant pas les « principes de la République » ainsi listés : « la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République » [refuser de chanter la Marseillaise quand in est en sélection nationale, par exemple, ndc] ou encore si l’étranger se prévaut « de ses croyances ou convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers ».
      Cet article est en réalité une réécriture de l’article 26 de la loi dite « séparatisme , qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Dans une décision du 13 août 2021, il avait estimé que le seul prétexte que l’étranger a « manifesté un rejet » des principes de la République n’était pas suffisamment précis. En ayant sommairement répertorié ces principes dans le projet de loi sur l’immigration, le gouvernement croit-il se tirer d’affaire ?

      « Un arbitraire administratif »

      « Si la rédaction de l’article de loi a évolué, le problème demeure le même, estime l’avocate au #Conseil_d’Etat et à la #Cour_de_cassation Isabelle Zribi. A mon sens, la notion d’atteintes graves aux principes de la République, qui est trop vague, méconnaît l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et le principe de sécurité juridique. On peine à se figurer, par exemple, ce que serait concrètement une atteinte grave à la devise de la République, qui veut tout et rien dire, ou même à l’égalité entre les femmes et les hommes, sachant que c’est une valeur rarement respectée au sein des couples de toutes nationalités. »

      Est-ce que l’administration pourra refuser un titre de séjour à une lycéenne de 18 ans qui a porté l’abaya, à une personne qui tient des propos machistes ou refuse de chanter La Marseillaise ? « Cette disposition est presque incontrôlable, met en garde à son tour Me De Sa-Pallix. Je ne vois pas comment on ne tomberait pas dans un arbitraire administratif particulièrement prononcé. »
      « Il y a un sérieux risque d’inconstitutionnalité », estime encore l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Patrice Spinosi, qui voit dans la manœuvre une instrumentalisation politique du droit. « Si le Conseil constitutionnel censure la loi, le gouvernement pourra dire que les juges vont à l’encontre de la volonté souveraine du peuple, redoute-t-il. C’est jouer le populisme contre la Constitution et c’est précisément ce qui sape l’Etat de droit en Europe aujourd’hui. »

      https://seenthis.net/messages/1022374

      #loi_séparatisme_reloaded #Isabelle_Zribi #droit #droit_des_étrangers #refus_de_renouvellement_de_titre_de_séjour #délivrance_de_titre_de_séjour

  • #Tunisie : le président, #Kaïs_Saïed, refuse les #fonds_européens pour les migrants, qu’il considère comme de la « #charité »

    Un #accord a été conclu en juillet entre Tunis et Bruxelles pour lutter contre l’immigration irrégulière. La Commission européenne a précisé que sur les 105 millions d’euros d’aide prévus, quelque 42 millions d’euros allaient être « alloués rapidement ».

    Première anicroche dans le contrat passé en juillet entre la Tunisie et l’Union européenne (UE) dans le dossier sensible des migrants. Kaïs Saïed, le président tunisien, a, en effet, déclaré, lundi 2 octobre en soirée, que son pays refusait les fonds alloués par Bruxelles, dont le montant « dérisoire » va à l’encontre de l’entente entre les deux parties.

    La Commission européenne avait annoncé le 22 septembre qu’elle commencerait à allouer « rapidement » les fonds prévus dans le cadre de l’accord avec la Tunisie afin de faire baisser les arrivées de migrants au départ de ce pays. La Commission a précisé que sur les 105 millions d’euros d’aide prévus par cet accord pour lutter contre l’immigration irrégulière, quelque 42 millions d’euros allaient être « alloués rapidement ». Auxquels s’ajoutent 24,7 millions d’euros déjà prévus dans le cadre de programmes en cours.

    « La Tunisie, qui accepte la #coopération, n’accepte pas tout ce qui s’apparente à de la charité ou à la faveur, car notre pays et notre peuple ne veulent pas de la sympathie et ne l’acceptent pas quand elle est sans respect », stipule un communiqué de la présidence tunisienne. « Par conséquence, la Tunisie refuse ce qui a été annoncé ces derniers jours par l’UE », a dit M. Saïed qui recevait son ministre des affaires étrangères, Nabil Ammar.

    Il a expliqué que ce refus n’était pas lié au « montant dérisoire (…) mais parce que cette proposition va à l’encontre » de l’accord signé à Tunis et « de l’esprit qui a régné lors de la conférence de Rome », en juillet.

    Une aide supplémentaire de 150 millions d’euros

    La Tunisie est avec la Libye le principal point de départ pour des milliers de migrants qui traversent la Méditerranée centrale vers l’Europe, et arrivent en Italie.

    Selon la Commission européenne, l’aide doit servir en partie à la remise en état de bateaux utilisés par les #garde-côtes_tunisiens et à la coopération avec des organisations internationales à la fois pour la « protection des migrants » et pour des opérations de retour de ces exilés depuis la Tunisie vers leurs pays d’origine.

    Ce #protocole_d’accord entre la Tunisie et l’UE prévoit en outre une #aide_budgétaire directe de 150 millions d’euros en 2023 alors que le pays est confronté à de graves difficultés économiques. Enfin, M. Saïed a ajouté que son pays « met tout en œuvre pour démanteler les réseaux criminels de trafic d’êtres humains ».

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/03/tunisie-le-president-kais-saied-rejette-les-fonds-europeens-pour-les-migrant

    #refus #Memorandum_of_Understanding (#MoU) #externalisation #migrations #asile #réfugiés #UE #EU #Union_européenne

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    ajouté à la métaliste sur le #Memorandum_of_Understanding (#MoU) avec la #Tunisie :
    https://seenthis.net/messages/1020591

    • Le chef de la diplomatie tunisienne : « Les Européens répètent des messages hors de l’esprit du mémorandum. C’est insultant et dégradant »

      Après deux semaines de crise sur fond de tensions migratoires, le ministre tunisien des Affaires étrangères Nabil Ammar développe dans un entretien au « Soir » le point de vue de son gouvernement sur le mémorandum d’accord avec la Commission européenne. Article réservé aux abonnésAlors que des organisations de défense des droits humains ont dénoncé des déportations massives dans le désert entre la Libye et la Tunisie, Nabil Ammar rejette la faute sur « quelques voyous ».

      La brouille est consommée. Entre l’Union européenne et la Tunisie, le ton est monté ces derniers jours sur le mémorandum d’accord signé au milieu de l’été entre Tunis et la Commission européenne, soutenu par l’Italie et les Pays-Bas. Dans un entretien au Soir, le ministre tunisien des Affaires étrangères et de la Migration, Nabil Ammar, détaille la position tunisienne dans ce dossier explosif.

      Pour cela, il faut bien comprendre de quoi l’on parle. Si l’accord comprend d’importants volets de développement économique (hydrogène vert, câbles sous-marins…), le cœur du texte porte sur la migration et prévoit 150 millions d’euros d’aide. Le pays, lui, dit refuser d’être « le garde-frontière » de l’Europe.

      Entre Tunis et la Commission, l’affaire s’est grippée après les arrivées massives à Lampedusa, venues des côtes tunisiennes. Dans la foulée, l’exécutif européen a annoncé débloquer une partie de l’aide (dans ou hors du cadre de l’accord ? Les versions divergent). Auteur d’un coup de force autoritaire, l’imprévisible et tonitruant président tunisien Kaïs Saïed a déclaré refuser la « charité ». La Commission annonçait aussi le décaissement de 60 millions (sur un autre paquet d’aide), à nouveau refusés.

      « Ce sont les Européens qui ne s’entendent pas entre eux »

      Aujourd’hui, Nabil Ammar donne très fermement sa version. « Les Européens ne sont pas clairs, à divulguer des montants un coup par ci, un coup par là. Les gens ne se retrouvent plus dans ces enveloppes, qui sont dérisoires. Même si ce n’est pas un problème de montant. Mais les Européens n’arrivaient pas à comprendre un message que l’on a répété à plusieurs reprises : “Arrêtez d’avoir cette vision de ce partenariat, comme si nous étions à la merci de cette assistance. A chaque fois, vous répétez des messages qui ne sont pas dans l’esprit de ce mémorandum d’accord, un partenariat d’égal à égal, de respect mutuel.” C’est insultant et dégradant. »

      « Il ne faut pas donner cette idée fausse, laisser penser que ce partenariat se réduit à “on vous donne quatre sous et vous faites la police en Méditerranée et vous retenez les migrants illégaux” », continue le ministre des Affaires étrangères, qui précise que « ce sont les Européens qui tenaient » au texte. « On ne veut pas être indélicat, mais ils couraient après cet accord qu’on était content de passer puisque l’on considérait que ce qui était écrit convenait aux deux parties. »

      Ces dernières années, l’UE a passé des accords migratoires avec la Libye et la Turquie, qui consistaient en somme à y délocaliser la gestion des frontières extérieures. L’ex-ambassadeur à Bruxelles, très bon connaisseur des rouages européens et chargé de négocier l’accord, croit (ou feint de croire) qu’il en était autrement avec son pays. « Ils nous l’ont dit ! “On va changer, on vous a compris.” Mais les anciens réflexes, les comptes d’épicier ont immédiatement repris. Ce langage-là n’est plus acceptable », défend-il, plaidant pour la fierté et le souverainisme de son pays, un discours dans la lignée de celui du président Saïed. « Nous sommes comme le roseau, on plie mais on ne casse pas et ce serait bien que les partenaires se le mettent en tête. »

      Alors le mémorandum est-il enterré ? « Pas du tout », veut croire Nabil Ammar qui met la responsabilité de la crise de confiance sur le dos des partenaires européens. « Cette crise est entièrement de leur part parce qu’ils n’ont pas voulu changer leur logiciel après le 16 juillet (date de signature du mémorandum, NDLR). Nous nous étions entendus sur un esprit nouveau », une coopération d’égal à égal, répète-t-il. Du côté européen, on peine à comprendre la ligne d’un régime autocratique qui souffle le chaud et le froid. « Nous n’avons dévié du mémorandum d’accord, ni du dialogue stratégique. Ce sont les Européens qui ne s’entendent pas entre eux », assure le ministre, faisant référence aux dissensions entre la Commission et les Etats membres.

      Dérive autoritaire

      Le président du Conseil Charles Michel s’est également fendu de critiques lourdes contre la méthode. Certains Etats membres, dont la Belgique, ont critiqué à la fois la forme (ils estiment n’avoir pas assez été consultés) et le fond (l’absence de référence aux droits humains et à la dérive autoritaire de Saïed). « Je vais être gentil et je ne donnerai pas les noms. Nous savons qui est pour et qui est contre », commente Nabil Ammar.

      Interrogé sur la dérive autoritaire, les atteintes aux droits des migrants ainsi que les arrestations d’opposants, le ministre détaille qu’il « n’y a pas eu un mot de critique (contre le régime tunisien, NDLR) dans ces longues réunions (avec l’UE, NDLR). C’est important de le noter ». « Pourquoi revenir aux anciens réflexes, aux comportements dégradants ? Il ne faut pas faire passer la Tunisie comme un pays qui vit de l’assistance. Cette assistance ne vaut rien par rapport aux dégâts causés par certains partenaires dans notre région. C’est d’ailleurs plutôt une réparation. »

      Questionné quant aux critiques de la ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib sur les dérives tunisiennes, Nabil Ammar estime qu’« elle est libre de faire ce qu’elle veut. J’ai vécu en Belgique. Je pourrais en dire autant et même plus. Mais je ne vais pas le faire. (…) Les Européens sont libres d’organiser leur société comme ils l’entendent chez eux et nous sommes libres d’organiser notre société, notre pays comme on l’entend. Ils doivent le comprendre. Nous avons une histoire différente et une construction différente. » Les opposants à Saïed parlent ouvertement d’une dérive dictatoriale, certainement allant jusqu’à qualifier ce régime de « pire que celui de Ben Ali ».
      Vague de violence populaire

      Ces derniers mois, une vingtaine d’opposants politiques ont été incarcérés. Ce jeudi encore, Abir Moussi, leadeuse du Parti destourien libre et dont les positions rejoignaient pourtant en certains points celles de Saïed, a été arrêtée. « Ces gens sont entre les mailles de la justice conformément à la loi et aux procédures tunisiennes. Si ces Tunisiens n’ont rien fait, ils sortiront. Et s’ils sont coupables, ils paieront », assure le chef de la diplomatie, qui défend « l’Etat de droit » tunisien. Depuis son coup de force il y a deux ans, Kaïs Saïed s’est arrogé le droit (par décret) de révoquer les juges, ce qu’il a fait à une cinquantaine de reprises.

      Quant aux atteintes aux droits humains à l’encontre de migrants subsahariens, Nabil Ammar (qui assure avoir lui-même pris en main des dossiers) rejette la faute sur « quelques voyous », qui n’auraient rien à voir avec une « politique d’Etat ». Les organisations de défense des droits humains ont dénoncé des déportations massives dans le désert entre la Libye et la Tunisie. Des images de personnes mourant de soif ont été largement diffusées. « D’autres témoignages disaient exactement le contraire, que la Tunisie avait accueilli ces gens-là et que le Croissant rouge s’est plié en quatre. Mais ces témoignages-là ne rentrent pas dans l’agenda (sic). (…) On sait qui était derrière ça, des mouvements nourrissant des témoignages à charge », continue le ministre, s’approchant de la rhétorique du président Saïed, dont les accents populistes et complotistes sont largement soulignés.

      En parallèle de ces accusations de déplacements forcés, une vague de violence populaire contre les Subsahariens s’est déchaînée (notamment dans la ville de Sfax) à la suite d’un discours présidentiel, qui mentionnait la théorie raciste du « Grand remplacement » (« Ça a été instrumentalisé dans une très large mesure. Le fait d’avoir cité une étude écrite, ça ne veut pas dire qu’il la cautionne »). Ici, Nabil Ammar défend que « la même chose se passe très souvent en Europe. Et on n’ouvre pas un procès pareil. Quelques semaines avant que je prenne mes nouvelles fonctions en Tunisie, au commissariat d’Ixelles, une Tuniso-Belge est morte très probablement sous violence policière. Pendant des mois, nous n’arrivions pas à avoir le rapport de la police », continue-t-il, faisant une référence sidérante à la mort de Sourour A.

      Questionné sur une comparaison très hasardeuse entre un décès suspect et des dizaines de morts, des atteintes aux droits humains globalement dénoncées, il ne dévie pas de sa ligne troublante : « Dans le même commissariat, c’était le troisième cas de Nord-Africain décédé. On n’en a pas fait une campagne médiatique contre la Belgique. Nous ne sommes pas traités de la même façon. C’est injuste et ça montre qu’il y a un agenda pour mettre la Tunisie dans un coin. On devient un pays raciste alors que nous sommes un melting-pot, nous sommes le Brésil de l’Afrique du Nord. » Associations de défense des droits des migrants, universités, intellectuels… à Tunis, il ne manque pas de voix pour raconter la peur des Subsahariens et leur disparition de l’espace public, pour éviter les insultes et les lynchages. Mais cette réalité-là ne semble pas au cœur des inquiétudes du ministère.
      Analyse : une autre planète

      Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nabil Ammar ne manie pas la langue de bois. Il faut même souvent se pincer lors de l’entretien avec le ministre tunisien des Affaires étrangères. Ce proche du président Kaïs Saïed (dont il adopte les accents populistes et où point l’ombre du complotisme) prend des accents belliqueux, rares dans le milieu diplomatique. Pas question pour lui de se laisser dicter la marche d’un pays que ses ardents opposants décrivent comme une « dictature ». Personne n’a de droit de regard sur ce qui se passe en Tunisie. Alors que le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme dénonce une « répression » et des « autorités qui continuent de saper l’indépendance du pouvoir judiciaire », Nabil Ammar lui défend un « Etat de droit ».

      En Tunisie, les ONG dénoncent des dizaines de morts dans des conditions atroces, ainsi que des centaines de déportés. Aujourd’hui, des témoignages affluent sur des migrants abandonnés dans des zones rurales sans accès à un abri ou à de la nourriture. Celui qui connaît bien la Belgique va jusqu’à comparer les maltraitances racistes subies massivement à Sfax à la mort tragique de Sourour A. dans un commissariat d’Ixelles dans un parallèle qui laisse sans voix.

      Sur le mémorandum d’accord avec l’Union européenne, cet excellent connaisseur des rouages européens croit (ou feint de croire) que le cœur de l’accord ne se trouvait pas dans le deal migratoire. Et qu’il espérait développer une relation d’égal à égal avec une institution obsédée et échaudée par la crise migratoire de 2015-2016. Selon lui, ce deal n’avait rien à voir avec les précédents passés avec la Turquie et la Libye. Alors même que tout le monde, de l’autre côté de la Méditerranée, pense l’inverse.
      L’oreille de Kaïs Saïed

      Nabil Ammar connaît parfaitement les institutions européennes. Le ministre tunisien des Affaires étrangères et de l’Immigration a été ambassadeur à Bruxelles pendant deux ans et demi, nommé sous un gouvernement auquel participe notamment le parti islamiste Ennahda. Après le coup de force du président Kaïs Saïed en juillet 2021, il se pose rapidement comme un de ses ardents soutiens. On le décrit aujourd’hui comme une des rares personnes ayant l’oreille d’un président autoritaire, isolé, ne faisant confiance à personne et décrit par ses opposants comme un « dictateur ».

      https://www.lesoir.be/542182/article/2023-10-09/le-chef-de-la-diplomatie-tunisienne-les-europeens-repetent-des-messages-hors-

  • A #Menton, les arrivées de migrants augmentent, les #refoulements aussi

    De tous les points de passage entre la France et l’Italie, celui du pont Saint-Louis est sans doute le plus pittoresque. Imaginez une route suspendue à flanc de rocher entre Menton, ville des Alpes-Maritimes, et Grimaldi, la première localité transalpine : d’un côté la montagne, abrupte et creusée de grottes ; de l’autre, un paysage de cultures en terrasses dévalant jusqu’à la côte. Tout en bas, la Méditerranée luit d’un éclat mauve, en ce petit matin d’automne que le soleil n’éclaire pas encore.

    Un endroit sublime, donc, et pourtant parfaitement désespérant. Car ce bout de route, encadré par les postes de police des deux pays, accueille chaque jour un ballet tragique de migrants qui passent et repassent, long cortège de malheureux expulsés hors de l’Hexagone. Remis à la police italienne, ils tenteront leur chance une fois, dix fois, vingt fois, jusqu’à pouvoir franchir cette frontière sur laquelle la France a rétabli des contrôles depuis 2015. « A la fin, la plupart d’entre eux finissent par y arriver » , observe Loïc Le Dall, membre de l’antenne locale de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé). Y compris en empruntant les chemins les plus dangereux, comme le toit des trains ou ce sentier vertigineux que l’on appelle ici le « pas de la mort ». Mais dans l’intervalle, ils sont pris dans une étrange partie de ping-pong politico-policier, un casse-tête juridique et humanitaire.

    A quoi pense-t-elle, cette femme arrêtée le long du parapet, entre les deux postes-frontières ? Le visage appuyé contre le grillage, elle regarde la mer et au-delà, les lumières de Menton. Près d’elle, deux très jeunes enfants grelottent dans leurs vêtements de coton. Plus loin, son mari monte la pente en tirant une petite valise. Ils sont kurdes, fuyant la Turquie pour des raisons politiques, disent-ils.

    Grosses boîtes cubiques

    Dans leur groupe, formé au hasard des contacts avec un passeur, il y a une autre famille avec enfants et un adolescent accompagné de sa mère. Poyraz a 17 ans, des écouteurs autour du cou et il tient à préciser quelque chose en esquissant un signe de croix à toute vitesse, le dos tourné pour que ses compagnons ne le voient pas : « Nous sommes orthodoxes,confie-t-il. C’est très difficile pour nous, en Turquie. »

    A trois pas de là, deux Nigérians regardent en direction d’un panneau bleu planté sur le bas-côté : « Menton, perle de la France, est heureuse de vous accueillir. » Les bras ballants, ils ont l’air désemparés, perdus. Eux n’ont rien, ni valise, ni téléphone, ni écouteurs et pas l’ombre d’un sac, fût-il en papier – même dans la misère, il y a des hiérarchies. Surtout, comme beaucoup de migrants, ils disposent de très peu de mots pour expliquer leur situation. Le plus âgé réussit à formuler une question, en rassemblant quelques bribes d’anglais : « Pourquoi ne nous laissent-ils pas entrer ? »

    « Ils », ce sont les forces de l’ordre françaises qui viennent de les renvoyer vers l’Italie, après les avoir enfermés depuis la veille dans des « espaces de mise à l’abri » – en fait des préfabriqués agglutinés entre la route et la falaise, au droit des bâtiments de police. Les Français retiennent dans ces grosses boîtes cubiques ceux qu’ils n’ont pas eu le temps d’exfiltrer avant la nuit, les locaux de leurs homologues italiens, à 50 mètres de là, étant fermés entre 19 heures et 7 heures. Ces lieux sont « climatisés et pourvus de sanitaires, de la nourriture y est distribuée » , explique Emmanuelle Joubert, directrice départementale de la police aux frontières (PAF). Kadiatou, une Guinéenne de 22 ans rencontrée à Vintimille, y a déjà passé la nuit avec son fils Mohamed, 1 an et demi. « C’était très sale, nuance-t-elle, nous étions serrés les uns contre les autres et dormions par terre. »

    Le 29 septembre, plusieurs baraquements ont été ajoutés à ceux qui s’y trouvaient déjà, en prévision d’une recrudescence d’arrivées : sur les 10 000 migrants débarqués dans l’île italienne de Lampedusa, entre le 11 et le 13 septembre, certains devraient atteindre la frontière française ces jours-ci. Entre le 1er janvier et le 21 septembre, la PAF a procédé à 31 844 interpellations, dont 5 259 pour la seule période du 25 août au 21 septembre. D’après la préfecture, ce chiffre, déjà en hausse par rapport à 2022, devrait augmenter avec les afflux attendus en provenance de Lampedusa. Parmi les refoulés, beaucoup sont mineurs et un grand nombre vient d’Afrique subsaharienne.

    Mine résignée

    Au pont Saint-Louis, aucune demande d’asile n’est jamais enregistrée. Et même si la présence d’un membre de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Opfra) serait nécessaire, « il n’en vient jamais ici », assure un policier en faction.

    Pour faire face à cet afflux, il a fallu consolider les dispositifs, notamment depuis le mois de juillet, avec des drones, un avion de la brigade aéronautique de Marseille et des effectifs renforcés. Le 18 septembre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé l’envoi de 132 personnes (policiers, gendarmes, militaires des sections « Sentinelle ») afin d’étoffer les « troupes » déjà présentes dans le département. Celles-ci comptent également dans leurs rangs des réservistes de la police qui se relaient pour assurer des contrôles à Menton-Garavan, la première gare en territoire français.

    Ces réservistes vont par petits groupes, équipés de gilets pare-balles. Tous les trains en provenance de Vintimille, ville italienne située à 9 kilomètres, sont inspectés. Et de presque tous, les forces de l’ordre font descendre des sans-papiers, repérables à leurs mains vides, à leurs vêtements informes, à leur mine résignée. De là, ils sont conduits au pont Saint-Louis, où la PAF leur remet un refus d’entrée. Sur ces deux pages remplies par la police figurent notamment le nom, la nationalité et une date de naissance.

    Parfois, ces indications sont fantaisistes (on les reconnaît parce qu’elles indiquent systématiquement comme date un 1er janvier) : la minorité revendiquée par les passagers, qui n’ont jamais de papiers d’identité sur eux et ne sont pas toujours capables de donner une date de naissance précise, n’a pas été considérée comme réelle par les policiers. Ceux-ci choisissent alors une année de naissance estimative, qui « déminorise » les interpellés. Interrogée à ce propos par Le Monde, Mme Joubert (PAF) répond qu’il s’agit « d’un processus technique interne, le plus précis possible au regard des éléments en notre possession ». Ces procédures, dit-elle, « ont été établies afin de ne pas faire échec aux droits » .

    Yacht show de Monaco

    Au chapitre « Vos droits », justement, le document propose deux options. Par la première, le requérant demande à bénéficier d’un délai de vingt-quatre heures. Par la seconde, il affirme : « Je veux repartir le plus rapidement possible. »Or, selon l’Anafé, la case correspondant à cette deuxième option est déjà précochée au moment où les expulsés reçoivent le papier. La décision est exécutoire immédiatement. Le 21 septembre, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a jugé illégale cette pratique de refoulement instantané aux frontières. Sans rien changer sur le terrain jusqu’ici.

    Il arrive aussi, en contravention totale avec le droit français, que des mineurs se voient infliger une obligation de quitter le territoire. Celles que montrent, par exemple, Saad, né au Darfour (Soudan) en juillet 2006 (la date figure sur le document établi par la police), et son copain guinéen, 17 ans également. Tous deux sont assis sur un banc, du côté français, la tête entre les mains, incapables de déchiffrer la sommation qui leur donne quarante-huit heures pour contester devant le tribunal administratif. « Une erreur », plaide la PAF. « Nous avons vu cela plusieurs fois », rétorque l’Anafé.

    En cas de doute sur l’âge, un fonctionnaire de l’Aide sociale à l’enfance, structure dépendant du département, doit donner son avis. Ceux qui sont reconnus comme mineurs non accompagnés (les enfants se déplaçant avec des adultes ne bénéficient d’aucune protection particulière) doivent être placés dans des foyers provisoires d’urgence, mais les lits manquent. Le 15 septembre, un hôtel Ibis Budget du centre de Menton a donc été réquisitionné, quoique encore jamais utilisé. Cette décision préfectorale a provoqué la colère d’Yves Juhel, maire (divers droite) de la ville, où les touristes se pressent encore à cette saison. L’édile s’est exprimé sur France 3, le 21 septembre, soit quatre jours avant l’inauguration du Monaco Yacht Show, grand raout dont les participants remplissent les chambres des environs. « Cela ne(…) se fera pas ! Sinon, je serai le premier à être devant l’hôtel pour éviter une telle occupation. (…) Vous n’allez pas faire sortir des gens qui ont payé leur chambre pour en mettre d’autres en situation irrégulière, non ? »

    Dans un courrier adressé à Emmanuel Macron, le 20 septembre, Charles-Ange Ginésy, président Les Républicains du département, réclamait, lui, une prise en charge, par l’Etat, de l’accueil et de l’orientation des mineurs non accompagnés, normalement assumée par sa collectivité. Celle-ci, écrit-il, « ne peut être la victime collatérale d’une frontière passoire qui embolise les personnels en charge de l’enfance » .

    Distribution de repas sur un terrain vague

    En attendant, les personnes refoulées de France s’entassent à Vintimille, avec les primo-arrivants. Ils sont des dizaines sous l’autopont longeant le fleuve Roya, leurs vêtements suspendus aux grillages. « Pour nous laver, il y a la rivière et pour dormir, c’est par terre », racontent, l’air crâne, trois garçons soudanais, arrivés à Lampedusa par la Libye, puis la Tunisie. Ils se disent mineurs mais n’ont pas voulu le déclarer à leur arrivée en Sicile, afin de ne pas être enfermés dans des foyers spécialisés.

    Chaque soir, tout près de là, des associations humanitaires et la paroisse San Rocco de Vallecrosia distribuent, à tour de rôle, des repas sur un terrain vague, dans ce quartier de Roverino où une majorité d’habitants a voté pour la Ligue (extrême droite) aux dernières élections municipales. Mardi 3 octobre, ils étaient 200 à faire la queue, soit moitié moins que les 430 du mardi précédent. Cette baisse correspond-elle à un ralentissement des arrivées du sud du pays ? Ou bien au fait que plus de gens sont parvenus à passer entre les mailles du filet ? Nul ne le sait.

    « Nous sommes habitués à ces cycles, sans pouvoir les analyser » , constate Alessandra Zunino, « référente » chez Caritas. L’organisation catholique distribue des repas le matin et à midi, mais surtout, elle accueille des femmes et des enfants dans une annexe, le long de la voie ferrée. « Nous nous substituons aux services qui manquent, explique Maurizio Marmo, l’un des responsables locaux. A Vintimille, depuis trois ans, plus aucune structure institutionnelle ne fonctionne pour les migrants. Maintenant, tout de même, nous recevons un appui du ministère de l’intérieur pour les vingt places d’hébergement réservées aux femmes et aux enfants. »

    Dans le bâtiment principal, une maison crème aux volets bruns, on se contente de « tendre la main à ceux qui en ont besoin » , poursuit Alessandra Zunino. Quant aux parcours individuels, ils demeurent le plus souvent mystérieux. Même pour le docteur Pedro Casarin, qui soigne des blessures, des bronchites et annonce au moins une grossesse par semaine, sous une tente de Médecins sans frontières. Les gens vont et viennent, restent une heure ou un jour, puis ils repartent aussi soudainement qu’ils étaient arrivés, pour ne jamais revenir. Ils ont bravé le désert, les bandits, les violeurs, la Méditerranée : ce n’est pas une frontière de plus qui va les arrêter.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/07/a-menton-les-arrivees-de-migrants-augmentent-les-refoulements-aussi_6193012_

    #frontière_sud-alpine #asile #migrations #réfugiés #Alpes_Maritimes #frontières #Alpes #Vintimille #France #Italie #enfermement #interpellations #statistiques #chiffres #militarisation_des_frontières #contrôles_frontaliers #Menton-Garavan #forces_de_l'ordre #réservistes #trains #refus_d'entrée #refoulements_instantanés #OQTF #mineurs #MNA #mineurs_non_accompagnés #hôtel #Ibis #hôtel_Ibis #encampement

  • Élancourt : « C’est la voiture de police qui l’a percuté »
    https://contre-attaque.net/2023/09/08/elancourt-cest-la-voiture-de-police-qui-la-percute

    Très gravement blessé, [#Sefa S.] a été hospitalisé et se trouve en état de mort cérébrale. Deux policiers conducteurs ont été placés en garde à vue, avant d’être relâchés. En attendant, la violente compagnie #CRS8 a été déployée dans la ville, une violence supplémentaire.

    L’avocat de la famille, Yassine Bouzrou, expliquait : « Nous avons la certitude que la voiture de police a percuté la moto ». https://seenthis.net/messages/1015892#message1016013 Un témoin direct confirmait à la presse : « J’ai vu que c’était la voiture de police qui l’a percuté ». Plusieurs caméras de surveillance sont sur les lieux. Les proches demandent à les consulter. Sont-elles « tombées en panne », comme cela arrive souvent en cas de violences policières ?

    Pour rappel, les policiers ne peuvent engager une #course-poursuite que pour les délits les plus graves. Et pas pour des #refus_d’obtempérer, qui sont exclus des consignes officielles. Les agents disent avoir poursuivi le jeune homme parce qu’il n’avait pas son casque. Justification encore plus absurde : on ne fonce pas sur une personne qui est particulièrement exposée car non protégée.

    Jeudi 13 avril à Paris, trois adolescents sur un scooter étaient percutés par une voiture de #police. Une jeune fille de 17 ans avait été placée dans le coma et un jeune de 14 ans était hospitalisé dans un état grave. Les policiers avaient ouvert leur portière pour déstabiliser le scooter. Grâce aux images, trois policiers avaient été mis à pied.

    Cette technique nommée « #parechoquage », percuter une personne pour l’arrêter, est réclamée par les #syndicats_policiers. Eric Z. avait aussi déclaré : « Je suis favorable à ce que les Anglais font depuis quelques mois, c’est-à-dire ce qu’ils appellent le contact tactique ».

    mensonge(s) des policiers quant aux faits, mensonge du Parquet qui annonce la mort de Seba S., repris par les #média [D’après une source citée par le Parisien, « il aurait pu heurter la voiture d’un particulier ou autre. C’est une coïncidence totale. »]

    edit

    Deux policiers ont été placés en garde à vue. Il s’agit des conducteurs des deux véhicules impliqués dans l’accident, précise le parquet au Parisien. En fin d’après-midi ce jeudi 7 septembre, le parquet a annoncé la levée de ces gardes à vue (...) Yassine Bouzrou récuse la version policière. « Le véhicule de police a percuté le jeune S. sur sa moto et le véhicule de police intervenait suite à un refus d’obtempérer donc ce véhicule n’était pas là par hasard », souligne-t-il. Le conseil évoque ainsi des « traces du choc » visibles sur le véhicule et la moto. « D’après plusieurs témoins, il y aurait des caméras de surveillance donc nous demandons à ce qu’une enquête sérieuse soit réalisée en dehors du tribunal de #Versailles », poursuit-il.

    L’avocat met notamment en doute l’impartialité d’une #enquête_de_police qui serait menée dans les Yvelines sur des agents du même département. Ainsi que la compétence du parquet qui a, en première instance, annoncé à tort la mort du jeune homme. « Il est totalement irrespectueux à l’égard de la famille d’annoncer un décès alors que l’hôpital ne l’a pas annoncé à la famille. Donc encore une fois le parquet de Versailles a manqué une bonne occasion de faire preuve de respect vis à vis de la famille », condamne-t-il. Yassine Bouzrou révèle par ailleurs avoir déposé pour plainte pour « tentative d’homicide volontaire ». _Ration, le 6/9 avec 4 maj le 7/9 de 7h à 17h24]

    #justice #tentative_d’homicide_volontaire

  • Les épreuves de la frontière
    Cours du 05 avril 2023 : #Rencontres

    Les 3 rencontres, le récit avec une triple voix :

    - un exilé :
    Une famille de #réfugiés_afghans, dont Fassin retrace tout le parcours depuis l’#Afghanistan jusqu’à #Briançon, en passant par la Grèce et les Balkans

    - un policier : (à partir de la min 26’40)
    Fassin raconte l’habitude que les forces de l’ordre ont de demander aux chauffeurs du bus qui fait Oulx-Claviere combien de migrants sont descendus du bus à Claviere. Fassin raconte la militarisation de la frontière (2 escadrons de la #gendarmerie_mobile, 140 militaires + 30 hommes des forces armées sentinelles + 25 réservistes de l’#opération_limes —> presque 200 en plus des policiers). « A quoi sert ce qu’ils font ? » (dès min 29’45) Réponse : « tous les migrants finissent par passer. (...) Ce n’est pas un secret, tout le monde le sait » (min 30’04)... Quel intérêt donc ? (min. 30’28) : « faire du chiffre ». « C’est ce que leur demande le commandant, c’est ce que leur demande la préfète, parce que ce sont des #statistiques qu’on fait remonter au Ministre de l’Intérieur qui peut ensuite s’en féliciter publiquement. C’est beaucoup plus facile d’arrêter des migrants que des passeurs, alors comme son collègue il se satisfait des non-admissions. Quand leur nombre augmente, on les complimente et à la fin de l’année ils ont une meilleure prime ; quand il diminue on les convoque, on les réprimande, on exige de meilleurs résultats ». Fassin observe que pas tout le monde n’est pas satisfait de la situation, il évoque le #suicide d’un brigadier qui commandait une équipe de nuit (min 31’02) : « Un homme gentil, respectueux modeste, correct avec les migrants. La version officielle c’est qu’il avait des problèmes conjugaux, qu’il était séparé de sa femme, qu’il voyait moins ses enfants, qu’il faisait une dépression. C’est surement pas faux, mais il a vu comment son collègue était affecté par la dégradation de l’ambiance au sein de l’institution, les attentes de résultats quantifiés par leur hiérarchie ont généré une compétition entre les équipes à qui ferait le plus d’interpellations. Il avait entendu dire le brigadier que ’plus que la qualité du travail, c’était la quantité qui comptait désormais, quitte à tordre les données. Il n’ignore pas que les performances de l’autre équipe valaient sans cesse à son chef des brimades et des humiliations. D’ailleurs, il a entendu dire qu’avant de se suicider, le brigadier avait laissé une lettre dans laquelle il expliquait les raisons de son geste, évoquant les pressions de sa hiérarchie, qu’il ne supportait plus. Beaucoup le pense, au fond, c’est la #politique_du_chiffre qui l’a tué. La mort de son collègue lui a laissé un goût amer, un vague sentiment de culpabilité, ’n’aurait-il pas fallu se montrer plus solidaires entre eux au lieu d’exacerber la concurrence ?’ (...) N’aurait-il pas fallu comprendre quand il répétait qu’il ne trouvait plus de sens à son travail ? »
    Au poste-frontière de Montgenèvre, la scène d’un médecin (probablement de Médecins du Monde, qui entre pour demander de libérer au de reconduire à la frontière les deux adultes interpellés, car leurs enfants ont été entre temps déjà amenés à Briançon (35’28) : Le policier « accuse le médecin d’organiser comme les autres volontaires des opérations hasardeuses pour aider les migrants à franchir la frontière en les amenant à emprunter des chemins dangereux, ils ne font pas de la mise à l’abri, comme ils le disent, ils les exposent à des risques inconsidérés. Ce sont eux, les policiers et les gendarmes, qui protègent les migrants, déclare-t-il ».
    Min 37’50 : les policiers « pestent contre les maraudeurs » "qui sont en réalité des passeurs" —> la présence de maraudeurs et du refuge comme éléments de l’#appel_d'air

    - le maraudeur (à partir de la min 39’18)

    –—

    Deuxième partie de la conférence (à partir de la min 53’00), Fassin explique comment il a construit la narration avec les trois personnages :

    https://www.youtube.com/watch?v=rkOJJ9jYT8Y


    #conférence #vidéo #Didier_Fassin #frontière_sud-alpine #ethnographie #asile #migrations #réfugiés #parcours_migratoire #Briançonnais #Italie #France #Hautes-Alpes #forces_de_l'ordre #militarisation_des_frontières #opération_sentinelle #pression_des_résultats #refus_d'entrée #PAF #police_aux_frontières #solidarité

  • Covid-19 : « Le taux de positivité explose et on ne surveille plus le virus », Christian Lehmann


    (...) une myriade de professionnels de santé témoigne de la recrudescence des cas et de l’incrédulité des patients.

    Depuis le début de la semaine, les consultations et téléconsultations s’enchaînent pour des symptômes pseudo-grippaux, avec une majorité de patients incriminant dans un premier temps les changements de temps, la climatisation, ou les fameux virus hivernaux de l’été dont les ont abreuvé les rassuristes de plateau, avant d’acquiescer lorsque je leur recommande de réaliser un PCR, et de me rappeler, dans un tiers des cas au moins, avec un test positif. Et c’est le cas un peu partout en France, comme en témoignent de nombreux soignants.

    (...) A la suite de la fin de l’état d’urgence sanitaire, le Sidep a été anonymisé (destruction de l’ensemble des données nominatives) et réservé aux résultats des seuls tests PCR depuis le 1er juillet : les résultats des tests PCR sont donc transmis au ministère, mais ne sont plus accessibles en sources ouvertes (ni même sous forme de synthèse, contrairement à ce qui avait été annoncé). (...) le Covid est donc devenu à cette même date la 37e maladie à déclaration obligatoire… mais dont la déclaration ne peut être réalisée que par un biologiste médical suite à un PCR positif (pas de prise en compte des tests antigéniques).

    (...) Le même phénomène se produit dans les établissements de soins, où on découvre des clusters avec du retard car le dépistage n’est plus un réflexe… Disons les choses franchement, il s’agit parfois d’un choix délibéré de ne pas réaliser de test afin de ne pas risquer qu’un #Covid découvert lors d’un séjour hospitalier soit considéré comme une infection nosocomiale.

    (...) nous ne connaissons plus le nombre de patients hospitalisés avec un Covid en France. (...) on constate un net changement dans les comportements depuis la fin du printemps – surtout en fait au moment où un test positif ne nécessitait plus d’isolement (malgré le risque persistant de contamination) et ne permettait plus de bénéficier d’un arrêt de quelques jours. Pour la majorité des Français, cela a constitué le signe que “le Covid c’est devenu un simple rhume“ ou encore que “c’est fini désormais”. (...)

    https://www.liberation.fr/societe/sante/covid-19-le-taux-de-positivite-explose-et-on-ne-surveille-plus-le-virus-2

    https://justpaste.it/a21wj

    #covid #déni #refus_de_test (que c’est une "restriction") #Humex_rhume #PCR #hôpitaux #Paxlovid (personne ne connait) #aveuglement_volontaire (de haut en bas) #Sidep #criblage #séquençage

  • Hauts-de-Seine : une violente interpellation filmée à Bagneux, enquête ouverte pour « refus d’obtempérer aggravé »
    Article rédigé par franceinfo avec AFP
    France Télévisions
    Publié le 14/08/2023 08:47 Mis à jour il y a 11 minutes

    https://www.francetvinfo.fr/france/ile-de-france/hauts-de-seine/hauts-de-seine-une-violente-interpellation-filmee-a-bagneux-enquete-ouv
    https://www.francetvinfo.fr/pictures/VF64duCOm8C-UQ13mmI7shy_FRI/1500x843/2023/08/14/64d9cd7f6db71_080-hl-nguyonnet-2088167.jpg
    Le parquet de Nanterre a annoncé, le 13 août, qu’"une enquête avait été ouverte à Bagneux suite à des faits notamment de refus d’obtempérer aggravé", après la diffusion d’une vidéo d’une violente interpellation à Bagneux (Hauts-de-Seine). (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)

    Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux montre une violente interpellation à la frontière entre les villes de Bagneux et de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).

    Dans cette vidéo, une voiture avec un gyrophare percute un homme noir en short et tee-shirt. Deux autres hommes – l’un en uniforme siglé police et l’autre en civil – se précipitent sur lui alors qu’il se relève, le font chuter et l’immobilisent, visage appuyé contre le pavé. L’homme en uniforme lève le bras, comme s’il allait frapper, au moment où la vidéo s’arrête.

    Le parquet a ajouté qu’une personne avait été placée en garde à vue, sans préciser s’il s’agissait de l’homme à terre sur les images. « Après expertise psychiatrique », cette personne « a fait l’objet dimanche d’une hospitalisation d’office », a précisé le ministère public, sans livrer de détails sur l’état de santé de l’homme.

    L’homme interpellé n’est « pas blessé », selon la préfecture

    Le journal Le Parisien a révélé les faits. Ces images devenues virales sur internet avaient été visionnées près d’un million de fois sur Twitter, dimanche soir. L’AFP a pu les géolocaliser et confirmer qu’elles ont bien été tournées à la frontière entre les villes de Bagneux et de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).

    La préfecture des Hauts-de-Seine, sollicitée par l’AFP, a annoncé que l’homme qui circulait à deux roues avait « refusé d’obtempérer, grillé un feu puis percuté une voiture de police ». Selon Le Parisien, le conducteur serait ensuite descendu de son deux-roues avant d’être rattrapé par la police. La préfecture a assuré que l’homme interpellé était « un peu agité, peu cohérent » mais n’était « pas blessé ». Selon cette même source, deux policiers ont été blessés et se sont vu prescrire un et sept jours d’incapacité totale de travail (ITT). La préfecture n’a souhaité faire « aucun commentaire » sur les circonstances de l’interpellation.

    • @kamilabderrahmn
      https://twitter.com/kamilabderrahmn/status/1691019570767679489

      « Mon frère n’est pas en hôpital psychiatrique, il est sorti libre de garde à vue après avoir été percuté par un véhicule de police. On a essayé de déposer plainte contre les policiers dans 3 commissariats différents, aucun n’a accepté de prendre notre plainte. »

      L’article du parisien a partagé de nombreuses fake news selon la famille du jeune percuté par le véhicule de la BAC de Bagneux. Voici leur témoignage ⤵️

      D’après la soeur de la victime, l’homme ne circulait pas en scooter mais en voiture. Il a grillé un feu rouge et s’en est suivie une chasse avec un véhicule de la BAC. Le jeune homme a abandonné sa voiture et dans sa course à pied s’est fait percuter par le véhicule de la BAC pour l’arrêter.
      Il n’a aucunement foncé sur un véhicule de la police nationale comme il a été dit dans le parisien. Il n’était ni en défaut de permis ou d’assurance, il a juste paniqué et s’est enfui.

      A l’hôpital, les policiers ont minimisé les faits et n’ont pas dit pas voulu dire comment le jeune a été blessé. Ils ont essayé de le faire passer pour un fou et ont demandé a ce qu’il soit vu par un spécialiste afin d’etre placé en psychiatrie. Après auscultation, le psychiatre a refusé de présenter son dossier a l’hôpital psychiatrique tant il ne présentait aucun trouble de cet ordre la.

      La famille était sans nouvelle depuis plus de 24h !
      Sa soeur déclare que son frère a été transporté du commissariat de Bagneux vers celui d’Antony, puis vers le commissariat de Chatenay.

      Le jeune homme est ressorti libre hier de garde à vue. Il a eu l’épaule déboîtée, de multiples contusions et douleurs sévères du à la violence de son interpellation.

      La famille devrait saisir le procureur dans la journée par l’intermédiaire de leur avocat.

  • RIP Mario Tronti
    https://www.repubblica.it/politica/2023/08/07/news/mario_tronti_morto_politico_92_anni-410335343

    È morto a 92 anni Mario Tronti, politico e filosofo, una vita a sinistra. Già militante del Partito comunista italiano, Tronti è stato anche parlamentare. Eletto la prima volta al Senato nel 1992 con il Pds e, successivamente, nel 2013 con il Partito democratico. È scomparso questa mattina intorno alle 10 e 30 a Ferentillo, in provincia di Terni, conferma il dem umbro Pierluigi Spinelli.

    Si definiva un “rivoluzionario conservatore”, ma da alcuni anni si era allontanato dai riflettori della politica: «Sono in ritiro spirituale, nel monastero di Poppi, nel Casentino, retto dalle monache camaldolesi. Mercoledì compio 90 anni e questo passaggio bisogna farlo bene, sentirlo interiormente», disse a Repubblica in occasione del suo novantesimo compleanno. “La morte? L’attendo con serenità”, aggiunse. “Ho vissuto abbastanza. Spero tuttavia che sia un passaggio facile. Per dirla con Montaigne confido che la fine mi colga mentre sto coltivando le mie rape nell’orto".

    • Connaît vraiment celui qui hait vraiment. L’usine et la société, Mario Tronti, 1962.

      Mario Tronti, Michel Valensi
      https://www.cairn.info/revue-lignes-2013-2-page-143.htm

      La question du « populisme » hante la politique italienne (et européenne) depuis – et c’est l’analyse de Mario Tronti – « qu’il n’y a plus de peuple ». À quel moment ce concept-réalité s’est-il désagrégé et se peut-il qu’il se réagrège dans une société où la classe est devenue une catégorie sociologique ? « Je n’ai jamais plus oublié la leçon de vie apprise aux grilles des usines, quand nous débarquions avec nos tracts prétentieux qui invitaient à la lutte générale anticapitaliste, et la réponse, toujours la même, des mains de ceux qui prenaient ces bouts de papier et disaient en riant : “c’est quoi ? c’est du pognon ?” Telle était la “rude race païenne” », écrit Mario Tronti dans Nous opéraïstes. Le “roman de formation” des années soixante en Italie, Paris, Éditions de l’éclat, 2013, p. 24. « Peuple », parce qu’il y eut un « peuple communiste », dont l’Italie a témoigné, peut-être plus durablement qu’ailleurs en Europe, et dont la voix de Mario Tronti témoigne à son tour. Issu des milieux populaires romains, il sera l’une des figures les plus importantes de l’opéraïsme italien, au sein duquel s’est forgé ce style « scandé, ciselé, combatif, constant, agressif et lucide » (ibid., p. 19) dont il est l’héritier et qui donne à ses écrits une dimension quasi unique dans la prose politique du xx-xxi e siècle. Ce texte est une contribution à une discussion sur la question du « populisme » organisée par le Centro per la Riforma dello Stato. L’original italien a été publié dans la revue Democrazia e diritto, n° 3-4/2010.

      #Mario_Tronti #operaïsme

    • L’AUTONOMIE DU POLITIQUE CHEZ TRONTI, Toni Negri
      http://www.euronomade.info/?p=11938

      C’est à cette figure-là de l’histoire moderne, bien différente de la sienne, que j’étais, moi, profondément lié ; et je l’avais précisément appris d’Ouvriers et capital : il fallait suivre « l’histoire interne de la classe ouvrière », c’est-à-dire l’histoire de sa subjectivation progressive. Ce que je tentais de mettre en pratique, c’était le développement de l’intuition trontienne qui insistait sur la nécessité d’évaluer le degré de maturité auquel était arrivée la subjectivation de la force de travail, au point de – je cite Ouvriers et capital« compter vraiment deux fois dans le système de capital : une fois comme force qui produit le capital, et une autre fois comme force qui refuse de le produire ; une fois dans le capital, une fois contre le capital ».

      Ouvriers et capital, Mario Tronti (pdf)
      https://entremonde.net/IMG/pdf/entremonde-ouvriers_et_capital-tronti-livre-2-2.pdf

      #refus_du_travail #subjectivation #classe_ouvrière

    • "History has become small"
      Mario Tronti: I am defeated
      https://cominsitu.wordpress.com/2015/03/08/mario-tronti-i-am-defeated

      Under the soles of his shoes, you can still recognise the dirt of history. “This is all that remains. A mix of straw and shit by which we delude ourselves into erecting cathedrals to the worker’s dream.” Here’s a man, I say to myself, imbued with a consistency that bursts through in a total melancholy. It’s Mario Tronti, the most celebrated of the theorists of Operaismo. He has only recently finished writing a book on this subject: the origins of his thought, how it has changed and what it is today. I don’t know who will publish it (I would guess a decent publisher). I read a profound sense of despair. Like a chronicle of defeat articulated through the long agony of a past that has not yet passed at all, that refuses to die, but is no longer wanted.

      [...]

      How did your interest in Tai Chi start?

      Thanks to my daughter who loves and practices oriental culture. She would have wanted to become a nun, so she chose the same profound consistency in this world that I’ve only touched.

      Is there an element of unpredictability with children?
      Always: with individuals, just like with history.

      Did you expect that the story – I mean yours – would end this way?
      I always expect the best. Then come the knocks. Coming up against facts without an airbag can do you damage. I was a communist, marxist, operaista. Some things end. Some things last. I have learnt and applied the lesson of political realism: you can’t ignore the facts.

      And the facts today are indicative of a great crisis?

      Great and long. It concerns all of us a little, at many diverse levels. It’s lasted at least seven years and still nobody is able to tell us how to get out of it. We’re living in a time without epoch.

      What does it mean?
      It is our time, however it lacks an epoch: this period that has arisen and will continue into the future. History has become small, the daily report has prevalence: gossip, complaints, platitudes.

      #défaite #mélancolie_théorique (≠rien) #histoire #communisme

    • Partialité, initiative, organisation : les usages de Lénine par Tronti
      https://www.contretemps.eu/lenine-tronti

      Dans cette intervention, nous voudrons tenter un examen critique des usages de Lénine dans l’œuvre de Mario Tronti, en nous focalisant essentiellement sur les textes réunis dans Ouvriers et capital (1966), ouvrage central de l’expérience opéraïste classique telle qu’elle a été définie et délimitée par Tronti lui-même. Nous partons de l’idée que l’un des aspects les plus intéressants, sinon l’originalité principale de ce marxisme, a consisté dans l’affirmation de la centralité politique du travail. Affirmation théorique, mais qui est ancrée dans une situation sociale concrète : c’est au contact des jeunes générations ouvrières des années 60 et de leurs pratiques spécifiques d’insubordination que la pensée opéraïste découvre une subjectivité politique radicale à même le rapport social de production.

    • Un aventurier révolutionnaire dans l’interrègne. Mario Tronti (1931-2023)
      https://legrandcontinent.eu/fr/2023/08/08/un-aventurier-revolutionnaire-dans-linterregne-mario-tronti-1931-20

      Il est difficile de penser à une autre intelligence européenne qui soit passée de la culture du parti communiste et de l’horizon de la politique révolutionnaire — il était le cofondateur de l’influente revue Classe Operaia — à la participation parlementaire — en tant que sénateur du Partito Democratico — pour finir par un engagement profond dans la grammaire théologico-politique du christianisme occidental — allant jusqu’à professer une admiration univoque pour le pontificat de Benoît XVI, attitude théologique d’une gauche qu’on a pu qualifier de « marxiste ratzingerienne ». La pensée et l’activité politique de Tronti pourraient très bien être placées sous le signe de la figure de l’aventurier, c’est-à-dire de quelqu’un qui s’engage à prendre des risques, envers et contre toutes les mains tendues par le sens commun. Tronti gravitait en fait à cheval entre l’ethos de deux figures distinctes : l’aventurier preneur de risques et l’homme politique par vocation. Mais au fond de lui-même, il était convaincu que seule la première pouvait permettre à un homme politique passionné de s’acquitter véritablement de sa tâche.

      « Chez le Tronti tardif, la passion révolutionnaire devient une révocation de la politique moderne, sans pour autant renoncer au schisme contre la vie sociale comme condition préalable à la sérénité existentielle. » Gerardo Muñoz

    • « L’histoire, c’est eux, nous, c’est la politique ». Entretien avec Mario Tronti

      Mario Tronti (1931-2023), figure centrale de la culture marxiste de la seconde moitié du 20e siècle, est décédé le 7 août dernier. Dans cet entretien de 2016, inédit en français, il revient sur sa trajectoire militante et intellectuelle 👇

      https://www.contretemps.eu/mario-tronti-marxisme-operaisme

      Cet entretien a été conduit par Martin Cortes à Rome en février 2016 et fait partie de l’édition espagnole de La autonomía de lo político [L’autonomie du politique] (Buenos Aires, Prometeo, 2018). Il a été repris dans Jacobin America Latina le 8 août 2023. La traduction et les intertitres sont de Contretemps.

      https://twitter.com/SRContretemps/status/1690273066092244992

  • Mort de #Nahel  : IL EST URGENT DE MENER UNE VÉRITABLE #RÉFORME DU #MAINTIEN_DE_L’ORDRE

    Nahel est mort. Il a été tué à bout portant par un policier. Il avait 17 ans. Nous publions une analyse du contexte dans lequel sa mort s’inscrit. Nous appelons à la justice, mais aussi à une révision des règles d’utilisation des armes à feu par la police et à la fin du racisme systémique dans l’application des lois.

    Mardi 27 juin 2023, à 8h 15. Un policier tue par balle Nahel, un mineur de 17 ans, lors d’un contrôle routier à Nanterre, en banlieue parisienne. Dans la voiture se trouvent deux autres garçons âgés de 17 et 14 ans. Deux jours plus tard, le policier auteur du tir mortel est mis en examen pour «  homicide volontaire par une personne dépositaire de l’autorité publique  ». Maintenu en détention provisoire, il fait actuellement l’objet d’une enquête officielle de l’Inspection générale de la police (IGPN).

    D’après la vidéo rendue publique et que nous avons analysée, le tir semble constituer un recours illégal à la force meurtrière.

    Depuis ce nouveau drame, des mobilisations nationales sont organisées partout en France. La colère de la population doit être entendue.

    Il est urgent de mener une véritable réforme du maintien de l’ordre et de reconnaître enfin le racisme systémique dans l’application de la loi.
    Ce que nous dénonçons  :

    les règles actuelles du maintien de l’ordre en France ne sont pas conformes aux normes internationales  ;

    l’incapacité de longue date à mettre fin au profilage racial  ;

    l’incapacité à garantir la responsabilité des agents qui font un usage excessif de la force.
    Ce que nous demandons :

    une réforme complète des règles régissant l’utilisation des armes à feu et de la force meurtrière par les responsables de l’application des lois  ;

    la fin du dangereux déni des autorités concernant les effets du racisme systémique dans le maintien de l’ordre  ;

    la création d’un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre.

    Combien de Nahel n’ont pas été filmés  ?

    Combien de policiers n’ont pas été jugés  ?

    Combien de familles de victimes attendent encore justice  ?

    Les autorités françaises ne peuvent plus délibérément refuser d’admettre la réalité et laisser couver ces injustices.Il est urgent que le gouvernement agisse. Pour ne pas condamner la France à voir les mêmes drames se reproduire.

    Contrôles routiers   : un problème de longue date

    Les tirs mortels, lors de contrôles routiers par la police, sont un problème de longue date. Il s’est aggravé ces dernières années.

    Le tir mortel d’un policier sur Nahel - le plus récent d’une longue série d’homicides illégaux commis par la police lors de contrôles routiers - souligne l’urgence d’une refonte totale des règles françaises régissant l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, qui sont dangereusement imprécises et permissives.

    Nils Muižnieks, directeur régional Europe d’Amnesty International

    En 2017, un article ajouté au Code de la sécurité intérieure a élargi les motifs d’utilisation des armes à feu. Si le recours à la force doit répondre à une «  absolue nécessité  » et à «  une stricte proportionnalité  », l’usage des armes à feu et de la force meurtrière n’est plus strictement limité aux seuls cas de «  menace imminente de mort  » ou «  de blessure grave  ». Il est autorisé dès lors qu’il existe un risque "présumé" ou "anticipé" de blesser d’autres personnes.

    Cette formulation, trop vague, laisse une trop grande part d’arbitraire et de liberté d’appréciation aux policiers et est contraire au droit international relatif aux droits humains. L’homicide de Nahel est un exemple tragique des failles de ce cadre juridique. La vidéo montre clairement que l’avancée du véhicule ne constituait pas une menace pour les policiers.

    Le jour de la mort de Nahel, la député Caroline Abadie, vice-présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a déclaré dans une interview  : «  C’est quand même la police qui détient le droit de faire usage de la force. […] On est dans un état de droit, il faut […] rappeler les fondamentaux, quand il y a un barrage de police, on s’arrête, point barre […] Il faut aussi rappeler ces principes basiques17.  » Ce raisonnement, largement répandu, est erroné.

    Selon le droit international, le simple fait qu’une personne refuse d’obtempérer ou tente de s’enfuir, sans mettre en danger la vie de quiconque, n’est pas une raison suffisante pour utiliser une arme à feu. Un refus d’obtempérer à un ordre d’arrêter une voiture ne constitue pas en soi un motif légitime de recours à la force.  L’usage d’une arme à feu dans une telle situation ne peut être justifié que par des considérations autres que le simple fait qu’un véhicule a forcé un poste de contrôle  : il doit y avoir une menace imminente de mort ou de blessure grave pour des tiers.

    👉 Ce que nous dénonçons.

    Le cadre juridique français sur les règles d’utilisation des armes à feu n’est pas conforme au droit international relatif aux droits humains ni aux normes internationales en la matière. 
    👉 Ce que nous demandons.

    Les responsables de l’application des lois ne doivent être autorisés à utiliser leurs armes à feu qu’en dernier recours, en situation de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave. 

    Le poids du racisme systémique

    Si les autorités doivent revoir la politique générale de la police en matière d’utilisation des armes à feu, elles doivent aussi prendre des mesures significatives pour lutter contre le racisme systémique dans le maintien de l’ordre.

    En France, l’utilisation illégale des armes à feu dans le contexte de contrôles routiers semble en effet être associée à un préjugé raciste, puisque beaucoup des victimes d’homicides illégaux survenus dans ce contexte sont des personnes racisées. Selon l’agence de presse Reuters, la majorité des personnes tuées par la police dans un véhicule étaient racisées. Nahel était lui-même français d’origine algérienne. 

    En 2021, avec une coalition d’organisations (la Maison communautaire pour un développement solidaire, Pazapas, le Réseau Égalité, Antidiscrimination, Justice interdisciplinaire, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative) nous avons engagé une action de groupe contre l’État français pour son inaction depuis des années. Nous avons saisi la plus haute juridiction administrative française, reprochant aux autorités de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher et sanctionner les contrôles d’identité au faciès menés par la police, malgré des preuves accablantes faisant état de discrimination systémique. 

    Les pratiques de contrôle au faciès ne naissent pas de rien.

    Le profilage racial est à la fois une cause et une conséquence du racisme systémique. De telles pratiques n’existent pas dans un contexte vierge et leur prévalence en France peut être considérée comme un reflet de la persistance d’un racisme sociétal systémique.

    TendayiAchiume,Ex-rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance
    👉 Ce que nous dénonçons.

    L’incapacité de longue date à mettre fin au profilage racial.
    👉 Ce que nous demandons.

    La fin du dangereux déni des autorités concernant les effets du racisme systémique dans le maintien de l’ordre.

    Le grand déni des autorités

    «  Nous sommes préoccupés par le meurtre d’un jeune homme de 17 ans d’ascendance nord-africaine par la police en France mardi dernier. Nous notons qu’une enquête a été ouverte concernant des allégations d’homicide volontaire. Le moment est venu pour le pays de s’attaquer sérieusement aux problèmes profonds liés au racisme et à la discrimination dans le contexte du maintien de l’ordre. Nous tenons également à insister sur l’importance du respect du droit de réunion pacifique. Nous demandons aux autorités de veiller à ce que le recours à la force par la police afin de lutter contre les éléments violents durant les manifestations respecte toujours les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination, de précaution et de responsabilité. Toute allégation de recours disproportionné à la force doit rapidement faire l’objet d’une enquête.  » 

    Cette brève déclaration d’une porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a immédiatement suscité de vives réactions.

    Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré en retour  : «  Toute accusation de racisme ou de discrimination systémiques par les forces de l’ordre en France est totalement infondée. […] L’usage de la force par la police et la gendarmerie nationales est régi par les principes d’absolue nécessité et de proportionnalité, strictement encadré et contrôlé  ».

    Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, a répondu sur BFMTV : «  Non, certainement pas, il n’y a pas de racisme dans la police.  »

    Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lors d’une interview au journal britannique The Telegraph : «  Je leur répète avec vigueur qu’il est inacceptable de dire que la police française est raciste, c’est totalement inacceptable  ». Selon ce même article, le ministre a écarté les accusations concernant le tir mortel, le qualifiant d’«  incident isolé  » dans un maintien de l’ordre qui «  respecte l’état de droit et fait son travail dans des conditions difficiles  ». 

    Six jours après la mort de Nahel, la présidente du Parlement français, Yaël Braun-Pivet, a même affirmé haut et fort  : «  La police exerce sa mission de façon merveilleuse  !  ».

    Ces déclarations de haut·es responsables du gouvernement français sont symptomatiques d’un refus de reconnaître l’existence d’un recours excessif à la force dans le cadre du maintien de l’ordre et d’un racisme systémique dans l’application des lois.

    Les affres de l’impunité

    Le déni des autorités renforce le sentiment d’impunité des forces de l’ordre et alimente une violence pourtant maintes fois dénoncée.

    En 2005, dans notre rapport sur les graves violations commises par des responsables de l’application des lois en France
    En 2009 , dans notre rapport «  France : des policiers au-dessus des lois  »
    En 2018, quand la France a été épinglée dans l’affaire Naguib Toubache
    👉 Ce que nous dénonçons.

    Ces dernières années, plusieurs de nos recherches montrent que, dans les affaires où des responsables de l’application des lois sont mis en cause, l’enquête – lorsqu’enquête il y a – n’est pas conforme aux critères de rapidité, d’indépendance, d’impartialité et d’efficacité établis par les normes internationales relatives aux droits humains.
    👉 Ce que nous demandons.

    La reconnaissance du caractère systémique du racisme dans le maintien de l’ordre et la création d’un organisme indépendant disposant de ressources suffisantes pour enquêter sur toutes les allégations de graves violations des droits humains imputées à des agents de la force publique.

    L’homicide de Nahel ne saurait être séparé de ce contexte. Il est impossible de ne pas y voir le manque d’action concrète de l’État français pour garantir l’obligation de rendre des comptes et mettre en œuvre une réforme systémique garantissant la non-répétition des pratiques abusives récurrentes. Il est urgent de mener une véritable réforme du maintien de l’ordre et de reconnaître enfin le racisme systémique dans l’application des lois.

    https://www.amnesty.fr/actualites/mort-de-nahel-reformer-utilisation-des-armes-a-feu-et-mettre-fin-au-racisme-

    #Amnesty #racisme_systémique #armes_à_feu #armes #police #normes_internationales #responsabilité #contrôles_routiers #refus_d'obtempérer #déni #impunité

    ping @karine4

  • Entre expérience et expérimentation, une politique qui ne porte toujours pas le nom de politique (2007)
    https://www.cip-idf.org/spip.php?article3284

    Les vagues de révolte se soulèvent et disparaissent selon des logiques qui font couler l’encre des sociologues et des théoriciens, selon des trajectoires qu’on ne retrace pas sans se sentir policier et intrusif, sans se voir en archiviste de la nostalgie. Nous n’avons pas ici l’ambition de faire un bilan de l’hiver et du printemps agités qui viennent de s’écouler. Dans les lignes qui suivent nous aborderons quelques problèmes de langage présents dans la politique contemporaine et les critères qui organisent le partage entre ce qui relève de cette politique et ce qui en exclu.

    Tout serait-il vain parce que la souffrance est éternelle, et que les révolutions ne survivent pas à leur victoire ? Mais le succès d’une révolution ne réside qu’en elle-même, précisément dans les vibrations, les étreintes, les ouvertures qu’elle a données aux hommes au moment où elle se faisait, et qui composent en soi un monument toujours en devenir, comme ces tumulus auxquels chaque nouveau voyageur apporte une pierre. la victoire d’une révolution est immanente, et consiste dans les nouveaux liens qu’elle instaure entre les hommes, même si ceux-ci ne durent pas plus que sa matière en fusion et font vite place à la division, à la trahison. G. Deleuze, F. Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Les Editions de Minuit, Paris, 1991.

    Ce qui nous intéresse ici est aussi de montrer que les #émeutes de novembre 2005 et celles d’avril 2006 s’inscrivent dans une longue généalogie de soulèvements et que le fait qu’elles soient à présent devenues « souterraines » ne préjuge en rien de leur valeur d’événements.

    Comme l’explique Foucault « ce qui, dans l’histoire, échappe à l’histoire, ce n’est pas l’universel, l’immobile, ce que tout le monde, tout le temps, peut penser, dire ou vouloir. Ce qui échappe à l’histoire, c’est l’instant, la fracture, le déchirement, l’interruption (...). La révolution s’organise selon toute une économie intérieure au temps : des conditions, des promesses, des nécessités ; elle loge dans l’histoire, y fait son lit et finalement s’y couche. Le soulèvement, lui, coupant le temps, dresse les hommes à la verticale de leur terre et de leur humanité" [1].

    Deux de ces coupures verticales, de ces ruptures de la ligne prescrite par l’histoire des vainqueurs ont donc pris place d’après les medias dans les mois passés. La première s’est produite dans les banlieues de plusieurs villes de l’hexagone et à été attribuée - de manière un peu grossière - à des jeunes issus de l’immigration et mécontents d’un présent trop répressif et d’un futur trop sombre. La deuxième qu’on a baptisée mouvement anti-CPE s’est développée au cœur des villes et des universités, a été le fait des étudiants et des syndicats, a fini par réunir les jeunes et les adultes sous un seul drapeau qu’a l’étranger on a souvent trouvé conservateur. Car les pays où la tragédie de la fin du welfare s’est déjà consommée dans les décennies passées (comme l’Angleterre par exemple) ont jugé incompréhensible cette réaction de masse contre des conditions d’entrée dans le marché du travail qui ne semblaient point avilissantes. Mais de fait la contestation de ces conditions ne résume pas l’éventail des raisons qui ont fait descendre des milliers de gens dans les rues contre le gouvernement en place.

    [...]

    Les politiques du silence sont alors les pratiques propres aux états d’exception, celles qui se tiennent dans une relation étroite et risquée avec l’expérimentation aussi bien qu’avec l’expérience, pendant que le pouvoir en place gonfle sa puissance de répression. On peut aussi parler de « politiques de purs gestes », car le geste est toujours geste de ne pas se retrouver dans le langage et que l’être-dans-le-langage n’est pas quelque chose qui puisse être énoncé en propositions [44].

    Les catégories qui nous permettent de penser cet espace liminaire du politique, où quelque chose de décisif se joue au jour le jour en dehors de la comédie représentative gouvernementale et en deça du théâtre bohémien de la gauche extra-parlementaire, n’ont sans doute pas encore été crées. Pour l’heure, un enjeu important reste celui de prêter l’oreille, le corps, les affects, aux silences de la politique qui ne porte toujours pas ce nom.

    #révolte #immanence_de_la_révolution #révolution #histoire #interruption #soulèvement #mouvement_anti-CPE #émeutes_de_2005 #État #politique

    • La catégorie de l’étrangeté était plus qu’une figure de style pour l’Autonomie italienne qui en fit son orgueil [33] et l’articula notamment autour de l’idée pivot du refus du travail, c’est-à-dire le refus d’assumer comme sa propre place dans la dynamique de l’émancipation celle dela classe ouvrière. En 1977 les cercles du jeune prolétariat diffusaientun long communiqué, nous en citons un extrait dont l’actualité risque de surprendre : « Va travailler ! Ils nous le disent toujours, que l’on travaille ou que l’on soit chômeur. En effet nous sommes d’accord avec cet ouvrier américain qui disait dans une interview : » Si un matin je me levais avec l’envie d’aller travailler, j’irais tout de suite voir le psychologue« . C’est pour cela qu’existent les grèves et les absentéismes. Le travail (...) n’est qu’une nécessité. Mais même cette nécessité les patrons nous la rendent énormément pesante. Travailler veut dire commencer jeunes à faire de nouveau la vie de nos pères, huit heures à la chaîne ou au bureau, toujours obligés de rendre des comptes à un chef, avec pour seule perspective pour nous, les jeunes, d’être opprimés et exploités pendant toute notre vie (...). L’accusation de ne pas avoir envie de travailler, lorsqu’elle vient des bourgeois n’est qu’une grande hypocrisie » [34].

      #autonomie #travail #refus_du_travail

  • On sait mieux où va la France - Jean-François Bayart, Le Temps
    https://www.letemps.ch/opinions/on-sait-mieux-ou-va-la-france

    Reprenons les faits. La France brûle. Pour un homme qui se faisait fort de l’apaiser et clignait de l’œil à la #banlieue lors de sa première campagne électorale, le constat est amer. Il vient après le mouvement des Gilets jaunes et une succession de mouvements sociaux de grande intensité. Tout cela était prévisible et fut prévu, comme était attendu l’embrasement des #quartiers_populaires, tant était connue la colère sociale qui y couvait. Tellement redouté, même, qu’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin ont immédiatement compris la gravité et le caractère inacceptable de l’#exécution_extra-judiciaire de Nahel – le mot est fort, j’en conviens, mais de quoi s’agit-il d’autre au vu de la vidéo ?
    Les paroles d’apaisement furent vaines. Car la mort de Nahel, loin d’être une simple bavure, était programmée. Elle est la conséquence mécanique de la démission du pouvoir politique, depuis trente ans, sous la pression corporatiste de la #police qui n’a cessé de s’affranchir des règles de l’Etat de droit bien que lui ait été concédée, de gouvernement en gouvernement, une kyrielle de lois liberticides, jamais suffisantes, sous couvert de lutte contre le terrorisme, l’immigration et la délinquance. Jusqu’à la réécriture de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, en 2017, qui assouplit les conditions d’emploi des armes à feu par les forces de l’ordre. Annoncé, le résultat ne se fit pas attendre. Le nombre des tués par la police a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010. Le plus souvent pour « refus d’obtempérer à un ordre d’arrêt » :5 fois plus de tirs mortels dans ces circonstances. Nahel est mort de cette modification du Code de la sécurité intérieure.
    Et l’avocat du policier meurtrier de justifier son client : Nahel n’obtempérait pas et il n’y avait pas d’autre moyen de l’arrêter que de tirer. A-t-on besoin d’un avocat pour entendre une insanité pareille alors qu’il suffit de tirer dans les roues ? On se croirait à Moscou ou Minsk, où des hommes politiques promettent à Prigojine une « balle dans la tête ». Aux yeux de certains, le refus d’obtempérer semble désormais passible de la peine de mort. Une grammaire s’installe, qui brutalise les rapports sociaux, et dont on voudrait faire porter la responsabilité à l’« ultragauche », aux « éco-terroristes », à La France insoumise, alors qu’elle émane d’abord de certains médias et des pouvoirs publics, sous influence de l’extrême droite.

    Nils Wilcke @paul_denton
    https://twitter.com/paul_denton/status/1675117088661286915

    Macron n’a pas activé l’état d’urgence suite aux violences après la mort de Nahel : « En réalité, l’exécutif a à sa disposition un tel arsenal de lois répressif depuis 2015 qu’il n’est presque plus nécessaire d’y avoir recours », observe un conseiller. Vu comme ça... #Off

    #Nahel #racisme #révolte #émeutes #média #extrême_droite

    • Le texte complet:

      Où va la France ? demandai-je le 8 mai, dans Le Temps. Aujourd’hui, on le sait mieux. Vers l’#explosion_sociale, vers son inévitable #répression_policière puisque la fermeture des canaux démocratiques contraint la #protestation à la #violence_émeutière, et vers l’instauration d’un régime paresseusement qualifié d’« illibéral » (c’est le sociologue du politique qui écrit, peu convaincu par cette notion valise qui pourtant fait florès).

      Reprenons les faits. La France brûle. Pour un homme qui se faisait fort de l’apaiser et clignait de l’œil à la #banlieue lors de sa première campagne électorale, le constat est amer. Il vient après le mouvement des Gilets jaunes et une succession de mouvements sociaux de grande intensité. Tout cela était prévisible et fut prévu, comme était attendu l’#embrasement des #quartiers_populaires, tant était connue la #colère_sociale qui y couvait. Tellement redouté, même, qu’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin ont immédiatement compris la gravité et le caractère inacceptable de l’#exécution_extra-judiciaire de #Nahel – le mot est fort, j’en conviens, mais de quoi s’agit-il d’autre au vu de la vidéo ?

      Les paroles d’#apaisement furent vaines. Car la mort de Nahel, loin d’être une simple #bavure, était programmée. Elle est la conséquence mécanique de la #démission du #pouvoir_politique, depuis trente ans, sous la pression corporatiste de la #police qui n’a cessé de s’affranchir des règles de l’#Etat_de_droit bien que lui ait été concédée, de gouvernement en gouvernement, une kyrielle de lois liberticides, jamais suffisantes, sous couvert de lutte contre le #terrorisme, l’#immigration et la #délinquance. Jusqu’à la réécriture de l’article #435-1 du #Code_de_la_sécurité_intérieure, en 2017, qui assouplit les conditions d’emploi des #armes_à_feu par les #forces_de_l’ordre. Annoncé, le résultat ne se fit pas attendre. Le nombre des tués par la police a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010. Le plus souvent pour « refus d’obtempérer à un ordre d’arrêt » :5 fois plus de tirs mortels dans ces circonstances. Nahel est mort de cette modification du Code de la sécurité intérieure.

      Et l’avocat du policier meurtrier de justifier son client : Nahel n’obtempérait pas et il n’y avait pas d’autre moyen de l’arrêter que de tirer. A-t-on besoin d’un avocat pour entendre une insanité pareille alors qu’il suffit de tirer dans les roues ? On se croirait à Moscou ou Minsk, où des hommes politiques promettent à Prigojine une « balle dans la tête ». Aux yeux de certains, le #refus_d’obtempérer semble désormais passible de la #peine_de_mort. Une grammaire s’installe, qui brutalise les #rapports_sociaux, et dont on voudrait faire porter la #responsabilité à l’« #ultragauche », aux « #éco-terroristes », à La France insoumise, alors qu’elle émane d’abord de certains médias et des pouvoirs publics, sous influence de l’extrême droite.

      Une #violence_policière qui est aussi le prix du retrait de l’Etat

      Comme l’ont démontré depuis des années nombre de chercheurs,la violence policière est devenue la règle dans les « quartiers », et le refus des autorités politiques de prononcer ce vilain mot aggrave le #sentiment_d’injustice. Mais la vérité oblige à dire que ladite violence policière est aussi le prix du retrait de l’Etat qui a asphyxié financièrement le tissu associatif de proximité et démantelé les #services_publics en confiant à ses flics une mission impossible : celle de maintenir la #paix_sociale dans un Etat d’#injustice_sociale, prompt à l’#injure_publique à l’encontre de la « #racaille ». Tout cela sur fond de dénonciation hystérique du « #wokisme » et de vociférations sur les chaînes d’information continue des syndicats de police, dont les membres sont de plus en plus nombreux à porter sur leur uniforme la #Thin_Blue_Line prisée de l’extrême droite suprémaciste américaine.

      Bien sûr, l’Etat ne peut laisser sans réagir la banlieue s’embraser. L’ « #ordre_républicain » est en marche, avec son lot d’#arrestations, de #blessés, peut-être au prix de l’#état_d’urgence ou d’un #couvre-feu national, « quoi qu’il en coûte », à un an des #Jeux_Olympiques. Le #piège s’est refermé. Quel « #Grand_débat_national » (ou banlieusard) le magicien Macron va-t-il sortir de son chapeau pendant que les chats de Marine Le Pen se pourlèchent les babines ?

      Certains lecteurs de ma tribune « Où va la France ? » se sont offusqués de la comparaison que j’établissais entre Macron et Orban, voire Poutine ou Erdogan. C’était mal me comprendre. Il ne s’agissait pas d’une question de personnes, bien que les qualités ou les faiblesses d’un homme puissent avoir leur importance. Il s’agit d’une logique de situation, qui me faisait écrire que la France « bascule ». Or, depuis la parution de cette tribune, les signes d’un tel basculement se sont accumulés. Que l’on en juge, en vrac.

      Pour reconquérir l’opinion le président de la République, fébrile, sans jamais se départir de sa condescendance à l’égard de « Jojo » – c’est ainsi qu’il nomme dans l’intimité le Français moyen – ce « Gaulois réfractaire » : « Mon peuple », disait-il en 2017, en monarque frustré – sillonne le pays, court-circuite le gouvernement et multiplie les effets d’annonce, au point que Le Monde titre : « Emmanuel Macron, ministre de tout ». On pourrait ajouter : « et maire de Marseille ».

      #Anticor mis à l’index, dissolution des #Soulèvements_de_la_Terre

      La justice refuse à l’association Anticor (lire « anticorruption »), à l’origine de la plainte qui a conduit à la mise en examen du secrétaire général de l’Elysée, le renouvellement de son « agrément », lequel lui permet de se porter partie civile devant les tribunaux. Cela sent un peu les eaux troubles du Danube, non ?

      Le mouvement des Soulèvements de la Terre a été dissous sous la pression de la #FNSEA, le grand syndicat de l’agro-industrie dont les militants ou les responsables multiplient les menaces et les violences contre les écologistes, en toute impunité, quitte à faire oublier que dans l’histoire il a à son actif nombre d’assauts contre des préfectures. Le décret de dissolution justifie notamment la mesure par le fait que les militants des Soulèvements de la Terre lisent l’essai d’Andreas Malm Comment saboter un pipeline et mettent en mode avion leur téléphone portable quand ils vont manifester. Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, va jusqu’à les accuser d’intentions homicides à l’encontre des forces de l’ordre, contre toute évidence. Orwell n’est pas loin.

      #Vincent_Bolloré, le grand argentier de la révolution conservatrice en France, fait nommer un journaliste d’extrême droite, un ami d’#Eric_Zemmour, comme rédacteur en chef du Journal du Dimanche,l’un des principaux hebdomadaires du pays. Le piquant de la chose est que ledit journaliste s’était fait congédier par un autre hebdomadaire, d’extrême droite celui-ci, Valeurs actuelles, qui lui reprochait sa radicalité.

      #Laurent_Wauquiez, président de la méga région Auvergne-Rhône-Alpes, prive de subvention un théâtre dont le directeur avait osé critiquer sa politique.

      La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement s’alarme de la hausse des requêtes des services secrets en matière de surveillance du militantisme politique et social.

      #Richard_Ferrand, ancien président de l’Assemblée nationale, l’un des plus proches conseillers d’Emmanuel Macron, lâche un ballon d’essai sur la possibilité d’une révision constitutionnelle qui autoriserait à celui-ci un troisième mandat, pendant que d’autres préparent une candidature de Jean Castex-Medvedev. Sommes-nous à Dakar ou à Moscou ?

      Tout cela en deux petits mois. Oui, la France bascule. Nul doute que l’explosion sociale dans les banlieues accélérera le mouvement. Mais peut-être faut-il rappeler la définition du « #point_de_bascule » que donnent les experts du GIEC : le « degré de changement des propriétés d’un système au-delà duquel le système en question se réorganise, souvent de façon abrupte, et ne retrouve pas son état initial même si les facteurs du changement sont éliminés ».

      Le #climat_politique en France en est bien là, et Macron, qui dans son #immaturité se voulait « maître des horloges » et se piquait de séduire la banlieue par diaspora africaine interposée, n’est que le fondé de pouvoir d’une situation qui échappe à son entendement, mais qu’il a contribué à créer. Comme, par ailleurs, les droites de gouvernement, à l’échelle européenne, de l’Italie à la Suède et à la Finlande, se compromettent de plus en plus avec l’extrême droite, la comparaison que certains m’ont reprochée est hélas politiquement pertinente, et même nécessaire.

      #basculement

    • même à BFM, on s’interroge sur les racines du problème

      mais soyons en certains, "Il n’y a pas de racisme dans la police", Nunez, préfet de Paris.

      l’avocat du flic assassin de Nahel, n’est pas sur la même longues d’onde :_"J’ai un client qui a eu des idées suicidaires parce qu’on parle de son métier. Il est triste parce qu’on parle en mal de son métier. lui il est persuadé de faire le bien. Et son ministre lui a enfoncé la tête Je lui dis ’Changez-de travail’. Il me dit ’Mais je veux être policier ! Je veux interpeller des gens ! Je veux pouvoir les étrangler quand ils luttent !’. Évidemment qu’il y a du racisme dans la police. Et d’ailleurs être raciste c’est autorisé par la loi, ce qui est interdit c’est les manifestations d’opinions racistes", Laurent-Franck Lienard

  • On sait mieux où va la France Jean-François Bayart professeur à l’IHEID (Genève), chaire Yves Oltramare « Religion et politique dans le monde contemporain »

    Où va la France ? demandai-je le 8 mai, dans Le Temps. https://www.letemps.ch/opinions/va-france Aujourd’hui, on le sait mieux. Vers l’explosion sociale, vers son inévitable répression policière puisque la fermeture des canaux démocratiques contraint la protestation à la violence émeutière, et vers l’instauration d’un régime paresseusement qualifié d’« illibéral » (c’est le sociologue du politique qui écrit, peu convaincu par cette notion valise qui pourtant fait florès).

    Reprenons les faits. La France brûle. Pour un homme qui se faisait fort de l’apaiser et clignait de l’œil à la banlieue lors de sa première campagne électorale, le constat est amer. Il vient après le mouvement des Gilets jaunes et une succession de mouvements sociaux de grande intensité. Tout cela était prévisible et fut prévu, comme était attendu l’embrasement des quartiers populaires, tant était connue la colère sociale qui y couvait. Tellement redouté, même, qu’Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin ont immédiatement compris la gravité et le caractère inacceptable de l’exécution extra-judiciaire de Nahel – le mot est fort, j’en conviens, mais de quoi s’agit-il d’autre au vu de la vidéo ?

    Les paroles d’apaisement furent vaines. Car la mort de Nahel, loin d’être une simple bavure, était programmée. Elle est la conséquence mécanique de la démission du pouvoir politique, depuis trente ans, sous la pression corporatiste de la police qui n’a cessé de s’affranchir des règles de l’Etat de droit bien que lui ait été concédée, de gouvernement en gouvernement, une kyrielle de lois liberticides, jamais suffisantes, sous couvert de lutte contre le terrorisme, l’immigration et la délinquance. Jusqu’à la réécriture de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, en 2017, qui assouplit les conditions d’emploi des armes à feu par les forces de l’ordre. Annoncé, le résultat ne se fit pas attendre. Le nombre des tués par la police a doublé depuis 2020 par rapport aux années 2010. Le plus souvent pour « refus d’obtempérer à un ordre d’arrêt » :5 fois plus de tirs mortels dans ces circonstances. Nahel est mort de cette modification du Code de la sécurité intérieure.

    Et l’avocat du policier meurtrier de justifier son client : Nahel n’obtempérait pas et il n’y avait pas d’autre moyen de l’arrêter que de tirer. A-t-on besoin d’un avocat pour entendre une insanité pareille alors qu’il suffit de tirer dans les roues ? On se croirait à Moscou ou Minsk, où des hommes politiques promettent à Prigojine une « balle dans la tête ». Aux yeux de certains, le refus d’obtempérer semble désormais passible de la peine de mort. Une grammaire s’installe, qui brutalise les rapports sociaux, et dont on voudrait faire porter la responsabilité à l’« ultragauche », aux « éco-terroristes », à La France insoumise, alors qu’elle émane d’abord de certains médias et des pouvoirs publics, sous influence de l’extrême droite.

    Une violence policière qui est aussi le prix du retrait de l’Etat
    Comme l’ont démontré depuis des années nombre de chercheurs,la violence policière est devenue la règle dans les « quartiers », et le refus des autorités politiques de prononcer ce vilain mot aggrave le sentiment d’injustice. Mais la vérité oblige à dire que ladite violence policière est aussi le prix du retrait de l’Etat qui a asphyxié financièrement le tissu associatif de proximité et démantelé les services publics en confiant à ses flics une mission impossible : celle de maintenir la paix sociale dans un Etat d’injustice sociale, prompt à l’injure publique à l’encontre de la « racaille ». Tout cela sur fond de dénonciation hystérique du « wokisme » et de vociférations sur les chaînes d’information continue des syndicats de police, dont les membres sont de plus en plus nombreux à porter sur leur uniforme la Thin Blue Line prisée de l’extrême droite suprémaciste américaine.

    Bien sûr, l’Etat ne peut laisser sans réagir la banlieue s’embraser. L’ « ordre républicain » est en marche, avec son lot d’arrestations, de blessés, peut-être au prix de l’état d’urgence ou d’un couvre-feu national, « quoi qu’il en coûte », à un an des Jeux Olympiques. Le piège s’est refermé. Quel « Grand débat national » (ou banlieusard) le magicien Macron va-t-il sortir de son chapeau pendant que les chats de Marine Le Pen se pourlèchent les babines ?

    Certains lecteurs de ma tribune « Où va la France ? » se sont offusqués de la comparaison que j’établissais entre Macron et Orban, voire Poutine ou Erdogan. C’était mal me comprendre. Il ne s’agissait pas d’une question de personnes, bien que les qualités ou les faiblesses d’un homme puissent avoir leur importance. Il s’agit d’une logique de situation, qui me faisait écrire que la France « bascule ». Or, depuis la parution de cette tribune, les signes d’un tel basculement se sont accumulés. Que l’on en juge, en vrac.

    Pour reconquérir l’opinion le président de la République, fébrile, sans jamais se départir de sa condescendance à l’égard de « Jojo » – c’est ainsi qu’il nomme dans l’intimité le Français moyen – ce « Gaulois réfractaire » : « Mon peuple », disait-il en 2017, en monarque frustré – sillonne le pays, court-circuite le gouvernement et multiplie les effets d’annonce, au point que Le Monde titre : « Emmanuel Macron, ministre de tout ». On pourrait ajouter : « et maire de Marseille ».

    Anticor mis à l’index, dissolution des Soulèvements de la Terre… *
    La justice refuse à l’association Anticor (lire « anticorruption »), à l’origine de la plainte qui a conduit à la mise en examen du secrétaire général de l’Elysée, le renouvellement de son « agrément », lequel lui permet de se porter partie civile devant les tribunaux. Cela sent un peu les eaux troubles du Danube, non ?

    Le mouvement des Soulèvements de la Terre a été dissous sous la pression de la FNSEA, le grand syndicat de l’agro-industrie dont les militants ou les responsables multiplient les menaces et les violences contre les écologistes, en toute impunité, quitte à faire oublier que dans l’histoire il a à son actif nombre d’assauts contre des préfectures. Le décret de dissolution justifie notamment la mesure par le fait que les militants des Soulèvements de la Terre lisent l’essai d’Andreas Malm Comment saboter un pipeline et mettent en mode avion leur téléphone portable quand ils vont manifester. Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, va jusqu’à les accuser d’intentions homicides à l’encontre des forces de l’ordre, contre toute évidence. Orwell n’est pas loin.

    Vincent Bolloré, le grand argentier de la révolution conservatrice en France, fait nommer un journaliste d’extrême droite, un ami d’Eric Zemmour, comme rédacteur en chef du Journal du Dimanche,l’un des principaux hebdomadaires du pays. Le piquant de la chose est que ledit journaliste s’était fait congédier par un autre hebdomadaire, d’extrême droite celui-ci, Valeurs actuelles, qui lui reprochait sa radicalité.

    Laurent Wauquiez, président de la méga région Auvergne-Rhône-Alpes, prive de subvention un théâtre dont le directeur avait osé critiquer sa politique.

    La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement s’alarme de la hausse des requêtes des services secrets en matière de surveillance du militantisme politique et social.

    Richard Ferrand, ancien président de l’Assemblée nationale, l’un des plus proches conseillers d’Emmanuel Macron, lâche un ballon d’essai sur la possibilité d’une révision constitutionnelle qui autoriserait à celui-ci un troisième mandat, pendant que d’autres préparent une candidature de Jean Castex-Medvedev. Sommes-nous à Dakar ou à Moscou ?

    Tout cela en deux petits mois. Oui, la France bascule. Nul doute que l’explosion sociale dans les banlieues accélérera le mouvement. Mais peut-être faut-il rappeler la définition du « point de bascule » que donnent les experts du GIEC : le « degré de changement des propriétés d’un système au-delà duquel le système en question se réorganise, souvent de façon abrupte, et ne retrouve pas son état initial même si les facteurs du changement sont éliminés ».

    Le climat politique en France en est bien là, et Macron, qui dans son immaturité se voulait « maître des horloges » et se piquait de séduire la banlieue par diaspora africaine interposée, n’est que le fondé de pouvoir d’une situation qui échappe à son entendement, mais qu’il a contribué à créer. Comme, par ailleurs, les droites de gouvernement, à l’échelle européenne, de l’Italie à la Suède et à la Finlande, se compromettent de plus en plus avec l’extrême droite, la comparaison que certains m’ont reprochée est hélas politiquement pertinente, et même nécessaire.

    A lire aussi : La France face aux séquelles de la réforme des retraites https://www.letemps.ch/opinions/editoriaux/france-face-aux-sequelles-reforme-retraites-0

    #France #explosion_sociale #mouvements_sociaux #colère_sociale #refus_d’obtempérer
    #violences_policière #retrait_de_l’Etat

    Source : https://www.letemps.ch/opinions/on-sait-mieux-ou-va-la-france

    • le président de la République, fébrile, sans jamais se départir de sa condescendance à l’égard de « Jojo » – c’est ainsi qu’il nomme dans l’intimité le Français moyen – ce « Gaulois réfractaire » : « Mon peuple », disait-il en 2017, en monarque frustré – sillonne le pays, court-circuite le gouvernement et multiplie les effets d’annonce, au point que Le Monde titre : « Emmanuel Macron, ministre de tout ». On pourrait ajouter : « et maire de Marseille ».

    • Cette nuit les clients du #Fouquet's ont pu dîner sous bonne garde, à l’abri des barrières,

      Alors que des appels à se rassembler circulaient depuis vendredi, la vie parisienne avait conservé ses droits sur la plus célèbre avenue de Paris, malgré la présence d’un très important dispositif policier. Les clients du Fouquet’s ont dîné sous bonne garde, à l’abri des barrières, tandis que des patrouilles de police ont arpenté les Champs-Élysées toute la soirée. De nombreux incidents ont éclaté, conduisant les forces de l’ordre à charger pour repousser les émeutiers.

      Source : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/en-direct-emeutes-apres-la-mort-de-nahel-une-nuit-plus-calme-mais-les-viole

  • 🛑 Racisme et violence d’État - Contre Attaque

    Mai 2023 : le fils d’Eric Zemmour provoque un grave accident en plein Paris sous l’emprise de l’alcool, en conduisant comme un chauffard en rentrant de soirée.

    Mai 2023 : le fils de la politicienne d’extrême droite Nadine Morano provoque un accident de la route après avoir sniffé de la cocaïne et commet un délit de fuite.

    Janvier 2020 : à Rennes, une jeune femme, Maëva, meurt après avoir été fauchée sur un passage piéton par une voiture de police banalisée roulant à vive allure sans avertisseur. Le conducteur aura du sursis.

    Octobre 2022 : le président Les Républicains du département des Vosges est arrêté pour alcoolémie au volant et refus d’obtempérer.

    Pour ces cas, et bien d’autres, la police n’a pas tiré et a procédé à des arrestations en douceur. La classe politique n’a pas réclamé de peine de mort extrajudiciaire. Pourquoi ces chauffards sont-ils vivants mais pas #Naël qui, lui, ne représentait aucun danger ?

    Malheureusement, nous savons tous très bien pourquoi…

    ⚡️ #ViolencesPolicières

    ⚡️ #LaPoliceTue

    ⏩ Lire l’article complet…

    ▶️ https://contre-attaque.net/2023/06/28/racisme-et-violence-detat

  • Le nombre de personnes tuées par un tir des #forces_de_l’ordre a doublé depuis 2020

    Année après année, la liste des tués par les forces de l’ordre ne cesse d’augmenter. Trop souvent, la thèse de la légitime défense ou du refus d’obtempérer ne supporte pas l’analyse des faits. Basta ! en tient le terrible mais nécessaire décompte.

    « Je vais te tirer une balle dans la tête », lance le « gardien de la paix », braquant son arme sur la vitre de la voiture à l’arrêt, avant que son collègue ne crie « Shoote- le ». Au volant, Nahel, un mineur de 17 ans qui conduit sans permis, démarre malgré tout. Le gardien de la paix met sa menace à exécution, tuant à bout portant l’adolescent. La scène se déroule ce 27 juin à Nanterre. Les agents ont plaidé la légitime défense arguant que le véhicule fonçait sur eux, ce que dément la vidéo de la scène. L’auteur du coup de feu mortel est placé en garde à vue. La famille de la victime s’apprête à déposer deux plaintes, l’une pour « homicide volontaire et complicité d’homicide », l’autre pour « faux en écriture publique ».

    Le drame déclenche la révolte des habitants du quartier d’où est originaire la victime. Deux semaines plus tôt c’est Alhoussein Camara qui est tué d’une balle dans le thorax par un policier, dans des conditions similaires près d’Angoulême. En 2022, on dénombrait treize morts lors de « refus d’obtempérer » par l’ouverture du feu des forces de l’ordre. Au delà des nouveaux drames de Nanterre et d’Angoulême, combien de personnes ont-elles été tuées par les forces de l’ordre, et dans quelles circonstances ?

    Les décès dus à une ouverture du feu des forces de l’ordre ont considérablement augmenté, avec respectivement 18 et 26 personnes abattues en 2021 et 2022, soit plus du double que lors de la décennie précédente. Cette augmentation amplifie la tendance constatée depuis 2015, lorsque le nombre de tués par balle a franchi le seuil de la dizaine par an. À l’époque, le contexte lié aux attaques terroristes islamistes a évidemment pesé, avec cinq terroristes abattus en 2015 et 2016 par les forces de sécurité.

    Le risque terroriste n’explique cependant pas l’augmentation des décès par balle en 2021 et 2022. Un seul terroriste potentiel a été tué en 2021 – Jamel Gorchene, après avoir mortellement poignardé une fonctionnaire administrative de police devant le commissariat de Rambouillet (Yvelines), le 23 avril 2021, et dont l’adhésion à l’idéologie islamiste radicale serait « peu contestable » selon le procureur chargé de l’enquête. Aucun terroriste ne figure parmi les 26 tués de 2022. Dans quelles circonstances ces tirs ont-ils été déclenchés ?
    Tirs mortels face à des personnes munis d’armes à feu

    Sur les 44 personnes tuées par balles en deux ans, un peu plus de la moitié (26 personnes) étaient armées, dont dix d’une arme à feu. Parmi elles, sept l’ont utilisée, provoquant un tir de riposte ou de défense des forces de l’ordre. Plusieurs de ces échanges de tirs se sont déroulés avec des personnes « retranchées » à leur domicile. L’affaire la plus médiatisée implique Mathieu Darbon. Le 20 juillet 2022, dans l’Ain, ce jeune homme de 22 ans assassine à l’arme blanche son père, sa belle-mère, sa sœur, sa demi-sœur et son demi-frère. Le GIGN intervient, tente de négocier puis se résout à l’abattre. En janvier 2021, dans une petite station au-dessus de Chambéry, un homme souffrant de troubles psychiatriques s’enferme chez lui, armé d’un fusil, en compagnie de sa mère, après avoir menacé une voisine. Arrivé sur place, le GIGN essuie des tirs, et riposte. Scénario relativement similaire quelques mois plus tard dans les Hautes-Alpes, au-dessus de Gap. Après une nuit de négociation, le « forcené », Nicolas Chastan est tué par le GIGN après avoir « épaulé un fusil 22 LR [une carabine de chasse, ndlr] et pointé son arme en direction des gendarmes », selon le procureur. L’affaire est classée sans suite pour légitime défense.

    Au premier trimestre 2021, le GIGN a été sollicité deux à trois fois plus souvent que les années précédentes sur ce type d’intervention, sans forcément que cela se termine par un assaut ou des tirs, relevait TF1. Le GIGN n’intervient pas qu’en cas de « forcené » armé. Le 16 avril 2021, l’unité spéciale accompagne des gendarmes venus interpeller des suspects sur un terrain habité par des voyageurs. Un cinquantenaire qui, selon les gendarmes, aurait pointé son fusil dans leur direction est tué.
    Arme à feu contre suspects munis d’arme blanche

    Parmi les 44 personnes tuées par arme à feu en 2021 et 2022, 16 étaient munis d’une arme blanche (couteau, cutter, barre de fer). Une dizaine d’entre elles auraient menacé ou attaqué les agents avant d’être tuées. Au mois de mars 2021, un policier parisien tire sur un homme qui l’attaque au couteau, pendant qu’il surveillait les vélos de ses collègues.

    La mort d’un pompier de Colombes (Hauts-de-Seine) rend également perplexes ses voisins. En état d’ébriété, il jette une bouteille vers des agents en train de réaliser un contrôle, puis se serait approché d’eux, muni d’un couteau « en criant Allah Akbar ». Il est tué de cinq balles par les agents. L’affaire est classée sans suite, la riposte étant jugée « nécessaire et proportionnée ». L’été dernier à Dreux, une policière ouvre mortellement le feu sur un homme armé d’un sabre et jugé menaçant. L’homme était par ailleurs soupçonné de violence conjugale.

    Dans ces situations, la légitime défense est la plupart du temps invoquée par les autorités. Cela pose cependant question lorsque la « dangerosité » de la personne décédée apparaît équivoque, comme l’illustre le cas de David Sabot, tué par des gendarmes le 2 avril 2022. Ses parents, inquiets de l’agressivité de leur fils, alcoolisé, alertent la gendarmerie de Vizille (Isère). Les gendarmes interviennent et tirent neuf balles sur David. Selon les gendarmes, il se serait jeté sur eux. Selon ses parents, il marchait les bras ballants au moment des tirs. « On n’a pas appelé les gendarmes pour tuer notre enfant », s’indignent-ils dans Le Dauphiné.

    Juridiquement, le fait que la personne soit armée ne légitime pas forcément l’ouverture du feu par les forces de l’ordre. Selon l’Article 122-5 du Code pénal, une personne se défendant d’un danger n’est pas pénalement responsable si sa riposte réunit trois conditions : immédiateté, nécessité, proportionnalité. « La question va se poser, s’il n’y avait pas moyen de le neutraliser autrement », indique à Var Matin « une source proche du dossier », à propos du décès d’un sans-abri, Garry Régis-Luce, tué par des policiers au sein de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en août dernier. Sur une vidéo de la scène publiée par Mediapart, le sans-abri armé d’un couteau fait face à cinq policiers qui reculent avant de lui tirer mortellement dans l’abdomen. Sa mère a porté plainte pour homicide volontaire.

    De plus en plus de profils en détresse psychologique

    Plusieurs affaires interrogent sur la manière de réagir face à des personnes en détresse psychologique, certes potentiellement dangereuses pour elle-même ou pour autrui, et sur la formation des policiers, souvent amenés à intervenir en premier sur ce type de situation [1].

    Le 21 avril 2022, à Blois, des policiers sont alertés pour un risque suicidaire d’un étudiant en école de commerce, Zakaria Mennouni, qui déambule dans la rue, pieds nus et couteau en main. Selon le procureur de Blois, l’homme se serait avancé avec son couteau vers les policiers avant que l’un d’eux tire au taser puis au LBD. Son collègue ouvre également le feu à quatre reprises. Touché de trois balles à l’estomac, Zakaria succombe à l’hôpital. La « légitime défense » est donc invoquée. « Comment sept policiers n’ont-ils pas réussi à maîtriser un jeune sans avoir recours à leur arme à feu », s’interroge la personne qui a alerté la police. Une plainte contre X est déposée par les proches de l’étudiant, de nationalité marocaine. Sur Twitter, leur avocat dénonce une « enquête enterrée ».

    Près de Saint-Étienne, en août 2021, des policiers interviennent dans un appartement où Lassise, sorti la veille d’un hôpital psychiatrique, mais visiblement en décompression, a été confiné par ses proches, avant que sa compagne n’appelle police secours. Ce bénévole dans une association humanitaire, d’origine togolaise, aurait tenté d’agresser les policiers avec un couteau de boucher, avant que l’un d’eux n’ouvre le feu.

    Pourquoi, dans ce genre de situation, les policiers interviennent-ils seuls, sans professionnels en psychiatrie ? Plusieurs études canadiennes démontrent le lien entre le désinvestissement dans les services de soins et la fréquence des interventions des forces de l’ordre auprès de profils atteintes de troubles psychiatriques. Une logique sécuritaire qui inquiète plusieurs soignants du secteur, notamment à la suite de l’homicide en mars dernier d’un patient par la police dans un hôpital belge.
    Le nombre de personnes non armées tuées par balles a triplé

    Le nombre de personnes sans arme tombées sous les balles des forces de l’ordre a lui aussi bondi en deux ans (5 en 2021, 13 en 2022). C’est plus du triple que la moyenne de la décennie précédente. Cette hausse est principalement liée à des tirs sur des véhicules en fuite beaucoup plus fréquents, comme l’illustre le nouveau drame, ce 27 juin à Nanterre où, un adolescent de 17 ans est tué par un policier lors d’un contrôle routier par un tir à bout portant d’un agent.

    Outre le drame de Nanterre ce 27 juin, l’une des précédentes affaires les plus médiatisées se déroule le 4 juin 2022 à Paris, dans le 18e arrondissement. Les fonctionnaires tirent neuf balles avec leur arme de service sur un véhicule qui aurait refusé de s’arrêter. La passagère, 18 ans, est atteinte d’une balle dans la tête, et tuée. Le conducteur, touché au thorax, est grièvement blessé. Dans divers témoignages, les deux autres personnes à bord du véhicule réfutent que la voiture ait foncé sur les forces de l’ordre. Le soir du second tour de l’élection présidentielle, le 24 avril, deux frères, Boubacar et Fadjigui sont tués en plein centre de Paris sur le Pont-Neuf. Selon la police, ces tirs auraient suivi le refus d’un contrôle. La voiture aurait alors « foncé » vers un membre des forces de l’ordre qui se serait écarté avant que son collègue, 24 ans et encore stagiaire, ne tire dix cartouches de HK G36, un fusil d’assaut.

    Comme nous le révélions il y a un an, les policiers ont tué quatre fois plus de personnes pour refus d’obtempérer en cinq ans que lors des vingt années précédentes. En cause : la loi de 2017 venue assouplir les règles d’ouverture de feu des policiers avec la création de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure . « Avec cet article, les policiers se sont sentis davantage autorisés à faire usage de leur arme », estime un commandant de police interrogé par Mediapart en septembre dernier. À cela « vous rajoutez un niveau de recrutement qui est très bas et un manque de formation, et vous avez le résultat dramatique que l’on constate depuis quelques années : des policiers qui ne savent pas se retenir et qui ne sont pas suffisamment encadrés ou contrôlés. Certains policiers veulent en découdre sans aucun discernement. »

    « Jamais une poursuite ni une verbalisation ne justifieront de briser une vie »

    Au point que les gendarmes s’inquiètent très officiellement de la réponse adéquate à apporter face aux refus d’obtempérer, quitte à bannir le recours immédiat à l’ouverture du feu (voir ici). « L’interception immédiate, pouvant s’avérer accidentogène, n’est plus la règle, d’autant plus si les conditions de l’intervention et le cadre légal permettent une action différée, préparée et renforcée. Donc, on jalonne en sécurité, on lâche prise si ça devient dangereux, et surtout on renseigne. Tout refus d’obtempérer doit être enregistré avec un minimum de renseignements pour ensuite pouvoir s’attacher à retrouver l’auteur par une double enquête administrative et judiciaire », expliquait la commandante de gendarmerie Céline Morin. « Pour reprendre une phrase du directeur général de la gendarmerie : “Jamais une poursuite ni une verbalisation ne justifieront de briser une vie.” Il importe donc à chacun de nous de se préparer intellectuellement en amont à une tactique et à des actions alternatives face aux refus dangereux d’obtempérer. » On est loin du discours de surenchère tenu par certains syndicats de policiers.

    « Pas d’échappatoire » vs « personne n’était en danger »

    Pour justifier leur geste, les agents invoquent la dangerosité pour eux-mêmes ou pour autrui, considérant souvent le véhicule comme « arme par destination ». Hormis la neutralisation du conducteur du véhicule, ils n’auraient pour certains « pas d’échappatoire » comme l’affirmait le membre de la BAC qui a tué un jeune homme de 23 ans à Neuville-en-Ferrain (Nord), le 30 août 2022, qui aurait démarré son véhicule au moment où les agents ouvraient la portière.

    Des policiers qui se seraient « vus mourir » tirent sur Amine B, le 14 octobre, à Paris. Coincé dans une contre-allée, le conducteur aurait redémarré son véhicule en direction des fonctionnaires qui ont ouvert le feu. Plusieurs témoins affirment que ce ressortissant algérien, diplômé d’ingénierie civile, roulait « doucement » sans se diriger vers eux ni mettre personne en danger. Et Amine est mort d’une balle dans le dos. La famille a lancé un appel à témoins pour connaître les circonstances exactes du drame. Rares sont ces affaires où le récit policier n’est pas contredit par les éléments de l’enquête ou des témoins.

    Au nom de la légitime défense, des gendarmes de Haute-Savoie ont tiré neuf fois le 5 juillet 2021 sur un fuyard suspecté de vol. Le conducteur de la camionnette, Aziz, n’a pas survécu à la balle logée dans son torse. « Personne n’était en danger », affirme pour sa part un proche, présent sur lieux. D’après son témoignage recueilli par Le Média, les militaires « étaient à 4 ou 5 mètres » du fourgon. Une reconstitution des faits a été effectuée sans la présence de ce témoin, au grand dam de la famille qui a porté plainte pour « homicide volontaire ».

    Pour Zied B. le 7 septembre à Nice abattu par un policier adjoint, comme pour Jean-Paul Benjamin, tué par la BAC le 26 mars à Aulnay-sous-Bois alors que, en conflit avec son employeur (Amazon), il était parti avec l’un des véhicules de l’entreprise, ce sont les vidéos filmant la scène qui mettent à mal la version policière des faits [2]. Et dans le cas de Souheil El Khalfaoui, 19 ans, tué d’une balle dans le cœur à Marseille lors d’un contrôle routier (voir notre encadré plus haut), les images de vidéosurveillance filmant la scène, et en mesure de corroborer ou de contredire la version des policiers, n’ont toujours pas pu être visionnées par la famille qui a porté plainte. Près de deux ans après le drame...

    Si 2021 et 2022 ont été particulièrement marquées par les morts par balles lors d’interventions policières, qu’en sera-t-il en 2023 ? À notre connaissance, #Nahel est au moins la huitième personne abattue par des agents assermentés depuis janvier dernier.

    https://basta.media/Refus-d-obtemperer-le-nombre-de-personnes-tuees-par-un-tir-des-forces-de-l-

    #statistiques #chiffres #décès #violences_policières #légitime_défense #refus_d'obtempérer #Nanterre #armes_à_feu #tires_mortels #GIGN

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    signalé aussi par @fredlm
    https://seenthis.net/messages/1007961

    • #Sebastian_Roché : « Le problème des tirs mortels lors de refus d’obtempérer est systémique en France »

      Le débat émerge suite au décès du jeune Nahel en banlieue parisienne. Entretien avec Sebastian Roché, politologue spécialiste des questions de police

      Pour certains, la mort du jeune Nahel, tué mardi par un policier lors d’un #contrôle_routier en banlieue parisienne, est l’occasion de dire qu’il y a trop de refus d’obtempérer en France. Pour d’autres, c’est surtout le moment de condamner la manière qu’a la #police d’y fait face. A gauche on estime qu’« un refus d’obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort ». A droite, on pense que ces drames sont dus au fait que « les refus d’obtempérer augmentent et mettent en danger nos forces de l’ordre ».

      En 2022, le nombre record de 13 décès a été enregistré après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers en France. En cause, une modification de la loi en 2017 assouplissant les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent utiliser leur arme. Elles sont désormais autorisées à tirer quand les occupants d’un véhicule « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ». Des termes jugés trop flous par de nombreux juristes.

      Sebastian Roché, politologue spécialiste des questions de police qui enseigne à Sciences-Po Grenoble, est un spécialiste de la question. Nous avons demandé à ce directeur de Recherche au CNRS, auteur de La nation inachevée, la jeunesse face à l’école et la police (Grasset), ce qu’il pensait de ce débat.

      Le Temps : Vous avez fait des recherches sur le nombre de personnes tuées en France par des tirs de policiers visant des véhicules en mouvement. Quelles sont vos conclusions ?

      Sebastian Roché : Nous avons adopté une méthode de type expérimentale, comme celles utilisées en médecine pour déterminer si un traitement est efficace. Nous avons observé 5 années avant et après la loi de 2017, et nous avons observé comment avaient évolué les pratiques policières. Les résultats montrent qu’il y a eu une multiplication par 5 des tirs mortels entre avant et après la loi dans le cadre de véhicule en mouvement.

      En 2017, la loi a donné une latitude de tir plus grande aux policiers, avec une possibilité de tirer même hors de la légitime défense. C’est un texte très particulier et, derrière, il n’y a pas eu d’effort de formation proportionné face au défi que représente un changement aussi historique de réglementation.

      L’augmentation n’est-elle pas simplement liée à l’augmentation des refus d’obtempérer ?

      Nous avons regardé le détail des tirs mortels. Le sujet, ce n’est pas les refus d’obtempérer, qui sont une situation, ce sont les tirs mortels, qui interviennent dans cette situation. Les syndicats de police font tout pour faire passer le message que le problème ce sont les refus d’obtempérer qui augmentent. Mais le problème ce sont les tirs mortels, dont les refus d’obtempérer peuvent être une cause parmi d’autres. Et les refus d’obtempérer grave ont augmenté mais pas autant que ce que dit le ministère. D’autant que l’augmentation des tirs mortels n’est notable que chez la police nationale et non dans la Gendarmerie. Dans la police nationale, en 2021, il y a eu 2675 refus d’obtempérer graves, pas 30 000. Il y a une augmentation mais ce n’est pas du tout la submersion dont parlent certains. Ce n’est pas suffisant pour expliquer l’augmentation des tirs mortels. D’autant que la police nationale est auteur de ces homicides et pas la Gendarmerie alors que les refus d’obtempérer sont également répartis entre les deux. Si le refus d’obtempérer était une cause déterminante, elle aurait les mêmes conséquences en police et en gendarmerie.

      Comment cela s’explique-t-il ?

      Les gendarmes n’ont pas la même structure de commandement, pas la même stabilité de l’ancrage local et pas la même lecture de la loi de 2017. La police a une structure qui n’est pas militaire comme celle de la gendarmerie. Et l’encadrement de proximité y est plus faible, particulièrement en région parisienne que tous les policiers veulent quitter.

      Pour vous c’est ce qui explique le drame de cette semaine ?

      La vidéo est accablante donc les responsables politiques semblent prêts à sacrifier le policier qui pour eux a fait une erreur. Mais ce qui grave, c’est la structure des tirs mortels avant et après 2017, c’est-à-dire comment la loi a modifié les pratiques. Ce n’est pas le même policier qui a tué 16 personnes dans des véhicules depuis le 1er janvier 2022. Ce sont 16 policiers différents. Le problème est systémique.

      Avez-vous des comparaisons internationales à ce sujet ?

      En Allemagne, il y a eu un tir mortel en dix ans pour refus d’obtempérer, contre 16 en France depuis un an et demi. On a un écart très marqué avec nos voisins. On a en France un modèle de police assez agressif, qui doit faire peur, davantage que dans les autres pays d’Europe mais moins qu’aux Etats-Unis. Et cette loi déroge à des règles de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est une singularité française.

      Cette loi avait été mise en place suite à des attaques terroristes, notamment contre des policiers ?

      Oui, c’est dans ce climat-là qu’elle est née, mise en place par un gouvernement socialiste. Il y avait aussi eu d’autres attaques qui n’avaient rien à voir. Mais le climat général était celui de la lutte antiterroriste, et plus largement l’idée d’une police désarmée face à une société de plus en plus violente. L’idée était donc de réarmer la police. Cette loi arrange la relation du gouvernement actuel avec les syndicats policiers, je ne pense donc pas qu’ils reviendront dessus. Mais il y a des policiers qui vont aller en prison. On leur a dit vous pouvez tirer et, là, un juge va leur dire le contraire. Ce n’est bon pour personne cette incertitude juridique. Il faut abroger la partie de la loi qui dit que l’on peut tirer si on pense que le suspect va peut-être commettre une infraction dans le futur. La loi française fonctionnait précédemment sous le régime de la légitime défense, c’est-à-dire qu’il fallait une menace immédiate pour répondre. Comment voulez-vous que les policiers sachent ce que les gens vont faire dans le futur.

      https://www.letemps.ch/monde/le-probleme-des-tirs-mortels-lors-de-refus-d-obtemperer-est-systemique-en-fr

    • « Refus d’obtempérer »  : depuis 2017, une inflation létale

      Depuis la création en 2017 par la loi sécurité publique d’un article élargissant les conditions d’usage de leur arme, les tirs des policiers contre des automobilistes ont fortement augmenté. Ils sont aussi plus mortels.

      Depuis plus d’un an, chaque mois en moyenne, un automobiliste est tué par la police. Dans la plupart des cas, la première version des faits qui émerge du côté des forces de l’ordre responsabilise le conducteur. Il lui est reproché d’avoir commis un refus d’obtempérer, voire d’avoir attenté à la vie des fonctionnaires, justifiant ainsi leurs tirs. Il arrive que cette affirmation soit ensuite mise à mal par les enquêtes judiciaires : cela a été le cas pour le double meurtre policier du Pont-Neuf, à Paris en avril 2022, celui d’Amine Leknoun, en août à Neuville-en-Ferrain (Nord), ou celui de Zyed Bensaid, en septembre à Nice. En ira-t-il de même, concernant le conducteur de 17 ans tué mardi à Nanterre (Hauts-de-Seine) ? Les investigations pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique » ont été confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Deux autres enquêtes ont été ouvertes depuis le début de l’année pour des tirs mortels dans le cadre de refus d’obtempérer en Charente et en Guadeloupe.

      Cette inflation mortelle s’est accélérée depuis le début de l’année 2022, mais elle commence en 2017. Ainsi, d’après les chiffres publiés annuellement par l’IGPN et compilés par Libération, entre la période 2012-2016 d’une part, et 2017-2021 d’autre part, l’usage des armes par les policiers a augmenté de 26 % ; et les usages de l’arme contre un véhicule ont augmenté de 39 %. Une croissance largement supérieure à celle observée chez les gendarmes entre ces deux périodes (+10 % d’usage de l’arme, toutes situations confondues).
      Doublement faux

      Mercredi, lors des questions au gouvernement, Gérald Darmanin a affirmé que « depuis la loi de 2017, il y a eu moins de tirs, et moins de cas mortels qu’avant 2017 ». C’est doublement faux : depuis cette année-là, les tirs des policiers contre des véhicules sont non seulement plus nombreux, mais ils sont aussi plus mortels. C’est la conclusion de travaux prépubliés l’année dernière, et en cours de soumission à une revue scientifique, de Sebastian Roché (CNRS), Paul Le Derff (université de Lille) et Simon Varaine (université Grenoble-Alpes).

      Les chercheurs établissent que le nombre de tués par des tirs policiers visant des personnes se trouvant dans des véhicules a été multiplié par cinq, entre avant et après le vote de la loi « sécurité publique » de février 2017. D’autant qu’entre les mêmes périodes, le nombre de personnes tuées par les autres tirs policiers diminue légèrement. « A partir d’une analyse statistique rigoureuse du nombre mensuel de victimes des tirs, malheureusement, il est très probable » que ce texte soit « la cause du plus grand nombre constaté d’homicides commis par des policiers », expliquent Roché, Le Derff et Varaine.

      La loi sécurité publique a créé l’article 435-1 du code de la sécurité intérieure (CSI), qui s’est depuis trouvé (et se trouve encore) au cœur de plusieurs dossiers judiciaires impliquant des policiers ayant tué des automobilistes. Cet article complète celui de la légitime défense (122-5 du code pénal) dont tout citoyen peut se prévaloir, en créant un cadre spécifique et commun aux forces de l’ordre pour utiliser leur arme.
      Un texte plusieurs fois remanié

      L’article 435-1 du CSI dispose que « dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité », les policiers peuvent utiliser leur arme « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée », notamment dans la situation suivante : « Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui. » Avant d’arriver à cette formulation, le texte a été plusieurs fois remanié, au fil de son parcours législatif, dans le sens de l’assouplissement. Par exemple : les atteintes devaient être « imminentes », selon la version initiale ; dans la mouture finale elles n’ont plus besoin que d’être « susceptibles » de se produire, pour justifier le tir.

      La direction générale de la police nationale l’a rapidement relevé. Ainsi, dans une note de mars 2017 expliquant le texte à ses fonctionnaires, on pouvait lire : « L’article L.435-1 va au-delà de la simple légitime défense », en ce qu’il « renforce la capacité opérationnelle des policiers en leur permettant d’agir plus efficacement, tout en bénéficiant d’une plus grande sécurité juridique et physique ». Tout en rappelant qu’« il ne saurait être question de faire usage de l’arme pour contraindre un véhicule à s’arrêter en l’absence de toute dangerosité de ses occupants ».

      https://www.youtube.com/watch?v=Dz5QcVZXEN4&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2


      https://www.liberation.fr/societe/police-justice/refus-dobtemperer-depuis-2017-une-inflation-letale-20230627_C7BVZUJXLVFJBOWMDXJG2N7DDI/?redirected=1&redirected=1

    • Mort de Nahel : chronique d’un drame annoncé

      Au moment de l’adoption, sous pression des policiers, de la #loi de 2017 modifiant les conditions d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Défenseur des droits et la société civile avaient alerté sur l’inévitable explosion du nombre de victimes à venir.

      #Bernard_Cazeneuve se trouve, depuis la mort de Nahel, au centre de la polémique sur l’#usage_des_armes_à_feu par les policiers. La gauche, notamment, ne cesse de rappeler que l’ex-dirigeant socialiste est le concepteur de la loi dite « #sécurité_publique » qui, en février 2017, a institué le #cadre_légal actuel en la matière. C’est en effet lui qui en a assuré l’élaboration en tant que ministre de l’intérieur, puis qui l’a promulguée alors qu’il était premier ministre.

      À deux reprises, Bernard #Cazeneuve s’est justifié dans la presse. Le 29 juin tout d’abord, dans Le Monde (https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/29/adolescent-tue-par-un-policier-a-nanterre-emmanuel-macron-sur-une-ligne-de-c), il affirme qu’« il n’est pas honnête d’imputer au texte ce qu’il n’a pas souhaité enclencher » et explique que cette loi avait été votée dans un « contexte de tueries de masse après les attentats ».

      Le lendemain, dans un entretien au Point (https://www.lepoint.fr/societe/bernard-cazeneuve-non-il-n-y-a-pas-en-france-de-permis-de-tuer-30-06-2023-25), l’ancien premier ministre de #François_Hollande développe la défense de son texte. « Il n’y a pas, en France, de #permis_de_tuer, simplement la reconnaissance pour les forces de l’ordre de la possibilité de protéger leurs vies ou la vie d’autrui, dans le cadre de la #légitime_défense », affirme-t-il.

      Bernard Cazeneuve évoque encore un « contexte particulier » ayant justifié ce texte, « celui des périples meurtriers terroristes et de la tragédie qu’a constituée l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, qui a vu un policier municipal neutraliser le conducteur d’un camion-bélier ayant tué 86 personnes et blessé plusieurs centaines d’autres, sur la promenade des Anglais ».

      Cette invocation d’une justification terroriste à l’adoption de la loi « sécurité publique » paraît étonnante à la lecture de l’exposé des motifs (https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000033664388/?detailType=EXPOSE_MOTIFS&detailId=) et de l’étude d’impact (https://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl16-263-ei/pjl16-263-ei.pdf) du texte. À aucun moment un quelconque attentat n’est mentionné pour justifier les dispositions de l’article premier, celui modifiant le cadre légal de l’usage des armes à feu par les policiers.

      À l’ouverture de l’examen du texte en séance publique par les député·es, le mardi 7 février (https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170112.asp#P970364), le ministre de l’intérieur Bruno Leroux parle bien d’un attentat, celui du Carrousel du Louvre (https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaque_contre_des_militaires_au_Carrousel_du_Louvre) durant lequel un homme a attaqué deux militaires à la machette. Mais cette attaque s’est déroulée le 3 février, soit bien après l’écriture du texte, et concerne des soldats de l’opération Sentinelle, donc non concernés par la réforme.

      La loi « sécurité publique » a pourtant bien été fortement influencée par l’actualité, mais par un autre drame. Le #8_octobre_2016, une vingtaine de personnes attaquent deux voitures de police dans un quartier de #Viry-Châtillon (Essonne) à coups de pierres et de cocktails Molotov. Deux policiers sont grièvement brûlés (https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_policiers_br%C3%BBl%C3%A9s_%C3%A0_Viry-Ch%C3%A2tillon).

      Les images des agents entourés de flammes indignent toute la classe politique et provoquent un vaste mouvement de contestation au sein de forces de l’ordre. Cela génèrera un immense scandale judiciaire puisque des policiers feront emprisonner des innocents en toute connaissance de cause (https://www.mediapart.fr/journal/france/160521/affaire-de-viry-chatillon-comment-la-police-fabrique-de-faux-coupables). Mais à l’époque, les syndicats de policiers réclament par ailleurs une modification de la législation.

      « C’était une période de fin de règne de François #Hollande, avec des policiers à bout après avoir été sur-sollicités pour les manifestations contre la loi Travail, pour les opérations antiterroristes, se souvient Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Et, surtout, il y a eu l’attaque de policiers de Viry-Châtillon. Leur mouvement de colère avait été accompagné par des manifestations à la limite de la légalité, avec des policiers armés, masqués et sans encadrement syndical, car il s’agissait d’un mouvement spontané. Je pense que cela a fait très peur au gouvernement. »

      La loi « sécurité publique » est l’une des réponses du gouvernement à cette fronde des policiers. Ceux-ci étaient alors régis par le droit commun de la légitime défense. Désormais, ils bénéficient d’un #régime_spécifique, copié sur celui des gendarmes et inscrit dans le nouvel #article_435-1 du #Code_de_la_sécurité_intérieure (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000034107970).

      Celui-ci dispose notamment que les policiers sont autorisés à faire usage de leur arme pour immobiliser des véhicules dont les occupants refusent de s’arrêter et « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».

      On ne peut donc que s’étonner lorsque Bernard Cazeneuve assure, dans Le Point, que la loi « sécurité publique » « ne modifie en rien le cadre de la légitime défense ». « Je dirais même, enchérit-il, qu’elle en précise les conditions de déclenchement, en rendant impossible l’ouverture du feu hors de ce cadre. »

      Pourtant, comme l’a montré Mediapart (https://www.mediapart.fr/journal/france/280623/refus-d-obtemperer-l-alarmante-augmentation-des-tirs-policiers-mortels), le nombre de déclarations d’emploi d’une arme contre un véhicule a bondi entre 2016 et 2017, passant de 137 à 202, avant de se stabiliser à un niveau supérieur à celui d’avant l’adoption du texte, par exemple 157 en 2021.

      De plus, lorsque l’on relit les nombreux avertissements qui avaient été faits à l’époque au gouvernement, il semble difficile de soutenir que cette augmentation du recours aux armes à feu et du nombre de victimes n’était pas prévisible.

      « De telles dispositions risquent en effet d’entraîner une augmentation des pertes humaines à l’occasion de l’engagement desdits services dans des opérations sur la voie publique », prédisait ainsi la CNCDH dans un avis rendu le 23 février 2017 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034104875).

      Celui-ci s’inquiétait notamment du #flou de certaines formulations, comme l’alinéa autorisant l’usage des armes à feu contre les personnes « susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celle d’autrui ».

      « Il est à craindre que de telles dispositions ne conduisent à l’utilisation des armes à feu dans des situations relativement fréquentes de #courses-poursuites en zone urbaine, avertissait encore la commission, les fonctionnaires de police venant à considérer que le véhicule pourchassé crée, par la dangerosité de sa conduite, un risque pour l’intégrité des autres usagers de la route et des passants ».

      « Rien ne justifiait cet alignement du régime des #gendarmes sur celui des policiers, réaffirme aujourd’hui Magali Lafourcade. Les gendarmes sont formés au maniement des armes et, surtout, ils opèrent en zone rurale. » La secrétaire générale de la CNCDH pointe également un problème de formation des policiers qui s’est depuis aggravé.

      « Le niveau de recrutement des policiers s’est effondré, souligne-t-elle. Les jeunes sont massivement envoyés dans les zones difficiles dès leur sortie de l’école. Ils ne reçoivent aucun enseignement sur les biais cognitifs. Un jeune venant d’une zone rurale dans laquelle il n’aura quasiment jamais croisé de personne racisée peut donc très bien être envoyé dans un quartier dont il n’a pas les codes, la culture, la manière de parler et donc de s’adresser à des adolescents. Et l’#encadrement_intermédiaire est très insuffisant. Les jeunes policiers sont bien peu accompagnés dans des prises de fonction particulièrement difficiles. »

      Le Défenseur des droits avait lui aussi alerté, dans un avis publié le 23 janvier 2017 (https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18573), sur l’#instabilité_juridique créée par cette #réforme. « Le projet de loi complexifie le régime juridique de l’usage des armes, en donnant le sentiment d’une plus grande liberté pour les forces de l’ordre, au risque d’augmenter leur utilisation, alors que les cas prévus sont déjà couverts par le régime général de la légitime défense et de l’état de nécessité », écrivait-il.

      Ces différents dangers avaient également été pointés par la quasi-totalité de la société civile, que ce soient les syndicats ou les associations de défense des libertés. « Les services de police et de gendarmerie se considéreront légitimes à user de leurs armes – et potentiellement tuer – dans des conditions absolument disproportionnées », prédisait ainsi le Syndicat de la magistrature (SM) (https://www.syndicat-magistrature.fr/notre-action/justice-penale/1214-projet-de-loi-securite-publique--refusez-ce-debat-expedie). « Il est en effet dangereux de laisser penser que les forces de l’ordre pourront faire un usage plus large de leurs armes », abondait l’Union syndicale des magistrats (USM) (https://www.union-syndicale-magistrats.org/web2/themes/fr/userfiles/fichier/publication/2017/securite_publique.pdf).

      Du côté des avocats, le projet de loi avait rencontré l’opposition du Syndicat des avocats de France (SAF) (https://lesaf.org/wp-content/uploads/2017/04/11-penal-GT.pdf), ainsi que du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers, qui affirmaient, dans un communiqué commun (https://www.avocatparis.org/actualites/projet-de-loi-relatif-la-securite-publique-le-barreau-de-paris-et-la-co) : « La réponse au mal-être policier ne peut être le seul motif d’examen de ce projet de loi et il importe que les conditions de la légitime défense ne soient pas modifiées. »

      « Ce projet de loi autorise les forces de l’ordre à ouvrir le feu dans des conditions qui vont augmenter le risque de #bavures sans pour autant assurer la sécurité juridique des forces de l’ordre », avertissait encore la Ligue des droits de l’homme (https://www.ldh-france.org/police-anonyme-autorisee-tirer).

      Désormais, les policiers eux-mêmes semblent regretter cette réforme, ou en tout cas reconnaître l’#incertitude_juridique qu’elle fait peser sur eux, en raison de sa formulation trop vague.

      Dans un article publié samedi 1er juillet, Le Monde (https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/01/syndicats-de-police-un-tract-incendiaire-d-alliance-et-d-unsa-police-revelat) rapporte en effet que, parmi les forces de l’ordre, circule un modèle de demande de #droit_de_retrait dans lequel l’agent annonce rendre son arme, en raison des « diverses appréciations » qui peuvent être faites de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, lesquelles sont susceptibles de « donner lieu à des poursuites pénales ».

      Dans ce document, le policer y annonce mettre son pistolet à l’armurerie et qu’il y restera « jusqu’à ce que [s]a formation continue [lui] permette de mieux appréhender les dispositions de cet article afin de ne pas être poursuivi pénalement dans l’éventualité où [il] devrai[t] faire feu ».

      Magali Lafourcade insiste de son côté sur les dégâts que cette réforme a pu causer dans une partie de la jeunesse. « L’expérience de la citoyenneté, du sentiment d’appartenir à une communauté nationale, du respect des principes républicains est une expérience avant tout sensible, affirme-t-elle. Elle passe par les interactions éprouvées avec les représentants de l’État. Plus les enfants de ces quartiers feront l’expérience de la #brutalité_policière, plus ça les enfermera dans la #défiance qu’ils ont déjà vis-à-vis de nos institutions. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/010723/mort-de-nahel-chronique-d-un-drame-annonce