Nonchalamment vers un Sunnistan pur et dur
Tout ce qui se rapporte au dirigeant de l’EIIL est très, très louche. Abou Bakr al-Baghdadi, alias Abou Dua, né à Samarra (Irak) en 1971, est un « vestige » de Saddam mais, ce qui est le plus important, il est un ancien prisonnier du gouvernement américain à Camp Bocca, de 2005 à 2009, de même qu’un ancien chef d’al-Qaïda en Irak. Ce n’est un secret pour personne dans le Levant que les Hommes en Noir de l’EIIL ont été formés en 2012 par des instructeurs américains dans une base secrète située à Safawi, dans le désert septentrional de cette fiction déguisé en pays, la Jordanie, afin qu’ils puissent plus tard combattre en Syrie en tant que « rebelles » approuvés par l’Occident.
Ce fut al-Baghdadi qui envoya en Syrie un contingent d’Hommes en Noir établir le Jabhat al-Nosra (les « bons terroristes », vous vous souvenez ?). Il a peut-être quitté le Jabhat à la fin de 2013, mais il a toujours en charge une vaste étendue désertique qui s’étend du nord de la Syrie à l’ouest de l’Irak. Il est le nouvel Oussama ben Laden (le très talentueux qui continue, toujours, de produire des capos), l’Emir quasi-assuré d’un califat désertique islamiquement correct au cour du Levant.
Oubliez Oussama dans l’Hindou-Kouch, la nouvelle version est tellement plus sexy
Un Sunnistan pur et dur entre le nord de l’Irak kurde et le sud chiite, nageant dans le pétrole, s’étendant jusqu’à Alep, Raqqa et Deir ez-Zor en Syrie, entre les deux fleuves - le Tigre et l’Euphrate - et Mossoul pour capitale, retrouvant ainsi son rôle ancestral de pivot entre les deux fleuves et la Méditerranée. Sykes-Picot, souffrez en silence !
Il est évident qu’al-Bagdadi n’aurait pas pu réaliser cette impressionnante prouesse tout seul. Entre en scène son acolyte, un « vestige » de premier choix de Saddam, le théoricien extraordinaire du parti Baas, Izzaat Ibrahim al-Douri, qui se trouve être originaire de la ville stratégique de Mossoul. Et surtout, arrive le Conseil Militaire Général des Révolutionnaires irakiens - une organisation redoutablement « secrète » qui a eu l’astuce de dribbler, à l’instar d’une sorte d’hybride de Lionel Messi et de Luiz Suarez, tout l’appareil des services de renseignements occidentaux, y compris l’orwellienne-panoptique NSA.
Eh bien, pas vraiment ! Parce que cette coalition EIIL/baasiste des bonnes volontés a été négociée par nul autre que Bandar Bush, lorsqu’il était encore actif, avec l’aide cruciale et latérale du Premier ministre turc Erdogan. Impossible de retracer tout ça jusqu’à Washington.
Ce que le Conseil Militaire Général est parvenu à assembler n’était rien de moins que les « vestiges » de la bonne vieille résistance irakienne du début des années 2000, les chefs tribaux de premier rang, fusionnant avec l’EIIL, et créant ce qui pourrait être renommé une « armée de résistance » - ces impitoyables Djihadistes en noir dans leurs Toyota, désormais l’étoffe dont on fait la légende, accomplissant le miracle d’être intraçables par le dédale de satellites de la NSA. Ils sont tellement à la page qu’ils ont leur propre compte facebook, avec plus de 33.000 « mentions J’aime ».