region:moyen-orient

  • #Israël : la famille d’Ahed #Tamimi victime d’une campagne de dénigrement - Moyen-Orient - RFI
    http://www.rfi.fr/moyen-orient/20180310-israel-famille-ahed-tamimi-victime-vaste-campagne-denigrement

    .... Ahed Tamimi est aussi considérée comme une actrice par certains responsables politiques israéliens. Ces derniers n’hésitent pas à affirmer que la famille Tamimi n’est pas réelle, mais a été créée à des fins de propagande palestinienne.

    Et cette théorie du complot rencontre un large écho dans la société israélienne, au grand regret d’Oren Persico, cofondateur du 7e œil, un observatoire des médias.

    « Le public israélien veut croire à cette version, donc les médias, les politiciens et l’armée font tout pour faire croire que les membres de cette famille sont des menteurs, ou laisser planer le doute sur l’existence réelle de cette famille, peut-être composée d’acteurs. C’est juste une autre manière pour les Israéliens de nier l’#occupation et ce que l’armée israélienne fait tous les jours au nom des Israéliens », souligne-t-il.

    Et aussi une manière de nier que la #résistance à cette occupation n’est pas morte

  • La France alimente la guerre civile au Yémen… mais personne n’en parle - La Relève et La Peste
    https://lareleveetlapeste.fr/france-alimente-guerre-civile-yemen-personne-nen-parle

    Comme le rappelait Eric Denécé directeur du CF2R (le Centre Français de Recherche sur le Renseignement) sur LCI « on ne parle pas du massacre humanitaire que conduisent les Saoudiens au Yémen, où systématiquement les hôpitaux sont ciblés (…) au Yémen il n’y a pas un kilomètre carré qui ne soit pas bombardé par les saoudiens, dans lequel les combats n’aient pas lieu : mais on ne parle pas de cela ».

    Mais pourquoi un tel silence des médias français ? Selon des informations inédites de l’observatoire des armements livrées à la revue Orient XXI, la France serait en train d’accélérer ses livraisons d’armes à la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite contre les Houthistes, en détournant un contrat d’armement originairement destiné au Liban.

    Je ne voudrais pas faire une fixette sur les choix éditoriaux de Lundi Matin, mais les informations documentées (et pas des notes de bas de page de 2007) circulent, et elles permettent tout de même d’être un petit peu moins vindicatif quant à l’existence d’intérêts pourris dans la communication actuelle sur la Syrie.

  • SyrieLeaks : Un câble diplomatique britannique dévoile la « stratégie occidentale » … – Proche&Moyen-Orient.ch
    https://prochetmoyen-orient.ch/syrieleaks-un-cable-diplomatique-britannique-devoile-la-strategi

    En définitive, le TD britannique reflète parfaitement la stratégie occidentale en Syrie : saboter les efforts de paix de Sotchi, ajouter deux nouvelles guerres à la crise syrienne : celle des Turcs contre les Kurdes et celles des Israéliens contre l’Iran et le Hezbollah libanais. « Les Américains n’ont jamais admis leur défaite militaire en Syrie et ne veulent pas lâcher le morceau et surtout leur objectif stratégique principal », commente un haut diplomate français, « celui d’un démantèlement de la Syrie, du type de celui qui a été conduit en Irak et en Libye. Leur volonté est d’armer les Kurdes pour contrôler les régions pétrolières de l’Est syrien afin de pouvoir peser sur la reconstruction politique et économique du pays ». La paix n’est donc pas pour demain.

    C’est encore un complot si on a des documents officiels qui évoquent le sujet ?

    (via le Yéti : https://yetiblog.org/leak-la-strategie-criminelle-de-la-coalition-occidentale-revelee-par-un-te)

    • واشنطن لحلفائها : فلنقسّم سوريا | الأخبار
      http://www.al-akhbar.com/node/291239

      تغيّرت السياسة الأميركية في سوريا. بعد طول مراوحة في تحديد ما سيفعلونه بعد هزيمة «داعش»، قرر الأميركيون إطالة أمد الحرب بالبقاء خلف الضفة الشرقية للفرات، والعمل وفق خطة تفصيلية لتقسيم البلاد. وخلال الشهرين الماضيين، كانت الدبلوماسية الأميركية تعمل على اطلاع الحلفاء على تلك الخطة تمهيداً لإطلاقها ووضعها قيد التنفيذ. وفي هذا الإطار، حصلت «الأخبار» على برقية دبلوماسية صادرة عن سفارة بريطانيا في واشنطن، توجز الاستراتيجية الأميركية للوصول إلى تقسيم سوريا كما عرضها ديفيد ساترفيلد خلال اجتماع عقده في واشنطن في الحادي عشر من الشهر الماضي ممثلون عن مجموعة «سوريا» الأميركية

      Pour activer la traduction :-)

  • Lafarge en Syrie : le Quai d’Orsay retrouve doucement la mémoire
    http://www.liberation.fr/france/2018/02/28/lafarge-en-syrie-le-quai-d-orsay-retrouve-doucement-la-memoire_1632856

    Après cette confrontation, Eric Chevallier explique finalement dans sa lettre, qu’il a fait des recherches complémentaires et a contacté la « jeune femme du bureau du Moyen-Orient ». Désormais en poste à l’ambassade de France en Egypte, elle se souvient bien de cet entretien, selon la lettre adressée aux juges d’instruction. « Elle m’a indiqué que personne au ministère ne lui avait jusqu’à ce jour posé la question, mais qu’effectivement elle avait le souvenir de cette réunion », écrit Eric Chevallier. Et précise qu’il « confirme ne pas avoir conseillé́ le maintien de l’usine Lafarge en Syrie ». Contactée par Libération, la diplomate indique simplement qu’elle ne souhaite « pas commenter ».

    • L’ancien commissaire Darquier de Pellepoix osait avancer qu’à Auschwitz on n’a gazé que des poux, chevauchant l’hyper-criticisme de Robert Faurisson qu’a si justement déconstruit Pierre Vidal-Naquet dans Les Assassins de la mémoire. La rhétorique de M. el Khal, qui se situe dans le registre du premier pas vers le négationnisme - équivalence entre victimes et bourreaux - aboutira un jour à une ignominie semblable sur la Ghouta ou Alep si l’on n’y prend pas garde.

      Voilà qui habille Le Média pour l’hiver.

      #invectives

    • Ah ! mais oui chez Ballast c’est beaucoup mieux quand on enfonce ses consoeurs et confrères ! Bravo !

      Claude El Khal est notre correspondant au Moyen-Orient. Il a sa vision des événements et il affirme se méfier des manipulations provenant du régime syrien tout autant que des belligérants américains ou européens. Il a raison. Les guerres sont des moments où l’information est manipulée à des fins stratégiques. Le journalisme consiste à prendre ses distances avec les sources belligérantes. À rappeler que les civils sont des victimes innocentes. Sa position est raisonnable, et juste. Il ne choisit qu’un seul camp : celui de la paix et de la préservation des vies. Ceux qui attaquent sa position trouvent peut être qu’être tué par une bombe américaine est moins condamnable que par une bombe russe ? Pour moi, ceux qui bombardent sont tous coupables. On peut bien condamner le régime syrien soutenu par les Russes. On peut aussi condamner la Turquie d’Erdogan soutenue par les américains et les européens. On peut condamner l’Arabie saoudite armée par la France. On peut condamner l’Iran qui arme le Hezbollah. On peut condamner les djihadistes armés par les américains. On peut condamner la France, les européens, les USA qui organisent le chaos dans cette région du monde. On peut condamner les intérêts des multinationales de l’armement, du pétrole et du gaz qui tirent profit de la situation. Mais on ne peut pas condamner un journaliste comme Claude El Khal qui a le courage de dire tout haut que le seul camp qu’il fait sien est celui des civils, des enfants, qui vivent l’enfer. Claude El Khal a raison de refuser que l’on diffuse des images dont on ignore la provenance, dont on ignore la véracité. Chaque fois que vous voyez des vidéos sur la Ghouta : demandez-vous qui a filmé, sous la protection de qui, pour faire passer quel message, pour servir les intérêts de qui ? ce n’est pas la première guerre de communication, ce n’est pas la première fois que « l’opinion publique internationale » est soumise au matraquage et à la propagande des belligérants. Au Média, nous n’acceptons pas l’instrumentalisation. Nous disons clairement que les belligérants doivent cesser leurs bombardements que ce soit à Damas, la Ghouta, au Yémen. Qu’ils cessent de massacrer des civils. Si d’autres médias estiment qu’il faudrait prendre le parti des USA et des européens, qu’ils le fassent. mais ne rêvez pas : Le Média ne s’alignera sur aucun camp. Notre camp c’est la paix et la vie humaine. Ce sont vos guerres, pas les nôtres. Nous sommes avec les peuples. Et si vous trouvez nos positions angéliques, laissez nous penser que les vôtres sont belliqueuses, sources de haine, de souffrance. Nous ne faisons de mal à personne. Et vous ? Comme Jean Jaurès : nous défendrons la paix. Que ceux qui veulent la guerre y envoient leurs enfants.

    • Nous passerons sur le fait que les propos sur le conflit syrien de Robert Fisk - ne connaissant qu’un seul ennemi : l’Occident — ont été dénoncés non seulement par des confrères journalistes [16], mais aussi par les chercheurs et experts de la révolution syrienne.

      Fisk en prend lui aussi pour son grade. La note 16 sensée servir, j’imagine d’argument contre Fisk, pointe vers le Courrier International, article de 2007 (!) publié initialement dans Haaretz. On devra se contenter de cela pour conclure que Fisk n’est pas crédible (et négationniste, donc, cf. la conclusion).

    • Pour mieux comprendre son engagement au sein de la « résistance civile à l’occupation syrienne du Liban » évoqué dans l’article d’Audrey Kucinskas pour L’Express

      Je n’oublierai jamais le 13 Octobre 1990.

      Je n’oublierai jamais les avions syriens qui lançaient leurs missiles sur les dernières régions libres du Liban. Je n’oublierai jamais la terreur des femmes, des hommes et des enfants sous le feu aveugle des canons du régime baathiste. Je n’oublierai jamais les larmes des pères, des mères, des fils et des filles au moment de la reddition.

      Je n’oublierai jamais les soldats de l’armée libanaise massacrés alors qu’ils étaient prisonniers. Je n’oublierai jamais le silence de mort qui a accompagné l’entrée des troupes syriennes à Baabda. Je n’oublierai jamais les tirs de joie de la soldatesque d’occupation quand l’invasion fut achevée.

      Je n’oublierai jamais que parmi ceux qui se divisent aujourd’hui en 8 et 14 Mars beaucoup ont applaudi et crié victoire, certains après avoir pilonné sauvagement les régions libres, d’autres après avoir participé aux combats contre l’armée libanaise.

      Je n’oublierai jamais que tout ça s’est passé avec la bénédiction du monde entier, de ceux qui veulent aujourd’hui abattre le régime syrien, ceux qui le décrivent depuis si peu comme criminel et barbare : les Etats-Unis, l’Europe, la France socialiste à laquelle appartenaient déjà messieurs Fabius et Hollande, la Ligue Arabe, les monarchies du Golfe, la Turquie… Même l’Iran et Israël étaient à l’unisson.

      Je n’oublierai jamais les heures noires de ce jour funeste et la nuit sans étoiles qui s’est abattue sur nous. Je n’oublierai jamais les 15 ans qui ont suivis. 15 ans de répression, de pillage organisé, de corruption institutionnalisée. Je n’oublierai jamais la peur, la rage, la tristesse, la mort.

      https://claudeelkhal.blogspot.fr/2015/10/je-noublierai-jamais-le-13-octobre-1990.html

    • Je reviens à ma première question, et la chaleur de « nos » commentaires sur SeenThis me fait me la poser de manière encore plus lancinante : qu’y a-t-il dans la question syrienne pour susciter de telles passions au sein d’une certaine gauche (française et au-delà européenne) ? Sur le Chili, le Vietnam, d’autres conflits encore, à tort ou à raison, je peux m’expliquer la ferveur de certains engagements. Peut-on dire la même chose de la Syrie ? Une fois posé le despotisme très connu par un demi-siècle d’expérience du régime, on ne sort pas d’un constat assez simple à faire : la majorité de la population n’a pas vraiment rejoint le mouvement (y compris à ses débuts), par peur, par calcul, par expérience, etc., c’est un fait. Si la majorité silencieuse s’est exprimée en Syrie, c’est par le départ, dans les pays voisins, en Europe et ailleurs... Et du côté des adversaires du régime, quel est le poids de mouvements révolutionnaires qu’on peut raisonnablement soutenir quand on a précisément une sensibilité de gauche, par rapport à des milliers de « rebelles » puisque c’est le terme utilisé, mercenaires, pillards, fanatisés, manifestement à la tête des opérations à partir de l’été 2011 ?
      Je précise que ma question est aussi naïve que sincère et que je serai ravi d’entendre des explications qui tiennent...

    • Selon Le Courrier international : @gonzo

      Comme le rappelle Michael Jansen, spécialiste du Moyen-Orient au quotidien The Irish Times, « les villes […] de Ghouta orientale sont tombées sous le contrôle des combattants rebelles en 2013 et sont aujourd’hui le dernier refuge de fondamentalistes de la Faylaq Al-Rahman (Légion de Rahman) et de la Jaish Al-Islam ( Armée de l’islam ), soutenue par l’Arabie Saoudite , dans la région de Damas ». Le régime de Bachar El-Assad cherche actuellement à « exercer des pressions militaires » sur cette zone pour se débarrasser de ces combattants.

      https://www.courrierinternational.com/article/syrie-sous-les-bombardements-du-regime-la-ghouta-orientale-re

      Raisonnablement je ne peux soutenir aucun de ces mouvements fondamentalistes (Faylaq Al-Rahman), salafistes (Jaish Al-Islam) et djihadistes (Tahrir Al-cham) qui prennent la population en otage de même que le régime de Bachar et je continue de partager le point de vue de Claude El Khal et du Média :

      Au Média, nous n’acceptons pas l’instrumentalisation. Nous disons clairement que les belligérants doivent cesser leurs bombardements que ce soit à Damas, la Ghouta, au Yémen. Qu’ils cessent de massacrer des civils. Si d’autres médias estiment qu’il faudrait prendre le parti des USA et des européens, qu’ils le fassent. mais ne rêvez pas : Le Média ne s’alignera sur aucun camp. Notre camp c’est la paix et la vie humaine. Ce sont vos guerres, pas les nôtres. Nous sommes avec les peuples. Et si vous trouvez nos positions angéliques, laissez nous penser que les vôtres sont belliqueuses, sources de haine, de souffrance. Nous ne faisons de mal à personne. Et vous ? Comme Jean Jaurès : nous défendrons la paix. Que ceux qui veulent la guerre y envoient leurs enfants .

    • Sur un point qui a l’air important dans le débat, l’article de @lundimatin dit uniquement que « Faylaq al Rahman » est affilié à l’ASL et que d’autres groupes les considèrent comme « laïcs et apostats » (mais on ne sait pas ce qu’en pense réellement les auteurs de l’article). Du coup ce serait des « gentils » ?

      Mais en revanche la carte du Monde, elle, dit que « Faylaq al Rahman » se revendique de l’ASL, et surtout que c’est un groupe « à dominante islamiste » !
      (Et je suppute qu’il est possible et peut-être courant que des groupes islamistes traitent d’autres groupes islamistes de laïcs et apostats car ils ne sont pas d’accord, mais bon je n’y connais rien…)

      L’effectif d’environ 30% est le même dans les deux, mais par contre du coup ils disent donc plutôt l’inverse sur ce groupe :
      – Dans un cas le groupe EST affilié à l’ASL et est présenté comme pas islamiste du tout (mais c’est l’avis d’un autre groupe islamiste et non des auteurs eux-mêmes).
      – Dans l’autre, le groupe SERAIT affilié à l’ASL, au conditionnel car c’est le groupe lui-même qui se revendique, et il est présenté comme majoritairement islamiste.

      Je n’ai rien à en dire mais c’était juste pour souligner la différence.

    • @baroug : non. Burgat n’a pas attendu autant de morts avant de s’attaquer directement à la gauche anti-impérialiste (thème fondateur des fanboys de la révolution syrienne) dès août 2012 :
      https://www.facebook.com/francois.burgat/posts/318712458225901

      Rappel encore : 2 mois plus tôt il prétendait aussi avec Caillet que Nusra n’existait pas et était une invention du régime commentant des attentats false flag. Fadaise complotiste dont l’utilité est de maintenir la supériorité morale des partisans de la militarisation de la contestation syrienne.

      L’attaque contre Oumma par le même Burgat, c’est l’année d’après, juin 2013 :
      https://seenthis.net/messages/147381
      (l’attaque contre le nationalisme arabe classique étant aussi un thème favori de la part de fanboys).

    • Le pire dans toute cette histoire, c’est que la guerre idéologique, de la vérité ou des contre-vérités (peu importe) risque non seulement de masquer les réalités de ce conflit qui perdure depuis le printemps 2011 mais aussi de banaliser auprès de l’opinion ce genre de situation. Saura-t-on jamais combien de victimes aura fait cette guerre parmi les civils désarmés ? Combien de personnes ont fui devant ces atrocités (Syrie et pays voisins) ? La première erreur commise le fut (à mon avis) par le « camp occidental » qui décida de livrer des armes aux « rebelles » et d’envoyer des instructeurs auprès des factions belligérantes. On connait ensuite l’enchainement fatal : la Russie poutinienne intervint à son tour parce que, hein, on allait pas laisser les États-Uniens tripatouiller tout seul dans ce merdier, déjà que,avec les précédentes ingérences en Irak et en Afghanistan (depuis 1979, juste après l’invasion soviétique), ils avaient déjà bien pourri l’ambiance, sans compter le soutien inconditionnel qu’ils accordent à l’état d’Israël. La guerre des communiqués prit rapidement le relais. Chaque « camp » se dota d’alliés de circonstances (Turquie, Iran, n’oublions pas non plus les nations euro-atlantistes) qui en rajoutèrent dans la désinformation et le brouillage médiatique.
      Ce qui se passe au Proche-Orient (Moyen-Orient, Levant) depuis la fin de l’empire ottoman et surtout depuis la découverte de la manne pétrolière dans cette région est un naufrage de la soit-disant civilisation et, comparés à cela, les camions d’essence de « Mad Max Fury » ressemblent juste à une histoire de petit chaperon rouge pour faire frissonner les enfants avant qu’ils ne s’endorment. Bonne nuit ! Pour le brouillard, on a ce qu’il faut en magasin ...

      Et - pardonnez-moi si j’m’excuse, j’allais oublié un point TRÈS important dans la série des « on ne saura jamais » ; c’est le chiffre d’affaire des marchands d’armes (toutes catégories confondues) lié à ce conflit.

    • Non mais que certains, et Burgat et Filiu dont l’un est connu depuis longtemps pour croire et entretenir l’idée d’un islamisme « de gauche » et l’autre fétichise peut être les révolutions arabes en général, aient été en avance sur cette fracture c’est une chose. Mais de toute façon, elle est ancienne, et vous la connaissez tous puisque bien antérieure au conflit syrien ; vous en étiez déjà acteurs.
      Après, je pense que l’intensité du conflit, qui est le plus meurtrier de la décennie, doit jouer un rôle dans la généralisation de la fracture à gauche, si l’on peut dire.

    • Tout à fait @sombre

      @nidal La faute à la vieille gauche aveugle et égoïste !

      « C’est triste et cruel mais c’est comme ça : la force d’inertie intellectuelle d’un pan entier de cette bonne vieille gauche arabe et européenne est en train de l’empêcher de prendre un virage historique ! Son aveuglement dans le dossier syrien a plusieurs causes. L’une des toutes premières est une surenchère égoïste et intolérante dans l’appropriation privative du label anti-impérialiste :
      « Personne d’autre que nous, et surtout pas la génération de l’Islam politique ».

      Pour François Burgat, les islamistes ont toujours raison !
      https://mondafrique.com/francois-burgat-islamistes-ont-toujours-raison

      Peut on classer Burgat dans cette sphère de l’islamo-gauchisme dans le milieu intellectuel français, et qui joue le rôle des avocats du projets islamiste, d’une manière ou d’une autre ?

      Je n’aime pas du tout l’expression « islamo-gauchisme » qui est souvent employé par les islamophobes ou les milieux français islamophobes. Par ironie, je dirai, pour commencer, que F. Burgat n’est, de mon point de vue, certainement pas de gauche, si l’on se réfère simplement aux messages Facebook qu’il n’a cessé de diffuser au cours de la dernière campagne présidentielle française, dénigrant surtout Jean-Luc Mélenchon et ne manifestant pas, semble-t-il, beaucoup plus de sympathie politique ou électorale pour Benoît Hamon. Il est peut-être un peu plus « macroniste », une tendance plutôt sociale-libérale. Par certains côtés, j’ai l’impression que le politiste français veut être plus royaliste que le roi, soit en trouvant toujours de bonnes excuses aux islamistes légalistes dans leurs échecs, soit en étant encore plus optimiste qu’eux dans la capacité à mener à bien des combats politiques démocratiques et à gérer sans heurts des sociétés.

      Haoues Seniguer

    • Bon, si je résume ce que j’ai compris (pour @Baroug notamment) :
      – la gauche se mobilise parce qu’il y a beaucoup de victimes, ou encore la fracture devient plus importante du fait du nombre de morts : mais alors, pourquoi ce silence sur le Yémen ?)
      – on peut à la rigueur soutenir en fonction d’un pourcentage pas trop élevé d’islamistes vraiment méchants. En acceptant que ce soit possible, cela signifie qu’on se résigne à soutenir un truc qui ne sent pas très bon alors qu’on nous demande justement de ne pas nous poser de questions (et qu’on cloue au pilori celui qui le fait, El Khal en particulier)
      – le Moyen-Orient, terrain de jeu du capitalisme sauvage, OK @Sombre_Hermano mais pourquoi tant de personnes à gauche se sentent-elles obligées à coopérer ? Tout de même, et quelles que soient les souffrances passées, il y a (un peu) plus de lucidité sur le sionisme !
      _ quelques acteurs (Burgat, mais peut-être moi aussi, je ne m’exclus pas) ne seraient pas vraiment de gauche, d’où leurs positions étranges. Mais il ne s’agit pas de ces quelques exceptions, le nécessaire soutien aux types qui se battent dans la Ghouta est une opinion très largement majoritaire.
      Merci aux contributions, mais je reste avec mes questions :-(

    • Je peux parler de ce que j’en pense de mon côté :
      1) troubles internes (la « révolution »), dont à aucun moment il n’a été tout à fait possible de savoir si l’opération de « regime change » la récupérait ou l’initiait ;
      2) militarisation quasi-instantanée, daech simultanément en Irak et en Syrie, pertes gouvernementales très fortes ;
      3) on finit par avoir des informations sur daech et ses soutiens, et sur al qaida et ses soutiens, on apprend que les mécènes (comme l’article en parle sur Lundi Matin) sont la Turquie et quelques autres pays reconnus pour leur absence totale de respect de la vie humaine ;
      4) finalement, le régime s’en sort, et par force, c’est un carnage, les belligérants y jouant tous leur survie. On sait ce que c’est, on a quelques guerres derrière nous pour nous le rappeler.

      Je suis allé voir « Pentagon Papers », où on te rappelle obligeamment que dès 1954 des opérations de regime change et +++ étaient réalisées en sous main pour déstabiliser le Vietnam.

      Donc, il faudrait cesser de critiquer la couverture actuelle des évènements en Syrie au prétexte que les forces gouvernementales gagnent du terrain, parce que c’est bien de ça qu’il s’agit ?

      C’est une guerre à mort, entre deux armées visiblement de force plus ou moins équivalentes, les pertes équivalentes en nombre de chaque côté en attestent il me semble. Oui, les pertes civiles sont odieuses, un petit « Dresde » pour le moment. Je ne ferais pas de référence aux pertes de la Corée du Nord pour ne pas commettre de Point... CIA ?

      Deux armées bien équipées, qui font des massacres des deux côtés, des civils qui trinquent. Une documentation abondante sur les livraisons d’armes et sur les mécènes.

      Et donc, on reproche à certains que l’on dit « de gauche » de ne pas vouloir prendre parti dans ce tourbillon de propagande.

      Ce serait quoi le but ultime de cette prise de position que l’on devrait réaliser sans remettre en doute aucune des informations transmises ? De faire « encore plus de guerre » ?

      Notez que je n’ai pas encore parlé du droit international et de souveraineté. Je serais immédiatement accusé de parler comme Poutine. Mais... Bon... L’ONU, on lui demande beaucoup de juger si tel ou tel crime pris dans la multitude est un crime de guerre ou pas, mais on pourrait aussi l’utiliser pour dire si l’intervention de telle ou telle nation, en tant que « mécène » d’un des nombreux groupes anti-gouvernementaux, est légale ou pas, au regard du droit international. C’est moins vendeur que de laisser parler ses tripes en regardant des images de gamins ensanglantés, évidemment.

      Alors, 300000 morts, ça veut dire quoi ? Qu’on doit cesser tout esprit critique ? Ou ça veut juste dire que des deux côtés, aucun décideur n’a jugé nécessaire de cesser d’alimenter les belligérants ?

    • @biggrizzly, dans ton décompte, tu ne dis pas que sur les 100 000 civils tués, la très grande majorité l’a été par le régime. Je pense que c’est un des arguments majeurs de ceux qui considèrent que faire une équivalence entre les « camps » est problématique, pour le moins.

      Par ailleurs, je ne vais pas me faire l’avocat de la gauche anti-Assad (ou comme vous voudrez la nommer), je n’ai pas moi-même de position claire (et je vous lis tous avec intérêt pour essayer d’y comprendre quelque chose), mais il ne me semble pas qu’ils considèrent qu’il faut cesser d’exercer son esprit critique, mais encore une fois que renvoyer les deux camps dos à dos n’est pas une position tenable.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_syrienne#Pertes_civiles

    • @gonzo Une de mes théories, est que justement sur la Syrie il y a eu une sorte de « résistance », ou méfiance, relativement large, et qu’elle s’est assez tôt exprimée contre la militarisation de l’opposition (donc début/mi-2012). Et ces résistances sur la Syrie ne se sont pas exprimées seulement dans les cercles militants de la gauche française, mais également dans les gauches arabes (article dès août 2012 dans le Diplo) :
      https://www.monde-diplomatique.fr/2012/08/DOT_POUILLARD/48029
      Les résistances et méfiances se sont plus largement exprimées assez tôt dans le monde arabe, notamment dans les milieux nationalistes arabes old school et leurs alliés (notamment en France) : Afrique-Asie, Labévière, toute la bande, désormais considérés comme de nouvelles incarnations du diable.

      Mais aussi dans des cercles officieux qui, normalement, doivent se taire. Je pense que, très tôt, les articles sceptiques de Malbrunot sur le sujet reflétaient, venant de ce bonhomme, le scepticisme des milieux du renseignement et de la défense en France.

      Et même chez les opposants syriens historiques, la militarisation n’a pas du tout fait l’unanimité. On a beaucoup cité ici Haytham Manna, et comment il a été largement mis sur la touche dès qu’il a dénoncé les dangers de la militarisation début 2012.

      Et plus largement, le sujet tabou que tu évoques de temps en temps : l’opinion syrienne n’a pas forcément basculé aussi unanimement qu’on a bien voulu se le raconter. Et surtout pas en faveur d’une escalade militaire à base de milices – pas par amour du régime, mais parce que ça ne s’était déjà pas bien passé à côté (Liban, Irak).

      Or, sur des révolutions précédentes, ça n’avait pas tellement moufté, ou pas aussi bruyamment. En particulier, la guerre sur la Libye, ça a été beaucoup plus discret. Il y a bien eu Herman (justement !) se payant la tête Gilbert Achkar (accusé de prétendre « micromanager » les bombardements de l’OTAN), mais ça doit être à peu près tout.

      Je pense que, notamment pour la Libye, il n’y a pas réellement eu besoin d’une bataille sur l’opinion publique ; on a eu du bombardement occidental old school, silence dans les rangs et le doigt sur la couture du pantalon. Sur la Syrie, ça n’a pas été le cas. Très rapidement il y a eu des résistances (voir ci-dessus), et cela par des gens très légitimes et ayant accès habituellement aux médias mainstream.

      Cette résistance inattendue, de la part de franges légitimes des militants, et de milieux acceptés dans les grands médias, je pense que c’est un des éléments qui ont rendu l’ambiance aussi féroce, parce que dès que la militarisation des « rebelles » se met en place, il y a un gros enjeu de conviction de la part de l’opinion publique. Et à ce moment on voit apparaître illico des attaques directes contre l’establishment du renseignement et de l’armée (un ramassis de fachos pro-Bachar), et contre la gauche pro-arabe (je te rappelle pas les délires). Parce qu’on n’est pas dans une discussion : il y a un besoin prioritaire de délégitimation de sources qui sont largement perçues, y compris dans les médias mainstream, comme usuellement légitimes et qui commencent à faire entendre leur opposition à la militarisation des « rebelles ».

    • @baroug Pour le Yémen, je pense comme toi que, comme personne ne France n’exige une intervention militaire dans le conflit au Yémen (ni dans un camp ni dans l’autre), c’est un gros élément qui évite qu’il y ait réellement des exclusions et des condamnations en hérésie.

      En revanche, pour le nombre de morts, la « comparaison » n’est pas si farfelue : mi-mars 2012, on évoque ici 8000 morts en Syrie :
      http://www.liberation.fr/planete/2012/03/14/quand-la-syrie-se-revolta_803029
      Or, la mi-mars 2012, c’est le fameux débat sur France 24 plein d’enthousiasme pour la militarisation de la rébellion, qu’Haytham Manna dénonce vigoureusement :
      https://seenthis.net/messages/225755

      Encore une fois : ce n’est pas pendant la première année que le débat s’envenime. C’est à partir de mi-2012 que les excommunications sont prononcées, et elles accompagnent la montée en puissance de la militarisation de l’opposition.

      Et puisque tu évoques la responsabilité de l’explosion du nombre de morts : c’est à partir de la militarisation, de la livraison d’armements (de la part de la France : en violation de l’embargo européen) et de l’alignement sur les partisans du renversement de régime par l’action militaire (et donc, l’exclusion à partir de ce moment des autres, tels Manna), que le nombre de morts explose. On part de 8000 la première année, on arrive à des dizaines de milliers l’année suivante, et des centaines de milliers ensuite.

      C’est bien l’aspect pervers de ce non-débat : c’est qu’on traite de paranoïaques, de pro-Bachar, de négationnistes, de mépris pour les civils, justement tous ceux qui, dès 2012, disent que si on militarise l’opposition et qu’on part dans une grande guerre civile en Syrie, ça ne va pas bien se passer du tout, que le régime n’est pas si faible, qu’il n’est pas isolé du tout et que ses alliés interviendront, et que les types qu’on arme sont extrêmement dangereux. Or, depuis ce moment, ce sont ceux qui soutiennent la militarisation et l’escalade qui ont causé des centaines de milliers de morts, en agonissant d’injures ceux qui ont mis en garde constamment, qui continuent à revendiquer la posture de supériorité morale.

    • Encore une remarque sur le Yémen. La question n’est pas sa savoir pourquoi les fanboys de la révolution syrienne ne dénonceraient pas la situation au Yémen – parce qu’en gros, ils condamnent.

      Mais plutôt pourquoi ils ne réclament pas la militarisation de la « rébellion yéménite », l’envoi d’armes et de financements, voire l’escalade contre le méchant agresseur qui massacre la population. Ailleurs, pourquoi on n’a jamais lu d’appels à armer, entraîner, financer, militariser, l’opposition égyptienne en réponse au coup de Sissi et au massacre du 14 août 2013 (on estime à plus de 800 morts en une journée).

    • Merci @nidal, je crois que tu as bien résumé notre (le mien en tout cas) malaise depuis le début :

      C’est bien l’aspect pervers de ce non-débat : c’est qu’on traite de paranoïaques, de pro-Bachar, de négationnistes, justement tous ceux qui, dès 2012, disent que si on militarise l’opposition et qu’on part dans une grande guerre civile en Syrie, ça ne va pas bien se passer du tout, que le régime n’est pas si faible, qu’il n’est pas isolé du tout et que ses alliés interviendront, et que les types qu’on arme sont extrêmement dangereux.

    • Sur la page Wikipédia, j’ai ce genre d’information que je ne sais pas trop comment interpréter... Le régime tue les alaouites aussi ?

      In May 2013, SOHR stated that at least 41,000 of those killed during the conflict were Alawites.[21] By April 2015, reportedly a third of the country’s 250,000 Alawites that were of fighting age had been killed.[22] In April 2017, a pro-opposition source claimed 150,000 young Alawites had died.[23]

    • @BigGrizzly ; Je me disais qu’il fallait grasser précisément les mêmes lignes !
      @baroug : faut-il faire des comptabilités entre les guerres ? Sinon, outre les remarques de Nidal sur le tournant de 2012, faut-il compter les 8 millions de Yéménites en urgence alimentaire selon l’ONU ?
      @nidal : merci de tes interventions mais, tout de même, on peut sérieusement continuer des années après (7 bientôt) à faire semblant de ne pas voir les problèmes ? J’ai du mal à y croire.
      Une petite question à la communauté SeenThis : pourquoi un taré des banlieues qui s’engage, non sans risques pour sa vie, en Syrie est un dangereux terroriste dont on espère qu’il sera vite tué pour qu’il n’aille même pas jusqu’à la prison, tandis que l’intello (de gauche) qui soutient (de tout son coeur mais sans trop de risques persos) la même révolution en Syrie est la coqueluche des plateaux télé ?

    • Oui, Gonzo, j’y pense régulièrement. Encore il y a quelques jours suite à un texte navrant de Lundi Machin, où l’on dit sa « honte » de l’inaction et de la complicité de la France en faveur de Bachar (on rêve).

      La tolérance pour la lecture confessionnelle des conflits de la région, la répétition systématique des foutaises à base de « sunnites humiliés » (qu’est-ce qu’on en a bouffé, de l’argumentaire à base de sunnite humilié), l’envoi de Colonel Salafi à Beyrouth pour donner un crédit universitaire à l’escroc salafiste al-Assir, retapissé en voix de la rue sunnite libanaise (humiliée, hein), les éructations de Leverrier et Filiu dans ce genre…

      Ces dénonciations systématiques (et volontairement fausses de la part d’individus directement impliqués dans la politique du Quai d’Orsay) de la « passivité » et de l’« inaction » de la France, associées à une tolérance quasi institutionnalisée pour l’excitation sectaire, effectivement je pense que ça pèse très lourd dans la décision de plusieurs centaines de jeunes français d’aller prendre les choses en main pour défendre les sunnites-humiliés avec Nusra et Daech.

    • La réponse de Claude El Khal @lundimatin

      La nouvelle Inquisition et les moukhabarat parisianistes

      Mon intervention consacrée à la Ghouta en Syrie dans le JT du Média du 23 février m’a valu un lynchage en règle sur les réseaux sociaux et dans plusieurs médias. Les amateurs de guerre ont sorti l’artillerie lourde. Il fallait s’y attendre. Mais comme ils n’avaient pas vraiment d’arguments à m’opposer, à part la traditionnelle propagande à laquelle plus grand monde ne croit, ils ont été fouiller mon compte Twitter à la recherche d’anciens péchés qu’ils pourraient utiliser pour me salir.

      Convaincus d’avoir trouvé les trésors d’infamie qu’ils cherchaient, ils les ont partagés sur les réseaux sociaux, essayant de me faire passer pour ce que je ne suis pas. En anglais on appelle ça character assassination . Il n’y a pas d’équivalent en français. Il faudrait en trouver un, ça éviterait à d’autres de subir le même sort.

      Le sentiment que j’ai eu ces derniers jours m’était familier, mais je pensais qu’il faisait partie du passé. Je pensais qu’il a avait été emporté dans les bagages des troupes d’occupation syriennes quand elles se sont retirées du Liban. Ce sentiment d’être traqué, épié, dénoncé, accusé puis jugé sans autre forme de procès était lié aux méthodes des moukhabarat syriens et de l’État policier qui a sévi entre 1990 et 2005. En 2018, les moukhabarat ne sont plus syriens mais parisianistes. Ils ne sont plus ces agents hirsutes et mal fagotés qui faisaient régner la terreur au Liban mais des bien-pensants propres sur eux qui règnent sur les plateaux de télévision et dans les médias mainstream.

      Ce n’est pas à eux que je m’adresse ici. Eux ne méritent que le mépris que tout homme ou femme libre a pour les totalitaristes en tout genre. Si j’ai décidé de m’expliquer, c’est pour certains de mes amis qui ont été affectés par la campagne de diffamation dont je suis la cible, pour les lecteurs qui me suivent, et pour les socios du Média qui me connaissaient depuis peu et qui me découvrent.

      Parmi les choses dénichées qu’on utilise pour me salir, trois articles ou notes de blog, et un jeu de mots...

      https://claudeelkhal.blogspot.fr/2018/03/la-nouvelle-inquisition-et-les.html

      character assassination = campagne de diffamation ou comme l’a bien expliqué @nidal :

      On lui reproche des choses qui n’ont rien à voir avec la Ghouta, alors qu’il est clair que c’est à cause de ce qu’il a dit sur la Ghouta qu’on veut le faire virer

      ou le salir.

    • Tandis que la Turquie, à l’aide des tanks allemands et le soutien de l’OTAN, écrase depuis des semaines Afrine sous les bombes, que l’Arabie Saoudite extermine les femmes et les enfants du Yemen avec des armes dont certaines livrées par la France, les médias en France n’ont d’inquiétude que pour “la Goutha” en Syrie. Une enclave majoritairement contrôlée par des milices islamistes soutenues par l’occident (Jaich al-Islam, Faylaq al–Rahmane et Ahrar al-Cham*), d’où ces derniers bombardent et mènent des attentats contre Damas et dont l’armée syrienne a entrepris de reprendre le contrôle.

      La machine médiatique à mentir pour mieux broyer tourne à nouveau à plein régime : TOUS les médias d’État, toute la presse oligarchique (du Figaro à Libé, huit milliardaires détiennent l’ensemble des journaux « qui comptent » !) accusent l’État syrien légal de crimes de guerre et s’emploient à l’unisson à vendre à l’opinion un nouveau prétexte pour relancer la guerre en Syrie. « Jupiter » Macron n’a-t-il pas récemment menacé la Syrie de « frappes » en vertu d’on ne sait quel mandat du Ciel accordé à la France pour faire la loi en Syrie (mais aussi en Libye, au Mali ou ailleurs !). En fait de « nouveau monde », la politique macroniste continue le vieux néocolonialisme français réduit désormais au rôle de valet d’armes de l’Oncle Sam. Étrangement, les arguments « humanitaires » mis en avant par les éditorialistes bien-pensants laissent ces mêmes journalistes « pacifistes » de marbre quand les armes françaises, vendues à l’Arabie saoudite, dévastent la population civile, femmes et enfants compris, au Yémen ou à Bahreïn…

      Il faut bien entendu que les armes, toutes les armes, celles de l’armée syrienne, mais celles aussi des milices intégristes qui utilisent les civils comme des boucliers humains, se taisent sur tout le territoire syrien. Il faut évidemment que les organisations humanitaires réellement indépendantes puissent au plus tôt intervenir en Syrie pour apporter sur place les vivres et les soins nécessaires. Mais pour cela, TOUTES les parties en conflit doivent faire preuve de retenue. Pour commencer, les États impérialistes occidentaux et pétro-monarchiques qui ont attisé la guerre civile en Syrie doivent revenir aux principes fondateurs de l’ONU : le respect de la souveraineté de chaque pays, de l’égalité entre les nations, le refus absolu des ingérences dans les affaires intérieures d’autrui.

      https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/syrie-pyromanes-imperialistes-crient-de-nouveau-feu

    • Même les opposants historiques au régime syrien le disent : on ne peut pas faire comme si à la Ghouta une armée rebelle internationaliste résistait vaillamment à Bachar el-Assad, alors même qu’il s’agissait notoirement d’un nid d’islamistes et de djihadistes tenant en otage des civils. Tant pis pour Lundi matin, c’est le genre d’erreurs qui fait tache face à l’histoire. On imagine en tout cas assez mal Debord livrant clé en main un argumentaire à BHL et Raphaël Enthoven pour faire triompher les positions de l’Otan sur le cadavre de la gauche critique. Ou bien publiant dans l’Internationale situationniste des textes suitant de moraline commençant par « Je t’écris de la Ghouta… » C’est un peu triste, mais pas dramatique en soi. Foucault avait eu l’Iran, ils auront la Syrie.

      Ce qui est grave en revanche, c’est que cette publication irresponsable a offert à des dizaines d’éditorialistes, rédacteurs en chef et journalistes allant du Parisien au Monde en passant par Mediapart ou RTL, l’occasion de lyncher Le Média. Les réseaux sociaux offrent aujourd’hui aux lyncheurs des procédés discrets, ne nécessitant pas un grand courage. En l’occurrence, le retweet sournois d’un texte dont on ignore les sources, les états de service des auteurs, le tout sur un théâtre d’opérations dont on n’a pas la moindre connaissance, dont on n’a même que foutre la plupart du temps, et cela dans le seul but d’atteindre à la réputation d’un titre concurrent ou d’un adversaire idéologique. Et ce sont ces gens, oui ces journalistes, ceux-là mêmes qui se piquent ordinairement de fact checking, de neutralité et de rigueur journalistique, qui ont massivement utilisé comme texte de référence contre Le Média un fatras de mensonges grandiloquents publié par un site anarcho-autonome dont ils ignoraient hier jusqu’à l’existence. Le journalisme est décidément dans un état de déliquescence morale et intellectuelle très préoccupant. Je ne sais même pas à ce stade – plusieurs générations ayant été sacrifiées – à quel moment nous pourrons commencer à remonter la pente.

      https://comptoir.org/2018/04/06/aude-lancelin-la-deliquescence-morale-et-intellectuelle-du-journalisme-est

    • Chers lecteurs de lundi.am,

      Le Média a été gravement mis en cause dans un article paru sur le site lundi.am le 28 février dernier, sous le titre « Le Média sur la Syrie : naufrage du ‘journalisme alternatif’ » et portant la signature de Mme Sarah Kilani et M. Thomas Moreau. Si nous avons attendu avant de répondre aux contre-vérités et aux divagations qu’il contient, c’est que, tout d’abord, nous n’avons pas estimé qu’il s’agissait d’un travail sérieux.

      Mais nous avons été ensuite surpris par l’intérêt suscité par un agglomérat aussi peu solide et des critiques aussi infondées. En quelques jours, grâce au pouvoir multiplicateur des réseaux sociaux et à l’hostilité que Le Média inspirait avant même d’avoir produit le moindre programme, le texte des contributeurs de lundi.am a été largement diffusé par toutes sortes « d’autorités » de la presse française, disposant de puissants relais, à l’image de l’improbable Bernard-Henri Lévy qui, dans Le Point, a repris leur argumentaire. Que cette publication de la gauche critique, lundi.am, se soit alignée sur la position des néo-conservateurs atlantistes nous a d’abord étonné. Mais le pouvoir de nuisance de ce texte ayant propagé des mensonges, il faut nous résoudre à devoir défaire méthodiquement ses raisonnements spécieux, bien que nous aurions préféré utiliser notre énergie pour participer à un débat utile sur la couverture des conflits contemporains, plutôt que de perdre notre temps à dissiper des sottises. Mais enfin, la bulle médiatique unanime nous étant tombé dessus avec les armes que lundi.am lui a fournies, nous devons bien aujourd’hui nous efforcer de montrer que les attaques de leurs contributeurs sont aberrantes.

      Voici donc notre réponse à ce pamphlet bâclé qui a tant plu et tant servi à l’ordre médiatique dominant. Ordre dont lundi.am s’est fait, ironie de l’histoire pour des héritiers du situationnisme, le porte-flingue du moment (...)

      Enfin, la conclusion de l’article des contributeurs de lundi.am est d’une indécence rare, qui ne peut pas rester sans réponse. Dans un court paragraphe honteux, ils avancent le nom de l’immonde Darquier de Pellepoix et les mensonges ignobles de Robert Faurisson pour prétendre que « la rhétorique » de Claude El Khal « se situe dans le registre du premier pas vers le négationnisme ». Non seulement les contributeurs de lundi.am imputent à Claude El Khal, et par extension au Média, la commission d’un crime puni par le code pénal, mais ils ajoutent une injure infâme à la diffamation caractérisée en sous-entendant que le travail de l’un de nos collaborateurs pourrait aboutir « un jour à une ignominie semblable sur La Ghouta ou Alep si l’on n’y prend pas garde ». Eh bien non, c’est maintenant clair, ce n’est pas Le Média qui prône l’intensification de la guerre et l’aggravation des violences contre les civils.

      Au fond, chers lecteurs de lundi.am, vous le voyez : les contributeurs qui nous ont injurié ont pris leur désir pour des réalités et leurs préjugés pour des arguments. C’est pourquoi nous voulons faire connaître notre position, de manière à ne pas vous laisser être insultés par la médiocrité du travail fourni par ces personnages.

      https://lemediapresse.fr/syrie/lundi-am-et-bhl-convergence-des-luttes

  • En désaccord avec le traitement médiatique du conflit syrien, Nöel Mamère quitte Le Média — RT en français
    https://francais.rt.com/international/48352-desaccord-traitement-conflit-syrien-depart-mamere-media

    Une première raison avancée qui est suivie par une seconde, d’une autre nature : « Je n’accepte pas qu’on établisse un parallèle dans le conflit syrien meurtrier, entre les responsabilités du "boucher de Damas" et celles de ses opposants. » Une attaque à peine voilée contre l’analyse du chroniqueur spécialiste du Moyen-Orient du Média, Claude El Khal, au sujet de la situation dans la région syrienne de la Ghouta orientale, thème principal du journal télévisé de 20h diffusé le 23 février.

    Etonnant cette soudaine hyper-sensibilité d’un homme qui a vécu, comme tout le monde, environ un demi-siècle avec le pouvoir Assad en Syrie sans que cela ne le bouleverse outre mesure... Je vois sur sa fiche Wikipedia qu’il est en politique depuis 1988 après avoir été journaliste. Il devait être au courant tout de même ! Par ailleurs, sa participation au « Média » doit-elle être remise en cause à cause d’un désaccord sur une chronique (pourtant fort prudente à mon avis) à propos d’une question qui n’est tout de même pas centrale par rapport à son engagement, enfin j’imagine. Etrange tout de même cette brusque passion de #syrie aujourd’hui...

    • J’ai assisté à cette chronique, exceptionnellement, chronique qui reprenait essentiellement les faits relatés par Robert Fisk.

      J’ai trouvé cette chronique vraiment équilibrée.

      Noël Mamère est bizarre, sur ce sujet. Je n’ai pas entendu son argumentation, mais bon sang, il lui faut quoi ? On n’a plus le droit de dire que Al Qaida, ce sont des gros méchants ? Finalement, Assad, c’est pire que Al Qaida ? Il est capable, lui, de faire un classement dans l’horreur ? 6 ans que ça dure, et que l’Occident entretient le conflit (en dépit des pertes humaines odieuses)... encore maintenant, par exemple en incitant les Kurdes Syriens à ne pas s’entendre avec Assad... Mais c’est toujours Assad le « méchââânt », et l’armée de Assad, y sont rien que des nazis méchants transformés en démons décérébrés pour conquérir le monde !...

      Ils sont désespérants. Noël Mamère aussi. Il va finir oublié, comme Cochet et quelques autres qui confondent équilibre et... sentimentalisme.

      Il était où Noël Mamère au moment de la destruction de Mossoul il y a quelques mois ? Pourquoi est-ce que l’OSDH n’a pas décompté les morts à Mossoul ? Parce que cépapareil ?

    • Il se trouve que je l’ai regardée aussi (grâce à SeenThis, signalé je crois me souvenir par @Palestine). Très équilibré, de fait, trop même à mon goût dans le genre si je dis du mal des Israéliens il faut tout de même que j’en dise un peu des Palestiniens. Mais, de fait, pas le gloubi-boulga qu’on martelle depuis des jours. Quiconque à jamais les pieds dans la région rigole quand on compare la densité d’Alep à celle de la Ghouta à cet endroit, après des années de guerre. M’enfin...

    • Très équilibré, de fait, trop même à mon goût dans le genre si je dis du mal des Israéliens il faut tout de même que j’en dise un peu des Palestiniens.

      J’y ai pensé à ce « renvoi dos à dos gage d’équilibre », mais ce n’est évidemment pas tout à fait pareil dans ce contexte. Les « pauvres-rebelles-syriens » sont tout de même bien mieux équipés et soutenus que les « palestiniens-pas-tout-a-fait-innocents ».
      L’équilibre du commentaire à mon sens était plutôt du type : « la guerre, c’est vraiment moche, et les deux partis participent à égalité dans cette guerre ».

    • Justement, ce matin, j’avais envie de poster un message sur le thème : « J’ai comme l’impression qu’une campagne va bientôt démarrer pour faire virer Claude El Khal de Le Média. » Parce que je voyais monter les messages indignés du fan club de la rébellitude syrienne après sa chronique, je sentais le truc monter.

      Ça n’aura donc pas traîné.

    • Article de Patrick Cockburn, avec témoignages des deux côtés

      Trapped in eastern Ghouta: How both sides are preventing civilians escaping the horror in Syria siege | The Independent
      http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/eastern-ghouta-syria-civilians-deaths-trapped-damascus-siege-assad-re

      What does emerge is that the armed opposition groups in Eastern Ghouta as well as the government have been stopping people leaving. This is confirmed by a UN-backed report called Reach, which says: “Women of all ages, and children, reportedly continued to be forbidden by local armed groups from leaving the area for security reasons.” This has been the pattern in all the many sieges in Syria conducted by all sides who do not want their own enclaves depopulated and wish to retain as much of the civilian population as possible as human shields.
      […]
      But there is another reason why people fleeing Eastern Ghouta might be in danger in government held-Damascus. Seven years of civil war has ensured that Syrians on different sides, many of whom will have lost relatives in the violence, regard each other with undiluted hatred. In Damascus, the shellfire and bombing are largely by the government into rebel areas, but there is also outgoing fire from Eastern Ghouta, mostly from mortars, into government-controlled districts.

    • @biggrizzly Non, tu n’as pas besoin d’avoir un CV impeccable pour l’ouvrir. Comme tu le sais, tu as besoin d’être impeccable si tu décides d’aborder la Syrie d’une manière à peine hétérodoxe. Autrement tout te sera pardonné.

      C’est le principe du character assassination. On lui reproche des choses qui n’ont rien à voir avec la Ghouta, alors qu’il est clair que c’est à cause de ce qu’il a dit sur la Ghouta qu’on veut le faire virer.

      Si on prend le CV de François Burgat et Romain Caillet, ils ont quand même pondu un texte utilisant leur vernis universitaire à l’époque, prétendant démontrer que Nusra n’existait pas, et que les attentats revendiqués par Nusra, en réalité, avaient été commis par le régime lui-même, sous faux-drapeau, pour accuser les rebelles.
      http://ifpo.hypotheses.org/3540
      Wladimir Glasman, Hénin et Filiu ont également largement joué de la corde paranoïaque sur la Syrie.

      Je veux dire : je ne crois pas avoir vu personne reprocher à Burgat et Caillet leurs « positions pour le moins… étranges » à propos de la Syrie à chaque fois qu’ils l’ouvrent. Bon, Colonel Salafi a eu droit à un traitement spécifique pour sa fiche S, mais personne ne lui avait alors reproché les positions complotistes de cet ancien article. Et aujourd’hui, Conspiracy Watch participe au character assassination d’El Khal directement dans le flux Tweeter de Caillet, comme quoi il y a du complotisme qu’on a le droit, même pour un sujet aussi sensible que le jihadisme en Syrie.

    • Claude El Khal
      ‏3 hours ago

      Quand autant de gens malhonnêtes s’emploient à vous lyncher, c’est que vous avez raison. Ils utilisent les méthodes les plus abjectes pour vous faire taire. Mais ce néo-maccarthysme ne passera pas. Et je ne me tairai pas. Merci à celles et ceux qui me soutiennent ! #NoPasaran

    • Lundi matin hurle avec la meute !

      Quand on en est à colporter les propos de Raphaël... Enthoven sur Twitter et à s’en faire le messager c’est qu’on est en plein « naufrage » dixit Sarah Kilani et Thomas Moreau sur Lundi matin . @colporteur
      Pour ma part il me semble qu’il y autant de fanatiques en ISraël qu’en ISIS ; et ceci ne relève pas de la théorie du complot :)

    • Comment Mathilde s’est pris les pieds dans le tapis...

      FranceQ a donc confié la tâche de l’estocade anti LeMedia à une jeune chroniqueuse des Matins, Mathilde Serrell.

      A priori, les vieux routiers de l’info FranceQ ont préféré s’abstenir, ... pour le moment.
      Cette jeune journaliste est donc revenue, ce matin, sur la « démission » de Noël Mamère, laquelle fut annoncée sur cette chaîne de radio publique.
      Et voilà que notre Mathilde s’est pris les pieds dans le tapis.
      Elle aussi, à son insu, est victime des techniques de persuasion clandestine utilisées par les « mass media indépendants ».
      En effet, pour défendre Noël Mamère et ses arguments, elle reprend la vision dichotomique du conflit syrien : le méchant dictateur qui bombarde les gentils « rebelles » encerclés dans la Ghouta. Et elle sous entend que Claude Elkhal se situerait plutôt du côté du fils Assad (dur, dur, pour quelqu’un qui combattit les armées du père Assad au sein de l’armée libanaise...).

      https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-culturel/le-billet-culturel-du-mercredi-28-fevrier-2018

      Claude Elkahl a bien pris soin de rappeler que les « rebelles » en question étaient des groupes affiliés au Djihad et à Al Quaïda. Et, (ne te vexe pas Mathilde), je fais davantage confiance à Claude Elkhal qu’à toi pour définir plus avant la véritable nature de ces « rebelles ».
      Donc, Claude ne veut point diffuser d’images se rapportant à ce conflit sans pouvoir vérifier l’origine de ces images vidéo. Il redoute de se faire manipuler tout autant par les media du complexe dictatorial russo-syrien que par ceux des groupes djihadistes
      Il ne prend pas parti pour un clan ou un autre, il en revient simplement aux fondamentaux de son métier de journaliste...

    • La nouvelle Inquisition et les moukhabarat parisianistes
      https://seenthis.net/messages/673469

      ISISRAEL et les articles sur la Daech conspiracy

      Avant tout, je me dois de préciser que le jeu de mots et les articles en question ne sont en rien liés. Le jeu de mots déniché par les inquisiteurs pour me faire passer pour un antisémite a été publié sur les réseaux sociaux pendant la guerre contre Gaza en 2014. Les massacres de civils commis par l’armée israélienne dans cette prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza n’ont rien à envier, à mes yeux, aux méthodes barbares de Daech (ISIS). Les crimes commis par Tsahal contre la population civile palestinienne ont été documentés et dénoncés par tous les organismes internationaux, les organisations de défense des droits de l’homme, la presse de gauche israélienne et de nombreux citoyens et artistes israéliens, comme la regrettée Ronit Elkabetz.

      On peut trouver le jeu de mot excessif, on peut en débattre, mais l’utiliser pour m’accuser de telle ou telle chose n’est rien d’autre que de la diffamation. Ils auraient pu dénicher d’autres jeu de mots de la même facture qui dénonçaient les exactions du régime syrien, comme Bachar d’assaut ou Blood Baath, ou même Bilad el Shame. Mais non, ils ont précisément choisi ISISRAEL pour leur entreprise de character assassination.

      Par ailleurs, on peut se demander en quoi ce jeu de mots qui les choque tant est plus grave que le négationnisme de Benjamin Netanyahu qui a osé déclarer en octobre 2015 qu’Adolf Hitler ne voulait pas exterminer les Juifs. Curieusement, les hurleurs d’aujourd’hui n’ont pas poussé des hauts cris comme ils auraient dû le faire face aux propos scandaleux du Premier ministre israélien. Moi, par contre, je l’ai dénoncé avec force dans une note intitulée When Netanyahu absolves Hitler.

      Quant aux articles sur la Daech conspiracy, ils ont été écrits après que l’organisation terroriste s’est implantée au Liban, au su et au vu de toute la communauté internationale, sans que celle-ci ne bouge le petit doigt pour l’en empêcher. Si Daech, comme le prétendent encore certains, n’a existé que pour combattre le régime syrien, pourquoi s’est-il implanté au Liban ? Je me suis donc penché sur le sujet et cherché à comprendre.

      Le Liban est entouré par la Syrie et Israël, qui ont chacun de leur côté cherché à le dominer et à détruire tout ce qui leur résistait. Ils l’ont parfois fait de concert, comme le 13 octobre 1990, quand l’aviation syrienne, chapotée par l’aviation israélienne, a bombardé ce qu’on appelait alors le « réduit chrétien » et mis fin au rêve d’indépendance des Libanais.

      Israël n’est pas un ami du Liban – c’est le moins qu’on puisse dire. Depuis que je suis né, il y a déjà 50 ans, l’état hébreu bombarde régulièrement la population civile libanaise. Pendant les cinq décennies qui nous séparent de ma naissance, l’armée israélienne a envahi le pays des cèdres à plusieurs reprises, l’a occupé pendant plus de vingt ans, y a créé une milice qui n’avait rien à envier à celle qui a sévi en France durant l’occupation allemande (souvenez-vous de la prison de Khiam), y a commis de nombreux massacres (peut-on oublier Cana ?), a pillé ses ressources naturelles (notamment l’eau du Litani), et violé un nombre incalculable de fois sa souveraineté, ses eaux territoriales et son espace aérien.

      Les terroristes de Daech, venus de Syrie, sont entrés au Liban dans un silence international assourdissant. Et Israël, d’habitude si soucieux des organisations paramilitaires qui s’implantent au Liban, et qui n’hésite jamais à les dénoncer et à les attaquer, n’a ni moufté ni bronché. De quoi se poser des questions. Des questions légitimes que je me suis évidemment posé, tout comme bon nombre de Libanais.

      J’ai donc fait des recherches et posé la problématique dans un premier article : What’s Daech doing in Lebanon ? Dans cet article, j’ai cité, entre autres, une source attribuée à Edward Snowden (en précisant qu’elle n’était pas vérifiée), et une correspondance attribuée à David Ben Gourion et Moshe Sharett qui préconisait la division du Moyen-Orient en mini-états confessionnels, que Daech a mis en œuvre en créant un mini-état sunnite à cheval entre l’Irak et la Syrie. Dans un second article, qui faisait suite au premier, j’ai écarté ces deux éléments – la source attribuée à Snowden s’étant révélé être une fake news, et je n’avais pas pu vérifier la véracité de la correspondance entre Ben Gourion et Sharett.

      Ne pouvant, en toute honnêteté, rien affirmer, j’ai posé des questions légitimes et claires. Mais ma réflexion sur les origines de la création de Daech ne s’est pas limitée à ces questions auxquelles je n’ai pas encore trouvé de réponses, et à Israël. J’ai exploré d’autres possibilités et écrit plusieurs articles sur le sujet (Daech est sans doute le sujet que j’ai le plus traité sur mon blog), dont l’un s’interroge sur le parallèle géopolitique troublant entre la montée du nazisme en Europe et du daechisme au Moyen-Orient : History repeating ?

      Mais pour Éric Naulleau ou Raphaël Enthoven (pour ne citer qu’eux, le second étant plus fin que le premier qui a implicitement demandé mon renvoi du Média), la lecture ne peut être que franco-française, voire parisiano-parisienne. Leur monde, c’est Paris et ses plateaux télé. Pour eux, je ne suis peut-être qu’un Arabe sans grande importance, sans Histoire et sans passé. Qui n’a pas le droit à sa singularité, voire son individualité, et surement pas à sa liberté de penser, de s’interroger et de s’exprimer en dehors de leurs clous à eux.

      Je leur rappelle, ainsi qu’à tous les autres, que j’ai combattu l’occupation de mon pays par une armée étrangère, les milices totalitaires qui y régnaient en maître et le régime policier qui y sévissait, que j’ai risqué ma vie pour avoir le droit d’être libre et de m’exprimer comme bon me semble. Avant de m’interpeller du haut de leur célébrité et me jeter à la gueule toutes sortes d’anathèmes, qu’ils me montrent donc leur CV, qu’ils me fassent part de leurs combats et des risques qu’ils ont pris pour défendre leurs idées, qu’ils me démontrent ce qui leur donne le droit de me juger !

      Bref. Tout ce que j’ai écrit n’a rien à voir avec le complotisme (quel mot imbécile pour faire taire celles et ceux qui osent questionner les versions officielles des gouvernements, comme si ces derniers ne mentent jamais) et l’antisémitisme. Prétendre que je suis antisémite est aussi ridicule que d’affirmer que je mesure 1m90, que je suis blond aux yeux bleus et que je chausse du 54. Et surtout, de par mon passé, de par mes amitiés et mes amours, cette accusation m’est insupportable. Tout futur accusateur devra en répondre devant la justice française.

      Quant au complotisme, on m’accuse d’être un partisan de la théorie du complot liée aux attentats du 11 septembre (the 9/11 conspiracy explained in less than 5 minutes). Ils ont balayé d’un revers de main méprisant l’explication que j’ai donnée sur Twitter, qui disait que c’était de l’humour et du second degré. Mais si ces inquisiteurs à la petite semaine avaient fait correctement leur sale boulot, ils auraient trouvé d’autres notes de blog qui se moquent des théories du complots : The Gay conspiracy, The iPhone X anti-Lebanese conspiracy, Red Moon : the communists are taking over the heavens, sans oublier Le complot dont personne ne parle, celui de mes voisins du dessus qui ne font du bruit que lorsque je me mets à écrire !
      Claude El Khal

      @colporteur

    • Soutien et Total Respect à Claude El Khal ! Son intervention pour refuser la dictature si facile de l’opinion dominante m’a convaincue. Parce que je suis contre ceux @ colporteur « qui ont jeté aux chiens l’honneur d’un homme ».

      J’ai dit au cours d’un débat téléphonique sur France culture diffusé ce matin : « Il n’y a rien de plus similaire à une image de guerre qu’une autre image de guerre ». Voici un exemple en deux images, l’une a été prise en #Syrie et l’autre en #Irak (les deux nous viennent de l’AFP)


      Conclusion hallucinante de la présentatrice qui invitait Claude El khal ou plutôt le prenait en tenaille : "Faisons confiance aux journalistes...". Puis, juste après, le slogan de la station "FranceCulture, l’esprit d’ouverture"...
      sauf aux critiques du journalisme !

      #Syrie #meute_médiatique #character_assassination #attaques_en_diffamation #lynchage_médiatique_parisianiste
      #nouvelle_inquisition #police_de_la_pensée_dominante
      #bouffon_c'est_celui_qui_dit_qui_y_est !

    • « Le Média » est sur la bonne voie. Le journal du vendredi 2 mars était excellent, et en progrès sensible. Les interviews- chloroforme de Noël Mamère ne manqueront pas à la qualité de son contenu, et son départ, ainsi que les volte-face d’autres représentants de la mouvance ex-PS ne soulignent, une fois de plus, que l’instabilité de leurs opinions.

      Bon Vent ! aussi à

      – Aurélie Filippetti
      – Gérard Mordillat (dommage !)
      – Patrick Pelloux
      – François Morel et Judith Chemla
      – Cécile Amar de L’Obs
      – Edouard Perrin de Cash investigation
      – Giovanni Mirabassi et Médéric Collignon.

      Les rats quittent le navire ?
      La ligne de flottaison n’en sera que plus haute !  ;)

  • Il n’existe « aucun espoir d’établir la paix » au Moyen-Orient « sans résoudre la question palestinienne », lançait l’essayiste et romancier afro-américain James Baldwin, né à Harlem au début des années 1920. C’est une lecture croisée que l’auteur propose dans les présentes lignes : l’Amérique suprématiste qu’a connue Baldwin et la Palestine sous occupation israélienne — si les contextes diffèrent, les processus de ségrégation mentale et spatiale à l’œuvre résonnent tragiquement.

    Baldwin, le Noir et la Palestine
    https://www.revue-ballast.fr/baldwin-noir-palestine

    « L’État d’Israël n’a pas été créé pour le salut des Juifs ; il a été créé pour le salut des intérêts occidentaux. […] Les Palestiniens paient pour la politique coloniale britannique du diviser pour mieux régner et pour le sentiment de culpabilité chrétienne qui hante l’Europe depuis plus de trente ans. Enfin : il n’y a absolument — je répète absolument — aucun espoir d’établir la paix dans ce que l’Europe appelle de manière si arrogante le Moyen-Orient […] sans résoudre la question palestinienne. La chute du Shah en Iran n’a pas seulement révélé la teneur des préoccupations de Carter en matière de droits de l’homme, elle a aussi révélé qui fournissait Israël en pétrole et à qui Israël fournissait des armes. Il s’avère qu’il s’agit de la très blanche Afrique du Sud […]. Mon ami Andrew Young1, par un courage et un amour profond, et avec une noblesse silencieuse, irréprochable, indescriptible, a tenté de parer à un nouvel holocauste et je le proclame un héros, trahi par des lâches. »

  • Association Survie

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=XLrRXdXhoyM


    https://survie.org/l-association/nos-groupes-locaux/survie-paris-ile-de-france/article/26-novembre-bilan-de-l-etat-d-urgence-et-instrumentalisation-de-la-guerre
    Am 09.02.2018 veröffentlicht
    ABONNIEREN 2
    26 novembre 2016, Survie organisait un colloque intitulé Bilan de l’état d’urgence et instrumentalisation de la guerre contre le terrorisme

    Une journée de tables rondes, témoignages et analyses autour d’une envie de faire front commun contre la politique nationale (état d’urgence, répressions, racisme) et internationale (françafrique, interventionnisme militaire, coopération sécuritaire, alliance avec « nos amis les dictateurs »)

    1ère table ronde : Etat de guerre : logique antiterroriste et interventionnisme français

    Modérateur : Daniel Blondet du collectif Antiguerre

    Interventions :
    – Développement sur l’interventionnisme, Ludivine Bantigny, Collectif Ni Guerre Ni Etat de Guerre
    – Les Opex en Afrique, Yanis Thomas, Survie, auteur du dossier noir
    Centrafrique : un destin volé
    – Focus sur la Syrie et l’Irak, Pierre Puchot, journaliste et spécialiste du moyen-orient

  • Erik Prince, un « chien de guerre » dans les arcanes de la Maison Blanche

    http://www.lemonde.fr/international/article/2018/02/09/erik-prince-un-chien-de-guerre-dans-les-arcanes-de-la-maison-blanche_5254319

    Cet ancien militaire et fondateur de la société privée de sécurité Blackwater, jugée responsable d’exactions en Irak, a désormais ses entrées à Washington et envisage de se lancer en politique.

    Certains épisodes d’une vie ont l’apparence d’une incroyable répétition. Le 30 novembre 2017, la fine fleur du renseignement américain a les yeux rivés sur le Congrès, à Washington. Erik Prince, costume sombre et cravate rouge, cheveux ras, est convoqué par une commission d’enquête de la Chambre des représentants. Le fondateur de société militaire privée Blackwater et frère de la ministre de l’éducation Betsy DeVos est soupçonné d’avoir rencontré un financier russe aux Seychelles, neuf jours avant l’investiture du président Donald Trump, dans le but de créer un canal de communication discret entre le nouveau président des Etats-Unis et Vladimir Poutine. Cette rencontre, révélée en avril 2017 par le Washington Post, a encore un peu plus épaissi la ténébreuse affaire dite du Russiagate, l’enquête sur les interférences russes durant la présidentielle américaine.

    Devant une vingtaine d’élus, Erik Prince apparaît droit dans ses bottes, raide dans ses commentaires, sûr de lui. Lui, le baroudeur, l’ex-commando du corps d’élite des Navy Seals, l’ancien patron de l’armée privée la plus puissante au monde, le généreux donateur du Parti républicain et conseiller officieux du président. Il arbore un léger sourire en coin, presque hautain, impatient. Devant les élus, il ne dira pas grand-chose. Erik Prince accusera l’administration Obama de l’avoir surveillé illégalement, sans donner ses sources, ni convaincre les congressistes.

    Le rendez-vous aux Seychelles n’aurait, lui, duré qu’une demi-heure, peut-être même moins. Le temps d’une bière au bar d’un hôtel de luxe, « quatre étoiles ou plus », mais dont le nom lui échappe. Une discussion banale en somme, entre deux hommes d’affaires : « Je me souviens lui avoir dit que si Franklin Roosevelt a pu travailler avec Joseph Staline pour battre les nazis, alors Trump pourrait certainement travailler avec Poutine pour vaincre le fascisme islamique. Il semblait d’accord. » Rien d’autre. Pas de deal, aucun autre rendez-vous. Il ne se souvient même pas avoir échangé une carte de visite.

    « Rencontre d’affaires informelle »

    Le fait que son interlocuteur, Kirill Dmitriev, soit le patron du Fonds russe d’investissements directs, un consortium sous le coup de sanctions américaines depuis 2015, n’a pas l’air de l’émouvoir. Tout comme le fait que ce même Dmitriev, issu des premiers cercles de Poutine, croisera à Davos, une semaine après leur rencontre, Anthony Scaramucci, alors conseiller du président Trump avant de devenir brièvement son porte-parole.

    Le feu roulant de questions n’a pas d’effet. Erik Prince reste flou sur l’initiateur de la rencontre, « un des frères », se souvient-il vaguement, du prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed Ben Zayed. Un prince héritier présent lui aussi sur l’île des Seychelles le jour de la rencontre et avec lequel Prince dit s’être entretenu un peu plus tôt dans la soirée pour « parler affaires de manière informelle » et « partager quelques points de vue » sur le théâtre du monde, « ou ce genre de choses comme le terrorisme en Somalie, en Libye, au Nigeria ».

    Erik Prince restera tout aussi évasif sur une éventuelle intermédiation d’un de ses proches, Steve Bannon. L’éminence grise et directeur de campagne de Donald Trump avait rencontré discrètement l’homme fort d’Abou Dhabi en décembre 2016, à New York, dans la Trump Tower, en compagnie du gendre du président, Jared Kushner, et de Michael Flynn, alors futur conseiller à la sécurité nationale, aujourd’hui poursuivi dans l’enquête du Russiagate.

    Zones d’ombre

    Etrange prestation. L’audition aura duré plus de trois heures sans qu’Erik Prince ne dévoile quoi que ce soit. Trois heures pour protéger ses réseaux et défendre ses proches. Tout comme il l’avait fait il y a dix ans, ici même, au Capitole, devant une autre commission de la Chambre, le 2 octobre 2007. Ce jour-là, pour la première fois, le nom de M. Prince renvoyait à un visage. Et il affichait déjà un aplomb déconcertant. Jeremy Scahill, auteur à l’époque d’une somme sur le personnage (Blackwater : l’émergence de l’armée de mercenaires la plus puissante au monde, Actes Sud, 2008), dira même qu’il était « provocant ». Lui était là pour répondre sur les agissements de sa société Blackwater devenue le symbole d’une entreprise de cow-boys hors de contrôle et profiteurs de la guerre en Irak. Deux semaines plus tôt, le 16 septembre, une de ses équipes avait tué 17 civils irakiens place Nisour, en plein centre de Bagdad.

    Dix ans séparent les deux auditions. Dix années truffées de zones d’ombre. Comme si la vie d’Erik Prince n’était qu’une longue nage en eaux troubles, jalonnée de hauts et de bas, mais jamais terminée. Assis au bar du Mayflower, hôtel iconique de Washington, surchauffé en cette froide journée de janvier, l’homme sourit en attendant son rendez-vous avec Le Monde. Pendant tout l’entretien, il ne prononcera pas un mot de plus sur son escapade dans l’océan Indien. « Tenez-vous en au transcript de l’audition », conseille-t-il. Et puis ceci :

    « On me prête beaucoup, surtout les médias de gauche qui sont le plus grand fléau de notre démocratie. Ils cherchent à faire leurs choux gras sur mon nom depuis tant d’années. Oui, je représente tout ce que les démocrates aiment détester. »
    Pour comprendre ce qui anime Erik Prince, il faut explorer son histoire personnelle, démêler aussi les liens qu’il a tissés au fil de son ascension avec la frange la plus religieuse et conservatrice du Parti républicain, aujourd’hui au pouvoir. Né en 1969 à Holland, dans un quartier calme et tranquille, le jeune Prince appartient à une très riche et puissante famille de l’Etat du Michigan. Son père, Edgar, qui s’engagea deux ans dans l’US Air Force, fait fortune en créant une entreprise de pièces détachées pour automobiles, la Prince Manufacturing. Il sera l’inventeur du pare-soleil au miroir éclairé par un spot lumineux, un accessoire qui allait équiper pratiquement chaque voiture dans le monde et envoyer la famille Prince dans la sphère des milliardaires.

    Figure paternelle forte

    Les journées de seize à dix-huit heures ont raison de la santé du père, frappé au début des années 1970 par une crise cardiaque, à laquelle il survit. Déjà très croyant, Edgar Prince se rapproche encore un peu plus de Dieu. « C’est à ce moment-là, allongé dans son lit d’hôpital à méditer sur tout ce que son labeur lui avait apporté qu’il a renouvelé sa foi en Jésus-Christ », dira l’ami de la famille, Gary Bauer, un des leaders de la droite religieuse et fondateur du lobby chrétien de droite, le Family Research Council.

    Fidèle soutien du Parti républicain, adepte d’une économie de libre marché et désormais grand propagandiste des valeurs chrétiennes, l’industriel marie sa fille Betsy, sœur aînée d’Erik, à Dick DeVos. Le père du jeune homme, Richard DeVos, est le fondateur d’Amway, le géant de la vente directe en réseaux. Une entreprise qui deviendra dans les années 1990 une des sociétés les plus actives dans le processus électoral américain, en utilisant son infrastructure comme un réseau d’organisation politique. Unis, les clans DeVos et Prince deviennent également les principaux financiers du Forum familial du Michigan (MFF), la branche locale de Focus on the Family de James Dobson, une puissante organisation de la droite religieuse et des extrémistes chrétiens.

    Erik Prince est très proche de son père. Dès son enfance, il règle son pas sur le sien. « Je passais des heures à parler avec lui », se souvient-il. Jeune sportif, il joue au foot et au basket dans les écoles chrétiennes de Holland, soutenues financièrement par sa famille. Dans l’entreprise paternelle, il se familiarise avec les principes de la firme reproduits dans ses brochures : « Ce sont les gens qui font la différence » ou encore « l’excellence est le résultat de l’engagement et du dur labeur de personnes dévouées ». « Je crois que j’ai toujours sa voix au-dessus de ma tête, affirme Erik Prince. Cette idée d’être toujours le bon gars dans ce qu’on fait, faire le plus avec ce que l’on a. »

    « Vision du Bien et du Mal »

    Pour ses 7 ans, il s’envole avec ses parents en Europe. Au programme, les plages de Normandie, Munich et le camp de Dachau, Berlin et son Mur : « Cela a marqué le gamin que j’étais. Cette haute muraille, les champs de mines, les pièges à chars, les barbelés et tous ces fusils m’ont renvoyé l’image d’une nation devenue une gigantesque prison. La vision du Bien et du Mal s’est ancrée en moi, même si celle-ci s’est nourrie d’un peu de cynisme avec le temps. »

    Dans la maison des Prince, Erik croise régulièrement un nouvel ami de la famille, Chuck Colson, l’ancien conseiller spécial de Richard Nixon, perçu par beaucoup comme le « génie du mal » de l’ancien président. Colson fut la première personne à être condamnée dans l’affaire du Watergate après avoir plaidé coupable d’obstruction à la justice. Une fois sorti de prison, il écrivit Born Again, un livre évoquant sa conversion, et deviendra une des voix les plus influentes des mouvements évangéliques.

    Après le lycée, il rentre à l’Académie navale du Maryland. L’atmosphère ne lui plaît pas, trop dilettante et en même temps trop politiquement correcte à ses yeux. Il démissionne pour s’inscrire au Hillsdale College du Michigan, l’établissement le plus conservateur du pays d’après un classement de la Princeton Review. « Erik Prince était brillant et parlait bien, déclarera un de ses professeurs d’économie. Ce qui est bien chez lui, c’est qu’il comprend la relation entre le marché et le système politique. »

    Engagement politique

    Avec l’âge, Erik s’engage de plus en plus en politique. Il décroche un stage de six mois à la Maison Blanche sous George Bush père. Il a 19 ans et fait son premier don, d’un montant de 15 000 dollars, au Comité national républicain du Congrès. Un soir, sur une piste de bowling, il croise l’élu républicain californien Dana Rohrabacher. Prince lui fait part de ses critiques à l’égard d’une administration qu’il trouve trop peu conservatrice. Alors assistant spécial et rédacteur des discours de Ronald Reagan, il l’invite à travailler un temps dans son bureau. Les deux hommes ne se perdront plus de vue.

    Au cours de la première audition d’Erik Prince au Congrès, Dana Rohrabacher le soutiendra à sa manière, affirmant que son ami « était sur la voie pour devenir un héros américain tout comme l’était Oliver North », l’ancien colonel de l’armée américaine impliqué dans le scandale de l’Irangate au milieu des années 1980. L’élu ultraconservateur se rendra célèbre par la suite pour ses prises de position pro-russes. Plus récemment, il essaiera d’obtenir la grâce de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, auprès du président Trump. Depuis décembre 2017, Rohrabacher fait partie de la liste de personnalités interrogées dans le cadre de l’enquête russe.

    En 1992, Erik Prince s’emballe pour le candidat Pat Buchanan qui se présente avec un programme d’extrême droite, contre l’immigration, contre l’avortement et contre les homosexuels. La même année, il intègre les commandos Seals. Il servira en Haïti, en Bosnie et au Moyen-Orient, la plupart des points chauds du premier mandat Clinton. C’est durant ces quatre années, entre 1992 et 1996, qu’il rencontrera la plupart des personnes avec lesquelles il lancera Blackwater.

    Rester lié à l’armée

    Avec la mort de son père et un cancer en phase terminale diagnostiqué chez sa première femme, Erik Prince quitte les Seals en 1996 pour revenir auprès de sa famille. Celle-ci décide de vendre la société au groupe Johnson Controls pour 1,35 milliard de dollars, cash. « Je voulais rester lié à l’armée, expliquera Erik Prince quelques années plus tard. J’ai donc construit un complexe pour offrir un site de première classe aux militaires américains et aux alliés étrangers, ainsi qu’aux organismes de maintien de l’ordre, privés et gouvernementaux, qu’ils puissent se préparer à affronter le Mal. » En clair, un centre d’entraînement, qu’il inaugure en décembre 1996, à Moyock (Caroline du Nord), dans une immense tourbière située près de la base navale de Norfolk. L’année suivante, il acquiert plus de 2 000 hectares dans les comtés de Currituck et Camden voisins.

    L’époque est porteuse. Blackwater naît au moment d’une privatisation massive et sans précédent de l’armée, un mouvement lancé entre 1989 et 1993 par Dick Cheney du temps où il était le secrétaire à la défense de Bush père. Le budget de la défense est réduit de 10 milliards de dollars. Le nombre de soldats passe de 2,2 à 1,6 million. « L’idée était de réserver les troupes régulières pour le combat, tandis que les soldats privés s’occuperaient de la logistique à l’arrière-plan », écrit Dan Briody dans son livre The Halliburton Agenda (John Wiley and Sons Ltd, 2005, non traduit) sur l’entreprise Halliburton, premier fournisseur de matériel pour l’armée, que Cheney, futur vice-président de Bush fils, dirigea entre 1995 et 2000...

    Grâce à ses relations nouées dans l’armée, et aussi à celles tissées par son père et la famille DeVos au sein du Parti républicain, Erik Prince obtient rapidement des contrats avec le département de la défense, le renseignement et la police. En octobre 2000, l’attaque-suicide lancée par Al Qaida contre le destroyer USS Cole dans le port d’Aden (Yémen) jette une lumière crue sur les besoins en matière de protection de la marine américaine. Blackwater y gagne un contrat de 35,7 millions de dollars. Le 11-Septembre provoquera, lui, une nouvelle accélération cette privatisation de la chose militaire, reprise à son compte par le nouveau secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld.

    Proche d’une « société secrète »

    Prince est dans son élément. L’administration Bush fait appel à la droite la plus conservatrice et aux chantres du moins d’Etat. Le jeune homme d’affaires a maintenu des relations très proches avec certains acteurs du Conseil de la politique nationale (CNP), une organisation quasi secrète considérée comme l’un des piliers de la nouvelle droite, décrite par le New York Times comme « un club peu connu de quelques centaines des plus puissants conservateurs du pays qui se retrouvent derrières les portes fermées dans des lieux non divulgués pour une conférence confidentielle ».

    Le père Prince y avait exercé la fonction de vice-président. George W. Bush s’adressa au groupe en 1999, à la recherche de soutiens pour sa candidature. Dick Cheney, Donald Rumsfeld, John Bolton, ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, et John Ashcroft, procureur général, participent à ses réunions, tout comme un certain Dan Senor, qui deviendra le premier assistant de Paul Bremer, le « pro-consul » américain en Irak de 2003 à 2005.

    Erik Prince est également un proche d’Alvin « Buzzy » Krongard, le directeur exécutif de la CIA. A l’époque, l’agence a besoin de protection en Afghanistan. Elle manque de personnel, tout comme l’armée, qui manque d’agents de sécurité statiques. Krongard signera plusieurs contrats avec Blackwater pour la protection de sites secrets ou stratégiques de la CIA aux quatre coins du globe, en pleine « guerre contre la terreur ».

    « Mr. Fix-it »

    Dès 2001, Blackwater devient un des principaux supplétifs de l’armée en Afghanistan, puis en Irak deux ans plus tard. Erik Prince passera également de multiples contrats avec le département d’Etat pour assurer la sécurité de ses agents et diplomates. Dans l’administration, on le surnomme « Mr Fix-it » (M. Le Réparateur). Il trouve les failles, pointe les erreurs des déploiements militaires, formule des propositions clés en main.

    « Le Pentagone a construit une puissance militaire considérable ces soixante-dix dernières années pour vaincre l’URSS, explique-t-il. Mais utiliser ces tactiques, ces équipements, ce potentiel pour combattre des gars en pick-up chaussés en tongs, cela ne marche pas. Comment expliquer que, pour un soldat américain déployé en première ligne, il faut douze hommes derrière ? Qu’un ravitaillement opéré par des hélicoptères sur des navires nécessite 35 hommes de la Navy alors que nous le faisons avec huit ? Blackwater était là pour fournir des approches viables et à moindres coûts. Notre business avait l’avantage d’être un mélange de mentalité de commando et des meilleures pratiques commerciales existantes. »

    Jusqu’au point de rupture. En 2007, 177 « sociétés militaires privées » (SMP) exercent en Irak. Près de 48 000 contractuels y sont répertoriés, soit quasiment un privé pour un soldat. Blackwater fait alors partie des trois plus importants fournisseurs avec 1 200 hommes en permanence sur place, 155 véhicules et 26 aéronefs. Cette année-là, la société d’Erik Prince atteint le chiffre record d’un milliard de dollars de contrats signés avec le gouvernement, cinq fois plus qu’en 2000.

    La bavure de la place Nisour

    Le carnage du 16 septembre 2007 à Bagdad marquera le début de la fin. Blackwater est mis en cause dans une dizaine d’incidents meurtriers depuis son arrivée en Irak. Mais cette fusillade est le scandale de trop. L’audition au Congrès d’Erik Prince n’y changera rien. Tout comme sa tentative de rebaptiser la firme Xe en 2009. Outre l’impunité, le grand public a pris en aversion Blackwater pour s’être enrichi sur le dos du contribuable et avoir profité des guerres en Irak et en Afghanistan. « Une armée à ce point fidèle aux causes de l’extrême droite qu’elle en est devenue une garde du Parti républicain », écrit la journaliste et essayiste Naomi Klein. Pour l’ancien ambassadeur américain en Irak Joseph Wilson, « l’histoire de cette entreprise de mercenaires démontre clairement les graves dangers qu’entraîne la sous-traitance de l’usage de la force qui est un monopole de l’Etat. »

    En 2010, Erik Prince vend la société et ses filiales pour au moins 200 millions de dollars, selon différentes sources. Deux ans plus tard, il trouve un arrangement avec le gouvernement fédéral à hauteur de 50 millions de dollars pour une longue liste de violations commises entre 2005 et 2008 au regard du droit américain. S’ensuit une longue procédure durant laquelle quatre membres de son équipe responsable de la fusillade à Bagdad seront lourdement condamnés par un tribunal de Washington. Leurs peines sont en cours de révision.

    Lui n’en démord pas. « Il n’y avait aucune raison de s’en prendre ainsi à Blackwater », soutient-il, avant d’accuser les politiques. « Il fallait cibler Erik Prince. Dès que l’administration Obama a été mise en place, j’ai subi d’énormes pressions fiscales, des audits. La justice ici n’est pas aveugle, elle est politique, qu’elle aille au diable ! »

    Diversification

    Erik Prince prend le large. Il s’installera trois ans à Abou Dhabi. Le temps d’élargir ses réseaux et trouver de nouveaux ancrages. En 2011, le New York Times révèle qu’il a signé un contrat de 529 millions de dollars pour mettre sur pied une armée secrète de 800 mercenaires pour le compte des Emirats arabes unis. D’après le quotidien, ce bataillon est chargé de mener des opérations spéciales à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, de défendre les oléoducs et les gratte-ciel contre d’éventuels actes terroristes et de réprimer les révoltes intérieures. Les officiels émiratis confirmeront dans un communiqué l’existence d’un contrat, signé avec Prince, de « formation, d’entraînement et de soutien opérationnel » à leur armée.

    Lui investit, s’essaie à la finance, crée des holdings, plusieurs sociétés écrans aussi. D’Asie en Afrique, en passant par l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient, il se diversifie et brouille les pistes. En 2013, il crée Frontier Services Group (FSG), une société installée à Hongkong et spécialisée dans la logistique, les services de sécurité et d’aviation. Les premiers responsables sont, comme Prince, d’anciens soldats américains. Quelque 15 % du capital sont détenus par Citic, un important fonds d’investissement public chinois, très présent en Afrique. Dans la foulée, Prince achète des compagnies d’aviation au Kenya, des sociétés de transports au Congo.

    « Nous voulons être la première entreprise de logistique à couvrir l’ensemble du continent africain, même où cela semble dangereux », dit-il.
    En Autriche, il acquiert 25 % de la société d’aviation privée Airborne Technologies, spécialisée dans la transformation d’avions d’épandage agricole en vue d’une utilisation militaire ou de surveillance. Il acquiert encore 25 % encore des parts d’une entreprise chinoise ISDC, basée à Pékin, et présentée comme l’une des principales écoles de formation dans le domaine de la sécurité dans le monde.

    De nouveau, Prince est sur le devant de la scène. Le magazine Vanity Fair écrit qu’il travaille pour la CIA, Buzzfeed qu’il convoite les métaux rares en Afghanistan. Le quotidien espagnol ABC évoque un projet, financé par les Emirats arabes unis, d’invasion du Qatar, par l’armée privée de Prince. The Intercept, qui le suit à la trace, affirme que plusieurs enquêtes judiciaires américaines auraient été lancées contre lui pour avoir essayé de vendre des prestations militaires à des gouvernements étrangers. « Tout cela n’est que foutaises ! », écarte-t-il d’un revers de main. Il ne dira rien de plus.

    Le retour d’Erik Prince aux Etats-Unis correspond peu ou prou à la victoire de Donald Trump. Et visiblement, il fourmille d’idées. Au quotidien italien Corriere della Sera, il parle d’un projet destiné à résoudre la crise migratoire en Europe en créant une force de police de 650 hommes, formés par ses soins et postés à la frontière sud de la Libye. Dans un texte publié dans le Wall Street Journal, il expose un plan pour l’Afghanistan. « C’est la plus longue guerre de notre histoire, celle qui a coûté la vie à plus de 2 000 soldats américains et englouti près de 45 milliards de dollars de notre budget annuel pour un résultat désastreux », souligne-t-il. La solution passerait, selon lui, par le déploiement de moins 5 000 soldats contractuels, moins de 100 avions, pour un coût total d’à peine 10 milliards de dollars. Le pouvoir serait, lui, entre les mains un « vice-roi » américain nommé par l’administration Trump, à l’image des anciennes colonies britanniques.

    Candidat potentiel

    Le plan a été soumis à la Maison Blanche par l’entremise de Jared Kushner et Steve Bannon, qui y est très favorable. Les spécialistes l’ont vivement critiqué, le Pentagone l’a catégoriquement rejeté. « Les généraux sont très conventionnels », ironise l’homme d’affaires. De son côté, Donald Trump aurait dit à deux de ses conseillers d’examiner attentivement le projet. D’une source proche de la Maison Blanche, le secrétaire à la défense, le général issu des Marines James Mattis, aurait même apprécié l’état des lieux formulé par Prince, tout en écartant la solution proposée. « Ça viendra, glisse-t-il. La guerre a duré dix-sept ans, il faudra bien un jour ou l’autre explorer d’autres approches pour y mettre fin. »

    D’ici-là, Erik Prince dit ne pas écarter l’idée de se présenter à la primaire républicaine du Wyoming contre le sénateur sortant, le très populaire John Barrasso. Une candidature ardemment encouragée par l’ex-conseiller ultranationaliste Steven Bannon, inlassable pourfendeur de l’establishment républicain. « Le Wyoming est un des Etats les plus conservateurs du pays », explique l’ancien PDG de Blackwater, avant d’ajouter en forme d’autoportrait : « Il est composé d’hommes robustes. Les hivers y sont rudes. C’est un Etat qui a besoin d’un battant. » Les hostilités reprennent.

  • #Jean-Pierre_Filiu : « La logique de la contre-révolution arabe est sadique »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/090218/jean-pierre-filiu-la-logique-de-la-contre-revolution-arabe-est-sadique

    Vidéo dans l’article. © Mediapart Sept ans après les soulèvements arabes de 2011, l’historien Jean-Pierre Filiu décrypte la virulence des contre-révolutions arabes du #Maghreb au Machrek et développe la thèse selon laquelle généraux, gangsters et djihadistes s’allient pour mater toute velléité démocratique.

    #International #Levant #Moyen-Orient #révolutions_arabes

  • Rohingyas : « Pour m’enfuir, j’ai dû ramper sur les cadavres des femmes et marcher sur les flammes » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2017/10/15/rohingyas-pour-m-enfuir-j-ai-du-ramper-sur-les-cadavres-des-femmes-et-mar

    Epuisés par l’interminable marche pour gagner les camps du #Bangladesh, des musulmans birmans racontent l’horreur qui s’est abattue à la fin août sur leurs villages. Les exécutions de masse, les viols, les disparitions .

    Sayed Karim est un petit homme maigre et timide qui dit avoir 30 ans mais en paraît 50. Il est arrivé sur l’île bangladaise de Shah Porir Dwip le 6 octobre, après avoir marché des jours durant avec sa femme et ses cinq enfants à travers les rizières et la jungle épaisse de sa Birmanie natale. « Le 29 août, l’armée et la BGP [des gardes-frontières sous l’autorité de la police, ndlr] ont encerclé Marola, notre village dans le district de Maungdaw, raconte-t-il. Pendant deux jours, ils ont tiré sur les gens, mis le feu aux maisons et emmené les plus belles femmes dans leur camp. Seules quelques-unes sont revenues. » L’épouse de Sayed Karim n’a pas eu la force de parcourir les derniers kilomètres. Elle est morte en accouchant d’un bébé mort-né, et il l’a enterrée le matin même.

    Depuis l’attaque d’une trentaine de postes de police dans l’Etat Rakhine voisin, le 25 août, par de petits groupes rebelles, les Rohingyas subissent une répression d’une violence inouïe. « Un nettoyage ethnique », selon les Nations unies. Au moins 536 000 personnes, soit la moitié des membres de cette minorité musulmane, ont déjà fui la Birmanie. Contrairement aux déclarations de la chef du gouvernement, la Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, les « opérations militaires » contre les « terroristes » n’ont pas pris fin le 5 septembre. Si aucun témoin ne fait état de tueries depuis le 1er septembre, les incendies massifs de villages continuent : il suffit de longer sur quelques kilomètres la rivière Naf pour voir d’épaisses colonnes de fumée s’élever sur l’autre rive.

    Sur le sable mouillé, de grandes barques noires aux pointes recourbées vers le ciel attendent la marée. Les montagnes escarpées, d’un vert profond, de l’Etat #Rakhine se détachent sur le ciel plombé. Depuis Shah Porir Dwip, quinze minutes suffisent aux passeurs pour gagner l’estuaire du fleuve Naf jusqu’à la Birmanie, une traversée si dangereuse qu’une centaine de réfugiés y ont déjà trouvé la mort. Pour le trajet, ils exigent 10, 20, voire 100 euros par famille. Ou, faute de mieux, un bracelet en or ou une vache cédée à vil prix. Chaque jour, les trafiquants ramènent leur cargaison humaine sous l’œil des gardes-frontières bangladais, bien que la frontière soit officiellement fermée.

    Pour rejoindre le point d’accueil de Sabrang, tenu par l’armée bangladaise, les réfugiés, épuisés, effrayés, doivent encore payer un petit bateau et peiner dans la glaise épaisse. Serrés les uns contre les autres, ils attendent d’être chargés dans des camions en direction des camps. La grande majorité sont des femmes et des enfants. Montas Begum, 40 ans, a quitté six semaines plus tôt le village d’Alel Than Kyaw, à Maungdaw. Depuis, elle est sans nouvelles de son mari et de son fils : « Le 25 août, l’armée a tiré et mis le feu à nos maisons. Le maire, Zaw Too, a réuni les jeunes bouddhistes dans le monastère, leur a distribué des machettes et des couteaux, et les a emmenés égorger tous les musulmans qu’ils rencontraient. »

    Depuis le 25 août, l’Etat Rakhine est quasiment inaccessible aux humanitaires, aux observateurs extérieurs ou aux journalistes. Mais les attaques de postes de police par des jeunes armés de bâtons et de couteaux semblent n’avoir été que le prétexte d’une opération de nettoyage ethnique planifiée depuis des mois. Alertées par des rapports sur des tensions en Arakan et un nombre anormal de Rohingyas arrivés en juillet et en août, les ONG au Bangladesh se préparaient à faire face à une arrivée massive de 60 000 personnes sur six mois. Elles sont arrivées en une nuit.

    Dans les hôpitaux débordés comme dans les replis de la monstrueuse marée de bâches noires des camps qui chaque jour engloutit un peu plus le paysage, tous les récits se recoupent. Un mot d’ordre semble avoir été donné par la junte : débarrasser l’ouest de la Birmanie de toute sa population rohingya. Une consigne appliquée localement avec plus ou moins de cruauté. Parfois, les soldats ont tiré en l’air et attendu que les gens s’enfuient avant d’incendier les maisons. Souvent ils ont mitraillé les murs fragiles et visé les fuyards. Dans ses exactions, l’armée est en général accompagnée de gardes-frontières, parfois de civils bouddhistes. Des rescapés de Thinga Nak, un village de Buthidaung (dans la partie la plus occidentale de la Birmanie), décrivent un hélicoptère qui s’est posé dans le camp militaire quelques minutes avant que les violences n’explosent. La preuve, selon eux, que l’ordre est venu d’un haut gradé. Même si des maisons appartenant à des hindous, infime minorité de la même origine bengalie que les Rohingyas, ont aussi été brûlées, les musulmans sont clairement visés.

    Kyaung Taung, le 25 août

    Le récit de Fariza, rencontrée sur le bord de la route où elle errait sous la pluie à la recherche de nourriture pour son bébé, est édifiant. Depuis sa maison de son bourg de Kyaung Taung, elle a une vue plongeante sur la cour d’une caserne du bataillon d’infanterie légère 552. De sinistre réputation, l’unité est réputée pour sa propension à persécuter, racketter, user du travail forcé contre la population musulmane. Le 25 août, avant l’aube, des rebelles rohingyas ont tenté de pénétrer dans le quartier général, déclenchant une opération de vengeance sauvage contre les habitants alentour. Quelques heures après, Fariza a vu l’armée mettre à l’abri tous les habitants bouddhistes et hindous avant d’attaquer le village au lance-roquettes.

    Maung nu para, le 27 août

    Dans le camp de Kutupalong, sous la touffeur d’une bâche noire, un jeune homme somnole. Mohammed ul-Hassan a 18 ans et de larges balafres sur le ventre. Avec un sourire timide, il remonte le fil du dimanche 27 août, dans son village de Maung Nu Para, situé à quelques kilomètres de Kyaung Taung. « A 9 heures du matin, des soldats et des policiers sont entrés chez moi et m’ont arrêté avec mes deux frères. Ils nous ont traînés, nus, les bras serrés derrière le dos, jusqu’à un terrain vague. Des dizaines et des dizaines d’autres musulmans s’y trouvaient déjà, agenouillés, le visage dans la boue. Un soldat m’a donné un coup de botte dans le visage pour me faire asseoir. » La plaie près de son œil gauche est refermée, après un mois dans un hôpital d’une mission chrétienne au Bangladesh. « Sous mes yeux, les soldats abattaient un par un les prisonniers, y compris des enfants et des vieillards. Ceux qui ne mourraient pas sur le coup étaient égorgés. Ils ont tiré deux balles à bout portant sur chacun de mes frères et moi. Ils sont morts sur le coup, j’ai perdu connaissance. Quand j’ai rouvert un œil, un soldat m’a tiré dessus. » Laissé pour mort, il réussit à s’enfuir et retrouve un autre de ses frères qui s’était caché au grenier.

    Ce jour-là, Mohamed Shuwip, 27 ans, a perdu trente-deux membres de sa famille. Il décrit comment il a vu les militaires traîner au sol des dizaines de cadavres et les charger dans trois camions. Pour rejoindre le Bangladesh, il a porté son petit frère, le corps couvert de plaies béantes, durant quatorze jours. Calotte blanche et longue barbe, le mollah du village dessine sur un bout de carton la géographie précise des lieux et explique avoir vu une bâche jetée sur les corps qui n’avaient pas trouvé de place dans les camions.

    La société rohingya perpétue un islam très conservateur, qui pousse certaines jeunes femmes à se voiler entièrement le visage. Malgré le tabou que représentent les violences sexuelles, la plupart des récits recueillis montrent une utilisation du viol à grande échelle par l’armée birmane contre sa population. Pour le médecin Rafi Abul Siddique, qui intervient dans les camps pour l’ONG Friendship, « la plupart des filles de moins de 18 ans ont été violées. Les mères n’ont pas toujours été épargnées ». Montas Begum, qui a fui Alel Than Kyaw, dit avoir profité du moment où « les hommes entraient dans les maisons pour chercher les femmes » pour se sauver. Mais elle énumère les victimes autour d’elle : « Yasmina ma voisine, Tasmina dont le mari a été égorgé, Hafya, Zouhoura, Lalou, Roukhia… »

    L’ONG Mukti est spécialisée dans les violences faites aux femmes. Au camp de Kutupalong, la psychologue Rimi Akhter est assise au côté de quelques femmes qui viennent trouver auprès d’elle une boisson et un peu de réconfort. « Avant l’été, seules deux ou trois femmes par jour confiaient avoir subi des violences sexuelles, en général dans le cadre conjugal, même si on avait d’autres cas, comme une fille de 15 ans abusée par des soldats pendant trois nuits, explique la psychologue. Mais depuis le 25 août, sept à dix patientes témoignent chaque jour de viols commis par l’armée birmane - jamais la police ou les milices. Trois d’entre elles ont été abusées durant plusieurs jours par treize soldats. » A toutes celles qui sont enceintes de leurs bourreaux, Rimi Akhter propose un avortement.

    Tula Toli, le 30 août

    Sofia (1) est une des rares à accepter de raconter son calvaire, dans l’obscurité d’une tente, le regard fixe au-dessus de larges cernes noirs. Sur ses bras, son visage, ses pieds et ses mains où finit de s’effacer du vernis à ongles rose, de larges traces de brûlures. Elle a 15 ans et décrit l’enfer qui s’est abattu le 30 août sur Tula Toli (Maungdaw), village pris en tenailles entre les soldats au nord et les policiers et les milices au sud. « On a été rassemblés le long de la rivière, à genoux, les mains dans le dos. Les soldats ont commencé à abattre les gens un par un, et les bouddhistes rakhines passaient derrière pour les égorger. Un premier groupe de femmes a été extrait de la foule et emmené. Puis ça a été mon tour, avec cinq autres femmes, dont certaines accompagnées de leurs enfants. Sur le chemin, on a croisé des soldats qui revenaient avec des couteaux ensanglantés. J’étais terrorisée. Quand ils nous ont poussées dans une maison, j’ai reçu un grand coup sur la tête. » Elle garde, sur l’arrière du crâne, la cicatrice d’un coup de machette. « Quand j’ai repris conscience, un soldat me traînait. Un autre arrachait à ma mère ses boucles d’oreilles et son collier en or. Je n’ai aucun souvenir des heures qui ont suivi. Quand je me suis réveillée, la maison brûlait. Pour me sauver, j’ai dû ramper par-dessus les cadavres des femmes et marcher sur les flammes. Dehors, il y avait une femme nue sur le sol. Je me suis cachée dans les toilettes toute la nuit, puis j’ai marché jusque dans les collines sur mes pieds brûlés. Ensuite, des gens m’ont portée jusqu’au Bangladesh. »

    Sur les hauteurs du camp de Balukhali, un autre habitant de Tula Toli pleure doucement, son neveu de 7 ans serré contre lui. Mohamed Suliman a échappé aux assassins en traversant la rivière à la nage. « Un hélicoptère survolait la plage. Des groupes de soldats se sont succédé dans les maisons où avaient été enfermées les femmes. Ensuite, ils ont creusé un grand trou et enterré les corps. » L’homme nous tend une photo de sa famille : sa femme, sa deuxième fille et sa benjamine de 12 ans ont trouvé la mort ce jour-là. « Je voudrais plutôt mourir empoisonné que continuer cette vie », supplie-t-il.

    Les habitants de l’Etat Rakhine s’étaient habitués à voir les soldats leur confisquer un poulet ou un sac de légumes. Aujourd’hui, beaucoup décrivent avoir été entièrement été dépouillés de leurs biens - bijoux, argent, bétail, réserves de nourriture - avant d’être chassés. A l’hôpital de Malungat, un habitant qui veille sur son fils de 7 ans, gravement blessé, raconte comment des représentants de l’armée et de la police ont extorqué 1 million de kyats (625 euros) à sa communauté avant d’attaquer sauvagement le village de Aye Tah Li Yar.

    Les premiers réfugiés arrivés fin août étaient plutôt issus de familles aisées et bien informées. Dans certains cas, un proche de la diaspora réglait les passeurs depuis le Moyen-Orient, via une appli sur smartphone. Depuis, des groupes de centaines de personnes, incapables de payer, sont bloqués en Birmanie ou sur les bancs de sable du no man’s land. Des nouvelles alarmantes proviennent des camps du district de Rathidung, où des dizaines de milliers de Rohingyas sont privées d’aide alimentaire. Après les balles, c’est la faim qui pousse les #Rohingyas hors de leur pays.
    Laurence Defranoux envoyée spéciale au Bangladesh

    Un article qui date d’il y a quelques mois et qui est horrible à lire. Mais mieux vaut savoir.
    #génocide #massacres #viol #Birmanie #islam #musulmans #bouddhisme

  • #Appel féministe • #Solidarité avec les #femmes du #Rojava

    L’État turc bombarde et menace de raser #Afrin.
    Cette attaque fait des morts par dizaines de civils, majoritairement des femmes et des enfants.
    Afrin est une zone relativement sûre dans la région depuis longtemps et a accueilli des centaines de milliers de réfugiés arabes notamment d’Alep.

    Le peuple du Rojava construit une société nouvelle, dans laquelle les différentes ethnies qui y vivent s’organisent avec leurs identités dans un système démocratique, féministe, écologique.

    Cette agression a un but destructeur qui vise aussi la révolution des femmes du Rojava qui ne se soumettent plus à un régime patriarcal et ont le courage de construire une société de liberté pour elles-mêmes et donc pour tous.

    Ceci est insupportable à Erdogan qui craint une contamination dans le Moyen-Orient et au-delà, le Rojava est un exemple de libération des femmes qui ébranle l’idée d’Etats au service du nationalisme, du capitalisme et de l’extrémisme religieux, qui s’appuient tous sur la domination des femmes.

    Nous exigeons l’arrêt immédiat des bombardements et de l‘invasion d’Afrin, qui sont contraires au droit international.
    Pour cela nous demandons une intervention ferme de l’ONU, de l’UE et des gouvernements des pays impliqués dans la coalition : Russie, France, USA, Royaume Uni. Ils doivent faire pression sur la Turquie pour qu’elle cesse cette agression et retire ses troupes de Syrie.

    Nous vous appelons à faire circuler cet appel et à faire connaître la construction de cette société qui dit “Oui, c’est possible de vivre en êtres humains libres, égaux, respectueux de la nature, et pour ce faire, le féminisme est un moyen indispensable”.

    Envoyez vos signatures à l’adresse : kurdish.women.movement@gmail.com

    http://www.kedistan.net/2018/01/31/appel-feministe-solidarite-femmes-rojava
    #Kurdistan #résistance #féminisme #Turquie

  • #BALLAST | Que se passe-t-il au #Rojava ? — entretien avec le #Conseil_démocratique_kurde_en_France
    https://www.revue-ballast.fr/se-passe-t-rojava-entretien-conseil-democratique-kurde-france
    #turquie #Afrin #russie

    Pourquoi Bachar el-Assad ne se prononce-t-il pas davantage3 ?

    Il essaie d’augmenter son pouvoir et d’affirmer son rôle en vue, plus tard, des négociations qu’il aura à mener avec les autorités kurdes du nord de la Syrie. Sans l’accord de la Russie, les bombardements aériens turcs n’auraient pas pu avoir lieu. Les liens entre Assad et Poutine expliquent aussi pourquoi le premier ne s’avance pas.
    Qu’en est-il du napalm, que la Turquie utiliserait sur Afrin ? A-t-on des preuves ?

    « Du napalm a bien été utilisé contre les populations civiles d’Afrin par la Turquie. »

    Depuis ce matin [dimanche 28 janvier, ndlr], oui, via l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Ils ont confirmé les dires du PYD, la veille — certains avaient aussitôt lancé qu’il s’agissait seulement de propagande kurde…

    Vous avez récemment déclaré à L’Humanité qu’il était important que les citoyens se mobilisent sur le sujet. Que peut faire un Français lambda pour appuyer le Rojava ?

    Que se passe-t-il au Rojava ? Un projet démocratique, humaniste, laïc et partisan du droit des femmes émerge. Qui n’est ni le régime de Damas, ni la Turquie d’Erdoğan, ni le régime iranien. Ce projet est porté par les Kurdes et ceux qui luttent avec eux, qu’ils soient Arabes, Turkmènes ou Arméniens. S’il perd, c’est la démocratie qui perdra au Moyen-Orient. Toute personne ordinaire, en Europe, doit se permettre de soutenir cette révolte, doit défendre Afrin face au féodalisme. Nous avons avant tout besoin d’une chose : le soutien de l’opinion publique internationale. Notre principal objectif est de convaincre les citoyens : c’est à cette seule condition que nous pourrons dire que nous avons gagné cette guerre. L’appui des États ne serait pas une victoire — tout n’est que relations tactiques, provisoires, stratégiques. Que les citoyens manifestent, s’ils le peuvent. S’ils n’ont pas la possibilité de descendre dans la rue, qu’ils publient des articles sur leurs comptes Facebook ou Twitter : c’est un soutien important.

  • Gaza, au bord du précipice
    Thomas Cantaloube, Médiapart, le 28 janvier 2018
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280118/gaza-au-bord-du-precipice

    Des responsables militaires israéliens ont récemment tiré la sonnette d’alarme en avertissant que la bande de Gaza était « au bord d’un effondrement complet », en raison de la détérioration des conditions sanitaires, sociales et économiques. Après dix ans de blocus, c’est en effet le désespoir qui domine. « Nous souffrons de ne jamais pouvoir envisager le futur », dit une habitante. Reportage dans la bande de Gaza.

    Gaza, de notre envoyé spécial.- Quand on lui annonce que nous avons l’intention de nous rendre dans la bande de Gaza, le porte-parole du gouvernement israélien soupire, puis nous répond calmement : « Comme vous voulez… Vous allez voir beaucoup de misère et de souffrance. Mais n’oubliez pas : c’est leur responsabilité. Les habitants de Gaza ont choisi le parti de la violence et des terroristes. Nous ne pouvons pas l’accepter et nous devons nous défendre. »

    Quelques jours plus tard, nous franchissons le checkpoint d’Erez, immense édifice de béton et d’électronique qui évoque la paranoïa déshumanisée des installations militaires américaines en Irak ou en Afghanistan dans les années 2000. Après un long tunnel de grillage, nous émergeons côté palestinien, dans cette bande de Gaza grande comme trois fois Paris intra-muros, peuplée de deux millions d’habitants cloués sur place, sans possibilité aisée de sortir de ce territoire depuis plus de dix années, lorsque le Hamas en a pris le contrôle en 2007.

    On traverse d’abord quelques champs cultivés (oliviers, fraises, haricots verts…) avant d’atteindre les premiers bâtiments, qui occupent la quasi-totalité de la surface de Gaza, en faisant un des lieux les plus densément peuplés de la planète.. Bien sûr, l’ambiance n’est pas riante, on imagine d’autres endroits pour faire du tourisme : le gris parpaing des immeubles mal finis, les nombreuses charrettes tirées par des ânes, les rues secondaires en terre constellées d’ornières.

    Mais la vie suit son cours, résiliente. Et tant qu’on n’adresse pas la parole aux Gazaouis pour leur demander comment va leur existence, l’illusion se maintient d’être dans n’importe quelle ville pauvre du monde arabe. Il y a des souks, des hôtels, des restaurants, des banques, des embouteillages, les vagues de la Méditerranée qui s’écrasent sur les plages de sable.

    Les premières fissures dans ce tableau apaisé surgissent très vite. On observe les pêcheurs qui larguent les amarres et s’éloignent du port en fin de soirée. Ils naviguent sur deux ou trois kilomètres en mer, puis coupent les moteurs pour lancer leurs filets. Normal, ils ne peuvent pas s’aventurer au-delà : leur zone de pêche est restreinte en moyenne à cinq milles marins (9 km).

    Nous avons ensuite rendez-vous avec un officiel au treizième étage d’un immeuble : il faut attendre son arrivée, puis qu’un agent de sécurité démarre le générateur diesel, et tout le monde s’entasse dans la cage d’ascenseur. En quittant les lieux, on descend les treize étages à pied avec une lampe de poche. Mi-janvier 2018, le rythme d’approvisionnement en électricité est le suivant : quatre heures de courant, suivies par douze heures de black-out. Parfois, s’il y a six ou sept heures de courant par jour, c’est Byzance. Quand l’électricité arrive dans les foyers, tout le monde se chamaille aimablement pour filer à la douche et bénéficier d’eau chaude.

    L’essentiel de l’eau qui circule dans les tuyaux (95 % selon l’Organisation mondiale de la santé) est impropre à la consommation humaine. Lorsqu’on se brosse les dents, un arrière-goût colle aux gencives. Se baigner dans la mer revient à nager à la sortie des égouts, puisque le système de traitement des eaux usées est en carafe depuis des mois…

    Début 2018, les services de sécurité israéliens (armée et renseignements) ont tiré la sonnette d’alarme auprès de leur gouvernement : « Gaza est au bord d’un effondrement complet », ont-ils averti. Ce qui, dans le langage de ces responsables, laisse présager que les conditions socioéconomiques désastreuses de la bande pourraient bien provoquer un soulèvement, une nouvelle intifada, une offensive armée des extrémistes religieux, bref, ils ne savent pas vraiment quoi, mais cela ne sent pas bon du tout.

    Il y a déjà eu trois guerres à Gaza en dix ans et les Israéliens ne souhaitent désormais rien tant que préserver le statu quo. Donc, du point de vue de ces dirigeants chargés de la sécurité de leur pays, il vaudrait mieux s’arranger pour que la cocotte-minute gazaouie ne leur explose pas à la figure en relâchant la pression.

    Malheureusement, ces paroles raisonnables ne sont guère écoutées par la majorité des Israéliens aujourd’hui. Il y a ceux qui rappellent ironiquement que les médias annoncent depuis douze ans « l’effondrement de Gaza » sans que cela ne se produise. Il y a ceux qui désirent la confrontation et se réjouissent de la situation. Et puis il y a surtout l’indifférence face au sort des Gazaouis. « Si ces gens veulent vivre normalement, ils n’ont qu’à se débarrasser du Hamas. » Tel est le refrain que l’on entend souvent en Israël..

    Jusqu’en 2005, la situation de Gaza n’était guère différente de celle du reste de la Cisjordanie sur le plan de la circulation des personnes. Puis le premier ministre Ariel Sharon a annoncé le retrait des 8 000 colons qui vivaient sur place, les islamistes du Hamas ont remporté (à la régulière) les élections palestiniennes de 2006 et, l’année suivante, ils ont pris le contrôle total de la bande de Gaza, à la suite d’une confrontation avec l’Autorité palestinienne installée à Ramallah (Cisjordanie).

    Depuis cette date-là, Israël a isolé Gaza à coups de barbelés, de miradors, de murs de béton et de checkpoints. Le seul point de passage avec un pays tiers, l’Égypte, est celui de Rafah, au sud, et il est rarement ouvert, encore moins depuis le coup d’État du maréchal al-Sissi de 2014.

    « Sortir à tout prix d’ici pour vivre ailleurs »

    On a coutume de parler de Gaza comme d’une « prison à ciel ouvert », mais c’est un cliché insidieux. Dans toute démocratie digne de ce nom, les prisonniers ont été jugés et reconnus coupables. Or le seul crime de l’immense majorité des Gazaouis est d’être nés palestiniens sur cette langue de terre côtière. « Pour deux millions d’habitants, il y a peut-être 10 000 extrémistes ou terroristes. Nous sommes tous condamnés pour les actes de quelques-uns », souligne Youssef Nateel, un cinéaste d’une trentaine d’années. Il fait référence aux branches armées du Hamas ou du Djihad islamique, qui envoient occasionnellement des missiles sur Israël ou commettent des attentats-suicides. Gaza n’est donc pas tant une prison qu’un exercice de punition collective massive.

    Depuis 2012, Youssef Nateel a déposé chaque année quatre à cinq demandes de permis de sortie de Gaza pour présenter ses films documentaires dans des festivals, ou afin de se rendre à une formation aux États-Unis pour laquelle il avait obtenu une bourse. Elles ont toutes été refusées. Sans aucune explication. « Les Israéliens n’ont pas à se justifier », souffle-t-il. Il sait seulement qu’il a le mauvais âge, le mauvais sexe, le mauvais pedigree du point de vue de l’appareil sécuritaire israélien : celui d’un terroriste en puissance.

    Youssef est donc cloîtré à Gaza, relié au reste du monde par Internet, grâce auquel il se forme lui-même avec des tutoriels en ligne. « Je veux progresser en tant que cinéaste, je veux grandir en tant qu’artiste, je veux me confronter au reste du monde, mais cela m’est interdit. Je ne compte plus toutes les opportunités que j’ai ratées. Ces dix dernières années ont été gâchées. Désormais, je n’ai plus qu’une seule aspiration : sortir à tout prix d’ici pour vivre ailleurs et ne pas gâcher la prochaine décennie. »

    Une de ses amies, Yasmine Dawas, a plus de chance. Façon de parler. Toute récente diplômée de médecine, elle a trouvé du travail un jour par semaine dans un hôpital de Jérusalem pour traiter des enfants victimes de malformations cardiaques. En tant que jeune femme employée en Israël, elle peut obtenir un permis de sortie pour s’y rendre. Mais elle doit le renouveler chaque mois.

    À la mi-janvier, elle reçoit un message sur son téléphone lui annonçant que son prochain permis durera trois mois. Elle saute de joie ! Puis elle lit les détails : elle n’a le droit de franchir les checkpoints que le mardi, jour où elle travaille. Les larmes lui montent aux yeux, elle détourne le regard. Là encore, nulle explication. C’est comme ça, c’est la règle israélienne.

    Quand elle franchit le checkpoint pour se rendre à son travail, elle n’a le droit de rien emporter avec elle : pas de cosmétiques, pas de brosse à dents. Un jour, elle avait oublié un bâton de rouge à lèvres au fond de sa poche. Il lui a été confisqué et elle a dû plaider pour ne pas voir son permis annulé.

    Malgré cela, Yasmine et Youssef s’estiment mieux lotis que la plupart des Gazaouis : leurs familles sont relativement aisées, ils ont pu faire de bonnes études, ils possèdent des réseaux à l’étranger. Mais la plupart de leurs concitoyens subissent le chômage et la précarité. Le taux officiel de chômage s’élève à 47 % et il grimpe à 60-65 % pour les jeunes diplômés. C’est un paradoxe de Gaza : le taux d’alphabétisation des moins de 24 ans dépasse les 99 %, les universités sont ouvertes et de bon niveau, mais une fois leur cursus terminé, les diplômés sont cantonnés à un territoire exsangue, coupé du reste du monde.

    En 2012, l’UNRWA, l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens, nombreux à Gaza, avait publié un rapport dont le titre s’affichait poliment interrogatif, même si la réponse était négative : « Gaza sera-t-il vivable en 2020 ? » Aujourd’hui, les instances internationales, les ONG et même certains responsables israéliens se demandent s’il ne faudrait pas avancer la date de deux ans, c’est-à-dire envisager que Gaza ne soit plus vivable fin 2018. Aux problèmes d’eau, d’électricité ou de chômage précédemment évoqués s’ajoutent une véritable crise sociale et psychologique, ainsi que les évolutions politiques récentes, qui obscurcissent encore davantage les perspectives des Gazaouis.

    Responsable de projets dans une ONG d’assistance psychologique, Lubna Beseisso observe le tissu social se détériorer jour après jour. « Quand nous entendons le tonnerre, la plupart d’entre nous sursautons en imaginant que c’est un nouveau bombardement. Nous sommes traumatisés par les guerres, mais aussi par le blocus, l’enfermement, la division politique, explique-t-elle posément, s’incluant parfois dans les cas qu’elle décrit. Les gens ne peuvent pas vivre dans un état de stress perpétuel sans que cela n’affecte la société dans son ensemble. »

    Les disputes intrafamiliales, la violence, la dépression, tout cela est en hausse constante. Il y a désormais des sans-abri à Gaza, phénomène inconnu il y a encore quelques années du fait des solidarités. « La semaine passée, nous avons recensé un crime inédit dans l’histoire palestinienne : une femme a tué son mari puis l’a démembré. Ici, les gens avaient l’habitude de se préoccuper les uns des autres. Nous avons bien entendu toujours eu des vols, des meurtres ou de la violence dans les familles, mais jamais dans de telles proportions ni avec une telle agressivité. Le tissu social est en train de se déchirer. »

    « Gaza est un véritable chaos politique »

    D’après une étude scientifique sur les troubles psychologiques au Moyen-Orient publiée début 2017, les Palestiniens figurent au premier plan de toutes les populations de la région en matière de « désordres mentaux ». Le lien est directement établi entre ces perturbations et le demi-siècle de violence et de conflits, l’occupation israélienne et la répression qui l’accompagne. « Outre les différents symptômes de stress post-traumatique ou liés aux angoisses quotidiennes, nous souffrons de ne jamais pouvoir envisager le futur, s’attriste Lubna Beseisso. Nous avons appris depuis notre enfance à ne pas planifier notre avenir. » Ce qu’Ayah al-Wakil, une jeune juriste, résume ainsi : « Nous essayons de ne jamais espérer trop car nous ne voulons pas être déçus. »

    Une des rares choses qui semblent fonctionner correctement et avec régularité à Gaza est Internet, seul véritable lien avec l’extérieur pour la plupart des Gazaouis. Mais là encore, par la grâce ubuesque des autorités israéliennes, Gaza est interdite de réseau téléphonique 3G (la Cisjordanie vient juste d’être autorisée à déployer cette technologie vieille d’une décennie…). « Nous ne voyons que rarement des étrangers ou d’autres cultures, nous appréhendons le monde au travers des réseaux sociaux, constate tristement Ayah al-Wakil. Mais bien évidemment, ce n’est pas comparable : un pan de l’expérience humaine nous est ôtée. »

    Assis derrière son bureau de responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Gaza, Mahmoud Daher cache ses yeux las derrière ses lunettes. Après avoir passé en revue la longue liste des problèmes économiques et sanitaires qui affectent la bande de terre (à laquelle il faut ajouter, en plus de ceux déjà mentionnés, la pénurie de nombreux médicaments ou la dépendance à l’aide internationale de 80 % de la population), il assène avec la force de l’évidence : « Le problème de Gaza est de nature politique, il n’y a pas de solution médicale ou financière. »

    La récente prise de position de l’administration Trump sur le statut de Jérusalem, et plus généralement son soutien sans ambages au gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou, ont achevé de doucher les maigres espoirs qui subsistaient parmi la population palestinienne.

    De surcroît, la « réconciliation » annoncée fin septembre 2017 entre le Fatah du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, semble au point mort. Il y a eu quelques visites des autorités de Ramallah et la prise de contrôle des checkpoints par les policiers palestiniens, mais aucune autre avancée. Les Gazaouis, qui espéraient l’injection d’argent frais ou un assouplissement du blocus israélien, ont déchanté et, aujourd’hui, ils perçoivent cela comme une déception de plus.

    « Gaza est un véritable chaos politique, résume Khalil Shahin, directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme. Nous subissons un régime politique unique au monde en étant gouvernés par trois entités et demie. Il y a d’abord Israël, qui contrôle tous les détails de notre vie quotidienne. Il y a ensuite l’Autorité palestinienne, dont nous dépendons théoriquement mais qui ne fait pas grand-chose. Il y a le Hamas, qui régente ce qu’il peut, principalement la sécurité interne et l’économie locale. Et enfin, pour une demi-part, la communauté internationale au travers des ONG, des programmes d’aide et de l’ONU. »

    Les Israéliens ont pris l’habitude de blâmer le Hamas (qui, avant de prendre le contrôle du territoire par les armes en délogeant l’Autorité palestinienne, avait remporté les élections libres) pour tous les maux de Gaza. Le mouvement islamiste, à la fois politique et militaire, est effectivement responsable de nombreuses attaques contre les Israéliens qui ont fait des dizaines de morts. Il exerce également un « monopole sur la corruption », comme le confie l’un de nos interlocuteurs, en taxant les produits qui rentrent à Gaza ou en organisant les trafics clandestins.

    Il fait également peser une certaine pression sur la société en s’efforçant de faire taire tous ceux qui ont la parole un peu trop critique. « On ne parle pas du Hamas en public et on fait attention à ce que l’on poste sur les réseaux sociaux, dénonce un militant anticorruption, sinon ses miliciens débarquent chez vous au petit matin… » Pour autant, Gaza ne vit pas sous une chape de plomb islamiste. Les appels à la prière n’ont pas plus d’adeptes ici qu’en Cisjordanie et les femmes qui le souhaitent se promènent sans foulard sur les cheveux (même si elles sont rares).

    « L’occupation est la matrice de toute la situation »

    Mais le Hamas est usé par ses dix années de pouvoir, qui ont vu la situation se détériorer. Même Ahmed Yousef, l’ancien conseiller politique du leader du Hamas Ismaël Haniyeh, l’avoue sans détour : « La population espérait beaucoup de la réconciliation entre le Fatah et le Hamas, mais elle est mal engagée. Les gens attendent de nouveaux dirigeants. Le Hamas porte sa part de responsabilité dans la situation présente, mais elle est moindre que celle d’autres acteurs. »

    Au premier rang figure le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, dont toute la stratégie depuis 15 ans a été lentement déjouée par Netanyahou et annihilée brusquement par Trump. L’Égypte aussi, qui pourrait offrir un ballon d’oxygène pour Gaza l’asphyxiée mais préfère, au contraire, lui appuyer sur la glotte en laissant le passage de Rafah presque tout le temps fermé et en collaborant avec les Israéliens. « Personne ne nous épargne, personne ne fait preuve de compassion à notre égard », commente Ahmed Yousef, résigné.

    Si le Hamas, l’Autorité palestinienne, l’Égypte ou parfois les pays occidentaux sont critiqués par les Gazaouis, tout ce beau monde n’arrive que loin derrière, en seconde place sur le podium des griefs. Personne à Gaza n’est disposé à absoudre Israël de son écrasante responsabilité. Car c’est bien l’État hébreu qui est la puissance occupante, qui contrôle les flux des marchandises et des personnes, qui restreint les faibles marges de liberté des Gazaouis et qui impose sa loi d’une main de fer dans un gant d’épines.

    Un responsable de l’ONU à Gaza, qui préfère rester anonyme pour parler en toute franchise, résume l’équation ainsi : « Pas d’occupation signifie pas d’intifada et donc pas de mesures de rétorsion, donc pas de souffrance. » Puis il poursuit : « On peut blâmer de nombreux acteurs locaux et internationaux pour leur inefficacité, leur corruption, leur incompétence, leur idéologie ; on peut débattre sur ce qui a surgi en premier de l’intifada ou des représailles, à la manière du litige sur la poule et l’œuf ; mais ce ne sont que des conséquences de l’occupation, qui est la matrice de toute la situation. »

    Lorsqu’il cesse de parler, ce haut fonctionnaire onusien ramasse quelques livres qui traînent et essaie de faire tenir cette petite pile en équilibre sur le bord de sa table de travail. Après de méticuleux ajustements, il y parvient. Il relève alors la tête vers nous et annonce : « Gaza est ainsi : toujours au bord du précipice. Un seul mouvement peut tout faire basculer. Les Israéliens déploient beaucoup de ressources en matière de sécurité et de renseignements pour maintenir Gaza en équilibre au bord de l’abîme. »

    Avant de regagner le checkpoint d’Erez pour faire ce que la plupart des Palestiniens ne peuvent pas effectuer, à savoir quitter cette enclave par la porte, on s’arrête chez un agriculteur dont les champs et les serres touchent presque le mur de séparation entre Israël et Gaza. La fraise de Gaza possède une petite réputation. Elle est effectivement délicieuse : riche en goût et juteuse. Akram Abu Khosa a dû reconstruire plusieurs fois ses serres, fréquemment détruites lors des incursions des soldats israéliens, faire une croix sur différentes récoltes pour les mêmes raisons, mais il persiste dans son maraîchage, comme le faisait son père avant lui.

    Aujourd’hui, son principal marché se situe à Gaza même, bien que cela lui rapporte moins que les exportations vers les pays du Golfe, qui comptent parmi ses clients. « Pour exporter, il faut que je récolte les fraises un peu en avance, mais pas trop afin de conserver un bon produit. Une fois que je les ai mises en barquette, elles doivent arriver chez les marchands en trois jours maximum. Le problème, c’est que je ne sais jamais si les Israéliens vont me laisser passer le checkpoint. Ils me connaissent et j’ai un permis d’exportation, mais c’est la loterie à chaque fois. Si mon camion est bloqué plus de 24 heures au poste de contrôle, c’est foutu, je perds ma cargaison. »

    Selon Khalil Shahin, du Centre palestinien pour les droits de l’homme, depuis dix ans, moins de 5 % des exportations de Gaza ont été autorisées à sortir de la bande. Akram Abu Khosa continue malgré tout de tenter régulièrement sa chance avec une partie de sa récolte de fraises. Pour continuer à vivre de sa terre bien sûr, mais aussi par obstination. Afin de montrer aux Israéliens qu’il ne se laissera pas abattre malgré leur volonté de maintenir Gaza au bord du précipice. Trop pauvre et soumis pour se révolter, mais pas assez pour ne plus rien avoir à perdre que ses larmes et son sang.

    #Palestine #Gaza #Blocus #Occupation #Punition_collective #Crime_conte_l'humanité #Prison_à_ciel_ouvert #chaos

  • Les pamphlets antisémites de Céline, Gallimard, l’antisémitisme. Un post FB de Tal Bruttmann, historien qui s’est opposé à cette publication à laquelle l’éditeur a fini par renoncer
    https://www.facebook.com/tal.bruttmann/posts/1409574769170126

    Quand on aura un peu de recul sur l’histoire (entendu comme telle, ses étapes et sa chronologie) sur le projet de réédition des pamphlets de Céline, il fait peu de doutes que pas mal de choses s’en dégageront. Notamment le fait qu’un éditeur majeur estime normal, anodin, de préparer la réédition sans guère de précautions, de textes symboliques d’une période dont on pensait être débarrassé. Mais aussi sur la manière dont l’antisémitisme est analysé par certains, dont l’un des arguments lors de la polémique vient d’être repris par Antoine Gallimard himself, et que l’on peut admirer dans le dernier papier consacré par Le Monde au sujet : « Aujourd’hui, l’antisémitisme n’est plus du côté des #chrétiens mais des musulmans, et ils ne vont pas lire les textes de Céline ».
    Rien que ça. Passons sur le fait que si si, les musulmans (les Arabes ?) savent lire, et même que certains lisent des auteurs français, y compris du Céline. Oui parce que les musulmans (les arabes ?) sont français, depuis des générations (des fois ca remonte jusqu’à 1830). Et que dans nombre de pays arabes, où les régimes ont depuis des décennies promus l’antisémitisme élevé parfois en politique d’Etat, c’est aussi en publiant à tour de bras la magnifique production européenne, de Mein Kampf en passant par les Protocoles, en célébrant les « professeurs » Garaudy et Faurisson, inspirateurs d’immenses « penseurs » tels que le général Tlass, ministère de la Défense d’Assad et par ailleurs plumitif de l’antisémitisme.
    L’antisémitisme d’aujourd’hui ne serait donc que le propre des #musulmans. Un antisémitisme d’ailleurs sans aucune influence intellectuelle, d’instinct donc et pourquoi pas atavique, après tout.
    En matière d’oeillères racistes, ca se pose là. A ma connaissance, ni Alain Soral, ni Dieudonné M’bala (X2) ne sont musulmans, et pourtant ils constituent les têtes d’affiches d’un antisémitisme qui se porte à merveille. Oui, en effet dans leur auditoire il se trouve des musulmans (des arabes, mais y’a aussi des gens d’origine turque et d’autres). Mais pas que. Et surtout pas une majorité. Parce que le public de Soral et M’Bala (X2) c’est aussi des braves petits gars (et filles) du Poitou ou des Ardennes.
    Oui, des #Juifs ont été assassinés par des djihadistes en France récemment. Et certains des djihadistes français, qui ont oeuvré ici ou au Moyen-Orient, n’ont pas été formé dans les Madrassa du Pakistan, mais biberonnés ici, par des discours véhiculés par des Soral and Co. et pas uniquement par un Islam radical qui sait aussi fort bien construire un discours antisémite s’abreuvant à toutes ces sources. Penser que cet antisémitisme là serait déconnecté de l’ensemble de la production antisémite, c’est ne rien connaître à cette histoire. Qui se rappelle aujourd’hui que le site suédois RadioIslam fut un précurseur sur le net de la jonction entre Islam, nazisme, négationnisme tout ceci au service d’un antisémitisme moteur ? On pouvait y trouver là tout les textes antisémites occidentaux que l’on voulait.
    Et oui l’antisémitisme « traditionnel » n’a pas fait de mort ces dernières années. En tout cas pour l’heure.
    Et ? Il n’en est pas moins tout aussi existant. Ce n’est pas « l’antisémitisme des musulmans », c’est l’antisémitisme tout court qu’il s’agit de combattre. Et certainement pas de le réduire à une catégorie de population, qui seule en aurait l’apanage. Parce que rééditer de manière normalisée des pamphlets antisémites en 2018, c’est pas un coup des Musulmans qui savent pas lire.

    Céline, Gallimard, et le choix de l’antisémitisme, Alya Aglan, Tal Bruttman, Eric Fournier, André Loez
    https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20180104.OBS0154/celine-gallimard-et-le-choix-de-l-antisemitisme.html

    Dans la France de 2018, où l’antisémitisme n’est pas qu’un mauvais souvenir mais une réalité meurtrière, où la confusion idéologique, qui gangrène souvent le débat public, favorise la propagation de cette haine au delà des groupes antisémites patentés, on aurait pu penser qu’un accord minimal se ferait, entre éditeurs, responsables politiques, savants et citoyens, pour juger néfaste la réédition sous une couverture prestigieuse des plus monstrueux textes de haine antijuive publiés dans les années 1930 et 1940 : « Bagatelles pour un massacre », « Les Beaux draps », « L’Ecole des cadavres ».

    Et pourtant, depuis l’annonce d’une telle démarche aux éditions Gallimard, parée des atours du « grand écrivain » Céline, les prises de position se multiplient pour défendre ou valider ce projet, qui ne relève pourtant d’aucune évidence ou nécessité. Autant d’arguments dont nous voulons ici montrer l’inconsistance ou l’hypocrisie. (...)

    #antisémitisme #édition #Céline #pamphlets_antisémites #Gallimard

  • Normalement, j’évite de reprocher à quelqu’un de ne pas aborder tel sujet quand il évoque tel autre sujet (ne serait-ce que parce que l’argument est assez facilement retournable). Mais avec Filiu, on atteint un tel niveau de grotesque que ça défie l’entendement : Les apprentis-sorciers de la « realpolitik » au Moyen-Orient
    https://theconversation.com/les-apprentis-sorciers-de-la-realpolitik-au-moyen-orient-89817

    Où Filiu se désespère (à nouveau) du prétendu retour à la « realpolitik » de la France sous Macron (alors que, attention tiens-toi bien : « La morale est bel et bien une arme stratégique pour la France »). Après l’exemple de la France travaillant avec Saddam Hussein, il évoque évidemment la Syrie, puis l’Égypte de Sissi. Et même une évocation des récentes manifestations en Iran comme-ça-en-passant :

    La crise en cours en Iran prouve pourtant que les populations ne sauraient durablement être exclues des équations géopolitiques.

    Et là, je plisse les yeux, je lance un rechercher-dans-le-texte… Et non : pas un mot sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie séoudite et la guerre au Yémen. J’insiste : je ne relève pas ça pour détourner des autres crimes, mais pour faire remarquer qu’un texte qui dénonce l’hypocrisie d’un « retour » de la realpolitik (qui consisterait à travailler avec des régimes autoritaires qui massacrent des gens, en abandonnant ainsi la posture morale qui nous vaudrait l’admiration des peuples du monde), parvient à ne pas dire un mot de l’un de nos plus gros clients : l’Arabie séoudite.

    Lire par exemple : Comment la France participe à la guerre contre le Yémen (Warda Mohamed & Tony Fortin, septembre 2017) :
    http://orientxxi.info/magazine/comment-la-france-participe-a-la-guerre-contre-le-yemen,1990

    La France ne vend pas d’armes au régime syrien, ni à ma connaissance à l’Iran, mais Filiu cite ces pays dans sa dénonciation de l’indigne realpolitik française, mais rien sur l’un de nos plus gros clients, l’Arabie séoudite, qui utilise pourtant ces armes françaises pour détruire le Yémen ?

    Yep, ça marche comme ça.

  • Trump et le Moyen-Orient : ce que nous apprend le livre de Michael Wolff
    Middle East Eye | Areeb Ullah et Dania Akkad | 7 janvier 2018
    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/comment-trump-voit-le-moyen-orient-ce-que-nous-apprend-le-livre-de-mi

    Trump avec le roi d’Arabie saoudite, Salmane ben Abdelaziz, lors de la parade à Riyad (Reuters)

    L’attaque de missiles contre la Syrie, les luttes internes sur le processus de paix ou encore les dessous de la fête organisée à Riyad : le livre de Michael Wolff en dit long sur Trump et le Moyen-Orient

  • Dans le nord de la Syrie, le « laboratoire » kurde

    http://www.lemonde.fr/international/article/2017/12/29/dans-le-nord-de-la-syrie-le-laboratoire-kurde_5235529_3210.html

    « Après le califat » (4|5). Les Kurdes, qui ont joué un rôle central dans la bataille contre l’Etat islamique, mettent en place un modèle de gouvernance calqué sur l’idéologie du Parti des travailleurs.

    Voilà bien longtemps que l’on ne projette plus de films dans l’ancien cinéma d’Al-Thawra. La petite salle appartient au temps révolu où cette ville nouvelle syrienne des bords de l’Euphrate était appelée à devenir la cité idéale du baathisme autoritaire et triomphant des années 1970. Des ingénieurs soviétiques affectés à la construction du barrage voisin — un fleuron national, visible sur les anciens billets de 500 livres syriennes — y vivaient avec leurs familles et celles de leurs collègues locaux.

    Autour du cinéma, les rues sont tracées au cordeau, les immeubles d’habitation ressemblent à des blocs de béton brut de quatre étages. Des figures schématiques d’épis de blé et d’engrenages industriels servent d’ornement urbain. L’ensemble, construit selon les canons de l’urbanisme alors en vogue en URSS, alliée du régime syrien, raconte la promesse non tenue d’un avenir radieux.

    Quatre décennies après sa construction, ce songe architectural soviétique perdu aux confins de la Mésopotamie est tombée aux mains de l’organisation Etat islamique (EI), en même temps que le bourg voisin de Tabqa, en 2014. Rakka, l’ancienne capitale syrienne du « califat », est à une quarantaine de kilomètres en aval.

    Etrange rémanence de l’histoire… Ces quartiers ont accueilli un temps des djihadistes originaires d’ex-URSS. Mais leur utopie totalitaire, elle aussi, a vécu. Au printemps, les frappes de la coalition internationale, dirigée par les Etats-Unis, les ont chassés de ce paysage à l’optimisme décrépi, désormais ponctué de bâtiments effondrés. Aux djihadistes ont succédé, en mai, les Forces démocratiques syriennes (FDS), un groupement arabo-kurde allié au sol de la coalition dans sa guerre contre l’EI.

    Abdullah Öcalan, l’inspirateur

    Depuis, les murs du cinéma d’Al-Thawra ont été repeints. En ce matin gris du début du mois de novembre, la salle est pleine. Sur la scène, deux femmes et deux hommes, dont l’un porte une tenue traditionnelle de chef tribal, discourent. Au-dessus d’eux, cet écriteau : « Administration civile démocratique de Tabqa ». Cette nouvelle structure mise en place par l’encadrement kurde des FDS nomme ce jour-là son conseil exécutif, sous le regard bienveillant et vigilant des kadros, les commissaires politiques du mouvement kurde qui s’adressent à tous en donnant du « camarade ».

    Femmes et hommes au physique dur, marqués par leurs années de guérilla, combattants à la parole précise, forgée par une formation théorique implacable, ils sont présents partout où les FDS ont pris pied dans le nord de la Syrie. Leur rôle : superviser l’instauration, sur les décombres du « califat », d’institutions conformes à l’idéologie mise au point par Abdullah Öcalan, le fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

    Autrefois marxiste-léniniste, ce mouvement politique et militaire, en guerre contre l’Etat turc, a presque l’âge de la ville idéale d’Al-Thawra. Sa création remonte à 1978, au cours d’une réunion nocturne dans un village kurde reculé d’Anatolie orientale. Elle doit beaucoup à la volonté d’un groupe d’étudiants kurdes de Turquie. Formés aux méthodes de la gauche radicale locale, ils sont décidés à faire d’un nationalisme kurde, alors moribond, une force anticoloniale dirigée contre Ankara.


    Monument aux martyrs kurdes à Kamechliyé, ville syrienne située à la frontière turque, le 23 novembre.

    Près de quarante ans ont passé. Même s’il est toujours en conflit avec Ankara, le PKK a renoncé à la sécession et professe dorénavant un assemblage de principes autogestionnaires, féministes et écologistes. Il s’est éloigné du nationalisme kurde pour embrasser le projet d’une émancipation des peuples du Moyen-Orient par leur « autoadministration » et l’abandon du modèle de l’Etat-nation.

    Öcalan, le fondateur vénéré comme une icône, a beau être détenu sur une île-prison de la mer de Marmara, au large d’Istanbul, depuis son arrestation, en 1999 au Kenya par les forces spéciales turques, le PKK est plus puissant que jamais. L’organisation veille à entretenir son ancrage chez les Kurdes de Turquie, délocalisant ses bases de guérilla dans les zones montagneuses du Kurdistan d’Irak pour mieux les protéger et étendant ses ramifications au Moyen-Orient et en Europe. C’est pourtant le conflit syrien qui lui a permis d’ouvrir une nouvelle page de son histoire, et la lutte contre l’EI qui en a fait un acteur majeur de la scène régionale.

    Dès les premiers troubles révolutionnaires de 2011 en Syrie, les enclaves kurdes du nord du pays, qui avaient fourni à l’organisation d’Öcalan une part non négligeable de ses recrues depuis les années 1980, sont investies par des cadres du PKK. Le régime syrien ne conserve qu’une présence très limitée dans ces zones. Elles offrent ainsi au PKK et à ses cousins syriens un terrain idéal pour la mise en pratique de leur idéologie.

    De nouvelles institutions sont mises sur pied. La parité est imposée aux postes à responsabilités. Des komin — communes populaires — sont établies, censées être la cellule de base de l’écosystème sociopolitique qui voit le jour sous la houlette des kadros. Ils ne veulent pas prendre part à une révolution contre le régime syrien qu’ils estiment perdue d’avance, mais profiter de la vacance du pouvoir pour créer leur propre mode de gouvernance.

    Un appareil sécuritaire et militaire

    Dans le même temps, la machine politique se double d’un appareil sécuritaire et militaire structuré. Les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités de protection de la femme (YPJ) sont créées dans les trois « cantons kurdes » d’Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie, de la Djezireh, dans le Nord-Est, et de Kobané, à la frontière turque. L’offensive de l’EI contre cette petite localité kurde isolée, à la fin de 2014, change la donne. Alors que Kobané est sur le point de tomber aux mains des djihadistes malgré la résistance acharnée de ses défenseurs — filmée par les caméras du monde entier de la Turquie voisine —, la coalition internationale à dominante américaine intervient dans les airs.

    Cette assistance apportée dans l’urgence se mue bientôt en un partenariat militaire durable. Les forces kurdes sont dotées d’un encadrement efficace, d’une idéologie forte qui les rend imperméables au radicalisme islamique. Au-delà, elles ne considèrent pas la lutte contre le régime de Damas comme une priorité. Dès lors, elles constituent le partenaire idéal qu’il manquait à la coalition pour vaincre l’EI en Syrie.

    « Kobané a tout changé pour nous », admet un haut kadro kurde, le « camarade » Badran. « Il y a eu un changement dans l’équilibre des forces, se souvient-il. Nous sommes devenus les partenaires de la coalition pour combattre le terrorisme. Et cela nous a permis de jouer un rôle plus important qu’avant sur le terrain. » Dès 2015, les unités YPG et YPJ sortent des enclaves kurdes et progressent le long de la frontière syro-turque, dont elles interdisent l’accès aux djihadistes, tout en se préparant à lancer l’offensive sur Rakka.

    L’aide de la coalition se renforce et les unités à dominante kurde, désormais regroupées avec leurs alliés arabes au sein des FDS, avancent vers le sud, finissant par s’emparer de Rakka en octobre 2017, avant de poursuivre leur progression vers la frontière irakienne, le long de l’Euphrate et à travers le désert de l’Est syrien.

    Femmes en uniformes et chefs tribaux arabes

    C’est ainsi qu’en Syrie, la guerre menée par la coalition a provoqué l’émergence dans son sillage d’un territoire politique dont l’étendue correspond grossièrement à la rive gauche de l’Euphrate. Ce sont les FDS, emmenés par un corps de cadres kurdes, qui l’ont organisé et se sont chargés de lui faire prendre forme. Ces hommes et ces femmes, inspirés par une organisation issue de l’extrême gauche turque et du nationalisme kurde convertie aujourd’hui à l’autogestion, ont organisé un vaste territoire à large majorité arabe à mesure qu’offensive après offensive, l’EI en était chassé.

    Dans l’ancienne salle de cinéma d’Al-Thawra, alors que l’Administration civile démocratique de Tabqa élit son conseil exécutif local et ses comités paritaires, l’avenir nébuleux de l’après-guerre se lit dans les travées et sur les murs. L’assistance composée de jeunes femmes kurdes en uniformes, de chefs tribaux arabes en habits traditionnels, de dames aux voiles fleuris et de garçons en tenues décontractées, approuve à main levée la nomination de ses délégués. La salle est décorée de banderoles couvertes de slogans : « La réalité de la nation démocratique est la coexistence entre les peuples » ; « Les femmes ont le droit de s’auto-organiser de manière indépendante »


    A Tabqa, certains quartiers ont été endommagés par la guerre. Malgré leurs habitations en partie détruites, les civils y vivent encore. Des enfants jouent à la guerre devant une de ces maisons ravagées.

    Ces slogans ont été écrits uniquement en arabe. La rhétorique est bien celle des cadres kurdes mais ici, à Al-Thawra et à Tabqa, il n’est pas opportun de mettre cette identité en avant. « Nous sommes d’abord syriens ! », dit une kadro kurde présente sur le parvis du cinéma alors que la réunion se termine et que l’assistance hétéroclite s’éparpille en petits groupes. « Nous participons à la construction d’une Syrie démocratique pour tous les peuples en suivant les idées du président Öcalan », précise cette femme d’une quarantaine d’années.

    Alliances de circonstances

    La mise sobre, voire ascétique, qu’elle arbore, son air militaire malgré les vêtements civils, son phrasé kurde, émaillé de néologismes propres au mouvement, racontent la nature d’une organisation en mesure de transformer le corps et l’esprit de celles et ceux qui la servent. Cette avant-garde, formée dans les bases reculées de l’organisation, au Kurdistan irakien, est déployée partout où le mouvement combat, gouverne ou maintient une présence. Ses membres ont perdu leurs noms de naissance, remplacés par des pseudonymes. Le mariage leur est interdit, de même que les possessions matérielles. Leur existence est vouée au PKK et à son implacable aspiration à transformer le réel.

    Leur présence tranche, devant l’ancien cinéma, avec celle de certaines personnalités tribales de la région, connues pour avoir frayé avec les anciens maîtres djihadistes de Tabqa. « Bien entendu, nombreux sont les chefs de tribu qui ont fait allégeance à Daech, reconnaît le cheikh Hamid Al-Freidj, coprésident du Conseil de Tabqa. Ils sont ensuite venus voir les camarades [des FDS] et il y a eu une procédure de réconciliation. Ils leur ont donné une nouvelle chance. » L’entrée de la salle, désormais vide, est surmontée d’un slogan qui semble sonner plus juste que les pétitions de principe affichées ailleurs avec grandiloquence : « Nos victoires ne sont pas définies par le nombre des ennemis tués mais par le nombre de ceux que nous rallions. »

    Alors que l’idéologie de l’encadrement kurde a remplacé celle des djihadistes de l’Etat islamique, les cheikhs tribaux collaborent au nouveau système comme ils s’étaient accommodés du précédent. « Il faut réunir les gens de bonne volonté pour avancer… », justifie un cadre kurde, le camarade Shiyar, face au paradoxe apparent de la politique menée par les FDS : proposer un changement révolutionnaire en s’appuyant sur les structures sociales les plus conservatrices.

    Pas seulement un projet kurde

    La cheville ouvrière de ce grand dessein paradoxal s’appelle Omar Allouche. Ancien homme d’affaires originaire de Kobané, M. Allouche n’est pas un cadre mais un compagnon de route du mouvement kurde. Il déclare avoir été l’un des premiers à accueillir Abdullah Öcalan, lorsqu’en 1979 celui-ci était venu se réfugier en Syrie pour échapper aux forces de sécurité turques. Depuis le retour de l’organisation dans le pays, il a mis à sa disposition son entregent et un vaste réseau de contacts parmi les notables arabes. « Depuis le début, nous savions qu’il allait falloir compter avec les populations arabes et que notre projet en Syrie ne pourrait pas être seulement un projet kurde », précise Omar Allouche.


    Statue à l’effigie d’un soldat kurde martyr mort au combat à Kobané, le 20 novembre. Le doigt sur la gâchette, car il est mort dans cette position.

    De fait, les trois enclaves kurdes du nord du pays que le mouvement aspirait à réunir en une bande territoriale continue sont séparées par de vastes zones de populations arabes. « Nous avons commencé par créer des partis politiques arabes, mais ça n’a pas fonctionné. La seule solution, c’était de s’appuyer sur les tribus », dit M. Allouche.

    Le début du partenariat entre les forces kurdes et la coalition internationale a conforté les dirigeants des FDS dans leur pari tribal. En reculant, les djihadistes laissaient derrière eux une société sinistrée où l’encadrement politique kurde pouvait faire émerger des intermédiaires. « Le politique ne peut pas se faire sans le militaire », confiait au printemps Omar Allouche dans la bourgade d’Aïn Issa, où se trouvent les locaux du Conseil civil de Rakka, alors que les FDS s’apprêtaient à lancer l’assaut sur la capitale djihadiste.

    Isolés par la Turquie

    « Avant chaque offensive, nous avons travaillé à la constitution de conseils locaux composés de personnes hostiles à Daech, tout en maintenant des contacts avec des notables présents à l’intérieur des zones qui étaient visées », expliquait-il alors. L’installation de ces institutions dans les zones reprises à l’EI va ensuite de pair avec le recrutement massif de jeunes hommes arabes dans des FDS, bien qu’elles demeurent encadrées par des commandants kurdes.

    La mise sur pied du Conseil civil de Rakka a suivi cette logique. Sa composition occupait déjà Omar Allouche plus d’un an avant le début des opérations militaires. « La coalition internationale considère que sa mission en Syrie est de détruire l’Etat islamique. Elle s’intéresse uniquement au militaire, pas au politique », dit-il, tout en regrettant le manque d’engagement en matière civile de la part des alliés occidentaux des FDS. Si le Conseil civil de Rakka a finalement été reconnu comme l’acteur de référence pour la gouvernance de cette ville et de ses environs, il ne bénéficie que d’un soutien diplomatique limité. En cause, la position de la Turquie. « Les pays occidentaux coopèrent avec nous militairement mais ils ne sont pas prêts à s’investir davantage en raison de leurs relations avec la Turquie », constate Omar Allouche.

    Du point de vue turc en effet, le territoire que se sont taillé les FDS dans le nord de la Syrie est perçu comme une menace existentielle, tandis que le PKK poursuit sa guérilla contre les forces armées d’Ankara dans les régions kurdes du sud-est du pays, contiguës du territoire des FDS. Pour cette raison, la nature révolutionnaire du mouvement, l’ampleur de son projet et sa vocation universaliste tendent à échapper à ses interlocuteurs étrangers. Souvent perçu comme un simple représentant des intérêts de la minorité kurde de Syrie, le mouvement entend se distinguer nettement de cette posture, ses revendications ne concernant pas les droits d’une population particulière mais un modèle de gouvernance.


    Un soldat des forces démocratiques syriennes, (FDS) chauffe de l’eau à Raqqah, le 17 novembre.

    Face au régime de Damas

    « Les gens qui dirigent ce projet pensent sincèrement que les Etats-nations ont échoué. Il faut qu’ils continuent à effacer toute trace de nationalisme dans leur pratique, estime à Kamechliyé, Hikmet Al-Habib, un membre arabe d’une des structures de gouvernance instaurées par les FDS. Mais ils font des efforts. Au début les Kurdes appelaient cette zone le “Kurdistan occidental”, ensuite le Rojava (« l’ouest » en kurde). Maintenant ils parlent du nord de la Syrie… »

    Si la direction des FDS demeure essentiellement kurde, la formation de cadres locaux a commencé. « Pas besoin de les envoyer dans les montagnes, assure Hikmet Al-Habib. Des académies ont été créées ici pour former des kadros arabes. » L’enseignement qui y est dispensé est directement inspiré de l’idéologie du mouvement et de son chef historique, Abdullah Öcalan.

    Avec le reflux de l’EI, l’ancien territoire du « califat » en Syrie est désormais partagé entre le mouvement kurde et ses alliés locaux d’une part, et le régime de Damas de l’autre. La vallée de l’Euphrate dessine la limite entre ces deux blocs. « En Syrie, aujourd’hui, il n’y a plus que nous et le régime », rappelait, après la chute de Rakka, la camarade Badran : « Soit on coopère, soit c’est le chaos. » De fait, le mouvement kurde et les FDS contrôlent non seulement le grenier à blé du pays mais également ses principales infrastructures hydroélectriques, ainsi que d’importantes ressources naturelles. A l’automne 2016, à la suite de la chute de Rakka, les FDS ont ainsi chassé les djihadistes des vastes champs d’hydrocarbures de la province de Deir ez-Zor, y compris le champ gazier d’Omar, le plus grand de Syrie.

    L’espoir d’une reconnaissance politique

    Bien que les deux parties aient un intérêt mutuel à coopérer, leur vision de l’avenir diffère. Le régime de Bachar Al-Assad entend reprendre possession de l’ensemble du territoire national et y restaurer son autorité. Les FDS, eux, entendent obtenir la reconnaissance formelle de leurs acquis politiques dans le Nord par une nouvelle Constitution. « Nous refusons tout arrangement ponctuel avec le régime sans cadre général », répondait en novembre Fawza Youssef, membre éminente du mouvement kurde en Syrie. « Il faut que nous négociions un accord global alors que nous sommes en position de force, ajoutait-elle. Les accords locaux donnent l’occasion au régime de se renforcer pour redevenir une menace dans quelques années. Nous voulons un changement de Constitution et la construction d’une Syrie fédérale et démocratique. Jusqu’à ce que cet accord soit trouvé, nous renforçons notre modèle : une autonomie géographique, qui n’est pas fondée sur l’appartenance ethnique. »

    En octobre et en décembre, des élections locales et législatives ont eu lieu dans les zones tenues par les FDS. Ces scrutins, qui n’avaient rien de déterminant du point de vue politique, visaient à approfondir un système qui continue d’évoluer et de se structurer tant qu’il a l’espace pour le faire.

    Face à Damas, la partie kurde est prête à négocier l’intégration des FDS, qui n’ont pas cessé de recruter depuis la bataille de Rakka, à une nouvelle armée syrienne, ainsi qu’à partager le contrôle des frontières et à organiser celui des revenus issus de l’exploitation des ressources naturelles. Le régime, en revanche, multiplie les signaux négatifs, révélateurs de son raidissement : le territoire en formation dans le nord de la Syrie est systématiquement désigné comme un espace à reconquérir et ceux qui le dirigent comme des « traîtres ».

    Sans le soutien de la coalition, que les FDS jugent dépourvue de vision politique en Syrie, le mouvement a placé ses espoirs dans un éventuel rôle de médiation de la Russie, alliée du régime et avec laquelle il coopère localement dans l’enclave kurde d’Afrine, dans le Nord-Ouest. La posture offensive du régime de Damas et la rhétorique de plus en plus incendiaire de ses responsables risquent cependant de semer le trouble parmi les alliés arabes du mouvement kurde. Hikmet Al-Habib, un cadre arabe des FDS, l’admettait récemment :

    « Beaucoup de chefs tribaux sont des opportunistes qui suivent le sens du vent. Maintenant que l’Etat islamique est vaincu et que le régime et nous sommes face à face, ils hésitent à choisir leur camp. »

  • Enquête sur ces enfants embrigadés en Irak et en Syrie

    Ils ont une quinzaine d’années, parfois moins encore, et sont recrutés de force par les groupes armés de tous bords, notamment les milices chiites anti-Daech. Les #enfants_soldats sont toujours plus nombreux dans les conflits qui déchirent le #Moyen-Orient, malgré les dénégations des différentes factions militaires.


    https://www.courrierinternational.com/article/enquete-sur-ces-enfants-embrigades-en-irak-et-en-syrie
    #enfants-soldat #Irak #Syrie #guerre #conflit #enfants #enfance

  • Alors que Trump s’emmêle les pinceaux, le maître d’échecs Poutine va au Caire
    Par M K Bhadrakumar – Le 12 décembre 2017 – Source Russia Insider | Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
    http://lesakerfrancophone.fr/alors-que-trump-semmele-les-pinceaux-le-maitre-dechecs-poutine-va

    L’objectif personnel des États-Unis concernant Jérusalem ouvre une fenêtre pour que la Russie renforce son statut d’acteur le plus créatif et le plus positif dans la politique au Moyen-Orient. Quatre jours après l’annonce du président Trump sur Jérusalem, le président Vladimir Poutine entreprend des « visites de travail » imprévues en Égypte et en Turquie.

    Jeudi, le ministère russe des Affaires étrangères a publié une longue déclaration critiquant la décision américaine sur Jérusalem en affirmant :

    « Nous pensons qu’une solution juste et durable à l’interminable conflit israélo-palestinien devrait être fondée sur le droit international, y compris les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale qui règlent tous les aspects du statut final des territoires palestiniens, y compris la question extrêmement délicate de Jérusalem, par des négociations directes israélo-palestiniennes. La nouvelle position des États-Unis sur Jérusalem peut compliquer davantage les relations israélo-palestiniennes et la situation dans la région (…) La Russie considère Jérusalem-Est comme la capitale du futur État palestinien et Jérusalem-Ouest comme la capitale de l’État d’Israël. »

    La Russie s’est positionnée de manière appropriée avec la rue arabe. Mais la question de Jérusalem n’est pas ce qui amène Poutine au Caire. L’analyse du Kremlin signalait la nécessité d’« établir la stabilité et la sécurité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ». Ce qui signifie la Libye, le Sinaï et la Syrie et, dans une certaine mesure, le Yémen – dans cet ordre, peut-être.(...)

  • #Egypte : des enfants retirés à leur mère pour cause d’#athéisme - Moyen-Orient - RFI
    http://www.rfi.fr/moyen-orient/20171224-egypte-enfants-retires-mere-cause-atheisme

    Au Caire, une mère a été privée de ses deux enfants parce qu’athée. C’est le tribunal des affaires familiales de la ville qui a prononcé dimanche 24 décembre ce jugement sans précédent. La décision de justice intervient en pleine campagne de chasse à l’athéisme [...]

    « #modérés » (terminologie #MSM) #dirigeants_arabes #indigents_arabes

  • Trump ou la diplomatie du choc
    http://www.laviedesidees.fr/Trump-ou-la-diplomatie-du-choc.html

    La reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël marque un revirement historique. Si ses effets juridiques sont nuls, le statut de la #ville restant le même au regard du droit international, elle traduit toutefois une recomposition des alliances au Moyen-Orient, et pourrait avoir des conséquences politiques profondes.

    Essais & débats

    / ville, #Nations_unies, #frontières, #conflit_israélo-palestinien

    #Essais_&_débats

  • Des leçons d’#autodéfense pour lutter contre la violence sexiste | HCR http://www.unhcr.org/fr-fr/news/stories/2017/12/5a2f95e9a/lecons-dautodefense-lutter-contre-violence-sexiste.html

    Avant que son activisme ne provoque les menaces qui l’ont menée à fuir son Yémen natal, Layla, 35 ans, a lutté passionnément pendant 10 ans pour défendre des #femmes qui avaient survécu à la violence. Aujourd’hui, elle a appris à se défendre aux côtés d’autres femmes réfugiées, grâce au premier centre d’auto-défense exclusivement dédié aux femmes du Moyen-Orient.

  • « Les réfugiés syriens pourraient reprendre le chemin de l’Europe »
    https://www.mediapart.fr/journal/international/161217/les-refugies-syriens-pourraient-reprendre-le-chemin-de-l-europe

    Les pays limitrophes de la #Syrie ne reçoivent que la moitié des financements attendus pour faire face aux 5,3 millions de réfugiés qu’ils accueillent. Amin Hawad, responsable du Moyen-Orient et de l’Afrique au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, met en garde contre cette situation potentiellement explosive.

    #International #crise_des_réfugiés #ONU #UNHCR