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  • Sahel, les militaires évincent le Quai d’Orsay, par Rémi Carayol (Le Monde diplomatique, juillet 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/07/CARAYOL/60053

    Lorsque, en février dernier, l’aviation française bombarde une colonne de chars de l’Union des forces de la résistance (UFR), un mouvement de l’opposition armée tchadienne, les commentateurs ne manquent pas de rappeler la longue histoire des ingérences de l’ancien colonisateur au Tchad (1). Cette opération, au cours de laquelle plusieurs membres de l’UFR auraient été tués, se singularise sur un point : pour la première fois depuis très longtemps, Paris assume pleinement l’utilisation de la force dans une affaire de politique intérieure mettant à mal son allié, le pourtant peu démocrate président Idriss Déby Itno (2).

    La France « ne se contente plus de créer les conditions favorables à une victoire de l’armée tchadienne : elle bombarde elle-même les rebelles », note ainsi la politiste Marielle Debos. Reprenant la propagande du régime autocratique tchadien, pour qui les rebelles ne sont que des « terroristes », le ministre des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, compare même l’intervention de l’aviation française au déclenchement de l’opération « Serval » au Mali. En janvier 2013, celle-ci avait stoppé l’offensive d’une colonne de djihadistes qui menaçaient Bamako.

    Élu en 2011, puis réélu en 2016, le président nigérien Mahamadou Issoufou paraît aussi intouchable que son homologue tchadien, en dépit des nombreuses atteintes à la liberté d’expression dans son pays. M. Issoufou donne carte blanche à l’armée française, laquelle dispose d’une base à Niamey, d’où décollent ses drones pour, officiellement, surveiller les mouvements terroristes dans le Sahel (3). « Parce que c’est ancré dans leur culture, les militaires pensent que, pour faire face à la menace terroriste, il faut un homme fort à la tête du pays, nous explique un diplomate français en poste dans cette zone et ayant requis l’anonymat. Ils ne veulent pas comprendre que le soutien apporté à des autocrates peut aussi pousser des personnes à rejoindre les groupes terroristes, ou du moins à en devenir des sympathisants. »

    Or l’influence politique et diplomatique de l’état-major français ne cesse de grandir avec l’intensification de l’engagement militaire de Paris dans la zone saharo-sahélienne depuis 2013. « Aujourd’hui, au Sahel, l’aspect sécuritaire l’emporte sur tout, constate, amer, le même diplomate. Par conséquent, les militaires sont devenus des interlocuteurs jugés essentiels par les responsables politiques. Leurs analyses priment sur les nôtres. »

    Dans certains pays sahéliens, les officiers français sont les premiers interlocuteurs des chefs d’État, avant même les ambassadeurs. Ambassadrice à N’Djamena de 2013 à 2016 puis à Bamako de 2016 à 2018, Mme Évelyne Decorps ne manquait pas de s’irriter ouvertement de cette « concurrence ».

    Des officiers désinhibés
    Rappelée prématurément à Paris en 2018, elle a été nommée administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) — un poste considéré comme un placard. Le Quai d’Orsay bruisse de rumeurs selon lesquelles les militaires auraient obtenu sa tête. Sa mésaventure illustre la dérive d’une diplomatie réduite à accompagner les choix des militaires — et parfois à en assurer le service après-vente : collaboration sur le terrain avec des milices armées, voire des groupes rebelles (au Niger et au Mali notamment), refus catégorique d’entamer des négociations avec l’ennemi, etc.

    Cette évolution est le fruit de deux tendances lourdes et d’un concours de circonstances qui a accéléré le processus à partir de 2013. La première tendance tient à l’affaiblissement du ministère des affaires étrangères. « Les militaires ne font qu’occuper la place laissée vacante par les diplomates », souligne ainsi M. Laurent Bigot, ancien sous-directeur chargé de l’Afrique de l’Ouest au Quai d’Orsay, limogé en 2013 à la suite d’un différend avec le ministre de l’époque, M. Laurent Fabius. En trois décennies, le ministère a perdu 53 % de ses effectifs, dont une grande partie sur le continent africain. En 2017, un avis parlementaire évaluait à 40 % la réduction des effectifs sur la zone Afrique et océan Indien durant les dix dernières années (4). Pour expliquer cette amputation spécifique, les diplomates affirment que l’Afrique n’est pas considérée comme une destination noble au Quai d’Orsay. « Au contraire, soulignent les chercheuses Aline Leboeuf et Hélène Quénot-Suarez, l’Afrique est une marque d’expérience — voire de fierté — dans un parcours militaire », ce qui explique que « les militaires ont sans doute eu moins de difficultés à investir ce champ et à “remplacer” parfois les diplomates » (5).

    Parallèlement à la perte d’influence du Quai d’Orsay, une deuxième tendance peut être observée depuis trente ans : le retour en force des militaires dans la vie publique et même dans les choix politiques et diplomatiques — ce que Grégory Daho nomme la « revanche des généraux (6) ».

    Selon ce maître de conférences à l’université Paris-I, les officiers, longtemps réduits au silence après la guerre d’Algérie, sont de plus en plus désinhibés face aux politiques. Depuis les années 1990, explique-t-il, « la technicisation des opérations extérieures et la bureaucratisation des procédures (...) ont favorisé la réintégration partielle des officiers généraux au cœur des circuits décisionnels relevant de la politique étrangère ». Leur expertise s’impose de plus en plus. Or, poursuit Daho, s’il existe un terrain avec lequel l’armée a gardé le contact, c’est bien l’Afrique, où la France entretient une présence technique et militaire depuis les indépendances. Selon lui, « les professionnels des interventions en Afrique constituent désormais le réservoir de compétences disponibles ». Partisans d’une stratégie offensive et non plus attentiste comme ce fut le cas durant la guerre froide, ils en maîtrisent la tactique et les manœuvres. Ils ont ainsi bénéficié du « rééquilibrage entre dissuasion et projection » observé ces vingt dernières années, notamment au sein de l’Alliance atlantique, et du retour en force des doctrines contre-insurrectionnelles promues par les « glorieux anciens de la pacification coloniale », les maréchaux Joseph Gallieni et Thomas Bugeaud, pour imposer leurs vues.

    La marginalisation des diplomates aboutirait « à une perte de qualité dans les analyses, notamment en raison de l’éloignement avec le terrain, mais aussi d’erreurs en matière de recrutement, s’inquiète encore M. Bigot. Le Quai n’est plus une source de propositions. Les militaires, eux, occupent le terrain. Ils produisent beaucoup plus d’idées que les diplomates. Des idées de militaires... ». Le soutien aveugle de la France au falot président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta pourrait ainsi s’expliquer par sa complaisance envers l’armée française, à laquelle il accorde toute latitude sur son territoire (7).

    L’influence des militaires grandit également à l’Élysée. Chef des armées, le président donne l’ordre d’engagement pour les opérations extérieures (OPEX) (8). « L’état-major particulier du président de la République, souligne un rapport parlementaire, occupe aussi un espace sans cesse croissant, et beaucoup de décisions sont prises par des acteurs hors la sphère diplomatique (9). » Chef d’état-major particulier des présidents Nicolas Sarkozy (2007-2012) puis François Hollande (2012-2017), le général Benoît Puga a ainsi joué un rôle majeur dans le déclenchement de l’opération « Serval » en 2013 : il a convaincu M. Hollande d’ordonner dans l’urgence l’engagement des forces spéciales. Parfois surnommé le « M. Afrique » de la France, cet officier est issu des troupes de marine, dont l’histoire est intimement liée à celle de la colonisation. L’implication de M. Le Drian, alors ministre de la défense, a également été décisive. « À l’époque, rappelle un diplomate, Fabius était le ministre des affaires étrangères, mais il ne s’intéressait pas beaucoup à l’Afrique. Et il n’avait pas l’oreille du président. Au contraire de Le Drian, qui était un proche de Hollande, et qui est devenu incontournable après les déclenchements coup sur coup de l’opération “Serval”, puis de l’opération “Sangaris” en Centrafrique en 2013. »

    M. Le Drian, devenu ministre des affaires étrangères de M. Emmanuel Macron en 2017, pose dorénavant en principal interlocuteur des chefs d’État du pré carré africain ; son cabinet a pris le dessus sur la cellule Afrique de l’Élysée ainsi que sur l’administration du Quai d’Orsay. Manifestant peu d’intérêt pour le respect des droits humains, le ministre a tissé des relations personnelles avec M. Déby, mais aussi avec le président du Congo Denis Sassou Nguesso, ou encore avec le chef de l’État égyptien Abdel Fattah Al-Sissi.

    Face à l’essor des mouvements djihadistes, le prisme sécuritaire produit une vision binaire, selon laquelle il s’agirait d’un combat entre le « Bien » et le « Mal ». Or certains groupes armés s’apparentent plus à des mouvements très localisés, guidés par des revendications sociales et économiques, qu’à des terroristes « fous de Dieu ». Une fois cette réalité balayée, il est inenvisageable de négocier avec eux, comme l’avait suggéré la conférence d’entente nationale organisée par les autorités maliennes en avril 2017. « Nous sommes engagés dans un combat sans ambiguïtés contre ceux qui se revendiquent du terrorisme. Et donc il n’y a qu’un moyen, il n’y en a pas deux », avait alors déclaré le ministre des affaires étrangères de l’époque de M. Jean-Marc Ayrault, enterrant l’initiative.

    Depuis quelques années, l’Agence française de développement (AFD) subit elle aussi l’influence de l’armée. Interrogé par les députés le 22 mai dernier, le directeur général de l’AFD Rémy Rioux confirme avoir « souhaité dès [son] arrivée à la tête de l’AFD aller beaucoup plus loin sur le thème sécurité et développement avec l’état-major des armées ». Cette collaboration s’est concrétisée par l’échange d’agents de liaison : un officier est détaché au sein de l’AFD tandis qu’un fonctionnaire de l’AFD est en poste au quartier général de « Barkhane » à N’Djamena. Chaque mois se réunissent diplomates, acteurs du développement et militaires au Quai d’Orsay. Même les instituts de recherche associent les mondes de l’université et de l’armée.

    Du côté des militaires, on se frotte les mains. De leur point de vue, la coopération civilo-militaire (Cimic), qui désigne l’ensemble des activités visant à coordonner les relations entre les organisations militaires et les acteurs civils sur une zone d’intervention, « permet de faciliter l’acceptation de la présence des forces auprès des populations locales », note encore Daho. Pour eux, les intérêts militaires l’emportent sur toute autre considération. Il est ainsi de plus en plus souvent demandé à l’AFD de financer des projets dans les zones où intervient l’armée. En revanche, chez les chercheurs et agents des politiques de développement, cette étroite collaboration fait grincer des dents. « Ce n’est pas simple, note sobrement un cadre de l’AFD. Ces deux milieux n’ont pas la même culture. Les acteurs du développement doivent penser au temps long, quand les militaires pensent au temps court. »

    Creuser un puits, construire un dispensaire ou un marché, distribuer de la nourriture : les militaires veulent des projets visibles dans le but de gagner le plus rapidement possible « les cœurs et les esprits » des habitants des zones dans lesquelles ils opèrent. Mais, pour les « développeurs », cette stratégie menée indépendamment des autorités nationales est à double tranchant : elle risque de délégitimer un État déjà mis à mal dans ces régions isolées et ainsi d’accentuer la méfiance des populations locales envers l’autorité publique.

    Cette conception, dite des « 3 D » (diplomatie, défense, développement), longtemps négligée en France, a été érigée en priorité par M. Macron. Les partisans de cette approche intégrée prennent soin de la différencier de l’approche globale adoptée par les États-Unis en Irak et en Afghanistan, qui fait interagir les stratégies militaires, économiques, sociales et diplomatiques, notamment en mettant en place des équipes civilo-militaires chargées de soutenir les autorités locales reconnues. Selon M. Jean-Marc Châtaigner, envoyé spécial de la France pour le Sahel, qui ne dédaigne pas la langue de bois, la méthode américaine vise en premier lieu à faire accepter la présence militaire, tandis que « l’approche intégrée [à la française] n’induit aucune hiérarchie des objectifs recherchés, mais la recherche de leur combinaison optimale en vue du retour à une paix durable ».

    L’efficacité d’une telle vision reste pourtant à démontrer. Depuis que la France est intervenue au Mali en 2013, l’armée a tué plusieurs centaines de djihadistes présumés, dont certains chefs ; elle a détruit des dizaines de caches dissimulant des véhicules et des armes, et a creusé un grand nombre de puits pour les civils. Pourtant, les violences se sont multipliées dans l’ensemble de la zone saharo-sahélienne, et le nombre de morts parmi les populations n’a cessé d’augmenter, particulièrement ces deux dernières années. Débordant très largement de leurs fiefs situés dans le nord du Mali et dans le Sud libyen, les groupes « terroristes » ont étendu leur mainmise dans le centre du Mali, dans le nord et l’est du Burkina Faso et dans le nord-ouest du Niger. Ils menacent désormais les pays côtiers de l’Afrique occidentale, comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin.

    Des groupes d’autodéfense communautaires ont émergé, se livrant à des massacres réciproques de civils. Au Mali, les attaques de village se sont multipliées ces dix-huit derniers mois. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, elles ont fait plus de 600 morts entre mars 2018 et mars 2019 et ont provoqué le déplacement de plus de 66 000 personnes. Le 23 mars 2019, une milice dogon, Dan Na Ambassagou, a ainsi assassiné 157 habitants du village peul d’Ogossagou, situé dans le centre du Mali ; elle a incendié une partie du village. Des tueries ont également été signalées au Burkina Faso et au Tchad. Les armées nationales sont accusées d’avoir elles-mêmes exécuté des civils au cours d’opérations de « pacification ». « Malgré la généralisation de forces locales ou étrangères, le renforcement des contingents, les réponses globales combinant subtilement les impératifs de sécurité et de développement, les engagements financiers colossaux, on s’enfonce », constatait récemment le général Bruno Clément-Bollée, ancien directeur de la coopération de sécurité et de défense au ministère des affaires étrangères (10).

    La « spirale négative » du « tout sécuritaire » a montré ses limites, estime ce dernier. La présence de plus de 13 000 casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (dont 122 militaires ont été tués depuis six ans) et de près de 4 500 soldats français, auxquels s’ajoutent les armées nationales et quelques centaines de militaires américains, italiens et allemands positionnés un peu partout dans la région, principalement au Niger, n’a pas permis d’inverser la tendance. Loin de là.

    Rémi Carayol

    Journaliste.
    (1) Marielle Debos, « Que fait l’armée française au Tchad ? », Libération, Paris, 8 février 2019.

    (2) Lire Delphine Lecoutre, « Le Tchad, un ami indispensable mais encombrant », Manière de voir, n° 165, « France-Afrique, domination et émancipation », juin-juillet 2019.

    (3) Lire « Les migrants dans la nasse d’Agadez », Le Monde diplomatique, juin 2019.

    (4) Ladislas Poniatowski et Bernard Cazeau, « Action extérieure de l’État : action de la France en Europe et dans le monde », avis n° 110, t. 1, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Paris, 23 novembre 2017.

    (5) Aline Leboeuf et Hélène Quénot-Suarez, « La politique africaine de la France sous François Hollande », Institut français des relations internationales (IFRI), Paris, 2014.

    (6) Grégory Daho, « L’érosion des tabous algériens, une autre explication de la transformation des organisations militaires en France », Revue française de science politique, Paris, vol. 64, no 1, février 2014.

    (7) Lire « Au Mali, la guerre n’a rien réglé », Le Monde diplomatique, juillet 2018.

    (8) Lire Philippe Leymarie, « De N’Djamena à Kaboul, opérations françaises secrètes », Le Monde diplomatique, mars 2008.

    (9) Jean-Claude Guibal et Philippe Baumel, « La stabilité et le développement de l’Afrique francophone », rapport d’information n° 2746, commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Paris, 6 mai 2015.

    (10) Bruno Clément-Bollée, « Au Sahel, arrêtons le(s) massacre(s) ! », Jeune Afrique, Paris, 6 juin 2019.

    #Afrique #Sahel #Sécurité #Armée_française #Aide_française

  • Les bras de fer diplomatiques et postcoloniaux reprennent dans l’océan Indien
    https://www.mediapart.fr/journal/international/180619/les-bras-de-fer-diplomatiques-et-postcoloniaux-reprennent-dans-l-ocean-ind

    Les Chagossiens, ces créoles déportés de leur archipel en 1971, ont remporté en février dernier une victoire juridique décisive face au gouvernement britannique. Après quoi, le 22 mai 2019, l’ONU a adopté une résolution qui rebat les cartes des revendications postcoloniales dans l’océan Indien. La France est concernée à de nombreux titres.

    #outre-mer #décolonisation,_Océan_indien,_Iles_Eparses,_France,_Grande-Bretagne,_Chagos

  • Chagos : l’ONU somme Londres de rendre l’archipel de l’océan Indien à l’île Maurice
    https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/maurice/chagos-l-onu-somme-londres-de-rendre-l-archipel-de-l-ocean-indien-a-l-i


    Au milieu de l’océan Indien, Diego Garcia, la plus grande des îles de l’archipel des Chagos, est devenue en 1966 une base militaire conjointe britannique et américaine d’importance, au détriment des habitants.
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    Les Chagos se trouvent au cœur d’un litige vieux de cinq décennies, depuis la décision britannique de séparer en 1965 cet archipel de l’île Maurice et d’y installer une base militaire commune avec les Etats-Unis sur l’île principale de Diego Garcia.

    Cinglant revers pour le Royaume-Uni. Le 22 mai 2019, à l’Assemblée générale de l’ONU, une majorité de pays lui a demandé de rétrocéder l’archipel des Chagos à l’île Maurice, d’ici au mois de novembre. L’ensemble, constitué de 55 îles, abrite une base conjointe britannique et américaine, stratégique.

    Initiée par les autorités mauriciennes de Port-Louis, une résolution de rétrocession, non contraignante, mais à forte valeur politique, a été adoptée par 116 pays, six s’exprimant contre, dont le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie et la Hongrie. Cinquante-six Etats ont choisi l’abstention. Les pays africains ont, en revanche, voté massivement en faveur de la résolution.

  • Crise dans le #Golfe : les enjeux géostratégiques du #détroit_d’Ormuz
    https://www.france24.com/fr/20190514-crise-golfe-enjeux-geostrategiques-detroit-ormuz-iran-oman-emirat

    Le détroit d’#Ormuz, qui permet aux navires de quitter le Golfe, est un petit bras de mer large de 50 km environ, 40 km dans sa partie la plus étroite. Ses eaux étant peu profondes (pas plus de 60 m de profondeur), les navires en provenance de l’océan Indien doivent emprunter un premier chenal de navigation entre les îles omanaises de Quoin et Ras Dobbah, en face de la péninsule du Musandam, avant de s’engager dans un chenal parsemé de trois îles : la Grande Tomb, la Petite Tomb et Abou Moussa. Ces dernières sont contrôlées par l’Iran depuis 1971, et revendiquées depuis par les Émirats arabes unis.

    C’est par ces chenaux de navigation, qui mesurent près de 3 km de largeur chacun, qu’ont transité plus de 18 millions de barils de #pétrole (brut et condensat) par jour pendant le premier semestre de 2018, soit plus de 35 % du pétrole transitant par voie maritime dans le monde, selon l’Agence d’information sur l’énergie du gouvernement américain (AIE). Un chiffre auquel il faut ajouter, selon un rapport du Service de recherches du Congrès américain, 4 millions de barils de produits pétroliers par jour, et plus de 300 millions de mètres cubes de #gaz naturel liquéfié (GNL) par jour.

    En moyenne, plus d’une trentaine de pétroliers et méthaniers quittent le Golfe par le détroit chaque jour, majoritairement en direction des pays asiatiques, notamment la Chine, le Japon, l’Inde et la Corée du Sud. Les pays de l’Union européenne et les #États-Unis figurent également parmi les clients des #pétromonarchies du Golfe. Selon les experts, une fermeture du détroit équivaudrait à retirer une dizaine de millions de barils de pétrole par jour du marché international. Par ailleurs, le détroit est également une porte d’entrée commerciale vitale pour les pays de la région, très dépendants des importations, ce qui en fait un des principaux corridors du #commerce international.

    Si ses eaux sont partagées entre la République islamique d’Iran et le sultanat d’Oman, le détroit d’Ormuz est un couloir international, et en principe tous les navires, quel que soit leur pavillon, bénéficient du droit de passage en transit, conformément à la Convention des #Nations_unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982, et au droit international coutumier de la mer. Le Golfe est l’une des régions les plus militarisées au monde, qui concentre une grande partie des importations mondiales d’armement. De leur côté, les États-Unis disposent dans la région d’une forte présence militaire, à travers plusieurs bases hautement stratégiques. Ainsi la Ve Flotte américaine est stationnée à Bahreïn, tandis que le Qatar accueille la plus grande base aérienne américaine au #Moyen-Orient. La France, quant à elle, compte une base militaire à Abu Dhabi, dans les Émirats arabes unis. Ces derniers jours, le #Pentagone a dépêché dans la région un porte-avions, un navire de #guerre, des bombardiers B-52 et une batterie de missiles Patriot, évoquant des menaces de l’Iran ou de ses alliés contre des ressortissants ou des intérêts américains au Moyen-Orient.

  • L’Australie exporte ses réfugiés

    Au nom de la lutte contre les passeurs, Canberra sous-traite une partie de sa gestion des demandeurs d’asile à des pays tiers. Cette politique d’externalisation inspire les gouvernements européens et indigne les défenseurs des droits humains, tant les réfugiés s’y réduisent à une monnaie d’échange.

    C’est un petit restaurant dans une ruelle du sud de Phnom Penh, un comptoir, quelques tables et une odeur de falafels. Mideast Feast propose des spécialités syriennes et libanaises. Une rareté dans une capitale certes cosmopolite mais où les ressortissants du Proche-Orient ne sont pas légion. Du Cambodge M. Abdullah Zalghanah, le propriétaire, ne connaissait rien, jusqu’à ce qu’il y soit parachuté.

    M. Zalghanah est syrien. Il y a huit ans, il était encore boulanger et restaurateur à Deraa, où il vivait avec son épouse et leurs quatre enfants. Puis, comme tant d’autres, il a fui sa ville, devenue un champ de bataille, jusqu’au Liban. Il y a laissé sa famille pour se mettre en quête d’un pays d’accueil. « Je ne voyais pas d’avenir pour mes enfants au Liban, avec les milices de Bachar Al-Assad traquant les réfugiés, la situation économique et les conséquences de la guerre », raconte-t-il. En 2012 débute un long périple qui le mènera de l’autre côté du monde, porté par l’espoir de rejoindre l’Australie, un pays « paisible » où, lui a-t-on dit, « on peut se reconstruire une vie en six mois ». « Dans la communauté syrienne, il se disait que l’Australie était une meilleure option que l’Europe. Et j’avais un frère là-bas, qui y était parti avant la guerre », explique-t-il. On le met en contact avec des passeurs, qui l’expédient en Indonésie. Là, il doit prendre un bateau avec soixante et onze autres personnes. Une simple barque à moteur, pour une traversée de plus de quatre cents kilomètres jusqu’à l’île Christmas, territoire australien perdu au milieu de l’océan Indien. « Le voyage a été terrible. Au bout d’une journée, l’un des deux moteurs a cessé de fonctionner. Plus d’une fois, j’ai cru que nous allions mourir. » Quatre jours et une nuit d’angoisse, jusqu’à ce que les passeurs indonésiens les abandonnent sur une plage. Là, ils sont cueillis par des gardes australiens et menés dans un centre de rétention. En cet été 2013, plus de deux mille personnes s’y entassent : des demandeurs d’asile, en attente de transfert dans l’un des camps de détention sur l’île-État de Nauru ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Aucun ne pourra jamais rejoindre l’Australie. Car, quelques mois plus tôt, Canberra a réactivé et durci sa politique radicale de refoulement des boat people — ce qu’on appelle la « solution du Pacifique ».

    Lancée au début des années 2000, cette politique repose sur des accords passés avec ses deux voisins pauvres. En échange d’une compensation financière, ces États acceptent de recevoir les demandeurs d’asile arrivés clandestinement. Le temps que leur dossier soit examiné, ils sont détenus dans des camps extraterritoriaux construits aux frais de Canberra et gérés par des sociétés privées sous contrat avec le gouvernement. Officiellement, il s’agit de lutter contre les réseaux de passeurs en décourageant toute tentative de rejoindre les côtes par bateau.

    Selon les organisations de défense des droits humains, l’Australie s’arrange avec le droit international, notamment avec le principe de non-refoulement figurant dans la convention de Genève sur les réfugiés, dont elle est signataire (1). Et sa méthode a fait école au sein de l’Union européenne, qui a mis au point des politiques d’« externalisation des frontières », tel l’accord avec la Turquie.

    En Australie, les conservateurs qui ont conçu cette stratégie de sous-traitance notent une nette diminution des arrivées clandestines : moins de 150 par an entre 2002 et 2008, contre 3 000 à 5 500 par an entre 1999 et 2001 (2). Toutefois, en 2007, un rapport d’Oxfam estime son coût total — des interceptions de bateaux aux frais de gestion des camps — à plus de 1 milliard de dollars australiens (625 millions d’euros) en six ans (3), pour la prise en charge de moins de 1 700 personnes. Sous le feu des critiques, la « solution du Pacifique » a été suspendue en 2008 par le gouvernement travailliste qui arrivait au pouvoir. Les camps de Nauru et de l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée) ont été vidés… pour être rouverts quatre ans plus tard.

    En réponse à un nouveau pic d’arrivées clandestines et de naufrages meurtriers (4), le gouvernement réactive les accords de coopération avec les deux États et durcit sa politique. Si l’Australie continue d’accueillir plusieurs milliers de demandeurs d’asile arrivés légalement sur son sol (5), elle affiche désormais une tolérance zéro vis-à-vis des clandestins. « Nul demandeur d’asile arrivé en Australie par bateau ne sera jamais autorisé à s’installer sur le territoire en tant que réfugié », assène le premier ministre Kevin Rudd (British Broadcasting Corporation, 19 juillet 2013). Peu importe la légitimité de sa demande de protection et les difficultés rencontrées pour la formuler. Un Syrien qui dépose une demande d’asile pour l’Europe ou l’Australie à partir d’un pays voisin où il a pu fuir, comme la Turquie ou le Liban, s’expose à un refus sous prétexte que la requête est émise d’un pays « sûr ». Obtenir un visa temporaire n’est pas moins ardu. Quant aux clandestins pris dans les filets de cette politique, ils auront le choix entre un vol retour vers leur pays d’origine et un transfert dans les camps extraterritoriaux — pour une durée indéterminée.
    Improbable accord avec le Cambodge

    Si l’accord passé avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée prévoit, en théorie, une installation permanente des réfugiés sur le territoire, dans les faits « les autorités ne leur octroient pas de statut légal », dénonce un rapport d’Amnesty International (6). Celles de Nauru refusent officiellement toute installation permanente. Les réfugiés reçoivent au mieux un visa de cinq ans, puis de dix ans, payé par les autorités australiennes. « Les camps extraterritoriaux, qui étaient à l’origine des lieux de transfert, sont ainsi devenus des centres de détention permanente, sans autre issue que le retour au pays », nous explique M. Ian Rintoul, porte-parole de la Refugee Action Coalition, une organisation non gouvernementale (ONG) australienne.

    Quand M. Zalghanah est transféré à Nauru, en avril 2014, environ 1 200 personnes y vivent. « Nous dormions à quarante dans de grandes tentes sales, sans aucune intimité. Il n’y avait que dix toilettes et dix douches sans porte. Nous n’étions pas des criminels, mais ce camp, c’était une prison. » Au-delà de ces conditions de vie insupportables, c’est sa situation, floue et sans issue, qui le détruit. « Nous étions tous sous antidépresseurs et sous somnifères pour pouvoir dormir. L’atmosphère n’a cessé de se dégrader, avec des rixes qui éclataient, mais surtout des suicides. Je me souviens d’un homme qui a avalé une boîte de pilules, d’un autre qui s’est immolé par le feu… » M. Zalghanah perd le compte, mais les disparus peuplent toujours ses cauchemars. En dépit des restrictions d’accès imposées par les autorités, plusieurs enquêtes successives dénoncent les conditions de vie des détenus. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dont une délégation s’est rendue à Nauru fin 2013, évoque une « détention systématique et arbitraire » contraire au droit international, et critique l’absence de solution à long terme pour des personnes maintenues dans l’incertitude (7).

    À partir de 2013, la campagne « Frontières souveraines », opération militaire de refoulement des navires clandestins vers leur point de départ, limite les arrivées. Mais il devient urgent de trouver une solution pour les quelque trois mille réfugiés entassés à Manus et Nauru. La Nouvelle-Zélande a bien proposé d’en accueillir cent cinquante chaque année, mais l’Australie a décliné l’offre, estimant qu’une telle perspective, trop alléchante, ne ferait que soutenir le commerce des passeurs. Canberra pense trouver son salut dans l’externalisation.

    Le 26 septembre 2014, M. Scott Morrison, alors ministre de l’immigration, annonce la signature d’un accord inédit avec le Cambodge. Négocié en secret, il prévoit l’installation sur le territoire cambodgien d’une partie des réfugiés parqués à Nauru, Phnom Penh recevant en échange 40 millions de dollars australiens (25 millions d’euros) sous forme d’aide au développement. Le voyage, l’accueil et l’installation des réfugiés sont également à la charge de l’Australie, laquelle prévoit d’y consacrer un budget global de 15 millions de dollars (9,4 millions d’euros), sans plus de précision.

    « L’un des pays les plus riches du monde a convaincu l’un des plus pauvres d’accueillir les réfugiés dont il ne veut pas », résume le magazine américain Foreign Policy (8), tandis que M. António Guterres, l’actuel secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, alors haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, critique une « inquiétante dérogation aux normes internationales (9) ». S’il ne viole pas explicitement le droit international, l’accord n’en constitue pas moins « un dangereux précédent qui porte atteinte à l’intégrité du système de partage des responsabilités à l’égard des réfugiés », analyse Madeline Gleeson, avocate et chercheuse à l’université de Nouvelle-Galles du Sud (10).

    « Avec cet accord, l’Australie espère avoir enfin trouvé la pièce manquante de sa politique d’asile extraterritorial : une solution de long terme », souligne la chercheuse. L’entente est au moins claire sur un point : les réfugiés doivent se porter volontaires. Or les prisonniers de Nauru n’accueillent pas la nouvelle avec enthousiasme. Alors que les ministres de l’intérieur australien et cambodgien sablent le champagne, une nouvelle vague de protestations agite les camps entre fin septembre et début octobre 2014. Quand les premières délégations cambodgiennes s’y rendent, début 2015, aucun volontaire ne se présente. « Dans les mois qui ont suivi, on nous a rapporté des pressions exercées sur les réfugiés, du chantage, de fausses promesses », dit M. Rintoul. En vain : seuls sept d’entre eux acceptent d’être envoyés au Cambodge.

    M. Zalghanah est du nombre. En 2016, il consent à sa relocalisation à Phnom Penh, à condition que l’Australie y rapatrie également sa famille restée au Liban. « Au début, ils disaient que le rapprochement familial était impossible. Mais, après un an, ils ont fini par me dire que ma famille me rejoindrait au bout de trois ou quatre mois », raconte-t-il. Débarquant dans la capitale cambodgienne en novembre 2016, il est pris en charge par l’antenne locale de l’Organisation internationale pour les migrations. Celle-ci le guide et l’héberge pendant trois mois, à l’issue desquels il lance un projet de restaurant grâce à une allocation de l’Australie. Mais, plus d’un an après son arrivée, le rapprochement familial est au point mort. M. Zalghanah craint d’être oublié, évacué dans les vieux papiers d’un accord raté. Car l’entente entre le Cambodge et l’Australie prenait officiellement fin à l’automne 2018. Son échec est si cuisant qu’elle ne sera pas reconduite. Sur les sept réfugiés transférés, quatre ont déjà quitté le pays.

    « Depuis le début, cet accord n’était qu’une vaste blague, dénonce M. Rintoul. Le gouvernement désespérait de trouver une issue à sa politique d’asile extraterritorial. En définitive, il a payé plus de 40 millions de dollars pour délocaliser sept personnes. On atteint des sommets d’absurdité. » Des tentatives de négociations similaires avec d’autres pays, dont le Kirghizstan, n’ont jamais abouti.

    Reste une issue possible : l’entente conclue avec les États-Unis lors des derniers mois de la présidence de M. Barack Obama selon laquelle Washington prendrait en charge jusqu’à 1 200 réfugiés des camps extraterritoriaux. Les clauses de l’accord de septembre 2016 n’ont pas été rendues publiques. Mais, le même mois, Canberra annonçait son intention d’accueillir un nombre non défini de demandeurs d’asile sud-américains actuellement dans des camps gérés par les États-Unis. De quoi alimenter les rumeurs d’« échange de réfugiés », malgré les dénégations du gouvernement australien (11). Contre toute attente, M. Donald Trump n’a pas mis un terme à l’arrangement. Si le président américain a jugé l’accord « stupide », il s’est engagé à l’honorer. Depuis l’automne 2016, 445 réfugiés relégués à Nauru et Manus ont obtenu l’asile aux États-Unis. Washington aurait refusé près de 200 autres personnes, parmi lesquelles de nombreux Iraniens. Et aucune nouvelle procédure de transfert n’a été annoncée.
    « Une population au-delà du désespoir »

    Selon un rapport du Parlement d’Australie, entre 2012 et 2017, la politique de détention extraterritoriale des demandeurs d’asile aurait coûté près de 5 milliards de dollars (plus de 3 milliards d’euros) à l’État, sans compter le budget de l’« aide au développement » prévue dans les accords régionaux. Une somme coquette pour la détention de 3 127 réfugiés et demandeurs d’asile, au total, depuis 2012. Mille quatre cents d’entre eux seraient toujours bloqués à Manus et Nauru. Si les camps sont désormais ouverts, les îles n’en restent pas moins des prisons pour ces hommes, femmes et enfants qui disposent dans les faits d’une liberté de circulation relative. Expulsée en octobre dernier par les autorités nauruanes après avoir passé onze mois auprès des réfugiés, l’ONG Médecins sans frontières décrit une population « au-delà du désespoir » et recense « un nombre alarmant de tentatives de suicide et de cas d’automutilation » (12). En décembre 2018, 1 200 réfugiés et demandeurs d’asile, soutenus par l’association National Justice Project, ont lancé une procédure judiciaire à l’encontre de l’État australien, accusé devant la Haute Cour d’emprisonnement arbitraire, de persécution, de torture et de crimes contre l’humanité.

    M. Zalghanah, lui, se considère comme un rescapé. En janvier dernier, après deux ans d’attente, sa famille est enfin arrivée au Cambodge.

    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/04/BJURSTROM/59709
    #asile #migrations #réfugiés #Cambodge #Australie #externalisation #réfugiés_syriens

    ping @albertocampiphoto

    v. aussi cette compilation qui parle du deal entre l’Australie et le Cambodge :
    https://seenthis.net/messages/476197

  • Le tabou de la traite arabo-musulmane des Africains : 14 siècles d’esclavage et 17 millions de victimes | Epoch Times
    https://m.epochtimes.fr/le-tabou-de-la-traite-arabo-musulmane-des-africains-14-siecles-desclava

    La traite des Noirs par les Arabes commença en 652 après J.-C., lorsque le général Abdallah ben Sayd imposa à Khalidurat, souverain du royaume de Nubie – un territoire situé entre le sud de l’Égypte et le nord du Soudan d’aujourd’hui –, la livraison de plus de 300 esclaves par an à travers la mise en place d’un traité appelé bakht.

    Dès lors, le commerce des esclaves noirs ne cessa de s’amplifier, gagnant une large part de l’Afrique. Il finira par s’étendre de la côte ouest du continent jusqu’à l’océan Indien, en passant par la mer Rouge.

    Un système de traite à grande échelle

    Bien qu’il soit difficile de donner des chiffres précis quant au nombre des victimes de ce sinistre trafic, plusieurs chercheurs comme Salah Trabelsi, Tidiane N’Diaye ou Malek Chebel, s’appuyant sur des documents d’époque ainsi que les travaux plus récents d’historiens comme Ralph Austen et Paul Bairoch, estiment que le nombre d’esclaves noirs concernés par la traite arabo-musulmane – également appelée traite trans-saharienne et orientale – serait compris en 15 et 17 millions.

    Sans compter les victimes collatérales tuées dans les combats pendant les rapts, et les captifs blessés ou jugés trop faibles pour être déportés qui étaient exécutés sur place.

    Selon Tidiane N’Diaye – anthropologue et écrivain franco-sénégalais, spécialiste des civilisations africaines et auteur du livre Le génocide voilé qui s’intéresse à la traite trans-saharienne et orientale –, pour une personne déportée, trois ou quatre autres étaient tuées.

    #esclavage

    • Il faudrait peut-être ne plus utiliser le mot « tabou » pour des choses connues de longue date. Aussi loin que je m’en souvienne, tous les bouquins traitant de la traite consacraient au moins un petit chapitre à la traite arabe (même si elle était souvent moins fouillée).
      Même la traite africaine n’est pas « tabou » pour les mêmes raisons.

  • La mondialisation de l’alimentation préhistorique a duré trois millénaires
    Les paysans ont commencé à transformer les régimes alimentaires à travers le vieux monde il y a 7 000 ans.

    Depuis le début de l’archéologie, les chercheurs ont balayé le monde à la recherche de preuves des premières cultures domestiquées. En extrayant minutieusement des morceaux d’orge, de blé, de mil et de riz calcinés dans les restes de foyers et de feux de camp antiques, ils ont publié des études affirmant qu’une région ou un pays en particulier avait été l’un des premiers à cultiver des céréales anciennes.
    Xinyi Liu, professeur adjoint d’anthropologie des arts et des sciences, université de Washington à Saint-Louis

    À présent, une équipe internationale de scientifiques, dirigée par Xinyi Liu de l’Université de Washington à Saint-Louis, a consolidé les résultats de centaines d’études afin de dresser une carte détaillée de la manière dont les anciennes cultures céréalières se sont répandues dans des poches isolées. civilisations à travers le vieux monde.

    "Le fait même que la" mondialisation alimentaire "dans la Préhistoire a duré plus de trois mille ans indique peut-être que l’un des principaux moteurs du processus était les besoins perpétuels des pauvres plutôt que des choix culturels plus éphémères des puissants au néolithique et à l’âge du bronze », a déclaré Liu, professeur adjoint d’anthropologie des arts et des sciences.

    Paru dans la revue Quaternary Science Reviews, l’étude illustre le consensus scientifique actuel sur le processus de mondialisation de l’alimentation préhistorique qui a transformé les régimes alimentaires en Eurasie et en Afrique du Nord il y a 7 000 à 3 500 ans.

    Les co-auteurs incluent des chercheurs de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni ; Université Zheijiang en Chine ; l’Institut lituanien d’histoire ; la Smithsonian Institution ; et l’Académie chinoise des sciences sociales à Beijing.

    L’étude suggère que la mondialisation alimentaire à l’époque de la préhistoire n’était pas motivée par les appétits exotiques des élites dirigeantes, mais par l’ingéniosité incessante de paysans pauvres qui recherchaient de nouveaux moyens de mettre un peu plus de nourriture sur leurs tables.

    "Les récents développements de la recherche déplacent l’attention de la chronologie et des voies vers les moteurs du processus de" mondialisation de l’alimentation "et prennent en compte le contexte dans lequel les innovations agricoles et alimentaires ont vu le jour et les agents impliqués", a déclaré Liu. "Ces études soulignent le rôle joué par les principaux agents de la production agricole, les agriculteurs ordinaires du passé."
    champ de millet
    Le mil, une base de l’alimentation ancienne, est toujours cultivé dans les contreforts des montagnes à travers l’Eurasie. (Photo : Xinyi Liu)

    En essayant de nouveaux types de semences, en labourant les champs un peu plus en amont ou en aval ou en décalant les temps de plantation et de récolte, les paysans ont utilisé une méthode empirique pour surmonter les défis climatiques et élargir les limites géographiques de la plantation de certains grains. . Progressivement, cette expérimentation a considérablement amélioré les rendements, car les agriculteurs ont appris à prolonger la saison de croissance en plantant des cultures de printemps et d’automne dans les mêmes champs.

    Alors que beaucoup de gens sont au courant de la propagation mondiale des cultures vivrières à la suite de l’exploration du Nouveau Monde - un processus connu sous le nom de Columbian Exchange - - Liu affirme que le processus de mondialisation alimentaire préhistorique a eu un impact tout aussi dramatique sur la culture vivrière dans le Vieux Monde.

    Le blé et l’orge se sont déplacés du sud-ouest de l’Asie vers l’Europe, l’Inde et la Chine, tandis que le mil et le mil ont pris la direction opposée : de la Chine à l’ouest. Rice a parcouru l’Asie de l’Est, du Sud et du Sud-Est ; Les mil et le sorgho africains ont traversé l’Afrique subsaharienne et l’océan Indien, a déclaré Liu.

    « Tandis que la plupart des aliments exotiques dont nous jouissons aujourd’hui sont le résultat de réseaux commerciaux modernes, le processus de mondialisation alimentaire a clairement ses racines dans la préhistoire », a déclaré Liu. « La mondialisation de l’alimentation était bien amorcée avant le Columbia Exchange et la révolution islamique agricole. Cela remonte à des millénaires, même la plus ancienne preuve matérielle d’un contact transeurasien, tel que la Route de la soie. »

    L’étude de Liu retrace les parcours de la ferme aux céréales de la ferme à la table, qui sillonnent les continents de l’Ancien Monde en trois vagues distinctes :

    Avant 5000 av. J.-C., les premières communautés agricoles se formèrent dans des poches isolées de contreforts fertiles et de bassins versants de ruisseaux où les conditions étaient optimales pour la culture de céréales sauvages originaires de la région. Les dispersions de cultures sont généralement limitées aux régions voisines largement compatibles en termes de climat et de saisonnalité.

    Entre 5000 et 2500 av. J.-C., les agriculteurs ont trouvé des moyens de faire pousser la culture de divers grains dans de vastes régions où des systèmes météorologiques compatibles avec les cultures étaient confinés à l’intérieur et séparés par des systèmes montagneux majeurs, tels que ceux associés au plateau tibétain et aux montagnes de Tianshan.

    Entre 2500 et 1500 avant JC, les paysans ont trouvé le moyen de dépasser les barrières naturelles et climatiques qui ont longtemps séparées l’est et l’ouest, le nord et le sud - maîtrisant la culture de céréales qui avaient évolué pour prospérer dans les altitudes extrêmes du plateau tibétain ou sous les pluies diluviennes des moussons asiatiques. Des systèmes agricoles précédemment isolés ont été mis en place, ouvrant la voie à un nouveau type d’agriculture dans laquelle les plantations de cultures locales et exotiques permettent des cultures multiples et des saisons de croissance prolongées.

    « L’ensemble du processus ne concerne pas seulement l’adoption, mais aussi le« rejet », qui reflète toute une gamme de choix faits par différentes communautés, parfois motivés par l’opportunité écologique dans des environnements inédits, parfois par un conservatisme culinaire », a déclaré Liu. "Comme le dit le vieil adage chinois : Ce qui a été longtemps uni, s’effondrera et ce qui a été longtemps divisé, finira par se réunir."


    https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379118307807?via%3Dihub

    Prehistoric food globalization spanned three millennia | The Source | Washington University in St. Louis
    https://source.wustl.edu/2019/02/prehistoric-food-globalization-spanned-three-millennia

    #Néolithique #diffusion_agriculture #Agriculture #8000BC
    #Anthropocene #Paleogeography #Global_Archaeobotany
    #Food_globalisation

    Xinyi Liu, Penelope J. Jones, Giedre Motuzaite Matuzeviciute, Harriet V. Hunt, Diane L. Lister, Ting An, Natalia Przelomska, Catherine J. Kneale, Zhijun Zhao, Martin K. Jones. From ecological opportunism to multi-cropping : Mapping food globalisation in prehistory. Quaternary Science Reviews, 2019 ; 206 : 21

    DOI : 10.1016/j.quascirev.2018.12.017

  • Remarques sur l’effondrement de l’Empire romain (par Ana Minski) – Le Partage
    http://partage-le.com/2019/03/de-leffondrement-de-lempire-romain-par-ana-minski

    Les éditions La Découverte ont récemment publié l’ouvrage de Kyle Harper, Comment l’Empire romain s’est effondré, le climat, les maladies et la chute de Rome. Kyle Harper, professeur d’histoire à l’université d’Oklahoma, renouvelle les connaissances sociales, environnementales et épidémiologiques de la chute de l’Empire. S’appuyant sur les dernières données archéologiques, historiques, climatiques et microbiennes, il rend compte du rôle important des changements climatiques, de l’exploitation de l’environnement et des maladies, principales causes de l’effondrement de la civilisation romaine.

    Les récentes études pluridisciplinaires intégrant les conditions climatiques, épidémiologiques et démographiques confirment que les peuples du Paléolithique bénéficiaient d’une structure sociale et d’une écologie des maladies bienveillantes[1]. La révolution néolithique, à l’origine de modes de vie exclusivement sédentaires, de régimes alimentaires plus monotones, d’habitats plus denses, de transformation des paysages, de nouvelles technologies de déplacement et de communication, permet à de nouveaux agents pathogènes de se développer. Les animaux de ferme constituent une partie du réservoir biologique d’où émergent les agents infectieux mais l’exploitation de l’environnement génère des destructions des écosystèmes, des déplacements et modifications de populations non humaines, principaux responsables de nouvelles formes de maladies. L’accroissement de la population, le développement de l’urbanisation, des moyens de subsistances nécessairement intensifs (agriculture et élevage) favorisent l’apparition d’agents infectieux toujours plus dangereux. L’état de santé des Romains, lié à l’impact environnemental de leur culture, était mauvais. « Chaque jour, on peut trouver dix mille personnes souffrant de la jaunisse et dix mille d’hydropisie » écrivit Galien qui n’ignorait pas la sagesse commune : « Quand l’année entière devient humide ou très chaude, survient nécessairement une très grande peste ». Les collines de Rome dominaient un marais, la vallée du fleuve, les bassins, les fontaines, étaient un refuge pour le moustique anophèle, vecteur du paludisme, l’un des principaux tueurs, avec la diarrhée :

    « En ville les rats grouillaient, les mouches pullulaient, les petits rongeurs couinaient dans les passages et les cours. Il n’y avait pas de théorie microbienne, on se lavait peu ou pas les mains, et la nourriture ne pouvait pas être protégée des contaminations. La cité ancienne était un lieu d’insalubrité maximale. Les maladies banales se répandant par contamination féco-orale, causes de diarrhées fatales, étaient sans doute la première cause de mortalité dans l’Empire romain. Hors des villes, la transformation du paysage a exposé les romains à des menaces tout aussi périlleuses. Les romains n’ont pas seulement modifié les paysages  ; ils leur ont imposé leur volonté. Ils ont coupé ou brûlé les forêts. Ils ont déplacé les rivières et asséché des lacs, construit des routes au travers des marais les plus impénétrables. L’empiétement humain sur de nouveaux environnements est un jeu dangereux. Il expose non seulement à de nouveaux parasites inhabituels mais peut provoquer une cascade de changements écologiques aux conséquences imprévisibles […] Les cités fétides de l’Empire étaient des boîtes de Petri grouillantes de parasites intestinaux. […] L’espérance de vie à la naissance variait entre vingt et trente ans. La force brutale des maladies infectieuses était, de loin, le facteur principal du régime de mortalité qui pesait de tout son poids sur la démographie. »

    Cet état de santé médiocre est confirmé par l’examen de la dentition qui montre un important défaut de croissance, l’hypoplasie linéaire de l’émail, qui survient au cours de l’enfance dans les cas de malnutrition et de maladie infectieuse. À l’époque de l’Empire, la civilisation romaine, fortement urbanisée et interconnectée, s’étend jusqu’au tropique, son centre écologique est la Méditerranée et ses parties occidentale et nordique sont sous l’influence de la zone climatique atlantique. La densité de l’habitat urbain, les transformations permanentes des paysages, le développement des routes terrestres et maritimes, contribuent à créer une écologie microbienne unique. Cet impact environnemental, combiné à l’évolution des pathogènes, stimule la propagation des infections chroniques, rendant plus vulnérables les populations, et permettant à la lèpre et à la tuberculose de profiter du système de circulation de l’Empire pour se développer et s’installer. La tuberculose, qui n’aurait pas plus de 5 000 ans, aime particulièrement les villes et laisse sa signature sur les os de ses victimes, ce qui permet aux archéologues de constater sa présence exceptionnelle sur les squelettes des siècles de domination romaine. Jusqu’au XXe siècle, elle est une cause importante de mortalité et reste encore aujourd’hui dangereuse. La lèpre, quant à elle, est connue depuis le IIe millénaire avant J.C. en Inde, mais commence véritablement à se développer dans le contexte archéologique de l’empire romain. Le drame de l’histoire des maladies est le résultat de la collusion permanente entre l’évolution des agents pathogènes et les rencontres humaines. Les croissances territoriale, commerciale et démographique de la civilisation romaine participent à l’explosion souterraine des maladies jusqu’à donner naissance aux premières pandémies.

    L’optimum climatique romain (OCR) est une période de climat chaud, humide et invariable qui domine la plus grande partie du cœur méditerranéen de 200 avant J.-C. à 150 après J.C. La civilisation romaine profite de ce climat bénéfique pour urbaniser des zones jusque-là difficiles à domestiquer. Pour répondre aux exigences de croissances économique et démographique qui caractérisent toute civilisation, l’urbanisation et l’agriculture colonisent la nature, créant des écosystèmes favorables à l’évolution des agents pathogènes : « Les Romains furent submergés par les forces de ce que l’on appelle l’émergence des maladies infectieuses. » Pour lutter contre une forte mortalité infantile causée par le développement des virus, bactéries et parasites, un taux de fertilité élevé est nécessaire, ce qui pèse lourdement sur le corps des femmes chargées de repeupler les rangs. La loi romaine autorise les filles à se marier dès l’âge de 12 ans. Il n’y a pas de célibataire dans le monde romain et le mariage est un engagement à procréer : « Les femmes sont habituellement mariées pour les enfants et la succession, et non pas d’abord pour le plaisir. »[2] À partir d’Auguste, l’État met en place une politique nataliste qui pénalise les personnes sans enfant et encourage la fécondité. Les femmes ont en moyenne six enfants. La principale source de croissance démographique dans l’Empire n’est pas un déclin de la mortalité mais une fertilité importante. Les Romains vivent et meurent en affrontant des vagues incontrôlées de maladies infectieuses. La terre est le principal facteur de production, et l’augmentation démographique oblige à cultiver des terres toujours moins fertiles pour en tirer toujours davantage. Ce besoin expansionniste, intrinsèque à toute civilisation, est l’un des principaux responsables des destructions environnementales :

    « L’augmentation de la population a poussé des personnes à s’installer dans les marges. Mais, de plus, le réseau serré des échanges était un encouragement pour les paysans à s’installer dans des zones où les risques étaient plus importants. Les connexions limitaient les conséquences les plus graves des années de sécheresse. Et la croissance des marchés nourrissait l’expansion entrepreneuriale et les institutions romaines poussaient exprès les paysans à occuper des terres situées aux marges. La circulation des capitaux a favorisé une explosion des travaux d’irrigation dans les régions semi-arides. L’essor économique de l’Afrique romaine a été favorisé par la construction d’aqueducs, de puits, de citernes, de terrasses, de barrages, de réservoirs et de foggaras (de longues canalisations souterraines permettant le transport de l’eau des sommets aux zones cultivées). Les technologies hydrauliques soit d’inspiration indigène soit de nature impériale se retrouvaient dans les hautes terres comme dans les vallées. Grâce à ces dispositifs l’eau était soigneusement collectée et exploitée dans les zones semi-arides occupées comme jamais auparavant par de nouvelle populations. […] Le désert a gagné des zones qui étaient sans conteste cultivées pendant l’OCR. »

    L’Empire, consommateur vorace de sources d’énergie et de matériaux, dénude les montagnes de leur manteau sylvestre, autrefois dense. Cette déforestation est à l’origine des inondations catastrophiques dont est régulièrement victime l’Empire romain, inondations quasiment inexistantes au Moyen-Âge, lorsque les montagnes se recouvrent à nouveau d’arbres. La croissance territoriale et démographique s’accompagne d’un développement commercial toujours plus frénétique et débridé :

    « … cargaison d’or, d’argent, de pierres précieuses, de perles, de fin lin, de pourpre, de soie, d’écarlate, de toute espèce de bois de senteur, de toute variété d’objets d’ivoire, ou en bois très précieux, en airain, en fer et en marbre, de cinnamome, d’aromates, de parfums, de myrrhe, d’encens, de vin, d’huile, de fine farine, de blé, de bœufs, de brebis, de chevaux, de chars, de corps et d’âmes d’hommes. »[3]

    Les marchands, toujours en quête de soie et d’épices, d’esclaves et d’ivoire, ne cessent de franchir le Sahara le long des routes commerciales, traversent l’océan Indien en passant par les ports de la mer Rouge, transportant les animaux exotiques destinés à être massacrés au cours des spectacles romains. Le vivant ayant perdu toute valeur intrinsèque, les autres espèces n’existent plus que pour servir la démesure des Empereurs et de l’élite. Le citoyen romain, incapable de remettre en question l’idéologie de la croissance démographique et économique, incapable d’envisager le monde et ses existants autrement que comme un grenier dont il peut user et abuser, assiste à la mise en scène de la surpuissance de Rome :

    « Les créatures les plus étranges capturées dans le monde entier – un véritable zoo – furent offertes au peuple et massacrées sous ses yeux : trente-deux éléphants, dix élans, dix tigres, soixante lions, trente léopards, six hippopotames, dix girafes, un rhinocéros, et une quantité innombrable d’autres bêtes sauvages, sans oublier mille couples de gladiateurs. »

    La mauvaise santé physique et psychique des sujets de l’Empire et sa destructivité écologique est également le produit d’un régime autoritaire et très hiérarchique. La République des dernières années est une période de pillage sans contrôle, et le maintien de l’Empire nécessite des négociations permanentes avec tous ceux qui vivent à l’intérieur de ses frontières. Le pillage est donc peu à peu transformé en impôts dont la collecte, confiée à la petite noblesse locale qui se voit accorder la citoyenneté, permet de transformer sur tous les continents l’élite en classe dominante au service de l’Empire. Ainsi devient-il possible de diriger un vaste territoire avec seulement quelques centaines de fonctionnaires romains. Le nombre d’habitants double, de plus en plus de territoires sont occupés et toute tentative de résistance écrasée avec violence, comme en Judée et en Bretagne. Sous Auguste, les légions citoyennes permanentes sont remplacées par des armées professionnelles et les hommes libres des provinces deviennent peu à peu des citoyens. La paix n’existe pourtant pas, la zone frontalière est constituée d’un réseau de fortins, de tours de guet et de postes d’observations, de forts construits pour surveiller les populations et les zones inamicales où sont installées d’importantes bases militaires. Avec Auguste, l’expansion territoriale ralentit mais ne s’arrête pas. Les frictions provoquées par cette expansion permanente aboutissent peu à peu à des lignes de séparation démarquant les territoires sous hégémonie romaine, et au développement d’un réseau de communication et de transport destiné à gérer le système et le pouvoir militaire depuis le centre impérial. La machine de guerre approche le demi-million d’hommes et le budget de la défense est de loin la dépense la plus importante de l’État. La paix à l’intérieur de l’Empire dépend de la discipline, de la valeur et de la loyauté d’une gigantesque armée rémunérée. D’autant plus que : « La répartition des richesses était terriblement inégale. La richesse et le statut légal formaient la structure entremêlée d’une hiérarchie sociale exacerbée. En bas, de manière légale, il y avait la vaste classe des personnes totalement non libres. L’Empire romain a été l’un des systèmes esclavagistes les plus importants et les plus complexes de l’histoire – dont l’endurance exceptionnelle est, par ailleurs, un autre signe que la surpopulation n’a pas suffisamment fait baisser le coût d’un travail libre pour rendre inutile le travail servile. »

    La population de l’Empire, constituée principalement de pauvres et de sans terre, augmente au cours des cent cinquante années qui suivent le règne d’Auguste, et atteint son maximum avant que la peste antonine éclate.
    Le livre de Kyle Harper.

    C’est ainsi qu’à la fin de l’OCR, en 165 après J.-C., sous le règne de Marc Aurèle, la peste antonine fait sept millions de victimes. L’agent pathogène de la peste antonine est probablement celui de la variole, maladie contagieuse dont le virus se propage par inhalation de gouttelettes aériennes expulsées par une personne infectée. La variole n’est pas un ennemi si ancien, tout comme la lèpre et la tuberculose, elle semble apparaître au cours des mille dernières années. Elle est particulièrement violente dans les villes et les zones côtières où la densité de la population était importante. Le réseau de transport permet sa diffusion de région en région. La peste antonine est un phénomène létal d’une ampleur telle qu’elle interrompt l’expansion démographique et économique de l’Empire, qui parvient malgré tout à se stabiliser en maintenant toujours un fort autoritarisme.

    Sous le règne des Sévères (193–235 après J.-C.) l’Empire retrouve son équilibre économique et démographique. Le pouvoir de l’armée, dont la paye n’a cessé d’augmenter, est davantage considéré. L’explosion des constructions est un des signes du rétablissement économique et démographique qui caractérisent leur règne. Septime reconstruit le grand temple de la Paix, construit l’arche de Septime, les colonnes géantes de granit d’Assouan, la Forma Urbis Romae, le Septizodium  ; son fils Caracalla finance des bains monumentaux, de grands moulins à eau et greniers gigantesques qui s’élèvent tout autour de la cité.

    « Assurément, il suffit de jeter les yeux sur l’univers pour reconnaître qu’il devient de jour en jour plus riche et plus peuplé qu’autrefois. Tout est frayé  ; tout est connu  ; tout s’ouvre au commerce. De riantes métairies ont effacé les déserts les plus fameux  ; les champs ont remplacé les forêts  ; les troupeaux ont mis en fuite les animaux sauvages  ; les sables sont ensemencés  ; l’arbre croît sur les pierres  ; les marais sont desséchés  ; il s’élève plus de villes aujourd’hui qu’autrefois de masures. Les îles ont cessé d’être un lieu d’horreur  ; les rochers n’ont plus rien qui épouvante  ; partout des maisons, partout un peuple, partout une république, partout la vie », écrit Tertullien.

    L’OCR disparait lentement, sur une durée de trois siècles, laissant place à un climat plus instable. Il y a une forte interaction entre les crues du Nil et le mode de variabilité climatique connu sous le nom de ENSO (El Niño-Southern Oscillation), un El Niño puissant, corrélé avec une crue du Nil faible. Au cours de la période romaine de transition climatique (150 – 450 après J.-C.) les phénomènes ENSO deviennent plus courants, tous les trois ans environ. Devenus dépendants des conditions favorables de la fertile vallée du Nil, les Romains sont confrontés aux oscillation de ses crues. À ces problèmes climatiques s’ajoute la peste de Cyprien, partie d’Éthiopie, qui dure plus de quinze ans, de 249 à 270 après J.-C. « Il n’y eut presque aucune province romaine, aucune cité, aucune demeure qui ne fût attaquée par cette pestilence générale et désolée par elle » (Orose). La peste de Cyprien vida l’Empire, ravage la ville sans épargner les zones rurales, « aucune peste du passé n’a provoqué une telle destruction en vies humaines » (Zosime).

    « La maladie s’abattait d’un coup sur les gens, pénétrant beaucoup plus vite que tout ce que l’on pouvait penser, se nourrissant de leur maison comme le feu si bien que les temples étaient remplis de ceux qui, terrassés par la maladie, avaient fui dans l’espoir d’être guéris. […] Tous ceux qui brûlaient de soif à cause de la faiblesse provoquée par la maladie se pressaient aux sources, aux cours d’eau et aux citernes. Mais l’eau ne parvenait pas à apaiser la flamme de l’intérieur, laissant ceux qui étaient affectés par la maladie dans le même état qu’avant. » (Grégoire de Naziance).

    La pestilence frappe sans considération d’âge, de sexe ou de condition. Il est probable que l’agent pathogène de la peste de Cyprien soit un filovirus proche de celui d’Ebola.

    Les troubles climatiques globaux des années 240 après J.C. suscitent des changements écologiques susceptibles d’être à l’origine de la peste. La pandémie frappe les soldats et les civils, les habitants des villes et des villages. Elle fait éclater l’intégrité structurelle de la machine du pouvoir plongeant l’Empire dans une succession de faillites violentes. Les frontières sont fragilisées et l’économie et l’armée mises à mal par des successions d’attaques aux frontières. L’Empire se disloque. La mortalité ravage l’armée romaine, les casernes étant des lieux propices à la propagation du virus. Le temps des empereurs-soldats commence, et la crise du IIIe siècle permet l’avènement d’une nouvelle religion, le christianisme. Dans les années 260 après. J.C., la fortune et la démographie de l’Empire sont au plus bas. La restauration est lente et les villes, plus petites et moins nombreuses, ne sont plus les mêmes. À partir de 266 après J.C., le climat se stabilise, le IVe siècle est une période de réchauffement sans précédent. Les tendances climatiques sont alors sous l’influence dominante de l’Atlantique Nord. Les fluctuations des différences de pression entre l’anticyclone des Açores et la dépression d’Islande sont connues sous le nom d’Oscillation Nord-Atlantique (ONA), et font partie des grands mécanismes climatiques du globe. Sécheresses et famines sont fréquentes, les données bioarchéologiques témoignent de la lutte contre les maladies infectieuses qui épuisaient les capacités physiques des victimes. Les microbes ne laissent aucun répit aux hommes.

    « Entre la conversion de Constantin et le saccage de Rome en 410 après J.C., nous disposons de milliers de tombes chrétiennes dans la cité impériale gardant la date du jour où le croyant a quitté ce monde (et la baisse brutale après 410 est également le signe des désordres qui ont affligé la vénérable capitale). Une fois agrégées, ces données constituent un dossier sans équivalent sur les rythmes saisonniers de la Grande Faucheuse. Les canicules estivales étaient mortelles, une vague de germes gastro-intestinaux submergeant la ville. La mortalité flambait en juillet et atteignait un pic en août et septembre. Le pic automnal met en évidence la prévalence durable du paludisme. »

    L’État collecte les impôts en or et s’en sert pour payer ses fonctionnaires. Dioclétien réquisitionne le précieux métal en procédant à de vastes expropriations. L’économie de marché se rétablit rapidement, et l’on observe alors une fusion entre les forces du marché et les forces fiscales. Les grandes banques ressuscitent, les preuves d’une activité bancaire et de crédit sont plus fortes à cette époque (au IVe siècle) qu’à aucune autre.

    « Le marchand qui veut s’enrichir équipe un navire, embauche des marins, recrute un capitaine et fait tout ce qui est par ailleurs nécessaire pour prendre la mer, emprunte de l’argent et teste les flots avant de gagner des terres étrangères. » (Jean Chrisostome)

    La renaissance de la monnaie et du crédit réveille les réseaux de commerce en Méditerranée. L’Égypte et la Palestine entrent sérieusement dans le commerce du vin aux IIIe et IVe siècle. La répartition archéologique de la céramique sigillée montre l’essor de l’Afrique jusqu’à occuper une position dominante dans les réseaux connectant l’Empire sur de longues distances. L’appât du gain unifie le monde romain, transformé en une immense zone de libre-échange. Avec la revitalisation de l’économie de marché, le système esclavagiste connaît un renouveau rapide. Comme autrefois, les esclaves sont partout : sans leur sueur et leur peine, pas de fabuleuses fortunes aristocratiques, et la richesse des propriétaires d’esclaves est visible à chaque fois que l’on jette un coup d’œil sur le mode de vie des gens aisés du IVe siècle. Posséder un esclave est le minimum pour un homme respectable. L’ampleur de la stratification sociale est vertigineuse. Il faudra attendre le temps du colonialisme transatlantique pour trouver une élite économique réussissant à accumuler des fortunes privées d’une telle ampleur. Mais l’Empire d’Occident, dont les habitants sont affaiblis par de nombreux germes, perd peu à peu face aux hordes des steppes où le climat sec est plus bénéfique et où le paludisme n’affaiblit pas la population. Les villes de l’Occident se dépeuplent ce qui génère une baisse de la mortalité.

    À la fin de l’Empire romain, les greniers à blé dominent les paysages. Le vaste réseau des villes, des navires et des entrepôts de blé forme un véritable écosystème qui bénéficie particulièrement au rat noir.

    « La fusion du commerce global et de l’infestation par les muridés a été la précondition écologique du plus grand événement sanitaire que la civilisation humaine ait jamais connu : la première pandémie de peste. »

    Elle débute sur les rives de l’Égypte en 541 avant de se répandre dans l’Empire et au-delà. La pandémie de peste bubonique submerge tout par sa durée et son intensité. Son arrivée est le signe d’un nouvel âge, sa persistance sur deux siècles est à l’origine d’une longue période de stagnation démographique.

    Justinien est le dernier des grands ingénieurs environnementaux romains, il façonne tout le paysage local en changeant le cours du Skirtus, creuse un nouveau lit pour le Cydnus, construit un pont imposant, abat une forêt pour remodeler la plaine et contrôler le débit du Drakon, répare et construit de nouveaux aqueducs. Il rêve de soumettre la nature à ses désirs, de restaurer l’Empire d’Occident et mène une campagne pour gagner les provinces occidentales mais n’apporte que la misère. Ce qui n’est rien face à la peste qui s’abat en 541, couvrant les 23 années suivantes de son règne de pestilence. Le commerce de la soie permet au rat noir de voyager vers de nouveaux territoires et le changement climatique constitue le facteur final. L’année 536 est une année sans été. Une série d’explosions volcaniques des années 530 à 540 plongent l’Empire dans un hiver de plusieurs décennies, un des plus froids de l’Holocène. Le taux de mortalité augmente jusqu’à atteindre 50 à 60 % de la population. L’ordre social s’effondre, tous les travaux s’arrêtent, les marchés de détail ferment et une famine s’installe dans la cité. Contrairement aux pandémies précédentes, la peste bubonique touche aussi les zones rurales et toutes les couches de la population dont le système immunitaire est affaibli par l’environnement insalubre du monde romain, et dont les organismes le sont également en raison de la diminution des réserves alimentaires engendrée par les anomalies climatiques des années précédentes. Durant deux siècles, de 543 à 749, la peste jaillit de ses réservoirs, provoquant des épidémies aussi violentes que soudaines. En 589 après J.-C., des pluies torrentielles s’abattent sur l’Italie, l’Agide déborde et la crue du Tibre submerge les murailles de Rome. Des églises s’effondrent, les greniers à blé du pape sont détruits. En 590, la peste emporte le pape Pélage II. En 599, l’Occident subit une nouvelle pestilence. La peste de Justinien est un événement funeste, de même que le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive traversé d’épisodes sismiques.

    « Pour les contemporains de cette première pandémie, c’était une incroyable nouvelle que d’apprendre qu’un peuple avait été épargné des destructions de la peste. Les Maures, les Turcs et les Arabes habitant le désert auraient été exemptés de la catastrophe globale. […] Les Maures, les Turcs et les habitants du centre de l’Arabie partageaient tous un mode de vie nomade. L’explication écologique est évidente : les formations sociales non sédentaires étaient protégées contre la collusion létale rat-puce-peste. »

    L’expansion territoriale, démographique et commerciale de l’Empire romain et son hubris architecturale n’ont eu de cesse de détruire des écosystèmes entiers : un niveau exceptionnel d’urbanisation, plus d’un millier de villes. Fortement inégalitaire et hiérarchisé, l’Empire étend son domaine agraire jusque dans les environnements les plus pauvres, épuisant les sols et la vie des habitants qui ne cessent de lutter contre les maladies et la faim. Les déforestations, l’urbanisation et l’agriculture, bien plus que les effets du changement climatique, ont eu raison de l’Empire romain qui a été incapable de remettre en question les valeurs intrinsèques à toute civilisation : expansion territoriale, croissance démographique et économique, accumulation de richesses, exploitation du monde et des vivants comme source de distraction, d’accumulation matérielle et d’orgueil.

    « Même en ce qui concerne l’environnement physique, où des forces entièrement indépendantes de l’action humaine sont à l’œuvre, les effets du changement climatique dépendaient des arrangements particuliers entre une économie agraire et la machinerie de l’empire. Et l’histoire des maladies infectieuses est toujours profondément dépendante des écologies créées par les civilisations. »

    L’histoire de l’effondrement de l’Empire romain résonne comme un avertissement à l’heure où de nouveaux agents infectieux émergent – Ebola, Lassa, Nipah, SARS, MERS, Zika – où l’urbanisation se répand comme une lèpre sur le monde sauvage, où les monocultures détruisent les sols, où nos environnements sont de plus en plus toxiques et affaiblissent nos systèmes immunitaires, où nous sommes toujours plus entassés dans des mégapoles toujours plus asphyxiantes. Mieux vaut anticiper l’effondrement de l’Empire de la civilisation industrielle et tout mettre en œuvre pour le démanteler plutôt qu’attendre que les inégalités et l’exploitation toujours plus mortifère du vivant ne nous apportent notre lot de pestilences et d’hécatombes.

    Ana Minski

    #pax_romana

  • Comment l’Iran continue de défier les Etats-Unis avec son programme d’armement
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/comment-l-iran-continue-de-defier-les-etats-unis-avec-son-programme-d-arme


    L’Iran a récemment inauguré un sous-marin capable de tirer des missiles de croisière, réaffirmant ainsi sa volonté d’autonomie en matière de défense
    HANDOUT

    L’Iran a lancé avec succès un missile de croisière depuis un sous-marin de la classe Ghadir dans le cadre de manœuvres navales près du détroit d’Ormuz.

    L’Iran a lancé avec succès ce dimanche un missile de croisière dans le cadre de manœuvres navales près du détroit d’Ormuz, a rapporté l’agence de presse officielle Irna, sur fond de tensions avec les États-Unis. « Au troisième jour des (...) exercices, un sous-marin de la marine iranienne de la classe Ghadir a lancé avec succès un missile de croisière », a annoncé Irna. Les autres sous-marins iraniens, le Tareq et le nouveau Fateh (Conquérant), construit dans le pays, ont la même capacité anti-navire, a précisé Irna, qui cite un communiqué de l’armée. Une centaine de navires participent aux manœuvres en cours dans une vaste région qui s’étend du détroit d’Ormuz à l’océan Indien, selon les médias iranien.

    L’Iran a inauguré le 17 février un sous-marin capable de tirer des missiles de croisière, réaffirmant ainsi sa volonté d’autonomie en matière de défense dans un contexte de tensions avec les Etats-Unis. « Aujourd’hui, la République islamique devient complètement autosuffisante sur terre, dans les airs et sur la mer », avait déclaré le 11 février le président iranien Hassan Rohani au cours d’une cérémonie dans le port de Bandar-Abbas (sud), à laquelle ont assisté des hauts gradés de l’armée et des membres du gouvernement. Selon lui, « la pression des ennemis, la guerre (entre l’Iran et l’Irak, de 1980 à 88) et les sanctions » ont poussé l’Iran à devenir autosuffisant en matière de défense.

  • Le #LAKOU , un type d’habitat disparu - CAUE #Martinique
    https://www.caue-martinique.com/le-lakou-un-type-dhabitat-disparu

    Si vous demandez à un Martiniquais de moins de trente ans de vous expliquer à quoi correspond le mot « lakou », il y a de fortes chances qu’il ne sache pas de quoi il s’agit car ce type d’habitat a quasiment disparu de nos paysages urbains. A travers ce qui suit, nous verrons ce à quoi correspond ce mot créole que l’on traduit en français par « cour ».
    Qu’est qu’un lakou ?

    Selon Myrtô Ribal-Rilos, chercheur en Langues et cultures régionales, qui a mené une étude portant sur des lakous en Martinique : le « lakou est un espace en marge entre le rural et l’urbain permettant à des personnes en provenance de la campagne de se loger à moindre frais. Ces espaces se retrouvent dans toutes les villes des anciennes dépendances coloniales. » Le lakou n’est donc pas une spécificité martiniquaise. Il en existe en Guadeloupe, en Haïti, en Guyane, dans l’Océan Indien… Il convient cependant de noter que le mot lakou ne désigne pas exactement les mêmes réalités selon le territoire où l’on se trouve. Ce qui est le cas en #Guadeloupe ou en #Haïti.

    #habitat #caraïbes #architecture

  • De nouvelles preuves archéologiques provenant du sud-ouest de Madagascar révèlent que des humains modernes ont colonisé l’île des milliers d’années plus tard que prévu

    Et hop, les archéologues reviennent sur la précédente découverte (Les humains sont arrivés à Madagascar 6 000 ans plus tôt que prévu https://seenthis.net/messages/721857 2018)

    La colonisation à Madagascar est essentielle pour retracer la dispersion humaine préhistorique dans l’océan Indien, mais le moment précis où les habitants se sont installés sur l’île reste flou. Plusieurs éléments de preuve, y compris des découvertes archéologiques telles que des outils en chert et du charbon de bois, fournissent une indication directe de l’occupation humaine à Madagascar depuis environ 1500 ans (BP). Cependant, des études récentes ont suggéré que les premiers colons de l’île avaient atteint le premier palier terrestre il y a 5000 ans BP, sur la base de preuves indirectes d’ossements d’animaux présentant des dommages (marques de coupe) probablement dus à l’activité humaine. Anderson et ses collègues ont revisité ces collections d’os et ont fouillé trois nouveaux sites dans le sud-ouest de Madagascar pour collecter un échantillon plus important de matière osseuse animale.

    Ils ont récupéré 1787 os appartenant à des mégafaunes éteintes, tels que des hippopotames, des crocodiles, des lémuriens géants, des tortues géantes et des oiseaux éléphants, datant de 1900 à 1100 ans. Des analyses microscopiques ont révélé que les marques de coupe potentielles dans les os datant d’avant 1200 ans étaient en fait des marques de morsure et de rongement d’animaux, des traces de gravure sur les racines ou des marques de hachage provenant des fouilles, ce qui suggère que les marques (et l’activité humaine) ne sont apparues qu’après cette date. Des résultats similaires ont été obtenus lors du réexamen des lésions osseuses, interprétées auparavant comme des marques de coupe dans des échantillons d’anciennes collections. L’étude a également confirmé des preuves antérieures d’une extinction de la mégafaune commençant vers 1200 ans BP.

    Ces découvertes s’ajoutent aux preuves montrant que la colonisation humaine préhistorique de Madagascar a commencé entre 1350 et 1100 ans et suggèrent que la chasse a progressivement conduit à l’extinction de la mégafaune de l’île.

    Les auteurs ajoutent : « Des estimations récentes indiquent une arrivée humaine à Madagascar il y a environ 10 000 ans. Diverses preuves (dommages aux os, paléoécologie, histoire de la génomique et des langues, archéologie, introduction du biote et capacité de navigation) indiquent que la colonisation humaine initiale à Madagascar a été plus tardive. à 1350-1100 BP Les résultats ont des conséquences sur le déclin et l’extinction de la mégafaune, une phase proposée de la première phase de la chasse et de la cueillette en Afrique, et sur les voyages transocéaniques en provenance de l’Asie du Sud-Est. »

    #Antiquité #colonisation #Madagascar

    New evidence of megafaunal bone damage indicates late colonization of Madagascar

    https://journals.plos.org/plosone/article/figure/image?size=inline&id=10.1371/journal.pone.0204368.g003
    https://journals.plos.org/plosone/article/figure/image?size=inline&id=10.1371/journal.pone.0204368.g001
    https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0204368
    https://journals.plos.org/plosone/article/figure/image?id=10.1371/journal.pone.0204368.g005&size=inline

    Atholl Anderson, Geoffrey Clark, Simon Haberle, Tom Higham, Malgosia Nowak-Kemp, Amy Prendergast, Chantal Radimilahy, Lucien M. Rakotozafy, Ramilisonina, Jean-Luc Schwenninger, Malika Virah-Sawmy, Aaron Camens. New evidence of megafaunal bone damage indicates late colonization of Madagascar. PLOS ONE, 2018 ; 13 (10) : e0204368
    DOI : 10.1371/journal.pone.0204368

  • La frégate Cassard porte secours à 12 naufragés dans l’Océan indien | Mer et Marine
    https://www.meretmarine.com/fr/content/la-fregate-cassard-porte-secours-12-naufrages-dans-locean-indien


    Le bitumier en difficulté
    © MARINE NATIONALE

    Dans la fin de matinée du 20 novembre, la frégate antiaérienne Cassard, en mission au nord de l’océan Indien, se prépare à un ravitaillement en mer lorsqu’elle intercepte un message de détresse émanant d’un navire de commerce situé à proximité, le Durban Queen. Il s’agit d’un bitumier de 70 mètres de long, construit en 1983.

    La frégate française se lance alors à la recherche du navire et parvient rapidement à le localiser à 7 milles, soit environ 13 km. Le Cassard dépêche son hélicoptère Panther, qui revient tout juste d’une mission de surveillance maritime. Il y a à bord de l’appareil deux pilotes, un treuilliste et un plongeur. Le Durban Queen chavire quelques instants avant l’arrivée de l’hélicoptère et l’équipage, de nationalité indienne, se tient sur la coque retournée, qui est en train de sombrer.


    La catastrophe se produit juste sous les yeux des militaires
    © MARINE NATIONALE

    À 13h32 s’opère une première série d’hélitreuillages. Quatre marins sont évacués vers un navire civil croisant à proximité. « Les seconde et troisième rotations permettent de transférer les huit autres naufragés, dont certains sont blessés, à bord du bâtiment militaire et d’assurer leur prise en charge », explique la Marine nationale.

  • Ces pays du monde où s’opère la jonction entre religion et nationalisme | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/280918/russie-inde-pologne-israel-turquie-iran-quand-la-religion-rencontre-le-nat

    lusieurs dizaines d’États sur la planète sont aujourd’hui gouvernés par des régimes qui relèvent du nationalisme religieux ou qui sont influencés par cette configuration idéologique. Ce phénomène affecte tous les continents, démontrant que cette forme de nationalisme s’adapte à des religions très diverses, monothéistes ou non. Plus intolérant encore que les autres nationalismes face à la dissidence ou à l’opposition, plus inclusif aussi pour tous ceux qu’il entend incorporer au récit national, il se nourrit souvent de l’explosion des inégalités, des frustrations économiques et sociales, et semble désormais constituer une réponse traditionaliste de la « communauté nationale » à la globalisation et à la modernité.

    En Europe, il s’impose surtout à l’Est, au sein de feu l’empire soviétique. En Russie, où l’Église orthodoxe a joué un rôle central dans la quête de la nouvelle identité nationale post-communiste, Vladimir Poutine a été un acteur majeur du retour du religieux sur la scène russe et internationale. Retour qui se traduit aujourd’hui, selon le patriarche orthodoxe Kirill, par un « état de fusion symbiotique entre le fait national et le fait religieux ». En Arménie, en Ukraine, mais aussi en Pologne ou en Hongrie, c’est également le nationalisme religieux qui sous-tend les dérives xénophobes et autoritaires.

    Nous publions ici l’essentiel du chapitre consacré à l’Inde du livre coordonné par Oliver Da Lage, L’Essor du nationalisme religieux, à paraître début novembre.

    • Le nationalisme hindou aux commandes de « la plus grande démocratie du monde »

      par Olivier Da Lage

      Au seuil de l’année 2018, un parlementaire d’Uttar Pradesh, l’État le plus peuplé de l’Inde, dirigé depuis l’année précédente par le BJP (1), a déclaré que le nom du pays étant l’Hindoustan, ce pays était pour les Hindous et eux seuls. Peu auparavant, le ministère du tourisme de l’Uttar Pradesh avait retiré le Taj Mahal de la brochure publiée par le ministère pour vanter les sites à visiter : le monument, symbole de l’Inde dans le monde entier, se trouve être un mausolée construit par un empereur musulman. Parallèlement, un militant nationaliste hindou a – en vain – tenté de faire dire par un juge que le Taj Mahal était en fait un ancien temple hindou.

      À l’approche de Noël et du nouvel an, des brigades hindouistes ont tenté au Madhya Pradesh et au Rajasthan d’empêcher les écoles chrétiennes de célébrer Noël avec leurs élèves d’autres religions, ce qui, selon ces militants adeptes de la menace, relèverait de la « conversion forcée » ; en Andhra Pradesh, les temples hindous ont reçu interdiction de marquer l’entrée dans la nouvelle année du calendrier chrétien, qui ne relèverait pas de la culture hindoue.

      Dans plusieurs États, du nord au sud, des musulmans ou des dalits (ex-intouchables) ont été battus, parfois à mort, par des foules les soupçonnant de transporter de la viande de bœuf ou des vaches destinées à l’abattage. Dans bien des cas, le soupçon était infondé, ce qui n’a pas empêché plusieurs responsables régionaux du BJP, dont le chef du gouvernement du Chhattisgarh, de déclarer que les tueurs de vaches méritaient la pendaison.

      Depuis 2015, des intellectuels ou acteurs célèbres dénoncent un climat d’intolérance. En protestation, plusieurs ont rendu leur Padma Shri, équivalent indien de la Légion d’honneur. Ici et là, des intellectuels et des journalistes ont été tués sans que l’on retrouve leurs assassins. Le point commun de ces victimes était leur défense de la laïcité (secularism) et leur dénonciation des excès du nationalisme hindou. Parallèlement, tout avis négatif, ou simplement réservé sur l’action du gouvernement de Narendra Modi entraîne instantanément des réactions massives et très vives de ses partisans sur les réseaux sociaux, avec l’objectif manifeste d’intimider ceux qui seraient tentés par la critique.

      Bien entendu, les violences intercommunautaires et l’intolérance n’ont pas attendu l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi et du BJP pour se manifester en Inde. Ses partisans ne manquent jamais, et à juste titre, de le rappeler. On assiste cependant incontestablement à une radicalisation et à une intensification de cette intolérance et de ces manifestations violentes. Corollaire de cette banalisation de la violence, le seuil d’indignation s’élève inexorablement et, sans être militants pour autant, de très nombreux membres de la classe moyenne urbaine indienne, qui ont voté en 2014 pour le BJP sur la promesse du développement économique et de la prospérité, en viennent graduellement à trouver naturel que la majorité hindoue (80 % des Indiens) ne tolère les minorités, notamment les musulmans, qui ne représentent que 14 % des habitants, qu’à la condition qu’elles « restent à leur place », c’est-à-dire se rendent aussi invisibles que possible et acceptent un statut de citoyens de seconde zone.

      C’est très précisément la thèse que défendait en 1923 Vinayak Damodar Savarkar dans son manifeste : Hindutva,Who is a Hindu ?. L’idéologie de l’hindutva (hindouité) est restée très minoritaire, voire marginale, tant dans le combat contre l’occupation britannique que plusieurs décennies après l’indépendance, notamment du fait que Nathuram Godse, l’assassin du Mahatma Gandhi, avait appartenu au RSS (2), le mouvement fondé en 1925 pour propager l’hindutva.

      (1) Le BJP (Bharatiya Janata Party), parti nationaliste hindou, est au pouvoir en Inde depuis mai 2014.

      (2) Le Rashtriya Swayamsevak Sangh, créé en 1925 à Nagpur (Maharashtra), est une milice de volontaires chargés de défendre les hindous et de propager l’hindutva.
      Le renouveau hindouiste à la fin du XIXe siècle

      En un sens, le nationalisme hindou est le produit de la colonisation britannique. Il ne s’agit pas de prétendre qu’avant l’arrivée de la Compagnie des Indes orientales, les relations aient toujours été idylliques entre hindous et musulmans, mais, comme dans bien d’autres régions du monde, la colonisation a progressivement donné naissance à une réaction nationaliste qui a pris plusieurs formes. La naissance du Congrès national indien en 1885 incarnait au départ une revendication classique, partie de la demande d’égalité des droits pour évoluer vers une demande d’autonomie, puis aboutir, au fil des années et de la répression, à une exigence d’indépendance.

      Pour sa part, le nationalisme hindou, qui s’est développé à la fin du XIXe siècle, a été dès le départ fondé sur une démarche identitaire favorisée par l’insistance quasi entomologique des Britanniques à diviser les Indiens en sections et sous-sections, entre religions d’abord, et au sein de celles-ci ensuite. Si tous les hindous admettent le principe des quatre grandes castes, les varnas – brahmanes (prêtres), kshatrias (guerriers), vaishyas (commerçants), shudras (serviteurs) –, ce sont largement les Britanniques qui ont fait des jati (corporations dont le métier se transmet héréditairement) des sous-castes de celles-ci, morcelant ainsi une société hindoue déjà très divisée.

      En créant au début du XIXe siècle des établissements universitaires enseignant séparément le hindi et l’ourdou (qui, dans l’usage populaire, se fondaient largement dans ce qu’on appelait alors l’hindoustani), les Anglais ont accentué la séparation entre hindous et musulmans. Enfin, alors que montaient les revendications indépendantistes au seuil du XXe siècle, les Britanniques ont donné aux hindous le sentiment qu’ils appuyaient la minorité musulmane afin de contenir les aspirations de la majorité hindoue.

      En réaction, plusieurs initiatives ont tenté tout à la fois de moderniser l’hindouisme, en insistant sur ce qui rapproche plutôt que ce qui divise, et de rattacher l’essence de l’Inde moderne à ses racines anciennes remontant à l’époque védique. Cette défense des valeurs de l’Inde antique intervient alors même que les administrateurs coloniaux et les hommes politiques anglais insistaient dans leurs discours publics et dans leurs correspondances privées sur ce qu’ils dépeignaient comme la barbarie intrinsèque des traditions hindoues, auxquelles, pour la plupart, ils déniaient la qualité de civilisation.

      En 1875, l’arya samaj (la noble société) est fondée, avec pour ambition de promouvoir les valeurs védiques de l’hindouisme et la croyance en un seul dieu. L’arya samaj introduit le prosélytisme, notion jusqu’alors inconnue dans l’hindouisme. À Bombay, Lokmanya Bal Gangadhar Tilak, pourtant membre du Congrès et partisan d’un rapprochement avec les musulmans, relance la cérémonie hindoue de Ganesh Chathurthi, tombée en désuétude, par laquelle le dieu à tête d’éléphant est rituellement immergé chaque année dans l’océan Indien. C’est pour lui une façon de contourner l’interdiction des rassemblements édictée par le colonisateur. En 1893, Swami Vivekananda prononce à Chicago, au Parlement des religions, un discours marquant dans lequel il présente l’hindouisme comme une religion à la fois ancienne et moderne répondant aux problèmes du moment. Un peu plus tard, en réaction à la création de la Ligue musulmane et à la volonté du Congrès qu’hindous et musulmans mènent en commun le combat pour l’indépendance, se crée en 1915 la Hindu Mahasabha (assemblée hindoue panindienne), afin de défendre les intérêts des seuls hindous.

      Parallèlement, certains écrits occidentaux influencent ce nationalisme hindou naissant, notamment ceux de l’orientaliste anglais d’origine allemande Max Muller, fasciné par la civilisation indienne, particulièrement la culture aryenne. Quant aux écrits du Français Arthur de Gobineau, ils développent l’idée ouvertement raciste d’une race aryenne naturellement faite pour diriger, mais il critique les castes supérieures hindoues pour s’être métissées avec les castes inférieures. À une époque où la notion de « race », loin d’être contestée, allait jusqu’à celle de « race anglaise » dans les discours des politiciens les plus réputés, Gobineau et les orientalistes européens ont offert à certains nationalistes hindous le cadre de référence qui leur manquait pour élaborer une théorie fondée sur la supériorité de la « race hindoue ».
      L’hindutva, un projet avant tout culturel

      Ce corps doctrinal, élaboré au fil des années à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, a une date de naissance officielle : 1923. Cette année-là, paraît un livre de 141 pages intitulé Hindutva, who is a Hindu ?. Signé : « Un Marathe. » Son véritable auteur, Vinayak Damodar Savarkar, est alors emprisonné pour ses activités antibritanniques. La thèse qu’il développe dans cet ouvrage est que les hindous, tirant leur nom de la terre qui est la leur (Hindoustan), doivent reprendre leur destin en main face aux étrangers qui les dirigent (les Britanniques), mais aussi vis-à-vis des musulmans et des chrétiens qui, du seul fait qu’ils sont nés en Inde, se considèrent comme Indiens. Ce n’est pas suffisant, argue Savarkar, car l’appartenance à une nation suppose de réunir trois critères sans lesquels il n’est pas d’appartenance commune :

      • L’attachement à la terre des ancêtres, qui s’étend du « Sindhu au Sindhu », bordée par l’Himalaya et l’océan, en tant que mère patrie.
      • Le lien du sang, hérité de ses ancêtres, qui forge l’appartenance à la « race hindoue », peu important par ailleurs que la progéniture soit la conséquence d’unions sexuelles inter-castes.
      • L’appartenance revendiquée à la culture et à la civilisation hindoues, à des figures historiques vénérées en tant que héros, à des fêtes communes, à des rites et sacrements communs et à des lois communes.

      Il est clair, poursuit Savarkar, que si nombre de chrétiens et musulmans (dont les ancêtres hindous ont été convertis autrefois) peuvent se prévaloir des deux premiers critères, tel n’est pas le cas s’agissant du troisième. En conséquence, chrétiens et musulmans ne peuvent être considérés comme appartenant à la nation hindoue. Pour Savarkar, le problème est essentiellement culturel, bien davantage que religieux. Au point qu’il va jusqu’à préciser : « Certains d’entre nous sommes monothéistes, d’autres panthéistes, certains sont théistes, d’autres athées – nous sommes tous hindous et partageons le même sang. Nous ne sommes pas seulement une nation, mais une race, une fraternité de naissance. »

      L’idéologie de l’hindutva, ainsi développée par Savarkar, est précisée une quinzaine d’années plus tard avec la publication de We or Our Nationhood defined, édité en 1939 par MS Golwalkar (3), l’année même où il est choisi par le fondateur du RSS Hedgewar pour lui succéder. Disciple de Savarkar, Golwalkar est également un praticien de l’hindutva puisque cette idéologie constitue la colonne vertébrale du RSS, fondé en 1925 sur le modèle des milices fascistes.

      Dans son livre, il reprend et complète la thèse de Savarkar : les hindous ont contrôlé leur terre pendant 8 000 à 10 000 ans avant d’être envahis. Contrairement aux théories de Muller, ce ne sont pas les Aryens nordiques qui ont envahi l’Inde, mais le contraire, car jadis, soutient Golwalkar, le pôle Nord se trouvait dans ce qui est aujourd’hui le Bihar ou l’Orissa (nord-est de l’Inde). Ce sont donc bien les Indiens et nul autre peuple qui sont à l’origine de la grande civilisation indo-européenne.

      Golwalkar entreprend alors de faire l’éloge du pangermanisme ainsi que de la façon dont l’Allemagne traite la question des minorités culturelles et ethniques : afin de préserver la pureté de la race et de sa culture, l’Allemagne a choqué le monde en purgeant le pays des races sémitiques, les juifs. La fierté raciale s’est ici manifestée à son plus haut. L’Allemagne a également montré à quel point il est presque impossible pour les races et les cultures ayant des différences remontant à leurs racines d’être assimilées en un tout unifié, une bonne leçon à retenir pour nous en Hindousthan dont nous devons tirer profit.

      Et de conclure que le Congrès est une invention des Anglais (4) afin de diviser les hindous, ce qui a fait perdre à ces derniers le sens de la nation que Golwalkar les exhorte à retrouver. Savarkar, qui, en 1937, a pris la tête du Hindu Mahasabha, lance en 1942 un mot d’ordre : « Hindouiser la nation et militariser l’hindouisme », tout en s’opposant au mouvement Quit India lancé par Gandhi.

      Le nationalisme hindou est longtemps resté marginal dans la politique indienne. Interdit en 1948 après l’assassinat de Gandhi, puis préautorisé un an plus tard, le RSS a pris soin (comme il le fait encore aujourd’hui) d’affirmer que sa mission est avant tout culturelle et non politique. Les partis se réclamant de l’hindutva ne pesaient presque rien du temps de Nehru. Leur progression à partir des années 1960, mais surtout de la fin des années 1970, est dans une large mesure l’effet de l’usure du Congrès, qui a dominé la vie politique de façon hégémonique avant et après l’indépendance. De mouvement de libération nationale englobant toutes les tendances politiques, le Congrès s’est progressivement mué en parti dirigé par une dynastie (Nehru-Gandhi) et miné par la corruption, aboutissement logique de l’exercice du pouvoir pratiquement ininterrompu pendant plusieurs décennies.

      Il faut attendre 1977 pour qu’un gouvernement soit dirigé par un adversaire du Congrès. C’est la conséquence de la dictature exercée par Indira Gandhi pendant l’état d’urgence (1975-1977). Encore s’agit-il d’un gouvernement de coalition et le premier ministre Morarji Desai est lui-même un ancien dirigeant du Congrès. Le retour au pouvoir du Congrès en 1980 est à peine éclipsé en 1990 et 1991 par d’éphémères gouvernements de coalition, certes soutenus par le BJP, mais dont la politique n’est pas marquée par l’idéologie nationaliste hindoue.

      Cependant, l’Inde entre progressivement dans une culture d’alternance et le Congrès n’est plus voué à rester au pouvoir quoi qu’il arrive. C’est le BJP, qui a pris en 1980 la suite du Bharatiya Jana Sangh, qui incarne cette alternance. Ses cadres, depuis l’origine, sont généralement issus du RSS, qui les « délègue » au BJP, assuré qu’ils ont été formés à l’hindutva. Pourtant, après des débuts marqués par une intransigeance idéologique, tout particulièrement sous la présidence de Lal Krishna Advani (1993-1998), les échecs électoraux successifs amènent le parti à s’en remettre à l’un de ses fondateurs, Atal Bihari Vajpayee, partisan d’une ligne plus modérée. Ce dernier mène le parti à la victoire en 1998 et en tant que Premier ministre, Vajpayee parvient à la fois à s’inscrire dans la lignée des gouvernements précédents (Congrès) tout en infléchissant la politique suivie jusqu’alors vers un rapprochement marqué avec Israël et les États-Unis et une libéralisation accrue de l’économie (5).

      Ces inflexions sont par la suite assumées et reprises à son compte par la coalition dirigée par le premier ministre Manmohan Singh (Congrès), au pouvoir de 2004 à 2014. Car de 1998 à 2004, contraint par ses partenaires au sein de la coalition, Vajpayee n’était pas libre d’appliquer à sa guise le programme du BJP. Tout au plus a-t-il tenté de remanier les programmes scolaires en présentant les Moghols (musulmans) comme des envahisseurs ou en rehaussant le rôle des personnages opposés à Nehru dans la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Mais faute de majorité, il a prudemment évité de mettre en œuvre les points essentiels du programme du BJP, à savoir l’abrogation de l’article 370 de la Constitution qui accorde un statut particulier au Cachemire (État du Jammu et Kashmir), la construction à Ayodhya d’un temple consacré à Ram sur l’emplacement de la mosquée Babri, détruite par des militants nationalistes hindous en décembre 1992, et la mise en place d’un code civil uniforme, c’est-à-dire l’abolition des dispositions spécifiques aux chrétiens et surtout aux musulmans.

      (3) Madhav Sadashiv Golwalkar, originaire du Maharashtra, a dirigé le RSS de 1940 jusqu’à sa mort, en 1973.

      (4) De fait, c’est bien un fonctionnaire britannique, Allan Octavian Hume, qui en est à l’origine.

      (5) Cette libéralisation a permis un décollage économique, la réduction de la pauvreté et élargi considérablement la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, socle électoral du BJP. Mais les inégalités se sont aussi creusées : entre 1980 et 2014, la part de revenu captée par les 10 % des Indiens les plus riches est passée de 30 à 56 % (source : rapport publié le 14 décembre 2017 par le Projet World Wealth and Income Database WID, cité par Le Monde, 15 décembre 2018).
      La majorité hindoue se sent discriminée

      De fait, le choix de thèmes clivants, le recours à la violence se sont avérés électoralement bénéfiques pour le BJP. Pas nécessairement immédiatement : le BJP n’a pas remporté les élections générales de 1989 ni celles de 1991, alors même que le parti était dirigé par LK Advani, qui prônait une politique de rupture, qu’il a notamment incarnée par son fameux Ram Rath Yatra, marche politico-religieuse qu’il a conduite de septembre à octobre 1990 de Somnath (Gujarat) vers Ayodhya. Advani fut arrêté avant d’atteindre sa destination. En décembre 1992, la destruction de la mosquée Babri par des militants de la VHP (6) et du RSS a déclenché des violences entre hindous et musulmans, qui ont fait plusieurs milliers de morts à travers le pays, tout particulièrement à Bombay en 1993.

      Pour la première fois, le BJP accède au pouvoir au Gujarat en 1995, l’année même ou le Shiv Sena, un parti xénophobe et antimusulman, emporte les élections municipales à Bombay. En 2002, la mort de militants nationalistes et de pèlerins hindous, brûlés vifs dans leur wagon à bord du train qui les ramenait d’Ayodhya (7), déclenche des pogroms antimusulmans au Gujarat, qui font près de 2 000 morts, presque tous musulmans. Soupçonné d’avoir encouragé, ou du moins laissé faire, les milices nationalistes hindoues, Modi, chef du gouvernement du Gujarat depuis l’année précédente, est frappé d’ostracisme à l’étranger (les États-Unis lui refuseront un visa dix ans durant). L’intéressé laisse dire et refuse de commenter, entretenant le soupçon chez ses adversaires, mais renforçant sa stature au sein de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine hindoue, qui constituent le socle de l’électorat du BJP. Après 2002, le BJP progresse fortement dans les régions du Gujarat où les violences ont été les plus marquées.

      Modi a correctement lu l’évolution de la société indienne vers le « majoritarianisme » (8). De façon croissante, la population hindoue a le sentiment d’être discriminée en faveur de la minorité musulmane, cajolée (pampered) par le parti du Congrès [parfois surnommé de façon péjorative Khangress (9)], qui s’en sert comme d’un réservoir de voix (vote bank), et se reconnaît dans la politique du BJP, qui refuse les concessions (appeasement) envers les musulmans. On est désormais au cœur de l’hindutva telle que la concevaient Savarkar et Golwalkar : les minorités religieuses ne peuvent être tolérées en Bharat (Inde) que si elles se plient à la culture de la majorité hindoue (y compris les codes religieux) et renoncent toute revendication spécifique.

      Et pourtant, la campagne électorale du BJP en 2014 n’a pas été menée sur les thèmes de l’hindutva. Ils en sont même singulièrement absents. Cette campagne, très personnalisée autour de Modi, mettait en avant le développement (vikas) et la bonne gouvernance, la fin de la corruption (liée au Congrès) et la création d’emplois grâce aux investissements privés venus de l’étranger. En d’autres termes, il s’agissait d’appliquer à l’Inde tout entière les recettes économiques qui ont fait le succès du « modèle Gujarati » dont Narendra Modi était crédité dans l’opinion.

      Cependant, quatre ans après l’accession au pouvoir du BJP, les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Les milieux d’affaires reprochent au gouvernement la timidité et la lenteur des réformes économiques, en dépit des promesses. La création d’emplois se fait attendre et les investissements directs étrangers, bien qu’en progression, ne sont pas à la hauteur espérée, malgré les multiples voyages du premier ministre au cours desquels il martèle son slogan, Make in India, promettant dans chaque pays d’installer en Inde un climat favorable aux investisseurs. Séduits, ou simplement bienveillants, ceux-ci tardent néanmoins à venir car, nonobstant le volontarisme de Modi, l’Inde demeure un pays compliqué pour les entrepreneurs étrangers.

      De surcroît, la démonétisation surprise, en novembre 2016, des billets de 500 et 1 000 roupies, qui a soudainement retiré 86 % de la masse des billets en circulation, a fait perdre à l’Inde plus d’un point de croissance en 2017. Ce qui était présenté comme un coup politique hardi afin d’assécher l’argent noir de la corruption s’est avéré avoir été mal préparé et a privé de ressources les cultivateurs au moment où ils devaient acheter leurs semences (en espèces). Sans surprise, cela s’est traduit l’année suivante par une baisse des récoltes.

      L’exemple peut se décliner dans divers secteurs de l’économie. L’incapacité – du moins temporaire – du gouvernement BJP à tenir les promesses économiques de la campagne de 2014 a entraîné une dégradation de son image et de sa popularité, même si le BJP a encore enregistré des succès électoraux en 2016 et 2017, comme en Uttar Pradesh, où le BJP a remporté, en mars 2017, les trois quarts des sièges de l’Assemblée du plus grand État de l’Inde, dont la population équivaut à celle du Brésil. C’est Narendra Modi lui-même qui a choisi pour le diriger un moine connu pour ses positions extrémistes, Yogi Adityanath, très en pointe dans la dénonciation des musulmans.

      Il est notamment à l’origine des campagnes contre le love jihad, autrement dit le mariage entre une femme hindoue et un homme musulman. Selon la théorie du love jihad, il s’agirait d’un plan délibérément conçu pour islamiser la société hindoue en tirant parti de la naïveté de jeunes hindoues séduites par des « Roméo » musulmans. Des brigades font la chasse à ces couples mixtes et parviennent parfois à les faire arrêter par la police, et, plus rarement, à les faire traduire devant les tribunaux.

      Parallèlement, les milices de défense de la vache (gau rakshaks) traquent les consommateurs de viande de bœuf. Ces dernières années, les cas de violences, parfois mortelles, à l’encontre de personnes simplement soupçonnées de transporter ou de stocker de la viande de bœuf ou de convoyer des vaches pour les abattre, se sont multipliés. L’année 2018 a connu une succession de lynchages qui a amené la Cour suprême à enjoindre au gouvernement central de prendre des mesures pour mettre fin à la mobocratie (la loi de la populace). L’État du Mahrashtra, pour sa part, a interdit en 2015 le commerce et le stockage de la viande de bœuf. Il se trouve que la filière bovine emploie presque exclusivement des musulmans ou des dalits (ex-intouchables). Musulmans et dalits sont également, et de loin, les premières victimes de ces lynchages, dont les auteurs sont ouvertement soutenus par quelques élus régionaux du BJP.

      Cette radicalisation, ce repli sur les marqueurs identitaires, est manifeste dans la campagne menée en décembre 2017 par le BJP pour conserver le Gujarat (État que Narendra Modi a dirigé pendant dix ans). Il n’y était plus question de vikas ni de bonne gouvernance, mais d’insinuer que le Pakistan voulait la victoire du Congrès au Gujarat, avec des références à Aurangzeb (empereur moghol honni des hindous pour son intolérance), et de suggérer que le Congrès voulait désigner un musulman à la tête du Gujarat. En fin de compte, le BJP a conservé de justesse la majorité des sièges, au terme d’un scrutin qui fait figure de victoire à la Pyrrhus pour le parti au pouvoir.

      À la fin de 2017, un membre du gouvernement fédéral a publiquement déclaré que le BJP comptait bien abolir la laïcité de la Constitution indienne. Il n’a pas été suivi sur ce terrain par ses collègues, mais il ne fait pas de doute que le désaccord porte non sur l’objectif mais sur le rythme des réformes. Si les élections de décembre 2017 au Gujarat peuvent donner un aperçu des thèmes de la prochaine campagne au niveau fédéral pour les élections de 2019, il serait exagéré pour autant d’évoquer un rythme accru dans la mise en œuvre du calendrier idéologique du BJP. Il est vrai que depuis 2016, les diverses milices de la Sangh Parivar semblent avoir toute liberté pour défier, souvent par la violence, ceux qui « heurtent les sentiments » des hindous, vandalisant les salles de cinéma qui projettent des films où jouent des acteurs pakistanais ou remettant en question leur vision de l’histoire (même mythologique), s’en prenant physiquement aux mangeurs de bœuf (ou ceux qui sont simplement soupçonnés de l’être), etc.

      Le silence prolongé des autorités – et notamment de leur chef – après la plupart de ces incidents dramatiques est perçu, tant par les partisans de Modi que ses adversaires, comme un encouragement tacite. À plusieurs reprises, cependant, Modi a pris la parole pour condamner sévèrement les excès des milices de défense de la vache. Mais le caractère tardif de ces prises de position et leur inefficacité ne permettent pas de trancher sur le point de savoir s’il condamne vraiment ces exactions ou s’il ne s’agit que d’une concession de forme pour enrayer les critiques montant en Inde comme à l’étranger.

      De façon plus surprenante, le RSS ne semble pas pousser à une accélération du calendrier, tout particulièrement s’agissant de la construction du temple de Ram à Ayodhya. Il préfère manifestement donner la priorité à la révision des manuels scolaires (le nom de Nehru a été banni des manuels scolaires au Rajasthan) et éviter pour l’heure les sujets trop clivants. Son chef suprême, Mohan Bhagwat, multiplie même les déclarations conciliantes, affirmant par exemple en octobre 2017 devant des cadres du mouvement que l’« Inde est une nation d’hindous, mais n’exclut pas les autres », ce qui est une version très édulcorée de l’hindutva, que professe pourtant depuis l’origine le RSS, qu’il dirige depuis 2009. Tout se passe comme si le RSS, donnant la priorité à son projet à long terme, ne voulait pas brûler les étapes au risque de compromettre ses objectifs par un échec du BJP lors du scrutin national de 2019. Il sera toujours temps, après les élections, d’aller plus loin dans l’hindouisation de la société.

      Le BJP a remplacé le Congrès comme parti attrape-tout à l’échelle de l’Union indienne. Il est tiraillé entre la modération nécessaire afin de conserver cette audience et l’intransigeance idéologique de son noyau dur. Le retour de la croissance que prédit le FMI pour 2019 ainsi que les conseils du RSS pourraient inciter Narendra Modi et le BJP à abandonner les thématiques antimusulmanes, auxquelles ils ont eu recours lors des élections de 2017 au Gujarat, pour revenir à des slogans plus neutres idéologiquement, fondés sur le développement, l’environnement et la lutte contre la corruption, et à garder pour plus tard la mise en œuvre d’un programme intransigeant fondé sur l’hindutva.

      (6) La Vishva Hindu Parishad a été créée en 1964 à l’initiative du RSS pour « organiser, consolider la société » et « servir et protéger le dharma (loi naturelle) hindou ».

      (7) Le 27 février 2002, des pèlerins hindous, pour la plupart membres ou sympathisants de la VHP, reviennent d’Ayodhya. Lors de son arrêt en gare de Godhra, le train est attaqué et un incendie se déclare, tuant 59 personnes.

      (8) Ce néologisme, tiré du terme anglais majoritarianism, me semble mieux rendre compte de la réalité que les traductions habituelles (« fait majoritaire », « principe de majorité »).

      (9) Khan est l’un des noms musulmans les plus courants en Inde.

  • 49°00 SUD | Sophie Berger
    https://sophieberger.bandcamp.com/releases

    C’était au mois d’août. L’été ici, mais l’hiver dans cette partie du monde. J’ai embarqué sur le Marion Dufresne, le navire ravitailleur des Terres Australes, pour une rotation complète à destination des archipels de Crozet, Kerguelen et Amsterdam. Terres australes. Terres perdues dans les quarantièmes rugissants du sud de l’Océan Indien. Territoires hostiles, isolés, balayés par les vents subantarctiques. Une poignée de scientifiques y « hivernent » plusieurs mois. J’ai essayé de capter un peu de l’atmosphère de ces territoires déserts. Raconter le voyage. Durée : 41 min. Source : Relevé sur le Net...

  • Île Clipperton — Wikipédia
    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_Clipperton

    Les oubliés de Clipperton (1914-1917)En février 1914, un cyclone détruit les potagers de la petite garnison de 11 soldats installés sur place avec femmes et enfants depuis 1906. Le bateau de ravitaillement de mai n’arrive pas. À la fin du mois de juillet, l’USS Cleveland vient secourir l’île, mais le chef de la garnison refuse d’embarquer sur un navire ennemi9. La troupe est alors décimée par la famine et le scorbut. En mai 1915 ils ne sont plus que 3 hommes, 6 femmes et 8 enfants9. 2 des hommes meurent en tentant de rejoindre un navire passant au large9. Le dernier survivant, le gardien du phare fait vivre un calvaire aux autres et se comporte en dictateur. Il est assassiné à coups de marteau par les femmes survivantes le 17 juillet 1917. Le lendemain l’USS Yorktown les sauve ; il était venu vérifier qu’aucun navire allemand ne s’y cache. Certaines encyclopédies ont longtemps indiqué que l’île Clipperton avait une cinquantaine d’habitants, restant à ce chiffre de 1914.

    voir aussi http://clipperton.fr
    Tout ça parce qu’un plugin de SPIP (pays) a oublié d’inclure cette île :)

    #ile #tom #océan_pacifique

    L’histoire des survivantes https://infosmexique.wordpress.com/2009/07/23/lincroyable-histoire-des-naufrages-de-clipperton

    • Tiens, en parlant d’oubliés sur des îles, je découvre l’île de Tromelin et l’histoire relatée dans la BD « Les Esclaves oubliés de Tromelin » par Sylvain Savoia
      http://bdzoom.com/86707/interviews/%c2%ab-les-esclaves-oublies-de-tromelin-%c2%bb-par-sylvain-savoia

      Naufragés sur un îlot de l’océan Indien puis abandonnés par l’équipage d’un navire français, des esclaves malgaches ont survécu 15 ans seuls, sur ce tout petit territoire balayé par les vents.

      #bd

    • A Clipperton :

      En juin 1915, Alicia, Tirsa, Altagracia et Juana, se retrouvent abandonnées à leur sort, avec 6 enfants à leurs charges, et bientôt 8, car Alicia et Tirsa attendent toutes deux un bébé. Femmes et enfants survivent tant bien que mal de la pêche, des crabes et des œufs des oiseaux bobos qui peuplent l’île. Heureusement, l’eau douce ne manque pas, car il pleut fréquemment sur l’île, ce qui permet aux habitants d’assouvir leur soif. Mais un nouvel élément vient bientôt perturber la routine, pourtant déjà difficile des femmes : Victoriano Alvarez, un des soldats de la garnison que tout le monde pensait mort, a en fait survécu au scorbut. Celui-ci se rend compte qu’il est le seul mâle à être encore en vie sur l’île, et au lieu de venir en aide à ses compagnes d’infortune, il décide de mettre à profit la situation et de convertir les femmes en ses esclaves sexuelles. C’est d’abord le tour de Juana, qui meurt assassiné par Victoriano, puis le tour d’Altgracia. Au final, toutes subiront les sévices sexuels de celui qui s’est autoproclamé roi de Clipperton, y compris les enfants. Si l’on en croit le livre de María Teresa Arnaud de Guzmán, seule Alicia aurait échappé à Victoriano, car après 2 ans de sévices, en juillet 1917, Tirsa et Alicia décident dans un ultime accès de colère, d’en finir avec leur bourreau.

      Curieusement, ce même jour, le navire américain Yorktown pose l’ancre à proximité de l’île de Clipperton. Ce n’est pas un hasard. La Première Guerre Mondiale bat son plein, et le capitaine H. P. Perril qui commande le navire, a été chargé par ses supérieurs de réaliser une visite d’inspection à Clipperton, car des rumeurs courent que les Allemands ont installé des bases de sous-marins au large des côtes mexicaines. Quelle sera leur surprise en découvrant, en lieu et place des Allemands, 4 femmes et 8 enfants, vêtus de grossières toiles de navire !

      #sexisme #pédophilie #viols

    • A Tromelin :

      L’ordre règne : blancs et esclaves vivent dans des camps différents. Rapidement, le commandant fait construire une embarcation avec le bois arraché à l’épave. Une forge est même installée à terre. En deux mois, le bateau est achevé. La gazette poursuit ainsi son récit : « On se prépare donc au départ sans délai pendant la nuit du 26 au 27 septembre 1761. Tous les bras s’emploient avec le plus grand empressement... Enfin, on le lance à l’eau, en le retenant avec une ancre à jet qu’on avait retirée des débris. » Mais l’embarcation est trop petite pour que tout le monde y trouve place. « Les cent vingt-deux Français s’embarquent ainsi avec l’espérance, ils sont obligés de s’entrelacer les uns dans les autres, pour pouvoir y être tous contenus avec quelques vivres. Les Noirs, qu’on était forcé de laisser dans l’île, demeurèrent dans un silence accablant. »

      http://www.lepoint.fr/actualites-sciences-sante/2007-01-17/les-naufrages-de-tromelin/919/0/15068

      « Malgré le nombre d’esclaves morts pendant l’aventure, c’est une histoire plutôt positive, estime l’ancien militaire. Les rescapés se sont pris en main, ont recréé une petite société. » Les archéologues ont retrouvé la trace de douze maisons en pierre, un type de construction interdit à l’époque à Madagascar car réservé aux sépultures. Les survivants « sont allés contre leurs habitudes devant la nécessité de survivre », note Max Guérout. Les scientifiques ont aussi retrouvé des bijoux créés sur place, signe d’une « vie normale ». Pour le feu, des briquets et des silex ont été retrouvés. Les habitants utilisaient le bois de l’épave de L’Utile pour l’alimenter.

      https://www.francetvinfo.fr/decouverte/l-histoire-houleuse-de-l-ile-tromelin-perdue-au-milieu-de-l-ocean-indie

      Ce n’est que le 29 novembre 1776, quinze ans après le naufrage, que le chevalier de Tromelin, commandant la corvette La Dauphine, récupère les huit esclaves survivants : sept femmes et un enfant de huit mois.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_Tromelin#Naufrag%C3%A9s_de_Tromelin

      Dans les deux cas, il n’y a que des femmes et des enfants survivants !

      #île #île_déserte #bateau #naufrage #racisme

    • merci @sinehebdo ces deux histoires sont assez terrifiantes.
      https://www.tahiti-infos.com/Carnet-de-voyage-Victoriano-Alvarez-le-roi-violeur-de-Clipperton_a1473

      La tragédie de Clipperton a inspiré autant les historiens que les romanciers. Voici quelques livres (essais et romans) ayant pour objet le drame des oubliés de Clipperton.

      – Clipperton l’île tragique, André Rossfelder (Albin Michel)
      – Les Oubliés de Clipperton, Claude Labarraque Reyssac (ED. André Bonne)
      – L’homme de Clipperton, Gil Pastor (Luneau Ascot Editeurs (1987)
      – Le Roi de Clipperton, Jean-Hugues Lime (Le Cherche Midi)
      – Agua verde, Anne Vallaeys (Fayard)
      – L’île aux fous, Ana García Bergua (Mercure de France ; bibliothèque étrangère)

      #survivre #femmes

  • L’art du deal à la manière persane – Notes de Pepe Escobar en marge de la 6ème Conférence Internationale de Soutien à l’Intifada Palestinienne | Mounadil al Djazaïri
    https://mounadil.wordpress.com/2018/05/22/lart-du-deal-a-la-maniere-persane-notes-de-pepe-escobar-en-marge

    L’iran a accueilli la Conférence Internationale de Soutien à l’Intifada Palestinienne et est resté froid devant le retrait de l’accord sur le nucléaire.

    Par Pepe Escobar, Asia Times (Hong Kong) 18 mai 2018 traduit de l’anglais par Djazaïri

    L’art de la transaction, pratiqué depuis 2500 ans, mène au palais de la sagesse. J’avais à peine mis les pieds à Téhéran quand un diplomate a déclaré : « Trump ? Nous ne sommes pas inquiets. C’est un bazaari (un commerçant) « – sous-entendant qu’un compromis politique sera finalement atteint.

    La réponse du gouvernement iranien à l’administration Trump se ramène à une variante de Sun Tzu : le silence – surtout après la chute de Flynn [Michael Flynn, ex conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump], qui avait « mis l’Iran en garde » après un test de missiles balistiques qui n’enfreignait pas les dispositions de l’accord nucléaire iranien, et l’idée d’un anti-Iran formé de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Uni, de l’Egypte et de la Jordanie, soit une mini-OTAN. Les manoeuvres navales iraniennes – du détroit d’Ormuz à l’océan Indien – étaient prévues depuis longtemps.

    J’étais à Téhéran en tant que membre d’un petit groupe d’analystes étrangers, invités du Majlis (Parlement) pour la 6ème Conférence internationale de soutien à l’Intifada palestinienne. Aucun risque de rencontrer des membres du cercle de Trump dans un tel rassemblement – avec des délégués parlementaires venus de plus de 50 pays, une mini-ONU de facto. Pourtant, ce qu’ils ont raté avec l’impressionnante inauguration dans une salle de conférence ronde et bondée, c’était le centre du pouvoir iranien qui s’affichait : le guide suprême, l’ayatollah Khamenei, le président de la république Hassan Rouhani et le président du parlement, Ali Larijani. (...)

  • Les Cafés Géo » De la #Perse à l’#Iran : vers un Orient fantasmé ?
    http://cafe-geo.net/de-la-perse-a-l-iran-vers-un-orient-fantasme

    ntre la mer Caspienne au nord (mer fermée) et le golfe Persique au sud, entrouvert par le détroit d’Ormuz sur l’océan Indien, l’Iran est un vaste plateau semi-désertique, cerné par de hautes montagnes. Les hommes se sont installés sur les piémonts, qui permettent de capter une eau aussi rare que précieuse (irrigation par le système des qanât). L’Iran vit en moyenne à plus de 1 000 m d’altitude !

  • Les activités minières irresponsables d’une entreprise chinoise menacent d’anéantir un village côtier

    À cause des activités minières irresponsables d’une entreprise chinoise au Mozambique, tout un village côtier de plus de 1000 habitants risque d’être englouti par l’océan Indien.

    https://www.amnesty.ch/fr/pays/afrique/mozambique/docs/2018/les-activites-minieres-irresponsables-d-une-entreprise-chinoise-menacent-d-a
    #Chinafrique #Mozambique #mines #extractivisme #Chine #Nagonha

    cc @albertocampiphoto @daphne

  • #Mayotte prête à sacrifier le droit du sol
    https://www.mediapart.fr/journal/france/130318/mayotte-prete-sacrifier-le-droit-du-sol

    La ministre des #outre-mer, Annick Girardin, est arrivée lundi 12 mars dans l’océan Indien. © Ministère de l’Outre-mer Très remontés contre les migrants venus du reste de l’archipel des Comores, les Mahorais manifestent depuis trois semaines contre l’insécurité qui sévit sur leur île. Sur place, la ministre des outre-mer a annoncé des renforts de police et laisse entendre que le gouvernement français pourrait réformer le droit du sol dans ce cas précis.

    #France #Anjouan #immigration #insécurité #manifestations

  • #Pollution & #poissons


    Islande : 30.000 tonnes de poissons morts dans un lac
    (lien modifié car issu de la fachosphère par mégarde de ma part et qui n’a pas échappé à la vigilance de @colporteur - Merci à toi)


    https://img.20mn.fr/1ITG9GbsRBep6gB9bvMHzQ/1200x768_tonnes-poissons-morts-ete-ramasses-lagoa-rodrigo-freitas-a-rio-jan
    Les poissons du lac Rodrigo de Freitas, en plein cœur de Rio de Janeiro, ont été victimes d’une désoxygénation…
    https://www.20minutes.fr/planete/1118961-20130315-20130315-jo-2016-dizaines-tonnes-poissons-morts-lac-desti


    Mexique : 50 tonnes de poissons morts extraits d’un lac
    http://www.linfo.re/monde/amerique/650702-mexique-50-tonnes-de-poissons-morts-extraits-d-un-lac


    Morts massives de poissons à travers l’Europe ! (2013)
    http://enattendant-2012.blogspot.fr/2013/07/morts-massives-de-poissons-travers.html

    Mort massive de poisson en 2016
    http://etat-du-monde-etat-d-etre.net/de-la-terre/hecatombes-animales/morts-massives-danimaux-en-2016-plus-de-60-cas-entre-en-s

    16 Février 2016 – 445 tortues retrouvés mortes échouées le long des plages de Guerrero au MEXIQUE Lien
    16 Février 2016 – Grande mortalité de poissons le long des voies d’eau de Karatay en TURQUIE Lien
    15 Février 2016 – Des milliers de poissons meurent le long de la rivière Porce en COLOMBIE Lien
    poissons-morts-colombie-2016
    11 Février 2016 – Des centaines de poissons morts s’échouent sur les plages de l’ÎLE MAURICE Lien
    poissons-morts-plage-maurice
    11 Février 2016 – Des milliers de poissons continuent de mourir le long du delta du Nil en EGYPTE Lien
    11 Février 2016 – Des dizaines de singes sont en train de mourir « un mystère » dans les forêts du NICARAGUA Lien
    11 Février 2016 – Des milliers de poissons morts retrouvés sur les plages des FIDJI Lien
    11 Février 2016 – Des centaines de poissons morts dans les eaux de Oosterhout aux PAYS-BAS Lien
    11 Février 2016 – Des masses de poissons morts s’échouent sur les plages de Montevideo en URUGUAY Lien
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    10 Février 2016 – Des milliers de poissons morts retrouvés dans les eaux de NOUVELLE-CALÉDONIE Lien
    10 Février 2016 – Des centaines d’anguilles mortes retrouvés dans un ruisseau de Marlborough en NOUVELLE-ZÉLANDE Lien
    10 Février 2016 – Des dizaines d’oiseaux de mer ainsi que d’autres créatures marines retrouvés morts sur une plage de Malibu en AMÉRIQUE lien
    7 février 2016 – +630 tonnes de poissons sont morts dans les fermes piscicoles le long du delta du Mékong au VIETNAM Lien
    6 Février 2016 – Des centaines de poissons retrouvés morts « à cause d’une marée rouge » en FLORIDE, Amérique lien
    5 Février 2016 – Des millions d’huîtres sont mortes à cause d’une maladie dans le sud de la Tasmanie en AUSTRALIE Lien
    4 Février 2016 – Des dizaines d’oiseaux meurent subitement à Wichita au KANSAS, Etats-Unis Lien
    Capture d’écran 2016-04-15 à 15.38.02
    4 Février 2016 – Des dizaines de pélicans morts d’une cause inconnue sur Grand Isle en LOUISIANE, Amérique Lien
    4 Février 2016 – 6 baleines mortes se sont échouées le long de la côte de l’Est de l’ANGLETERRE Lien
    4 Février 2016 – Des centaines de poissons retrouvés morts « suscitent la peur » à La Brea, TRINITÉ-ET-TOBAGO Lien
    4 Février 2016 – Mortalité massive de poissons dans une lagune de Marica au BRÉSIL Lien
    3 février 2016 – 8 autres baleines mortes retrouvés le long de la côte de Friedrichskoog en ALLEMAGNE Lien
    3 Février 2016 – 41.000 poulets sont morts d’une maladie de Newcastle à Luzon aux PHILIPPINES Lien
    3 février 2016 – 36 tonnes de poissons sont morts dans les exploitations agricoles, « à cause d’une marée » à HONG KONG Lien
    3 Février 2016 – Des dizaines de tortues mortes retrouvées le long des plages de Tecpan de Galeana au MEXIQUE Lien
    3 Février 2016 – Des centaines de poissons retrouvés morts dans les étangs du Queensland en AUSTRALIE Lien
    1er Février 2016 – Des centaines de poissons retrouvés morts dans un lac du TEXAS en Amérique lien
    1er Février 2016 – Mortalité massive de poissons dans la rivière Shing Mun à HONG KONG Lien
    1er Février 2016 – Des masses de poissons morts découverts le long d’1 km de rivière dans la province de Hubei en CHINE Lien
    31 Janvier 2016 – Grande mortalité de poissons « du jamais vu » dans la rivière Snake à WASHINGTON aux États-Unis Lien
    30 Janvier 2016 – +500 chameaux sont morts d’une « maladie mystérieuse » à Marsabit au KENYA Lien
    30 Janvier 2016 – +19 tonnes de poissons morts retrouvés dans un lac de Goias au BRÉSIL Lien
    28 janvier 2016 – +22,000 oiseaux marins retrouvés morts « la plus grande mortalité jamais enregistrée » le long des plages de l’ALASKA en AmériqueLien
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    28 Janvier 2016 – Des centaines d’oiseaux de mer retrouvés morts sur une plage de la mer de Galilée en ISRAËL Lien
    28 Janvier 2016 – Des centaines de tonnes de poissons sont morts dans les exploitations agricoles de la province de Ha Tinh au VIETNAM Lien
    27 Janvier 2016 – 400 tonnes de poissons sont morts à cause du froid à Ubon Ratchathani en THAÏLANDE Lien
    27 Janvier 2016 – Des milliers de poissons sont morts dans une réserve du NEVADA aux Etats-Unis Lien
    26 Janvier 2016 – Des milliers de poissons retrouvés morts échoués à Martha Vineyard dans le MASSACHUSETTS aux États-Unis. Lien
    25 Janvier 2016 – Des milliers de poulets morts d’une « maladie mystérieuse » à Kampong Thom au CAMBODGE Lien
    25 Janvier 2016 – Des milliers d’étoiles de mer retrouvées mortes échouées à Port St. Joe en FLORIDE, Amérique. Lien
    25 Janvier 2016 – Des centaines de milliers de poissons retrouvés morts dans un lac de Samut Prakan en THAÏLANDE Lien
    21 Janvier 2016 – 300 tortues retrouvées mortes sur une plage de Odisha en INDE Lien
    18 Janvier 2016 – Hécatombe massive de poissons dans la rivière Eloor en INDE Lien
    17 Janvier 2016 – 12 cachalots retrouvés morts sur des îles des PAYS-BAS et d’ALLEMAGNE Lien
    17 Janvier 2016 – Grande mortalité de poissons repérés le long du Nil à Rosetta en l’EGYPTE Lien
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    15 Janvier 2016 – +10.000 calmars morts retrouvés échoués « cause inconnue » à Arauco au CHILI Lien
    15 Janvier 2016 – Des centaines de poissons morts flottant dans une rivière de Kuala Lumpur en MALAISIE. Lien
    13 Janvier 2016 – Des milliers de poissons retrouvés morts dans la baie de Guanabara au BRÉSIL Lien
    13 Janvier 2016 – Des centaines de milliers de poissons retrouvés morts ou mourants dans la rivière Hunter, NSW en AUSTRALIE Lien
    12 janvier 2016 – plus de 100 baleines échouées dont 45 mortes sur la côte de Tamil Nadu en INDE Lien
    10 Janvier 2016 – Des centaines de poissons et d’anguilles morts dans un lac de la baie de Hawke en NOUVELLE-ZÉLANDE Lien
    8 Janvier 2016 – Des milliers de poissons morts retrouvés à Gulfport en FLORIDE aux États-Unis. Lien
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    8 Janvier 2016 – Des dizaines de milliers d’étoiles de mer et méduses retrouvées mortes le long du Sussex et du Hampshire en ANGLETERRE Lien
    7 Janvier 2016 – 2000 poissons retrouvés morts sur les rives d’une rivière d’Amalfi en COLOMBIE Lien
    6 Janvier 2016 – Des milliers d’oiseaux retrouvés morts au bord de la mer le long d’une plage de Prince William Sound en ALASKA, Amérique Lien
    6 Janvier 2016 – +100 tonnes de poissons retrouvés morts dans une rivière de la province de Dong Nai au VIETNAM Lien
    6 Janvier 2016 – Des centaines d’oiseaux retrouvés morts à Cuerámaro au MEXIQUE Lien
    6 janvier 2016 – 25.000 oiseaux tués à cause de la grippe aviaire à Accra au GHANA Lien
    5 Janvier 2016 – Mortalité massive de poissons dans un lac de Marica au BRÉSIL Lien
    5 Janvier 2016 – Des centaines de poissons retrouvés morts le long d’une rivière de Gebeng en MALAISIE Lien
    2 Janvier 2016 – Des milliers de poissons morts dans une rivière « à cause de la pollution » à Pelalawan Regency en INDONÉSIE Lien
    2 Janvier 2016 – Des centaines d’étoiles de mer mortes retrouvées échouées sur une plage de Portsmouth en ANGLETERRE Lien

    #nos_ennemis_les_bêtes #mots_massive #animaux

  • Erik Prince, un « chien de guerre » dans les arcanes de la Maison Blanche

    http://www.lemonde.fr/international/article/2018/02/09/erik-prince-un-chien-de-guerre-dans-les-arcanes-de-la-maison-blanche_5254319

    Cet ancien militaire et fondateur de la société privée de sécurité Blackwater, jugée responsable d’exactions en Irak, a désormais ses entrées à Washington et envisage de se lancer en politique.

    Certains épisodes d’une vie ont l’apparence d’une incroyable répétition. Le 30 novembre 2017, la fine fleur du renseignement américain a les yeux rivés sur le Congrès, à Washington. Erik Prince, costume sombre et cravate rouge, cheveux ras, est convoqué par une commission d’enquête de la Chambre des représentants. Le fondateur de société militaire privée Blackwater et frère de la ministre de l’éducation Betsy DeVos est soupçonné d’avoir rencontré un financier russe aux Seychelles, neuf jours avant l’investiture du président Donald Trump, dans le but de créer un canal de communication discret entre le nouveau président des Etats-Unis et Vladimir Poutine. Cette rencontre, révélée en avril 2017 par le Washington Post, a encore un peu plus épaissi la ténébreuse affaire dite du Russiagate, l’enquête sur les interférences russes durant la présidentielle américaine.

    Devant une vingtaine d’élus, Erik Prince apparaît droit dans ses bottes, raide dans ses commentaires, sûr de lui. Lui, le baroudeur, l’ex-commando du corps d’élite des Navy Seals, l’ancien patron de l’armée privée la plus puissante au monde, le généreux donateur du Parti républicain et conseiller officieux du président. Il arbore un léger sourire en coin, presque hautain, impatient. Devant les élus, il ne dira pas grand-chose. Erik Prince accusera l’administration Obama de l’avoir surveillé illégalement, sans donner ses sources, ni convaincre les congressistes.

    Le rendez-vous aux Seychelles n’aurait, lui, duré qu’une demi-heure, peut-être même moins. Le temps d’une bière au bar d’un hôtel de luxe, « quatre étoiles ou plus », mais dont le nom lui échappe. Une discussion banale en somme, entre deux hommes d’affaires : « Je me souviens lui avoir dit que si Franklin Roosevelt a pu travailler avec Joseph Staline pour battre les nazis, alors Trump pourrait certainement travailler avec Poutine pour vaincre le fascisme islamique. Il semblait d’accord. » Rien d’autre. Pas de deal, aucun autre rendez-vous. Il ne se souvient même pas avoir échangé une carte de visite.

    « Rencontre d’affaires informelle »

    Le fait que son interlocuteur, Kirill Dmitriev, soit le patron du Fonds russe d’investissements directs, un consortium sous le coup de sanctions américaines depuis 2015, n’a pas l’air de l’émouvoir. Tout comme le fait que ce même Dmitriev, issu des premiers cercles de Poutine, croisera à Davos, une semaine après leur rencontre, Anthony Scaramucci, alors conseiller du président Trump avant de devenir brièvement son porte-parole.

    Le feu roulant de questions n’a pas d’effet. Erik Prince reste flou sur l’initiateur de la rencontre, « un des frères », se souvient-il vaguement, du prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed Ben Zayed. Un prince héritier présent lui aussi sur l’île des Seychelles le jour de la rencontre et avec lequel Prince dit s’être entretenu un peu plus tôt dans la soirée pour « parler affaires de manière informelle » et « partager quelques points de vue » sur le théâtre du monde, « ou ce genre de choses comme le terrorisme en Somalie, en Libye, au Nigeria ».

    Erik Prince restera tout aussi évasif sur une éventuelle intermédiation d’un de ses proches, Steve Bannon. L’éminence grise et directeur de campagne de Donald Trump avait rencontré discrètement l’homme fort d’Abou Dhabi en décembre 2016, à New York, dans la Trump Tower, en compagnie du gendre du président, Jared Kushner, et de Michael Flynn, alors futur conseiller à la sécurité nationale, aujourd’hui poursuivi dans l’enquête du Russiagate.

    Zones d’ombre

    Etrange prestation. L’audition aura duré plus de trois heures sans qu’Erik Prince ne dévoile quoi que ce soit. Trois heures pour protéger ses réseaux et défendre ses proches. Tout comme il l’avait fait il y a dix ans, ici même, au Capitole, devant une autre commission de la Chambre, le 2 octobre 2007. Ce jour-là, pour la première fois, le nom de M. Prince renvoyait à un visage. Et il affichait déjà un aplomb déconcertant. Jeremy Scahill, auteur à l’époque d’une somme sur le personnage (Blackwater : l’émergence de l’armée de mercenaires la plus puissante au monde, Actes Sud, 2008), dira même qu’il était « provocant ». Lui était là pour répondre sur les agissements de sa société Blackwater devenue le symbole d’une entreprise de cow-boys hors de contrôle et profiteurs de la guerre en Irak. Deux semaines plus tôt, le 16 septembre, une de ses équipes avait tué 17 civils irakiens place Nisour, en plein centre de Bagdad.

    Dix ans séparent les deux auditions. Dix années truffées de zones d’ombre. Comme si la vie d’Erik Prince n’était qu’une longue nage en eaux troubles, jalonnée de hauts et de bas, mais jamais terminée. Assis au bar du Mayflower, hôtel iconique de Washington, surchauffé en cette froide journée de janvier, l’homme sourit en attendant son rendez-vous avec Le Monde. Pendant tout l’entretien, il ne prononcera pas un mot de plus sur son escapade dans l’océan Indien. « Tenez-vous en au transcript de l’audition », conseille-t-il. Et puis ceci :

    « On me prête beaucoup, surtout les médias de gauche qui sont le plus grand fléau de notre démocratie. Ils cherchent à faire leurs choux gras sur mon nom depuis tant d’années. Oui, je représente tout ce que les démocrates aiment détester. »
    Pour comprendre ce qui anime Erik Prince, il faut explorer son histoire personnelle, démêler aussi les liens qu’il a tissés au fil de son ascension avec la frange la plus religieuse et conservatrice du Parti républicain, aujourd’hui au pouvoir. Né en 1969 à Holland, dans un quartier calme et tranquille, le jeune Prince appartient à une très riche et puissante famille de l’Etat du Michigan. Son père, Edgar, qui s’engagea deux ans dans l’US Air Force, fait fortune en créant une entreprise de pièces détachées pour automobiles, la Prince Manufacturing. Il sera l’inventeur du pare-soleil au miroir éclairé par un spot lumineux, un accessoire qui allait équiper pratiquement chaque voiture dans le monde et envoyer la famille Prince dans la sphère des milliardaires.

    Figure paternelle forte

    Les journées de seize à dix-huit heures ont raison de la santé du père, frappé au début des années 1970 par une crise cardiaque, à laquelle il survit. Déjà très croyant, Edgar Prince se rapproche encore un peu plus de Dieu. « C’est à ce moment-là, allongé dans son lit d’hôpital à méditer sur tout ce que son labeur lui avait apporté qu’il a renouvelé sa foi en Jésus-Christ », dira l’ami de la famille, Gary Bauer, un des leaders de la droite religieuse et fondateur du lobby chrétien de droite, le Family Research Council.

    Fidèle soutien du Parti républicain, adepte d’une économie de libre marché et désormais grand propagandiste des valeurs chrétiennes, l’industriel marie sa fille Betsy, sœur aînée d’Erik, à Dick DeVos. Le père du jeune homme, Richard DeVos, est le fondateur d’Amway, le géant de la vente directe en réseaux. Une entreprise qui deviendra dans les années 1990 une des sociétés les plus actives dans le processus électoral américain, en utilisant son infrastructure comme un réseau d’organisation politique. Unis, les clans DeVos et Prince deviennent également les principaux financiers du Forum familial du Michigan (MFF), la branche locale de Focus on the Family de James Dobson, une puissante organisation de la droite religieuse et des extrémistes chrétiens.

    Erik Prince est très proche de son père. Dès son enfance, il règle son pas sur le sien. « Je passais des heures à parler avec lui », se souvient-il. Jeune sportif, il joue au foot et au basket dans les écoles chrétiennes de Holland, soutenues financièrement par sa famille. Dans l’entreprise paternelle, il se familiarise avec les principes de la firme reproduits dans ses brochures : « Ce sont les gens qui font la différence » ou encore « l’excellence est le résultat de l’engagement et du dur labeur de personnes dévouées ». « Je crois que j’ai toujours sa voix au-dessus de ma tête, affirme Erik Prince. Cette idée d’être toujours le bon gars dans ce qu’on fait, faire le plus avec ce que l’on a. »

    « Vision du Bien et du Mal »

    Pour ses 7 ans, il s’envole avec ses parents en Europe. Au programme, les plages de Normandie, Munich et le camp de Dachau, Berlin et son Mur : « Cela a marqué le gamin que j’étais. Cette haute muraille, les champs de mines, les pièges à chars, les barbelés et tous ces fusils m’ont renvoyé l’image d’une nation devenue une gigantesque prison. La vision du Bien et du Mal s’est ancrée en moi, même si celle-ci s’est nourrie d’un peu de cynisme avec le temps. »

    Dans la maison des Prince, Erik croise régulièrement un nouvel ami de la famille, Chuck Colson, l’ancien conseiller spécial de Richard Nixon, perçu par beaucoup comme le « génie du mal » de l’ancien président. Colson fut la première personne à être condamnée dans l’affaire du Watergate après avoir plaidé coupable d’obstruction à la justice. Une fois sorti de prison, il écrivit Born Again, un livre évoquant sa conversion, et deviendra une des voix les plus influentes des mouvements évangéliques.

    Après le lycée, il rentre à l’Académie navale du Maryland. L’atmosphère ne lui plaît pas, trop dilettante et en même temps trop politiquement correcte à ses yeux. Il démissionne pour s’inscrire au Hillsdale College du Michigan, l’établissement le plus conservateur du pays d’après un classement de la Princeton Review. « Erik Prince était brillant et parlait bien, déclarera un de ses professeurs d’économie. Ce qui est bien chez lui, c’est qu’il comprend la relation entre le marché et le système politique. »

    Engagement politique

    Avec l’âge, Erik s’engage de plus en plus en politique. Il décroche un stage de six mois à la Maison Blanche sous George Bush père. Il a 19 ans et fait son premier don, d’un montant de 15 000 dollars, au Comité national républicain du Congrès. Un soir, sur une piste de bowling, il croise l’élu républicain californien Dana Rohrabacher. Prince lui fait part de ses critiques à l’égard d’une administration qu’il trouve trop peu conservatrice. Alors assistant spécial et rédacteur des discours de Ronald Reagan, il l’invite à travailler un temps dans son bureau. Les deux hommes ne se perdront plus de vue.

    Au cours de la première audition d’Erik Prince au Congrès, Dana Rohrabacher le soutiendra à sa manière, affirmant que son ami « était sur la voie pour devenir un héros américain tout comme l’était Oliver North », l’ancien colonel de l’armée américaine impliqué dans le scandale de l’Irangate au milieu des années 1980. L’élu ultraconservateur se rendra célèbre par la suite pour ses prises de position pro-russes. Plus récemment, il essaiera d’obtenir la grâce de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, auprès du président Trump. Depuis décembre 2017, Rohrabacher fait partie de la liste de personnalités interrogées dans le cadre de l’enquête russe.

    En 1992, Erik Prince s’emballe pour le candidat Pat Buchanan qui se présente avec un programme d’extrême droite, contre l’immigration, contre l’avortement et contre les homosexuels. La même année, il intègre les commandos Seals. Il servira en Haïti, en Bosnie et au Moyen-Orient, la plupart des points chauds du premier mandat Clinton. C’est durant ces quatre années, entre 1992 et 1996, qu’il rencontrera la plupart des personnes avec lesquelles il lancera Blackwater.

    Rester lié à l’armée

    Avec la mort de son père et un cancer en phase terminale diagnostiqué chez sa première femme, Erik Prince quitte les Seals en 1996 pour revenir auprès de sa famille. Celle-ci décide de vendre la société au groupe Johnson Controls pour 1,35 milliard de dollars, cash. « Je voulais rester lié à l’armée, expliquera Erik Prince quelques années plus tard. J’ai donc construit un complexe pour offrir un site de première classe aux militaires américains et aux alliés étrangers, ainsi qu’aux organismes de maintien de l’ordre, privés et gouvernementaux, qu’ils puissent se préparer à affronter le Mal. » En clair, un centre d’entraînement, qu’il inaugure en décembre 1996, à Moyock (Caroline du Nord), dans une immense tourbière située près de la base navale de Norfolk. L’année suivante, il acquiert plus de 2 000 hectares dans les comtés de Currituck et Camden voisins.

    L’époque est porteuse. Blackwater naît au moment d’une privatisation massive et sans précédent de l’armée, un mouvement lancé entre 1989 et 1993 par Dick Cheney du temps où il était le secrétaire à la défense de Bush père. Le budget de la défense est réduit de 10 milliards de dollars. Le nombre de soldats passe de 2,2 à 1,6 million. « L’idée était de réserver les troupes régulières pour le combat, tandis que les soldats privés s’occuperaient de la logistique à l’arrière-plan », écrit Dan Briody dans son livre The Halliburton Agenda (John Wiley and Sons Ltd, 2005, non traduit) sur l’entreprise Halliburton, premier fournisseur de matériel pour l’armée, que Cheney, futur vice-président de Bush fils, dirigea entre 1995 et 2000...

    Grâce à ses relations nouées dans l’armée, et aussi à celles tissées par son père et la famille DeVos au sein du Parti républicain, Erik Prince obtient rapidement des contrats avec le département de la défense, le renseignement et la police. En octobre 2000, l’attaque-suicide lancée par Al Qaida contre le destroyer USS Cole dans le port d’Aden (Yémen) jette une lumière crue sur les besoins en matière de protection de la marine américaine. Blackwater y gagne un contrat de 35,7 millions de dollars. Le 11-Septembre provoquera, lui, une nouvelle accélération cette privatisation de la chose militaire, reprise à son compte par le nouveau secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld.

    Proche d’une « société secrète »

    Prince est dans son élément. L’administration Bush fait appel à la droite la plus conservatrice et aux chantres du moins d’Etat. Le jeune homme d’affaires a maintenu des relations très proches avec certains acteurs du Conseil de la politique nationale (CNP), une organisation quasi secrète considérée comme l’un des piliers de la nouvelle droite, décrite par le New York Times comme « un club peu connu de quelques centaines des plus puissants conservateurs du pays qui se retrouvent derrières les portes fermées dans des lieux non divulgués pour une conférence confidentielle ».

    Le père Prince y avait exercé la fonction de vice-président. George W. Bush s’adressa au groupe en 1999, à la recherche de soutiens pour sa candidature. Dick Cheney, Donald Rumsfeld, John Bolton, ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, et John Ashcroft, procureur général, participent à ses réunions, tout comme un certain Dan Senor, qui deviendra le premier assistant de Paul Bremer, le « pro-consul » américain en Irak de 2003 à 2005.

    Erik Prince est également un proche d’Alvin « Buzzy » Krongard, le directeur exécutif de la CIA. A l’époque, l’agence a besoin de protection en Afghanistan. Elle manque de personnel, tout comme l’armée, qui manque d’agents de sécurité statiques. Krongard signera plusieurs contrats avec Blackwater pour la protection de sites secrets ou stratégiques de la CIA aux quatre coins du globe, en pleine « guerre contre la terreur ».

    « Mr. Fix-it »

    Dès 2001, Blackwater devient un des principaux supplétifs de l’armée en Afghanistan, puis en Irak deux ans plus tard. Erik Prince passera également de multiples contrats avec le département d’Etat pour assurer la sécurité de ses agents et diplomates. Dans l’administration, on le surnomme « Mr Fix-it » (M. Le Réparateur). Il trouve les failles, pointe les erreurs des déploiements militaires, formule des propositions clés en main.

    « Le Pentagone a construit une puissance militaire considérable ces soixante-dix dernières années pour vaincre l’URSS, explique-t-il. Mais utiliser ces tactiques, ces équipements, ce potentiel pour combattre des gars en pick-up chaussés en tongs, cela ne marche pas. Comment expliquer que, pour un soldat américain déployé en première ligne, il faut douze hommes derrière ? Qu’un ravitaillement opéré par des hélicoptères sur des navires nécessite 35 hommes de la Navy alors que nous le faisons avec huit ? Blackwater était là pour fournir des approches viables et à moindres coûts. Notre business avait l’avantage d’être un mélange de mentalité de commando et des meilleures pratiques commerciales existantes. »

    Jusqu’au point de rupture. En 2007, 177 « sociétés militaires privées » (SMP) exercent en Irak. Près de 48 000 contractuels y sont répertoriés, soit quasiment un privé pour un soldat. Blackwater fait alors partie des trois plus importants fournisseurs avec 1 200 hommes en permanence sur place, 155 véhicules et 26 aéronefs. Cette année-là, la société d’Erik Prince atteint le chiffre record d’un milliard de dollars de contrats signés avec le gouvernement, cinq fois plus qu’en 2000.

    La bavure de la place Nisour

    Le carnage du 16 septembre 2007 à Bagdad marquera le début de la fin. Blackwater est mis en cause dans une dizaine d’incidents meurtriers depuis son arrivée en Irak. Mais cette fusillade est le scandale de trop. L’audition au Congrès d’Erik Prince n’y changera rien. Tout comme sa tentative de rebaptiser la firme Xe en 2009. Outre l’impunité, le grand public a pris en aversion Blackwater pour s’être enrichi sur le dos du contribuable et avoir profité des guerres en Irak et en Afghanistan. « Une armée à ce point fidèle aux causes de l’extrême droite qu’elle en est devenue une garde du Parti républicain », écrit la journaliste et essayiste Naomi Klein. Pour l’ancien ambassadeur américain en Irak Joseph Wilson, « l’histoire de cette entreprise de mercenaires démontre clairement les graves dangers qu’entraîne la sous-traitance de l’usage de la force qui est un monopole de l’Etat. »

    En 2010, Erik Prince vend la société et ses filiales pour au moins 200 millions de dollars, selon différentes sources. Deux ans plus tard, il trouve un arrangement avec le gouvernement fédéral à hauteur de 50 millions de dollars pour une longue liste de violations commises entre 2005 et 2008 au regard du droit américain. S’ensuit une longue procédure durant laquelle quatre membres de son équipe responsable de la fusillade à Bagdad seront lourdement condamnés par un tribunal de Washington. Leurs peines sont en cours de révision.

    Lui n’en démord pas. « Il n’y avait aucune raison de s’en prendre ainsi à Blackwater », soutient-il, avant d’accuser les politiques. « Il fallait cibler Erik Prince. Dès que l’administration Obama a été mise en place, j’ai subi d’énormes pressions fiscales, des audits. La justice ici n’est pas aveugle, elle est politique, qu’elle aille au diable ! »

    Diversification

    Erik Prince prend le large. Il s’installera trois ans à Abou Dhabi. Le temps d’élargir ses réseaux et trouver de nouveaux ancrages. En 2011, le New York Times révèle qu’il a signé un contrat de 529 millions de dollars pour mettre sur pied une armée secrète de 800 mercenaires pour le compte des Emirats arabes unis. D’après le quotidien, ce bataillon est chargé de mener des opérations spéciales à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, de défendre les oléoducs et les gratte-ciel contre d’éventuels actes terroristes et de réprimer les révoltes intérieures. Les officiels émiratis confirmeront dans un communiqué l’existence d’un contrat, signé avec Prince, de « formation, d’entraînement et de soutien opérationnel » à leur armée.

    Lui investit, s’essaie à la finance, crée des holdings, plusieurs sociétés écrans aussi. D’Asie en Afrique, en passant par l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient, il se diversifie et brouille les pistes. En 2013, il crée Frontier Services Group (FSG), une société installée à Hongkong et spécialisée dans la logistique, les services de sécurité et d’aviation. Les premiers responsables sont, comme Prince, d’anciens soldats américains. Quelque 15 % du capital sont détenus par Citic, un important fonds d’investissement public chinois, très présent en Afrique. Dans la foulée, Prince achète des compagnies d’aviation au Kenya, des sociétés de transports au Congo.

    « Nous voulons être la première entreprise de logistique à couvrir l’ensemble du continent africain, même où cela semble dangereux », dit-il.
    En Autriche, il acquiert 25 % de la société d’aviation privée Airborne Technologies, spécialisée dans la transformation d’avions d’épandage agricole en vue d’une utilisation militaire ou de surveillance. Il acquiert encore 25 % encore des parts d’une entreprise chinoise ISDC, basée à Pékin, et présentée comme l’une des principales écoles de formation dans le domaine de la sécurité dans le monde.

    De nouveau, Prince est sur le devant de la scène. Le magazine Vanity Fair écrit qu’il travaille pour la CIA, Buzzfeed qu’il convoite les métaux rares en Afghanistan. Le quotidien espagnol ABC évoque un projet, financé par les Emirats arabes unis, d’invasion du Qatar, par l’armée privée de Prince. The Intercept, qui le suit à la trace, affirme que plusieurs enquêtes judiciaires américaines auraient été lancées contre lui pour avoir essayé de vendre des prestations militaires à des gouvernements étrangers. « Tout cela n’est que foutaises ! », écarte-t-il d’un revers de main. Il ne dira rien de plus.

    Le retour d’Erik Prince aux Etats-Unis correspond peu ou prou à la victoire de Donald Trump. Et visiblement, il fourmille d’idées. Au quotidien italien Corriere della Sera, il parle d’un projet destiné à résoudre la crise migratoire en Europe en créant une force de police de 650 hommes, formés par ses soins et postés à la frontière sud de la Libye. Dans un texte publié dans le Wall Street Journal, il expose un plan pour l’Afghanistan. « C’est la plus longue guerre de notre histoire, celle qui a coûté la vie à plus de 2 000 soldats américains et englouti près de 45 milliards de dollars de notre budget annuel pour un résultat désastreux », souligne-t-il. La solution passerait, selon lui, par le déploiement de moins 5 000 soldats contractuels, moins de 100 avions, pour un coût total d’à peine 10 milliards de dollars. Le pouvoir serait, lui, entre les mains un « vice-roi » américain nommé par l’administration Trump, à l’image des anciennes colonies britanniques.

    Candidat potentiel

    Le plan a été soumis à la Maison Blanche par l’entremise de Jared Kushner et Steve Bannon, qui y est très favorable. Les spécialistes l’ont vivement critiqué, le Pentagone l’a catégoriquement rejeté. « Les généraux sont très conventionnels », ironise l’homme d’affaires. De son côté, Donald Trump aurait dit à deux de ses conseillers d’examiner attentivement le projet. D’une source proche de la Maison Blanche, le secrétaire à la défense, le général issu des Marines James Mattis, aurait même apprécié l’état des lieux formulé par Prince, tout en écartant la solution proposée. « Ça viendra, glisse-t-il. La guerre a duré dix-sept ans, il faudra bien un jour ou l’autre explorer d’autres approches pour y mettre fin. »

    D’ici-là, Erik Prince dit ne pas écarter l’idée de se présenter à la primaire républicaine du Wyoming contre le sénateur sortant, le très populaire John Barrasso. Une candidature ardemment encouragée par l’ex-conseiller ultranationaliste Steven Bannon, inlassable pourfendeur de l’establishment républicain. « Le Wyoming est un des Etats les plus conservateurs du pays », explique l’ancien PDG de Blackwater, avant d’ajouter en forme d’autoportrait : « Il est composé d’hommes robustes. Les hivers y sont rudes. C’est un Etat qui a besoin d’un battant. » Les hostilités reprennent.

  • Etude géopolitique et stratégique des flux maritimes, risques et menaces dans l’océan Indien
    https://www.diploweb.com/Ocean-Indien-etude-geopolitique-et-strategique-des-flux-maritimes-risques-

    Analyste en géopolitique et sécurité internationale, auditeur de la 70ème session nationale « Politique de défense » de l’IHEDN. Jean-Pierre Numa travaille actuellement sur les questions du continuum sécurité-défense en France et il aborde par ailleurs les thèmes liés à la sécurisation des flux en Océan Indien. Cet article est illustré d’une carte réalisée par Charlotte Bezamat-Mantes, doctorante à l’Institut Français de Géopolitique (IFG), Université Paris VIII.

    La France bénéficie de la deuxième Zone économique exclusive du monde mais persiste à méconnaitre les enjeux géopolitiques et stratégiques des mers et océans. Cette étude transversale de l’océan Indien met en lumière les axes, corrélés ou non, de diffusion des risques, menaces et dangers présents et pouvant s’étendre au-delà via les flux maritimes qui le traversent. Cet article est illustré d’une carte réalisée par Charlotte Bezamat-Mantes.

    #océan_indien #géopolitique

  • #SpaceX : la mission secrète du gouvernement américain aurait échoué
    https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/0301121201051-spacex-la-mission-secrete-du-gouvernement-americain-aurait-ec


    L’engin, construit par la société Northrop Grumman, n’a pas pu se détacher du second étage de la fusée
    SIPA/CATERS

    Le satellite espion n’a pas pu se détacher du second étage de la fusée #Falcon_9 et aurait disparu, selon plusieurs médias. SpaceX dément.

    Tout avait pourtant bien commencé. Dimanche soir, la société californienne SpaceX annonçait le succès du premier lancement de l’année de sa fusée Falcon 9. Mais moins de 36 heures après le décollage de son lanceur, les choses se compliquent pour la société d’Elon Musk.

    Selon plusieurs médias américains, le satellite espion américain, porté par la fusée Falcon 9, n’a pas réussi à atteindre son orbite et est considéré comme perdu. L’engin, construit par la société Northrop Grumman, n’a pas pu se détacher du second étage de la fusée, lancé de Cap Canaveral en Floride.

    Le satellite espion aurait été pulvérisé dans l’espace ou se serait abîmé en mer, selon le Wall Street Journal, qui a révélé l’information. Une enquête a été ouverte.

    • Zuma, le satellite secret lancé par SpaceX, est perdu
      https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/satellite-militaire-zuma-satellite-secret-lance-spacex-perdu-69800

      Le satellite militaire américain Zuma aura davantage fait parlé de lui qu’il n’aura fonctionné en orbite ! Quelques instants après son lancement par un Falcon 9 de SpaceX (le 7 janvier), le satellite aurait disparu des radars et terminé son vol désintégré dans l’atmosphère. Ce qu’il en reste aurait coulé au fond de l’océan Indien.
      En raison de la nature secrète du satellite, aucune information officielle n’est disponible. Bien que quelques sources expliquent que Zuma n’aurait pas réussi à se séparer de l’étage supérieur du Falcon 9, il est peu probable que le lanceur de SpaceX soit en cause. Comme le souligne Gwynne Shotwell, présidente et CEO de SpaceX, « après avoir examiné toutes les données du vol, il apparaît que le lanceur a fonctionné normalement. Si nous ou d’autres personnes trouvions le contraire sur la base d’un examen plus approfondi, nous le signalerons immédiatement ». Comme les données du vol sont aussi exploitées par l’US Air Force, on imagine mal SpaceX cacher des informations.

      Quant à Northrop Grumman, le constructeur du satellite, il devait réaliser la recette du satellite et le mettre en service. Il faut savoir que les satellites communiquent en permanence avec le sol. La télémétrie a donc dû fonctionner jusqu’à la destruction du satellite, ce qui laisse à penser que les données reçues pourraient parler. Mais, comme le souligne le porte-parole de la société, « nous ne commentons pas les missions classifiées ». En conclusion, il sera très difficile de savoir ce qu’il s’est réellement passé et à quoi devait servir ce satellite. D’ailleurs, le National Reconnaissance Office, qui gère d’ordinaire les satellites espions américains, a assuré auprès d’Aviation Week ne pas détenir ce satellite !

      Au vu des déclarations de SpaceX, il semble peu probable que le lanceur Falcon 9 soit en cause.

  • « Si la liberté de navigation est bafouée en mer de Chine, elle le sera partout »
    http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/10/31/si-la-liberte-de-navigation-est-bafouee-en-mer-de-chine-elle-le-sera-partout

    Le droit de la mer est remis en question par les politiques du fait accompli, selon l’amiral Denis Bertrand, commandant de la zone maritime Pacifique et des forces armées en Polynésie française.

    La frégate Auvergne vient d’effectuer une mission de huit jours en mer de Chine du Sud, passant par les îles Spratleys, mais également, ce qui est plus nouveau pour la marine française, à proximité des îles Paracel, qui sont aussi revendiquées par la Chine. Pourquoi cette navigation ?
    L’importance de cette navigation dans la région est illustrée dans la revue stratégique de la défense nationale qui vient d’être adoptée par le président de la République : elle souligne l’affirmation de la puissance chinoise, son influence régionale, et le développement considérable de ses capacités militaires. Nous avons un point de préoccupation, qu’a rappelé la ministre des armées en juin au Shangri-La Dialogue [le grand rendez-vous des ministres de la défense de la zone Asie-Pacifique] : la défense d’un ordre international fondé sur le droit. Cela vaut pour la piraterie, la prolifération avec la Corée du Nord, les pêches illégales, ou les entraves à la liberté de navigation. L’application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer est remise en question par les politiques du fait accompli.

    Pour conserver son autonomie stratégique, la France doit préserver sa capacité d’appréciation de la situation. Il nous faut entretenir nos connaissances sur l’évolution des équilibres internationaux et régionaux, les comportements des uns et des autres. Depuis fin 2014, plus d’une dizaine de bateaux français ont ainsi transité dans la région, là où le droit de la mer nous y autorise, y compris dans ces zones contestées. Avec trois mots-clés : lisibilité, constance, équilibre.

    Quel est le bilan de ces transits ?
    Quand on navigue dans de telles zones, on apprend énormément des réactions, comme de l’absence de réactions observée. Nos transits nous montrent que la Chine a des réactions de plus en plus professionnelles, qu’elle est attentive à ce qu’il se…

    #paywall

    La France se met aussi aux mission #FoN #Freedom_of_Navigation

    • L’article de la journaliste embarquée (également sous #paywall, on ne connait pas le détail du passage près des Paracels ou Spratleys (dans les eaux territoriales revendiquées ou pas)

      A bord de l’« Auvergne », en mer de Chine du Sud
      http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/10/31/a-bord-de-l-auvergne-en-mer-de-chine-du-sud_5208107_3216.html

      La frégate française a effectué une mission inédite dans les îles Spratleys et Paracel, revendiquées par Pékin.

      #mer_de_Chine_méridionale

    • A bord de l’« Auvergne », en mer de Chine du Sud

      La frégate française a effectué une mission inédite dans les îles Spratleys et Paracel, revendiquées par Pékin.

      Un typhon sévit au nord, le vent dépasse les 75 km/h. Derrière les trombes d’eau qui s’abattent sur le port militaire malaisien de Kota Kinabalu, on devine avec peine les îles ceinturant les eaux chaudes et boueuses de la baie. Le navire de guerre s’arrache du quai entre deux bourrasques, sous un brouillard laiteux. Vendredi 20 octobre, l’Auvergne, la dernière née des frégates de la marine française, file sur la mer de Chine méridionale vers les îles Spratleys.

      Ces récifs proches des Philippines sont convoités par tous les pays de la région, au premier rang desquels la Chine, qui y bâtit des installations en dur. Dans les prochains jours, le bateau poussera jusqu’aux Paracel, au large du Vietnam. Là aussi, Pékin militarise cet archipel disputé qui forme la ligne de défense primordiale de son flanc sud.

      La lutte anti-sous-marine pour priorité

      Les cartes – britanniques – sont sorties sur la table de navigation de l’Auvergne. Les marins français ont tout à apprendre de la mer de Chine méridionale, de ses hauts-fonds plongeant jusqu’à 4 000 mètres. Ici transite la moitié du trafic commercial mondial. Les tensions régionales et internationales montent sous l’effet de la politique d’extension territoriale menée par Pékin, que les Occidentaux qualifient de « fait accompli ». La marine française mène là sa première mission opérationnelle complète jusqu’au nord de la zone. La frégate a pour priorité la lutte anti-sous-marine.

      Les nations qui comptent dans le Pacifique (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Australie) assurent toutes ici une présence militaire visible en mer. Ce vendredi, trois frégates russes anti-sous-marines viennent d’arriver à Manille, à la veille d’une réunion des ministres de la défense de l’Asie du Sud-Est.

      « Il y a du monde sous l’eau », convient le commandant Xavier Breitel. Dont, bien sûr, des bâtiments chinois, y compris les sous-marins nucléaires les plus récents de l’Armée populaire de libération. Pékin a justement annoncé le 28 octobre qu’en prévision de déploiements plus nombreux, il allait créer au sein de sa flotte du Sud une unité de sauvetage sous-marine. Si l’Auvergne et son hélicoptère Caïman, avec leurs sonars, détectent un de ces navires, ce serait une autre première. « Un américain, c’est surfait ! », ironise un premier-maître du bord.

      A bord de l’Auvergne, l’on s’interroge : comment les Chinois vont-ils réagir ? Depuis 2015, une dizaine de bateaux français ont navigué près des Spratleys. La marine française a des moyens limités, mais ses passages en mer de Chine se systématisent, avec des missions de renseignement. Bien qu’ils croisent toujours dans les eaux internationales, soit au-delà de 12 milles nautiques (22,2 km) des îles disputées, la moitié des navires français ont été « marqués » par la marine de Pékin : simplement interrogés à la radio ou, plus brutalement, suivis de près par des frégates.

      « Un transit sans agressivité »

      La Chine n’est « pas une menace », rappelle toutefois le commandant à l’équipage. « Il s’agit simplement de passer, comme n’importe quel navire, dans les eaux internationales. Un transit sans agressivité pour faire valoir le droit de navigation », annonce-t-il. La France veut se distinguer des Etats-Unis, qui pratiquent des « opérations de liberté de navigation » en bonne et due forme.

      Les bateaux de guerre américains, en effet, effectuent des tours complets des îlots contestés, sillonnent en profondeur les atolls, dessinent de vastes huits sur les eaux… En août, le USS McCain s’est approché à 6 milles de Mischief (Meiji en chinois), dans les Paracel, pour la troisième « opération » en mer de Chine méridionale menée depuis l’élection de Donald Trump, qui a régulièrement reproché à Pékin ses annexions de fait. Un « acte portant gravement atteinte à la souveraineté de la Chine », a aussitôt réagi Pékin en affirmant avoir « expulsé » le navire.


      La frégate multimissions Auvergne au cours de sa mission en octobre 2017

      L’Auvergne a prévu de naviguer à une distance de 30 et 13 milles des îlots contestés. La frégate commence par progresser discrètement jusqu’au 10e parallèle. Radars et système d’identification coupés, sonars éteints, hélicoptère au hangar, elle n’apparaîtra pas plus grosse qu’un modeste chalutier dans les capteurs adverses. Mais dans un second temps, son attitude sera bien celle, ostensible, d’un bateau de guerre vaquant à ses activités.

      Ce vendredi, les marins sont appelés au poste de combat dès 20 heures. A l’issue de la nuit, fanions, projecteurs et appareils photo sont en place pour d’éventuels échanges avec les militaires chinois. Les mitrailleuses 12,7 mm ont été armées sur les flancs de la passerelle. L’Auvergne se tient prête à une approche. « Je m’attends à être marqué », souligne le commandant. Il faudra alors tout enregistrer. « Derrière, il y a aussi une guerre de l’information. » La subtilité consistera à réagir au nom de la sécurité maritime plutôt que selon les lois de la guerre, sans jamais donner l’impression de se plier à un ordre militaire chinois. « Je resterai sur la même route, à la même vitesse. »

      Marins las

      Samedi 21, le récif de Commodore s’inscrit à gauche de la route sur les écrans de navigation. Dehors, dans la chaleur pesante, seuls des pêcheurs dispersés occupent les eaux. Mais plus haut, à l’approche du récif de Mischief, deux radars chinois sont repérés. Actifs. Puis, à la mi-journée, un troisième. Des échanges de données sont captés. A l’est, un ravitailleur militaire chinois fait également route vers Mischief.

      Le 10e parallèle franchi, comme prévu, la frégate se dévoile. « French warship ! French warship ! », crie le chef du quart sur la radio. Les radars sont de nouveau branchés – les instruments de guerre électroniques chinois ne pourront manquer de les repérer. L’hélicoptère se prépare à décoller, lui aussi avec son sonar, une bouée largable redoutée des sous-marins.

      Mais en retour, nul appel. Nul bateau en route vers l’Auvergne. L’esquive. Depuis la passerelle, on scrute la dizaine de bateaux de bois multicolores qui sillonnent le coin. Ils ressemblent à de vrais pêcheurs, non à des « sonnettes », ces milices armées déguisées en civils qui font office de force avancée chinoise dans les Paracel. Dans l’attente, la frégate s’oblige à garder une route régulière, s’offrant à la houle forte. Changer d’allure, se retourner, virer, sont des manœuvres militaires agressives en mer. « Le problème, à vouloir éviter les pêcheurs, c’est qu’on finit par être radial [perpendiculaire] vers les eaux territoriales ! », remarque un officier de quart.

      Partis depuis deux mois, les marins de l’Auvergne sont las. Cette nouvelle frégate « multimissions », conçue pour un équipage réduit de moitié, use les hommes, et voilà que la veille interminable achève d’éprouver leurs nerfs. L’action se dérobe. Toute la nuit, le sonar actif de l’Auvergne va fouiller la mer, réveillant l’équipage de son sifflement strident.

      « Tremblez dans vos boîtes de conserve ! »

      Dimanche 22 au petit jour, sortie des Spratleys. L’hélicoptère s’envole, sous un ciel plombé, s’assurer que la frégate n’est pas suivie. Quand il a pris son quart en ce début de journée, le « midship » (le cadet des officiers) a promis une belle journée aux sous-marins qui pisteraient l’Auvergne : « Tremblez dans vos boîtes de conserve ! »

      A l’approche de Scarborough, récif que la Chine dispute aux Philippines, un garde-côte chinois est identifié, qui ignore la frégate. Tandis que l’on guette un rendez-vous plus ou moins courtois en surface, les sonars continuent de balayer sans complexe de larges espaces sous l’eau, avec l’espoir d’attirer des adversaires et d’en dévoiler la signature sonore. « Nous faisons le pari qu’en allant à tel endroit, le sous-marin qui se trouve possiblement dans la zone ira à tel autre », explique un officier au poste central des opérations. « Une marine présente ici ne peut pas nous ignorer », précise le commandant. A 19 heures, on pense tenir un sous-marin. Un contact sérieux, classé possible submarine, est enregistré. Furtif, lui aussi.


      La frégate multimissions « Auvergne », en octobre.

      Sur la mer continuellement agitée, la frégate roule, cap vers les Paracel. Lundi, l’hélicoptère est revenu de sa dernière patrouille avec un nouveau contact possible sous la surface. Il en attrape un autre au matin du quatrième jour, mardi. « En matière de lutte anti-sous-marine, ne rien ramener n’est pas forcément un échec. On fait naître le doute chez l’adversaire. Et s’il y avait quelqu’un dans la zone, on l’aura bien embêté », souligne le pilote, A. « Pas de contact direct avec les Chinois, c’est aussi une info ! », lâche l’officier opérations R.

      Pékin compte vingt avant-postes dans les Paracel et renforce ses installations militaires sur huit de ces îles. Le jour suivant, au large de l’île Lincoln, sur l’eau devenue bleu-gris, la frégate dessine une boucle en vue de redescendre vers Singapour, escortée d’une nuée de mouettes chasseuses d’exocets. Au passage du récif de Bombay, dans l’après-midi blanc du mercredi, des radars chinois sont de nouveau repérés.

      Retarder l’échéance

      La réaction chinoise survient soudain quand le bateau, laissant sur son arrière droite la principale base de l’Armée populaire sur l’île de Woody, longe les hauts-fonds Macclesfield. Un avion de patrouille maritime chinois surgit dans les radars, venu du nord-est. La preuve, s’il en était encore besoin, que Pékin envoie ses moyens militaires de surveillance loin de ses eaux territoriales reconnues.

      L’avion vient reconnaître la frégate. « Très professionnel. Le bateau ne s’est jamais senti menacé », juge le commandant Breitel. Dans les airs, le patrouilleur est resté à 12 milles, dessinant un cercle pour contourner l’Auvergne. Puis il a filé vers le sud, avant de remonter plein nord. Et quand, par deux fois, la frégate a modifié son mouvement, par deux fois l’avion a amendé sa trajectoire.

      Bien que restée muette, il se pourrait que la marine chinoise ait suivi l’Auvergne depuis le début de son périple. Et qu’elle ait appliqué un principe du stratège Sun Tzu : « Quand vous agissez, feignez l’inactivité. Quand vous êtes proche, feignez l’éloignement. Quand vous êtes loin, feignez la proximité. » La Chine adapte son attitude aux différentes nations qui sillonnent la zone, souligne l’état-major français.

      Mais entre l’esquive et l’action de force, Pékin exprime sa volonté inébranlable de consolider ses positions sur les Paracel et les Spratleys. « Si la liberté de navigation est bafouée ici, elle le sera partout à court terme », souligne Denis Bertrand, l’amiral commandant la zone maritime française Pacifique. Le risque est de voir un jour la mer de Chine du Sud se fermer comme un lac, prenant en otage les intérêts des autres puissances. En naviguant dans ces eaux chaudes et lointaines, les marins espèrent retarder l’échéance.

    • « Si la liberté de navigation est bafouée en mer de Chine, elle le sera partout »

      Le droit de la mer est remis en question par les politiques du fait accompli, selon l’amiral Denis Bertrand, commandant de la zone maritime Pacifique et des forces armées en Polynésie française.

      La frégate Auvergne vient d’effectuer une mission de huit jours en mer de Chine du Sud, passant par les îles Spratleys, mais également, ce qui est plus nouveau pour la marine française, à proximité des îles Paracel, qui sont aussi revendiquées par la Chine. Pourquoi cette navigation ?

      L’importance de cette navigation dans la région est illustrée dans la revue stratégique de la défense nationale qui vient d’être adoptée par le président de la République : elle souligne l’affirmation de la puissance chinoise, son influence régionale, et le développement considérable de ses capacités militaires. Nous avons un point de préoccupation, qu’a rappelé la ministre des armées en juin au Shangri-La Dialogue [le grand rendez-vous des ministres de la défense de la zone Asie-Pacifique] : la défense d’un ordre international fondé sur le droit. Cela vaut pour la piraterie, la prolifération avec la Corée du Nord, les pêches illégales, ou les entraves à la liberté de navigation. L’application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer est remise en question par les politiques du fait accompli.

      Pour conserver son autonomie stratégique, la France doit préserver sa capacité d’appréciation de la situation. Il nous faut entretenir nos connaissances sur l’évolution des équilibres internationaux et régionaux, les comportements des uns et des autres. Depuis fin 2014, plus d’une dizaine de bateaux français ont ainsi transité dans la région, là où le droit de la mer nous y autorise, y compris dans ces zones contestées. Avec trois mots-clés : lisibilité, constance, équilibre.

      Quel est le bilan de ces transits ?

      Quand on navigue dans de telles zones, on apprend énormément des réactions, comme de l’absence de réactions observée. Nos transits nous montrent que la Chine a des réactions de plus en plus professionnelles, qu’elle est attentive à ce qu’il se passe, qu’elle surveille.

      Par ailleurs, la plupart de nos déploiements comportent des escales en Chine. Notre attitude s’inscrit dans une relation de grand pays à grand pays. Nous sommes capables de nous dire les choses franchement, tout en ayant une bonne relation de dialogue. Je me déplace dans tout le Pacifique plusieurs fois par an. J’ai des entretiens bilatéraux réguliers avec des responsables chinois de l’Armée populaire de libération (armée de terre, marine, armée de l’air), des garde-côtes, et de la coopération internationale. Le message de la France est compris.

      Faut-il déployer plus de navires en mer de Chine, sachant que les moyens français sont limités ?

      Nous faisons déjà beaucoup. La France est le seul pays européen du Pacifique. Le seul à y maintenir en permanence des forces, et à y déployer chaque année des bateaux militaires de premier rang. Envoyer l’Auvergne, l’un des meilleurs bâtiments de lutte anti-sous-marine du monde, est un investissement pour affirmer notre présence et entretenir notre autonomie stratégique. Le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian avait incité les Européens à faire de même. Si la liberté de navigation est bafouée ici, elle le sera partout à court terme.

      Nous ne sommes pas du tout dans une logique d’escalade. Mais nous sommes attachés à suivre les équilibres d’une région où quatre nations membres du Conseil de sécurité de l’ONU voisinent : la France, les Etats-Unis, la Chine et la Russie.

      Dans le même temps, deux frégates chinoises ont fait escale à Toulon ces derniers jours. Pourquoi ?

      La Chine a fait la démonstration de ses capacités océaniques acquises ces dernières années. Ses groupes navals déployés en Europe, dans l’océan Indien ou dans le Pacifique témoignent de cette accélération. La présence de navires chinois en France traduit une relation mature entre deux grands pays liés par un partenariat stratégique fondé sur un principe de réciprocité.

  • La carte de l’Océan Indien : quels flux, risques et menaces ? Un enjeu stratégique majeur à découvrir

    https://www.diploweb.com/Carte-L-Ocean-Indien-quels-flux-risques-et-menaces.html?platform=hootsuite

    Méconnu mais stratégique, l’#Océan_Indien joue un rôle clé dans les flux maritimes mondiaux, notamment entre l’Europe et l’Asie mais aussi l’Afrique et l’Asie. Cette carte en permet une approche précise. Elle sera suivie de la publication d’une étude de J-P Numa