Corps en grève
Le bidonville de Feyzin est menacé de fermeture.
Vingt-sept travailleurs tunisiens entament une grève de la faim afin d’obtenir la régularisation de leurs papiers.
Durant les vingt jours que durera la grève, immigrés et Français lutteront ensemble, jusqu’au bout.
La France « découvre » alors l’existence des bidonvilles, véritables #taudis dans lesquels vivent près de 800 000 travailleurs étrangers.
Une histoire qui fait indéniablement échos à l’actualité : les bidonvilles, « jungles » et campements de fortune perdurent et les droits humains restent bafoués.
▻https://steinkis.com/livres/corps-en-greve/corps-en-greve.html
#BD #bande_dessinée #livre
#France #travailleurs_immigrés #bidonville #logement #Lyon #Feyzin #sans-papiers #migrations #circulaire_Fontanet #régularisation #immigrés_tunisiens #bidonville_de_Feyzin #luttes #histoire #résistance #grève_de_la_faim #travail #exploitation
Ils sont gentils à Marianne...
Quand le #Conseil_Constitutionnel ne dit rien, il est à la botte.
Quand il s’exprime, il est vilain, #pabo. :-D :-D :-D
#Loi_immigration : « Neuf juges peuvent donc balayer d’un revers de manche un énorme travail parlementaire »
Ça s’appelle la #séparation_des_pouvoirs, et c’est pas trop mal comme ça... :-D :-D :-D
#politique #société #France #loi #régulation #régularité #seenthis #vangauguin
▻https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/loi-immigration-neuf-juges-peuvent-donc-balayer-dun-revers-de-manche-un-en
]]>Lutte contre le #sans-abrisme : une proposition de loi au Sénat et un débat à l’Assemblée
▻https://www.banquedesterritoires.fr/lutte-contre-le-sans-abrisme-une-proposition-de-loi-au-senat-et
Une proposition de loi (PPL) « visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune » doit être examinée au Sénat, ce 24 janvier 2024, en séance plénière.
[…] Pour les communes de plus de 100.000 habitants, le décompte des personnes sans abri serait effectué « une fois par an, de nuit et dans des conditions précisées par décret », par des travailleurs sociaux et des bénévoles. Il s’agirait d’une institutionnalisation de la « nuit de la solidarité », organisée depuis 2018 à l’initiative de la ville de Paris. « L’objectif est de compter à un instant T le nombre de personnes en situation de rue, n’ayant donc pas d’endroit où dormir pour la nuit ou étant installées dans des lieux impropres au sommeil : voiture, tente, hall d’immeubles... », précise l’exposé des motifs de la PPL.
[…] La prochaine grande enquête de l’Insee sur les personnes sans domicile « n’est prévue qu’en 2025 », alors que la précédente « date de 2012 », a déploré Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. […] « La Fondation Abbé Pierre estime à 330.000 le nombre de personnes sans domicile, c’est-à-dire, selon la définition de l’Insee, de personnes qui sont à la rue ou hébergées par l’État », alors qu’elles « n’étaient que 143.000 » en 2012, a-t-il resitué. Le nombre de personnes sans-abri, « c’est-à-dire qui ont passé la nuit précédente à la rue ou dans un lieu qui n’est pas prévu pour l’habitation », était estimé à 40.000 par la Cour des comptes en 2019, après 12.000 comptabilisées par l’Insee en 2012. « La frontière entre sans-abri, sans domicile et mal logé est ténue », a rappelé Manuel Domergue, citant notamment les 100.000 personnes qui vivent, selon l’Insee, dans des habitations de fortune.
Si « un effort inédit » a été réalisé en matière d’hébergement social (203.000 places, « soit le double d’il y a dix ans ») et si 550.000 personnes « sont sorties de la rue et vivent dans des logements plus pérennes » du fait du plan Logement d’abord mis en œuvre par le gouvernement depuis 2017, « le nombre de personnes sans domicile augmente », souligne Manuel Domergue. « Un flux contrebalance le flux positif : celui des personnes qui perdent leur logement ou qui arrivent en France et ne peuvent s’y loger », explique-t-il. D’une part, « les arrivées sur le territoire ont indéniablement augmenté depuis 2015, en particulier celle de #demandeurs_d’asile, dont les deux tiers se retrouvent dans une situation administrative très précaire après avoir été déboutés ». Pour le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, l’absence de #régularisation_massive est un « verrou idéologique » qui constitue le « point faible du plan Logement d’abord ». D’autre part, l’autre « flux négatif » correspond aux #expulsions_locatives qui, au nombre de 17.500, ont « battu un record » en 2022.
]]>Médecins diplômés à l’étranger : le gouvernement prolonge les autorisations de travail des praticiens ayant échoué au concours
▻https://www.lemonde.fr/sante/article/2024/01/22/medecins-diplomes-a-l-etranger-le-gouvernement-prolonge-leurs-autorisations-
Médecins diplômés à l’étranger : le gouvernement prolonge les autorisations de travail des praticiens ayant échoué au concours
Le Monde avec AFP
Un peu de répit administratif pour les médecins qui ont un diplôme étranger et qui étaient menacés de perdre leur poste s’ils avaient échoué à un concours sélectif cette année. Le gouvernement a annoncé lundi 22 janvier prolonger leurs autorisations de travail et permettre aux lauréats du concours de rester dans leurs services actuels.
Dans un communiqué, la ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, explique vouloir, à la demande du président de la République, « sécuriser la situation des Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne), médecins devenus indispensables à notre système de santé ». Les médecins qui n’ont pas eu le concours « ne seront pas laissés sans solution : le gouvernement les autorisera à continuer de travailler durant les mois à venir », précise Catherine Vautrin.
Ces praticiens, qui travaillent souvent depuis plusieurs années dans les établissements de santé français, étaient cette année contraints de réussir un concours appelé « épreuves de vérification des connaissances » (EVC), pour pouvoir continuer à exercer. Un régime dérogatoire qui permettait auparavant aux établissements d’embaucher des non-lauréats sous divers statuts précaires s’est « éteint » au 31 décembre 2023, rendant impossible leur maintien en poste.
Le nombre limité de places à ce concours, avec 2 700 postes pour plusieurs milliers de candidats, dont certains le passent à l’étranger, avait laissé une grande partie d’entre eux sur le carreau. Certains se sont même retrouvés sans papiers, car leur carte de séjour est souvent conditionnée à leur travail. Les chefs de service et syndicats hospitaliers avaient aussi dénoncé la répartition territoriale prévue pour les lauréats du concours, dont l’affectation est faite par les services de l’Etat, estimant qu’elle allait priver de nombreux services d’une partie de leurs bras.
La prolongation des autorisations de travail pour les médecins qui ont un diplôme étranger vaudra jusqu’à « la publication des textes d’application de la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels [dite loi Valletoux], qui permettra la délivrance d’attestations provisoires d’exercice dans l’attente d’un nouveau passage des EVC en 2024 », précise la ministre.
« La situation des près de 2 700 candidats lauréats » est elle aussi « clarifiée » : « pour garantir la continuité des soins et ne pas désorganiser les services (…), les lauréats exerçant déjà sur le territoire national seront maintenus dans leurs fonctions et structures actuelles », assure-t-elle. « Les autres lauréats choisiront leurs postes dans les prochaines semaines. »
« Notre système de santé souffre d’un manque de moyens humains. Nous ne pouvons nous passer de ces milliers de femmes et d’hommes qui contribuent à assurer l’offre de soins », a déclaré Catherine Vautrin à l’Agence France-Presse. « Il était temps, c’est un premier élément de réponse à cette situation d’urgence qui était inacceptable », a réagi la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Mais des points « restent à régler », dont la durée « trop courte » des titres de séjour. Pour ceux qui se voient prolongés jusqu’aux EVC 2024, « si c’est pour refaire le même concours ça ne sert à rien », a-t-elle ajouté, estimant que ce concours est « trop académique » et « discriminant pour des médecins qui bossent soixante heures par semaine ».
#Covid-19#migrant#migration#france#PADHUE#personnelmedical#immigration#systemedesante#economie#sante#santementale#regularisation
]]>Faute d’accès aux préfectures, une centaine de sans-papiers saisissent la justice
▻https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/22/faute-d-acces-aux-prefectures-une-centaine-de-sans-papiers-saisissent-la-jus
L’objectif : « Contraindre les préfectures à respecter un délai raisonnable pour instruire les dossiers », justifie dans un communiqué le collectif Bouge ta préfecture, qui accompagne les requérants et que composent plus de vingt organisations, parmi lesquelles La Cimade, le Secours catholique ou encore Réseau Education sans frontières.
Actuellement, selon Bouge ta préfecture, « le délai moyen d’attente entre le dépôt de la demande de rendez-vous et la réponse à la demande de titre de séjour est de deux à trois ans ».
Toutes les personnes déposant un recours sont éligibles à une régularisation, à raison de leur vie privée et familiale ou du travail qu’elles exercent.
#sans-papiers #demande_de_titre_de_séjour #titre_de_séjour #régularisation #droit_du_séjour #préfecture #référés #T.A
]]>France : les médecins étrangers se mobilisent une nouvelle fois pour une régularisation administrative - InfoMigrants
▻https://www.infomigrants.net/fr/post/54619/france--les-medecins-etrangers-se-mobilisent-une-nouvelle-fois-pour-un
France : les médecins étrangers se mobilisent une nouvelle fois pour une régularisation administrative
Par RFI Publié le : 19/01/2024
Ils représentent environ un quart des effectifs dans les hôpitaux de France. Des médecins étrangers se sont mobilisés à Paris devant le ministère de la Santé jeudi 18 janvier pour réclamer leur maintien en poste et la régularisation de leur situation administrative.
À cause de conditions météorologiques entrainant la suppression de plusieurs trains, ils étaient moins nombreux que prévu, mais les quelques dizaines présents ont bien donné de la voix sous les fenêtres de leur ministère pour demander la régularisation de tous les Padhue, les praticiens titulaires d’un diplôme obtenu hors Union européenne.
Parmi les quelques dizaines de soignants à diplômes étrangers présents à la manifestation du jeudi 18 janvier à Paris, le docteur Bienvenu Luemba. Ce médecin généraliste de formation est arrivé du Congo-Brazzaville il y a moins d’un an. Marié à une Française, il n’a pas de problèmes administratifs, mais beaucoup de ses confrères sont dans une situation stressante, explique-t-il. « Ils sont tout le temps stressés, ils ne peuvent pas vraiment avoir de projets à long terme. Je connais un ami, par exemple, il ne peut pas aller voir sa famille dans son pays parce que son visa a expiré depuis octobre. Il l’a renouvelé, sauf que depuis, [le visa] n’est toujours pas sorti, et il n’est valable que six mois et chaque six mois, il faut le renouveler. »
2 000 à 3 000 médecins étrangers risquent d’être licenciés
Solidaires de leurs confrères étrangers, des praticiens français sont à leurs côtés comme le docteur Cyrille Venet, chef du service de soins intensifs au CHU de Grenoble. « Oui, je suis là par solidarité, mais je ne suis pas seulement là par solidarité, je suis là aussi pour mon intérêt propre, parce que mon intérêt, c’est que je puisse hospitaliser des malades, et pour ça, j’ai besoin de lits, et il se trouve que les collègues font le même boulot que nous – tiennent les services, tiennent les consultations, tiennent les listes de garde – et ça va nous impacter, donc on ne tiendra pas. »
Ces médecins, comme l’a rappelé le président Emmanuel Macron mardi lors de sa conférence de presse, « tiennent parfois à bout de bras les services de soins en France ». Ils sont en effet plusieurs milliers à exercer dans les hôpitaux français où ils représentent environ un quart des effectifs. Depuis le 1er janvier dernier, selon les syndicats, 2 000 à 3 000 médecins étrangers qui exercent dans des établissements français risquent d’être licenciés de leur poste faute de renouvellement de leur contrat.
Depuis plus de 20 ans, la désertification médicale a conduit de nombreux établissements de santé à recruter des médecins diplômés en dehors de l’Union européenne (UE). Très mal rémunérés et précaires, ils pouvaient espérer obtenir une « autorisation de plein exercice » après une procédure complexe de plusieurs années.
Un régime temporaire supprimé en décembre
Ces praticiens diplômés hors UE doivent en principe passer un concours sélectif, appelé « épreuves de vérification des connaissances », puis suivre un parcours de consolidation de compétences de deux ans à l’hôpital, avant de voir leur dossier examiné en commission. Mais un régime dérogatoire a longtemps existé, permettant aux hôpitaux de recruter des non-lauréats sous divers statuts très précaires, rémunérés entre 1 500 et 2 200 euros net par mois.
Ce régime temporaire, plusieurs fois prolongé, s’est définitivement éteint au 31 décembre 2023. Impossible aujourd’hui de renouveler leurs contrats. Ils devaient tous réussir les épreuves requises cette année pour continuer à exercer. « Sauf qu’avec 10 000 candidats au concours - dont une partie inscrits de l’étranger - pour 2 700 postes ouverts, c’est impossible », déplore Halim Bensaïdi.
Le docteur Halim Abdelhalim Bensaïdi, est venu d’Algérie. Ce diabétologue travaille depuis 2019 en France, il est le vice-président de l’association Ipadecc, Intégration des praticiens à diplôme hors Union européenne."Mon contrat a expiré hier et je n’ai toujours pas de réponse pour [mon] renouvellement ! Le président de la République promet de nous régulariser, sauf qu’officiellement, on n’a pas de texte qui nous permet de continuer l’exercice de notre noble métier, qu’on exerce dignement depuis des années, regrette-t-il."Sur le terrain, on est 2 000 médecins qui ne sont pas régularisés jusqu’à ce jour, malgré le discours du président de la République. On se pose des questions sur notre sort : qu’est-ce qu’on va devenir demain ? Et pour certains qui ont été licenciés le 31 décembre, qui ont reçu des OQTF [Obligation de quitter le territoire français, ndlr], on se pose vraiment cette question du manque de personnel médical alors qu’aujourd’hui, en France, on licencie et on donne des OQTF à des médecins qui sont prêts à exercer leur métier. Des gens sont payés entre 1 400 et 2 000 euros, c’est juste indigne par rapport à leur dévouement total au sein des hôpitaux français."
#Covid-19#migrant#migration#france#immigration#PADHUE#sante#regularisation#CHU#systemesante#OQTF#personneldesante
]]>#Loi_immigration : après l’arrestation de livreurs en situation irrégulière, la colère d’#Éric_Piolle et d’élus de gauche
Le maire de Grenoble et des représentants EELV et PS critiquent l’#opération_de_police de ce mercredi en Isère, et au passage la loi immigration.
Le gouvernement voudrait passer à autre chose, la gauche s’y refuse. La loi immigration est revenue à toute vitesse dans les débats en cette fin décembre, conséquence de l’#arrestation d’une dizaine de #livreurs de repas en situation irrégulière mercredi 27 en #Isère, une information rapportée par Le Dauphiné Libéré. Le maire de #Grenoble, Éric Piolle, suivi par d’autres élus de gauche, a dénoncé « une #indignité » pendant que la CGT parlait de « #rafle ».
L’édile écologiste a directement interpellé le ministre de l’Intérieur #Gérald_Darmanin, déplorant que « ces personnes seraient donc suffisamment ’régulières’ pour attendre dans le froid de vous livrer vos repas, mais pas pour vivre dignement avec nous ».
« Voici le vrai visage de ce gouvernement »
Éric Piolle veut ainsi relancer les discussions autour de la #régularisation des #travailleurs_sans_papiers dans les secteurs en tension. Une mesure ardemment défendue par la gauche pendant les débats sur la loi immigration, mais qui a finalement été écartée de la version du texte adoptée par le Parlement.
▻https://twitter.com/EricPiolle/status/1740413156227182760
Dans le sillage du maire, le secrétaire général du PS, #Olivier_Faure, s’est également exprimé les réseaux sociaux : « Si tous les étrangers en situation régulière ou irrégulière se mettaient en grève une journée, chacun se rendrait compte qu’ils sont dans tous les métiers de la seconde ligne, livreurs, auxiliaires de vie, caristes, assistantes maternelles… loués pendant la crise Covid et puis… ».
Autre élue EELV, la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée #Cyrielle_Chatelain a elle aussi dénoncé l’opération de police, et entre les lignes la loi immigration adoptée définitivement le 19 décembre dernier. « Voici le vrai visage de ce gouvernement : être méchant avec tous les étrangers, même s’ils travaillent, même s’ils s’intègrent », a-t-elle fustigé, là encore sur X (anciennement Twitter).
Et pour cause : l’opération baptisée « #Uber_Eats », menée simultanément dans plusieurs localités iséroises (Grenoble, #Voiron, #Vienne…), a conduit à l’#interpellation de nombreux livreurs. Des ressortissants algériens, burkinabés, guinéens ou tunisiens qui ont été placés en #garde_à_vue à Lyon et Grenoble après la saisie de leur vélo, et qui ont été libérés après s’être vu notifier des #obligations_de_quitter_le_territoire_français (#OQTF) et des #interdictions_de_retour_sur_le_territoire (#IRTF), comme l’a expliqué #Mohamed_Fofana, responsable CGT des livreurs du département lors d’un point presse organisé ce vendredi.
Piolle invité à « aimer les policiers »
« Nous dénonçons cette opération de police (...) dans une période de fêtes où les associations de défense des migrants et beaucoup d’avocats sont en congé et les recours compliqués », a insisté ce responsable. « Nous sommes des travailleurs, pas des délinquants », a-t-il ajouté, rappelant que beaucoup de livreurs travaillent dans des conditions précaires et pour des « rémunérations scandaleusement basses ». « La place Victor Hugo (à Grenoble) a été complètement fermée par des camions de police. C’était une #nasse. Cela s’appelle une rafle quand cela vise une catégorie particulière de personnes », s’est indigné de son côté un responsable de l’Union locale de la CGT, Alain Lavi.
Le procureur de la République de Grenoble, #Éric_Vaillant, a répondu à Éric Piolle et aux critiques ayant ciblé l’opération : « Ces #contrôles ont été opérés à ma demande. Ils ont aussi permis de constater que les livreurs en situation irrégulière étaient gravement exploités par ceux qui leur sous-louaient leur #licence. Des enquêtes sont engagées », a-t-il indiqué. La préfecture de l’Isère a pour sa part souligné être garante « de l’application des lois de la République ».
Le ministre de l’Intérieur Gérald #Darmanin, interrogé à ce propos alors qu’il présentait le dispositif de sécurité pour la Saint-Sylvestre, s’est pour sa part contenté de lancer à Éric Piolle : « J’invite le maire de Grenoble à aimer les policiers et à soutenir la loi de la République ».
▻https://twitter.com/BFMTV/status/1740687346364739605
Quelques heures plus heures, l’élu EELV a répondu au ministre dans un tweet, en énumérant « les cinq actes » de la « #tragédie_macroniste : « laisser les #plateformes créer des situations d’#esclavage, voter la loi immigration avec le RN, imposer la politique du chiffre à la police, arrêter des personnes sans défense, inviter à aimer la police ».
▻https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/loi-immigration-apres-l-arrestation-de-livreurs-en-situation-irreguli
#Eric_Piolle #résistance #migrations #sans-papiers #Eric_Vaillant
#François_Héran : « A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix, on provoquera l’inverse »
Le professeur au Collège de France estime, dans une tribune au « Monde », que la #régularisation « au compte-gouttes » des étrangers prévue dans la loi adoptée le 19 décembre finira en réalité par accroître l’immigration irrégulière, tant l’offre et la demande de travail sont fortes.
La #loi_sur_l’immigration votée mardi 19 décembre n’est ni de droite ni de gauche. Quoi qu’en dise le président de la République, elle a sa source à l’#extrême_droite. Lors des débats du mois de mars, les sénateurs Les Républicains (LR) avaient repris en chœur les formules outrancières du Rassemblement national (RN) :« #submersion_migratoire », « #chaos_migratoire », « #immigration_hors_de_contrôle », « #explosion » des demandes d’asile, etc. Or les #données disponibles, rassemblées par Eurostat et l’ONU, ne disent rien de tel. C’est entendu, en France, comme dans le reste de l’Occident libéral, la migration progresse depuis l’an 2000, de même que la demande de refuge, mais de façon linéaire et non pas exponentielle quand on fait la part de la pandémie de Covid-19 en 2020-2021.
Comment peut-on soutenir que la #migration_familiale vers notre pays serait une « #pompe_aspirante » qu’il faudrait réduire à tout prix, alors qu’elle est en recul depuis dix ans à force d’être prise pour cible par les lois antérieures ? Au sein de ce courant, une faible part relève du « #regroupement_familial » stricto sensu, soit 14 000 personnes par an environ, conjoints ou enfants mineurs, réunis en vertu d’un droit qui n’a rien d’automatique, contrairement à une légende tenace. Mais l’#erreur la plus flagrante, celle qui alimente largement la nouvelle loi, consiste à vouloir priver les étrangers, selon les mots prononcés par Eric Ciotti, le patron des Républicains, à l’issue du vote, des avantages « du modèle social le plus généreux d’Europe, qui fait de la France la #destination_privilégiée pour les migrants ». Il s’agit là d’une #croyance jamais démontrée.
Marchands d’#illusion
Il ne suffit pas, en effet, de constater que tel dispositif d’#aide_sociale existant en France au bénéfice des migrants est sans équivalent à l’étranger ou affiche un montant supérieur, pour qu’on puisse en conclure que la France serait plus « attractive ». Ceci vaut pour tous les dispositifs visés par la loi : allocation pour demandeur d’asile, aide médicale d’Etat, aide au logement, droit du sol, accès à la naturalisation…
La seule démonstration qui vaille consiste à examiner les « #préférences_révélées », comme disent les économistes, c’est-à-dire à vérifier si les demandeurs de séjour ou d’asile ont effectivement privilégié la France comme destination depuis cinq ou dix ans, dans une proportion nettement supérieure à celle de son poids démographique ou économique au sein de l’Union européenne. Or, il n’en est rien, au vu des données d’Eurostat rapportées à la population et à la richesse de chaque pays. La France réunit 13 % de la population de l’Union européenne et 18 % de son PIB, mais n’a enregistré que 5 % des demandes d’asile déposées en Europe depuis 2013 par les réfugiés du Moyen-Orient, et 18 %, pas plus, des demandes d’origine africaine. Comment croire qu’elle pourra durablement se défausser sur les pays voisins après la mise en œuvre du Pacte européen ? Les politiciens qui font cette promesse à l’opinion sont des marchands d’illusions.
Trop de loi tue la loi. A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix au lieu de la réguler de façon raisonnable, on provoquera l’inverse du résultat recherché. Loin de tarir l’afflux des immigrés en situation irrégulière, la régularisation au compte-gouttes finira par l’accroître, tant sont fortes l’offre et la demande de travail. On a beau multiplier les effectifs policiers aux frontières, les entrées irrégulières ne cessent de progresser, quitte à se frayer de nouvelles voies.
S’il est heureux que la régularisation des travailleurs sans papiers ne dépende plus du bon vouloir de l’employeur, le renforcement des pouvoirs du préfet dans la décision finale va dans le mauvais sens. A l’heure actuelle, déjà, comme l’a rappelé un avis sur la loi de finances 2023, un tiers au moins des préfets n’utilisent pas la #circulaire_Valls sur les #admissions_exceptionnelles_au_séjour, par idéologie ou par manque de moyens. La nouvelle loi fera d’eux plus que jamais des potentats locaux, en creusant l’#inégalité_de_traitement entre les territoires. Dans son rapport de 2013 sur le « #droit_souple », le Conseil d’État avait salué la circulaire Valls, censée rapprocher les critères de régularisation d’une #préfecture à l’autre au profit de l’« #équité_de_traitement ». C’est le contraire qui s’est produit, et l’ajout de critères civiques n’atténuera pas le caractère local et subjectif des décisions.
Le contraire du #courage
On nous oppose l’#opinion_publique, la fameuse « attente des Français » véhiculée par les sondages. Faut-il rappeler que la #démocratie ne se réduit pas à la #vox_populi et à la « #sondocratie » ? Elle implique aussi le respect des minorités et le respect des #droits_fondamentaux. Les enquêtes menées avec rigueur sur des échantillons suffisamment solides révèlent que les opinions recueillies sur le nombre des immigrés, leur utilité ou leur comportement dépendent fortement des affiliations politiques : les répondants ne livrent pas des #constats mais des #jugements.
Dès que les questions précisent les contextes et les situations, comme c’est le cas de l’enquête annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les opinions se font plus nuancées, le niveau de tolérance augmente. Mais les recherches qui font état de ces résultats ne peuvent s’exposer dans les limites d’une tribune, et rares sont les quotidiens qui font l’effort de les exposer.
Osera-t-on enfin porter un regard critique sur les formules magiques ressassées ces derniers mois ? La « #fermeté », d’abord, affichée comme une qualité positive a priori, alors que la fermeté n’a aucune #valeur indépendamment du but visé : de grands démocrates ont été fermes, mais de grands autocrates aussi. Il en va de même du « #courage », tant vanté par les LR (le projet de loi initial « manquait de courage », le nouveau texte est « ferme et courageux », etc.), comme s’il y avait le moindre courage à caresser l’opinion publique dans le sens de ses #peurs.
La #démagogie est le contraire du courage ; la parole « décomplexée » n’est qu’un discours sans scrupule. Le vrai courage aurait été de rééquilibrer les discours destinés à l’opinion publique en exposant les faits, si contrastés soient-ils. Le président de la République avait souhaité « un compromis intelligent au service de l’intérêt général » : il a entériné une #compromission irréfléchie qui lèse nos #valeurs_fondamentales.
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/francois-heran-a-vouloir-comprimer-la-poussee-migratoire-a-tout-prix-on-prov
#loi_immigration #France #19_décembre_2023 #chiffres #statistiques #fact-checking #afflux #idées_reçues #propagande #discours
voir aussi cet extrait :
▻https://mastodon.social/@paul_denton/111617949500160420
Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
►https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/20/loi-immigration-experts-et-associations-soulignent-la-rupture-politique-marq
Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
Par Julia Pascual
JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE
Une « victoire idéologique de l’extrême droite », des « digues qui sautent », le texte « le plus régressif depuis quarante ans »… Mardi 19 décembre, le projet de loi sur l’immigration » a été définitivement adopté par le Parlement à 349 voix contre 186, au sortir d’une commission mixte paritaire conclusive.
Un an et demi après avoir été annoncé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et malgré une motion de rejet essuyée le 11 décembre devant l’Assemblée nationale, le vote de la loi marque aux yeux de nombreux chercheurs, historiens, syndicats, avocats ou associations une rupture politique inédite tant son contenu reprend plusieurs marqueurs de l’extrême droite en matière d’immigration. Le tout, avec l’assentiment du gouvernement et d’une majorité de ses troupes à l’Assemblée nationale, outre celui, unanime, des députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national.
Composée de près d’une centaine d’articles, la loi reprend l’essentiel de la version du texte adopté au Sénat en novembre, durci sous la domination de la droite et du centre, alliés indispensables à la Macronie dans la recherche d’un vote. Il entérine notamment le rétablissement du délit de séjour irrégulier, le conditionnement de l’accès aux prestations familiales et aux aides au logement à cinq ans de séjour régulier, la remise en cause de l’automaticité du droit du sol, la possibilité de placer en rétention certains demandeurs d’asile à la frontière, celle de retirer un titre de séjour en cas de non-respect des « valeurs de la République », l’allongement des délais pour bénéficier du regroupement familial, le durcissement des conditions de l’immigration étudiante ou pour soins ou encore le vote de quotas annuels d’immigration par le Parlement.
Ces mesures se sont ajoutées aux dispositions initiales du projet de loi qui lèvent les protections à l’éloignement dont bénéficient certains étrangers – en particulier ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans –, accélèrent le traitement des demandes d’asile ou exigent un niveau minimal de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel (prérequis jusque-là réservé à la naturalisation).
Une victoire « historique » de la droite, a salué le patron des Républicains, Eric Ciotti. Ce texte laisse « le champ libre à une xénophobie aujourd’hui complètement décomplexée », ont dénoncé mardi une large coalition d’associations parmi lesquelles la Fondation Abbé Pierre et France terre d’asile. Il « heurte de plein fouet les principes de notre République », a aussi déclaré la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’alarmant notamment de la consécration de la « préférence nationale ». « C’est un basculement, estime à son tour Pierre Henry, président de France Fraternités et directeur général de l’association France terre d’asile entre 1997 et 2020. En franchissant ces lignes rouges, le gouvernement français rejoint les gouvernements illibéraux et populistes d’Europe. »
»Alors qu’une loi sur l’immigration est votée en moyenne tous les deux à trois ans depuis les années 1980, celle qui vient d’être entérinée se distingue par une accumulation de mesures ayant trait à des champs très larges touchant à la fois au droit de la nationalité, au droit du séjour, à l’asile ou au code de la Sécurité sociale.
L’opposition au texte avait gagné jusqu’aux syndicats de magistrats administratifs, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et l’Union syndicale des magistrats administratifs, qui avaient de façon inédite appelé à la grève lundi 18 décembre pour dénoncer, en particulier, les dispositions – prévues dès la première version du texte – qui généralisent les audiences délocalisées ou en vidéoconférence pour juger des recours d’étrangers placés en rétention administrative. « C’est la première fois que, pour une catégorie entière de contentieux, on dit qu’on peut tenir des audiences sans la présence physique de l’ensemble des parties ou en dehors d’un lieu de justice, analyse Julien Henninger, président du SJA. C’est une bascule parce qu’on crée une inégalité devant la justice pour toute une catégorie de requérants. » Idem pour la disposition – également présente dans le texte initial – qui prévoit la généralisation du juge unique au détriment des formations collégiales de trois juges pour statuer sur les demandes d’asile. « Alors que le président de la République a encore déclaré [le 10 décembre] qu’il était attaché à la tradition d’asile, il remet en cause ce que la droite n’a jamais osé faire, c’est une rupture », juge l’historien Patrick Weil. La droite a largement œuvré à durcir la copie gouvernementale. Elle a, par exemple, resserré les conditions d’obtention du titre de séjour étudiant à travers le dépôt d’une caution ou la majoration des frais d’inscription. « C’est la première fois qu’une mesure aussi forte est prise, qui laisse à penser que les étudiants étrangers ne sont pas les bienvenus, regrette Guillaume Gellé, le président de France Universités, l’entité qui rassemble les dirigeants des universités et des grandes écoles. Cela va à l’encontre des intérêts de nos établissements – où plus de 40 % des doctorants sont étrangers – et de la diplomatie scientifique, culturelle et d’influence de notre pays. »
Plus symbolique de la reprise des marqueurs idéologiques de la droite, le rétablissement du délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), voulu par LR avec l’assentiment de l’exécutif, signe un retour en arrière dans l’histoire. Ce délit avait été supprimé en 2012 par la gauche, en application d’une directive européenne, et remplacé par la possibilité de placer les étrangers en retenue administrative. Devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Darmanin avait d’ailleurs convenu que « l’absence d’un délit de séjour irrégulier n’empêche pas la police de procéder à des retenues ni de renvoyer les personnes ». Mais l’exécutif s’est finalement rangé derrière les desiderata de la droite.
Il l’a fait encore – en dépit d’âpres négociations – sur le conditionnement de l’accès à certaines prestations sociales à cinq ans de séjour régulier (délai minoré pour ceux qui travaillent), qui « légitime la préférence nationale chère à l’extrême droite », regrette Dominique Sopo, président de SOS-Racisme. Avalisée également, la fin de l’automaticité du droit du sol. L’enfant né en France de parents étrangers devra ainsi manifester sa « volonté » de devenir français à sa majorité. Une « régression énorme », selon Patrick Weil. M. Darmanin voyait dans cette mesure, introduite par la droite sénatoriale, un cavalier législatif (sans rapport avec l’objet de la loi) susceptible d’être retoqué par le Conseil constitutionnel. Mais, là encore, les digues ont cédé. « C’est un peu le retour de la droite Pasqua », s’est d’ailleurs réjoui mardi Olivier Marleix, le chef de file du parti Les Républicains à l’Assemblée nationale, en référence à celui qui, ministre de l’intérieur, avait remis en cause la tradition républicaine du droit du sol et introduit la manifestation de la volonté entre 1993 et 1998.Egalement considérée comme un cavalier législatif, la suppression de l’aide médicale d’Etat – une couverture maladie pour les sans-papiers – a été écartée du texte final mais, sous la pression des LR, le gouvernement a promis une réforme début 2024.« L’accumulation de mesures dans le texte installe une logique de soupçon inédite vis-à-vis de l’immigré », considère le sociologue François Héran. « Ce n’est pas l’opinion publique qui pousse dans ce sens, dénonce l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés. Ce sont les politiques qui créent un appel d’air au racisme. »Longtemps présenté comme la jambe gauche du texte gouvernemental et conspué par la droite, le titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension a été réduit à peau de chagrin. La régularisation de ces immigrés salariés devait à l’origine se faire de « plein droit ». A l’arrivée, elle demeure à la libre appréciation des préfets et seul l’accompagnement de l’employeur dans les démarches n’est plus un prérequis. « Historiquement, on a toujours eu des vagues de régularisation, même sous Nicolas Sarkozy, recontextualise l’avocat Patrick Berdugo, vice-président de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. Aujourd’hui, c’est totalement exclu, au point que la droite se coupe d’une partie non négligeable de son électorat parmi les patrons de PME. » Mardi encore, le Medef expliquait pourtant que l’économie avait un besoin « massif » d’immigration.
#Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#droitdesejour#retention#prestationsociale#etudiant#regularisation#prefet#titredesejour#metierentension#economie#racisme
]]>Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
►https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/20/loi-immigration-experts-et-associations-soulignent-la-rupture-politique-marq
Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
Par Julia Pascual
JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE
Une « victoire idéologique de l’extrême droite », des « digues qui sautent », le texte « le plus régressif depuis quarante ans »… Mardi 19 décembre, le projet de loi sur l’immigration » a été définitivement adopté par le Parlement à 349 voix contre 186, au sortir d’une commission mixte paritaire conclusive.
Un an et demi après avoir été annoncé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et malgré une motion de rejet essuyée le 11 décembre devant l’Assemblée nationale, le vote de la loi marque aux yeux de nombreux chercheurs, historiens, syndicats, avocats ou associations une rupture politique inédite tant son contenu reprend plusieurs marqueurs de l’extrême droite en matière d’immigration. Le tout, avec l’assentiment du gouvernement et d’une majorité de ses troupes à l’Assemblée nationale, outre celui, unanime, des députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national.
Composée de près d’une centaine d’articles, la loi reprend l’essentiel de la version du texte adopté au Sénat en novembre, durci sous la domination de la droite et du centre, alliés indispensables à la Macronie dans la recherche d’un vote. Il entérine notamment le rétablissement du délit de séjour irrégulier, le conditionnement de l’accès aux prestations familiales et aux aides au logement à cinq ans de séjour régulier, la remise en cause de l’automaticité du droit du sol, la possibilité de placer en rétention certains demandeurs d’asile à la frontière, celle de retirer un titre de séjour en cas de non-respect des « valeurs de la République », l’allongement des délais pour bénéficier du regroupement familial, le durcissement des conditions de l’immigration étudiante ou pour soins ou encore le vote de quotas annuels d’immigration par le Parlement.
Ces mesures se sont ajoutées aux dispositions initiales du projet de loi qui lèvent les protections à l’éloignement dont bénéficient certains étrangers – en particulier ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans –, accélèrent le traitement des demandes d’asile ou exigent un niveau minimal de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel (prérequis jusque-là réservé à la naturalisation).
Une victoire « historique » de la droite, a salué le patron des Républicains, Eric Ciotti. Ce texte laisse « le champ libre à une xénophobie aujourd’hui complètement décomplexée », ont dénoncé mardi une large coalition d’associations parmi lesquelles la Fondation Abbé Pierre et France terre d’asile. Il « heurte de plein fouet les principes de notre République », a aussi déclaré la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’alarmant notamment de la consécration de la « préférence nationale ». « C’est un basculement, estime à son tour Pierre Henry, président de France Fraternités et directeur général de l’association France terre d’asile entre 1997 et 2020. En franchissant ces lignes rouges, le gouvernement français rejoint les gouvernements illibéraux et populistes d’Europe. »
»Alors qu’une loi sur l’immigration est votée en moyenne tous les deux à trois ans depuis les années 1980, celle qui vient d’être entérinée se distingue par une accumulation de mesures ayant trait à des champs très larges touchant à la fois au droit de la nationalité, au droit du séjour, à l’asile ou au code de la Sécurité sociale.
L’opposition au texte avait gagné jusqu’aux syndicats de magistrats administratifs, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et l’Union syndicale des magistrats administratifs, qui avaient de façon inédite appelé à la grève lundi 18 décembre pour dénoncer, en particulier, les dispositions – prévues dès la première version du texte – qui généralisent les audiences délocalisées ou en vidéoconférence pour juger des recours d’étrangers placés en rétention administrative. « C’est la première fois que, pour une catégorie entière de contentieux, on dit qu’on peut tenir des audiences sans la présence physique de l’ensemble des parties ou en dehors d’un lieu de justice, analyse Julien Henninger, président du SJA. C’est une bascule parce qu’on crée une inégalité devant la justice pour toute une catégorie de requérants. » Idem pour la disposition – également présente dans le texte initial – qui prévoit la généralisation du juge unique au détriment des formations collégiales de trois juges pour statuer sur les demandes d’asile. « Alors que le président de la République a encore déclaré [le 10 décembre] qu’il était attaché à la tradition d’asile, il remet en cause ce que la droite n’a jamais osé faire, c’est une rupture », juge l’historien Patrick Weil. La droite a largement œuvré à durcir la copie gouvernementale. Elle a, par exemple, resserré les conditions d’obtention du titre de séjour étudiant à travers le dépôt d’une caution ou la majoration des frais d’inscription. « C’est la première fois qu’une mesure aussi forte est prise, qui laisse à penser que les étudiants étrangers ne sont pas les bienvenus, regrette Guillaume Gellé, le président de France Universités, l’entité qui rassemble les dirigeants des universités et des grandes écoles. Cela va à l’encontre des intérêts de nos établissements – où plus de 40 % des doctorants sont étrangers – et de la diplomatie scientifique, culturelle et d’influence de notre pays. »
Plus symbolique de la reprise des marqueurs idéologiques de la droite, le rétablissement du délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), voulu par LR avec l’assentiment de l’exécutif, signe un retour en arrière dans l’histoire. Ce délit avait été supprimé en 2012 par la gauche, en application d’une directive européenne, et remplacé par la possibilité de placer les étrangers en retenue administrative. Devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Darmanin avait d’ailleurs convenu que « l’absence d’un délit de séjour irrégulier n’empêche pas la police de procéder à des retenues ni de renvoyer les personnes ». Mais l’exécutif s’est finalement rangé derrière les desiderata de la droite.
Il l’a fait encore – en dépit d’âpres négociations – sur le conditionnement de l’accès à certaines prestations sociales à cinq ans de séjour régulier (délai minoré pour ceux qui travaillent), qui « légitime la préférence nationale chère à l’extrême droite », regrette Dominique Sopo, président de SOS-Racisme. Avalisée également, la fin de l’automaticité du droit du sol. L’enfant né en France de parents étrangers devra ainsi manifester sa « volonté » de devenir français à sa majorité. Une « régression énorme », selon Patrick Weil. M. Darmanin voyait dans cette mesure, introduite par la droite sénatoriale, un cavalier législatif (sans rapport avec l’objet de la loi) susceptible d’être retoqué par le Conseil constitutionnel. Mais, là encore, les digues ont cédé. « C’est un peu le retour de la droite Pasqua », s’est d’ailleurs réjoui mardi Olivier Marleix, le chef de file du parti Les Républicains à l’Assemblée nationale, en référence à celui qui, ministre de l’intérieur, avait remis en cause la tradition républicaine du droit du sol et introduit la manifestation de la volonté entre 1993 et 1998.Egalement considérée comme un cavalier législatif, la suppression de l’aide médicale d’Etat – une couverture maladie pour les sans-papiers – a été écartée du texte final mais, sous la pression des LR, le gouvernement a promis une réforme début 2024.« L’accumulation de mesures dans le texte installe une logique de soupçon inédite vis-à-vis de l’immigré », considère le sociologue François Héran. « Ce n’est pas l’opinion publique qui pousse dans ce sens, dénonce l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés. Ce sont les politiques qui créent un appel d’air au racisme. »Longtemps présenté comme la jambe gauche du texte gouvernemental et conspué par la droite, le titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension a été réduit à peau de chagrin. La régularisation de ces immigrés salariés devait à l’origine se faire de « plein droit ». A l’arrivée, elle demeure à la libre appréciation des préfets et seul l’accompagnement de l’employeur dans les démarches n’est plus un prérequis. « Historiquement, on a toujours eu des vagues de régularisation, même sous Nicolas Sarkozy, recontextualise l’avocat Patrick Berdugo, vice-président de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. Aujourd’hui, c’est totalement exclu, au point que la droite se coupe d’une partie non négligeable de son électorat parmi les patrons de PME. » Mardi encore, le Medef expliquait pourtant que l’économie avait un besoin « massif » d’immigration.
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]]>Projet de loi sur l’immigration : « Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité »
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/28/projet-de-loi-sur-l-immigration-les-francais-attendent-de-la-representation-
Projet de loi sur l’immigration : « Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité »
Tribune Pierre Henry
président de l’association France Fraternités
Le débat sur l’immigration et l’asile au Sénat a accouché d’un projet de loi populiste en ce sens que son objet n’est pas d’apporter des solutions à des situations concrètes, mais de permettre à quelques politiciens des droites extrêmes de prendre une posture martiale. Ce projet ne répare rien. En épousant fausses informations, clichés et autres lubies des temps présents, il aggrave en de nombreux cas une situation déjà dramatique. Ce qui fait dire à nombre d’associations et à certaines formations politiques de gauche que ce texte doit dès lors être rejeté en bloc. N’est-ce pas aller vite en besogne ?
Il y a trois mois, une voie d’espoir transpartisane était apparue avec la publication, le 11 septembre dans le quotidien Libération, d’une tribune de trente-cinq parlementaires appelant à la régularisation par le travail dans les métiers en tension de personnes séjournant sur le sol français depuis plusieurs années. Ce sujet complexe était abordé avec nuance. Pour quelles raisons obscures, éloignées du bien commun, faudrait-il aujourd’hui abandonner cette démarche de bon sens ? Les Français attendent de la représentation parlementaire responsabilité et dignité. Cette double exigence pourrait être satisfaite à cinq conditions, constitutives d’un compromis acceptable par l’ensemble des forces de progrès et de gouvernement de l’arc républicain, laissant les droites extrêmes à leurs démons.
La première est celle du maintien en l’état du dispositif d’aide médicale réservé aux étrangers en situation irrégulière : mécanisme de prévention, il représente un bouclier de protection pour l’ensemble des citoyens de ce pays. Il protège tout un chacun, son coût est maîtrisé et représente moins de 0,49 % du budget de l’Assurance-maladie. La fraude y est marginale, parfaitement documentée, et l’existence de ce dispositif est un sas utile pour protéger les urgences hospitalières de l’embolie qui les guette s’il venait à disparaître.
La deuxième est d’inscrire dans la loi un processus de régularisation permettant aux personnes travaillant dans des métiers qui manquent de main-d’œuvre, résidant en France depuis plusieurs années, de s’y engager en toute confiance et transparence. La situation aujourd’hui est ubuesque à de nombreux égards. Elle oblige les personnes à avoir recours à des mécanismes de fraude (travail sous alias ou sans fiches de paie). Elle les maintient souvent dans l’assistanat à charge de la communauté nationale. Ainsi, plusieurs dizaines de milliers de personnes hébergées dans des structures d’urgence se trouvent privées de toutes perspectives raisonnables d’en sortir.
La troisième est le rétablissement du droit du sol pour les enfants nés sur le sol français. La République est fraternelle parce qu’elle estime qu’un enfant né en France, même de parents étrangers, qui y a séjourné de manière continue et qui y a passé sa scolarité, devient français à sa majorité parce que la nationalité ne repose pas sur l’ethnie, mais sur la socialisation. Inutile, confuse et discriminatoire, la mesure voulue par le Sénat et consistant à restreindre ce droit nous renvoie au XXe siècle et à la période des ministres de l’intérieur Charles Pasqua (1986-1988 et 1993-1995) et Jean-Louis Debré (1995-1997). La compréhension du monde en marche arrière et l’utilisation de grossiers stratagèmes sont détestables pour qui prétend tenter de régler les problèmes de l’heure.
La quatrième condition préalable à un compromis doit amener la représentation parlementaire à refuser de pénaliser a priori le séjour irrégulier d’un étranger. Il n’y a aucun motif légitime à cette pénalisation qui n’est que de posture et qui entre en contradiction avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle n’aide en rien à ce que des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement administrative ou judiciaire quittent le territoire français.
Enfin, le projet de loi, dont l’asile n’est pas l’objet principal, entend procéder à une réforme radicale de la procédure d’examen des recours. De l’analyse de ce texte, il ressort qu’à l’aune de l’objectif recherché d’efficacité, ni l’urgence d’une telle réforme ni son bien-fondé ne seraient justifiés. L’essentiel de l’augmentation des délais de jugement constatée n’est pas imputable au fonctionnement collégial de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). La cinquième condition est donc le renoncement à l’instauration d’un juge unique et le maintien de cette collégialité qui contribue à la qualité de l’instruction et des décisions rendues. Elle vaut pluralité de compétences, de regards professionnels et de voix, à l’audience comme en délibéré.
La noblesse de la politique est en toute chose la recherche d’un compromis. Sur un sujet aussi complexe que la question migratoire, certains font métier de simplisme dans une période propice à toutes les manipulations. Aux démocrates, humanistes et républicains de montrer qu’une voie raisonnable est possible sans céder aux bonimenteurs ! Pierre Henry est président de l’association France Fraternités
#Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#immigration#asile#AME#regularisation#debatparlementaire#CNDA#droit#droitdusol#sante
]]>Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
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Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
Par Alexandre Pedro et Nathalie Segaunes
Veillée d’armes, lundi 20 novembre au soir, à Matignon. A la table de la première ministre, Elisabeth Borne, ont été conviés, à quelques heures du début de l’examen du projet de loi « immigration » en commission à l’Assemblée nationale, les ministres Gérald Darmanin (intérieur), Olivier Dussopt (travail) et Franck Riester (relations avec le Parlement), ainsi que les présidents des groupes parlementaires de la majorité, les rapporteurs et les responsables du texte.
Au sein de ce cénacle, Gérald Darmanin redit sa conviction qu’« un compromis est possible » à l’Assemblée nationale ; que le groupe Les Républicains (LR), présidé par Olivier Marleix, est « fracturé » ; et prévient surtout qu’il est « hors de question de recourir au 49.3 ». En référence à cet article de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote.
Le ministre de l’intérieur rejette la comparaison avec la réforme des retraites, adoptée sans vote en mars. « La situation n’est pas du tout la même, insiste le locataire de la Place Beauvau. Le texte sur l’immigration, lui, est très largement soutenu par les Français. » Elisabeth Borne, qui annonçait en mars ne plus vouloir recourir au 49.3 en dehors des textes budgétaires, conclut la soirée en excluant à son tour le passage en force. Le recours à cette arme constitutionnelle est risqué – car synonyme d’une motion de censure de l’opposition, pouvant potentiellement faire tomber le gouvernement – et, surtout, impopulaire aux yeux des Français et même des élus de la majorité. Il vaut mieux « perdre » sur le projet de loi « immigration » « qu’aller au 49.3 », a ainsi mis en garde le porte-parole du groupe MoDem, Erwan Balanant, mardi 21 novembre. Le gouvernement n’a cependant aucune certitude, à ce stade, de pouvoir s’épargner un nouveau 49.3. Car le texte adopté par le Sénat en première lecture, le 14 novembre, au terme d’une difficile négociation entre la droite et les centristes, a été durci « en des termes qui ne sont pas acceptables pour la majorité présidentielle », dénonce Sacha Houlié, président (Renaissance) de la commission des lois à l’Assemblée nationale, dans Ouest-France, le 19 novembre. Et le projet de loi menace d’être largement réécrit par les députés du groupe macroniste.
« Notre état d’esprit est de revenir au texte initial du gouvernement », prévient le président du groupe Renaissance au Palais-Bourbon, Sylvain Maillard. Ce qui offrirait aux députés LR de bonnes raisons de ne pas voter le projet de loi, qui sera examiné en commission à partir du 27 novembre, puis dans l’Hémicycle le 11 décembre.
Dès l’entame du dîner, lundi soir, Florent Boudié, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a donc mis en garde la majorité : « On ne peut pas arriver en détricotant le texte du Sénat. » Le député (Renaissance) de Gironde, soucieux de déminer le terrain, distingue trois types de mesures dans le texte adopté à une large majorité au Palais du Luxembourg.
Tout d’abord celles relevant de ce qu’il appelle la « zone noire », des dispositions qui seront supprimées parce qu’elles sont considérées comme des « cavaliers législatifs » et courent donc le risque d’être retoquées par le Conseil constitutionnel. Il s’agit de la suppression de l’aide médicale d’Etat – qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins – mais aussi des mesures sur le droit du sol – qui relèvent du code de la nationalité –, ou de celles concernant les mineurs isolés non accompagnés.
Dans la « zone blanche » figurent les dispositions introduites par le Sénat qui, à l’inverse, peuvent être reprises par la majorité à l’Assemblée nationale : celle qui vise à renforcer le contrôle des visas étudiants, celle qui conditionne le regroupement familial à l’apprentissage de la langue française ou celle qui prévoit un meilleur encadrement des étrangers malades.
Enfin, dans la « zone grise », Florent Boudié inscrit « les mesures sur lesquelles [les députés de la majorité doivent] éviter une inutile arrogance ou provocation à l’égard des parlementaires LR, car [ils ne sont] pas tout à fait au clair chez [eux] ». Par exemple, la suppression de la tarification sociale dans les transports pour les personnes en situation irrégulière.
Sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, le rapporteur propose un amendement de compromis entre l’article 3 initial – qui instaure un droit opposable à un titre de séjour, dès lors qu’un certain nombre de critères sont remplis – et la mesure votée au Sénat, qui laisse la main aux préfets : M. Boudié suggère de revenir à un principe de régularisation dans la loi, mais en donnant un droit de veto aux préfets, qui pourraient « interrompre la procédure de régularisation, sur des critères précis fixés par la loi, si l’étranger menace l’ordre public ou s’il a eu des agissements contraires aux valeurs de la République ».
Un tel mix permettra-t-il de bâtir une majorité à l’Assemblée nationale ? Gérald Darmanin a insisté sur la dimension répressive du projet de loi, mardi soir, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le présentant comme une arme contre l’« écosystème » des « trafiquants de misère », passeurs, marchands de sommeil ou patrons profitant des clandestins. Alors qu’il multiplie, ces jours-ci, les tête-à-tête avec les députés, quitte à faire « deux petits déjeuners, deux déjeuners et deux dîners par jour », selon son entourage, le ministre de l’intérieur estime qu’entre quinze et vingt députés LR seraient « intéressés » par le texte, dit-on Place Beauvau. Des chiffres qu’Olivier Marleix juge « optimistes et grotesques ». Et ce n’est pas l’amendement proposé par Florent Boudié – concernant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension – qui risque de le rendre moins inflexible. « Tel que je l’ai compris, c’est un recul par rapport à ce qui est sorti du Sénat », juge le patron des députés de droite. Considérant que « cet amendement réaffirme de façon très claire le droit à la régularisation pour les sans-papiers, assorti d’une sorte de pouvoir de veto pour le préfet », M. Marleix estime que dans la « réalité » il sera « très compliqué » pour ce dernier « d’avoir des éléments de veto ». « Donc on revient à une situation de régularisation qui sera massive », en conclut-il.
A l’Assemblée nationale, certains élus LR poussent très fort pour rejeter le texte, même musclé par leur camp au Sénat. « La situation est trop grave pour se satisfaire de petits pas », a ainsi prévenu Aurélien Pradié (Lot), l’un des soixante-deux députés LR, mardi matin sur France 2. « Il y a soixante-deux nuances de Républicains », se rassurait, lundi soir, Gérald Darmanin, à Matignon
#Covid-19#migration#migrant#france#politiquemigratoire#immigration#AME#regularisation#naturalisation#metierentension#droitdusol#sante
]]>Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/17/gerald-darmanin-maitre-des-tractations-pour-faire-voter-son-projet-de-loi-im
Gérald Darmanin, maître des tractations pour faire voter « son » projet de loi sur l’immigration
Par Claire Gatinois et Julia Pascual
PLe couvert a été mis pour deux. Ce mardi 14 novembre, place Beauvau, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, reçoit son « copain » Sacha Houlié à déjeuner. Devant le président de la commission des lois, figure de l’aile gauche de la Macronie, l’ancien des Républicains (LR) déroule sa stratégie pour faire adopter le projet de loi « immigration » à l’Assemblée nationale, dont l’examen doit démarrer le 11 décembre. (...)
Cette performance a un prix. Gérald Darmanin a laissé les élus de droite durcir drastiquement le projet. Un « musée des horreurs », s’étrangle Sacha Houlié. L’article 3, permettant de régulariser de plein droit des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, a été abrogé, au profit d’un article moins-disant ; l’aide médicale d’Etat (AME), un panier de soins destinés aux immigrés sans papiers, a disparu, au profit d’une aide médicale d’urgence ; l’automaticité du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers a été supprimée ; le délit de séjour irrégulier a été rétabli ; le regroupement familial a été durci, de même que l’accès aux droits sociaux… Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, crie victoire. (...)
La foire n’est pas terminée. Mais Gérald Darmanin compte déjà les « bouses ». Et calcule devant Sacha Houlié qu’au-delà des députés du camp présidentiel, les élus du groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), qu’il traite soigneusement depuis des mois lors de déplacements en Corse et dans les outre-mer, voteront en faveur de « son » texte. Quinze députés LR lui seraient favorables. Avec les abstentions escomptées d’élus du Rassemblement national (RN) et de la droite, le texte peut passer sans 49.3 (cet article de la Constitution qui permet de faire adopter une loi sans vote), calcule le locataire de la place Beauvau, qui demande au député de la Vienne de ne pas prendre de positions contraires à la sienne lors des discussions au banc.
Une semaine plus tôt, Sacha Houlié avait prévenu dans un entretien au Figaro que les députés Renaissance rétabliraient le texte initial du gouvernement, débarrassé de ses dérives droitières. Les suppressions de l’AME et du droit du sol, assimilées à des cavaliers législatifs, sont vouées à être censurées par le Conseil constitutionnel. Mais une partie du camp présidentiel tient à signifier sa désapprobation alors que, pendant les débats au Sénat, M. Darmanin a préféré éviter la confrontation sur le fond.(...)
« Gérald a les clés », observe le chef de file des sénateurs macronistes, François Patriat. Lors d’un dîner à l’Elysée, le 7 novembre, M. Darmanin avait prévenu le chef de l’Etat devant la première ministre, Elisabeth Borne, qu’il comptait « co-construire » un texte avec les sénateurs, rappelant qu’à ses yeux, le pays penche à droite, et qu’il avait l’opinion publique avec lui. « O.K., on y va », lui répond Emmanuel Macron. Un peu plus tôt, le locataire de la place Beauvau avait aussi formulé devant la cheffe du gouvernement, des ministres et les présidents de groupe son espoir d’obtenir l’abstention des rangs du RN et de LR, sous la pression de leurs électorats. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, ancien socialiste, qui avait posé avec Gérald Darmanin pour mettre en scène une loi alliant fermeté et humanisme, ne sera pas au banc du Palais du Luxembourg.
Seul en piste, le ministre de l’intérieur manœuvre. Mais au sein du gouvernement, l’extrême bienveillance dont l’ex-sarkozyste fait preuve vis-à-vis de la droite finit par agacer. La suppression de l’AME choque. D’autant que le ministre fait savoir qu’il y est favorable « à titre personnel » quand le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, et Elisabeth Borne disent publiquement leur opposition. Le locataire de la place Beauvau finit par tempérer sa position, mais seulement après avoir obtenu, début octobre, que Matignon lance une mission sur une réforme de l’AME. (...)
Si le transfuge de la droite assure qu’il ne discute pas avec les élus RN, il a l’intuition que les 88 députés d’extrême droite ne s’opposeront pas au texte. « C’est compliqué pour le RN de voter contre », soupèse Violette Spillebout, députée Renaissance du Nord. L’élue « darmaniste », qui a récemment débattu à la télévision avec des parlementaires lepénistes, comme les députés de l’Yonne Julien Odoul et du Pas-de-Calais Emmanuel Blairy, assure que, hors micro, elle ne ressent pas de virulence de ses collègues RN contre le texte. « Je ne vois pas ce qui leur fait penser » qu’on pourrait s’abstenir, s’étonne Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN à l’Assemblée, qui a toutefois remarqué une étonnante amabilité à son endroit. Lorsqu’il a tancé Elisabeth Borne, qui, le 18 octobre, déclenchait un nouveau 49.3 sur un texte budgétaire, en lui lançant un irrespectueux « Arrête ton bla-bla ! », l’élu d’extrême droite a, dit-il, reçu les louanges de députés Horizons et réputés proches du ministre de l’intérieur. « Gérald Darmanin est sans foi ni loi », peste Olivier Marleix, exaspéré par « la godille » du ministre. Un exercice vain, selon le patron des députés LR, à moins que la majorité présidentielle ne vote, lors de la niche parlementaire des Républicains, une réforme de la Constitution pour permettre un référendum sur l’immigration. « C’est donnant-donnant », dit-il sans grand espoir. A la fin, présage-t-il, la loi « immigration » aboutira par un 49.3, « et Gérald Darmanin essaiera de dire que c’est la méchante Borne qui le lui aura imposé ».
Entré en politique à 16 ans, après avoir été sèchement recadré par un cadre du RPR qui signifie à ce petit-fils de harki qu’« on ne peut pas adhérer si on n’est pas français », Gérald Darmanin veut ce texte, qui doit sculpter son image d’autorité et répondre, selon les sondages qu’il scrute avec attention, à une demande des Français.
Omniprésent dans les médias, Gérald Darmanin fait maintenant des « threads » (des fils) sur le réseau social X. Il déroule chaque jour la liste des étrangers expulsés : (...) Un compte rendu sans précédent, instauré quelques jours après l’attentat d’Arras, le 13 octobre, au cours duquel un jeune Russe radicalisé a mortellement poignardé un professeur de français. « Personne n’avait osé faire ça, remarque un préfet en poste. Mais il faut bien rassurer la population, sinon, elle va nous mettre Marine Le Pen au pouvoir. »
#Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#politiquemigratoire#immigration#AME#santeexpulsion#etranger#regularisation#naturalisation
]]>Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
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Immigration : les députés macronistes tentés de détricoter le texte du Sénat
Une partie des élus de la majorité est déterminée à rééquilibrer le projet de loi, nettement durci par les sénateurs de droite, lors de son examen en séance à l’Assemblée nationale à partir du 11 décembre.
Par Mariama Darame
Quelques heures avant l’adoption du projet de loi « immigration » par le Sénat, mardi 14 novembre, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, esquissait déjà la ligne de conduite de son camp à l’égard d’un texte considérablement durci par la majorité sénatoriale, dominée par la droite : « Bien sûr que [nos députés] auront à cœur de revenir sur un certain nombre de dispositions introduites par les sénateurs », a-t-il affirmé sur France Inter.
Quotas migratoires, restriction des modalités du regroupement familial, suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) au profit d’une aide médicale d’urgence (AMU), délit de séjour irrégulier… La droite sénatoriale et son allié centriste ont profondément transformé le texte du gouvernement – passé de 27 articles à près d’une centaine –, souvent avec la bienveillance du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Au point que les sénateurs Les Républicains (LR) considèrent désormais que le projet de loi est devenu le leur.
Une « provocation » aux yeux des députés macronistes, soucieux de rééquilibrer le texte. Alors qu’il doit être examiné à l’Assemblée nationale à partir du 27 novembre en commission des lois, puis le 11 décembre en séance, une partie d’entre eux sont tentés de défaire l’œuvre du Sénat. (...) Mais comme souvent, les visions divergent au sein de la majorité à l’Assemblée nationale sur l’ampleur des modifications à apporter.
L’article 3, qui visait à créer un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, sera au cœur des débats au Palais-Bourbon. Mardi, le ministre de l’intérieur a convié à déjeuner le président Renaissance de la commission des lois à l’Assemblée, Sacha Houlié. Le premier a rappelé au second sa volonté de revenir sur la suppression de cet article. Au Sénat, cette disposition décriée par la droite a été remplacée par une mesure de régularisation dans ces métiers en tension à la seule discrétion du préfet, durcissant ainsi la circulaire en vigueur.
(...) Face à Sacha Houlié, figure de proue de l’aile gauche macroniste, M. Darmanin a soutenu le rétablissement de l’article 4, également supprimé par la majorité sénatoriale, permettant à certains demandeurs d’asile d’accéder dès leur arrivée au marché du travail. Le ministre de l’intérieur a aussi reconnu que de nombreuses mesures introduites au Sénat étaient irrecevables car sans lien direct ou indirect avec le texte. De quoi offrir des garanties suffisantes à son aile gauche pour éviter tout désaveu dans l’Hémicycle ? « La majorité ne doit pas tomber dans le piège de ne vouloir que se contenter de corriger le texte du Sénat. Il reste des améliorations à apporter au texte initial », considère Stella Dupont qui compte encore sur le soutien d’une partie de la gauche pour les faire voter.
#Devant ces positions affirmées, Gérald Darmanin n’a pas renoncé à obtenir l’abstention d’élus LR, voire le soutien d’une poignée de députés de droite conciliants avec la ligne du gouvernement pour faire adopter son texte. Or, chez les députés macronistes, la défiance demeure à l’égard des LR, jugés peu fiables. « Vaut-il mieux un mauvais texte voté par une majorité construite avec la droite ou un bon texte adopté grâce à un 49.3 ? », estime le député MoDem du Finistère, Erwan Balanant. Avant de résumer : « C’est l’équation politique insoluble pour Gérald Darmanin. »
#Covid-19#migrant#migration#france#assembleenationale#loimigration#AME#titredesejour#regularisation#politiquemigratoire#sante
]]>Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
►https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/14/du-droit-du-sol-a-l-aide-medicale-d-etat-comment-le-senat-a-durci-le-projet-
Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
Par Julia Pascual
Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
« Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
« Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
« C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
« L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.
#Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#senat#oqtf#regroupementfamilial#regularisation#naturalisation#droit#stigmatisation#etranger#travailleurmigrant#sante#AME#politiquemigratoire
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Comment le Sénat a durci le projet de loi « immigration », du droit du sol à l’aide médicale d’Etat
Après les concessions du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, à la droite, plusieurs mesures du texte adopté mardi au Palais du Luxembourg sont dénoncées par la gauche et les associations, qui déplorent une « stigmatisation des étrangers ».
Par Julia Pascual
Publié le 14 novembre 2023 à 23h23, modifié hier à 11h30
Le projet de loi relatif à l’immigration a été adopté par le Sénat mardi 14 novembre, à 210 voix contre 115, considérablement durci par le gouvernement et la majorité sénatoriale. Soucieux de sécuriser le vote de son texte dans un hémicycle qui ne compte que quarante élus macronistes, l’exécutif a mis en avant le « compromis » qu’il a bâti avec la droite et le centre, et défendu l’« équilibre » des mesures proposées. « Fermeté contre les étrangers délinquants, meilleures conditions d’intégration, simplification des procédures, voilà quel est le projet de loi du gouvernement », a énuméré le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, après le vote solennel des sénateurs.
Mais pour la gauche et les associations, le compte n’y est pas. Non seulement la mesure visant à créer une régularisation de plein droit pour certains travailleurs sans-papiers a été réduite à une possibilité laissée à la main des préfets, mais le texte est devenu un « repoussoir infâme », a tancé le sénateur Europe Ecologie-Les Verts des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « L’examen du Sénat a fait sauter des digues que nous pensions jusque-là infranchissables », ont alerté un ensemble de trente-cinq organisations, dont Médecins du monde, le Secours catholique ou la Ligue des droits de l’homme. Même l’Unicef s’est dit « profondément préoccupé » par les conséquences du texte sur les enfants.
Difficile de résumer les dispositions d’une loi passée de vingt-sept articles à une centaine désormais. (...) Restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers ; suppression de l’aide médicale d’Etat ; durcissement des conditions du regroupement familial, de la migration étudiante et de la délivrance d’un titre de séjour étranger malade ; restriction de l’accès aux droits sociaux ; rétablissement du délit de séjour irrégulier ; augmentation des moyens de placement en rétention des demandeurs d’asile ; retrait d’un titre de séjour en cas de non-respect des « principes de la République » ; exclusion des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…
« Des projets de loi qui ajoutent des difficultés sans assurer une meilleure maîtrise de l’immigration, ce n’est pas nouveau. Mais ce texte marque une bascule politique, juge Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 870 associations et organismes. A la fois par la nature des mesures, leur cumul et la tonalité des débats au Sénat, qui constituent une manière d’assumer une stigmatisation des étrangers. C’est une faute politique majeure et une dérive indigne. »
Responsable du plaidoyer au sein de l’association Forum réfugiés, Laurent Delbos s’inquiète notamment de la « simplification » du contentieux en droit des étrangers, vantée par le gouvernement et inspirée du rapport de la commission des lois du Sénat, présidée par le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet. Sous prétexte de réduire le nombre de procédures pour soulager les tribunaux administratifs, des délais de recours sont réduits : « Par exemple, pour contester une obligation de quitter le territoire [OQTF], un débouté du droit d’asile n’aura plus que sept jours au lieu de quinze. Ça rend impossible le recours effectif et ça va toucher des milliers de personnes par an », expose M. Delbos, qui regrette que des mesures techniques passent « sous les radars médiatiques ».
Le texte entérine aussi la généralisation du juge unique (au lieu d’une formation de trois juges) au sein de la Cour nationale du droit d’asile, qui examine les recours des demandeurs d’asile déboutés une première fois de leur requête. Les sénateurs ont aussi supprimé l’article du texte qui prévoyait d’autoriser l’accès au travail de certains demandeurs d’asile. Le gouvernement a, en outre, fait voter plusieurs ajouts tels que la possibilité de placer en rétention un étranger interpellé qui voudrait demander l’asile mais présenterait un « risque de fuite ».
« Cela vise les étrangers qui arrivent d’Italie, explique M. Delbos. Une fois placé en rétention, l’étranger est soumis à une procédure d’asile dégradée. » Une décision est prise sous quatre-vingt-seize heures sur sa demande et, en cas de rejet, le recours n’est pas automatiquement suspensif d’un éloignement. « C’est un vrai recul qui n’avait pas été initialement annoncé par le gouvernement », alerte M. Delbos. « C’est en contradiction flagrante avec le discours du ministre, qui dit réserver la rétention aux délinquants, et c’est une régression majeure qui ne devrait pas être votée en catimini », abonde la directrice générale de France terre d’asile, Delphine Rouilleault.
Le droit à la réunification familiale des réfugiés est, lui aussi, grignoté par des amendements du gouvernement : le délai pour y prétendre est raccourci, l’âge limite des enfants pour en bénéficier passe de 19 à 18 ans, et en sont exclues les personnes n’entretenant pas des « relations suffisamment stables et continues ». A cela, la majorité sénatoriale a notamment ajouté le fait de clôturer d’office l’instruction d’une demande d’asile si une personne quitte son hébergement.Sur proposition des sénateurs LR et du sénateur (Reconquête !) des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, le nombre d’années de résidence exigées avant de pouvoir demander la nationalité française est aussi passé de cinq à dix ans.
« C’est un catalogue des horreurs, juge Mme Rouilleault. On a été choqués de voir le nombre d’amendements sur lesquels le gouvernement est resté silencieux », en se contentant de présenter des avis de « sagesse », c’est-à-dire ni favorables ni défavorables. C’est notamment le cas pour l’automaticité de la délivrance d’une OQTF en cas de rejet d’une demande d’asile, sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pour l’allongement de quatre à cinq ans de la durée du mariage avec un Français avant qu’un étranger puisse demander une carte de résident, ou encore pour le fait de conditionner à cinq ans de séjour régulier l’accès à certains droits sociaux (aide au logement, prestations familiales, allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap).
Les avis du gouvernement ont même été favorables à l’instauration de quotas annuels d’immigration, au rétablissement d’un délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), à l’alignement de la situation des conjoints de Français sur les conditions de logement et de ressources du regroupement familial, ou au passage de quatre à cinq ans du temps de mariage avant lequel un conjoint de Français peut être naturalisé.
« L’étranger n’est vu que comme une menace, un fraudeur », a regretté en séance la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie, tandis que le Sénat s’est félicité d’un texte qui « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée ». Reste désormais à voir si ces dispositions inspirées par la droite seront validées lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, à partir du 11 décembre.
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]]>Selon une étude, 21 % des immigrés résidant en France ont été sans papiers
▻https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/09/selon-une-etude-21-des-immigres-residant-en-france-ont-ete-sans-papiers_6199
Selon une étude, 21 % des immigrés résidant en France ont été sans papiers
Parmi les migrants ayant connu une situation irrégulière, moins de la moitié sont arrivés illégalement sur le territoire. Un phénomène stable sur le temps long, qui bat en brèche l’idée d’une « submersion migratoire » diffusée par la droite et l’extrême droite.
Par Julia Pascual
Etre sans papiers, une expérience banale ? Des travaux inédits montrent que 21 % des immigrés qui résident en France ont été en situation irrégulière à un moment de leur vie dans le pays. Pour plus du tiers d’entre eux, cette précarité administrative a même duré plus de cinq ans. Tandis que les sénateurs examinent le projet de loi immigration jusqu’au 14 novembre, qui prévoit notamment de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers, des résultats de l’enquête Trajectoires et Origines 2 de l’Institut national d’études démographiques (INED), publiés en octobre, montrent que « la situation d’irrégularité est quelque chose de presque banal et d’important depuis très longtemps en France », souligne le directeur de recherches Cris Beauchemin, coauteur de l’étude avec Julia Descamps et Pascale Dietrich-Ragon.
Ainsi, 23 % des immigrés arrivés avant 1989 ont connu l’irrégularité, contre 22 % de ceux arrivés entre 1989 et 1998, et 26 % de ceux arrivés entre 1999 et 2008. Alors que la droite et le centre ont restreint les règles de régularisation des travailleurs sans papiers, que le projet de loi initial assouplissait, l’étude montre que l’effet d’« appel d’air » ne se vérifie pas empiriquement. « L’irrégularité est un fait structurel dans la gestion administrative du séjour des immigrés et il n’y a pas eu de changement majeur quelles qu’aient été d’ailleurs les mesures de régularisation décidées par les gouvernements », insiste M. Beauchemin.
L’étude de l’INED révèle, en outre, que parmi les 21 % d’immigrés qui ont été sans papiers, moins de la moitié sont arrivés de façon irrégulière sur le territoire. Ces résultats battent en brèche l’idée d’une « submersion migratoire » diffusée par la droite et l’extrême droite. « Alors que la question des entrées clandestines occupe une place croissante dans les discours publics depuis les années 2000, les données ne montrent aucune évolution significative », note l’INED. La proportion de migrants entrés en France sans visa oscille entre 9 % et 10 % depuis 1989.
Le fait de vivre sans papiers découle aujourd’hui d’une multitude d’itinéraires administratifs. « L’irrégularité ne se produit pas seulement à l’arrivée en France. Il y a des gens entrés avec un visa, mais qui se maintiennent sur le territoire après qu’il a expiré, il y a des déboutés du droit d’asile, ou encore des personnes qui n’arrivent pas à renouveler leur titre de séjour parce qu’ils n’arrivent pas à accéder à l’administration, que les critères d’attribution ont évolué ou que leur situation personnelle a changé », énumère M. Beauchemin. Pour preuve : 26 % des immigrés détenteurs aujourd’hui d’une carte de résident de dix ans ont connu l’irrégularité, de même que 17 % des 2,5 millions d’immigrés aujourd’hui naturalisés français ont été sans-papiers à un moment de leur séjour. Le statut social ne protège que partiellement des aléas administratifs, puisque 12 % des immigrés diplômés du supérieur ont connu l’irrégularité, contre 32 % de ceux qui n’ont pas atteint l’enseignement secondaire. L’étude montre, enfin, que l’expérience de l’irrégularité n’est pas la même selon le lieu de résidence. « Les immigrés installés en région parisienne conservent un risque deux fois plus élevé d’avoir vécu sans papiers que leurs homologues provinciaux », notent les auteurs. Une inégalité qui pourrait résulter des décisions discrétionnaires des préfectures et de la congestion de ces dernières. « Un des enjeux de l’article 3 de la loi [immigration] était de créer une régularisation de plein droit de certains travailleurs sans-papiers et d’uniformiser le traitement des demandes sur le territoire », souligne M. Beauchemin. Mercredi 8 novembre, la majorité sénatoriale a réécrit cet article pour conserver le pouvoir discrétionnaire des préfets. Julia Pascual
#Covid-19#migrant#migration#france#immigration#regularisation#travailleursanspapier#prefet#loimigration
]]>Loi « immigration » : le Sénat supprime la mesure du gouvernement sur les métiers en tension
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/loi-immigration-le-senat-supprime-la-mesure-du-gouvernement-sur-les-metiers-
Loi « immigration » : le Sénat supprime la mesure du gouvernement sur les métiers en tension
Les sénateurs ont adopté un nouvel article prévoyant un titre de séjour « exceptionnel » et aux contours durcis pour les travailleurs dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre.
Le Sénat a voté la suppression de la mesure phare du projet de loi relative à l’immigration du gouvernement : l’article 3 qui prévoyait un titre de séjour pour certains travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, dans la soirée du mercredi 8 novembre. La majorité sénatoriale de droite et du centre s’est toutefois accordée avant ce vote sur la rédaction d’un autre article prévoyant un titre de séjour « exceptionnel » et aux contours durcis pour les travailleurs dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre, qui a été adopté par 226 voix contre 119.
« La conséquence de cet amendement qui est déposé, c’est évidemment la suppression de l’article 3 d’origine dans le texte, avait déclaré le président Les Républicains (LR) de la commission des lois, François-Noël Buffet, considérant qu’il pouvait engendrer une régularisation importante, pour ne pas dire massive. » La mesure gouvernementale aurait engendré un « droit automatique » à la régularisation, a aussi dénoncé le président du groupe LR, Bruno Retailleau, redoutant un « appel d’air » migratoire. Le compromis trouvé par la majorité sénatoriale est « acceptable pour le gouvernement », a estimé le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui s’est cependant opposé par principe à la suppression de son article. Il a expliqué que ce volet entraînerait la publication d’une « nouvelle circulaire ». « L’important, c’est l’esprit de compromis que veut le gouvernement pour avoir l’essentiel de ce qu’il demande : une mesure de régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis très longtemps et dont les patrons [refusent de] les régulariser », a-t-il déclaré.
M. Darmanin soumettra en décembre cette rédaction à l’Assemblée nationale, où le camp présidentiel ne dispose pas de majorité absolue. « À l’Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif. Y compris le volet sur les régularisations », a promis dans Le Figaro le député Renaissance Sacha Houlié, incarnation du volet social de la réforme. Présenté comme une « ligne rouge » à droite mais plébiscité par l’aile gauche du camp présidentiel, l’article 3 prévoyait dans sa rédaction par le gouvernement l’octroi d’un titre de séjour d’un an renouvelable aux personnes qui travaillent dans des « métiers en tension », justifiant de trois ans de présence en France ainsi que de huit fiches de paie.
L’article additionnel que la droite et le centre ont déposé mercredi prévoit lui de laisser au « seul pouvoir discrétionnaire du préfet » cette possibilité de régularisation au terme d’une « procédure strictement encadrée », largement durcie et assortie de multiples conditions, dont celle du respect des « valeurs de la République ». L’Assemblée nationale devra à son tour se prononcer sur le projet de loi à partir du 11 décembre.
#Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#metierentension#economie#titredesejour#regularisation#maindoeuvre#travailleursanspapier
]]>Immigration : au Sénat, la droite se rallie à un compromis sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/immigration-au-senat-la-droite-se-rallie-a-un-compromis-sur-la-regularisatio
Immigration : au Sénat, la droite se rallie à un compromis sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension
Par Mariama Darame et Julia Pascual
Un accord a finalement été trouvé. Alors que le projet de loi « immigration » est examiné par le Sénat depuis lundi 6 novembre, la majorité sénatoriale – composée de la droite et du centre – est parvenue à s’entendre, mardi, sur une position commune autour de l’article 3, laissant augurer un vote global du texte à l’issue des débats, le 14 novembre. L’article 3 du projet de loi prévoit de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers dans les secteurs qui peinent à recruter. Depuis sa présentation par le gouvernement, en novembre 2022, il est farouchement combattu par Les Républicains (LR) qui l’assimilent à une « prime à la fraude » et à un « appel d’air » en faveur de l’immigration irrégulière.
Erigé en ligne rouge, véritable totem politique, l’article 3 est devenu le symbole d’un gouvernement en mal de majorité parlementaire et un levier utilisé par LR pour obtenir de nombreuses concessions sur le durcissement du texte de loi. Mais le jusqu’au-boutisme de la droite a failli se retourner contre elle en menaçant de faire voler en éclats la majorité, tandis que les sénateurs centristes plaidaient pour l’adoption d’une mesure législative sur la régularisation.
Mardi 7 novembre, les deux groupes sont donc finalement parvenus à sceller un accord autour de la suppression de l’article 3 et d’une écriture nouvelle qui devait permettre à la mesure d’être votée au Sénat, dans une version moins-disante, et au texte de loi de poursuivre son chemin jusqu’à l’Assemblée nationale.
Les sénateurs ont conçu un nouvel article qui ne prévoit pas, comme initialement, une régularisation de plein droit, mais laisse aux préfets leur entier pouvoir discrétionnaire. (...) En ce sens, la version voulue par la majorité sénatoriale ne fait qu’amender le système actuel de régularisation, qui confie aux préfets le pouvoir de délivrer ou non un titre de séjour à un travailleur sans papiers en s’appuyant sur quelques critères indiqués dans une circulaire ministérielle de 2012 (et qui exige, par exemple, une présence d’au moins trois ans en France, vingt-quatre fiches de paie et une demande d’autorisation de travail remplie par l’employeur). Sous ce régime instauré par la gauche il y a plus de dix ans, quelque 7 000 salariés sans papiers sont régularisés chaque année. Le nouvel article tel que rédigé par la majorité sénatoriale prévoit que les préfets puissent délivrer un titre de séjour aux travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension, à condition que ceux-ci soient présents en France depuis trois ans et qu’ils fournissent douze fiches de paie. Ils seraient désormais dispensés de fournir l’autorisation de leur employeur. Le dispositif s’achèverait en 2026. LR a, en outre, obtenu que les préfets aient « l’obligation de vérifier, non seulement la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, mais aussi son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française, son adhésion au mode de vie et aux valeurs de la communauté nationale, et son absence de condamnation pénale », détaille Bruno Retailleau. La majorité sénatoriale s’est aussi mise d’accord sur une suppression de l’article 4 du projet de loi qui autorisait certains demandeurs d’asile à travailler. « Il s’agit d’une véritable reprise en main de notre politique migratoire », a appuyé Bruno Retailleau, se félicitant par ailleurs du durcissement du texte par le Sénat, qui a tour à tour voté, mardi 7 novembre, la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), le rétablissement du délit de séjour irrégulier ou encore la restriction des conditions d’obtention d’un titre de séjour étudiant.
« C’est un accord tout à fait satisfaisant, a estimé pour sa part Philippe Bonnecarrère, corapporteur centriste du texte de loi au Sénat. La rationalité conduisait à un accord. On ne peut pas dire que le Sénat est le point d’équilibre institutionnel et qu’on veut un texte plus ferme et ne pas le voter. » Sur le réseau social X (anciennement Twitter), Gérald Darmanin s’est exprimé, mardi soir : « Nous nous félicitons qu’un accord ait été trouvé par la majorité sénatoriale sur les métiers en tension. Ce texte ferme et juste est utile à la France. » Le ministre de l’intérieur poussait depuis plusieurs semaines déjà pour un compromis autour d’une disposition réglementaire de régularisation plutôt que de plein droit.
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]]>Paysans, artisans : ils se battent pour une activité qui respecte les #sans-papiers
En France, l’association #A4 aide des personnes migrantes à être régularisées en les accompagnant vers une activité agricole ou artisanale. Une démarche à rebours de l’immigration utilitariste prônée par le gouvernement.
« Le but n’est pas de forcer l’installation, seulement d’ouvrir des portes », explique Habib, membre fondateur et salarié de l’#association_d’accueil_en_agriculture_et_artisanat (A4). Depuis 2022, l’organisation aide les personnes migrantes à être régularisées en les accompagnant dans le développement d’une activité agricole ou artisanale décente. Le tout, en préservant les #terres_agricoles au profit de la #paysannerie. Du 9 au 14 octobre, ses membres étaient réunis à La Demeurée, un lieu de création à Saint-Contest près de Caen (Calvados), pour faire le point sur une année et demie d’activité intense.
L’association gère depuis mai 2023 une ancienne serre industrielle de 3 000 mètres carrés à Lannion (Côtes-d’Armor), mise à disposition par un agriculteur retraité. Omar [], originaire du Soudan, Marie [], Congolaise, et Uma Marka [*], venue d’Amérique du Sud, ont pu y lancer des expérimentations pour la culture de plantes exotiques et tropicales : cacahuètes, gingembre, pastèques, melons, ananas, dattes, etc. Mais l’avenir de cette ferme reste incertain, alors qu’un nouveau PLU est prévu pour 2025.
« Soit la mairie décide de rendre la parcelle constructible et les serres seront détruites ; soit la parcelle reste agricole et d’autres perspectives peuvent s’ouvrir pour ce lieu », explique Marie. Pour éviter l’artificialisation de ces terres, l’association travaille sur d’autres projets : un #fournil_mobile pour vendre du pain et organiser des ateliers sur le levain, un atelier de #réparation_de_vélos, un lieu de rencontre pour les associations et collectifs locaux. Reste à savoir si cela suffira à faire pencher la balance. « C’est le même problème dans toute la #Bretagne : les terres se vendent à des prix affolants », soupire Tarik, membre fondateur d’A4.
Outre Lannion, d’autres lieux ont été prospectés dans le #Limousin, en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, dans les départements de l’#Isère et de la #Drôme et à #Saint-Affrique, dans l’Aveyron. Un sixième « voyage-enquête » est prévu en Ariège en 2024. L’objectif est de « faire émerger un réseau de fermes et d’artisans complices » qui pourraient accueillir et embaucher les exilés dans de bonnes conditions, explique Gaël Louesdon, membre du collectif #Reprise_de_terres, qui conseille A4 dans sa recherche de #foncier_agricole.
Au-delà, ces voyages sont des moments de « découverte des luttes en milieu agricole », insiste Marie. Logique, alors que l’idée de l’association est née dans le cadre des rencontres Reprise de terres, au printemps 2021 sur la zad de Notre-Dame-des-Landes.
Cette démarche s’inspire des premières enquêtes ouvrières des XIXᵉ et XXᵉ siècles, basées sur des questionnaires remplis par les ouvriers eux-mêmes. Ces dernières visaient à améliorer les conditions de travail en dénonçant le capitalisme, le productivisme et l’exploitation ouvrière. « Seuls les travailleurs connaissent leurs conditions. Et quand on mène une enquête sur ses conditions de vie, on les transforme », explique Paul, membre de l’association et du collectif d’enquêtes militantes Strike.
En parallèle, l’association travaille sur un guide juridique à destination des personnes migrantes et des artisans et agricultures qui souhaitent les aider. Ce gros projet devait occuper une bonne partie de la réunion de l’association à Caen.
Savoir-faire et aspirations
L’objectif est double. D’une part, lutter contre l’#accaparement_des_terres agricoles par l’agro-industrie, qui mobilise « la violence mais aussi les outils juridiques et le droit existants », selon Gaël Louesdon. Mais aussi respecter les savoir-faire et les aspirations des personnes exilées, à l’heure où le gouvernement favorise une « optique utilitariste » de l’immigration, insiste Élise Costé, juriste spécialisée en droit des étrangers et salariée de l’antenne caennaise de l’association de solidarité pour tous les immigrés (Asti).
De fait, dans le projet de loi asile et immigration, dont l’examen commence ce lundi 6 novembre au Sénat, l’exécutif veut permettre aux #travailleurs_sans-papiers présents sur le territoire depuis trois ans d’obtenir un titre de séjour « métiers en tension » valide un an — une proposition rejetée avec vigueur par la droite et l’extrême droite.
Cette dérive alimente, selon A4, des scandales d’embauche de travailleurs sans-papiers dans des conditions indignes. « Il faut casser la tentation de l’#agro-industrie d’exploiter des gens », plaide Tarik, qui évoque les entreprises bretonnes #Aviland et #Prestavic, respectivement poursuivies et condamnées pour traite d’êtres humains — en l’occurrence, de dizaines de travailleurs migrants sans-papiers.
Pour toutes ses actions, l’association cultive l’#entraide et prône une organisation « d’égal à égal », sans distinction entre les aidants et les aidés. Parmi le noyau dur des dix membres les plus actifs d’A4, certains sont passés d’un statut à l’autre, comme Awad, garagiste à Paris devenu chauffeur pour les voyages-enquêtes, Amine, qui développe un projet d’agriculture et de vie en collectif avec des amis, ou encore Habib, soudeur spécialisé dans les fours à pain qui aspire à devenir écrivain. Une approche réparatrice pour des membres souvent éprouvés par leurs expériences passées. « Ça soigne les blessures, sourit Habib. Si ça continue comme ça, on peut changer le monde ! »
▻https://reporterre.net/Paysans-artisans-ils-se-battent-pour-une-activite-qui-respecte-les-sans-
#travail #régularisation #artisanat #agriculture #France #industrie_agro-alimentaire #conditions_de_travail
Au Sénat, la crise politique couve autour du projet de loi « immigration »
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/06/au-senat-la-crise-politique-couve-autour-du-projet-de-loi-immigration_619845
Au Sénat, la crise politique couve autour du projet de loi « immigration »
Par Mariama Darame et Julia Pascual
Le projet de loi « immigration » peut-il déboucher sur une crise politique ? Derrière les déclarations de principes, c’est le scénario redouté par une partie de l’exécutif et des parlementaires.
Ajourné à maintes reprises depuis son annonce à l’été 2022, l’examen du texte porté par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, démarre en séance publique, lundi 6 novembre, au Sénat. Sans que personne ne sache s’il trouvera un point d’atterrissage à l’issue des débats, qui doivent durer jusqu’au 14 novembre, jour du vote solennel. « Il y a un compromis politique à trouver », a déclaré M. Darmanin, le 5 novembre sur France 2. Convaincu qu’une « voie de passage » existe, il s’est déclaré « opposé » au recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote.
Ce texte – qui sera la seconde loi portant sur l’immigration sous la présidence d’Emmanuel Macron, soucieux de répondre à ce qu’il considère être une attente des Français – a été présenté par l’exécutif comme tenant d’un équilibre entre une jambe droite et une jambe gauche. Au titre de la première, il prévoit de faire sauter des protections à l’éloignement, en particulier celles applicables aux étrangers arrivés en France avant l’âge de 13 ans, y résidant depuis plus de vingt ans ou depuis plus de dix ans et étant conjoints ou parents de Français. Il entend aussi accélérer l’instruction des demandes d’asile, simplifier le contentieux administratif en droit des étrangers ou encore conditionner l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français. Sa jambe gauche repose, elle, sur deux mesures principales : la simplification des régularisations des travailleurs sans papiers et l’autorisation de travailler pour certains demandeurs d’asile. (...)A droite, où l’on défend désormais une réforme de la Constitution et une remise en cause des traités européens, ce texte est vu comme « une synthèse des contraires ». « On ne peut pas à la fois vouloir expulser plus tout en régularisant massivement des clandestins », clame Bruno Retailleau, le président du groupe LR au
A gauche, le discours offensif du ministre de l’intérieur au lendemain de l’attentat d’Arras, au cours duquel un jeune homme originaire du Caucase russe ayant grandi en France a tué un professeur et blessé trois autres personnes, a achevé de convaincre que l’équilibre du texte initial était un « leurre ». « Depuis Arras, M. Darmanin instrumentalise le texte “immigration” en prétendant que, s’il avait été adopté, l’attentat ne se serait pas produit. Il se fabrique une protection à l’encontre de toute mise en cause de sa responsabilité. Or il n’a pas eu le courage de dire que le risque zéro n’existe pas », estime la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie.
Si M. Darmanin a toujours assumé vouloir faire voter son texte grâce à l’appui des parlementaires de LR, il se retrouve aujourd’hui face à une droite qui rechigne à sceller un accord sur une thématique devenue l’un de ses seuls marqueurs de différenciation, après son soutien en dent de scie sur la réforme des retraites et à quelques mois des élections européennes où elle redoute la concurrence de l’extrême droite. D’autant qu’une grande partie des élus de LR vouent une hostilité grandissante au ministre de l’intérieur, perçu comme un concurrent pour l’échéance présidentielle de 2027.
Résultat : M. Darmanin a beau se dire chaque jour davantage ouvert au « compromis » avec la droite, cette dernière n’a cessé de faire monter les enchères sans jamais se satisfaire des concessions accordées. « On risque de revivre le scénario de la réforme des retraites : tout donner aux LR pour n’avoir aucune voix en retour », s’inquiète le président du groupe macroniste au Sénat, François Patriat. A la veille des débats au Palais du Luxembourg, le président de la République, Emmanuel Macron, a fait savoir aux chefs de parti dans un courrier, dimanche, son intention d’aborder avec eux, lors d’une nouvelle rencontre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 17 novembre, l’élargissement du champ du référendum aux « questions sociétales », dont les enjeux migratoires. Une demande de modification de l’article 11 de la Constitution formulée par LR et par le Rassemblement national. (...) La droite fait pour sa part du maintien de l’article 3 du projet de loi « immigration » – simplifiant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers qui peinent à recruter – une ligne rouge. Aujourd’hui, cette régularisation relève d’une mesure exceptionnelle laissée à la discrétion des préfets. Des critères d’appréciation leur sont indiqués dans une circulaire ministérielle de 2012, qui permet de régulariser autour de 7 000 salariés chaque année. Ces derniers doivent par exemple prouver trois années de présence sur le territoire français, fournir vingt-quatre fiches de paie attestant de leur activité professionnelle et leur employeur doit signer une promesse d’embauche.L’article 3 simplifie le dispositif et permettrait à un travailleur d’être régularisé de plein droit dès lors qu’il cumule trois ans de présence en France et huit fiches de paie, sans être nécessairement accompagné par son patron. Le ministère de l’intérieur défend la fin d’une forme d’« esclavage moderne », la droite y voit la porte ouverte à une régularisation massive. « C’est un chiffon rouge qui est là simplement pour séduire l’aile gauche [de la majorité] mais qui est une brèche qui va ruiner tous les autres efforts faits sur ce texte », martèle Bruno Retailleau. L’article 3 est devenu un totem politique. LR jure qu’il ne votera pas le texte s’il est maintenu, tandis que, s’il est retiré, c’est l’aile gauche de la Macronie qui menace de bloquer l’adoption de la loi.
En attendant, tout à son souhait de voir aboutir un vote, l’exécutif a laissé la commission des lois du Sénat – dominée par la droite et le centre – muscler considérablement le volet répressif du texte début mars. Ce dernier est ainsi passé de vingt-sept à quarante-huit articles. Quelque soixante-dix amendements ont notamment été adoptés qui prévoient la suppression de l’aide médicale d’Etat – un panier de soins pour les sans-papiers – au profit d’une « aide médicale d’urgence », la restriction des conditions d’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers, le resserrement des critères du regroupement familial ou encore de l’accès au titre « étranger malade ». Une transformation à laquelle souscrit largement l’exécutif. L’examen en séance publique devrait être à nouveau l’occasion pour la majorité de droite et du centre de redessiner le texte à son image. Les quelque 640 amendements déposés par les sénateurs augurent de débats intenses et le projet de loi pourrait tripler de volume à l’issue des discussions au Palais du Luxembourg. Mais l’inconnue autour du devenir de l’article 3 reste entière. Le gouvernement s’est dit plusieurs fois prêt à sa réécriture, pour amoindrir sa portée. En somme : plutôt que de prévoir une régularisation de plein droit, une circulaire serait créée, qui laisserait aux préfets leur entier pouvoir discrétionnaire en matière d’admission exceptionnelle au séjour.
Une solution moins-disante qui a le mérite de séduire une partie de la majorité sénatoriale, sans trop heurter l’aile gauche de la Macronie, attachée à une inscription de la mesure dans la loi. Le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille, a d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, qualifié, Place Beauvau, de « compromis acceptable ».
Mais, dans le même temps, Bruno Retailleau a déposé, lui, un amendement de suppression. « S’ils assouplissent les conditions de la régularisation, ça ne passera pas non plus pour nous », prévient-il. De quoi faire voler en éclat la majorité sénatoriale ?« A l’heure présente, il n’y a pas d’accord sur l’article 3, souligne Philippe Bonnecarrère. Il n’y a pas d’accord entre le Sénat et le gouvernement. Il n’y a pas d’accord au niveau de la majorité sénatoriale. » « Les prochaines quarante-huit heures vont être décisives », abonde Hervé Marseille. Le gouvernement pourrait également renvoyer la discussion des articles 3 et 4 – ce dernier vise à exempter certains demandeurs d’asile d’une période de carence de six mois avant de travailler – à la fin de la semaine afin de mener d’ultimes négociations avec le chef de file de la droite sénatoriale, M. Retailleau.
Dans ce contexte, la possibilité que le projet de loi, durci dans sa quasi-totalité par les amendements des LR et des centristes soit finalement rejeté par une alliance de circonstance entre la droite et la gauche n’est pas négligeable. « Ce serait quand même par principe un échec du gouvernement, mais ce serait aussi un échec du Sénat », s’alarme le président (LR) de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, dont le rapport, en mai 2022, a servi d’inspiration au texte « immigration ».
A mots couverts, des élus centristes et de droite pointent du doigt la démarche « jusqu’au-boutiste » de M. Retailleau, qui pourrait ébranler dans son sillage l’alliance entre la droite et les centristes au Sénat, et par là même fragiliser la position de son président (LR), Gérard Larcher. Ce dernier s’inquiète de débats qui mettraient en scène les divisions de sa majorité et, au-delà, d’une forme d’instabilité institutionnelle générée par l’absence de texte au Sénat, en miroir d’une Assemblée nationale dépourvue de majorité absolue.
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]]> Malgré deux emplois dans la #restauration et la #livraison, la vie hors des radars d’un travailleur clandestin malien. Un documentaire qui raconte par l’exemple les #luttes des sans-papiers en France, estimés à près de 700 000, pour de meilleures conditions d’existence.
Depuis son arrivée en France en 2018, Makan cumule deux boulots : plongeur dans une brasserie chic près des Champs-Élysées et livreur à vélo. Solitaire et sacrifiée, la vie de ce Malien de 35 ans est tout entière dédiée au travail, qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille restée au pays, une femme et des enfants qu’il n’a pas vus depuis bientôt quatre ans. « On n’est pas venu ici pour prendre des photos de la tour Eiffel. On est venu ici pour bosser. Ta famille est dans la merde, toi aussi t’es dans la merde », confie-t-il. Comme des centaines de milliers d’autres personnes en France, cantonnées aux #marges de la société alors qu’ils font tourner des pans entiers de l’#économie, Makan est sans-papiers. Il espère sortir de la #clandestinité et, en attendant, « reste dans [son] coin », effectuant avec courage ces métiers ingrats que seule une main-d’oeuvre précaire accepte désormais. « Si les immigrés ne se présentaient pas, je ne sais pas qui prendrait leur place », reconnaît sans ciller sa cheffe de cuisine. En attendant, Makan se demande pourquoi sa vie reste si difficile en France, « le pays des droits »...
Existences invisibles
Entre spleen et courage, le documentaire suit le quotidien d’un travailleur sans-papiers dans sa quête de régularisation, précieux sésame qui lui permettrait de se rendre dans son pays natal pour revoir ses proches qui subsistent grâce à son sacrifice. Aidé notamment par des militants syndicaux de la #CGT, Makan, qui tente de sortir de l’ornière administrative où il s’est enlisé, a rejoint la #lutte de ceux qui se mettent en grève pour obtenir de meilleures #conditions_de_travail. Mettant en lumière ces « premiers de corvées » condamnés à mener des existences invisibles (ils seraient près de 700 000 en France), ce film révèle sans misérabilisme le vécu intime de l’exil, de la clandestinité et de l’#abnégation.
►https://www.arte.tv/fr/videos/107817-000-A/premier-de-corvee
▻https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/68753_0
#film #documentaire #film_documentaire #sans-papiers #travail #migrations #régularisation #France #logement #travailleurs_sans-papiers #sacrifice #déqualification #syndicat #grève
ici aussi (via @kassem) :
▻https://seenthis.net/messages/1006257
Métiers en tension : le gouvernement amorce un recul sur la régularisation des travailleurs sans papiers
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/18/metiers-en-tension-le-gouvernement-amorce-un-recul-sur-la-regularisation-des
Métiers en tension : le gouvernement amorce un recul sur la régularisation des travailleurs sans papiers
Après l’attentat d’Arras, l’exécutif évoque la possibilité de renoncer à créer un titre de séjour de plein droit, par le biais de son projet de loi sur l’immigration, pour privilégier la création d’une nouvelle circulaire de régularisation.
Par Thibaud Métais et Julia Pascual
Le climat actuel aura-t-il raison de la jambe gauche du projet de loi « immigration » ? Après l’attentat d’Arras, le texte, qui doit être examiné au Sénat à partir du 6 novembre, est au cœur des débats. Alors que le parti Les Républicains (LR) font de l’article 3, qui prévoit de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, une « ligne rouge » et menace de ne pas voter en faveur du projet de loi, la disposition pourrait être enterrée. En tout cas, sa portée largement amoindrie. L’exécutif réfléchit depuis des semaines à la façon de procéder et pourrait finalement privilégier la création d’une nouvelle circulaire de régularisation plutôt que de créer un titre de séjour de plein droit, par le biais de la loi. Le 24 septembre, le président de la République, Emmanuel Macron, avait lui-même entrouvert la porte à une modification du texte. « Là-dessus, je pense qu’il y a un compromis intelligent à trouver », avait-il souligné, sur TF1 et France 2.
Place Beauvau, on avance désormais qu’une nouvelle circulaire pourrait voir le jour. Elle ne remplacerait pas celle de 2012 dite « circulaire Valls », qui liste des critères de régularisation pour motif familial ou professionnel et que les préfets appliquent de façon discrétionnaire et très différente selon les territoires. Grâce à ce texte réglementaire, environ 30 000 personnes sont admises au séjour chaque année. L’objectif de la circulaire supplémentaire à laquelle le ministère de l’intérieur réfléchit serait de permettre à des travailleurs sur des métiers en tension d’être régularisés « en contournant le pouvoir de l’employeur », précise l’entourage de M. Darmanin. « Il ne s’agit pas de créer un flux [d’immigration] mais de sincériser [régulariser] un stock », que les services évaluent à environ 8 000 personnes par an.
Aujourd’hui, s’il veut demander une régularisation par le biais de la circulaire Valls, un travailleur sans papiers doit non seulement prouver qu’il vit en France depuis au moins trois ans, présenter un certain nombre de bulletins de paie, mais il doit, en outre, demander à son patron de remplir un formulaire officiel d’embauche. L’article 3 du projet de loi prévoyait de faire sauter ce « verrou » de l’employeur dans les métiers en tension et de créer un droit à la régularisation moyennant trois ans de présence en France et huit fiches de paie. Place Beauvau, on pourrait désormais se contenter d’une circulaire qui aurait l’avantage de « garder le pouvoir d’appréciation des préfets ». La régularisation ne serait donc pas de plein droit mais resterait à la libre appréciation des services de l’Etat dans les départements.
Mardi 17 octobre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, avait pourtant tenu à défendre la disposition. Depuis l’attentat d’Arras, « le climat a changé, mais il serait absolument terrible (…) que des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement (…) soient les victimes d’un climat terroriste qui ne les concerne pas », a-t-il jugé sur Franceinfo. Face aux critiques de la droite et de l’extrême droite, le ministre a répété qu’il « n’y a pas d’appel d’air » avec une telle mesure. « Nous parlons de personnes en situation irrégulière mais qui travaillent légalement dans des métiers où tout le monde a du mal à recruter », a-t-il expliqué.Son entourage précise toutefois qu’Olivier Dussopt est toujours « ouvert sur la forme », législative ou réglementaire, sans dire si l’une ou l’autre est privilégiée, et qu’il « renvoie au débat sans en préjuger l’issue ». Place Beauvau, on assume ne pas vouloir se battre sur la forme et être disposé à un « texte de compromis large » avec la droite et le centre. L’article 3 « n’est pas le cœur essentiel du texte après ce qu’il s’est passé à Arras », considère l’entourage de M. Darmanin, soulignant que ce dernier ne portait pas personnellement la mesure.
Un tel recul est susceptible de créer des remous dans la coalition présidentielle, où l’aile gauche de Renaissance a plusieurs fois répété son attachement à « l’équilibre » du texte entre ses deux volets social et répressif. « Cette mesure est nécessaire », juge le député macroniste de la Vienne Sacha Houlié, affirmant qu’« elle sera soutenue par le gouvernement et l’Elysée ». Ni Matignon ni l’Elysée n’ont confirmé. Pour M. Houlié, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, ce n’est pas le moment de reculer, alors que le contexte permet de mettre la pression sur la droite. « Sur les mesures de fermeté, c’est LR qui nous en prive par son refus obstiné de voter le texte depuis des mois », estime-t-il.
Alors que l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale était prévu pour 2024, le ministre des relations avec le Parlement, Franck Riester, a annoncé, mardi, sur LCP, que la loi sera discutée dès le mois de décembre. « On devrait avoir au moins un vote pour chaque chambre du Parlement d’ici à la fin de l’année [2023] », a-t-il ajouté.
#Covid-19#migration#migrant#france#loi#immigration#metierentension#economie#regularisation#terrorisme#securite#repression#politique
]]>Les départements alertent sur la question des mineurs isolés étrangers
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/18/les-departements-alertent-sur-la-question-des-mineurs-isoles-etrangers_61952
Les départements alertent sur la question des mineurs isolés étrangers
L’Etat doit participer à la prise en charge des mineurs non accompagnés, réclame l’Assemblée des départements de France, qui a voté une résolution en ce sens. Le gouvernement se dit prêt à envisager une « renationalisation » de la protection de l’enfance.
Par Lyssia Gingins
Publié le 18 octobre 2023 à 17h59
Après une baisse liée à la crise sanitaire, les arrivées de mineurs isolés étrangers ont repris de plus belle sur le territoire. Dans les Alpes-Maritimes, ils ont été 5 600 à passer la frontière depuis le début de l’année, contre 3 400 à la même date en 2022, des chiffres avancés par la collectivité locale. De quoi pousser les départements, chargés de leur accueil au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), à alerter face à la saturation de leurs capacités d’accueil. Dans une résolution adoptée à l’unanimité, mercredi 11 octobre, l’Assemblée des départements de France (ADF) demande au gouvernement plusieurs évolutions réglementaires, notamment en matière d’immigration. « On appelle l’Etat à assumer ses responsabilités. Les départements appellent à l’aide depuis des mois », souligne François Sauvadet (UDI), président de l’ADF.
Les mineurs isolés étrangers, en tant qu’enfants privés de protection familiale, sont pris en charge par les départements. A leur arrivée en France, ils sont soumis à une évaluation de minorité. Entre-temps, le département est responsable de leur mise à l’abri. Le nombre de mineurs isolés pris en charge dans le pays – près de 44 000 d’ici à la fin d’année, avancent les départements, alors que le nombre de mineurs – dépasse désormais le pic de 2018. « Mais, à l’époque, on n’avait pas tous les indicateurs au rouge », alerte le président de l’ADF. Hausse des coûts liée à l’inflation, augmentation continue des placements d’enfants et généralisation de l’accompagnement des 18-21 ans depuis la loi Taquet de 2022 : l’année 2023 s’avère critique pour l’ASE, qui suit plus de 370 000 enfants en France.« La crise actuelle due aux mineurs non accompagnés est venue emboliser un système déjà en tension extrême, conduisant parfois des présidents [de départements] à ne pas pouvoir exécuter des décisions de placements dont ils sont comptables pénalement », alerte l’ADF dans une lettre adressée à la première ministre.
« Quand les assistantes sociales sont mobilisées à la frontière, elles manquent dans le reste des services, estime Charles-Ange Ginésy (Les Républicains, LR), président des Alpes-Maritimes. Les moyens humains et financiers ne sont pas extensibles, d’autant que le département manque de leviers fiscaux. » Martine Vassal (LR), présidente des Bouches-du-Rhône, espère que le sujet sera abordé à l’occasion du projet de loi immigration, qui permet à la droite de faire monter les enchères sur ces questions et doit être examiné au Sénat à partir du 6 novembre. « On nous demande de gérer le flux migratoire, alors que ce n’est pas notre compétence », regrette-t-elle.
L’arrivée importante de mineurs isolés étrangers n’est qu’un des aspects des difficultés que traverse l’ASE, selon Stéphane Troussel (Parti socialiste), président de la Seine-Saint-Denis. « Mais ça paraît légitime que l’Etat accompagne sur les compétences qui lui reviennent, et qu’il participe aux dépenses engendrées par sa politique, acquiesce le président du département qui effectue une part importante des évaluations de minorité du pays. Si l’Etat prenait en charge la mise à l’abri avant l’évaluation de minorité, ça arrangerait déjà beaucoup de choses. »
La mesure figure tout en haut de la liste de demandes de l’Assemblée des départements de France. « La prise en charge de l’immigration ne peut pas reposer uniquement sur la solidarité départementale. La solidarité nationale doit jouer », estime François Sauvadet.Pour autant, l’ADF reconnaît que « la crise que traverse l’ASE dépasse de beaucoup la seule crise migratoire ». Les mineurs isolés ne constituent que 15 % à 20 % des enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance, dont le nombre est en hausse continue. Pour faire face à l’augmentation des placements, le budget consacré par les départements a doublé en vingt ans, pour atteindre 10 milliards aujourd’hui.
Tous les départements connaissent, de longue date, de graves problèmes de recrutement. « Il y a une crise d’attractivité des métiers du lien social, qui doit devenir un chantier prioritaire », estime Stéphane Troussel. Le département a d’ores et déjà mené un « grand plan » de revalorisation salariale et de conditions de travail, selon son président, « mais sans mobilisation nationale, l’échelon local ne suffira pas ».Pour François Sauvadet, les conditions de ces métiers difficiles sont aggravées par les carences dans certains domaines qui relèvent de la compétence nationale, comme la pédopsychiatrie, la prise en charge du handicap ou encore la protection judiciaire de la jeunesse : « Un jeune en détresse psychiatrique qui casse des meubles, qu’est-ce qu’on peut faire pour lui ? C’est une situation qui relève du soin. »
Pour les mineurs étrangers, l’accès à la régularisation à la majorité vient également entraver des parcours d’insertion. « On a des situations où un employeur qui voulait accueillir un jeune doit renoncer, parce que son titre de séjour prend des mois à arriver, déplore Stéphane Troussel. L’Etat doit prendre ses responsabilités dans les compétences qui lui reviennent. »
Face à la bronca des départements, le gouvernement se dit prêt à envisager une « renationalisation » de la protection de l’enfance, même si cette option n’est pas sa « logique première », a indiqué, mercredi 11 octobre, la secrétaire d’Etat à l’enfance, Charlotte Caubel.« Faut-il que l’Etat se charge de l’évaluation de la minorité de ces jeunes, de leur mise à l’abri – auxquelles il contribue déjà – ou plus largement de leur prise en charge ? La discussion est ouverte avec les départements », a indiqué Charlotte Caubel à l’Agence France-Presse. L’idée d’une renationalisation ne séduit pas les présidents de départements. « Laisser croire que l’Etat ferait mieux que nous dans le travail de proximité est scandaleux pour nos agents. Qui veut le retour des DDASS d’antan [supprimées en 2010 et qui relevaient de la compétence de l’Etat] ? » s’agace François Sauvadet.
#Covid-19#migrant#migration#sante#france#mineurisole#politiquemigratoire#accueil#minorite#regularisation#protectionenfance#parcoursmigratoire#insertion
]]>Minister announces regularization program for migrants to cope with labor crunch
Migration minister Dimitris Kairidis said on Tuesday that the government is planning a major regularization program for migrants to meet pressing demands in the labor market despite a recent increase in illegal arrivals.
Kairidis told state-run radio ERT that the program would target an estimated 300,000 migrants who are undocumented or whose residence permits have expired to help address acute labor shortages in agriculture, construction and tourism.
Kairidis said the plan, which has similarities to a 2020 reform in Italy, would be on the agenda of a national security meeting later on Tuesday. The meeting, chaired by Prime Minister Kyriakos Mitsotakis and attended by Cabinet members and military leaders, also discussed Greece’s military procurements program, the government said.
“We do not want to create new incentives for further illegal (migrant) flows because that is the danger,” the minister said. “On the other hand, we want to go from black to white … from undeclared to declared labor to boost public revenue with employment taxes and contributions and help address dramatic [labor] shortages in certain sectors.”
▻https://www.ekathimerini.com/news/1220984/minister-announces-regularization-program-for-migrants-to-cope-with-la
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ping @karine4
Immigration : une autre voie est possible, nécessaire, urgente
« Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de #Gérald_Darmanin, la France s’illustre encore dans le #repli, le #rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaire, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. Quelques réflexions alternatives sur la « #misère_du_monde » et son « #accueil », parce qu’on ne peut plus se rendre complice de cinq mille morts chaque année.
« Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de Gérald Darmanin, la France s’illustre encore dans le repli, le rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaires, et alors que s’annonce l’examen parlementaire d’un projet de loi plus brutal et liberticide que jamais, signé par le même Darmanin, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. C’est ce à quoi s’efforce Pierre Tevanian dans le texte qui suit. Dans la foulée de son livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort->, co-signé l’an passé avec Jean-Charles Stevens, et à l’invitation de la revue Respect, qui publie le 21 septembre 2023 un numéro intitulé « Bienvenue » et intégralement consacré à l’accueil des migrants, Pierre Tevanian a répondu à la question suivante : de quelle politique alternative avons-nous besoin ? De son article intitulé « Repenser l’accueil, oser l’égalité », le texte qui suit reprend les grandes lignes, en les développant et en les prolongeant.
*
Lorsqu’en juillet 2022 nous mettions sous presse notre ouvrage, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, l’association Missing Migrants recensait 23801 morts en méditerranée pour la décennie passée, ainsi que 797 morts aux frontières Nord et Est de la « forteresse Europe ». Un an plus tard, l’hécatombe s’élève à 20 089 morts en méditerranée et 1052 au Nord et à l’Est [Chiffres produits le 20 septembre 2023]. Soit 5340 vies de plus en un an, fauchées par une politique concertée qui, adossée à ce simple dicton sur la « misère du monde », s’arroge insolemment le monopole de la « raison » et de la « responsabilité ».
C’est de là qu’il faut partir, et là qu’il faut toujours revenir, lorsqu’on parle d’ « immigration » et de « politique d’immigration ». C’est à ce « reste » consenti de la « gestion » technocratique des « flux migratoires » que nous revenons constamment, opiniâtrement, dans notre livre, afin de ré-humaniser un débat public que cinq décennies de démagogie extrémiste – mais aussi de démagogie gouvernante – ont tragiquement déshumanisé.
L’urgence est là, si l’on se demande quelle politique alternative doit être inventée, et tout le reste en découle. Il s’agit de libérer notre capacité de penser, mais aussi celle de sentir, de ressentir, d’être affectés, si longtemps verrouillées, intimidées, médusées par le matraquage de ce dicton et de son semblant d’évidence. Ici comme en d’autres domaines (les choix économiques néolibéraux, le démantèlement des services publics et des droits sociaux), le premier geste salutaire, celui qui détermine tous les autres mais nécessite sans doute le principal effort, est un geste d’émancipation, d’empowerment citoyen, de sortie du mortifère « TINA » : « There Is No Alternative ».
Le reste suivra. L’intelligence collective relèvera les défis, une fois libérée par ce préalable nécessaire que l’on nomme le courage politique. La question fatidique, ultime, « assassine » ou se voulant telle : « Mais que proposez-vous ? », trouvera alors mille réponses, infiniment plus « réalistes » et « rationnelles » que l’actuel « pantomime » de raison et de réalisme auquel se livrent nos gouvernants. Si on lit attentivement notre livre, chaque étape de notre propos critique contient en germe, ou « en négatif », des éléments « propositionnels », des pistes, voire un « programme » alternatif tout à fait réalisable. On se contentera ici d’en signaler quelques-uns – en suivant l’ordre de notre critique, mot à mot, du sinistre dicton : « nous » - « ne pouvons pas » - « accueillir » - « toute » - « la misère du monde ».
Déconstruire le « nous », oser le « je ».
Tout commence par là. Se re-subjectiver, diraient les philosophes, c’est-à-dire, concrètement : renouer avec sa capacité à penser et agir, et pour cela s’extraire de ce « on » tellement commode pour s’éviter de penser (« on sait bien que ») mais aussi s’éviter de répondre de ses choix (en diluant sa responsabilité dans un « nous » national). Assumer le « je », c’est accepter de partir de cette émotion face à ces milliers de vies fauchées, qui ne peut pas ne pas nous étreindre et nous hanter, si du moins nous arrêtons de l’étouffer à coup de petites phrases.
C’est aussi se ressouvenir et se ré-emparer de notre capacité de penser, au sens fort : prendre le temps de l’information, de la lecture, de la discussion, de la rencontre aussi avec les concernés – cette « immigration » qui se compose de personnes humaines. C’est enfin, bien entendu, nourrir la réflexion, l’éclairer en partant du réel plutôt que des fantasmes et phobies d’invasion, et pour cela valoriser (médiatiquement, politiquement, culturellement) la somme considérable de travaux scientifiques (historiques, sociologiques, démographiques, économiques, géographiques [Lire l’Atlas des migrations édité en 2023 par Migreurop.]) qui tous, depuis des décennies, démentent formellement ces fantasmagories.
Inventer un autre « nous », c’est abandonner ce « nous national » que critique notre livre, ce « nous » qui solidarise artificiellement exploiteurs et exploités, racistes et antiracistes, tout en excluant d’office une autre partie de la population : les résidents étrangers. Et lui substituer un « nous citoyen » beaucoup plus inclusif – inclusif notamment, pour commencer, lorsqu’il s’agit de débattre publiquement, et de « composer des panels » de participants au débat : la dispute sur l’immigration ne peut se faire sans les immigré·e·s, comme celle sur la condition féminine ne peut se faire sans les femmes.
Ce nouveau « nous » devra toutefois être exclusif lui aussi, excluant et intolérant à sa manière – simplement pas avec les mêmes. Car rien de solidement et durablement positif et inclusif ne pourra se construire sans un moment « négatif » assumé de rejet d’une certaine composante de la « nation française », pour le moment « entendue », « comprise », excusée et cajolée au-delà de toute décence : celle qui exprime de plus en plus ouvertement et violemment son racisme, en agressant des migrant·e·s, en menaçant des élu·e·s, en incendiant leurs domiciles. Si déjà l’autorité de l’État se manifestait davantage pour soutenir les forces politiques, les collectifs citoyens, les élus locaux qui « accueillent », et réprimer celles qui les en empêchent en semant une véritable terreur, un grand pas serait fait.
Reconsidérer notre « impuissance »… et notre puissance.
Nous ne « pouvons » pas accueillir, nous dit-on, ou nous ne le pouvons plus. L’alternative, ici encore, consisterait à revenir au réel, et à l’assumer publiquement – et en premier lieu médiatiquement. La France est la seconde puissance économique européenne, la sixième puissance économique du monde, et l’un des pays au monde – et même en Europe – qui « accueille », en proportion de sa population totale, le moins de réfugié·e·s ou d’étranger·e·s. Parmi des dizaines de chiffres que nous citons, celui-ci est éloquent : 86% des émigrant·e·s de la planète trouvent refuge dans un pays « en développement ». Ou celui-ci : seuls 6,3% des personnes déplacées trouvent refuge dans un pays de l’Union européenne [Ces chiffres, comme les suivants, sont cités et référencés dans notre livre, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, op. cit.].
Reconsidérer notre puissance, c’est aussi, on l’a vu, se rendre attentif au potentiel déjà existant : publiciser les initiatives locales de centres d’accueil ou de solidarités plus informelles, dont il est remarquable qu’elles sont rarement le fait de personnes particulièrement riches. C’est aussi défendre cette « puissance d’accueil » quand elle est menacée par des campagnes d’extrême droite, la valoriser au lieu de la réprimer. C’est donc aussi, très concrètement, abroger l’infâme « délit de solidarité » au nom duquel on a persécuté Cédric Herrou et tant d’autres. Aucun prétexte ne tient pour maintenir ce dispositif « performatif » (qui « déclare » l’accueil impossible, par l’interdit, afin de le rendre impossible, dans les faits). « Filières mafieuses », sur-exploitation des travailleurs sans-papiers, « marchands de sommeil » : tous ces fléaux sociaux pourraient parfaitement être combattus avec un arsenal légal délesté de ce sinistre « délit de solidarité » : le Droit du travail, le Droit du logement, et plus largement tout l’appareil pénal qui réprime déjà toute forme de violence, d’extorsion et d’abus de faiblesse.
Repenser l’accueil, oser l’égalité.
Si notre livre combat le rejet et valorise la solidarité, il critique pourtant la notion d’accueil ou celle d’hospitalité, telle qu’elle est mobilisée dans notre débat public. Pour une raison principalement : en entretenant la confusion entre le territoire national et la sphère domestique, le paradigme de l’hospitalité encourage les paniques sociales les plus irrationnelles (à commencer par le sentiment d’ « invasion »), mais aussi les régressions autoritaires les plus nocives (ce fameux « On est chez nous ! », qui assimile les étranger·e·s, fussent-ils ou elles titulaires d’un logement qui leur est propre, d’un bail ou d’un titre de propriété, à des intrus qui nous placent en situation de « légitime défense »). Ce qui est ainsi évacué du débat, c’est ni plus ni moins qu’un principe constitutionnel : le principe d’égalité de traitement de toutes et tous sur le territoire d’une république démocratique. Plusieurs dispositifs légaux, ici encore, seraient à abroger, parce qu’ils dérogent à ce principe d’égalité : la « double peine » , les « emplois réservés » – sans parler de la citoyenneté elle-même, qui gagnerait à être, comme dans la majorité des pays européens, ouvertes au moins partiellement aux résident·e·s étranger·e·s.
Enfin, bien en deçà de ces mesures tout à fait réalisables, une urgence s’impose : avant de se demander si l’on va « accueillir », on pourrait commencer par laisser tranquilles les nouveaux arrivants. À défaut de les « loger chez soi », arrêter au moins de les déloger, partout où, avec leurs propres forces, à la sueur de leur front, ils ou elles élisent domicile – y compris quand il s’agit de simples tentes, cabanons et autres campements de fortune.
Repenser le « tout », assumer les droits indivisibles
Là encore la première des priorités, celle qui rend possible la suite, serait une pédagogie politique, et avant cela l’arrêt de la démagogie. Car là encore tout est connu, établi et documenté par des décennies de travaux, enquêtes, rapports, publiés par des laboratoires de recherche, des institutions internationales – et même des parlementaires de droite [Nous citons dans notre ouvrage ces différents rapports.].
Il suffirait donc que ce savoir soit publicisé et utilisé pour éclairer le débat, en lieu et place de l’obscurantisme d’État qui fait qu’actuellement, des ministres continuent de mobiliser des fictions (le risque d’invasion et de submersion, le « coût de l’immigration », mais aussi ses effets « criminogènes ») que même les élus de leurs propres majorités démentent lorsqu’ils s’attèlent à un rapport parlementaire sur l’état des connaissances en la matière. Nous l’avons déjà dit : à l’échelle de la planète, seules 6,3% des personnes déplacées parviennent aux « portes de l’Europe » – et encore ce calcul n’inclut-il pas la plus radicale des « misères du monde », celle qui tue ou cloue sur place des populations, sans possibilité aucune de se déplacer. Cette vérité devrait suffire, si l’on osait la dire, pour congédier toutes les psychoses sur une supposée « totalité » miséreuse qui déferlerait « chez nous ».
À l’opposé de cette « totalité » factice, prétendument « à nous portes », il y a lieu de repenser, assumer et revendiquer, sur un autre mode, et là encore à rebours de ce qui se pratique actuellement, une forme de « totalité » : celle qui sous-tend l’universalité et l’indivisibilité des droits humains, et du principe d’égalité de traitement : « tout » arrivant, on doit le reconnaître, a droit de bénéficier des mêmes protections, qu’il soit chrétien, juif ou musulman, que sa peau soit claire ou foncée, qu’il vienne d’Ukraine ou d’Afghanistan. Le droit d’asile, les dispositifs d’accueil d’urgence, les droits des femmes, les droits de l’enfant, le droit de vivre en famille, les droits sociaux, et au-delà l’ensemble du Droit déjà existant (rappelons-le !), ne doit plus souffrir une application à géométries variables.
Il s’agit en l’occurrence de rompre, au-delà des quatre décennies de « lepénisation » qui ont infesté notre débat public, avec une tradition centenaire de discrimination institutionnelle : cette « pensée d’État » qui a toujours classé, hiérarchisé et « favorisé » certaines « populations » au détriment d’autres, toujours suivant les deux mêmes critères : le profit économique (ou plus précisément le marché de l’emploi et les besoins changeants du patronat) et la phobie raciste (certaines « cultures » étant déclarées moins « proches » et « assimilables » que d’autres, voire franchement « menaçantes »).
Respecter la « misère du monde », reconnaître sa richesse.
Il n’est pas question, bien sûr, de nier la situation de malheur, parfois extrême, qui est à l’origine d’une partie importante des migrations internationales, en particulier quand on fuit les persécutions, les guerres, les guerres civiles ou les catastrophes écologiques. Le problème réside dans le fait de réduire des personnes à cette appellation abstraite déshumanisante, essentialisante et réifiante : « misère du monde », en niant le fait que les migrant·e·s, y compris les plus « misérables », arrivent avec leurs carences sans doute, leurs traumas, leurs cicatrices, mais aussi avec leur rage de vivre, leur créativité, leur force de travail, bref : leur puissance. Loin de se réduire à une situation vécue, dont précisément ils et elles cherchent à s’arracher, ce sont de potentiels producteurs de richesses, en tant que travailleurs et travailleuses, cotisant·e·s et consommateurs·trices. Loin d’être seulement des corps souffrants à prendre en charge, ils et elles sont aussi, par exemple, des médecins et des aides-soignant·es, des auxiliaires de vie, des assistantes maternelles, et plus largement des travailleurs et des travailleuses du care – qui viennent donc, eux-mêmes et elles-mêmes, pour de vrai, accueillir et prendre en charge « notre misère ». Et cela d’une manière tout à fait avantageuse pour « nous », puisqu’ils et elles arrivent jeunes, en âge de travailler, déjà formé·es, et se retrouvent le plus souvent sous-payé·es par rapport aux standards nationaux.
Là encore, la solution se manifeste d’elle-même dès lors que le problème est bien posé : il y a dans ladite « misère du monde » une richesse humaine, économique notamment mais pas seulement, qu’il serait intéressant de cultiver et associer au lieu de la saboter ou l’épuiser par le harcèlement policier, les dédales administratifs et la surexploitation. L’une des mises en pratique concrète de ce virage politique serait bien sûr une opération de régularisation massive des sans-papiers, permettant (nous sommes là encore en terrain connu, éprouvé et documenté) de soustraire les concerné·e·s des « sous-sols » de l’emploi « pour sans-papiers », véritable « délocalisation sur place », et de leur donner accès aux étages officiels de la vie économique, ainsi qu’au Droit du travail qui le régit.
Il y a enfin, encore et toujours, ce travail de pédagogie à accomplir, qui nécessite simplement du courage politique : populariser le consensus scientifique existant depuis des décennies, quelles que soit les périodes ou les espaces (états-unien, européen, français, régional), concernant l’impact de l’immigration sur l’activité et la croissance économique, l’emploi et les salaires des autochtones, l’équilibre des finances publiques, bref : la vie économique au sens large. Que ces études soient l’oeuvre d’institutions internationales ou de laboratoires de recherche, elles n’ont cessé de démontrer que « le coût de l’immigration » est tout sauf avéré, que les nouveaux arrivant·e·s constituent davantage une aubaine qu’une charge, et qu’on pourrait donc aussi bien parler de « la jeunesse du monde » ou de « la puissance du monde » que de sa « misère ».
Redevenir moraux, enfin.
Le mot a mauvaise presse, où que l’on se trouve sur l’échiquier politique, et l’on devrait s’en étonner. On devrait même s’en inquiéter, surtout lorsque, comme dans ce « débat sur l’immigration », il est question, ni plus ni moins que de vies et de morts. Les ricanements et les postures viriles devraient s’incliner – ou nous devrions les forcer à s’incliner – devant la prise en considération de l’autre, qui constitue ce que l’on nomme la morale, l’éthique ou tout simplement notre humanité. Car s’il est à l’évidence louable de refuser de « faire la morale » à des adultes consentants sur des questions d’identité sexuelle ou de sexualité qui n’engagent qu’elles ou eux, sans nuire à autrui, il n’en va pas de même lorsque c’est la vie des autres qui est en jeu. Bref : l’interdit de plus en plus impérieux qui prévaut dans nos débats sur l’immigration, celui de « ne pas culpabiliser » l’électeur lepéniste, ne saurait être l’impératif catégorique ultime d’une démocratie saine.
Pour le dire autrement, au-delà de la « misère » que les migrant·e·s cherchent à fuir, et de la « puissance » qu’ils ou elles injectent dans la vie économique, lesdit·es migrant·e·s sont une infinité d’autres choses : des sujets sociaux à part entière, doté·e·s d’une culture au sens le plus large du terme, et d’une personnalité, d’une créativité, irréductible à toute appellation expéditive et englobante (aussi bien « misère » que « richesse », aussi bien « charge » que « ressource »). Et s’il n’est pas inutile de rappeler tout le potentiel économique, toute l’énergie et « l’agentivité » de ces arrivant·e·s, afin de congédier les fictions anxiogènes sur « l’invasion » ou « le coût de l’immigration », il importe aussi et surtout de dénoncer l’égoïsme sordide de tous les questionnements focalisés sur les coûts et les avantages – et d’assumer plutôt un questionnement éthique. Car une société ne se fonde pas seulement sur des intérêts à défendre, mais aussi sur des principes à honorer – et il en va de même de toute subjectivité individuelle.
Le réalisme dont se réclament volontiers nos gouvernants exige en somme que l’on prenne en compte aussi cette réalité-là : nous ne vivons pas seulement de pain, d’eau et de profit matériel, mais aussi de valeurs que nous sommes fiers d’incarner et qui nous permettent de nous regarder dans une glace. Personne ne peut ignorer durablement ces exigences morales sans finir par le payer, sous une forme ou une autre, par une inexpugnable honte. Et s’il est précisément honteux, inacceptable aux yeux de tous, de refuser des soins aux enfants, aux vieillards, aux malades ou aux handicapé·e·s en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il devrait être tout aussi inacceptable de le faire lorsque lesdit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·e·s viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte inhumanité.
▻https://blogs.mediapart.fr/pierre-tevanian/blog/220923/immigration-une-autre-voie-est-possible-necessaire-urgente
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Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de #main-d’œuvre en #France
Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de main-d’œuvre en France
Agents de sécurité, aides-soignantes, médecins hospitaliers… Les travailleurs venus d’autres pays sont essentiels pour faire fonctionner de nombreux secteurs. Enquête sur un déni français, loin du fantasme de la submersion démographique agité par l’extrême droite.
Par Marie Charrel
Il se souvient des poèmes et des dessins d’enfants, des saluts depuis les fenêtres, et même des chocolats qu’un matin une jeune femme bravant le confinement lui avait offerts. Eboueur dans la petite couronne parisienne, Bakary (il préfère ne pas donner son nom) pensait que les gestes de solidarité envers sa profession durant la pandémie de Covid-19 avaient changé les choses. « Soudain, on nous célébrait, nous, les premières lignes et les immigrés, sans qui le pays ne tient pas debout », raconte cet Ivoirien de 43 ans, arrivé en France il y a quinze ans. Bakary aimerait ne pas être le seul à se souvenir des poèmes. Lui a une carte de résident, mais il s’inquiète pour ses collègues, nombreux, qui n’en ont pas. « Parfois, je suis en colère, parfois, je pleure. Entre les patrons bien contents d’exploiter les sans-papiers et ceux qui voudraient nous mettre dehors, où sont passés ceux qui applaudissaient les héros du Covid ? »
Depuis sa présentation en conseil des ministres, début 2023, le projet de loi relatif à l’immigration, qui devrait être examiné par le Sénat début novembre, déchire la classe politique, et plus encore : il met en lumière les tabous et crispations de la société française sur le sujet. En particulier l’article 3, qui propose de créer un « titre de séjour » pour les métiers en tension, afin de régulariser temporairement les sans-papiers y travaillant.
Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, qui en a fait une ligne rouge, agite régulièrement le risque d’un « appel d’air migratoire », reprenant un argument cher à l’extrême droite. A l’opposé, certains membres de la majorité soulignent que ces sans-papiers sont indispensables à notre économie. « Sans eux, des pans entiers de notre pays ne pourraient fonctionner », ont écrit une trentaine de parlementaires, allant du MoDem et de Renaissance à Europe Ecologie-Les Verts, dans une tribune publiée, lundi 11 septembre, par Libération.
Le sujet n’est pas seulement franco-français. « Partout en Europe, des secteurs se sont retrouvés confrontés à une pénurie de main-d’œuvre encore plus criante au sortir de la pandémie, poussant certains Etats à revoir leur politique d’immigration », rappelle Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Nous avons besoin d’une immigration de main-d’œuvre qualifiée », assurait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mercredi 13 septembre. Et pour cause : le nombre des décès dépasse aujourd’hui celui des naissances dans l’Union européenne (UE) vieillissante. Si, après deux années de baisse, sa population a crû de 2,8 millions de personnes en 2022, pour atteindre 448,4 millions d’habitants, c’est largement grâce aux flux migratoires, montrent les données d’Eurostat. « Aujourd’hui, 100 % de la croissance de la force de travail de l’UE est liée à l’immigration », résume M. Dumont.
La France, elle, accueille moins d’immigrés que ses voisins – leur nombre a progressé de 36 % entre 2000 et 2020, d’après les Nations unies (ONU), contre 75 % en Allemagne, 121 % dans les pays nordiques et 181 % en Europe du Sud. Il n’empêche : la crise sanitaire a souligné à quel point une série de secteurs ne pourraient pas tourner sans eux. Selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, les immigrés, qui représentent 10,3 % de la population française, pèsent 38,8 % des employés de maison, 28,4 % des agents de gardiennage et de sécurité ou encore 24,1 % des ouvriers non qualifiés du BTP.
Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) datée de février 2022 montre qu’ils représentent également 17 % des médecins hospitaliers et que près de la moitié (44,4 %) des travailleurs immigrés sont regroupés en Ile-de-France, où ils sont 60 % des aides à domicile. « Les entreprises désœuvrées face au manque de bras sont de plus en plus pragmatiques et sortent des sentiers battus pour trouver des candidats : elles se tournent donc vers ces profils », explique Théo Scubla, fondateur d’Each One, un cabinet spécialisé dans l’inclusion de réfugiés et d’immigrés en entreprise.
Bien sûr, la barrière de la langue et le besoin de qualification constituent de sérieux freins à l’emploi, sans parler de l’administratif, aux méandres kafkaïens. Pour les dépasser, les entreprises souhaitant s’engager dans cette voie, y compris les PME, se font souvent accompagner par des associations ou sociétés spécialisées. (...) Mais les services ne sont pas les seuls à se tourner vers ces travailleurs. « On en parle moins, mais les besoins sont aussi massifs dans l’industrie, qui s’est historiquement construite grâce à la main-d’œuvre étrangère : les Italiens dans la Lorraine de la fin du XIXe siècle, les Polonais dans les années 1930 ou encore les Portugais et Nord-Africains venus entre 1965 et 1975 », rappelle Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, la banque publique d’investissement.
Les 160 entreprises du cluster de la « Mecanic Vallée », qui emploient 12 000 salariés en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, en zone rurale et périurbaine, ouvrent 800 nouveaux postes de tourneurs-fraiseurs et autres opérateurs de machines chaque année. « C’est deux fois plus qu’avant le Covid, et nous échouons à tous les pourvoir, tant les candidats manquent, raconte Hervé Danton, délégué général de l’association qui regroupe ces industriels. Alors, nous allons chercher des Ukrainiens et des Maliens déjà installés dans la région, ou des Portugais et des Polonais dans leur pays. » Des profils dont il estime le nombre à environ 300 dans ces entreprises.
« Des patrons nous paient en retard ou pas du tout » Confronté aux mêmes difficultés, Olivier Fontaine, patron de Filair, une PME de vingt-cinq salariés fabriquant des équipements en inox à La Mothe-Saint-Héray (Deux-Sèvres), a embauché un réfugié syrien de 36 ans grâce à une association d’insertion, en mars 2022. Celui-ci travaille sur un poste de soudage électrique que l’entreprise échouait à pourvoir jusque-là. « Nous sommes dans le Sud-Ouest rural, je craignais que son intégration dans l’équipe pose question, mais tout s’est bien passé : son engagement et son désir de travailler ont vite fait oublier les différences culturelles », témoigne-t-il.
Lui est venu en France pour motif humanitaire, comme 14,6 % des personnes admises sur le territoire en 2021, selon l’Insee. L’immigration estudiantine (32,4 %) représente le principal flux migratoire, loin devant les entrées pour motifs économiques (13,3 %), mais aussi le regroupement familial (31,7 %) – une démarche en général entreprise par le primo-arrivant après des années de présence dans le pays.
Nihad Boukaibat est ainsi arrivée du Maroc en mai 2022 pour rejoindre son mari, installé dans la région lyonnaise. La jeune femme de 28 ans a presque aussitôt intégré, comme dix-neuf autres personnes exilées, un programme de quinze semaines mené par l’association de formation Weavers et l’entreprise Accor (cours de français, de numérique, apprentissage des métiers de l’hôtellerie…), à l’issue duquel elle s’est vu offrir un CDI dans l’un des hôtels lyonnais du groupe. « J’ai trouvé un emploi stable et à temps plein rapidement, dans une équipe où je ne me sens pas étrangère. Je suis très reconnaissante », raconte-t-elle. Carole Lathouche, directrice de l’hôtel Mercure où travaille Nihad, confie que les salariés des établissements participants ont également été sensibilisés à l’accueil de ces recrues, et qu’elle est prête à renouveler l’expérience. Signe que l’intégration est amplement facilitée lorsqu’elle est accompagnée.
Des histoires comme celle de Nihad Boukaibat, il y en a des milliers en France. Mais il y a celles, aussi, qui révèlent l’autre face du travail immigré, bien plus sombre. En particulier celui des sans-papiers. « Parce qu’on ne peut pas se plaindre, des patrons nous paient en retard ou pas du tout, exigent des heures sup au pied levé, refusent les arrêts maladie. J’en ai connu des comme ça, ils en profitent », raconte Mamadou (il n’a pas souhaité donner son nom), 33 ans, cuisinier à Nice. Arrivé de Mauritanie en 2015 pour étudier la sociologie, il s’est retrouvé sans titre de séjour après son diplôme, en 2019. « Pourtant, je paie des impôts depuis 2017. J’ai gardé toutes mes fiches d’imposition et j’ai toujours travaillé sous mon nom. » Aujourd’hui, il est salarié d’un restaurant dont le patron a accepté de lancer les démarches administratives avec lui, afin qu’il soit régularisé. Mais combien d’autres, avant, ont refusé de l’aider ? « Il y a une véritable hypocrisie dans l’hôtellerie-restauration, dénonce Nicolas Bergerault, le fondateur de l’Atelier des chefs, une entreprise qui anime des cours de cuisine aux particuliers et des formations aux métiers de services. Beaucoup d’établissements offrent des conditions de travail déplorables et se plaignent de peiner à recruter. La solution n’est pas d’aller chercher des immigrés ou des sans-papiers contraints d’être corvéables à merci, mais d’améliorer ces conditions. » Il n’en va pas autrement dans la sous-traitance en cascade du BTP, le nettoyage et les plates-formes de livraison, où les témoignages comme celui de Mamadou sont légion. « C’est le fond du problème : ces pratiques s’apparentent à du dumping social organisé », déplore Gérard Ré, membre du collectif immigration de la CGT. La confédération syndicale réclame la régularisation de ces personnes, soulignant également qu’on ne peut pas se contenter de les considérer uniquement comme une force de travail. « Sans régularisation, l’Etat valide le fait que des travailleurs n’ont pas les mêmes droits que les autres sur notre sol », ajoute M. Ré. Sachant que le nombre total de sans-papiers, en emploi ou non, est estimé de 300 000 à 750 000 personnes, selon les sources.
La France a pourtant une longue expérience de l’immigration, rappelle-t-il. Celle-ci a pris son essor au XIXe siècle, au moment où les autres pays européens étaient encore des terres d’émigration. Trois grandes vagues migratoires se sont succédé, à la fin du XIXe siècle, durant les années 1920, puis pendant les « trente glorieuses ». Chaque fois, il s’est agi d’une immigration de travail. Chaque fois, ces vagues ont été marquées par des « ruptures brutales lors des crises économiques qui les ont suivies », soulignent les travaux de l’historien Gérard Noiriel. En 1934, la France expulse les Polonais à la suite de la crise de 1929 et la poussée des ligues d’extrême droite. En 1972, la circulaire Marcellin-Fontanet freine l’entrée des travailleurs étrangers, alors que la croissance marque le pas.
« Depuis la fin du XIXe, les mêmes arguments xénophobes ressurgissent régulièrement : le fantasme de la submersion démographique, la crainte des étrangers qui volent nos emplois et pervertissent la nation », relève Laurent Dornel, historien à l’université de Pau et des pays de l’Adour. « Cela explique pourquoi la classe politique française, également prisonnière des amalgames avec le problème des banlieues et de la question coloniale non digérée, échoue aujourd’hui à mener une politique migratoire rationnelle », estime Catherine Wihtol de Wenden, politologue spécialiste des migrations à Sciences Po. Pourtant, les travaux d’économistes, de sociologues, de démographes européens comme américains démontant ces arguments ne manquent pas. A l’exemple de ceux sur les finances publiques. « Les immigrés touchent des aides sociales et allocations, mais ils paient aussi des taxes, impôts et contributions sociales : la difficulté est de mesurer la différence », résume Lionel Ragot, économiste à l’université Paris-Nanterre, auteur d’une étude sur le sujet en 2021. Les différentes évaluations n’utilisent pas toujours la même méthodologie. « Mais toutes montrent que l’incidence des immigrés sur le budget public est à peu près neutre », explique Hippolyte d’Albis, de l’Ecole d’économie de Paris.
Que dire du marché du travail ? « Il convient de différencier les vagues d’immigration massives et temporaires de l’immigration régulière et étalée dans le temps », explique Anthony Edo, spécialiste du sujet au Cepii. Cela dépend, en outre, du niveau de diplôme des arrivants, de la reconnaissance ou non de leurs qualifications et de la vitesse à laquelle ils peuvent accéder au marché du travail – d’où l’importance de politiques d’intégration efficaces. En la matière, les travaux de David Card, économiste à Berkeley (Californie) et prix Nobel d’économie 2021, font référence. Il s’est penché sur l’« exode de Mariel », lorsque, en 1980, 125 000 Cubains expulsés par le régime de Fidel Castro par le port de Mariel se sont installés aux Etats-Unis, dont près de la moitié à Miami. L’économiste a étudié comment la ville de Floride avait « absorbé » ces arrivées, en comparant l’évolution des indicateurs économiques avec ceux de quatre autres villes. Résultat : ce choc migratoire n’a pas fait exploser le chômage ni fait plonger les salaires.
« A court terme, l’arrivée d’immigrés peut néanmoins freiner la progression des salaires de personnes de mêmes qualifications peu élevées dans le pays d’arrivée – le plus souvent, il s’agit d’ailleurs des immigrés des vagues précédentes », nuance Anthony Edo. « Mais il faut également prendre en compte les effets indirects et de complémentarité, ajoute Ekrame Boubtane, chercheuse associée à l’Ecole d’économie de Paris. L’afflux d’immigrées peu qualifiées, notamment des Philippines, aux Etats-Unis, a ainsi augmenté l’offre d’aides à domicile pour les enfants et augmenté par ricochet le taux d’emploi des femmes américaines qui les ont embauchées », explique-t-elle, citant entre autres les travaux de l’économiste américaine Patricia Cortes. Si l’on s’en tient au seul produit intérieur brut, l’effet est nettement positif – les immigrés consomment et se logent, gonflant mécaniquement l’activité. Cependant, leur contribution est d’autant plus forte que leur niveau de qualification est haut. Une étude du Cepii de juin rappelle ainsi qu’entre 1965 et 2010 l’immigration aux Etats-Unis a entraîné une augmentation supplémentaire de 8 % des brevets par habitant. Et qu’en France la hausse de 1 point de pourcentage de travailleurs immigrés qualifiés dans un département permet aux entreprises locales de déposer 5,2 % de brevets supplémentaires.
« L’immigration qualifiée pourrait être un véritable atout pour l’innovation et le dynamisme économique de la France », insiste Emmanuelle Auriol, de l’Ecole d’économie de Toulouse. « Mais à tant s’enliser dans des considérations sécuritaires et complexités administratives, elle oublie qu’elle doit fournir de sérieux efforts si elle veut attirer les cerveaux que d’autres pays, comme les Etats-Unis ou le Canada, se disputent », explique Camille Le Coz, chercheuse au Migration Policy Institute, un centre de réflexion indépendant. L’Allemagne, elle, l’a compris également et voit l’extrême droite se renforcer. Le sujet soulève aussi les craintes d’une partie de la population, notamment au regard des problèmes de logement. Pourtant, « la peur d’une pénurie croissante de salariés suscite un sentiment d’urgence dans l’industrie et a fait basculer le gouvernement vers une politique prioritaire d’attractivité de la main-d’œuvre qualifiée », expliquent Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, du cabinet Kohler Consulting & Coaching, auteurs d’une étude sur le sujet pour Bpifrance publiée en septembre.Pour combler les besoins vertigineux – deux millions de postes étaient vacants outre-Rhin fin 2022 –, il n’est désormais plus nécessaire de justifier, pour les employeurs, être à la recherche de personnel pour des métiers en tension. Le gouvernement s’apprête, en outre, à faciliter l’acquisition de la double nationalité et à réduire les barrières administratives à l’entrée sur le territoire pour les travailleurs, afin de limiter les freins à l’intégration. Il espère ainsi convaincre les nouveaux arrivants et leurs familles de rester durablement en Allemagne.
►https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/22/comment-le-travail-des-immigres-contribue-a-limiter-la-penurie-de-main-d-uvr
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Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de main-d’œuvre en France
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Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de main-d’œuvre en France
Agents de sécurité, aides-soignantes, médecins hospitaliers… Les travailleurs venus d’autres pays sont essentiels pour faire fonctionner de nombreux secteurs. Enquête sur un déni français, loin du fantasme de la submersion démographique agité par l’extrême droite.
Par Marie Charrel
Il se souvient des poèmes et des dessins d’enfants, des saluts depuis les fenêtres, et même des chocolats qu’un matin une jeune femme bravant le confinement lui avait offerts. Eboueur dans la petite couronne parisienne, Bakary (il préfère ne pas donner son nom) pensait que les gestes de solidarité envers sa profession durant la pandémie de Covid-19 avaient changé les choses. « Soudain, on nous célébrait, nous, les premières lignes et les immigrés, sans qui le pays ne tient pas debout », raconte cet Ivoirien de 43 ans, arrivé en France il y a quinze ans. Bakary aimerait ne pas être le seul à se souvenir des poèmes. Lui a une carte de résident, mais il s’inquiète pour ses collègues, nombreux, qui n’en ont pas. « Parfois, je suis en colère, parfois, je pleure. Entre les patrons bien contents d’exploiter les sans-papiers et ceux qui voudraient nous mettre dehors, où sont passés ceux qui applaudissaient les héros du Covid ? »
Depuis sa présentation en conseil des ministres, début 2023, le projet de loi relatif à l’immigration, qui devrait être examiné par le Sénat début novembre, déchire la classe politique, et plus encore : il met en lumière les tabous et crispations de la société française sur le sujet. En particulier l’article 3, qui propose de créer un « titre de séjour » pour les métiers en tension, afin de régulariser temporairement les sans-papiers y travaillant.
Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, qui en a fait une ligne rouge, agite régulièrement le risque d’un « appel d’air migratoire », reprenant un argument cher à l’extrême droite. A l’opposé, certains membres de la majorité soulignent que ces sans-papiers sont indispensables à notre économie. « Sans eux, des pans entiers de notre pays ne pourraient fonctionner », ont écrit une trentaine de parlementaires, allant du MoDem et de Renaissance à Europe Ecologie-Les Verts, dans une tribune publiée, lundi 11 septembre, par Libération.
Le sujet n’est pas seulement franco-français. « Partout en Europe, des secteurs se sont retrouvés confrontés à une pénurie de main-d’œuvre encore plus criante au sortir de la pandémie, poussant certains Etats à revoir leur politique d’immigration », rappelle Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Nous avons besoin d’une immigration de main-d’œuvre qualifiée », assurait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mercredi 13 septembre. Et pour cause : le nombre des décès dépasse aujourd’hui celui des naissances dans l’Union européenne (UE) vieillissante. Si, après deux années de baisse, sa population a crû de 2,8 millions de personnes en 2022, pour atteindre 448,4 millions d’habitants, c’est largement grâce aux flux migratoires, montrent les données d’Eurostat. « Aujourd’hui, 100 % de la croissance de la force de travail de l’UE est liée à l’immigration », résume M. Dumont.
La France, elle, accueille moins d’immigrés que ses voisins – leur nombre a progressé de 36 % entre 2000 et 2020, d’après les Nations unies (ONU), contre 75 % en Allemagne, 121 % dans les pays nordiques et 181 % en Europe du Sud. Il n’empêche : la crise sanitaire a souligné à quel point une série de secteurs ne pourraient pas tourner sans eux. Selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, les immigrés, qui représentent 10,3 % de la population française, pèsent 38,8 % des employés de maison, 28,4 % des agents de gardiennage et de sécurité ou encore 24,1 % des ouvriers non qualifiés du BTP.
Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) datée de février 2022 montre qu’ils représentent également 17 % des médecins hospitaliers et que près de la moitié (44,4 %) des travailleurs immigrés sont regroupés en Ile-de-France, où ils sont 60 % des aides à domicile. « Les entreprises désœuvrées face au manque de bras sont de plus en plus pragmatiques et sortent des sentiers battus pour trouver des candidats : elles se tournent donc vers ces profils », explique Théo Scubla, fondateur d’Each One, un cabinet spécialisé dans l’inclusion de réfugiés et d’immigrés en entreprise.
Bien sûr, la barrière de la langue et le besoin de qualification constituent de sérieux freins à l’emploi, sans parler de l’administratif, aux méandres kafkaïens. Pour les dépasser, les entreprises souhaitant s’engager dans cette voie, y compris les PME, se font souvent accompagner par des associations ou sociétés spécialisées. (...) Mais les services ne sont pas les seuls à se tourner vers ces travailleurs. « On en parle moins, mais les besoins sont aussi massifs dans l’industrie, qui s’est historiquement construite grâce à la main-d’œuvre étrangère : les Italiens dans la Lorraine de la fin du XIXe siècle, les Polonais dans les années 1930 ou encore les Portugais et Nord-Africains venus entre 1965 et 1975 », rappelle Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, la banque publique d’investissement.
Les 160 entreprises du cluster de la « Mecanic Vallée », qui emploient 12 000 salariés en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, en zone rurale et périurbaine, ouvrent 800 nouveaux postes de tourneurs-fraiseurs et autres opérateurs de machines chaque année. « C’est deux fois plus qu’avant le Covid, et nous échouons à tous les pourvoir, tant les candidats manquent, raconte Hervé Danton, délégué général de l’association qui regroupe ces industriels. Alors, nous allons chercher des Ukrainiens et des Maliens déjà installés dans la région, ou des Portugais et des Polonais dans leur pays. » Des profils dont il estime le nombre à environ 300 dans ces entreprises.
« Des patrons nous paient en retard ou pas du tout » Confronté aux mêmes difficultés, Olivier Fontaine, patron de Filair, une PME de vingt-cinq salariés fabriquant des équipements en inox à La Mothe-Saint-Héray (Deux-Sèvres), a embauché un réfugié syrien de 36 ans grâce à une association d’insertion, en mars 2022. Celui-ci travaille sur un poste de soudage électrique que l’entreprise échouait à pourvoir jusque-là. « Nous sommes dans le Sud-Ouest rural, je craignais que son intégration dans l’équipe pose question, mais tout s’est bien passé : son engagement et son désir de travailler ont vite fait oublier les différences culturelles », témoigne-t-il.
Lui est venu en France pour motif humanitaire, comme 14,6 % des personnes admises sur le territoire en 2021, selon l’Insee. L’immigration estudiantine (32,4 %) représente le principal flux migratoire, loin devant les entrées pour motifs économiques (13,3 %), mais aussi le regroupement familial (31,7 %) – une démarche en général entreprise par le primo-arrivant après des années de présence dans le pays.
Nihad Boukaibat est ainsi arrivée du Maroc en mai 2022 pour rejoindre son mari, installé dans la région lyonnaise. La jeune femme de 28 ans a presque aussitôt intégré, comme dix-neuf autres personnes exilées, un programme de quinze semaines mené par l’association de formation Weavers et l’entreprise Accor (cours de français, de numérique, apprentissage des métiers de l’hôtellerie…), à l’issue duquel elle s’est vu offrir un CDI dans l’un des hôtels lyonnais du groupe. « J’ai trouvé un emploi stable et à temps plein rapidement, dans une équipe où je ne me sens pas étrangère. Je suis très reconnaissante », raconte-t-elle. Carole Lathouche, directrice de l’hôtel Mercure où travaille Nihad, confie que les salariés des établissements participants ont également été sensibilisés à l’accueil de ces recrues, et qu’elle est prête à renouveler l’expérience. Signe que l’intégration est amplement facilitée lorsqu’elle est accompagnée.
Des histoires comme celle de Nihad Boukaibat, il y en a des milliers en France. Mais il y a celles, aussi, qui révèlent l’autre face du travail immigré, bien plus sombre. En particulier celui des sans-papiers. « Parce qu’on ne peut pas se plaindre, des patrons nous paient en retard ou pas du tout, exigent des heures sup au pied levé, refusent les arrêts maladie. J’en ai connu des comme ça, ils en profitent », raconte Mamadou (il n’a pas souhaité donner son nom), 33 ans, cuisinier à Nice. Arrivé de Mauritanie en 2015 pour étudier la sociologie, il s’est retrouvé sans titre de séjour après son diplôme, en 2019. « Pourtant, je paie des impôts depuis 2017. J’ai gardé toutes mes fiches d’imposition et j’ai toujours travaillé sous mon nom. » Aujourd’hui, il est salarié d’un restaurant dont le patron a accepté de lancer les démarches administratives avec lui, afin qu’il soit régularisé. Mais combien d’autres, avant, ont refusé de l’aider ? « Il y a une véritable hypocrisie dans l’hôtellerie-restauration, dénonce Nicolas Bergerault, le fondateur de l’Atelier des chefs, une entreprise qui anime des cours de cuisine aux particuliers et des formations aux métiers de services. Beaucoup d’établissements offrent des conditions de travail déplorables et se plaignent de peiner à recruter. La solution n’est pas d’aller chercher des immigrés ou des sans-papiers contraints d’être corvéables à merci, mais d’améliorer ces conditions. » Il n’en va pas autrement dans la sous-traitance en cascade du BTP, le nettoyage et les plates-formes de livraison, où les témoignages comme celui de Mamadou sont légion. « C’est le fond du problème : ces pratiques s’apparentent à du dumping social organisé », déplore Gérard Ré, membre du collectif immigration de la CGT. La confédération syndicale réclame la régularisation de ces personnes, soulignant également qu’on ne peut pas se contenter de les considérer uniquement comme une force de travail. « Sans régularisation, l’Etat valide le fait que des travailleurs n’ont pas les mêmes droits que les autres sur notre sol », ajoute M. Ré. Sachant que le nombre total de sans-papiers, en emploi ou non, est estimé de 300 000 à 750 000 personnes, selon les sources.
La France a pourtant une longue expérience de l’immigration, rappelle-t-il. Celle-ci a pris son essor au XIXe siècle, au moment où les autres pays européens étaient encore des terres d’émigration. Trois grandes vagues migratoires se sont succédé, à la fin du XIXe siècle, durant les années 1920, puis pendant les « trente glorieuses ». Chaque fois, il s’est agi d’une immigration de travail. Chaque fois, ces vagues ont été marquées par des « ruptures brutales lors des crises économiques qui les ont suivies », soulignent les travaux de l’historien Gérard Noiriel. En 1934, la France expulse les Polonais à la suite de la crise de 1929 et la poussée des ligues d’extrême droite. En 1972, la circulaire Marcellin-Fontanet freine l’entrée des travailleurs étrangers, alors que la croissance marque le pas.
« Depuis la fin du XIXe, les mêmes arguments xénophobes ressurgissent régulièrement : le fantasme de la submersion démographique, la crainte des étrangers qui volent nos emplois et pervertissent la nation », relève Laurent Dornel, historien à l’université de Pau et des pays de l’Adour. « Cela explique pourquoi la classe politique française, également prisonnière des amalgames avec le problème des banlieues et de la question coloniale non digérée, échoue aujourd’hui à mener une politique migratoire rationnelle », estime Catherine Wihtol de Wenden, politologue spécialiste des migrations à Sciences Po. Pourtant, les travaux d’économistes, de sociologues, de démographes européens comme américains démontant ces arguments ne manquent pas. A l’exemple de ceux sur les finances publiques. « Les immigrés touchent des aides sociales et allocations, mais ils paient aussi des taxes, impôts et contributions sociales : la difficulté est de mesurer la différence », résume Lionel Ragot, économiste à l’université Paris-Nanterre, auteur d’une étude sur le sujet en 2021. Les différentes évaluations n’utilisent pas toujours la même méthodologie. « Mais toutes montrent que l’incidence des immigrés sur le budget public est à peu près neutre », explique Hippolyte d’Albis, de l’Ecole d’économie de Paris.
Que dire du marché du travail ? « Il convient de différencier les vagues d’immigration massives et temporaires de l’immigration régulière et étalée dans le temps », explique Anthony Edo, spécialiste du sujet au Cepii. Cela dépend, en outre, du niveau de diplôme des arrivants, de la reconnaissance ou non de leurs qualifications et de la vitesse à laquelle ils peuvent accéder au marché du travail – d’où l’importance de politiques d’intégration efficaces. En la matière, les travaux de David Card, économiste à Berkeley (Californie) et prix Nobel d’économie 2021, font référence. Il s’est penché sur l’« exode de Mariel », lorsque, en 1980, 125 000 Cubains expulsés par le régime de Fidel Castro par le port de Mariel se sont installés aux Etats-Unis, dont près de la moitié à Miami. L’économiste a étudié comment la ville de Floride avait « absorbé » ces arrivées, en comparant l’évolution des indicateurs économiques avec ceux de quatre autres villes. Résultat : ce choc migratoire n’a pas fait exploser le chômage ni fait plonger les salaires.
« A court terme, l’arrivée d’immigrés peut néanmoins freiner la progression des salaires de personnes de mêmes qualifications peu élevées dans le pays d’arrivée – le plus souvent, il s’agit d’ailleurs des immigrés des vagues précédentes », nuance Anthony Edo. « Mais il faut également prendre en compte les effets indirects et de complémentarité, ajoute Ekrame Boubtane, chercheuse associée à l’Ecole d’économie de Paris. L’afflux d’immigrées peu qualifiées, notamment des Philippines, aux Etats-Unis, a ainsi augmenté l’offre d’aides à domicile pour les enfants et augmenté par ricochet le taux d’emploi des femmes américaines qui les ont embauchées », explique-t-elle, citant entre autres les travaux de l’économiste américaine Patricia Cortes. Si l’on s’en tient au seul produit intérieur brut, l’effet est nettement positif – les immigrés consomment et se logent, gonflant mécaniquement l’activité. Cependant, leur contribution est d’autant plus forte que leur niveau de qualification est haut. Une étude du Cepii de juin rappelle ainsi qu’entre 1965 et 2010 l’immigration aux Etats-Unis a entraîné une augmentation supplémentaire de 8 % des brevets par habitant. Et qu’en France la hausse de 1 point de pourcentage de travailleurs immigrés qualifiés dans un département permet aux entreprises locales de déposer 5,2 % de brevets supplémentaires.
« L’immigration qualifiée pourrait être un véritable atout pour l’innovation et le dynamisme économique de la France », insiste Emmanuelle Auriol, de l’Ecole d’économie de Toulouse. « Mais à tant s’enliser dans des considérations sécuritaires et complexités administratives, elle oublie qu’elle doit fournir de sérieux efforts si elle veut attirer les cerveaux que d’autres pays, comme les Etats-Unis ou le Canada, se disputent », explique Camille Le Coz, chercheuse au Migration Policy Institute, un centre de réflexion indépendant. L’Allemagne, elle, l’a compris également et voit l’extrême droite se renforcer. Le sujet soulève aussi les craintes d’une partie de la population, notamment au regard des problèmes de logement. Pourtant, « la peur d’une pénurie croissante de salariés suscite un sentiment d’urgence dans l’industrie et a fait basculer le gouvernement vers une politique prioritaire d’attractivité de la main-d’œuvre qualifiée », expliquent Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, du cabinet Kohler Consulting & Coaching, auteurs d’une étude sur le sujet pour Bpifrance publiée en septembre.Pour combler les besoins vertigineux – deux millions de postes étaient vacants outre-Rhin fin 2022 –, il n’est désormais plus nécessaire de justifier, pour les employeurs, être à la recherche de personnel pour des métiers en tension. Le gouvernement s’apprête, en outre, à faciliter l’acquisition de la double nationalité et à réduire les barrières administratives à l’entrée sur le territoire pour les travailleurs, afin de limiter les freins à l’intégration. Il espère ainsi convaincre les nouveaux arrivants et leurs familles de rester durablement en Allemagne.
Marie Charrel
#Covid-19#migrant#migration#france#economie#crisesanitaire#travailleurmigrant#regularisation#politiquemigratoire#maindoeuvre#immigration#integration#sante#demographie
]]>Crise des migrants à Lampedusa : l’extrême droite fait pression sur Emmanuel Macron
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Crise des migrants à Lampedusa : l’extrême droite fait pression sur Emmanuel Macron
L’arrivée de milliers de personnes sur l’île italienne a offert au Rassemblement national et à Reconquête ! l’occasion de dénoncer une nouvelle fois la « submersion » qui menacerait la France. Le chef de l’Etat, de son côté, rappelle le « devoir de solidarité européenne ».
Par Nathalie Segaunes
Alors que l’afflux de migrants diminuait, vendredi 15 septembre, à Lampedusa, les réactions politiques se multipliaient en France. La situation inédite créée par l’arrivée d’environ 11 000 personnes en provenance d’Afrique du Nord, depuis le 11 septembre, sur cette île du sud de l’Italie d’à peine 7 000 habitants, a mis en lumière l’absence de cadre politique, alors que les flux migratoires vers l’Europe s’intensifient. Les départs depuis la Tunisie ont augmenté de 260 % en 2023, comparés à la période allant de janvier à août 2022, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
La situation à Lampedusa montre que « les approches strictement nationalistes ont leurs limites », a jugé, vendredi, Emmanuel Macron. Une allusion aux promesses de la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, qui prétendait bloquer les nouvelles traversées de migrants. La réponse à la crise migratoire ne peut être qu’européenne, juge Paris.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’île de Lampedusa, où plus de 6 000 migrants sont arrivés cette semaine, au cœur de la gestion des flux migratoires vers l’Europe
Malgré les crispations passées avec Rome, le président français ne veut pas « laisser seule l’Italie avec ce qu’elle vit aujourd’hui ». En marge d’un déplacement en Côte-d’Or, il a défendu un « devoir de solidarité européenne » avec l’Italie, alors que l’Allemagne vient de suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance de ce pays en raison d’une « forte pression migratoire » et du refus de Rome d’appliquer des accords européens.Ce nouvel épisode de la crise migratoire a offert à l’extrême droite et à la droite françaises l’occasion de dénoncer, une fois de plus, la « submersion » qui menacerait la France, et « l’impuissance » d’Emmanuel Macron et de l’Union européenne (UE) en matière de gestion des flux migratoires.
« Qui refusera encore de parler de submersion quand il arrive en quelques heures l’équivalent de la population d’une île ? », a déclaré Marine Le Pen (Rassemblement national, RN) sur X (ex-Twitter), jeudi 14 septembre ; elle sera en Lombardie, dimanche, à l’invitation de Matteo Salvini, chef de la Ligue. Elle a été imitée, vendredi, par le président du parti Les Républicains (LR), Eric Ciotti, qui appelle le président de la République à « mettre un terme à cette submersion migratoire ».
Les têtes de liste aux élections européennes, qui se dérouleront en juin 2024, se sont également emparées du sujet. Pour Jordan Bardella, qui conduira la liste du RN, une seule réponse possible à cette crise : « Emmanuel Macron doit prendre solennellement cet engagement : la France n’accueillera pas un seul migrant » en provenance de Lampedusa. « Pour lui qui a dit vouloir “réduire significativement” l’immigration, c’est le moment de vérité. Fermeté ou impuissance ? », a-t-il ajouté sur X.
Sa concurrente Marion Maréchal, qui conduira la liste Reconquête ! aux européennes, s’est rendue, quant à elle, à Lampedusa dès jeudi soir, pour y dénoncer un « chaos » et « une « submersion », sur fond d’images de réfugiés assis par terre, en masse, sur le port italien. La nièce de Marine Le Pen a assuré être venue pour « apporter un soutien au peuple italien », estimant que le gouvernement de Giorgia Meloni est « abandonné par l’UE [et par] la France et se retrouve seul à gérer cette situation, alors même que les frontières italiennes ne sont pas seulement les frontières de l’Italie » mais « les frontières de l’Europe entière ».
« C’est vraiment l’instrumentalisation la plus abjecte qui soit, dénonce auprès du Monde le député macroniste des Français établis hors de France Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale. Si l’Italie est dans cette situation, c’est précisément parce que les pays européens dirigés par les amis de Marion Maréchal ne veulent pas de la solidarité européenne. » Allusion notamment à la Hongrie de Viktor Orban, qui refuse d’accueillir des réfugiés. « Mme Maréchal va faire son business électoraliste dégueulasse sur place devant des gens qui ont failli crever, c’est ça l’humanité et la politique ? », a déploré à son tour le ministre délégué aux transports, Clément Beaune, vendredi, sur Franceinfo.
Mais l’extrême droite n’est pas la seule à renvoyer le gouvernement et le chef de l’Etat à des actes. C’est « lors de débats comme celui-ci qu’on doit montrer qu’on est activement européen », a ainsi affirmé Raphaël Glucksmann, candidat aux européennes et probable tête de liste du Parti socialiste. Selon lui, la France ne défend pas aujourd’hui au Conseil européen une « solution européenne » avec des « mécanismes de solidarité » entre Etats plus efficaces que ceux actuellement en vigueur et qu’il appelle de ses vœux.Cette crise intervient alors que l’immigration est l’un des thèmes qui dominent la rentrée politique. Le gouvernement défendra à partir de novembre au Sénat un projet de loi qui cherche à concilier fermeté contre l’immigration illégale et intégration, avec la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension.
Pour le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, « ce qui se passe à Lampedusa devrait inciter le gouvernement français à la plus grande prudence » sur ce sujet. « Régulariser les clandestins qui travaillent, ce serait créer un appel d’air irresponsable et dangereux, a-t-il écrit sur X, vendredi. Toute personne entrée illégalement sur notre territoire devrait être, au contraire, expulsée systématiquement. » Eric Ciotti a, de son côté, réitéré sa demande d’un référendum sur l’immigration « d’ici à la fin de l’année », car, selon lui, « c’est la seule façon de faire bouger les choses en matière migratoire ».En dépit des injonctions des oppositions, la ministre des affaires étrangères française, Catherine Colonna, a répété, vendredi, que la France « prenait sa part » dans la répartition des migrants. Elle a également jugé « impératif » que les longues négociations européennes relatives au pacte sur la migration et l’asile se terminent « avant la fin de l’année ».
#Covid-19#migrant#migration#france#politiquemigratoire#lloi#metierentension#regularisation#UE#pactemigratoire#integration#economie#postcovid
]]>Immigration et travail : la grande #hypocrisie française ?
C’est une tribune parue mardi dans Libération et qui a relancé un éternel débat : “Travailleurs sans papiers, l’appel à régulariser”. Une tribune transpartisane pour dénoncer notre “#hypocrisie_collective” sur la question migratoire.
Une initiative qui intervient à quelques semaines de la future loi immigration, qui prévoit d’introduire un titre de séjour “#métiers_en_tension”, et qui divise aussi bien à gauche qu’à droite. Les uns craignent un #appel_d’air, la mise en danger de l’#identité française… Les autres dénoncent une vision utilitariste et immorale de l’immigration. Alors comment sortir de la politisation permanente de la question migratoire ? L’immigration est-elle un risque, une opportunité, voire une nécessité pour l’économie française ? Une approche à la fois pragmatique et humaniste est-elle possible ? on en débat avec :
- Marie-Pierre De La Gontrie, Sénatrice PS de Paris, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, co-signataire de la tribune "Nous demandons des mesures urgentes, humanistes et concrètes pour la régularisation des travailleurs sans papiers" dans Libération (11.09.23)
- #Constance_Rivière, Directrice générale du Palais de la Porte Dorée, autrice de "La vie des ombres" aux éditions Stock (06.09.23)
- #Olivier_Babeau, Essayiste, président de l’Institut Sapiens, professeur en sciences de gestion à l’université de Bordeaux
- #Sami_Biasoni, Docteur en philosophie de l’École normale supérieure, professeur chargé de cours à l’ESSEC, auteur de "Le statistiquement correct" aux éditions du Cerf (21.09.23)
- #François_Héran, Démographe, sociologue, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire "Migrations et sociétés", auteur de "Immigration : le grand déni" aux éditions du Seuil (03/03/2023)
▻https://www.france.tv/france-5/c-ce-soir/saison-4/5204787-immigration-et-travail-la-grande-hypocrisie-francaise.html
#France #travail #migrations #immigration #sans-papiers #travailleurs_sans-papiers #régularisation #utilitarisme
La Wallonie veut régulariser les sans-papiers pour les métiers en tension
▻https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/05/la-wallonie-veut-regulariser-les-sans-papiers-pour-les-metiers-en-tension_61
La Wallonie veut régulariser les sans-papiers pour les métiers en tension
Des membres du gouvernement wallon, soutenus par les patrons et les syndicats de la région, demandent au gouvernement belge d’agir pour faire face aux pénuries de main-d’œuvre et anticiper la baisse du nombre d’actifs.
Par Jean-Pierre Stroobants(Bruxelles, Correspondant)
Même si elle connaît toujours un taux de chômage élevé (9,6 % en juin 2023, hormis la communauté germanophone), qui concerne notamment les jeunes de moins de 25 ans (25 % étaient sans emploi en 2022, selon l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique), la Wallonie rencontre, elle aussi, des problèmes de main-d’œuvre dans une série de métiers : 158 sont « en tension », 92 « en pénurie ». Afin de tenter de remédier à une situation qui entrave son redressement, des membres du gouvernement wallon espèrent convaincre l’Etat fédéral belge et la Flandre qu’il faut régulariser les sans-papiers et les demandeurs d’asile capables d’entrer dans les filières économiques concernées, très diverses : la construction, la logistique, la restauration, la boucherie, la soudure, le développement informatique, la comptabilité, etc.
Elio Di Rupo, le ministre-président de la région, et Christie Morreale, la ministre de l’emploi, tous deux socialistes, ont adressé en juillet une lettre au premier ministre belge Alexander De Croo. Son contenu a fuité à la fin du mois d’août parce qu’il n’avait visiblement pas rencontré l’écho souhaité par ses auteurs. Même si le dirigeant libéral flamand s’est déclaré « sans tabou » et si les patrons et les syndicats wallons appuient fermement la demande des ministres.
La Wallonie, compétente pour l’octroi des permis de travail, a, en revanche, besoin de l’aval du gouvernement central pour les titres de séjour. Seuls les chercheurs et les étudiants peuvent obtenir un permis unique. Impossible donc de délivrer une autorisation, y compris aux étrangers non européens qui disposent d’une formation et de compétences pour exercer un métier en pénurie. Or, il y a urgence, selon les dirigeants wallons : dans les quinze prochaines années, la région comptera 50 000 actifs de moins, avance l’Union des classes moyennes, association de défense des travailleurs indépendants.
Il reste cependant à convaincre la Flandre : si les patrons y réclament également un plan d’urgence, les partis de droite, majoritaires, sont soumis à la pression de l’extrême droite, hostile à toute mesure assimilable à une éventuelle ouverture des frontières. La conférence interministérielle, qui réunit les pouvoirs régionaux et le fédéral, a déjà évoqué une possible régularisation mais sans pouvoir conclure un accord. Alors que 200 000 postes au total ne trouvent pas preneurs actuellement dans le pays et que la situation est jugée réellement critique en Flandre, où le recrutement massif de travailleurs frontaliers, français surtout, ne suffit plus à pallier le manque. Le débat se double d’une polémique récurrente sur le fait que la Wallonie n’accomplirait pas les efforts nécessaires pour remettre au travail ses 223 000 demandeurs d’emploi (dont 156 000 bénéficient d’une indemnité) et pour les orienter vers la Flandre voisine, qui lui a proposé 117 000 places de travail en 2022 et où 45 000 Wallons sont déjà employés.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Belgique : une grève générale pour exiger une hausse des salaires s’apprête à paralyser le pays
Il n’est pas question, pour le pouvoir régional wallon, de donner l’impression que la régularisation des réfugiés et sans-papiers masque en fait son incapacité à remettre au travail ses chômeurs. Il veut bel et bien, soutient-il, favoriser la « migration économique » (vers la Flandre) et il octroie des primes à ceux qui se forment à un métier en tension. Avec peu de résultats : selon le quotidien économique belge L’Echo, un chômeur wallon sur 30 seulement entre dans une telle filière. Et les formations échouent pour les publics cibles : chômeurs de longue durée, peu qualifiés, ou âgés. (...) Jean-Pierre Stroobants
#Covid-19#migrant#migration#belgique#politiquemigratoire#wallonie#flandre#regularisation#economie#travailleurmigrant#migrationeconomique#postcovid
]]>Sur les « métiers en tension », la droite n’imagine aucune détente possible avec la majorité
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/08/sur-les-metiers-en-tension-la-droite-n-imagine-aucune-detente-possible-avec-
Sur les « métiers en tension », la droite n’imagine aucune détente possible avec la majorité
Les Républicains font toujours de l’article 3 une « ligne rouge » du projet de loi immigration. En privé, certains députés se disent pourtant plus ouverts au débat mais restent très minoritaires.
Par Alexandre Pedro
Si la « ligne rouge » sur le titre de séjour « métiers en tension » avait perdu de sa couleur pendant l’été, le président du Sénat, Gérard Larcher, s’est chargé de remettre un coup de peinture au nom de son parti, Les Républicains (LR). Inflexible, la droite refuse d’entendre parler de régularisations de sans-papiers dans des secteurs en tension dans une loi « immigration » devenue l’arlésienne de ce quinquennat. (...)
Cette intransigeance n’est pas nouvelle. Depuis la présentation des grandes lignes du texte en novembre 2022 dans Le Monde par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et celui du travail, Olivier Dussopt, Les Républicains ont toujours vu dans cet article 3 un appel d’air favorisant l’immigration illégale. Pour la droite, cet article est le péché originel d’un texte qui porte la marque du « en même temps » macronien, avec ce qui est considéré comme une concession à l’aile gauche de la majorité incarnée par le député de la Vienne Sacha Houlié. Principal défenseur de ce dispositif, le président de la commission des lois à l’Assemblée a connu un coup de chaud, fin août, quand la première ministre, Elisabeth Borne, a parlé en privé de faire un sort à l’allusion aux métiers en tension, la jugeant « mal formulée ». Mais le ballon d’essai se dégonfle assez vite et LR n’a pas le temps de jubiler. M. Houlié assure aujourd’hui avoir des garanties solides de l’Elysée et de Matignon.
Retour à la case départ. Gérald Darmanin a besoin de son ancienne formation et de ses 62 députés pour voter un texte qui lui tient à cœur, mais ces derniers veulent l’expurger des « métiers en tension ». Comment trouver une voix de passage ? La douloureuse bataille de la réforme des retraites a eu le mérite d’enseigner à la Macronie que le groupe LR formait tout sauf un bloc homogène. Alors faut-il tenter d’exploiter d’éventuelles dissensions ? Sous couverte d’anonymat, certains députés – parmi les plus libéraux du groupe – trouvent quelques qualités à un dispositif répondant à la préoccupation des employeurs dans des secteurs comme la restauration et le bâtiment. « Sans aller jusqu’à une régularisation automatique, il faut prendre en compte la situation. Ces gens travaillent, payent des impôts dans des secteurs où on peine à recruter », avance l’un d’entre eux. Un autre estime qu’entre quinze et vingt de ses collègues seraient ouverts à la discussion sur le sujet. Mais, pour l’instant, Les Républicains affichent leur unité sur cette question. « Je peux vous dire que nous sommes unanimes sur le refus de toute régularisation massive, assure le secrétaire général délégué du parti, Othman Nasrou. Nous ne sommes pas, nous, dans le “en même temps”. Je ne vois personne chez LR pour aller dans le sens d’un tel reniement. » A ce sujet, Eric Ciotti a toujours été très clair. « Il n’y a pas d’adaptation ou accommodement possible », répète le président de LR. Certains sont même prêts à aller plus loin. Le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont se dit ainsi favorable à déposer une motion de censure en cas de texte « trop laxiste », comprendre « avec les métiers en tension ». Impossible pour le gouvernement de ne pas voir la « ligne rouge ».
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]]>Le titre de séjour « métiers en tension » au cœur des débats sur la loi immigration
▻https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/08/30/le-titre-de-sejour-metiers-en-tension-au-c-ur-des-debats-sur-la-loi-immigrat
Le titre de séjour « métiers en tension » au cœur des débats sur la loi immigration
« Ligne rouge » pour les députés Les Républicains, la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers qui font face à une forte pénurie de main-d’œuvre est défendue par une partie de la majorité.
Par Thibaud Métais
Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti,avec le nouveau président du Medef, Patrick Martin, le 29 août 2023, sur l’hippodrome de Longchamp, lors de la rencontre des entrepreneurs de France.C’est l’un des points qui devaient être abordés lors du rendez-vous à la maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), mercredi 30 août, entre le président de la République, Emmanuel Macron, et les chefs des partis politiques représentés au Parlement, dans le cadre de l’« initiative politique d’ampleur » annoncée par le chef de l’Etat. Afin de trouver une majorité au Parlement pour voter le projet de loi immigration, l’exécutif serait tenté de faire des concessions à la droite. Au cœur des discussions, notamment, le titre de séjour « métiers en tension », annoncé à l’automne 2022.
Promu à l’origine pour faire partie du volet « insertion » du projet de loi face au volet « contrôle et sanction », il prévoit la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers qui font face à une forte pénurie de main-d’œuvre (hôtellerie-restauration, bâtiment, propreté, etc.) afin de faciliter l’emploi d’étrangers. La droite et l’extrême droit avaient critiqué la mesure dès son annonce. Le parti Les Républicains (LR) allant jusqu’à en faire une « ligne rouge ».
Alors que la première ministre, Elisabeth Borne, s’était dite prête dans un entretien au Figaro le 14 juin à discuter des « modalités » d’un tel titre de séjour, la donne semble avoir changé en cette rentrée. Dans Le Canard enchaîné du 23 août, la cheffe du gouvernement estimait cette fois que « l’allusion aux “métiers en tension” devrait disparaître du texte », la jugeant « mal formulée » et proposant plutôt « une admission exceptionnelle de séjour, sans en faire un droit automatique ». Puis, lundi 28 août, le quotidien Les Echos affirmait qu’Emmanuel Macron « envisage d’abandonner le volet “métiers en tension” » du projet de loi immigration.
Des déclarations qui ont fait bondir dans la majorité, notamment le président de la commission des lois, Sacha Houlié, qui défend depuis plusieurs mois la mesure. (...) Pourtant, le président de LR, Eric Ciotti, a abordé ces « rencontres de Saint-Denis » avec Emmanuel Macron en répétant que l’abandon de ce titre de séjour serait « non négociable » pour obtenir le vote – nécessaire – des députés de son parti à l’Assemblée nationale. « Cette question ne doit pas nous enfermer », répond Sacha Houlié, qui estime que « même si l’exécutif enlevait ce point, LR a posé d’autres conditions, toutes cumulatives, auxquelles on ne pourra pas répondre : la suppression de l’aide médicale d’Etat, la réforme du code de la nationalité et la sortie des traités européens ». Pour l’élu Renaissance, « en l’espèce, il n’y aura pas d’accord avec LR, sauf s’ils reviennent par miracle à la raison ». Pour la droite et l’extrême droite, la création de ce titre de séjour pourrait créer un « appel d’air » pour une immigration massive. « Il y a eu des régularisations importantes dans les gouvernements passés, il n’y a jamais eu aucune preuve statistique ni historique que celles-ci se soient accompagnées d’une hausse de l’immigration légale ou illégale », répond le député Renaissance des Français de l’étranger Marc Ferracci, selon qui les opposants à la mesure devraient « faire la preuve de leur argument sur un soi-disant appel d’air ». Pour ce dernier, « c’est une mesure de bon sens d’un point de vue économique, une mesure d’humanité aussi car on sait qu’un certain nombre d’employeurs bloque les régularisations pour imposer de mauvaises conditions de travail ». La proposition est d’ailleurs soutenue par l’ensemble de la coalition présidentielle, Horizons, Renaissance et MoDem, « ainsi que l’UDI », précise Sacha Houlié. De son côté, le patronat reste prudent sur la question. Le nouveau président du Medef, Patrick Martin, a défendu, lundi, dans Le Figaro, « une position équilibrée, réaliste et dépassionnée dans ce débat sensible » tout en mettant en avant d’autres pistes pour répondre au problème des pénuries de main-d’œuvre : réforme des lycées professionnels, retour à l’emploi des chômeurs qui en sont le plus éloignés, etc. Le vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Eric Chevée, ne veut pas « s’insérer dans le débat politique », mais s’interroge : « Peut-on résoudre les problèmes de recrutement et de disponibilité des travailleurs en France en ne s’appuyant que sur la main-d’œuvre de l’Union européenne ? »
#Covid-19#migrant#migration#france#politiquemigratoire#travailleurmigrant#economie#titredesejour#metierentension#insertion#regularisation
]]>Tunisie : des migrants consignés dans un lycée pendant les vacances scolaires
▻https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/24/tunisie-des-migrants-consignes-dans-un-lycee-pendant-les-vacances-scolaires_
Tunisie : des migrants consignés dans un lycée pendant les vacances scolaires
Les autorités tunisiennes ont fait de l’établissement de l’oasis de Tamerza un centre de rétention provisoire pour des dizaines de personnes expulsées de Sfax ou interceptées aux frontières libyenne ou algérienne.
Par Monia Ben Hamadi(Tamerza (Tunisie), envoyée spéciale)
Tamerza, oasis de montagne située à quelques kilomètres de la frontière algérienne, dans le sud-ouest de la Tunisie, est surtout connue pour ses paysages à couper le souffle, le long de canyons et de sources. A la lisière du village, une montagne rocheuse surplombe le lycée. Au début du mois d’août, alors qu’élèves et professeurs sont toujours en vacances scolaires, plusieurs agents de la garde nationale surveillent l’entrée de l’établissement. Des hommes et des femmes portant pour certains des gilets de l’organisation humanitaire du Croissant-Rouge font des va-et-vient.« Personne ne peut entrer, à part les bénévoles », avertit Salwa (le prénom a été modifié), une volontaire de la région. Profitant de la livraison de nourriture et de produits de première nécessité envoyés par des associations tunisiennes, Le Monde a pu accéder au bâtiment pendant plusieurs minutes, avant d’éveiller les soupçons des agents de sécurité présents à l’intérieur.
Dans la cour du lycée, des tables et des chaises en plastique sont disposées de manière disparate. Abdoulaye (le prénom a été modifié), un jeune Ivoirien au physique athlétique portant une barbe de quelques jours, est installé là avec trois hommes et deux femmes. Au coucher du soleil, le groupe tente de chasser l’ennui en jouant aux cartes. « On n’a pas le droit de sortir d’ici, on ne sait pas ce qu’ils veulent faire de nous », explique le jeune homme à voix basse, sous le regard méfiant des gardes.
Quarante-six hommes, femmes et enfants sont toujours retenus dans ce lycée à l’approche de la rentrée scolaire. La plupart ont été expulsés de Sfax puis récupérés à la frontière libyenne ou algérienne, selon Wafa, une surveillante de l’établissement qui s’est portée volontaire, avec le soutien du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et de bénévoles indépendants pour assurer une aide vitale aux migrants en détresse. Ces bénévoles s’activent particulièrement dans les villes frontalières, dans le bassin minier de Gafsa, l’oasis de Nefta ou celle de Tamerza, qui ont connu des arrivées massives de migrants expulsés à la frontière ou arrivés directement d’Algérie. Ils se coordonnent aussi avec d’autres associations à Tunis, ou encore avec l’Organisation internationale pour les migrations, qui gère des centres d’hébergement et les procédures de retour « volontaire ». Ces aides sont fournies parallèlement au soutien apporté par le Croissant-Rouge, qui collabore principalement avec les autorités.
Installé depuis des années à Sfax, Abdoulaye a vécu les tensions survenues dans la deuxième ville du pays après la mort d’un jeune Tunisien tué par des migrants – selon les premiers éléments de l’enquête – dans la nuit du 3 au 4 juillet. Dans la foulée, le jeune Ivoirien et plusieurs centaines d’autres migrants subsahariens ont été expulsés à la frontière avec la Libye, à l’est, près du poste-frontière de Ras Jedir. Sous la pression des ONG et des médias, les autorités tunisiennes, qui nient toujours ces expulsions, ont autorisé le Croissant-Rouge, dès le 9 juillet – après que le chef de l’Etat tunisien, Kaïs Saïed, a reçu le président de l’organisation – à se rendre dans la zone tampon entre les deux pays, dont l’accès est contrôlé par les militaires.Dans les jours qui ont suivi, ces centaines de migrants bloqués entre la mer et le désert sous une chaleur caniculaire ont été répartis dans plusieurs centres d’hébergement situés dans le sud du pays. Abdoulaye et près d’une cinquantaine d’autres personnes se sont alors retrouvés enfermés dans l’enceinte du lycée de Tamerza, le 13 juillet, dormant dans l’internat des élèves. « Ils sont bien traités, y compris par les agents de sécurité, explique Wafa, mais le problème est qu’ils n’ont pas le droit de sortir. » Selon la jeune surveillante, les autorités tunisiennes tenteraient de collecter les informations nécessaires pour établir l’identité et le parcours de chaque personne retenue sur place depuis plus d’un mois. Trois personnes qui ont exprimé leur volonté de retourner dans leur pays auraient été transférées dans un autre centre, et quarante-six autres sont toujours dans l’attente. Contactés par Wafa et ses collègues, les anciens bailleurs ou employeurs de certains de ces migrants se seraient dits prêts à les accueillir de nouveau. « Il y a même des étudiants dont nous essayons de régulariser la situation », affirme la jeune femme. Mais le temps presse et le lycée de Tamerza ne pourra plus être utilisé comme lieu de rétention ou de tri dès le début du mois de septembre, avec la rentrée scolaire. Bientôt, les lits devront être libérés pour laisser place aux élèves. Le destin des hôtes temporaires de l’internat demeure incertain.
#Covid-19#migrant#migration#tunisie#migrationirreguliere#retention#ONG#OIM#droit#regularisation#libye#algerie#frontiere#retour#postcovid
]]>Unpicking the notion of ‘safe and legal’ routes
Introduction
The last ten years have brought a growing recognition of the need to address the issue of mixed and irregular migratory movements through the introduction of pathways that enable people to move from one country and continent to another in a safe and legal manner. As well as averting the need for refugees and migrants to embark on dangerous and expensive journeys involving unscrupulous human smugglers, such routes promise to mitigate the negative perceptions of states with respect to the impact of such movements on their sovereignty, security, and social stability.
This essay examines the context in which the discourse on safe and legal routes has emerged and identifies the different types of organised pathways that have been proposed by states and other stakeholders. Focusing particularly on population movements from the global South to the global North, it discusses the opportunities, difficulties, and dilemmas associated with this approach to the governance of cross-border mobility. More specifically, it scrutinises the increasingly popular assumption that the introduction of such routes will lead to significant reductions in the scale of mixed and irregular migration.
The context
In the mid-1980s, the world’s most prosperous states began to express concern about the growing number of foreign nationals arriving irregularly on their territory, many of whom subsequently submitted applications for refugee status. Regarding such movements as a threat to their sovereignty, and believing that many of those applications were unfounded, over the next two decades those countries introduced a range of restrictive measures designed to place new physical and administrative barriers in the way of unwanted new arrivals, especially those originating from the global South.
The limitations of these measures were dramatically exposed in 2015-16, when up to a million people, initially from Syria but subsequently from several other countries, made their way in an unauthorised manner to the European Union, many of them travelling via Türkiye. Reacting to this apparent emergency, the EU adopted a strategy pioneered in earlier years by Australia and the United States, known as “externalisation”. This involved the provision of financial and other incentives to low- and middle-income states on the understanding that they would obstruct the outward movement of irregular migrants and readmit those deported from wealthier states.
At the same time, governments in the developed world were beginning to acknowledge that mixed and irregular movements of people could not be managed by exclusionary measures alone. This recognition was due in no small part to the efforts of human rights advocates, who were concerned about the negative implications of externalisation for refugee and migrant protection. They also wanted to highlight the contribution that foreign nationals could make to destination countries in the global North if they were able to move there in a regular and orderly manner. The common outcome of these different discourses was a growing degree of support for the notion that the establishment of safe and legal routes could minimise the scale and mitigate the adverse consequences of mixed and irregular movements.
This was not an entirely new approach. As then UN secretary-general Kofi Annan had argued in the early 2000s, international migration, if governed in an appropriate manner, could have “win-win outcomes”, bringing benefits to countries of origin, countries of destination, and migrants alike. But to attain those outcomes, certain conditions had to be met. In the words of the Global Commission on International Migration (GCM), a body established by Mr. Annan:
It is in the interest of both states and migrants to create a context in which people migrate out of choice and in a safe and legal manner, rather than irregularly and because they feel they have no other option. Regular migration programmes could reinforce public confidence in the ability of states to admit migrants into their territory on the basis of labor market needs. Programmes of this kind would also help to create a more positive image of migrants and foster greater public acceptance of international migration.
Migration governance initiatives
In recent years, and especially since the so-called “European migration crisis” of 2015-16, this notion has been taken up by a number of different migration governance initiatives. Focusing primarily on labour migration, the 2018 Global Compact for Safe, Regular and Orderly Migration (GCM) cited “enhanced availability and flexibility of pathways for regular migration,” as one of its key objectives. Endorsed by the majority of UN member states, the GCM extended this approach to the realm of forced migration, encouraging the international community to “develop or build on existing national and regional practices for admission and stay of appropriate duration based on compassionate, humanitarian or other considerations for migrants compelled to leave their countries of origin.”
At the same time, the Global Compact on Refugees (GCR), also adopted in 2018 and which was even more widely endorsed by the international community, underlined the necessity for people who were fleeing persecution and armed conflict to have access to safe and legal routes. “There is a need,” it said, “to ensure that such pathways are made available on a more systematic, organised and sustainable basis, that they contain appropriate protection safeguards, and that the number of countries offering these opportunities is expanded overall.”
Similar approaches have emerged in the context of regional migration governance initiatives. The EU’s 2011 Global Approach to Migration and Mobility, for example, acknowledged the importance of “preventing and reducing irregular migration and trafficking in human beings” by “organising and facilitating legal migration and mobility.” The more recent EU Pact on Migration and Asylum also “aims to reduce unsafe and irregular routes and promote sustainable and safe legal pathways for those in need of protection.” “Developing legal pathways,” it says, “should contribute to the reduction of irregular migration.”
In 2022, the Summit of the Americas, a meeting of states that focussed on the issue of human mobility in the western hemisphere, endorsed the Los Angeles Declaration on Migration and Protection. Using language similar to that of the EU Pact, it committed participating states to “a shared approach to reduce and manage irregular migration,” and to “promoting regular pathways for migration and international protection.” Signatories expressed their commitment “to strengthen fair labor migration opportunities in the region,” and “to promote access to protection and complementary pathways for asylum seekers, refugees and stateless persons.”
As indicated by the declaration’s reference to “labor migration opportunities”, the recognition of the need for safe and legal pathways to be established is closely linked to another recent development: a growing and global shortage of workers. In many industrialised states, members of the existing labour force are aging, taking retirement, quitting, or changing their jobs. The Covid-19 pandemic prompted those countries to introduce new border controls and stricter limits on immigration. Taking advantage of these circumstances, employees have been able to demand better wages and working conditions, thereby pushing up the cost of producing goods and providing services. Confronted with these threats to their profitability, the private sector has been placing growing pressure on governments to remove such restrictions and to open the door to foreign labour.
Safe and legal routes
As demonstrated by the migration governance initiatives described in the previous section, there is now a broad international consensus on the need to provide safe and legal routes for people who wish or feel obliged to leave their own country. There is also an agreement, supported by a growing volume of academic research, that the provision of such routes has a role to play in reducing the scale of mixed and irregular migration and in boosting the economies of destination states. But what specific forms might those safe and legal routes take? The next section of this essay answers that question by describing the principal proposals made and actions taken in that respect.
Labour migration programmes
One such proposal has been labour migration programmes established on a permanent, temporary, or seasonal bases. The rationale for such programmes is that they would allow people from poorer countries who are in need of employment to fill gaps in the labour markets of more prosperous states. As well as boosting the economies of destination countries, such programmes would allow the migrants concerned to enhance their skills and to support their countries of origin by means of remittances.
Until recently, for example, there have been only limited legal opportunities for the citizens of Central and South American countries, especially those with lower levels of skill, to join the US workforce. At the 2022 Summit of the Americas, however, President Biden indicated that he would introduce a package of measures designed to manage northward migration more effectively, including the establishment of safe and legal routes for Latin Americans. According to one US spokesperson, “we will have announcements related to labor pathways as part of the Los Angeles Declaration, designed to ensure that those pathways meet the highest labor standards and are not used for abuse or for a race to the bottom.”
Mexico, another signatory to the declaration, has already taken steps in this direction, offering border worker visas to Guatemalans and Belizeans wishing to work in the country’s southernmost states—an initiative intended to meet the labour needs of the area while reducing the number of people from those two countries arriving and working in an irregular manner.
Turning next to Germany, in 2015-16, at a time when the country was receiving large numbers of new arrivals from the Western Balkan states, most of whom submitted unsuccessful asylum claims, a new employment regulation was introduced. This opened the labour market for nationals of those countries, on condition that they had a valid job offer from a German employer.
Since that time, EU member states more generally have begun to acknowledge the need to recruit employees from outside the bloc. Thus in April 2022, the European Commission launched what it described as “an ambitious and sustainable legal migration policy,” including “specific actions to facilitate the integration of those fleeing Russia’s invasion of Ukraine into the EU’s labour market.” In the emphatic words of the commissioner for home affairs, “legal migration is essential to our economic recovery […] while reducing irregular migration.”
A more preemptive approach to the issue has been taken by Australia, whose Pacific Labour Mobility Scheme allows businesses to recruit seasonal and temporary workers from ten Pacific island states. The purpose of the scheme is to meet Australia’s domestic labour market needs, to promote regional cooperation and development, and, in doing so, to avert the kind of instability that might provoke unpredictable and irregular movements of people.
Refugee-related programmes
When Russia invaded Ukraine in February 2022, large numbers of people displaced by the hostilities began to make their way to neighbouring and nearby member states of the European Union. While the EU has made vigorous and often inhumane efforts to exclude asylum seekers originating from other parts of the world, even if they had strong claims to refugee status, in the case of Ukraine steps were quickly taken to regularise the situation of the new arrivals. Refugees from Ukraine were allowed to enter the EU without a visa, to enjoy residence and work rights there for up to three years, and to move freely from one member state to another.
This arrangement, known as “temporary protection”, was based on a number of considerations: the geographical proximity of Ukraine to the EU, the great difficulty that the EU would have had in trying to obstruct the movement, a humanitarian concern for people who had been obliged to flee by the conflict, and a particular readiness to support the citizens of a friendly country that was suffering from the aggression committed by Russia, a state with a long history of enmity to the EU and NATO. While it remains to be seen how effectively the Ukrainians can be absorbed into the economies and societies of EU member states, in the short term at least, the temporary protection system provided a means of channeling a very large and rapid movement of people into routes that were safe and legal.
Looking beyond the specifics of the Ukrainian situation, UNHCR, the UN’s agency for refugees, has in recent years made regular calls for governments—predominantly but not exclusively in the global North—to establish and expand the scale of state-sponsored refugee resettlement programmes. Such efforts enjoy limited success, however, partly because of the serious cuts made to the US resettlement quota by the Trump administration, and partly because of the restrictions on movement introduced by many other countries as a result of the Covid-19 pandemic. In the aftermath of the 2015-16 “migrant crisis”, moreover, European countries were reluctant to consider the admission of additional refugees, even if they were to arrive in an organised manner.
In a more positive development, the decade since the beginning of the Syrian refugee emergency in 2012 has delivered a new focus on the establishment of privately- sponsored resettlement programmes, enabling families as well as neighbourhood, community, and faith-based groups in the global North to sponsor the reception and initial integration of refugees from countries of asylum in the global South. Canada has taken a particular lead in this respect, establishing private sponsorship programmes for Afghan, Syrian, and Ukrainian refugees, with Australia, the US, and some European countries also experimenting with this particular form of safe and legal route.
A similar approach can be seen with respect to the notion of “humanitarian corridors”, an initiative taken by Italian church-affiliated groups. Self-funded but closely coordinated with the government in Rome, this programme has enabled religious communities in Italy to welcome hundreds of refugees from Ethiopia, Greece, and Lebanon. Discussions are currently underway with a view to expanding this model to other European states.
Recent years have seen a growing interest in the notion of labour mobility for refugees, arrangements whereby refugees with specific skills and qualifications are allowed to leave their country of asylum in order to take up pre-arranged employment opportunities in another state. An approach first proposed more than a decade ago but largely unimplemented since that time, the potential of such initiatives has now been recognised by Australia, Canada, and the UK, all of which have recently established pilot programmes of this type.
In similar vein, humanitarian organisations have promoted the notion that refugees in developing countries of asylum should be able to benefit from scholarship programmes in states that are better equipped to provide them with appropriate education at the secondary and tertiary levels. The implementation of this approach has been boosted considerably by the emergencies in Syria and Ukraine, both of which have prompted universities around the world to make special provisions for refugee students.
When people move from one country to another in the context of a refugee crisis, a common consequence is for family members to be separated, either because some have been left behind in the country of origin, or because they lose contact with each other during their journey to a safer place. In response to this humanitarian issue, the international community has for many years supported the notion of family reunification programmes, organised with the support of entities such as the International Organization for Migration, UNHCR, and the Red Cross movement. Most recently, there has been a recognition that such programmes also have a role to play in reducing the scale of irregular movements, given the frequency with which people engage in such journeys in an attempt to reunite with their relatives.
Relocation and evacuation programmes
Other arrangements have been made to enable refugees and migrants to relocate in a safe and legal manner from countries that are not in a position to provide them with the support that they need. In the EU, efforts—albeit largely unsuccessful—have been made recently to establish redistribution programmes, relocating people from front-line states such as Greece and Italy, which have large refugee and migrant populations, to parts of Europe that are under less pressure in this respect.
In a more dramatic context, UNHCR has established an evacuation programme for refugees and migrants in Libya, where they are at serious risk of detention and human rights abuses, and where escape from the country by boat also presents them with enormous dangers. A safe and legal alternative has been found in an arrangement whereby the most vulnerable of these people are transferred to emergency transit centres in Niger and Rwanda, pending the time when other countries accept them as permanent residents.
Finally, proposals have been made with respect to the establishment of arrangements that would allow people who are at risk in their country of origin to move elsewhere in a safe and legal manner. For individuals and families, this objective could be attained by means of humanitarian visas issued by the overseas embassies of states that wish to provide sanctuary to people who are threatened in their homeland.
On a larger scale, orderly departure programmes might be established for designated categories of people who feel obliged to leave their own country and who might otherwise have no alternative but to move by irregular means. An important—but as yet unreplicated— precedent was set in this respect by a 1980s programme that allowed some 800,000 Vietnamese citizens to relocate to the US and other western countries with the authorisation of the Hanoi government, sparing them from the dangerous journeys that the “boat people” had undertaken in earlier years.
The potential of regular pathways
It is not surprising that the notion of safe and legal routes has attracted so much attention in recent years. They are in the interest of refugees and migrants, who would otherwise have to embark on difficult and often dangerous journeys. They are in the interest of states, who have much to gain from the orderly and authorised movement of people. And they are in the interest of international organisations that are struggling to respond to large-scale and unpredicted movements of people, and which are trying to ensure that human mobility is governed in a more effective, human and equitable manner.
At the same time, there is a need to scrutinise the popular assumption that such measures can substantially reduce the scale of mixed and irregular migratory movements, and to address the many difficulties and dilemmas associated with the establishment of such pathways.
Scaling up
Despite all of the rhetorical support given to the notion of regular pathways in recent years, the number of people who are able to access them is still very modest. And there are a number of reasons why they might not be scaled up to any great extent. First, the Covid-19 pandemic, which erupted unexpectedly not long after the GCM and GCR had been negotiated, caused many governments to act with a new degree of caution in relation to the cross-border movement of people. And while the pandemic has subsided, states may well prefer to retain some of the immigration restrictions they introduced in the context of the pandemic.
Second, and more recently, the need for states in Europe and beyond to admit large numbers of refugees from Afghanistan and Ukraine seems certain to limit their enthusiasm and capacity for the establishment of safe routes for people from other parts of the world. With many thousands of people from those two countries left without jobs and in temporary accommodation, the introduction or expansion of other pathways would simply exacerbate this problem.
While the admission of overseas workers appears to be a way of addressing the demographic deficits and labour market needs of the industrialised states, are the citizens and politicians of those countries ready to acknowledge the need to admit more foreign nationals, even if they arrive in a managed manner? Immigration has become a toxic issue in many of the world’s more prosperous states, and few governments or opposition parties are willing to run on electoral platforms that advocate an increase in the number of new arrivals from other parts of the world.
In the context described above, it should come as no surprise that most of the orderly pathway initiatives introduced in recent years (such as privately sponsored resettlement, humanitarian corridors, evacuation, and relocation programmes) have all operated on a modest scale and have often been established on a pilot basis, with no guarantee of them being expanded.
For example, when in 2021 the British home secretary introduced a new labour mobility programme for refugees, she boldly announced that “those displaced by conflict and violence will now be able to benefit from access to our global points-based immigration system, enabling them to come to the UK safely and legally through established routes”. In fact, only 100 Syrian refugees from Jordan and Lebanon will benefit from the programme over the next two years.
And the UK is not an isolated case. According to a recent study, in 2019 the OECD countries provided complementary pathways to fewer than 156,000 people from seven major refugee-producing countries. Two-thirds of them were admitted on the basis of family reunion, with the remaining third split equally between people granted visas for work and for educational purposes. That 156,000 constituted just 0.6 percent of the global refugee population.
Reducing irregular migration
Even if safe and legal routes could be established and expanded, what impact would that have on the scale of irregular migration? That is a difficult question to answer, partly because the evidence on this issue is so limited, and partly because it is methodologically challenging to establish causal linkages between these two phenomena, as demonstrated by two recent studies.
With respect to the German labour programme in the Western Balkans, one analyst has suggested that although the number of asylum applications from that region did indeed drop after the new initiative was introduced, “one cannot credibly single out the exact effect the Western Balkan Regulation had on reducing irregular migration from the region to Germany”. The author goes on to say that “the regulation was only one of many policy measures at the time, including many restrictive measures and faster processing times of asylum applications as well as the ‘closure’ of the Western Balkan route.” Consequently, “it is not possible to isolate the exact causal role the Western Balkan Regulation may have played.”
A case study of Mexico and the US reaches a similar conclusion, suggesting “there is evidence that lawful channels for migration between Mexico and the US have suppressed unlawful migration, but only when combined with robust enforcement efforts,” including the intensification of border controls that facilitated the apprehension and return of migrants crossing the frontier in an irregular manner. This conclusion on the close relationship between safe pathways and enforcement, shared by both studies, is ironic, given that some of the strongest NGO advocates for the former are most vocal in their opposition to the latter!
A more general review of the evidence on this matter also casts doubt on the notion that an expansion of safe and legal routes will necessarily lead to a reduction in irregular movements. Looking specifically at labour migration programmes, the study says that they are often proposed “on the basis of an assumption of a rerouting effect, whereby migrants who would otherwise arrive and enter the asylum system or stay in a country without legal status will be incentivised to try and access a legal work permit from home rather than migrate illegally.” But the validity of that assumption “will depend on the capacity of legal pathways to accommodate the number of low-skilled workers who want to migrate, but lack permission to enter their desired destination.”
That statement concerning the number of people who would like to or have been obliged to migrate but who have been unable to do so in a safe and legal manner is readily substantiated in numerical terms. Most estimates suggest that around 15 million irregular migrants are to be found in the US and Europe alone, with millions more in countries such as India, Libya, Malaysia, Mexico, Saudi Arabia, and South Africa. According to UNHCR, there are some 30 million refugees worldwide and more than 4.5 million asylum seekers who are waiting for their applications to be processed. A worldwide survey undertaken in 2018 concluded that some 750 million people, 15 percent of all the world’s adults, would move to another country if they had the opportunity to do so.
Given the growing demand for migration opportunities in poorer regions of the world, coupled with the general reluctance of the industrialised states to facilitate the large-scale admission of people who want to move there, it is difficult to see how this square can be circled. The most likely scenario is that the supply of opportunities for regular migration will be unable to meet the demand, meaning that aspirant migrants who are not selected for regular entry will still have a strong incentive to move in an irregular manner.
Indeed, it can also be argued that the establishment of safe and legal routes intensifies the social networks linking countries of origin and destination, enabling those migrants who move in a regular manner to inform the compatriots they have left behind of the opportunities that exist in the countries to which they have moved and to send remittances to people at home that can be used to pay the costs of a clandestine journey to the same location. In this respect, instead of reducing levels of irregular migration, the establishment of safe and legal routes might actually contribute to their growth.
Selection criteria and processes
In addition to the scale of the routes that might be established and their potential impact on levels of irregular migration, a number of other issues must be considered in the context of this discourse.
First, the notion of safe and legal pathways is based on the idea that states should control the arrival of foreign nationals on their territory, determining how many should be admitted, what countries they should come from, why they wish or need to move to another country, what their demographic profile is, and what skills they should have. In other words, for safe and legal routes to work effectively, states and other stakeholders have to establish selection criteria and processes that allow the admission of some people who would like to move, while refusing entry to others. This is not a principle accepted by some refugee and migrant advocates, for whom the notion of safe and legal routes has become a disguised proxy for “open borders”.
Almost inevitably, moreover, different constituencies within receiving states will be pushing for priority to be given to certain categories of people. Humanitarians will want the emphasis to be on refugees. Diaspora families and communities will favour family reunification programmes and community-sponsored resettlement. The private sector will argue the case for the admission of people with the skills and capacity to fill gaps in the labour market in a cost-effective manner. Universities will argue the case for visas to be granted to refugees and other foreign citizens with the necessary qualifications or academic aptitude. The selection process is therefore likely to be a contested and controversial one, potentially limiting governmental enthusiasm for the notion of safe and legal routes.
Status and rights
Second, as the attempt to regularise migratory movements proceeds, some important questions will have to be addressed in relation to the status and rights of the new arrivals and the organisation of such programmes. In the context of labour migration programmes, for example, would people be admitted on a temporary or permanent basis, and in the latter case would they eventually be able to acquire permanent resident rights or citizenship? Would they be tied to a single employer or allowed to move freely in the labour market? Would they enjoy the same pay, rights, and working conditions as citizens of the countries in which they are employed?
A somewhat different set of issues arises in the context of labour mobility initiatives for refugees. Will they be allowed to leave their countries of asylum by the governments of those states and, more importantly, would they be able to return to it if employed abroad on a temporary basis? As some refugee lawyers have mooted, would they be at risk of being deported to their country of origin, and thereby be at risk of persecution, if their country of first asylum refused to readmit them? And if they were readmitted to their country of first asylum, would they have full access to the labour market there, or find themselves returning to a refugee camp or informal urban settlement where only informal and low-income livelihoods opportunities exist?
With respect to privately sponsored resettlement, there is some evidence, especially from Canada, that refugees who arrive by this route fare better than those who are admitted by means of state-sponsored programmes. But there are also risks involved, especially in emergency situations where the citizens of resettlement countries are, for good humanitarian reasons, eager to welcome refugees into their homes and neighbourhoods, and where the state is only too happy to devolve responsibility for refugees to members of the community.
A particular case in point is to be found in the UK’s sponsorship scheme for Ukrainian refugees, in which some of the new arrivals have found themselves matched with inappropriate sponsors in isolated rural locations and with few affordable options available with respect to their long-term accommodation.
State manipulation
Third, the establishment and expansion of safe and legal routes could have adverse consequences if misused by destination countries. With respect to resettlement, for example, UNHCR has always insisted that refugees should be selected on the basis of their vulnerability, and not in terms of what the organisation describes as their “integration potential”.
That principle might prove more difficult to uphold in a context where alternative pathways are being discussed, specifically targeted at people on the basis of their skills, qualifications, language abilities, family connections and value to the labour market. Rather than expanding their refugee resettlement programmes, as UNHCR would like them to do, will destination countries prefer to make use of pathways that enable them to cherry-pick new arrivals on the basis of perceived value to the economy and society?
At the same time, there is a risk that states will use the establishment of organised pathways as a pretext for the exclusion of asylum seekers who arrive in an independent manner and by irregular means. That has long been the approach adopted by Australia, whose policy of interception at sea and relocation to remote offshore processing facilities is justified by the government on the grounds that the country has a substantial refugee resettlement programme. Rather than taking to boats and “ jumping the queue”, the authorities say, refugees should wait their turn to be resettled from their country of asylum, however difficult that might be in practice.
Taking its cue from Australia, the UK is in the process of establishing a formalised two-tier asylum system. On one hand, “bespoke” admissions programmes will be established for refugees from countries in which the UK has a particular geopolitical interest, most notably Afghanistan and Ukraine. On the other hand, the asylum claims of people arriving in the UK in an irregular manner, such as by boat across the English Channel (including those from Afghanistan and Ukraine) are now deemed inadmissible, and many of those arriving in this way are detained and liable to deportation to Rwanda without the possibility of returning to the UK, even if their refugee claim is recognised by the authorities in Kigali. At the time of writing, however, there is no evidence that this policy will have its intended effect of deterring irregular arrivals, nor indeed whether it will ever be implemented, given the legal challenges to which it is being subjected.
Regularisation
Finally, while much of the recent discourse on irregular migration has focused on the extent to which its scale and impact can be minimised by the establishment of safe and legal pathways, it must not be forgotten that many destination countries already have substantial populations of people who are officially not authorised to be there: so-called “illegal immigrants”, unsuccessful asylum seekers, and foreign nationals who have overstayed their visas, to give just three examples.
No serious attempt to address the issue of irregular migration can avoid the situation and status of such people, although questions relating to their regularisation, whether by means of amnesties or by other measures. have not featured at all prominently in the recent discourse on international mobility.
Interestingly, the GCM avoids the issue completely, presumably because it is deemed to be a matter that lies within the jurisdiction of sovereign states. If an attempt had been made to include the question of regularisation in the compact, it would almost certainly have been endorsed by fewer states. Nevertheless, any discussion of irregular migration must involve a consideration of those people who are living and working in countries where they do not have a legal status, as countries such as Spain, Ireland, and Italy have started to recognise. It is an issue that warrants much more attention at the national and multilateral levels, irrespective of its controversial nature.
Conclusion
A strong case can be made for the introduction and expansion of safe and legal migratory routes, as has been recognised by a plethora of recent initiatives relating to the governance of international mobility. But expectations of them should be modest.
While such routes may have a limited role to play in reducing the scale and impact of mixed and irregular movements, they appear unlikely to have the transformative effect that some participants in the migration discourse have suggested they might have. Such routes are also likely to be a contentious matter, with some states using the notion of safe and legal routes as a pretext for the introduction of draconian approaches to the issue of irregular migration, and with migrant advocates employing the same concept as a means of avoiding the more controversial slogan of “open borders”.
As indicated in the introduction, this essay has focused to a large extent on mixed and irregular migration from the global South to the global North, as it is those movements that have prompted much of the recent discourse on safe and legal routes. But it should not be forgotten that most migratory movements currently take place within the global South, and that some 85 percent of the world’s refugees are to be found in low and middle-income countries.
Looking at the migration and refugee scenario in the developing world, there are perhaps greater grounds for optimism than can be found by focusing on the industrialised states. With some exceptions (South Africa being a prime example), countries in the global South are less exercised by the issue of irregular migration.
Two regions—South America and West Africa—have established rather successful freedom-of-movement arrangements for their citizens. And despite some restrictive tendencies, encouraged in many instances by the externalisation policies of the global North, developing countries have kept their borders relatively open to refugees, as demonstrated by the presence of so many Rohingya refugees from Myanmar in Bangladesh, South Sudanese in Uganda, Syrians in Jordan and Lebanon, and Venezuelans in a host of neighbouring and nearby states.
In an ideal world, the cross-border movement of people would indeed take place in an exclusively voluntary, safe, and orderly manner. But that scenario cannot be envisaged in an era that is characterised by failures of global governance, widespread armed conflict, growing regional inequalities, intensifying environmental disasters, and the climate crisis, not to mention the general unwillingness of politicians and the public to countenance large-scale immigration and refugee arrivals. Looking to the future, there is every reason to believe that large numbers of people will have to move out of necessity rather than choice, in an unpredictable and irregular manner.
▻https://mixedmigration.org/articles/unpicking-the-notion-of-safe-and-legal-routes
#migrations #asile #réfugiés #voies_sures #voies_légales #frontières #1980s #menace #2015 #externalisation #refugee_compact #pacte_migratoire #global_compact_for_safe_orderly_and_regular_migration #global_compact_on_refugees #global_compact #relocalisation #régularisation #ouverture_des_frontières #Jeff_Crisp #safe_routes #legal_routes
]]>Le numéro 7 de la revue #Nunatak , Revue d’histoires, cultures et #luttes des #montagnes...
métaliste des numéros recensés sur seenthis :
►https://seenthis.net/messages/926433
En complément du post de @socialisme_libertaire sur la nomination de Maryline Poulain, cadre confédérale de la CGT, à la Préfecture de la région Grand-Est :
▻https://seenthis.net/messages/1012195
– L’article du site Où va la CGT des militants de de l’OCML Voie Prolétarienne au sein de la CGT :
Maryline Poulain officiellement nommée préfète de Darmanin - Où va la CGT ?
▻http://ouvalacgt.over-blog.com/2023/07/maryline-poulain-officiellement-nommee-prefete-de-darmanin.html
Maryline Poulain officiellement nommée préfète de Darmanin
Alors qu’un nouveau tour de vis anti-immigrés est prévu pour l’automne, c’est elle-même, ancienne responsable confédérale CGT sur l’immigration, qui l’annonce (voir les captures ci-contre) : « Extrêmement fière et honorée d’avoir été nommée en conseil des Ministres de ce jour « Préfète pour l’égalité des chances » auprès de la Préfète du Bas-Rhin, préfète de la région Grand-Est ». Et ce n’est pas un piratage, puisque le Compte rendu du Conseil des Ministres annonce la nomination officielle. Et elle complète : « Merci au Président de la République Emmanuel Macron, à la Première Ministre Elisabeth Borne et à Gérard Darmanin pour leur confiance ». Merci aux responsables des lois Travail, à la répression des Gilets Jaunes, à la réforme des retraites, à la mort de Nahel ??? Une ancienne responsable confédérale CGT ??
Alors, qu’en pensent tous ses copains par exemple à l’UD de Paris ? Une réaction ? Lol !
– Le portait du Monde de Maryline Poulain, du 5 août 2022 :
Marilyne Poulain, ou les années de défense des travailleurs migrants
▻https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/08/05/marilyne-poulain-ou-les-annees-de-defense-des-travailleurs-migrants_6137275_
Marilyne Poulain, ou les années de défense des travailleurs migrants
Celle qui a porté des milliers de régularisations quitte ses fonctions au sein de la CGT, usée. Son savoir-faire était apprécié dans les entreprises et les ministères.
Par Julia Pascual
Publié le 05 août 2022 à 15h00, modifié le 06 août 2022 à 02h05
Marilyne Poulain, à Figari (Corse-du-Sud), le 27 juillet 2022. KAMIL ZIHNIOGLU POUR « LE MONDE »
Nous sommes début 2020, dans les locaux vieillots de la CGT du 19e arrondissement de Paris. Une centaine d’hommes se sont serrés dans une salle de réunion. Ils sont Maliens, Mauritaniens, Sénégalais… Livreurs, plongeurs, ripeurs… Tous travailleurs. Tous sans-papiers. Bientôt, ils sortiront de l’ombre et exigeront de leurs patrons d’accompagner leur demande de régularisation devant le ministère de l’intérieur.
Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
▻https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/29/tunisie-dans-la-ville-portuaire-de-sfax-l-espoir-blesse-des-migrants-subsaha
Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
Depuis le début de l’année, six fois plus de migrants qu’à la même période en 2022 sont partis de Tunisie vers l’Europe. Mais beaucoup d’Africains viennent dans le pays maghrébin pour s’y installer pour étudier et travailler.
Par Nissim Gasteli(Sfax, Tunisie, envoyé spécial)
Publié hier à 19h00, modifié hier à 19h00
La lumière des projecteurs déchire le crépuscule. Sur la pelouse synthétique du stade de la faculté des sciences économiques de Sfax, Baba Car, le capitaine de la sélection estudiantine sénégalaise, dépose le ballon au point de penalty avant de faire quelques pas en arrière. L’arbitre siffle. Le jeune homme s’élance et frappe avec force et précision. Le malheureux gardien ne peut rien. Le stade exulte. En cette soirée de début mai, le Sénégal l’emporte 2 à 1 face au Tchad dans ce match de poule de la Coupe d’Afrique des nations universitaires de football.
Au bord du terrain, un homme s’agite comme un gamin. « Bravo les gars ! Bravo ! », répète-t-il en félicitant les vainqueurs. Jogging, sweat-shirt, casquette, Franck Yotedje a troqué ses habits de membre actif de la société civile pour la tenue de coach. Ce Camerounais de 31 ans, installé à Sfax depuis sept ans, préside l’association Afrique Intelligence. C’est à son initiative qu’a été organisée la compétition dans le but de rassembler, autour du sport, les jeunes originaires d’Afrique subsaharienne venus étudier dans le pays et leurs camarades tunisiens. A travers ce type d’événement, l’association œuvre ces dernières années à favoriser l’intégration des migrants. Elle agit particulièrement à Sfax, cité portuaire à la riche tradition marchande et deuxième ville du pays, où une communauté relativement importante d’étudiants, de stagiaires et de travailleurs est établie. Mais elle se bat surtout depuis quelques mois pour préserver un semblant de cohésion sociale, fortement ébranlée par la vague de violences racistes libérée le 21 février par le discours du président Kaïs Saïed à l’encontre des « hordes de migrants clandestins ».
En désignant la migration subsaharienne comme « un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie », le chef de l’Etat tunisien a fait de tout migrant subsaharien un complice présumé de ce prétendu complot. Tout s’est enchaîné dans la foulée de la harangue. Expulsés par leurs bailleurs, licenciés par leurs employeurs, les étrangers ont en outre dû essuyer des attaques physiques.
« Pendant le Covid, il y a eu un énorme élan de solidarité avec les migrants. Beaucoup de choses se sont mises en place pour venir en aide aux plus précaires. Après la pandémie, ça a permis l’organisation d’activités de cohésion sociale, de plaidoyer et on a obtenu certaines avancées. » Mais aujourd’hui, « tout est à refaire ».
Dans les semaines qui ont suivi la saillie présidentielle, Afrique Intelligence a recensé 246 agressions contre des migrants. Plus récemment, dans la nuit du 22 au 23 mai, une attaque raciste au couteau et au sabre perpétrée par des Tunisiens contre des migrants subsahariens a fait un mort et deux blessés. A Sfax, le climat est devenu électrique. Dimanche 25 juin, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans les rues de la cité portuaire devant le siège du gouvernorat pour protester contre la présence des migrants dans la ville. Les quelques écriteaux « Live together but live in peace » (« vivre ensemble mais vivre en paix ») et « No to racism » (« non au racisme ») ne sauraient faire oublier les chants de la foule : « Sfax n’est pas à vendre ! », « Fermez les frontières ! », « Le peuple veut l’expulsion des migrants ! ». A l’issue de la manifestation, certains protestataires ont même jeté des pierres vers des migrants soudanais installés dans un parc à proximité. Nombre d’habitants de Sfax opposés à la présence de ces derniers justifient leur véhémence par une « augmentation visible du nombre de migrants », responsable selon eux d’une « explosion de la criminalité ». L’un d’eux brandit son téléphone pour montrer la vidéo de ce qui semble être une rixe intracommunautaire entre plusieurs migrants dont l’un porte une machette. Les manifestants insistent : ils ne sont pas « racistes ». Ils se soucient juste, disent-ils, de « leur sécurité ».
« Quand on voit ça, on se sent rejetés, on se dit que la Tunisie ne veut pas de nous. C’est bien pour cela que beaucoup de gens sont partis », se désole Loïc Oyono, sept années passées à Sfax. Attablé à un café, cet entrepreneur camerounais de 29 ans à la voix suave, au style soigné, lunettes de soleil sur la tête malgré la nuit ambiante, s’affiche « solidaire avec les autres migrants ». Mais il précise que derrière les catégories globalisantes des « Africains » ou des « Subsahariens », il y a en réalité une pluralité de parcours. Les étudiants et stagiaires composent un premier groupe. Loïc Oyono en fait partie. Ils sont près de 8 000 à avoir choisi de venir poursuivre leurs études en Tunisie. A leurs côtés s’ajoutent des travailleurs et de travailleuses venus – généralement par avion – d’Afrique de l’Ouest pour occuper des emplois délaissés dans les secteurs du travail domestique, de l’agriculture, de la manufacture et du bâtiment. « Nombre d’entre eux ne sont pas en transit [vers l’Europe]. Ils ont trouvé un petit cocon, ils gagnent un peu d’argent et ils arrivent à vivre », rapporte M. Oyono. Puis, plus récemment, « il y a eu du changement » , ajoute-t-il. « On a noté une augmentation des migrants subsahariens issus de trajectoires différentes, notamment ceux arrivés par les frontières de la Libye et de l’Algérie », relève le Camerounais. Sfax, jusqu’alors port d’attache pour de nombreux citoyens du continent venus y chercher un avenir universitaire ou professionnel, s’est transformé en plateforme de départ vers l’Europe, alternative aux bases d’embarquement libyennes, sous pression croissante des garde-côtes du littoral tripolitain. La Tunisie a d’ailleurs supplanté son voisin comme premier point de départ vers le Vieux Continent : depuis le début de l’année, 30 000 personnes ont déjà rejoint les côtes italiennes, dont une grande majorité en partant du littoral nord de Sfax. C’est six fois plus qu’à la même période de 2022.
(...) Aux abords du marché, dans un parc peu fréquenté, de nouveaux migrants sont récemment apparus : plusieurs dizaines de Soudanais arrivés à la suite de l’éclatement à la mi-avril de la guerre dans leur pays. Précaires parmi les précaires, ils attendent une traversée pour l’Europe. Certains ont déjà tenté plusieurs fois le périple, mais ont été rattrapés au large par la Garde nationale maritime et ramenés au port de Sfax. Si la variété des trajectoires migratoires peut produire une confusion auprès de la population, entretenue au sommet de l’Etat, le patronat local, lui, sait tout ce qu’il doit à une population de travailleurs qu’il ne souhaite pas voir filer. « Il est vrai qu’aujourd’hui nous avons des difficultés à trouver de la main-d’œuvre », reconnaît Slim Marrakchi, porte-parole de l’antenne sfaxienne de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). « Ce qu’on propose, c’est la régularisation de ces migrants », lance-t-il comme un appel aux autorités. Les propositions de l’organisation sont précises : des cartes de séjour provisoires de trois ou six mois, lesquelles seraient prolongées « s’ils réussissent à trouver un emploi ». La position peut surprendre dans le contexte actuel mais elle reste pragmatique. Car Sfax est une ville industrielle, souvent qualifiée de poumon économique de la Tunisie. Et elle a besoin de bras, notamment dans des emplois non qualifiés que les Tunisiens ont tendance à délaisser, malgré le chômage.« Sfax, c’est la ville où il faut être, car il y a cette âme du travail », abonde Loïc Oyono, dont l’esprit d’entreprise a trouvé ici de quoi s’épanouir. Il est fort dommage, déplore-t-il, que nombre de résidents ne voient « la migration qu’à travers quelque chose de néfaste, de négatif ». Car, souligne-t-il, beaucoup parmi les nouveaux arrivants « apportent du positif » avec leur parcours « d’entrepreneurs, de membres de la société civile et de brillants étudiants », autant de profils qui « sont une force pour le pays ».
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]]>Le #business des #sous-locations de comptes #Stuart, #UberEats et #Deliveroo
Pour travailler, des centaines de sans-papiers sous-louent à prix d’or des comptes UberEats ou Deliveroo. Enquête sur ces forçats de la route, qui pédalent jour et nuit pour gagner de quoi tout juste se nourrir.
Il est 18 heures passées. Un groupe d’hommes encercle un thermos fumant. Chacun tient dans la main un petit verre en plastique rempli de thé chaud. Ils sont livreurs à vélo ou en scooter, de repas à domicile. Certains attendent la prochaine course, d’autres sont juste là pour passer un moment avec leurs anciens camarades de livraison. Début septembre, UberEats, la principale plateforme de livraison de repas, annonçait avoir déconnecté près de 2.500 comptes après avoir « identifié des utilisations frauduleuses » de l’application, explique à l’AFP un porte-parole. Il s’agit essentiellement de faux livreurs, soupçonnés de sous-louer leurs comptes à des travailleurs en situation irrégulière. Depuis, l’entreprise a procédé à des nouvelles déconnexions. Elles concernent désormais aussi des livreurs sans papiers, passés par l’Italie, qui s’étaient créés un statut d’auto-entrepreneur, nécessaire sur les plateformes, en s’appuyant sur des cartes d’identité italiennes non-valables à l’étranger. La sous-location de comptes n’a pas pour autant disparu. Sur Facebook, on trouve même des groupes dédiés à ce business. Désormais, la demande a dépassé l’offre. Les prix explosent.
Le prix des sous-locations explose
Affaissés sur leurs scooters, Sabri et Ahmed, deux jeunes de 24 ans venus d’Algérie, racontent en avoir fait les frais. « Pas le choix », soupire le second, derrière son cache-cou qui lui couvre à moitié la bouche. Sabri, livreur depuis un an, a trouvé une sous-location de compte UberEats sur Facebook. Il paie 150 euros par semaine. Ahmed, qui a commencé il y a deux ans à travailler sur la même plateforme, s’est débrouillé avec le bouche-à-oreille. Le marché des sous-locations est aussi souterrain et se fait souvent au sein même des communautés, par des « grands frères » ou « cousins », comme ils aiment les appeler. Ahmed quant à lui, débourse 130 euros par semaine. Un bon prix, assure-t-il. Certains reverseraient jusqu’à 200 euros. La vente de comptes est aussi possible, mais semble plus rare. Il faudrait compter 2.000 à 3.000 euros, contre 1.000 il y a quelques mois. Parfois, les livreurs paient aussi un pourcentage sur ce qu’ils gagnent : jusqu’à 50%, selon des livreurs. Et comme les comptes restent au nom du loueur, le locataire est sous contrôle. « Parfois, quand tu travailles plus, ils te demandent plus. Plus 20, plus 30, plus 40 euros maximum », détaille Ahmed. Sabri, en train de ranger un sac McDonald’s derrière son deux-roues, abonde :
« Quand je travaille beaucoup, il me demande jusqu’à 170 euros. »
Avec l’explosion des prix, certains ont décidé de s’orienter vers d’autres plateformes. C’est le cas de Bourema, qui, en se réveillant un matin de septembre, a appris après cinq ans de travail, par un simple mail, que son compte UberEats avait été déconnecté. « J’avais fait 15.000 courses avec ce compte-là. Je le payais chaque semaine 100 euros. Quand ça ne l’a plus arrangé, d’un coup Uber m’a banni de la plateforme », se rappelle-t-il. « Je me suis dit que la seule solution était d’aller faire la même chose encore. J’ai loué le compte d’un ami chez Deliveroo, mais un jour, il m’a dit qu’il voulait augmenter le prix à 150 euros. Je n’ai pas accepté. J’ai été obligé de prendre un compte chez Stuart, à 120 euros la semaine. » Mais Stuart compte moins d’utilisateurs. « Ça ne sonne pas. Si tu ne te réveilles pas à 7h du matin, tu n’as rien de la journée », explique le trentenaire originaire du Mali. Cela fait plus de trois heures qu’il a commencé à travailler et il vient tout juste de recevoir sa première commande.
Dans la livraison depuis 2017, Bourema ne sait même plus combien de comptes il a utilisés. Les livreurs sont en effet soumis au bon vouloir des loueurs, et donc aux arnaques : « Parfois, la personne décide du jour au lendemain d’arrêter, ou de donner le compte à quelqu’un qui peut payer plus. Donc tu es obligé de relouer encore. D’autres fois, tu peux travailler des semaines et le propriétaire du compte, au moment de te payer, disparaît. Il change les coordonnées et tu n’as pas l’argent ni rien. Tu ne peux même pas aller voir la police, donc tu te tais », raconte-t-il.
Tout est à leurs frais
Le téléphone de Sabri sonne : « 3,4 kilomètres, 5,60 euros. Moi ça me fait deux euros d’essence », se désole-t-il. À peine 3,60 euros de bénéf. Mais il accepte, résigné. Alors que depuis la fin des restrictions sanitaires les commandes se font moins fréquentes, ces prix permettent à peine aux livreurs de survivre. Ceux interrogés expliquent faire plus ou moins 1.000 euros par mois en moyenne de chiffre d’affaires. Un peu plus en scooter. Mais il faut payer le véhicule, l’assurance et le prix de l’essence. « C’est entre 10 et 15 euros par jour le gasoil », confirme Ahmed qui a commencé sa journée à 8 heures du matin mais va rester travailler jusqu’à minuit au moins. « J’habite avec un ami et je paye 350 euros par mois de loyer. 520 euros le compte, 10 euros le gasoil la journée… quand ça sonne pas il te reste 20 euros [par semaine] dans la poche pour manger et c’est tout », résume-t-il. Et les amendes ? Impossible de les payer. « Comment je peux payer ça ? » se demande le jeune qui vient quand même d’offrir un paquet de cigarettes à son ami. Lui, qui, en Algérie, évoluait dans les sélections jeunes de l’équipe nationale de basket, a aujourd’hui « arrêté de jouer à cause du travail ».
Pour ne pas avoir à payer l’essence, Bourema, lui, loue aujourd’hui un vélo électrique à 80 euros par mois. Les plateformes, comme Uber Eats ou Deliveroo, proposent des réductions en partenariat avec des marques de vente et de location de vélos, ainsi que d’accessoires et d’outils de réparation. Un pansement sur une jambe de bois pour les livreurs sans papiers, soumis à tous les aléas du métier et peu protégés par les assurances. « Cette semaine, on m’a volé mon vélo », raconte Bourema. « J’ai été obligé de payer 200 euros, les 200 euros que j’ai fait la semaine passée, pour en récupérer un autre. Maintenant comment manger et comment payer ma maison ? Il me faut un vélo en premier, pour m’occuper des autres problèmes », pointe-t-il en rangeant son sac Picard, moins cher et plus résistant que ceux des plateformes que l’on peut trouver à 50 euros en moyenne en vente sur Facebook.
Il y a aussi les frais médicaux. Renversé par une voiture il y a un mois, Bourema a aussi dû prendre en charge sa visite à l’hôpital. Sans assurance maladie, beaucoup de livreurs victimes d’accidents évitent d’aller chez le toubib et préfèrent se soigner eux-mêmes. Mais le livreur malien, « crachait du sang partout », se souvient-il.
La peur au quotidien
Chaque jour, avant de se connecter sur l’application, les livreurs UberEats sont aussi obligés d’aller voir leur loueur pour qu’il se prenne en photo sur l’application. Uber Eats a en effet mis en place depuis 2019 un système d’identification en temps réel qui demande aléatoirement aux livreurs de se prendre en « selfie », désormais plusieurs fois par semaine. La plateforme peut aussi détecter si la reconnaissance faciale est effectuée à partir d’un autre téléphone. Les livreurs doivent donc pouvoir rencontrer régulièrement le propriétaire du compte car, si les photos ne correspondent pas, ce dernier est suspendu et puis désactivé. La plateforme Deliveroo a aussi commencé depuis peu à utiliser ce système, d’après les livreurs.
Avec les contrôles d’identité, les contrôles policiers sont aussi une source de stress majeure pour les livreurs, en particulier depuis le début des suppressions de comptes cet été. « Il suffit de voir la police pour que tout bascule. On a peur mais on fait avec, c’est notre quotidien », confie Bourema qui a été contrôlé plusieurs fois ces derniers mois mais n’a jamais été retenu. Sabri et Ahmed n’ont pas eu la même chance et ont passé quelques nuits au commissariat. Dans ce cas-là, il y a le risque d’être expulsé mais celui aussi de voir son compte sauter. Ahmed explique :
« S’ils voient les coordonnées du compte, ils le signalent et le compte est bloqué directement. Et le lendemain je n’ai pas de travail. »
Alors par deux fois, il a fait le choix de casser son téléphone avant qu’il ne tombe entre les mains des fonctionnaires de police. Leur seule arme, des groupes sur les réseaux sociaux qui leur permettent de se tenir informés sur les contrôles dans les différents quartiers de Paris.
Depuis septembre, le collectif « #UberEats_En_Colère », aux côtés du #Clap (#Collectif_des_Livreurs_Autonomes_des_Plateformes) a manifesté cinq fois pour demander la #régularisation des livreurs sans papiers. Sans succès pour l’instant. Entre les conditions de sous-locations et les conditions de travail, beaucoup de livreurs ont le moral en berne. Beaucoup ont entendu parler de la « loi Darmanin » qui permettrait d’instaurer un titre de séjour temporaire pour les « métiers en tension ». Pour toutes ces raisons, ils sont nombreux à tenter de se reconvertir dans la cuisine, le ménage ou le BTP, comme Aboubakar. L’Ivoirien a arrêté la livraison depuis qu’UberEats a désactivé son compte en novembre, car il utilisait une carte d’identité italienne. Il a travaillé un peu dans le bâtiment mais il n’a pas été gardé. Mais aujourd’hui, il a le sourire. Ce soir, il vient fêter avec ses amis #livreurs la naissance, le matin même, de ses deux jumeaux. « On attend que Dieu nous donne les papiers », confie-t-il.
Contacté par StreetPress, UberEats assure avoir « attiré l’attention du Gouvernement sur comment faciliter la régularisation des travailleurs indépendants », qui aujourd’hui n’est possible que pour « les travailleurs illégaux employés en tant que salariés ».
▻https://www.streetpress.com/sujet/1678707095-business-sous-locations-comptes-livreurs-stuart-ubereats-del
#uber #ubérisation #travail #conditions_de_travail #sans-papiers #exploitation
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« La régularisation des sans-papiers n’induit pas d’appel d’air »
Alors que le gouvernement envisage de faciliter la régularisation de certains travailleurs sans-papiers, l’économiste espagnol détaille les diverses conséquences d’une telle mesure
Dans une étude publiée en février 2018 et actualisée en 2022 (▻https://www.dropbox.com/s/izdbk59busoja78/Spanish_regularization_Rev_v1.pdf?dl=0), les économistes Joan Monras (Réserve fédérale de San Francisco), Elias Ferran (université de Valence) et Javier Vazquez-Grenno (université de Barcelone) ont analysé les conséquences d’une vaste régularisation de 600 000 migrants extra-européens décidée par le gouvernement socialiste espagnol en 2005.
Vous êtes coauteur d’une étude sur les conséquences de la régularisation de 600 000 personnes en Espagne en 2005. Un des principaux enseignements de ces travaux est qu’une régularisation massive n’induit pas d’appel d’air…
En 2004, on estimait qu’il y avait presque un million de sans-papiers en Espagne. La mesure de régularisation a bénéficié à environ 600 000 personnes. Mais elle n’a provoqué aucun appel d’air en Espagne. Pour s’en rendre compte, nous nous sommes intéressés aux chiffres des ressortissants extra-européens vivant en Espagne. Et on a constaté que ces chiffres n’avaient pas bougé.
Par exemple, si on regarde les Equatoriens, il n’y a pas eu de changement, puisque leur nombre total s’établit autour de 400 000, en 2004 comme en 2008. Dans le même intervalle de temps, le nombre de Marocains a augmenté de 150 000, mais sans aucune rupture perceptible dans la tendance après l’adoption de la mesure de régularisation, ce qui laisse penser que d’autres facteurs, indépendants de cette mesure, ont joué.
On peut expliquer cette absence d’appel d’air notamment par le fait que la mesure de régularisation visait les personnes déjà présentes en Espagne puisque, pour en bénéficier, il fallait remplir des conditions comme être présent depuis déjà au moins six mois dans le pays et avoir un contrat pour au moins les six prochains mois.
Nous pensons même que la régularisation a pu jouer en défaveur de flux nouveaux, puisqu’elle a été accompagnée d’un renforcement des contrôles de l’inspection du travail visant à combattre le travail au noir, ce qui a pu rendre plus difficile l’embauche de travailleurs sans papiers. Nous restons toutefois prudents sur les effets à long terme de la mesure car, dès 2008, l’Espagne a été touchée par la crise économique, ce qui a pu avoir pour effet de diminuer la demande de travail.
Des constats similaires ont-ils été faits dans d’autres pays ?
En 1986, les Etats-Unis ont adopté l’Immigration Reform and Control Act (IRCA), une amnistie qui a permis à quelque trois millions d’immigrés de régulariser leur situation. Des articles de recherche ont regardé si cette loi avait provoqué une augmentation de l’immigration et ils trouvent que non. Ce n’est pas une vérité absolue, cela dépend certainement des contours de la politique mise en œuvre et du contexte économique, mais on a des exemples variés, en Espagne et aux Etats-Unis, qui trouvent que la régularisation n’induit pas d’appel d’air.
Comment la régularisation peut-elle être un frein au travail au noir ?
Si la régularisation est accompagnée d’un renforcement des contrôles de l’inspection du travail, cela a pour effet d’augmenter le coût du travail au noir. En outre, en exigeant des personnes un contrat de travail d’au moins six mois pour être régularisées, la mesure décidée par le gouvernement espagnol a incité des travailleurs à sortir du travail au noir. Cela est particulièrement visible dans le secteur du ménage à domicile.
Beaucoup des personnes qui ont été régularisées étaient des femmes de ménage d’origine extra-européenne qui travaillaient de façon non déclarée au domicile de particuliers. La régularisation a provoqué une hausse très importante du nombre d’entre elles qui étaient déclarées, passé de 60 000 à 160 000.
Toutefois, à moyen terme, le chiffre dans ce secteur est retombé autour de 110 000. Nous pensons que, une fois régularisées, ces travailleuses ont saisi des opportunités dans d’autres secteurs, notamment dans les hôtels-restaurants ou le nettoyage en entreprise. Mais il est également possible qu’une fraction de ces travailleurs soit retournée sur le marché informel.
Vous battez aussi en brèche l’idée répandue selon laquelle le recours à la main-d’œuvre immigrée tire les salaires vers le bas…
La régularisation de travailleurs peut exercer, dans un premier temps, une pression à la baisse sur les salaires puisque l’offre de travail se trouve augmentée mais, dans le même temps, en régularisant leur situation, les immigrés ont accès à plus d’opportunités de travail et cela augmente leur pouvoir de négociation avec les entreprises. Nous estimons que cette capacité de négociation peut leur permettre d’obtenir des niveaux de salaire plus élevés d’environ 20 % en moyenne. A long terme, ces deux effets se conjuguent et il n’y a pas de changement substantiel sur le niveau des salaires. Cela fait écho aux résultats de l’économiste et Prix Nobel d’économie David Card qui s’était intéressé à l’exode depuis le port cubain de Mariel dans les années 1980, lorsque quelque 1 250 000 Cubains avaient rejoint Miami.
En revanche, vous montrez que les bénéfices sont manifestes pour les finances publiques…
Nous avons calculé que, pour chaque migrant régularisé, les cotisations patronales ont augmenté de 4 000 euros en moyenne par an. Toutefois, nous avons aussi constaté que le travail au noir n’a pas disparu. Passé une première période au cours de laquelle le travail au noir a reculé, celui-ci reprend car des entreprises cherchent toujours à échapper aux cotisations sociales, et des travailleurs peuvent être intéressés par des salaires plus élevés car non soumis à l’impôt sur le revenu.
Mais cette réalité dépasse la question des travailleurs migrants. En Espagne, le marché informel est très important et concerne les travailleurs espagnols eux-mêmes, dans des secteurs comme le bâtiment ou le tourisme. En cela, les migrants n’ont pas une attitude différente de celle des natifs.
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/07/la-regularisation-des-sans-papiers-n-induit-pas-d-appel-d-air_6168644_3232.h
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