• Au #procès des folles

    « Les violences sont déplacées dans le champs du #fantasme »

    Victimes de violences physiques et psychologiques de la part de leurs ex conjoints, Anouk et Marie doivent être expertisées par des psychologues et psychiatres suite aux #démarches_juridiques qu’elles entament, au pénal et au civil. Elles racontent leurs expériences traumatisantes face à des expertes qui minimisent les faits, remettent en doute leurs paroles, symétrisent les comportements ou encore les accusent d’être hystériques et masochistes. Ces psys considèrent qu’Anouk et Marie « y sont sans doute pour quelque chose », compte tenu de leurs profils psychologiques.

    De très nombreuses femmes vivent les mêmes expériences, source de nouveaux traumatismes, devant la justice, mais aussi dans les cabinets libéraux. Cet épisode décrypte le processus de #psychologisation de la violence (des victimes, mais aussi des agresseurs) qui permet de mieux l’occulter. Avec les analyses de psychologues et d’avocates qui tentent de faire changer ces pratiques.

    https://www.arteradio.com/son/61684896/au_proces_des_folles
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    #audio #podcast

    ping @_kg_

    • Merci
      Cette émission a fait un écho tremblant aux accusations et dénigrements de psychologues dont j’avais requis les compétences pour m’aider (croyais-je) alors que j’étais en soin pour un cancer du sein métastasé. La première, je n’ai pas ouvert la bouche que déjà elle me dit que je me suis assise de façon présomptueuse et un autre moment elle rit en me disant qu’elle voudrait bien voir mon enfant pour savoir comment il s’en sort d’avoir une mère comme moi. Une autre, à qui j’ai demandé d’agir en relais le temps des soins pour mon enfant qui débute ses études, et qui présente des phases dépressives suite à des maltraitances de son père, lui conseille d’aller vivre chez lui devenu SDF à 600km de là et me donne un rdv où j’apprends qu’il sera présent, refusant de m’entendre alors que c’est moi qui l’ai toujours payé. Tellement choquée que je pars en voir une autre pour lui demander si il est normal d’agir ainsi. Cette fois, en sortant, j’étais responsable du cancer qui m’avait fait perdre mon sein dû à des problèmes psys de maternité non résolu, j’allais détruire mon entourage, mon enfant également et j’avais juste envie de me suicider.
      J’ai quand même repris trois mois plus tard un suivi par une psychologue de la clinique qui m’a cette fois réellement écoutée et aidée. Jamais eu le courage cependant de retourner voir les 3 autres pour dénoncer leur incompétence et leurs humiliations.

      #psychologues #violences_psychologiques #maternophobie #courage_des_femmes

  • « En amour, nous sommes devenus des machines évaluatives » - Eva Illouz 
    https://www.liberation.fr/debats/2020/02/13/en-amour-nous-sommes-devenus-des-machines-evaluatives_1778305

    Dans son dernier essai, « la Fin de l’amour », la sociologue Eva Illouz décrypte la marchandisation de nos relations les plus intimes. Nous aurions échangé la liberté contre l’instabilité.

    Comment le capitalisme agit-il sur les relations amoureuses ? Tel est le terrain de jeu d’Eva Illouz, directrice d’études à l’EHESS depuis près de vingt ans. Dans son dernier essai, la Fin de l’amour. Enquête sur un désarroi contemporain (Seuil, 2020), la chercheuse se penche sur ces moments où l’on cesse d’aimer. Une enquête sociologique sur ces fins de partie qui révèle qu’en matière d’amour la liberté s’exerce surtout par un non-choix, aux dépens de l’autre.

    Votre livre s’intitule la Fin de l’amour, une thèse très définitive, non ?

    L’amour est pour moi une façon de comprendre plus généralement la modernité. Il ne s’agit pas bien sûr de la fin de l’amour en tant qu’idée et que représentation. Le livre s’intéresse au décalage entre la croyance et la représentation romantique de l’amour d’une part et aux pratiques amoureuses dans lesquelles j’observe une certaine décomposition de l’amour en tant qu’émotion qui était perçue sur le mode religieux comme transcendantale. La forme stable de l’amour est devenue un problème sociologique, un problème à nous-mêmes, une question que nous traitons à l’infini. Il y a dans ce titre une sorte de diagnostic de civilisation : le concept de non-amour qualifie le mieux l’état des rapports intimes aujourd’hui. Durkheim parlait d’« anomie » pour qualifier la façon dont les liens sociaux se défont. La rupture des liens intimes, potentiels ou réels, est aujourd’hui productive, c’est-à-dire liée à l’usage des réseaux sociaux, de la technologie et de la consommation. Cette anomie génère une grande activité sociale et économique. Avec les réseaux sociaux, les sites de rencontres et les applications tels que Tinder, les moyens de chercher l’amour, sont démultipliés, mais deviennent vite le lieu d’expression de différences entre les sexes et les genres. Plus qu’un manque de désir, je vois dans cette non-sociabilité l’affirmation d’une position de pouvoir. Dans une relation, la personne la plus détachée est toujours celle qui détient le pouvoir. La confiance a été définie par un économiste comme la capacité de se rendre le premier vulnérable. Ce sont les mécanismes sociaux permettant que quelqu’un se rende vulnérable le premier qui font de plus en plus défaut.

    Si les relations prennent fin, le couple demeure le modèle social dominant…

    Absolument mais le chemin pour y arriver a changé. Et cela n’a rien d’anecdotique. L’institutionnalisation de la sexualité d’une nuit génère des changements profonds dans les parcours biographiques, et dans l’outillage mental et psychologique dont les acteurs doivent être munis. On a échangé la liberté pour l’instabilité généralisée. L’incertitude préside à la formation des liens, elle est aussi à l’œuvre dans les liens eux-mêmes. J’examine dans ce livre l’incertitude comme problème et mécanisme social. Elle touche nos sentiments mais aussi ceux d’autrui et génère de la souffrance. On a souvent pensé la souffrance amoureuse comme relevant du domaine du psychologique, pour moi, il s’agit d’une expérience sociale qui touche notamment les femmes mais aussi les hommes comme le montre le phénomène des Incel, les célibataires involontaires dont Houellebecq parlait déjà dans son livre Extension du domaine de la lutte. Ils sont les laissés- pour-compte de ce nouveau marché néolibéral de la sexualité.

    Comment expliquer cette décomposition de ces liens ?

    Le désamour est le résultat de forces sociologiques plus générales. Elle est d’abord une conséquence de la libération sexuelle au tournant des années 60 et 70. Le féminisme et la libération sexuelle ont eu pour effet de rendre légitime la sexualisation des rapports, la séparation entre émotions et sexualité. Mon idée est périlleuse dans une époque qui fait de la liberté une valeur suprême, mais j’ai voulu travailler sur les pathologies de la liberté, analyser comment cette valeur devient institutionnalisée dans des technologies et organisations capitalistes et transforme le moi et les liens de l’intérieur. Ce sont les hommes qui tirent leur épingle du jeu de cette libération sexuelle parce que le capital sexuel qui se traduit par l’accumulation des relations sexuelles est devenu un attribut de la masculinité contemporaine alors qu’elle est en contradiction avec une certaine forme de l’identité féminine qui peut être de l’ordre du soin, tournée davantage vers l’affectif et le relationnel. L’institutionnalisation de la sexualité a pour effet de déstructurer toutes les normes, les rituels ou les règles avec lesquels les gens se rencontraient et créaient du lien.

    L’essor du capitalisme va jouer aussi un rôle essentiel, notamment les industries scopiques qui vont extraire une plus-value phénoménale du corps des femmes et qui vont marchandiser comme jamais dans l’histoire le corps sexualisé des femmes. Le sujet sexuel contemporain est un sujet économique. La sexualité est devenue économique.

    La libération sexuelle aurait selon vous profité davantage aux hommes, des sociologues ont pourtant montré que certaines femmes sont très heureuses des relations éphémères…

    Dire qu’on prend du plaisir à la sexualité ne veut pas dire qu’on ne souffre pas des conditions générales de l’hétérosexualité contemporaine. Mon livre est une ethnographique critique de l’hétérosexualité, il s’agit de comprendre l’interaction entre liberté et inégalités, davantage à l’œuvre dans les couples hétérosexuels que dans les couples homosexuels, et sans doute plus vraie pour la génération baby-boom que pour les « millennials ». L’expérience sociale que je décris est éminemment ambivalente, la libération sexuelle a été une source de plaisir, de pouvoir et d’autonomie pour les femmes mais génère aussi de la souffrance sociale qu’il convient de théoriser.

    Le choix multiple de partenaires via les applications de rencontres n’est-il pas une cause spécifique de ce désordre affectif ?

    Tinder est une forme sociale qui s’inscrit dans l’histoire de la libération sexuelle en levant les barrières sociales et morales sur la sexualité. Nous pouvons désormais avoir des relations sexuelles avec tout le monde. Or, la mécanique du désir s’accommode mieux de la rareté. De plus, nous sommes devenus des machines évaluatives : on approche les autres moins sur le mode épiphanique de l’amour et davantage comme l’effet d’une évaluation et d’un choix sur le mode de la consommation. On recherche sur les sites de rencontres une adéquation des goûts qui, loin de faciliter les relations, les empoisonnent. Plus on rencontre des personnes, plus on prend conscience de ce qui leur manque. Tout ce processus s’inscrit dans une nouvelle phase de l’individualisme où le moi s’affirme précisément par ce qu’il rejette.

    #Eva_Illouz #hétérosexualité #non-amour #relation #relation_de_pouvoir #pathologies_de_la_liberté #moi