• Neuvième partie : La nouvelle structure de l’autonomie zapatiste. « Enlace Zapatista
    https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2023/12/01/neuvieme-partie-la-nouvelle-structure-de-lautonomie-zapatis

    Je vais essayer de vous expliquer comment nous avons réorganisé l’autonomie, c’est-à-dire à quoi ressemble la nouvelle structure de l’autonomie zapatiste. Et plus tard, je vous donnerai des explications plus détaillées. Ou peut-être non, je ne vous en expliquerai pas plus, car c’est la pratique qui compte. Bien sûr, vous pouvez aussi venir à l’anniversaire et voir les pièces de théâtre, chansons, poésies et les arts et culture de cette nouvelle étape de notre lutte. Sinon, les tercios compas vous enverront des photos et vidéos. À un autre moment, je vous raconterai ce que nous avons trouvé de bon et de mauvais dans notre bilan critique des MAREZ et des CBG. Maintenant, je vais juste vous dire où on en est.

    […]

    Quatrièmement. – Comme on pourra le voir dans la pratique, le commandement et la coordination de l’autonomie ont été transférés des CBG et des MAREZ aux pueblos et aux communautés, aux GAL. Les zones (ACGAZ) et les régions (CGAZ) sont commandées par les pueblos, elles doivent rendre des comptes aux pueblos et chercher des moyens de répondre à leurs besoins en matière de santé, d’éducation, de justice, d’alimentation et à ceux découlant de situations d’urgence causées par les catastrophes naturelles, pandémies, crimes, invasions, guerres et autres malheurs causés par le système capitaliste.

    Cinquièmement. – La structure et la configuration de l’EZLN ont été réorganisées de manière à accroître la défense et la sécurité des localités et de la terre mère en cas d’agressions, d’attaques, d’épidémies, d’invasion par des entreprises prédatrices de la nature, d’occupations militaires partielles ou totales, de catastrophes naturelles et de guerres nucléaires. Nous nous sommes préparés pour que nos pueblos survivent, même isolés les uns des autres.

    Sixièmement. – Nous comprenons qu’il vous soit difficile d’assimiler ceci. Et que vous deviez batailler un certain temps pour le comprendre. Cela nous a demandé 10 ans à nous pour le penser, et sur ces 10 ans, 3 pour le préparer à la pratique.

    […]

    En réalité, l’unique intention de ce communiqué est de vous dire que l’autonomie zapatiste continue et avance, que nous pensons qu’il en sera mieux ainsi pour les pueblos, communautés, lieux-dits, quartiers, arrondissements, ejidos et hameaux où habitent, c’est-à-dire, luttent les bases d’appui zapatistes. Et que cela a été une décision de leur part, qui a pris en compte leurs idées et propositions, leurs critiques et autocritiques.

    […]

    Nous avons certainement commis beaucoup d’erreurs pendant toutes ces années. Nous en ferons certainement beaucoup d’autres pendant les 120 prochaines années. Mais nous NE nous rendrons PAS, nous NE changerons PAS de chemin, nous NE nous vendrons PAS. Nous examinerons toujours notre lutte, ses temps et ses manières avec un regard critique.

    #zapatistes #réorganisation #démocratie #autonomie #politique #communisme #communalisme #Moises #autocritique #processus

  • Où le #classement_de_Shanghaï mène-t-il l’#université française ?

    Le classement de #Shanghaï, dont les résultats sont publiés mardi 15 août, a façonné une idée jamais débattue de l’« #excellence ». Des universitaires appellent à définir « une vision du monde du savoir » propre au service public qu’est l’enseignement supérieur français.

    Des universités à la renommée mondiale qui attirent les meilleurs étudiants, les chercheurs les plus qualifiés et les partenaires financiers les plus magnanimes : depuis l’avènement des classements internationaux dans l’#enseignement_supérieur, il y a vingt ans, la quête d’une certaine idée de l’« excellence » a intégré le vocabulaire universitaire, jusqu’à se muer en un projet politique.

    En France, en août 2003, la première édition du classement de Shanghaï, qui publie mardi 15 août son édition 2023, a été un coup de tonnerre : ignorant les subtilités administratives hexagonales et la tripartition entre #universités, grandes écoles et organismes de recherche, le palmarès n’avait distingué dans son top 50 aucun des fleurons nationaux. Piqués au vif, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans la brèche et ont cherché les outils pour se conformer aux #standards. En 2010, le président de la République, #Nicolas_Sarkozy, avait fixé à sa ministre de l’enseignement supérieur, #Valérie_Pécresse, un #objectif précis : placer deux établissements français dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers du classement de Shanghaï.

    La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, votée en 2007, portait alors ses premiers fruits, présentés en personne par Mme Pécresse, en juillet 2010, aux professeurs #Nian_Cai_Liu et #Ying_Cheng, les deux créateurs du classement. Les incitations aux #regroupements entre universités, grandes écoles et organismes de recherche ont fleuri sous différents noms au gré des appels à projets organisés par l’Etat pour distribuer d’importants investissements publics (#IDEX, #I-SITE, #Labex, #PRES, #Comue), jusqu’en 2018, avec le nouveau statut d’#établissement_public_expérimental (#EPE). Toutes ces tactiques politiques apparaissent comme autant de stigmates français du palmarès chinois.

    Ces grandes manœuvres ont été orchestrées sans qu’une question fondamentale soit jamais posée : quelle est la vision du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que véhicule le classement de Shanghaï ? Lorsqu’il a été conçu, à la demande du gouvernement chinois, le palmarès n’avait qu’un objectif : accélérer la #modernisation des universités du pays en y calquant les caractéristiques des grandes universités nord-américaines de l’#Ivy_League, Harvard en tête. On est donc très loin du #modèle_français, où, selon le #code_de_l’éducation, l’université participe d’un #service_public de l’enseignement supérieur.

    « Société de marché »

    Pour la philosophe Fabienne Brugère, la France continue, comme la Chine, de « rêver aux grandes universités américaines sans être capable d’inventer un modèle français avec une #vision du savoir et la perspective d’un bonheur public ». « N’est-il pas temps de donner une vision de l’université ?, s’interroge-t-elle dans la revue Esprit (« Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023, 22 euros). J’aimerais proposer un regard décalé sur l’université, laisser de côté la question des alliances, des regroupements et des moyens, pour poser une condition de sa gouvernance : une #vision_du_monde_du_savoir. »

    Citant un texte du philosophe Jacques Derrida paru en 2001, deux ans avant le premier classement de Shanghaï, la professeure à Paris-VIII définit l’université comme « inconditionnelle, en ce qu’elle peut #repenser_le_monde, l’humanité, élaborer des #utopies et des #savoirs nouveaux ». Or, « vingt ans après, force est de constater que ce texte reste un objet non identifié, et que rien dans le paysage universitaire mondial ne ressemble à ce qu’il projette, regrette Fabienne Brugère. Les grandes universités américaines que nous admirons et dans lesquelles Derrida a enseigné sont habitées par la société de marché ».

    Ironie du sort, c’est justement l’argent qui « coule à flots » qui garantit dans ces établissements de l’hyperélite des qualités d’étude et de bon encadrement ainsi qu’une administration efficace… Autant de missions que le service public de l’université française peine tant à remplir. « La scholè, le regard scolastique, cette disposition à l’étude, ce temps privilégié et déconnecté où l’on apprend n’est possible que parce que la grande machine capitaliste la fait tenir », déplore Mme Brugère.

    En imposant arbitrairement ses critères – fondés essentiellement sur le nombre de #publications_scientifiques en langue anglaise, de prix Nobel et de médailles Fields –, le classement de Shanghaï a défini, hors de tout débat démocratique, une #vision_normative de ce qu’est une « bonne » université. La recherche qui y est conduite doit être efficace économiquement et permettre un #retour_sur_investissement. « Il ne peut donc y avoir ni usagers ni service public, ce qui constitue un #déni_de_réalité, en tout cas pour le cas français », relevait le sociologue Fabien Eloire dans un article consacré au palmarès, en 2010. Est-il « vraiment raisonnable et sérieux de chercher à modifier en profondeur le système universitaire français pour que quelques universités d’élite soient en mesure de monter dans ce classement ? », questionnait le professeur à l’université de Lille.

    Derrière cet effacement des #spécificités_nationales, « une nouvelle rhétorique institutionnelle » s’est mise en place autour de l’« #économie_de_la_connaissance ». « On ne parle plus de “l’#acquisition_du_savoir”, trop marquée par une certaine #gratuité, mais de “l’#acquisition_de_compétences”, efficaces, directement orientées, adaptatives, plus en phase avec le discours économique et managérial », concluait le chercheur.

    Un poids à relativiser

    A y regarder de plus près, Shanghaï et les autres classements internationaux influents que sont les palmarès britanniques #QS_World_University_Rankings (#QS) et #Times_Higher_Education (#THE) valorisent des pays dont les fleurons n’accueillent finalement qu’un effectif limité au regard de leur population étudiante et du nombre total d’habitants. Le poids réel des « #universités_de_prestige » doit donc être relativisé, y compris dans les pays arrivant systématiquement aux tout premiers rangs dans les classements.

    Pour en rendre compte, Le Monde a listé les 80 universités issues de 16 pays qui figuraient en 2022 parmi les 60 premières des classements QS, THE et Shanghaï. Grâce aux sites Internet des établissements et aux données de Campus France, le nombre total d’étudiants dans ces universités a été relevé, et mis en comparaison avec deux autres statistiques : la démographie étudiante et la démographie totale du pays.

    Le cas des Etats-Unis est éclairant : ils arrivent à la 10e position sur 16 pays, avec seulement 6,3 % des étudiants (1,2 million) dans les 33 universités classées, soit 0,36 % de la population américaine.

    Singapour se place en tête, qui totalise 28,5 % des étudiants inscrits (56 900 étudiants) dans les huit universités de l’hyperélite des classements, soit 0,9 % de sa population. Suivent Hongkong, avec 60 500 étudiants dans quatre universités (20,7 % des étudiants, 0,8 % de sa population), et la Suisse, avec 63 800 étudiants dans trois établissements (19,9 % des étudiants, 0,7 % de sa population).

    Avec 98 600 étudiants dans quatre universités classées (Paris-Saclay, PSL, Sorbonne Université, Institut polytechnique de Paris), la France compte 3,2 % des étudiants dans l’hyperélite universitaire mondiale, soit 0,1 % de la population totale.

    La Chine arrive dernière : 255 200 étudiants sont inscrits dans les cinq universités distinguées (Tsinghua, Peking, Zhejiang, Shanghai Jiao Tong et Fudan), ce qui représente 0,08 % de sa population étudiante et 0,018 % de sa population totale.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/08/14/ou-le-classement-de-shanghai-mene-t-il-l-universite-francaise_6185365_440146

    #compétences #critique

    • Classement de Shanghaï 2023 : penser l’enseignement supérieur en dehors des palmarès

      Depuis vingt ans, les responsables politiques français ont fait du « standard » de Shanghaï une clé de #réorganisation des établissements d’enseignement supérieur. Mais cet objectif d’inscription dans la #compétition_internationale ne peut tenir lieu de substitut à une #politique_universitaire.

      Comme tous les classements, celui dit « de Shanghaï », censé comparer le niveau des universités du monde entier, suscite des réactions contradictoires. Que les championnes françaises y soient médiocrement placées, et l’on y voit un signe de déclassement ; qu’elles y figurent en bonne place, et c’est le principe du classement qui vient à être critiqué. Le retour de l’université française Paris-Saclay dans le top 15 de ce palmarès de 1 000 établissements du monde entier, établi par un cabinet chinois de consultants et rendu public mardi 15 août, n’échappe pas à la règle. Au premier abord, c’est une bonne nouvelle pour l’enseignement supérieur français, Paris-Saclay se hissant, derrière l’américaine Harvard ou la britannique Cambridge, au rang de première université non anglo-saxonne.

      Pourtant, ce succès apparent pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses sur l’état réel de l’enseignement supérieur français. Certes, la montée en puissance du classement chinois, créé en 2003, a participé à l’indispensable prise de conscience de l’inscription du système hexagonal dans un environnement international concurrentiel. Mais les six critères qui président arbitrairement à ce « hit-parade » annuel, focalisés sur le nombre de prix Nobel et de publications dans le seul domaine des sciences « dures », mais qui ignorent étrangement la qualité de l’enseignement, le taux de réussite ou d’insertion professionnelle des étudiants, ont conforté, sous prétexte d’« excellence », une norme restrictive, au surplus indifférente au respect des libertés académiques, politique chinoise oblige.

      Que les responsables politiques français aient, depuis vingt ans, cédé à ce « standard » de Shanghaï au point d’en faire une clé de réorganisation des établissements d’enseignement supérieur ne laisse pas d’étonner. Le principe « grossir pour être visible » (dans les classements internationaux) a servi de maître mot, il est vrai avec un certain succès. Alors qu’aucun établissement français ne figurait dans les cinquante premières places en 2003, ils sont trois aujourd’hui. Paris-Saclay résulte en réalité de la fusion d’une université, de quatre grandes écoles et de sept organismes de recherche, soit 13 % de la recherche française.

      Mais cette politique volontariste de #fusions à marche forcée, soutenue par d’importants crédits, n’a fait qu’alourdir le fonctionnement des nouvelles entités. Surtout, cette focalisation sur la nécessité d’atteindre à tout prix une taille critique et de favoriser l’excellence n’a fait que masquer les #impensés qui pèsent sur l’enseignement supérieur français : comment améliorer la #qualité de l’enseignement et favoriser la réussite du plus grand nombre ? Quid du dualisme entre universités et grandes écoles ? Quelles sources de financement pour éviter la paupérisation des universités ? Comment éviter la fuite des chercheurs, aux conditions de travail de plus en plus difficiles ? Et, par-dessus tout : quel rôle dans la construction des savoirs dans un pays et un monde en pleine mutation ?

      A ces lourdes interrogations, l’#obsession du classement de Shanghaï, dont le rôle de promotion des standards chinois apparaît de plus en plus nettement, ne peut certainement pas répondre. Certes, l’enseignement supérieur doit être considéré en France, à l’instar d’autres pays, comme un puissant outil de #soft_power. Mais l’objectif d’inscription dans la compétition internationale ne peut tenir lieu de substitut à une politique universitaire absente des débats et des décisions, alors qu’elle devrait y figurer prioritairement.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/15/classement-de-shanghai-2023-penser-l-enseignement-superieur-en-dehors-des-pa

    • Au même temps, #Emmanuel_Macron...

      Avec 27 universités représentées, le classement de Shanghai met à l’honneur l’excellence française.

      Acteurs de l’enseignement et de la recherche : merci !

      Vous faites de la France une grande Nation de formation, de recherche et d’innovation. Nous continuerons à vous soutenir.


      https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1691339082905833473
      #Macron

    • Classement de Miamïam des universités françaises.

      Ayé. Comme chaque année le classement de Shangaï est paru. Et l’auto-satisfecit est de mise au sommet de l’état (Macron, Borne, et bien sûr Oui-Oui Retailleau). Imaginez un peu : 27 de nos établissements français (universités et grandes écoles) y figurent.

      Rappel pour les gens qui ne sont pas familiers de ces problématiques : le classement de Shangaï est un classement international très (mais vraiment très très très) sujet à caution, qui s’est imposé principalement grâce à une bonne stratégie marketing (et à un solide lobbying), et qui ne prend en compte que les publications scientifiques des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de l’université : ce qui veut dire qu’il ne regarde pas “l’activité scientifique” dans sa globalité, et que surtout il n’en a rien à secouer de la partie “enseignement” ni, par exemple, du taux de réussite des étudiants et étudiantes. C’est donc une vision a minima hémiplégique de l’université. Il avait été créé par des chercheurs de l’université de Shangaï comme un Benchmark pour permettre aux université chinoises d’essayer de s’aligner sur le modèle de publication scientifique des universités américaines, donc dans un contexte très particulier et avec un objectif politique de soft power tout à fait explicite. Ces chercheurs ont maintenant créé leur boîte de consultants et se gavent en expliquant aux universités comment l’intégrer. L’un des co-fondateurs de ce classement explique notamment : “Avant de fusionner, des universités françaises nous ont demandé de faire une simulation de leur future place dans le classement“.

      Bref du quantitatif qui vise à souligner l’élitisme (pourquoi pas) et qui n’a pour objet que de le renforcer et se cognant ostensiblement de tout paramètre qualitatif a fortiori si ce qualitatif concerne les étudiant.e.s.

      Mais voilà. Chaque été c’est la même tannée et le même marronier. Et les mêmes naufrageurs de l’action publique qui se félicitent ou se navrent des résultats de la France dans ledit classement.

      Cette année c’est donc, champagne, 27 établissements français qui se retrouvent “classés”. Mal classés pour l’essentiel mais classés quand même : les 4 premiers (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) se classent entre la 16ème (Paris-Saclay) et la 78ème place (Paris Cité) et à partir de la 5ème place (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) on plonge dans les limbes (Aix-Marseille est au-delà de la 100ème place, Nantes au-delà de la 600ème). Alors pourquoi ce satisfecit du gouvernement ? [Mise à jour du 16 août] Auto-satisfecit d’ailleurs étonnant puisque si l’on accorde de la valeur à ces classements, on aurait du commencer par rappeler qu’il s’agit d’un recul : il y avait en effet 30 établissements classés il y a deux ans et 28 l’année dernière. Le classement 2023 est donc un recul. [/mise à jour du 16 août]

      Non pas parce que les chercheurs sont meilleurs, non pas parce que la qualité de la recherche est meilleure, non pas parce que les financements de la recherche sont plus importants et mieux dirigés, mais pour deux raisons principales.

      La première raison est que depuis plusieurs années on s’efforce d’accroître le “rendement” scientifique des personnels en vidant certaines universités de leurs activités et laboratoires de recherche (et en y supprimant des postes) pour le renforcer et le concentrer dans (très peu) d’autres universités. C’est le grand projet du libéralisme à la française qui traverse les présidences de Sarkozy à Macron en passant par Hollande : avoir d’un côté des université “low cost” dans lesquelles on entasserait les étudiant.e.s jusqu’à bac+3 et où on ferait le moins de recherche possible, et de l’autre côté des “universités de recherche et d’excellence” où on n’aurait pas grand chose à foutre de la plèbe étudiante et où on commencerait à leur trouver un vague intérêt uniquement à partir du Master et uniquement pour les meilleur.e.s et uniquement dans certains domaines (genre pas en histoire de l’art ni en études littéraires ni dans la plupart des sciences humaines et sociales).

      La seconde raison de ce “bon” résultat est que les universités se sont regroupées administrativement afin que les publications de leurs chercheurs et chercheuses soient mieux prises en compte dans le classement de Shangaï. Exemple : il y a quelques années, il y avait plusieurs sites universitaires dans les grandes villes. Chaque site était celui d’une discipline ou d’un regroupement de discipline. On avait à Toulouse, à Nantes et ailleurs la fac de droit, la fac de sciences, la fac de lettres, etc. Et les chercheurs et chercheuses de ces universités, quand ils publiaient des articles dans des revues scientifiques, “signaient” en s’affiliant à une institution qui était “la fac de sciences de Toulouse Paul Sabatier” ou “la fac de lettre de Toulouse le Mirail” ou “la fac de droit de Toulouse”. Et donc au lieu d’avoir une seule entité à laquelle rattacher les enseignants-chercheurs on en avait trois et on divisait d’autant les chances de “l’université de Toulouse” de monter dans le classement.

      Donc pour le dire rapidement (et sans pour autant remettre en cause l’excellence de la recherche française dans pas mal de disciplines, mais une excellence dans laquelle les politiques publiques de ce gouvernement comme des précédents ne sont pas pour grand-chose), la France gagne des places dans le classement de Shangaï d’une part parce qu’on s’est aligné sur les règles à la con dudit classement, et d’autre part parce qu’on a accepté de sacrifier des pans entiers de financements publics de la recherche dans certains secteurs (notamment en diminuant drastiquement le nombre de postes disponibles).

      Allez je vous offre une petite comparaison. Évaluer la qualité de l’université et de la recherche française à partir du classement de Shangaï c’est un peu comme si on prétendait évaluer la qualité de la gastronomie française à partir d’un référentiel établi par Mac Donald : on serait rapidement en capacité de comprendre comment faire pour gagner des places, mais c’est pas sûr qu’on mangerait mieux.

      Je vous propose donc un classement alternatif et complémentaire au classement de Shangaï : le classement de Miamïam. Bien plus révélateur de l’état actuel de l’université française.
      Classement de Miamïam.

      Ce classement est simple. Pour y figurer il faut juste organiser des distributions alimentaires sur son campus universitaire.

      Le résultat que je vous livre ici est là aussi tout à fait enthousiasmant [non] puisqu’à la différence du classement de Shangaï ce sont non pas 27 universités et établissements mais (au moins) 40 !!! L’excellence de la misère à la française.

      Quelques précisions :

      – ce classement n’est pas exhaustif (j’ai fait ça rapidement via des requêtes Google)
      – l’ordre des universités ne signifie rien, l’enjeu était juste de lister “l’offre” qu’elles proposaient sans prendre en compte l’ancienneté ou la fréquence de ces distributions ni le nombre d’étudiant.e.s touché.e.s
      - ce classement est très en dessous de la réalité : par exemple je n’ai inscrit qu’une seule fois l’université de Nantes alors que des distributions alimentaires sont aussi organisées sur son campus de la Roche sur Yon. Beaucoup des universités présentes dans ce classement organisent en fait des distributions alimentaires sur plusieurs de leurs campus et devraient donc y figurer 2, 3 ou 4 fois au moins.
      - je me suis autorisé, sans la solliciter, à utiliser comme crédit image la photo de Morgane Heuclin-Reffait pour France Info, j’espère qu’elle me le pardonnera.

      [Mise à jour du 16 Août]

      On invite aussi le gouvernement à regarder le classement du coût de la vie pour les étudiantes et étudiants : en constante augmentation, et atteignant une nouvelle fois, pour cette population déjà très précaire, des seuils d’alerte indignes d’un pays civilisé.

      Enfin on pourra, pour être complet dans la recension de l’abandon politique de l’université publique, signaler la stratégie de mise à mort délibérée par asphyxie conduite par les gouvernements successifs depuis plus de 15 ans. Extrait :

      “En dix ans, le nombre de recrutements d’enseignants-chercheurs titulaires a diminué de près de moitié, avec 1 935 ouvertures de poste en 2021, contre 3 613 en 2011. En 2022, on enregistre un léger sursaut, avec 2 199 postes de professeur d’université et de maître de conférences ouverts.

      La situation est d’autant plus paradoxale que les universités se vident de leurs enseignants-chercheurs chevronnés, avec un nombre de départs à la retraite en hausse de + 10,4 % en 2021 et de + 10,5 % en 2022, selon une note statistique du ministère publiée en juin. Un avant-goût de la décennie qui vient, marquée par des départs massifs de la génération du baby-boom : entre 2021 et 2029, le ministère prévoit une augmentation de 53 % en moyenne, et de 97 % en sciences – le bond le plus élevé.“

      https://affordance.framasoft.org/2023/08/classement-shangai-miam-miam

  • Harcèlement moral : ce que change le verdict du procès France Télécom
    https://theconversation.com/harcelement-moral-ce-que-change-le-verdict-du-proces-france-telecom

    Par ailleurs, selon une source syndicale, les honoraires des avocats des prévenus se seraient élevés à près de 20 millions d’euros, entièrement pris en charge par les « assurances dirigeants ». Par contraste, l’arrêt ne prévoit pas, pour les parties civiles syndicales, le remboursement des honoraires de leurs avocats à la hauteur des dépenses engagées. Une telle décision fragilise la capacité des organisations syndicales à défendre les salariés par la mobilisation du droit devant les juridictions. L’égalité des armes entre les protagonistes des procès reste à réaliser.

    Et les criminels vont encore dépenser l’argent des autres pour se pourvoir en cassation.

  • Pour gérer une #réorganisation ou pour prendre en compte un nouvel outil dans l’entreprise, il arrive fréquemment de devoir modifier et/ou restructurer le #Système d’Information en place, en particulier le système ERP qui en est au cœur.
    La question est alors de savoir comment gérer la prise de risques associée à ces opérations et de savoir comment identifier et mettre en oeuvre les changements en toute maîtrise. Comment satisfaire les besoins des Métiers tout en minimisant l’hétérogénéité des #outils et des #architectures ?
    https://michelcampillo.com/blog/7246.html

  • Migrations : l’agence européenne #Frontex mise en cause pour des #refoulements en mer

    Des investigations menées par plusieurs médias dénoncent les pratiques illégales des #gardes-frontières_grecs impliquant parfois l’agence européenne de surveillance des frontières.

    Une enquête de plusieurs médias, dont le magazine allemand Spiegel, affirme que Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, est impliquée dans plusieurs incidents de refoulement en mer de bateaux de demandeurs d’asile traversant la mer Egée entre la Turquie et la Grèce.

    Les investigations menées « montrent pour la première fois que les responsables de Frontex sont conscients des pratiques illégales des gardes-frontières grecs – et sont en partie impliqués dans les refoulements eux-mêmes », écrit le Spiegel dans un article disponible en ligne samedi 24 octobre.
    Les journalistes assurent avoir documenté six cas survenus depuis avril en mer Egée dans lesquels des équipes de Frontex ont au minimum assisté sans réagir à des refoulements vers la Turquie de bateaux de réfugiés se trouvant dans les eaux grecques, une pratique illégale. Dans un cas, en juin, une vidéo montre un navire de Frontex bloquant un bateau de réfugiés, puis, dans une autre scène enregistrée, passant devant le bateau de réfugiés à grande vitesse avant de quitter les lieux.

    Des dizaines de vidéos, d’images satellites, de récits comparés

    Outre le Spiegel, les recherches ont été menées par un magazine de la chaîne allemande ARD, le collectif de journalistes Lighthouse Reports, la plate-forme d’investigations Bellingcat et la chaîne de télévision japonaise TV Asahi. Les auteurs expliquent avoir comparé des « dizaines » de vidéos, d’images satellites, de récits de témoins oculaires, dont des réfugiés et des employés de Frontex. L’agence européenne de surveillance des frontières a engagé plus de 600 agents en Grèce, une des portes d’entrée de l’Union européenne, ainsi que des bateaux, des drones et des avions, selon l’article.

    Frontex n’a pas commenté les cas précis soulevés par la recherche, explique le Spiegel, mais a déclaré que ses agents étaient liés par un code de conduite en matière de droits de l’homme et respectaient l’interdiction des refoulements. Sans mentionner l’article, Frontex a annoncé vendredi soir sur son compte Twitter avoir été « en contact avec les autorités grecques à propos d’incidents en mer ces derniers mois » et qu’Athènes avait ouvert une « enquête interne ». Frontex agit « dans le respect des droits fondamentaux et de la loi internationale », souligne l’agence sur Twitter.
    Le gouvernement conservateur grec a toujours rejeté les allégations de refoulements illégaux à ses frontières dont font régulièrement état plusieurs organisations non gouvernementales.

    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/24/migrations-l-agence-europeenne-frontex-mise-en-cause-pour-des-refoulements-e
    #asile #migrations #réfugiés #frontières #push-backs #refoulements #Mer_Egée #Grèce #Turquie

    ping @isskein @karine4

    • Frontex at Fault : European Border Force Complicit in ‘Illegal’ Pushbacks

      Vessels from the European Border and Coast Guard Agency, Frontex, have been complicit in maritime “pushback” operations to drive away refugees and migrants attempting to enter the European Union via Greek waters, a joint investigation by Bellingcat, Lighthouse Reports, Der Spiegel, ARD and TV Asahi has found.

      Open source data suggests Frontex assets were actively involved in one pushback incident at the Greek-Turkish maritime border in the Aegean Sea, were present at another and have been in the vicinity of four more since March.

      Although Frontex assets were not at the immediate scene of those latter four incidents, the signature of a pushback is distinctive, and would likely have been visible on radar, with visual tools common on such vessels or to the naked eye.

      The Greek Coast Guard (HCG) has long been accused of illegal pushbacks.

      These are described by the European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), a legal and educational non-profit, as incidents where refugees and migrants are forced back over a border without consideration of individual circumstances and without any possibility to apply for asylum or to put forward arguments against the measures taken.

      In the Aegean Sea, pushbacks generally occur in two ways. The first type is the most common: Dinghies travelling from Turkey to Greece are blocked from landing on Greek soil by the HCG. This could mean either physically blocking the dinghy until it runs out of fuel, or disabling the engine. After the engine no longer works the dinghy can then either be pushed back into Turkish territorial water with waves, or towed if the wind is not favourable.

      The second type of pushback is employed when people have managed to land on Greek soil. In this case they are detained, placed in a liferaft with no means of propulsion, towed into the middle of the Aegean Sea and then abandoned.

      Pushbacks will often result in standoffs between the HCG and Turkish Coast Guard (TCG), both of which will standby, refusing to aid dinghies in distress and carrying out unsafe manoeuvres around them.

      The role of Frontex assets in such incidents, however, has never been recorded before.

      Dana Schmalz, an international law expert at the Max Planck Institute in Heidelberg said the incidents highlighted in this investigation were likely “illegal” and “violate the prohibition of refoulement and maritime law.” The prohibition of refoulement refers to rules banning the forcible return of refugees or asylum seekers and is described by the UN Refugee Agency as a “rule of customary international law.”

      Schmalz added that if Frontex personnel stopped an overcrowded dinghy of the type seen in footage documented during this investigation, they would be obliged to rescue its occupants immediately. “If they don’t do that, even make waves [or] instead drive away and then let the Greeks do the dirty work – then they are involved in the illegal pushback.”

      Despite being presented with numerous examples of the practice, a spokesperson for the Greek Maritime Ministry Greek denied claims of pushbacks, describing allegations of illegal actions relating to the incidents documented in this article as “tendentious.” They added that HCG officers act in compliance with the country’s international obligations.

      Frontex said that the host states it works with have the final say in how operations on its territory or search and rescue zone are carried out. However, it added that Frontex had notified HCG which confirmed an internal inquiry had been launched into each of the reported incidents. Yet Frontex did not say when it notified HCG or when the inquiry had begun.

      On July 24, the director of Frontex, Fabrice Leggeri, told the Committee on Civil Liberties, Justice and Home Affairs (LIBE) at the European Parliament that the agency had observed and recorded just a single incident which may have been a pushback in the Aegean.

      Our investigation — which looked at the presence of Frontex assets in the Aegean Sea and observed their movements over many months — appears to contradict that assertion.

      This was despite the difficulty in tracking many Frontex assets because their transponder information was either not registered, not turned on, or was out of range. As such, we were only able to view a snapshot of Frontex operations.

      Frontex, an agency of the European Union, is tasked with border control of the Schengen Area. Its activities in the Aegean are called Operation Poseidon.
      How we Recorded Pushbacks: Identification of Assets

      There were two main steps to establishing that Frontex had participated in pushback operations. The first was to identify what assets had been deployed in Operation Poseidon. The second was to establish whether these assets had participated in pushback operations.

      The first step was carried out using open sources. These included social media posts, vessel tracking sites and information published by Frontex itself. We were also able to establish the number of personnel and assets present in the operational area thanks to questions asked in the European Parliament.

      According to this response, Operation Poseidon has 185 personnel, one offshore patrol vessel (OPV), eight coastal patrol boats (CPB), one coastal patrol vessel (CPV), four thermal vision vehicles (TVV) and three patrol cars.

      There is also a “Rapid Border Intervention”, which contains additional assets on top of those dedicated to Operation Poseidon. This includes 74 personnel, two CPBs, two CPVs, one helicopter and three TVVs.

      In total we used open sources to identify 22 assets, including vessels, helicopters and planes, which operated in the Aegean during 2020. Although this is more than the total given in the answer to parliamentary questions above, some of these assets were rotating in or out of theater.
      Tracking Assets

      Some assets featured regularly on the open source record. For example, Romanian and Bulgarian vessels regularly transit through the Bosphorus strait, where there is an active ship-spotting community. As such it was possible to identify their operational rotations, including vessels heading to and returning from deployments roughly every three months. However, other assets were more difficult to track, and their presence on the open source record consisted of a single image or video.


      https://twitter.com/YorukIsik/status/1262417193083510784

      In order to track these assets and identify if they had participated in pushbacks, we required far more data than was available on social media. As such, we turned to AIS and transponder data, publicly available information about the location of particular ships or aircraft, available through sites such as Marine Traffic or Flight Radar 24.

      Many of the assets we identified either did not have their information publicly listed, or appeared to only turn on their transponders under certain circumstances, such as when in port. This made them extremely difficult to track. However, some assets did have their transponders on. We began to collect this data, buying additional, more granular data from ship and flight tracking companies on dates when pushbacks had been reported.

      We combined this tracking data with our own database of reported pushbacks, which we obtained through both public reports and information collected by NGOs such as Consolidated Rescue Group (CRG), Monitoring Rescue Cell (MRC) and Alarm Phone, who track these events. These included the coordinates of reported pushback events, frequently sent by the occupants of the dinghies. By overlaying these datasets we identified multiple pushback incidents in which Frontex assets were in the vicinity. Once we had identified these priority incidents we could then examine the specifics of what had happened.
      Incidents

      Using this data we identified six pushback incidents since March in which Frontex assets were either in the vicinity or participated directly. We have separated these into four “proximity incidents,” where Frontex assets were within five kilometers of the incident, and two “confirmed incidents,” where we can be certain that Frontex were present at the site of pushbacks themselves.
      Proximity Incidents

      April 28-29: In an incident we have previously reported, a group of refugees and migrants made landfall on Samos. They claim they were then detained, placed in a life-raft without any means of propulsion and towed into the middle of the Mycale Strait. A surveillance plane overflew the area twice while this pushback took place.

      June 4: Two dinghies were reported to have been pushed back from Northern Lesbos. Portuguese vessel Nortada appears to have been present around 15 kilometers from the first incident and just over one kilometer away from the second.

      June 5: A dinghy was reported to have been pushed back from Northern Lesbos. Portuguese vessel Nortada was approximately two to three kilometers away.

      August 19: A dinghy was reported to have been pushed back from Northern Lesbos. Portuguese vessel Molivos was five kilometers away and appears to have changed course and headed towards the pushback before its transponder either lost signal or was turned off.

      In these cases, Frontex assets were recorded as being within a certain range, rather than participating directly. Their exact knowledge of what was happening at these distances is difficult to confirm. Operation Poseidon’s mission includes a significant number of tasks requiring surveillance, and its assets are able to use both radar and visual tools, such as low-light or infrared cameras, to observe the environment around them.

      For example, we know that the Molivos is equipped with an FLIR camera similar to this one seen on another Portuguese Frontex vessel. This model is capable of x36 magnification, with low light and infrared cameras.

      The boats that migrants use to make this crossing are very basic, inflatable rubber dinghies several meters long with a single outboard motor. Due to their construction, it is unlikely that these boats would be visible on radar. However, pushbacks don’t just involve a single dinghy. By their definition they must involve at least one other vessel. From images and videos of pushbacks we have reviewed, it is clear that they often involve multiple ships from both the Greek and Turkish coast guards.

      As stated above, ships from both Greece and Turkey will frequently attempt to push the dinghies across the sea border using waves. These vessels manoeuvre in a circular pattern at a relatively high speed close to the dinghy. This manoeuvre is not only dangerous because of the risk of collision, the waves it generates also represent a threat to the overcrowded and often fragile dinghies.

      https://www.youtube.com/watch?v=w8BdEHtBWp4&feature=emb_logo

      As such, although a dinghy itself may not show up on radar, the signature of a pushback would. Multiple large and small vessels from both TCG and HCG, some of which are carrying out unusual manoeuvres in order to create waves, would be very difficult to miss. Indeed you can even see this kind of event from space.

      There’s also the matter of visual range. The same factors that make a pushback visible on radar will also make it visible to the eye or other visual systems such as surveillance cameras. Even at a range of a few kilometers in calm seas and good conditions, a dinghy would likely be visible, although exact details such as the nature of its passengers might not be. The other aspects of pushbacks which we have already described would also certainly be visible.

      The case of the April 28-29 pushback is a good illustration of surveillance assets passing very close to the results of a pushback.
      April 28

      In an incident previously covered by Bellingcat, a group of 22 migrants who landed on Samos were detained by Greek law enforcement. They were then placed on a life raft without any means of propulsion, and towed into the middle of the Mycale Strait by the Greek coast guard. In response to our request for comment at the time, the Greek government denied these people had ever reached Greek territory, despite witness statements, images, and videos showing this had in fact happened.

      As the life raft was floating in the strait, a private sureveillance plane passed over the area twice at 5,000 feet, once at 02:41 AM and once at 03:18 AM. This plane, G-WKTH, belongs to DEA Aviation, which provides aerial surveillance services to Frontex. In a promotional video from Frontex, it is claimed these feeds are live-streamed back to the Frontex HQ in Warsaw

      The plane is reportedly equipped with an MX-15 camera, which has both low-light and infrared sensors. Considering this plane is specifically employed for aerial surveillance, it would be surprising if it did not identify the life raft full of people and, according to one member of this group, the presence of Greek and later Turkish vessels.

      Indeed, the Frontex executive director’s response to the LIBE committee of the European Parliament indicates this may have been the incident Frontex reported as having seen. In this reply a “Serious Incident Report (‘SIR’) was created based on a sighting of an incident by aerial surveillance where people were transferred on a rubber boat from a vessel and later on rescued by Turkish authorities.
      Active incidents

      In two cases on June 8 and August 15, it seems certain that Frontex was aware of pushbacks as they took place. Indeed, on June 8, it appears that a Frontex vessel participated in a pushback, physically blocking a dinghy from reaching Greek territory.

      We will first address the incident on August 15, where a Frontext vessel was present at the scene of a pushback, before examining the June 8, where a Frontex asset appears to have participated in a pushback.
      August 15

      On the morning of August 15 there were reports of a confrontation between the Greek and Turkish coast guards. As well as multiple photos posted to social media by locals, this was also reported as a pushback by CRG, MRC, Alarm Phone and Aegean Boat Report.

      CRG and MRC also posted videos from people on this dinghy, with CRG’s video showing an engine without a starter cord, claiming it had been taken by the Greek Coast Guard. In the videos, the dinghy is surrounded by vessels from both the Greek and Turkish coast guards. We have previously noted that disabling the motor of dinghies is a tactic that has reportedly been used by the Greek Coast Guard.

      Most of the images of this incident are taken from a distance, making identification of the vessels difficult. However, we were also sent an image of this confrontation that is very clear. In this image we can clearly see the presence of MAI1102, a Romanian border forces vessel which had just arrived in theater.

      The metadata of this image is consistent with the date and time of this incident. Indeed, the ships can be seen arrayed in almost exactly the same manner in a video filmed by the people on the boat.

      Although it is not possible to be certain of exactly how far away MAI1102 is from this pushback, we can see that it is certainly within visual range of the confrontation and the dinghy itself.
      June 8

      On the morning of June 8 a pushback was reported to have taken place, again off the north-east coast of Lesbos. The Turkish coast guard reported it rescued 47 migrants after a pushback by the Greek Coast Guard that day. Footage published by Anadolu Agency appeared to show the Romanian Frontex vessel MAI1103 blocking a dinghy.

      We investigated this incident further, obtaining other videos from the TCG, as well as tracking data of vessels that appeared to be in the vicinity at the time, such as the NATO ship, Berlin. Using these sources we were able to reconstruct what happened.

      After initially trying to cross under the cover of darkness, the dinghy was intercepted and physically blocked from proceeding by MAI1103 early in the morning.

      https://www.youtube.com/watch?v=ZoNJXY3pa_U&feature=emb_logo

      We can see the exact time and a set of coordinates in one of the videos we obtained.

      We plotted the coordinates visible on the screen as they changed. It became clear these were not the location of the vessel with the camera, but rather the location of the dinghy and MAI1103.

      We can visually confirm the general location by comparing a panoramic view that is visible in one of the videos against the appearance of the landscape from the coordinates which appear on the camera feed.

      We can now start to build a picture of what happened that morning.

      We can see that the dinghy was extremely close to MAI1103, and is being physically blocked by the ship. Indeed the two vessels are close enough that it appears that personnel on MAI1103 are communicating with people in the dinghy.

      https://www.youtube.com/watch?v=-qD_I--2LPA&feature=emb_logo

      At one point MAI1103 makes a pass close to the dinghy at enough speed to generate waves, a maneuver that previously only HCG and TCG have been seen making. It is especially dangerous due to the overloaded and unseaworthy nature of the dinghies.

      https://www.youtube.com/watch?v=9iUm1_e2R6A&feature=emb_logo

      Eventually HCG vessels arrive and MAI1103 leaves, resulting in a standoff between the TCG and HCG. This lasted several hours and gradually moved to the north-west, observed by the NATO ship Berlin.

      During this period the dinghy was approached at least twice by a rigid-hulled inflatable boat 060 (RHIB) from the HCG.

      https://www.youtube.com/watch?v=5WODSvxnmoc&feature=emb_logo

      In what appears to be the final segment of video taken at about 09:30 AM we see the TCG radar screen, which can be exactly matched with the Turkish coast. This radar screen matches perfectly with the location and heading of the Berlin at this time, as we can see by overlaying a plot of the Berlin’s course with the radar screen.

      As well as matching the movement of vessels to AIS data, we can further verify that these videos are from the same incident by examining the passengers in the dinghy. We can see that in the earliest videos, showing the MAI1103 with the dinghy, there is clearly a person wearing a white hood, alongside someone who appears to be wearing a reddish top. The presence of these passengers helps to verify that all these videos are indeed from the same incident on June 8.

      In the final stage of the pushback at 10:30 AM it is possible to see the Portuguese Frontex vessel Nortada within 5 km with both AIS data and on the TCG radar screen. The Nortada had been in that vicinity since at least 09:11 AM that morning. Although it may not have been able to pick up this dinghy on its radar, it would have certainly been within visual range of the larger ships surrounding it. After the pushback, the Nortada continued its patrol off North Lesbos.

      Conclusion

      Over the course of this investigation we collected a huge amount of information on Frontex activities in the Aegean Sea. Most of Frontex’s assets were impossible to track because their transponder information was either not registered, not turned on, or was out of range. As such, we were only able to view a snapshot of Frontex operations.

      Despite this limited view, we still managed to identify multiple instances in which Frontex was either present at pushbacks, or close enough to be able to understand what was taking place. In at least one incident it appears that a Frontex vessel actively participated in a pushback. It is possible that there are other incidents we have not been able to capture.

      In a statement provided in response to this investigation, Frontex stated that it applies “the highest standards of border control to its operations” and that its officers are bound by a code of conduct that looks to prevent refoulement and to uphold human rights.

      The statement continued that Frontex’s executive director had notified the HGC regarding all reported incidents and that Greek authorities confirmed that an internal inquiry had been launched.

      A spokesperson for the Greek Maritime Ministry said the actions of HCG officers were “carried out in full compliance with the country’s international obligations, in particular the United Nations Convention on the Law of the Sea, the International Convention for the Safety of Life at Sea and the International Convention on Maritime Search and Rescue.”

      The spokesperson added that thousands of migrants had been rescued throughout the refugee crisis of recent years by the HCG, that allegations of illegality were “tendentious” and that the “operation practices of the Greek authorities have never included such [illegal] actions.”

      https://www.bellingcat.com/news/2020/10/23/frontex-at-fault-european-border-force-complicit-in-illegal-pushbacks

      #forensic_architecture #architecture_forensique

    • EU Border Agency Frontex Complicit in Greek Refugee Pushback Campaign

      Greek border guards have been forcing large numbers of refugees back to sea in pushback operations that violate international law. #DER_SPIEGEL and its reporting partners have learned that the European Union is also complicit in the highly controversial practice.

      Jouma al-Badi thought he was safe when he first set foot on European soil on April 28. Together with 21 other refugees, he had been taken in a rubber dinghy from Turkey to the Greek island of Samos. The young Syrian planned to apply for political asylum. He documented his arrival in videos. Local residents also remember the refugees.

      Greek security forces captured the migrants. Under international law, it is their duty to give the new arrivals a hearing and field their applications for asylum. Instead, according to al-Badi, the officers dragged them back out to sea and released them on an inflatable rubber raft. Videos obtained by DER SPIEGEL also show him on the raft.

      For an entire night and a morning, Greek border guards kept pushing the men and women away as their raft floated around in circles. The Turkish coast guard filmed the maneuver.

      An aircraft used by the European border protection agency Frontex also passed over the refugees. The crew of the surveillance plane, with the registration identifier "G-WKTH,” were part of a European Union operation in Greece. The plane twice flew over the Strait of Mykali, where al-Badi and the other migrants were located. According to flight data that has been viewed by DER SPIEGEL, the first flight happened at 2:41 a.m. and the second at 3:18 a.m.

      The plane’s crew has a standard MX-15 camera on board with an infrared sensor and a sensor for poor lighting conditions. Even at night, the sensors are capable of detecting small objects on the water. According to a Frontex promotional video, the camera images are streamed live to Frontex headquarters in Warsaw, Poland. But Frontex didn’t send any help.

      The waves struck the Syrian in the face. He eventually ran out of strength and thought he was going to die.

      The Greek government denies it conducted pushbacks of refugees to Turkey, even though DER SPIEGEL and other media have fully documented several of these operations, known as pushbacks. Greek border guards are growing increasingly ruthless. As in the case of al-Badi, they are now pushing even refugees who have reached the Greek isles back to sea in operations that are illegal under international law.

      Frontex officials have publicly claimed that they know nothing about pushbacks by Greek border guards. The agency has 600 employees deployed in Greece as well as ships, drones and aircraft.

      Together with Lighthouse Reports, Bellingcat, "Report Mainz” — a program on ARD, the German public broadcaster — and Japanese broadcaster TV Asahi, DER SPIEGEL spent several months reporting in the Aegean Sea region. The reporters tracked the positions of Frontex units and compared them with position data from pushbacks recorded by NGOs and migrants. They interviewed witnesses, refugees and Frontex staff. They viewed internal documents and dozens of videos and satellite photos.

      Their research proves for the first time that Frontex officials know about the Greek border guards’ illegal practices – and that the agency itself is at times involved in the pushbacks. Breaking the law has become an everyday occurrence at Europe’s borders, and the EU is allowing it to happen.

      Samira Mohammad could already see Lesbos when the men with the masks arrived. The Syrian woman, who does not want to provide her real name, is 45 years old. That morning of August 15, she was sitting in a rubber dinghy with dozens of other people. She recalls how Greek border guards tried in vain to stop the arrivals and how they steered toward the boat repeatedly and pushed it back toward Turkey multiple times. She says the Turkish coast guard held them off. Locals even have a name for the cynical game: "Greek water polo.”

      Mohammad claims the Greek officials took their gasoline and destroyed the engine. And that masked Greek border guards then boarded the dinghy. Several refugees claim that they forced the migrants to tie the shaky rubber dinghy to a speedboat at gunpoint. The border guards then towed the boat toward Turkey. Videos corroborate the statements made by the refugees, and the destroyed engine is clearly visible.

      Mohammad said she was scared to death during those moments. Her entire family had been onboard, including her pregnant daughter-in-law, who was later hospitalized with severe bleeding.

      The maneuver off the coast of Lesbos lasted hours, and the Turkish Navy didn’t rescue the refugees until noon.

      A Romanian Frontex boat was also on site that morning. The MAI 1102 was located only a few hundred meters away from the refugee boat. The boat can be clearly identified in a photo. A German navy ship on a NATO mission that observed the incident reported it to the German government. It also stated that Frontex people had been present. This is documented in an internal paper that has been obtained by DER SPIEGEL. Nevertheless, this pushback has never been revealed publicly before now.

      On June 8, Frontex officials went one step further, with the MAI 1103, a ship also flying the Romanian flag. It directly blocked a refugee boat. The incident can be seen in several videos recorded by the Turkish coast guard and verified by DER SPIEGEL. It shows officials standing on the deck, where they are obviously communicating with the refugees floating in the water in front of them.

      Later, the MAI 1103 passes the refugees traveling at high speed, with waves beating against the boat. The Romanian officials then withdrew and the Greek coast guard took over the operation.

      "These pushbacks violate the ban on collective expulsions and international maritime law,” says Dana Schmalz, an expert on international law at the Max Planck Institute in Heidelberg. She notes that if Frontex officials stopped a completely overcrowded inflatable boat, they would be required to rescue the people immediately. "If they don’t do that and even make waves instead, only to drive away and let the Greeks do the dirty work, then they are still involved in the illegal pushback,” she says.

      Reporting by DER SPIEGEL and its partners found that a Frontex surveillance plane or Portuguese or Romanian Frontex ships were near at least six pushbacks in the area since April. The number of undetected cases could actually be much higher.

      The vast majority of Frontex vessels patrol the Aegean Sea with their AIS transponders switched off or untraceable in order to prevent giving away their positions. Their presence can only be verified with difficulty through videos and photos.

      When contacted for comment by DER SPIEGEL, Frontex did not deny the individual incidents, instead stating that the officials protected the fundamental rights of migrants and respected their right to non-refoulement. It further stated that the incidents that had been reported were forwarded to the Greek coast guard, which opened an investigation into the matter. The Greek government gave a blanket denial to the allegations, saying that it complies with the law and does not carry out illegal deportations.

      Under Frontex’s statutes, police officers are required to file so-called Serious Incident Reports to document violations of the law. But people familiar with the situation say that fewer and fewer of these reports are getting filed. The sources said the Frontex border guards, who are sent to Greece from all over Europe, frown upon such reports because they cause trouble for the host country.

      https://www.spiegel.de/international/europe/eu-border-agency-frontex-complicit-in-greek-refugee-pushback-campaign-a-4b6c

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      en allemand :
      https://www.spiegel.de/politik/ausland/fluechtlinge-frontex-in-griechenland-in-illegale-pushbacks-verwickelt-a-0000

    • Bruxelles veut des explications de Frontex, accusée de procéder à des refoulements illégaux de migrants

      La #Commission_européenne a sollicité une réunion extraordinaire urgente du conseil d’administration de Frontex, l’agence européenne pour la protection des frontières, mise en cause pour des refoulements illégaux de migrants en mer Égée. Un article d’Euroefe.

      « Après s’être coordonnés avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, mes services ont demandé, au nom de la Commission, la convocation d’une réunion extraordinaire du conseil d’administration de Frontex le 10 novembre pour discuter des incidents présumés de refoulement en Grèce et de la protection des droits fondamentaux », a écrit Ylva Johansson, la commissaire chargée des migrations, dans un tweet.

      D’après des enquêtes menées par différents médias, Frontex aurait procédé à des refoulements illégaux de migrants en mer Égée, à la frontière entre la Turquie et la Grèce. Et ce à au moins six reprises.

      L’hebdomadaire allemand Der Spiegel a révélé le 23 octobre qu’il avait enquêté sur ces incidents en collaboration avec les médias numériques néerlandais Lighthouse Reports et britannique Bellingcat, ainsi qu’avec deux chaînes de télévision, l’Allemande ARD et la Japonaise Asahi.

      Ces médias disposent de films montrant comment, depuis le mois d’avril, des agents de Frontex ont procédé à ce que l’on appelle des « pushbacks » (refoulements) de migrants pour les empêcher d’atteindre le sol européen, une pratique illégale.

      Une vidéo montre comment un bateau de l’agence européenne bloque le passage d’une embarcation occupée par des migrants, avant de les dépasser à grande vitesse, provoquant ainsi de grosses vagues. Par la suite, les garde-côtes grecs obligent la barque à faire demi-tour vers la Turquie.

      De son côté, Frontex a nié les accusations et assuré au Spiegel que ses agents protégeaient les droits fondamentaux des migrants et respectaient le droit au non-refoulement.

      Le gouvernement grec a également nié catégoriquement ces accusations.

      https://www.euractiv.fr/section/migrations/news/bruxelles-veut-des-explications-de-frontex-accusee-de-proceder-a-des-refoulements-illegaux-de-migrants/?_ga=2.223583131.1633915392.1603989521-379746837.1590938192

    • Greek coast guard performed huge pushback involving 197 people and 7 life rafts!

      A boat carrying 197 people tried to cross from Turkey to Italy on Tuesday, but got in to bad weather and sat course towards Crete. Close to the south shore of Crete they had engine problems and the Greek Coast Guard was alerted 09.00.
      The coast guard divided the people on two coast guard vessels, 121 men and boys on one vessel and 76 people, families on the other. Reports from the refugees clearly states that some of them where abuse while onboard the HCG vessel, footage and video testimony has been provided. Most of their phones was confiscated by the Greek coast guard, but a few managed to hide their phones, and was able to send out distress messages.
      The first group containing the 121 males was forced in to 3 life rafts before first light on Wednesday the 21th just north of Rhodes, and found and picked up by Turkish coast guard 08.50 south of Marmaris.
      The second group with the families, 76 people, was put in 4 life rafts around noon north west of Simi, drifting for hours and not picked up by Turkish coast guard before 17.30 south west of Datça.
      This shows that the Greek coast guard is determined to prevent anyone to reach Greek soil, no matter the consequences or potential harm they may inflict on innocent people fleeing war and persecution.
      This is by far the largest pushback Aegean Boat Report has been able to document, but I guess nothing is a surprise anymore. No measures have been taken by the EU to try to stop this illegal practice by the Greek government, even do they have received overwhelming amounts of evidence.

      https://www.facebook.com/AegeanBoatReport/posts/951612422028529

    • Έστειλαν πίσω 200 πρόσφυγες γιατί ήταν… τζιχαντιστές

      Τεκμηριωμένη καταγγελία για τη μεγαλύτερη ώς τώρα καταγεγραμμένη επαναπροώθηση προσφύγων από το Λιμενικό προς την Τουρκία με μεγάλη και κρυφή επιχείρηση του Λιμενικού εν μέσω σφοδρής κακοκαιρίας νότια της Κρήτης ● Έντεχνη προσπάθεια οι 200 άνθρωποι, μεταξύ αυτών και γυναικόπαιδα, να εμφανιστούν ως… ισλαμιστές τρομοκράτες.

      Ακόμα μια καταγγελία για βίαιες επαναπροωθήσεις προσφύγων από το Λιμενικό έρχεται στο φως τις τελευταίες ημέρες, την ίδια στιγμή που η κυβέρνηση πανηγυρίζει για τη μείωση των προσφυγικών ροών προς τα νησιά, χωρίς όμως να εξηγεί πώς έχει επιτευχθεί η μείωση αυτή.

      Η υπόθεση αφορά πλοιάριο με περίπου 200 ανθρώπους που έφτασαν στα ανοιχτά της Κρήτης, προερχόμενοι από Τουρκία και με τελικό προορισμό την Ιταλία. Στη συγκεκριμένη περίπτωση υπάρχει μια περίεργη αλληλουχία γεγονότων και « ειδήσεων » τόσο στα κρητικά όσο και τα κεντρικά ΜΜΕ. Το πρωί της Τρίτης 20 Οκτωβρίου σε όλα τα ηλεκτρονικά ΜΜΕ της Κρήτης μεταδίδεται η είδηση για « κινητοποίηση του Λιμενικού » για σκάφος με 200 μετανάστες στη θαλάσσια περιοχή νότια της νήσου Χρυσής (Γαϊδουρονήσι), στην Ιεράπετρα. Το προηγούμενο βράδυ η Κρήτη είχε χτυπηθεί σφοδρά από την κακοκαιρία και το πρωί τα βλέμματα όλων ήταν στις εκτεταμένες καταστροφές που προκάλεσε το χαλάζι σε καλλιέργειες και υποδομές, κυρίως στην ανατολική πλευρά του νησιού. Την ίδια κακοκαιρία προφανώς αντιμετώπισαν και οι 200 επιβαίνοντες στο σκάφος, μεταξύ των οποίων υπήρχαν γυναίκες και παιδιά.

      Στις πρώτες αναφορές και σε ερωτήσεις δημοσιογράφων προς το Λιμεναρχείο Ιεράπετρας γινόταν λόγος για « αδυναμία του Λιμενικού να εντοπίσει το πλοιάριο », ωστόσο δινόταν η πληροφορία πως τα σκάφη θα έμεναν στα ανοιχτά λόγω της κακοκαιρίας και για την περίπτωση που χρειαστεί, να παράσχουν βοήθεια αν εντοπίσουν τους πρόσφυγες. Λίγες ώρες αργότερα η είδηση εξαφανίστηκε από τα ΜΜΕ και δημιουργήθηκε η εντύπωση πως τα σκάφη του Λιμενικού δεν βρήκαν ποτέ το πλοιάριο με τους πρόσφυγες.
      Τους βρήκαν ;

      Ωστόσο τα πράγματα φαίνεται πως έγιναν διαφορετικά. Τέσσερις μέρες μετά, η οργάνωση Aegean Boat Report, η οποία και στο παρελθόν έχει αποκαλύψει παράνομες επιχειρήσεις επαναπροώθησης λέμβων με μετανάστες προς την Τουρκία από τις ελληνικές αρχές και τη Frontex, καταγγέλλει πως το Λιμενικό όχι μόνο βρήκε τους πρόσφυγες στα ανοιχτά της Κρήτης αλλά προχώρησε και με συνοπτικές διαδικασίες στην επαναπροώθησή τους στην Τουρκία. Η οργάνωση καταγγέλλει πως η ελληνική Ακτοφυλακή εντόπισε τους πρόσφυγες στις 9 το πρωί της Τρίτης (όπως δηλαδή μετέδιδαν αρχικά και τα κρητικά ΜΜΕ). Στη συνέχεια, πάντα σύμφωνα με την καταγγελία, οι άνδρες του Λιμενικού επιβίβασαν τους 197 πρόσφυγες σε δύο επιχειρησιακά σκάφη χωρίζοντάς τους σε δύο ομάδες. Στην πρώτη ομάδα μπήκαν 121 άνδρες και αγόρια, ενώ στη δεύτερη μπήκαν οικογένειες με γυναίκες και παιδιά, συνολικά 76 άτομα. Και οι δύο ομάδες, πάντα σύμφωνα με την καταγγελία, μεταφέρθηκαν στη θαλάσσια περιοχή βόρεια της Ρόδου, όπου και εξαναγκάστηκαν με τη βία να επιβιβαστούν σε συνολικά επτά θαλάσσιες σωστικές σχεδίες αφού προηγουμένως τους είχαν αφαιρεθεί όλα τα κινητά τηλέφωνα. Και οι επτά σχεδίες « σπρώχτηκαν » προς τις ακτές της Τουρκίας, εν μέσω κακοκαιρίας και κατά παράβαση των ανθρωπίνων δικαιωμάτων και του δίκαιου της θάλασσας.

      Στιγμιότυπα από την επαναπροώθηση των προσφύγων (Φωτογραφίες από την οργάνωση Aegean Boat Report).


      Οι τρεις πρώτες σχεδίες, με 121 άτομα, εξωθήθηκαν τα ξημερώματα της Τετάρτης 21/10 προς την περιοχή της Μαρμαρίδας, όπου και εντοπίστηκαν από το τουρκικό Λιμενικό που τους περισυνέλεξε. Το δεύτερο γκρουπ, όπου βρίσκονταν οι γυναίκες και τα παιδιά, εξαναγκάστηκε να επιβιβαστεί σε τέσσερις σωστικές σχεδίες και επαναπροωθήθηκε προς την Τουρκία από τη θαλάσσια περιοχή δυτικά της Σύμης, το μεσημέρι της Τετάρτης. Τους περισυνέλεξε το τουρκικό Λιμενικό το απόγευμα της ίδιας μέρας στην περιοχή νοτιοδυτικά της πόλης Ντάκτα. Οπως αναφέρουν μάλιστα κάποιοι από τους επιβαίνοντες, χτυπήθηκαν από τους Ελληνες λιμενικούς, ενώ υπάρχει και σχετικό φωτογραφικό υλικό που τραβήχτηκε μετά την περισυλλογή τους από τις τουρκικές αρχές. Σε μία από τις φωτογραφίες φαίνεται ένας άνθρωπος με μώλωπες στην κοιλιά και με γύψο σε σημεία και των δύο χεριών του.


      Πρωτοσέλιδο

      Την ίδια μέρα, πάντως, που έγινε η καταγγελία από την Aegean Boat Report (το Σάββατο) η εφημερίδα « ΤΑ ΝΕΑ » κυκλοφορούσε με τίτλο « Προετοιμαστείτε για Τζιχαντιστές », αναφερόμενη στο μήνυμα που, σύμφωνα με πληροφορίες της εφημερίδας, έστειλε σε Ελλάδα και Κύπρο ο Αιγύπτιος πρόεδρος Αλ Σίσι κατά την τριμερή συνάντηση που πραγματοποιήθηκε στη Λευκωσία. Το μήνυμα υποτίθεται πως αφορούσε τις πληροφορίες που έχει η Αίγυπτος για τις κινήσεις του Ερντογάν και το πώς χρησιμοποιεί τον ισλαμιστικό παράγοντα. Σε κάποια κρητικά ΜΜΕ οι δύο υποθέσεις δεν άργησαν να συνδεθούν με αναφορές για το… περίεργο σκάφος στο οποίο, σύμφωνα με τα δημοσιεύματα, επέβαιναν « άτομα εμφανιζόμενα ως μετανάστες » και το οποίο, σύμφωνα με τις διοχετευμένες πληροφορίες, έχει κινητοποιήσει όχι μόνο το Λιμενικό αλλά και τον Στρατό, την ΕΥΠ ακόμα και ξένες μυστικές υπηρεσίες !

      Όπως αποκαλύπτεται, πάντως, οι επικίνδυνοι « τζιχαντιστές », τόσο οι άνδρες όσο και τα γυναικόπαιδα, είχαν ήδη από την Τετάρτη επαναπροωθηθεί παράνομα στην Τουρκία. Η Οργάνωση Aegean Boat Report αναφέρει πως αυτή είναι η μεγαλύτερη περίπτωση « pushback » που καταφέρνει να καταγράψει και τονίζει πως η Ευρωπαϊκή Ενωση δεν έχει επιβάλει ακόμα καμία κύρωση στην Ελλάδα για τις παράνομες επαναπροωθήσεις, παρά τα ακλόνητα στοιχεία που έχουν τεθεί στη διάθεση των ευρωπαϊκών αρχών.

      https://www.efsyn.gr/efkriti/koinonia/265835_esteilan-piso-200-prosfyges-giati-itan-tzihantistes

    • Greece’s coast guard accused of mass migrant pushbacks

      An NGO, the #Aegean_Boat_Report (ABR), has accused the Greek coast guard of pushing back 197 migrants at sea last week.

      Greek coast guards have been accused by the NGO Aegean Boat Report (ABR) of performing illegal pushbacks involving 197 people and seven life rafts off the coast of the island of Crete in the Southern Aegean.

      A boat carrying 197 people was on its way trying to cross from Turkey to Italy on October 20 but ran into bad weather and changed course towards Crete, the NGO said.

      Close to the south shore of Crete, the vessel reported engine problems and, according to the Norwegian organization, the Greek coast guard was alerted at 9 am.

      ’’The Greek coast guard divided the people into two groups onto two coast guard vessels, 121 men and boys on one vessel, and 76 people, mostly families, on the other.

      Abuse on board

      Reports from the refugees clearly state that some of them were abused while onboard the Hellenic coast guard vessel, with footage and video testimony being provided,’’ said ABR via a media statement.

      According to ABR, the first group with the 121 men and boys were forced into three life rafts in the early hours of Wednesday, October 21 just north of Rhodes, before being found and picked up by the Turkish coast guard at 8:50 am south of Marmaris.

      The second group of 76 people, made up of families, were put into four life rafts at around noon north-west of the islands of Simi, drifting for hours and not picked up by Turkish coast guards before 5:30 pm south-west of Data.

      ’Largest pushback’ ABR has documented

      ’’This shows that the Greek coast guard is determined to prevent anyone from reaching Greek soil, no matter the consequences or potential harm they may inflict on innocent people fleeing war and persecution’’, added ABR.

      ’’This is by far the largest pushback Aegean Boat Report has been able to document, but I guess nothing is a surprise anymore. No measures have been taken by the EU to try to stop this illegal practice by the Greek government, even if they have received overwhelming amounts of evidence.’’

      29 NGOs and humanitarian groups sent an open letter to Parliament Last week’s incidents were reported after an appeal was launched by several prominent NGOs and humanitarian groups earlier this month on the topic of illegal pushbacks.

      A total of 29 organizations sent an open letter to Parliament urging it to investigate reports of illegal pushbacks at the country’s land and sea borders with neighboring Turkey.

      The letter called on the Greek Parliament to ’’immediately conduct an effective, transparent and impartial investigation into allegations that personnel from the Coast Guard, the Greek Police and the Greek Army, sometimes in close cooperation with masked men in uniform, have engaged in such actions, which are not only illegal but also endanger the lives and safety of displaced people."

      Tensions on migration in Greece

      Tensions on the migrant issue in Greece continue to run high following September’s fires which destroyed the controversial Moria open camp on Lesbos, and widespread lockdowns at refugee camps across the country following outbreaks of coronavirus cases.

      The reports of pushbacks taking place have prompted action from humanitarian rights groups, with the joint-appeal calling for disciplinary and criminal sanctions, as deemed appropriate, “on anyone in uniform who are found to have participated in such illegal activities, but also for their superiors who are responsible for the administration of these bodies.”

      “The investigation should establish the identity and relationship of the masked men and other unidentified officers to law enforcement, and take steps to hold them to account.”

      State pushes ahead with migrant camps

      Meanwhile, in related developments, the government is pressing ahead with plans to create more secure and strictly controlled ’’closed’’ migrant reception centers on the Aegean islands.

      With the COVID-19 pandemic creating further challenges and complications for the operation of existing camps, most of which are under lockdown due to positive cases of the virus, the state is aiming to build new ’’permanent’’ structures, starting with one on Lesbos.

      The situation on Lesbos is the primary concern right now, as the current temporary facility which was hastily set up in the Kara Tepe area on the coast after Moria was burned down, has already flooded twice with the first rainfalls of the season.

      Lesbos Mayor Stratis Kytelis met with government officials in Athens last week to discuss the location of a new permanent facility on the island, although the plans are being met with resistance from local community groups.Greece’s health authorities, meanwhile, are also conducting regular COVID-19 tests at migrant camps on the Aegean islands to ensure that any outbreak is quickly contained.

      https://www.infomigrants.net/en/post/28139/greece-s-coast-guard-accused-of-mass-migrant-pushbacks

    • Frontex sous pression après des accusations de refoulement de migrants aux portes de la Grèce

      C’est une première : mardi 10 novembre, le conseil d’administration de l’Agence européenne des garde-frontières et de garde-côtes Frontex devra examiner des accusations de refoulements illégaux (ou « pushbacks ») de migrants en mer Egée. Elles ont été portées contre Frontex par un groupe de médias. En octobre, le site d’investigation Bellingcat et le magazine Der Spiegel notamment, avaient rapporté, images et témoignages à l’appui, six épisodes au cours desquels des embarcations avaient été bloquées, contrairement aux règles internationales sur le non-refoulement.

      Celles-ci stipulent que des personnes ne peuvent être renvoyées vers un pays, avant un examen de leur situation, si leur existence est en danger en raison de leur race, leur religion, leur nationalité ou leur appartenance à un groupe social ou politique.

      Il aura apparemment fallu une intervention ferme de la Commission européenne pour que la direction de Frontex, devenue le premier corps en uniforme et la plus importante agence de l’Union avec un budget de quelque 500 millions d’euros, accepte de convoquer un conseil extraordinaire. Dans un premier temps, elle s’était contentée d’affirmer, le 24 octobre, qu’elle respectait la loi internationale et était en contact avec la Grèce, qui devait ouvrir « une enquête interne ».
      Enquête interne

      « Si l’agence est impliquée dans de telles actions, c’est totalement inacceptable », déclarait pour sa part la commissaire à la migration, Ylva Johansson, le 26 octobre. Le lendemain, Frontex promettait une enquête interne et, même si elle n’exerce pas une tutelle directe sur l’agence, la Commission obtenait la convocation d’une réunion. A charge pour Fabrice Leggeri, le directeur français, de fournir des explications détaillées.

      « La Grèce ne participe pas à des refoulements, a affirmé de son côté le ministre grec des migrations, Notis Mitarachi. Nous gardons nos frontières en respectant le droit international et nous continuons à sauver des centaines de migrants tous les jours en Méditerranée », a-t-il précisé.

      Athènes fait face depuis des mois à de nombreuses accusations de refoulement en mer Egée et à la frontière terrestre avec la Turquie, dans l’Evros. Le 14 août déjà, le New York Times avait affirmé que les gardes-côtes grecs avaient abandonné en « pleine mer » des canots remplis de migrants. Interviewé par CNN, le premier ministre conservateur Kyriakos Mitsotakis avait démenti : « Cela n’est jamais arrivé. Nous sommes les victimes d’une vaste campagne de désinformation », suggérant que les journalistes avaient interrogé principalement des sources turques voulant décrédibiliser les autorités grecques.

      Depuis l’envoi par la Turquie de milliers de réfugiés à la frontière terrestre de l’Evros, en mars, Athènes a toujours assuré vouloir « protéger ses frontières » qui sont aussi celles de l’Europe et faire face à « une menace ». Le gouvernement a renforcé le contrôle des frontières en embauchant notamment du personnel supplémentaire. Entre avril et juillet, les arrivées à Lesbos ont diminué de 85 % par rapport à l’année dernière, selon le ministère des migrations.
      Des « abus sont trop nombreux pour être ignorés »

      Pour de nombreuses ONG présentes sur le terrain, cette diminution spectaculaire est le résultat de « pushbacks ». Selon Human Rights Watch, « les preuves et les rapports décrivant les abus sont trop nombreux pour être ignorés ». L’organisation dit avoir interrogé des victimes et des témoins qui décrivent comment les garde-côtes grecs, la police, et des hommes masqués et vêtus d’habits sombres ont effectué depuis les îles de Rhodes, de Samos et Simi, des refoulements illégaux de personnes sur de petits canots gonflables.

      A la fin août, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU se disait « inquiet de l’augmentation des publications depuis mars 2020 attestant de refoulements illégaux ». « Le HCR a reçu des rapports et des témoignages de personnes abandonnées en pleine mer pendant un long moment, souvent sur des rafiots surpeuplés », précisait le communiqué.

      L’Observatoire grec des accords d’Helsinki a déjà déposé une plainte auprès de la Cour suprême grecque pour le refoulement de plus de 1 300 personnes en s’appuyant sur les témoignages recueillis par plusieurs ONG. En septembre, 29 organisations de défense des droits de l’homme ont par ailleurs adressé une lettre au premier ministre et au parlement grecs pour réclamer une enquête. Leur courrier est encore sans réponse alors que 35 membres d’ONG font, eux, l’objet d’une investigation : ils sont suspectés d’avoir renseigné des migrants sur les positions des gardes-côtes ainsi que des passeurs sur des lieux d’accostage. Ces humanitaires travaillent pour des organisations qui ont dénoncé avec le plus de véhémence les refoulements vers la Turquie par les gardes-côtes grecs.

      Frontex, qui a engagé en Grèce quelque six cents agents dotés de divers moyens de surveillance, a déjà fait l’objet d’autres accusations mais affirme à chaque fois respecter un code de conduite qui prohibe strictement les refoulements. La communication très cadenassée de l’agence ne détaille toutefois pas comment les contrôles sont vraiment exercés. L’action du service interne chargé de contrôler le respect des droits fondamentaux reste également nébuleuse. Une situation déplorée par le HCR, membre du forum consultatif chargé de conseiller l’agence européenne dans son action.

      https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/05/frontex-sous-pression-apres-des-accusations-de-refoulement-de-migrants-aux-p

    • EU: Probe Frontex Complicity in Border Abuses. Ensure Independent and Effective Investigation

      The top governing body of the European Union Border and Coast Guard Agency (Frontex) should urgently establish an independent inquiry into allegations of its involvement in unlawful operations to stop migrants from reaching the European Union (EU), Human Rights Watch said today.

      The agency’s board will hold an extraordinary meeting on November 10, 2020. Frontex should also address serious and persistent violations by border and law enforcement officers of the countries where it operates.

      “The fact that Frontex may have become complicit in abuses at Greece’s borders is extremely serious,” said Eva Cossé, Western Europe researcher at Human Rights Watch. “The Management Board of Frontex should quickly open an inquiry into Frontex involvement in – or actions to disregard or cover up – abuses against people seeking protection from conflicts and persecution.”

      On October 23, a group of media outlets published a detailed investigative report alleging Frontex involvement in pushback operations at the Greek-Turkish maritime border, in the Aegean Sea. The reports said that asylum seekers and migrants were prevented from reaching EU soil or were forced out of EU waters. Such pushbacks violate international law, Human Rights Watch said.

      EU Home Affairs Commissioner Ylva Johansson said on October 28 that she had asked, in coordination with Commission President Ursula von der Leyen, “to convene an urgent extraordinary Frontex Management Board meeting on 10 November, to discuss alleged push-back incidents in Greece and fundamental rights protection.”

      Frontex’s mandate obliges officers and the officers of member states deployed to respect fundamental rights, but the agency has been under heavy criticism for the shortcomings of its internal monitoring and accountability mechanisms. On October 27, Frontex announced an internal inquiry into the incidents reported by the media.

      In recent years, nongovernmental groups and media outlets have consistently reported the unlawful return, including through pushbacks, of groups and individuals from Greece to Turkey, by Greek law enforcement officers or unidentified masked men who appear to be working in tandem with border enforcement officials.

      Since Frontex deployed officers along the full length of the Turkey-Greece land border in March, Human Rights Watch has documented that Greek law enforcement officers routinely summarily returned asylum seekers and migrants through the land border with Turkey. Human Rights Watch found that officers in some cases used violence and often confiscated and destroyed migrants’ belongings.

      Greek authorities have said that police officers wearing dark blue uniforms work at police stations. Border patrol police officers wear military camouflage uniforms. Frontex guards wear their national uniforms, with a blue armband with the EU flag.

      In July, Human Rights Watch documented collective expulsions, through the Evros river land border, of asylum seekers rounded up from deep inside Greece.

      In a June 19 response to questions posed by Human Rights Watch, Frontex wrote that no abuses against migrants by Greek border guards or by police or border guards of other EU member states deployed under Frontex had been reported to Frontex. It said that Frontex does not have the authority to investigate allegations of abuse by EU member states’ police or border guards deployed in Greece. It said that such investigations are conducted by the competent national authorities.

      In June, the International Organization for Migration (IOM) said it was deeply concerned about persistent reports of pushbacks and collective expulsions of migrants, in some cases violent, at Greece’s border with Turkey. In August, the UN Refugee Agency flagged concerns over the increasing number of credible reports of pushbacks at Greece’s land and sea borders.

      In May 2019, Frontex told Human Rights Watch that it had not detected any human rights violations or pushbacks during its operational presence at Croatia’s border with Bosnia and Herzegovina, despite consistent evidence of brutal pushbacks, reports from international and regional organizations, and the confirmation by Croatian officials that such abuses were taking place.

      Under the Frontex mandate, its executive director has the authority to, and should, withdraw financing, and suspend or terminate its activities if there are serious violations of fundamental rights related to its activities. The executive director is also expected to take into account information provided by relevant international organizations.

      On July 6, during a debate at the European Parliament’s Committee on Civil Liberties, Justice and Home Affairs (LIBE) on fundamental rights at the Greek border, Johansson said that pushbacks by Greek border guards should be investigated. In its new Pact on Migration and Asylum, presented on September 23, the European Commission recommended to member states to set up an independent monitoring mechanism, amid increased allegations of abuse at the EU’s external borders.

      Members of the Frontex Management Board should set up an independent, prompt, effective, transparent, and impartial investigation into allegations that officers deployed by Frontex were involved in unlawful operations of pushbacks of asylum seekers. Any officer found to have engaged in such illegal acts, as well as their commanding officers and officials who have command responsibility over such forces, should be subject to disciplinary and criminal sanctions, as applicable.

      The investigation should also identify whether Frontex failed to report or otherwise address allegations of serious fundamental rights violations committed by law enforcement or border officers of the member state hosting operations.

      “An EU agency with a clear mandate to act in compliance with fundamental rights has the responsibility to do everything possible to prevent such severe violations,” Cossé said. “If Frontex not only turned a blind eye to abuses committed under its sight, or worse, directly took part in them, it becomes every EU member state’s responsibility.”

      https://www.hrw.org/news/2020/11/09/eu-probe-frontex-complicity-border-abuses

    • Frontex calls for committee to consider questions related to sea surveillance

      Today, Frontex Executive Director Fabrice Leggeri has called for the creation of an evaluation committee to consider legal questions related to the Agency’s surveillance of external sea borders and accommodating the concerns raised by Member States about “hybrid threats” affecting their national security at external borders where the European Border and Coast Guard Agency will deploy its standing corps.

      Under the Frontex proposal, the committee would be coordinated by the European Commission with the participation of Member States on a volunteer basis. It would address various questions, in particular those related to Regulation 2014/656 in the light of the current operational situation.

      Executive Director Fabrice Leggeri also expressed the Agency’s continued commitment to highest standards of protection of fundamental rights.

      “Any allegation of misconduct or infringement of international treaties or fundamental rights in the framework of joint operations coordinated by Frontex is treated with grave concern and carefully investigated,” said Fabrice Leggeri.

      “I am committed to reinforce the office of the Fundamental Rights Officer and to gradually increase its budget,” he added.

      Leggeri also proposed that the Frontex Fundamental Rights Officer to play a bigger role in raising awareness of the operational officers on the legal requirements that they need to apply on everyday basis in the field.

      “This could apply not only to the Frontex-deployed staff, but also to the staff of the International Coordination Centres, who often play an essential part in deciding to react to complicated events,” Leggeri said.

      https://frontex.europa.eu/media-centre/news-release/frontex-calls-for-committee-to-consider-questions-related-to-sea-surv

    • #Ombudsman opens inquiry to assess European Border and Coast Guard Agency (Frontex) ‘#Complaints_Mechanism’

      European Ombudsman Emily O’Reilly has opened an inquiry to look into how the European Border and Coast Guard Agency (Frontex) deals with alleged breaches of fundamental rights. In particular, the investigation will assess the effectiveness and transparency of Frontex’s Complaints Mechanism for those who believe their rights have been violated in the context of Frontex border operations, as well as the role and independence of Frontex’s ‘Fundamental Rights Officer’.

      In 2013, as part of a previous inquiry, the Ombudsman recommended that Frontex set up an individual complaints mechanism, and that its Fundamental Rights Officer be in charge of the mechanism. Since then, such a mechanism was put in place and further developed, with a view to providing safeguards for fundamental rights in the context of Frontex’s expanding mandate, as well as ensuring increased accountability and redress for those impacted by its actions.

      This inquiry focuses on whether the Complaints Mechanism and the Fundamental Rights Officer are truly empowered to deal with the issues faced by migrants and asylum seekers who feel their rights have been violated under Frontex operations.

      In opening the inquiry, the Ombudsman has sent a set of detailed questions to Frontex on the Complaints Mechanism and the Fundamental Rights Officer. She has also informed members of the European Network of Ombudsmen (ENO), with a view to their possible participation in the inquiry, as part of the ENO’s parallel work. This is important, given the role of national authorities in Frontex operations, and the fact that some national ombudsmen are responsible for following up on complaints related to this.

      Among other things, the questions set out by the Ombudsman look at: how and when Frontex will be updating the mechanism to reflect its expanded mandate; what happens to complainants who are faced with forced return while their complaint is still being processed; what appeal possibilities are open to complainants; how Frontex monitors complaints against national authorities; how those who have been affected by Frontex operations but are in non-EU countries can complain about alleged breaches of fundamental rights, including the issue of language; and the role of the Fundamental Rights Officer in this process.

      https://www.ombudsman.europa.eu/en/news-document/en/134739

    • Frontex: Cover-Up and Diversion. Outcomes of and Responses to the Frontex Management Board meeting on 10th November

      An extraordinary meeting took place on Tuesday 10th November, between the EU Commission and Frontex, regarding alleged Frontex involvement in illegal pushbacks in Greece.

      Why did the meeting take place?

      This meeting was called due to an overwhelming amount of evidence suggesting the involvement or complicity of Frontex in pushbacks. Reports by Spiegel, Report Mainz, Bellingcat and other international media, including Josoor and other members of the BVMN, had led to this meeting taking place. These investigations show Frontex involvement in at least six pushbacks through, for example, blocking boats and making waves to deter boats from getting any closer to the shore. According to Frontex insiders, mission reports were routinely altered into something more positive, excluding explicit mentions of pushbacks, before being sent to Frontex headquarters in Warsaw, Poland.

      We, at the Border Violence Monitoring Network, took advantage of the opportunity presented by the meeting on 10th November by sending a letter of concern to the Executive Director of Frontex and the FRO. This letter included evidence from testimonies, collected by BVMN partners, including Josoor, from people-on-the-move who claim that Frontex personnel were involved or complicit in pushbacks operations at the borders between Greek and Turkey, and Albania and Greece. The letter questioned Frontex’s knowledge and understanding of these allegations, and demanded an investigation into these claims. The letter was also addressed to the EU commissioner of Home Affairs, Ylva Johansson, and her officer and we hoped this was presented as evidence at the management board meeting on 10th November

      What were the outcomes?

      Johansson remarked on twitter after the meeting:

      “Today’s @Frontex extraordinary management board was a good start to what I want to be a transparent process. The @EU_Commission has asked the Frontex Executive Director to reply to Qs ahead of the next scheduled board meeting (end November).”

      Leggeri, the Executive Director of Frontex, has been ordered by the EU Commission to answer questions concerning these accusations by the end of November. Frontex is yet to comment in detail on the allegations and reported incidents have been forwarded to the Greek coastguard, where also the Greek authorities have refused to comment and denied involvement. Both Frontex and the Greek authorities have launched internal investigations in response to these allegations. Unsurprisingly, after just 48 hours of their investigations, Frontex announced that they were innocent.

      The meeting also included a discussion on whether Frontex should withdraw from missions, such as the one in the Aegean Sea in the event of serious and persistent human rights violations. Such a directive can be found already in Frontex’s regulations. Officials of a few member states vetoed the application of this rule, and Greek representatives in particular were concerned that this could expose the Greek government.

      In the end, a compromise was met. A Frontex statement outlined that a ‘Commission of Inquiry’ will now be made to deal with legal questions concerning operations at sea borders. This will be coordinated by the EU Commission.

      “Any allegation of misconduct or violation of international agreements or fundamental rights within joint operations coordinated by Frontex will be treated with grave concern and investigated closely,” Leggeri said.

      Also, Frontex seeks to strengthen the role of the Fundamental Rights Officer, but experts agree that the internal mechanisms at Frontex are insufficient and therefore see this move as insufficient. As of yesterday, Frontex is advertising for the vacancy of the FRO.

      Members of EU Parliament reactions:

      Tineke Strik (from Netherlands, Green) commented, according to Spiegel, “The announcement did not mention the human rights violations at the border. A committee does not replace a truly independent and transparent investigation. Strik stated “Citizens need to know what has happened and how human rights violations are to be prevented in the future”

      Dietmar Köster (from Germany, SPD) stated, quoted from Tagesschau, "It is a unique cover-up attempt to divert attention from one’s own responsibility and failure to observe human rights”. Köster further stated that Leggeri’s statements showed the arrogance and ignorance of Frontex. “Basic and human rights apply to all. The European Border Management Agency is not exempt from their observance, it is not above the law.”

      An successful outcome: an independent inquiry:

      On the morning of Thursday 12th November, the European Ombudsman tweeted that they would open an inquiry into Frontex, assessing the effectiveness and transparency of their ‘Complaints Mechanism’ and the role and independence of the ‘Fundamental Rights Officer’ (FRO). The latter is especially important as the current ad interim FRO, Annegret Kohler, appointed in 2018, and re-appointed in September 2020, was selected from the Executive Director’s former cabinet, where she was an advisor to the Executive Director. This raises questions about independence and objectivity of the FRO and the FRO’s team to carry out their duties and avoid potential conflicts of interest. Josoor welcomes this investigation.

      https://www.josoor.net/post/frontex-cover-up-and-diversion

    • EU erhöht Druck auf Frontex-Chef

      Die EU-Grenzschutzagentur gerät durch Recherchen des ARD-Magazins Report Mainz und weiterer Medien in Bedrängnis. Heute musste die Frontex-Führung der EU-Kommission zum Thema illegale Pushbacks Rede und Antwort stehen.

      Die Europäische Kommission erwartet Antworten vom Frontex-Chef. Bis Ende November muss sich Fabrice Leggeri zur Verwicklung seiner Grenzschutzagentur in illegale Pushbacks von Flüchtlingen äußern. Das ist das Ergebnis einer Dringlichkeitssitzung des Frontex Management Boards. Das Treffen sei ein guter Anfang gewesen, sie wolle den Prozess transparent gestalten, twitterte die zuständige EU-Kommissarin Ylva Johansson. Leggeri solle bis zur nächsten Zusammenkunft des Management Boards auf die Fragen der Kommission antworten.
      Recherchen bringen Frontex in Bedrängnis

      Johansson hatte das Treffen einberufen, um über eine gemeinsame Recherche des ARD-Magazins Report Mainz, des „Spiegel“ und der Medienorganisationen Bellingcat, Lighthouse Reports und tv Asahi zu diskutieren. Die Medien hatten aufgedeckt, dass Frontex-Einheiten in der Ägäis in illegale Zurückweisungen von Flüchtlingen verwickelt sind.

      Seit April waren Frontex-Beamte nachweislich bei mindestens sechs sogenannten Pushbacks in der Nähe. Auf einem Video ist zu sehen, wie ein Frontex-Schiff ein überladenes Flüchtlingsboot zunächst blockiert, die Insassen aber nicht rettet. Stattdessen fahren die Frontex-Beamten mit hohem Tempo an dem Flüchtlingsboot vorbei und verlassen dann den Ort des Geschehens. Vertrauliche Gespräche mit Frontex-Beamten legten zudem nahe, dass diese ihre Berichte schönen, bevor sie an die Zentrale in Warschau geschickt werden.

      Keine Äußerung von Frontex und Griechenland

      Frontex ist auf die Vorwürfe bis heute nicht im Detail eingegangen. Alle gemeldeten Vorfälle seien an die griechische Küstenwache weitergeleitet worden, diese habe eine interne Untersuchung eingeleitet, teilte die Genzschutzagentur in einem Statement mit. Nach der Antwort der griechischen Behörden seien seine Zweifel ausgeräumt, sagte Leggeri zudem in einem Interview.

      Auch die griechischen Behörden hatten sich zu den Pushbacks nicht im Detail äußern wollen. Sie bestreiten die Vorwürfe pauschal, obwohl die ARD, der „Spiegel“ und andere Medien die Pushbacks mehrfach dokumentiert haben. Nach Angaben von Teilnehmern im „Spiegel“ sahen sich vor allem die griechischen Mitglieder des Management Boards bei dem Treffen Fragen ausgesetzt. Diskutiert wurde unter anderem ein Statement, welches betonen sollte, dass Frontex sich bei schwerwiegenden und anhaltenden Menschenrechtsverletzungen von Missionen wie der in der Ägäis zurückziehen muss.

      Griechen haben Angst vor Bloßstellung

      Ein solche Vorschrift findet sich schon jetzt in den Frontex-Regularien. Beamte einiger weniger Mitgliedsstaaten legten ihr Veto dagegen ein, dass die Anwendung dieser Regel nun in den Raum gestellt werden soll. Besonders die griechischen Teilnehmer fürchteten, dass das Statement die griechische Regierung bloßstellen könnte.

      Am Ende einigte man sich auf einen Kompromiss. Es soll ein Komitee geschaffen werden, das sich mit rechtlichen Fragen zu Einsätzen an der Seegrenzen beschäftigt, heißt es in einem Frontex-Statement. Die Kommission solle dem Vorschlag zufolge die Arbeit des Komitees koordinieren, Mitgliedsstaaten könnten sich auf freiwilliger Basis beteiligen. Im Komitee sollen auch die Sorgen einige Mitgliedsstaaten vor „hybriden Bedrohungen“ eine Rolle spielen. Vor allem Griechenland hatte immer wieder davor gewarnt, dass türkische Geheimdienste sich unter die Migranten auf den Inseln mischen könnten.

      Außerdem will Frontex nach eigener Aussage den sogenannten Fundamental Rights Officer stärken. Der Beamte ist bei Frontex dafür zuständig, dass die Grenzschützer die Grundrechte von Schutzsuchenden achten. Allerdings halten Beobachter alle bestehenden internen Überwachungsmechanismen bei Frontex für unzureichend.
      Kritik aus Europaparlament

      Nach den Enthüllungen der ARD und ihrer Recherchepartner hatten mehrere Europaparlamentarier von Leggeri eine vollständige Untersuchung der Vorwürfe gefordert. Die Grünen-EU-Abgeordnete Tineke Strik kritisierte das Frontex-Statement. Die Ankündigung erwähne die Menschenrechtsverletzungen an der Grenze nicht, sagte sie. Ein Komitee ersetze keine wirklich unabhängige und transparente Untersuchung. „Die Bürger müssen erfahren, was geschehen ist und wie Menschenrechtsverletzungen in Zukunft verhindert werden sollen“, so Strik.

      „Das Ganze ist eine große Nebelkerze“, sagte Europaparlamentarier Dietmar Köster von der SPD. „Es ist ein einzigartiger Vertuschungsversuch, von der eigenen Verantwortung und dem Versagen bei der Einhaltung von Menschenrechten abzulenken“,

      https://www.tagesschau.de/investigativ/report-mainz/frontex-pushbacks-103.html

    • EU-Grenzpolizei Frontex: Keine Untersuchung zu Verstößen gegen Menschenrechte

      Im März war die EU-Grenzpolizei Frontex in einen versuchten Verstoß gegen Menschenrechte verwickelt. Wie von uns veröffentlichte Akten zeigen, untersuchte Frontex den Vorfall aber nicht, sondern kehrte ihn unter den Teppich.

      Als ARD, Spiegel und Bellingcat vor drei Wochen aufdeckten, dass die Europäische Grenzpolizei Frontex an illegalen Pushbacks an EU-Grenzen beteiligt ist, versprach der Frontex-Direktor Fabrice Leggeri schnell Aufklärung. Die EU-Agentur werde die Vorwürfe untersuchen, nach denen Frontex Geflüchtete völkerrechtswidrig aus der EU abgeschoben hatte.

      „Jeder Vorwurf des Fehlverhaltens oder der Verletzung internationaler Verträge oder Grundrechte im Rahmen gemeinsamer Operationen, die von Frontex koordiniert werden, wird mit großer Besorgnis behandelt und sorgfältig untersucht.“

      Frontex-Direktor Fabrice Leggeri (Übersetzung von FragDenStaat)

      Ein interner E-Mail-Verlauf von Frontex, den wir per Informationsfreiheitsanfrage erhalten haben, zeigt jetzt jedoch, dass die EU-Agentur in vergleichbaren Fällen offenbar kein Interesse daran hat, Verstöße gegen Menschenrechte zu untersuchen. EU Observer hatte zunächst darüber berichtet.
      Dänemark widersetzt sich Frontex-Befehlen

      Bereits am 2. März diesen Jahres hatte Frontex in der Nähe der griechischen Insel Kos versucht, ein Boot mit 33 geflüchteten Menschen, die griechische Gewässer erreicht hatten, in die Türkei abzuschieben. Das griechische Frontex-Kommando befahl einem Schiff der Dänischen Marine mit dem Namen „Stela Polaris“, die Geflüchteten nicht an Land zu bringen, sondern wieder in ein Gummiboot zu setzen und aufs offene Meer Richtung Türkei zu schleppen. Der dänische Befehlshaber des Schiffes widersetzte sich dem rechtswidrigen Befehl jedoch und erreichte durch seine dänischen Vorgesetzten, dass er aufgehoben wurde.

      Frontex hatte den Vorgang bisher nie öffentlich zugegeben. Der dazugehörige E-Mail-Verkehr aus der Frontex-Zentrale in Warschau, den wir veröffentlichen, zeigt, dass Pushbacks die Entscheidungsträger um Direktor Fabrice Leggeri kaum interessierten. Erst aus der Presse erfuhr das Hauptquartier überhaupt davon, dass Frontex in einen versuchten Verstoß gegen die Menschenrechte verwickelt war.

      Einen Bericht – intern Serious Incident Report genannt – gab es trotz der Schwere des Vorfalls nicht. Die Frontex-Pressesprecherin forderte deswegen in Erwartung von Presseanfragen am Morgen des 6. März, vier Tage nach dem Vorfall, bei ihren Kolleg:innen einen Bericht zu den Vorfällen an. Am Nachmittag wurde sie informiert, dass es in der Tat einen versuchten Pushback gegeben hatte.

      Menschenrechte geprüft in vier Stunden

      Bemerkenswert ist, wie die Frontex-Zentrale anschließend mit den Informationen umging: Es schloss die Akten. Bereits vier Stunden nach der Meldung über Vorfall kamen die Frontex-Mitarbeiter:innen zu der Einschätzung, der versuchte Pushback sei ein „Einzelfall“. Er wurde noch nicht einmal beim täglichen Treffen der Befehlshabenden in der Frontex-Mission besprochen.

      Weitere Informationen zu dem Vorfall finden sich in den Akten laut Frontex nicht. Die Frontex-Mitarbeiter:innen überprüften nicht die Kommando-Strukturen und prüften nicht, warum es keinen internen Bericht zu dem rechtswidrigen Befehl gab. Sie unternahmen auch sonst keine Versuche, um sicherzustellen, dass Pushbacks durch das Frontex-Kommando nicht mehr vorkommen würden. Im Sommer schließlich gab Frontex-Direktor gegenüber dem Europäischen Parlament zu Protokoll, der versuchte Pushback sei ein „Missverständnis“ gewesen.

      Einige Monate später fanden Journalist:innen Beweise dafür, dass es sich offenbar nicht um einen Einzelfall handelt und Frontex mindestens im Juni an weiteren Pushbacks beteiligt war. Die EU-Agentur hatte offenbar kein Interesse daran, Verstöße gegen Menschenrechte zu unterbinden.

      https://fragdenstaat.de/blog/2020/11/18/frontex-pushbacks-denmark

    • Council of Europe’s anti-torture Committee calls on Greece to reform its immigration detention system and stop pushbacks

      In a report published today on a rapid reaction ad hoc visit to Greece in March 2020, the Council of Europe’s anti-torture committee (CPT) once again urges the Greek authorities to change their approach towards immigration detention and to ensure that migrants deprived of their liberty are treated both with dignity and humanity.

      The Council of Europe’s Committee for the Prevention of Torture and Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (CPT) has published today the report on its ad hoc visit to Greece, which took place from 13 to 17 March 2020, together with the response of the Greek authorities.

      In the report, the CPT acknowledges the significant challenges faced by the Greek authorities in dealing with large numbers of migrants entering the country and that it requires a coordinated European approach. However, this cannot absolve the the Hellenic Republic from their human rights obligations and the duty of care owed to all migrants that the Greek authorities detain.

      The CPT found that the conditions of detention in which migrants were held in certain facilities in the Evros region and on the island of Samos could amount to inhuman and degrading treatment. The report again underlines the structural deficiencies in Greece’s immigration detention policy. Migrants continue to be held in detention centres composed of large barred cells crammed with beds, with poor lighting and ventilation, dilapidated and broken toilets and washrooms, insufficient personal hygiene products and cleaning materials, inadequate food and no access to outdoor daily exercise. Extreme overcrowding in several of the facilities further aggravated the situation. In addition, migrants were not provided with clear information about their situation.

      The CPT once again found that families with children, unaccompanied and separated children and other vulnerable persons (with a physical or mental health illness, or pregnant women) were being detained in such appalling conditions with no appropriate support. The CPT calls upon the Greek authorities to end the detention of unaccompanied children and of children with their parents in police establishments. Instead, they should be transferred to suitable reception facilities catering to their specific needs.

      The report also highlights that the CPT again received consistent and credible allegations of migrants being pushed back across the Evros River border to Turkey. The Greek authorities should act to prevent such pushbacks. The CPT furthermore raises concerns over acts by the Greek Coast Guard to prevent boats carrying migrants from reaching any Greek island and it questions the role and engagement of FRONTEX in such operations.

      The CPT calls upon the Greek authorities to take vigorous steps to stamp out ill-treatment of detained migrants by the police. The report refers to a number of allegations by migrants that they had been ill treated by members of the Hellenic Police and/or Coast Guard either upon apprehension or after being brought to a place of detention. The ill treatment alleged consisted primarily of slaps to the head and kicks and truncheon blows to the body.

      In their response, the Hellenic Police provide information on the steps being taken to improve the conditions of detention for detained migrants. They also state that the alleged practice of pushbacks to the border is unsubstantiated and completely wrong. As regards unaccompanied minors, reference is made to a new strategy to end their detention and to their transfer from reception centres on the islands to safe accommodation facilities on the mainland.

      https://search.coe.int/directorate_of_communications/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a06bcf

    • Annex to the reply of Fabrice Leggeri to the LIBE Committee

      https://www.tinekestrik.eu/sites/default/files/2020-11/Answers%20to%20the%20questions%20from%20the%20LIBE%20Commitee.pdf

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      Thread sur twitter:

      It looks like Frontex are NOT denying that they may be involved in #pushbacks after all. FL partly evades (’...always committed...’) and partly seems to blame the ’uniqueness’ of operational areas & ’complex geography’ of the Greek and Turkish border for FX being involved in pushbacks.

      –---

      The earlier letter sent to the EP President might offer some clues. I’m not a legal expert, but FL seems to suggest that Art. 6 of Reg. 656/2014 (on interception at sea) needs to be clarified so as to define what constitutes a #pushback. Interesting.
      https://www.tinekestrik.eu/sites/default/files/2020-11/Letter%20to%20EP_Frontex%20maritime%20operations%20at%20EU%20external%20

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      Yet not all pushbacks happen at sea. While the request for interpretation above might mean that FX is looking for a way out re: #pushbacks at the Aegean, what about those at the
      Greek-Turkish land border? I think there’s less concern with #pushbacks at #Evros, though. No videos...

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      Back to the Annex: We know SIRs weren’t submitted as they should. The real question is why. It might be down to officers on the ground lacking in training (they shouldn’t, but...) or not wanting to get their colleagues in trouble (the spirit of camaraderie...).

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      BUT: Today’s Spiegel article refers to a ’Frontex official in charge’ advising a Swedish officer not to submit a SIR. FX management were aware few SIRs being submitted for years. Is it a practice dictated from the top? To avoid having evidence of violations?

      https://www.spiegel.de/politik/ausland/pushbacks-in-der-aegaeis-wie-frontex-menschenrechtsverletzungen-vertuscht-a-

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      Suspension/non-launch of operations has never happened. The ED didn’t take into account reports by NGOs or human rights bodies when considering the 2016 recommendation to suspend operations in Hungary. He relied on the very low number of SIRs to reject it.
      https://respondmigration.com/wp-blog/fundamental-rights-accountability-transparency-european-governance

      –—

      Same with the 2019 & 2020 recommendations of the FRO to consider suspension of operations in #Evros. As for taking into account media reports ... well, I’d say the reply to the LIBE committee reads like the media accounts are being dismissed.

      https://twitter.com/lk2015r/status/1331662031095787521

    • E.U. Border Agency Accused of Covering Up Migrant Pushback in Greece

      Frontex is under fire for letting Greece illegally repel migrants as the agency expands to play a more central role at the bloc’s external borders.

      Mounting evidence indicates that the European Union’s border agency has been complicit in Greece’s illegal practice of pushing back migrants to Turkey, according to documents obtained by The New York Times and interviews with officials.

      In at least one case, Frontex, as the E.U. border agency is known, is accused of having helped cover up the violations, when a crew said it was discouraged by agency officials from reporting that they had seen the Greek authorities setting a boatload of migrants adrift in Turkish waters.

      The case is currently being investigated by Frontex. But it has fueled suspicions that the agency, newly boosted in its role as upholder of the rule of law at E.U. borders, is not just sporadically aware of such abuses, but that it plays a role in concealing them.

      “We are seeing an erosion of the rule of law at the E.U. borders which is willful,” said Gerald Knaus, a migration expert. “This is deeply worrying because it is eroding the refugee convention on the continent on which it was created.”

      Throughout this year, The New York Times and others have reported on growing operations by the Greek Coast Guard to repel migrants from Greek waters back to Turkey, reports the Greek authorities deny amount to breaches of international laws.

      But revelations that Frontex has witnessed pushbacks have thrown the agency into a governance crisis that threatens to further blight the European Union’s liberal values, once again calling into question the bloc’s commitment to upholding its own laws on refugees.

      The cases have also highlighted a conundrum at the core of E.U. ambitions to tighten external borders by pooling resources and involving the bloc in the sensitive, zealously shielded work of sovereign border guards.

      Frontex is the European Union’s best-funded agency, with a budget of over $500 million, and will soon deploy the first uniformed officers in the bloc’s history. It has been built up specifically to help in migrant-rescue operations as the burden of policing Europe’s borders has fallen most heavily on its peripheral states, like Greece.

      It was also intended as a deterrent to the kind of mass arrival of refugees that sowed political crises across Europe after 2015, and fanned nationalist and populist movements.

      Yet Frontex is not empowered to stop national border guards from committing violations, and it is not clear how it can play a role as standard-bearer of E.U. laws when informing on national forces risks the working relationships on which its operations depend.

      Refugee arrivals to the European Union peaked five years ago and have dropped drastically since, but thousands of asylum seekers, many fleeing the wars in Afghanistan and Syria, still attempt the crossing. Unlike in the past, Greeks and their government have turned hostile to the new arrivals, exhausted by years in which asylum seekers have been bottled up in overrun camps on Greek islands.

      There is also a growing belief in the Greek and several other European governments that aggression at the borders and poor conditions at migrant camps will make the attempt to reach Europe less attractive for asylum seekers.

      Earlier this year, an analysis by The Times showed that the Greek government had secretly expelled more than 1,000 asylum seekers, often by sailing them to the edge of Greek territorial waters and abandoning them in flimsy inflatable life rafts in violation of international laws.

      The Greek Coast Guard has rescued thousands of asylum seekers over the years but has become much more aggressive this year, especially as Turkey used migrants to provoke Greece by encouraging them to cross the border.

      The Greek government has denied it is doing anything illegal in repelling migrant boats from its national waters, characterizing the operations as robust border guarding. But Mr. Knaus said “the denials are not serious,” and the practices are effectively happening in the open — under the eyes of E.U. border patrols.

      The documents obtained by The Times describe, in Coast Guard vernacular littered with acronyms, codes, time-stamps and coordinates, a seemingly incessant Ping-Pong of migrant dinghies between Greek and Turkish waters, with Frontex crews on vessels or aircraft in observer status.

      Four officials with direct knowledge of Frontex operations said that agency officials have been discouraging crews from filing reports on pushback incidents, and, in some cases, have stopped initial alerts of violations from being filed as “serious incident reports,” at times after consulting with the Greek authorities.

      They all spoke on condition of anonymity because they were concerned about losing their jobs, or were not authorized to brief the press.

      The Frontex spokesman, Chris Borowski, said the agency took the reporting of violations very seriously. “Pushbacks are illegal under international law,” Mr. Borowski said.

      In the latest case to come to light, a Swedish Coast Guard crew on deployment under Frontex witnessed a pushback to Turkish waters of a boat full of migrants by the Greek authorities on Oct. 30 off the Greek island of Chios.

      The Swedish crew was later advised by a Frontex officer to not report it, documents reviewed by The Times show. The Swedish representative to the management board of Frontex described the incident, and the suppression of the attempt to report it, at a meeting on Nov. 10 — the first known case of an E.U. member state reporting active interference by Frontex officials.

      The Swedish government did not comment. A spokesman for Frontex said the agency wouldn’t comment because of an “ongoing procedure.”

      Frontex has been working in Greece for more than a decade, providing sea, land and aerial surveillance and rescue capabilities and deploying crews from other member states under its command.

      The details now emerging push the agency deeper into a governance crisis which began in October when a consortium of news organizations, including the German newsmagazine Der Spiegel, reported a number of occasions when Frontex crews witnessed pushbacks in Greece.

      The European Commission, which is part of the Frontex oversight system but does not control the agency, pushed for a special inquiry into these allegations and, at an emergency agency board meeting on Nov. 10, asked its leadership to answer detailed questions in writing.

      The answers arrived with a four-day delay, just 15 hours before the start of another meeting to discuss the problems on Wednesday. Yet another emergency meeting has been called in December, mounting pressure on the agency.

      Frontex has promised internal investigations but also quickly dismissed allegations, saying for example, in a letter seen by The Times, that it would look into the Swedish case, but that it had so far found no evidence that it happened.

      How these investigations shake out will matter a great deal for the future of Frontex, which was once little more than a back-office operation in Warsaw but now finds itself on the front lines of the nettlesome issue of migration that has the potency to make or break governments.

      Apart from helping member states with asylum-seeker arrivals, Frontex’s role as an E.U. agency by law is to respect fundamental rights, and bring up human-rights standards across national E.U. border agencies, which often don’t have a strong culture of upholding them.

      But claims that Frontex does not take fundamental rights seriously enough are growing. This year, only one million euros in its budget of 460 million euros — about $548 million — was allocated to rights monitoring.

      The agency was supposed to hire 40 fundamental-rights officers by Dec. 5 but the jobs have not yet been advertised. The agency is currently hiring for their boss, after years of staffing issues around that position. A Frontex spokesman said the delays stemmed from the coronavirus pandemic.

      Documents seen by The Times laid out how in one episode the Greek authorities were consulted before a report was made, and were able to suppress it. On Aug. 10, a German crew deployed by Frontex reported that a Greek Coast Guard vessel “took up border control measures prohibiting the landing to Samos.”

      The expression refers to maneuvering and making waves around a dinghy to repel it. The event was not recorded as a “serious incident,” because, the document said, the Greek Coast Guard argued the activities “do not provide any ground” to initiate such a report.

      Another incident, which a Frontex aerial crew observed and reported in detail to its headquarters, took place on the evening of April 18 to 19 off the coast of Lesbos, and lasted more than five hours.

      A dinghy was detected by the Greek authorities and approximately 20 migrants were rescued and put on board a Greek Coast Guard vessel shortly after midnight, their empty dinghy towed by the Coast Guard toward the island.

      But instead of being taken to shore, at 2:45 a.m., the migrants were put back on their dinghy and tugged to Turkish waters by the Greek Coast Guard, the Frontex aerial crew reported.

      As events unfolded, the Greek command center twice asked the Frontex aircraft to change its flight path, directing it away from the incident.

      “At 03:21 Frontex Surveillance Aircraft communicates that the rubber boat has no engine and it is adrift. Greek assets are departing the area leaving the rubber boat adrift,” the document said.

      The internal Frontex report detailing this incident and categorizing it as a fundamental-rights violation was “dismissed,” the document shows.

      https://www.nytimes.com/2020/11/26/world/europe/frontex-migrants-pushback-greece.html

    • La Grèce fortement soupçonnée de refouler les migrants

      L’agence européenne Frontex, potentiellement impliquée dans les refoulements, mène une enquête interne et doit fournir des explications à la Commission européenne fin novembre. Une plainte a été déposée le 17 novembre auprès du comité des droits de l’homme de l’ONU.

      L’étau se resserre autour de la Grèce, de plus en plus fréquemment accusée de refouler les migrants vers la Turquie, aussi bien en mer qu’à terre. Le soupçon n’est pas nouveau, comme l’atteste le terrible récit de Fadi Faj. Ce jeune Syrien de 25 ans est arrivé en 2015 avec l’immense vague de demandeurs d’asile en Allemagne. Berlin lui octroie alors le statut de réfugié et un permis de séjour avec lequel il se rend en Grèce en novembre 2016, à la recherche de son jeune frère de 11 ans dont il a perdu la trace lors de sa traversée de la frontière greco-turque à Evros.

      Fadi Faj est alors arrêté par la police grecque qui lui confisque ses papiers et l’expulse vers la Turquie avec une cinquantaine d’autres demandeurs d’asile. Devenu un sans-papier, il sera à treize reprises repoussé de part et d’autre de la frontière par les forces grecques ou turques. Ayant enfin mis un pied à terre en Grèce en décembre 2017, il y vivra encore deux ans dans le dénuement avant d’obtenir un visa pour regagner l’Allemagne qui lui délivrera un nouveau permis de séjour en mai 2020.

      Une plainte auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU

      Ce récit glaçant fait l’objet d’une plainte à l’encontre de la Grèce déposée le 17 novembre auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU, par le Global Legal Action Network (Réseau mondial d’action juridique) basé en Irlande et l’ONG grecque HumanRights 360.

      Entre-temps, les cas du même type se sont multipliés. Surtout depuis le printemps dernier, après que le président turc Erdogan a menacé d’ouvrir les frontières et incité les migrants à se diriger vers la Grèce. « J’ai vu de mes yeux vu deux refoulements en mer depuis ma maison sur la côte nord de Lesbos », dénonce ainsi Christina Chatzidaki, une habitante de l’île qui jouxte les côtes turques, et y dirige l’association Siniparxi (Coexistence).

      Alarm phone qui reçoit les appels de détresse des embarcations en mer se déclarait en mai dernier « très préoccupé par la récente augmentation des rapports d’attaques sur les bateaux de migrants ». L’ONG avait alors engrangé les témoignages de survivants de 18 bateaux. « Ils ont fait état d’actions dangereuses, telles que le fait de tourner autour de leurs bateaux et de provoquer des vagues, des menaces avec des armes à feu, le vol de leur essence, la destruction de moteurs et, également, le remorquage de bateaux vers les eaux turques où ils ont été laissés à la dérive », précise l’ONG.
      Intimer la Commission d’agir

      Les dénonciations de pratiques qui violent les droits humains, et contreviennent au droit de la mer et au droit européen n’ont pas cessé par la suite. Le porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) déclarait le 12 juin dernier : « le HCR a continuellement fait état de ses préoccupations auprès du gouvernement grec et a demandé des enquêtes urgentes sur une série d’incidents présumés ». Il soulignait alors la corrélation entre la forte baisse du nombre d’arrivées de migrants en Grèce et l’augmentation du nombre de refoulements signalés. En 2019, 60 000 personnes avaient débarqué en Grèce par la mer et 15 000 par la terre. En 2020, jusqu’au 22 novembre, ils ne sont plus, respectivement, que 9 400 et 5 400.

      Jusqu’à présent la Grèce a nié ces allégations. « Nous protégeons nos frontières en accord avec les lois internationales et européennes » a encore affirmé le ministre grec de l’immigration Notis Mitarakis le 13 novembre dernier au site Infomigrants. Deux mois auparavant, le 22 septembre, les ONG Oxfam et WeMove adressaient une plainte auprès de la Commission européenne pour l’intimer de mener « une enquête sur les violations systématiques du droit européen concernant le traitement des demandeurs d’asile en Grèce ».
      La possible implication de Frontex

      Enfin, le site d’investigation Bellingcat et le magazine allemand Der Spiegel apportèrent en octobre un coup de grâce supplémentaire, en dénonçant, images à l’appui, le laisser-faire, voire l’implication, de l’agence européenne de surveillance aux frontières Frontex - qui a déployé plus de 600 agents en Grèce - dans six cas documentés de pratique illégale de refoulement.

      Un soupçon repris par le comité contre la torture du Conseil de l’Europe. Dans son rapport publié le 19 novembre, le comité a indiqué « avoir de nouveau reçu des allégations cohérentes et crédibles de migrants repoussés vers la Turquie ».

      Il s’est déclaré « inquiet des actes commis par les garde-côtes grecs pour empêcher les bateaux transportant des migrants d’atteindre les îles grecques » et « s’interroge sur le rôle et l’implication de Frontex dans de telles opérations ».

      Face à une telle avalanche, l’Union européenne pouvait difficilement continuer à se voiler la face. La suédoise Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures a réclamé des explications pour fin novembre à l’agence Frontex, laquelle a indiqué avoir ouvert une enquête interne.

      https://www.la-croix.com/Monde/Grece-fortement-soupconnee-refouler-migrants-2020-11-24-1201126401

    • Refoulements de demandeurs d’asile : le directeur de Frontex interrogé par les députés

      La supposée implication d’agents de Frontex dans les refoulements de demandeurs d’asile à la frontière grecque sera au cœur du débat en commission des libertés civiles mardi.

      Les députés seront en attente de réponses de la part du directeur exécutif de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Fabrice Leggeri, concernant les incidents révélés récemment par les médias au cours desquels des garde-côtes grecs (avec la connaissance présumée et même l’implication d’agents de Frontex) ont arrêté des migrants qui tentaient d’atteindre les côtes de l’UE et les ont renvoyés dans les eaux turques. Les députés devraient s’enquérir des résultats de l’enquête interne menée par l’Agence européenne de gestion des frontières et de la réunion du conseil d’administration convoquée à la demande de la Commission européenne.

      En octobre dernier, avant les révélations des médias, le forum consultatif de Frontex (qui réunit notamment des représentants du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA), du HCR, du Conseil de l’Europe et de l’OIM) avait exprimé son inquiétude dans son rapport annuel. Le forum pointait du doigt l’absence de véritable système de contrôle permettant de prévenir et de traiter les violations potentielles des droits fondamentaux dans les activités de l’Agence.

      Le 6 juillet, au cours d’une précédente réunion de la commission des libertés civiles, Fabrice Leggeri avait assuré aux eurodéputés que Frontex n’était pas impliquée dans les refoulements et avait qualifié l’incident avec l’équipe danoise à bord de l’un des navires de l’Agence de ‘‘malentendu’’.

      DATE : mardi 1er décembre de 13h50 à 14h45

      LIEU : Parlement européen à Bruxelles, bâtiment Antall, salle 4Q2 et à distance

      https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20201126IPR92509

    • EU border chief urged to quit over migrant pushback claims

      European Union lawmakers lashed out Tuesday at the head of Frontex over allegations that the border and coast guard agency helped illegally stop migrants or refugees entering Europe, calling for his resignation and demanding an independent inquiry.

      The lawmakers grilled Executive Director Fabrice Leggeri over an investigation in October by media outlets Bellingcat, Lighthouse Reports, Der Spiegel, ARD and TV Asahi, which said that video and other publicly available data suggest Frontex “assets were actively involved in one pushback incident at the Greek-Turkish maritime border in the Aegean Sea.”

      The report said personnel from the agency, which monitors and polices migrant movements around Europe’s borders, were present at another incident and “have been in the vicinity of four more since March.” Frontex launched an internal probe after the news broke.

      “In his handling of these allegations, Executive Director Fabrice Leggeri has completely lost our trust and it is time for him to resign,” senior Socialist lawmaker Kati Piri said in a statement after the parliamentary civil liberties committee hearing. “There are still far too many unanswered questions on the involvement of Frontex in illegal practices.”

      Pushbacks are considered contrary to international refugee protection agreements, which say people shouldn’t be expelled or returned to a country where their life and safety might be in danger due to their race, religion, nationality or being members of a social or political group.

      Frontex’s board met to discuss the allegations late last month. The board said afterwards that the European Commission had ordered it to “hold a further extraordinary meeting within the next two weeks in order to consider in more detail the replies provided by the agency.” That meeting is scheduled to take place on Dec. 9.

      “Migrants and refugees are very vulnerable to pushbacks by border guards,” Greens lawmaker Tineke Strik said. “We must be able to rely on an EU agency which prevents human rights violations from happening and not inflict them. But Frontex seems to be a partner in crime of those who deliberately violate those human rights.”

      Strik raised doubts about whether the internal Frontex probe would produce results and urged the assembly’s political groups to consider launching their own inquiry.

      Leggeri said that no evidence of any Frontex involvement in pushbacks had been found so far. He said EU member countries have control over operations in their waters, not Frontex, and he called for the rules governing surveillance of Europe’s external borders to be clarified.

      “We have not found evidence that there were active, direct or indirect participation of Frontex staff or officers deployed by Frontex in pushbacks,” he told the lawmakers. When it comes to operations, Leggeri said, “only the host member state authorities can decide what has to be done.”

      Leggeri also said that Frontex staff were under extreme pressure around the time of the alleged incidents in March and April. He said that Turkish F-16 fighter jets had “surrounded” a Danish plane working for Frontex, while vessels were harassed by the Turkish coast guard and shots fired at personnel at land borders.

      He called for EU “guidance” on how to handle such situations.

      The allegations are extremely embarrassing for the European Commission. In September it unveiled sweeping new reforms to the EU’s asylum system, which proved dismally inadequate when over 1 million migrants arrived in 2015, many of them Syrian refugees entering the Greek islands via Turkey.

      Part of the EU’s migration reforms includes a system of independent monitoring involving rights experts to ensure that there are no pushbacks at Europe’s borders. Migrant entries have dropped to a relative trickle in recent years, although many migrants still languish on some Greek islands waiting for their asylum claims to be processed or to be sent back.

      EU Home Affairs Commissioner Ylva Johansson told The Associated Press on Tuesday that she still has confidence in Frontex’s managing board but remains deeply concerned about the allegations.

      During a visit to Morocco, Johansson said that the report “concerns me a lot. If it’s true, it’s totally unacceptable. A European agency has to comply to EU law and fundamental rights with no excuse.”

      Johansson said she has “full confidence in the process that (has) gone on in the management board and the sub-group they are setting up” to continue the investigation, but, she noted that “there were a lot of questions put to the director. And he has not answered these questions.”

      https://www.ekathimerini.com/259789/article/ekathimerini/news/eu-border-chief-urged-to-quit-over-migrant-pushback-claims

    • Frontex is taking us to court

      The EU border police Frontex is under fire for its involvement in human rights violations at the EU’s borders. Now, they want to silence those exposing their wrongdoing.

      For many years, we have been fighting to make Frontex, the EU’s border police, more transparent and accountable. We have made public over a thousand of their documents, including those that show the agency has been complicit in human rights violations and violence against migrants at the EU’s borders.

      Frontex is currently under fire for its involvement in illegal pushbacks in the Aegean and for having concealed evidence about these illegal acts. Confronted with such serious accusations, the EU border agency has now chosen to go after those who investigate them: they are taking us to court.

      Frontex has filed a case against us before the General Court of the European Union in order to force us to pay them a large amount of money. Last year, we lost our lawsuit for information about Frontex and now, the agency is demanding from us excessive legal fees. The message is clear: they want to make sure that we never take them to court again.
      Details must remain secret

      For the time being, we will not be able to disclose further details related to the case due to the court’s rules on keeping all information secret while proceedings are ongoing. Back in January, the agency justified their excessive legal fees on their decision to hire expensive private lawyers.

      Frontex, which has a billion-euro budget, making it the best resourced EU agency, employs a well-staffed internal legal department. Both the decision to hire private lawyers and to then claim these costs from civil society are highly unusual in court cases against the EU authorities.
      What happens if Frontex wins?

      If Frontex succeeds, in the future only corporations and the rich will be able to afford legal action against EU authorities. Activists, journalists, NGOs and individuals will not be able to defend human rights before the EU court. Frontex bringing a case like this directly against civil society, let alone winning, discourages others from holding them accountable in the future. It’s this chilling effect that we believe they’re hoping for.

      In the spring, more than 87,000 people petitioned Frontex to withdraw their legal bill. 44 civil society organizations also called on Frontex to retract its demand. Frontex has nonetheless chosen to ignore their voices.

      In recent years, Frontex has experienced an enormous increase of power and resources. Not only is it about to receive € 11 billion under the next EU budget, but it can also now hire its own border guards and buy its own equipment, including aircrafts, ships, drones and weapons.

      Investigating Frontex and holding it accountable is now more important than ever. As recent publications have revealed, the EU border force has been involved in numerous human rights violations at the EU borders.
      What you can do

      Our freedom of information work is financed by individual donations. We will fight in court for a judgement that gives Frontex as little money as possible. If you want to support us in this, we would be very happy to receive a donation. We will use every extra euro for new investigations and legal action against Frontex.

      https://fragdenstaat.de/en/blog/2020/12/02/frontex-costs-court-transparency

    • S&Ds call for Frontex Director to resign

      The S&D Group in the European Parliament today called for the Executive Director of Frontex to resign following months of allegations on the agency’s involvement in illegal practices and violations of fundamental rights.

      In today’s hearing of the civil liberties, justice and home affairs committee (LIBE), Director Fabrice Leggeri failed to answer questions relating to the agency’s involvement in pushbacks at the EU’s external borders aimed at preventing asylum-seekers from entering the EU.

      Following the hearing, S&D MEPs concluded Mr Leggeri’s position at the head of Frontex is not sustainable, especially in light of the important role for Frontex in the new Pact on Migration and Asylum.

      Kati Piri, S&D vice-president for migration and LIBE member taking part in the hearing, said

      “In his handling of these allegations, Executive Director Fabrice Leggeri has completely lost our trust and it is time for him to resign. After months of the S&D Group calling for explanations, Director Leggeri had the chance to set the record straight. But there are still far too many unanswered questions on the involvement of Frontex in illegal practices.

      “Pushbacks are a violation of international law and every single incident must be fully investigated. Do we have the confidence in Frontex to ensure alleged incidents are properly investigated? After today, the answer is no.

      “As long as allegations hang over Frontex, its reputation remains severely damaged and in desperate need of repair. In our view, Director Leggeri is not the right person to fix the damage.”

      Birgit Sippel, S&D LIBE coordinator, added:

      “We have to ask ourselves how we got to the point where we have to rely on journalists and whistle-blowers in Frontex to inform us of instances of fundamental and human rights violations at our borders. This is unacceptable and deeply disturbing, in particular when considering the potentially increased role of Frontex as part of the New Pact on Migration and Asylum.

      “The series of alleged pushbacks and cover-ups from Frontex show that we need a strong and independent border monitoring mechanism to investigate any and all alleged violations of fundamental and human rights and international laws at European borders.

      “Under the 2019 Frontex mandate, the Agency was obliged to have recruited at least 40 Fundamental Rights Monitors by 5 December 2020. It is now clear that Frontex will not even have come close to fulfilling this task, and therefore will not comply with the new mandate. Blaming bureaucratic hurdles for the delay of such an important task is insufficient, while the Commission’s role in this delay requires further examination as well. Mr Leggeri has failed in many of his responsibilities and must bear the consequences of his actions.”

      https://www.socialistsanddemocrats.eu/newsroom/sds-call-frontex-director-resign

    • E.U. Border Agency Accused of Covering Up Migrant Pushback in Greece

      Frontex is under fire for letting Greece illegally repel migrants as the agency expands to play a more central role at the bloc’s external borders.

      Mounting evidence indicates that the European Union’s border agency has been complicit in Greece’s illegal practice of pushing back migrants to Turkey, according to documents obtained by The New York Times and interviews with officials.

      In at least one case, Frontex, as the E.U. border agency is known, is accused of having helped cover up the violations, when a crew said it was discouraged by agency officials from reporting that they had seen the Greek authorities setting a boatload of migrants adrift in Turkish waters.

      The case is currently being investigated by Frontex. But it has fueled suspicions that the agency, newly boosted in its role as upholder of the rule of law at E.U. borders, is not just sporadically aware of such abuses, but that it plays a role in concealing them.

      “We are seeing an erosion of the rule of law at the E.U. borders which is willful,” said Gerald Knaus, a migration expert. “This is deeply worrying because it is eroding the refugee convention on the continent on which it was created.”

      Throughout this year, The New York Times and others have reported on growing operations by the Greek Coast Guard to repel migrants from Greek waters back to Turkey, reports the Greek authorities deny amount to breaches of international laws.

      But revelations that Frontex has witnessed pushbacks have thrown the agency into a governance crisis that threatens to further blight the European Union’s liberal values, once again calling into question the bloc’s commitment to upholding its own laws on refugees.

      The cases have also highlighted a conundrum at the core of E.U. ambitions to tighten external borders by pooling resources and involving the bloc in the sensitive, zealously shielded work of sovereign border guards.

      Frontex is the European Union’s best-funded agency, with a budget of over $500 million, and will soon deploy the first uniformed officers in the bloc’s history. It has been built up specifically to help in migrant-rescue operations as the burden of policing Europe’s borders has fallen most heavily on its peripheral states, like Greece.

      It was also intended as a deterrent to the kind of mass arrival of refugees that sowed political crises across Europe after 2015, and fanned nationalist and populist movements.

      Yet Frontex is not empowered to stop national border guards from committing violations, and it is not clear how it can play a role as standard-bearer of E.U. laws when informing on national forces risks the working relationships on which its operations depend.

      Refugee arrivals to the European Union peaked five years ago and have dropped drastically since, but thousands of asylum seekers, many fleeing the wars in Afghanistan and Syria, still attempt the crossing. Unlike in the past, Greeks and their government have turned hostile to the new arrivals, exhausted by years in which asylum seekers have been bottled up in overrun camps on Greek islands.

      There is also a growing belief in the Greek and several other European governments that aggression at the borders and poor conditions at migrant camps will make the attempt to reach Europe less attractive for asylum seekers.

      Earlier this year, an analysis by The Times showed that the Greek government had secretly expelled more than 1,000 asylum seekers, often by sailing them to the edge of Greek territorial waters and abandoning them in flimsy inflatable life rafts in violation of international laws.

      The Greek Coast Guard has rescued thousands of asylum seekers over the years but has become much more aggressive this year, especially as Turkey used migrants to provoke Greece by encouraging them to cross the border.

      The Greek government has denied it is doing anything illegal in repelling migrant boats from its national waters, characterizing the operations as robust border guarding. But Mr. Knaus said “the denials are not serious,” and the practices are effectively happening in the open — under the eyes of E.U. border patrols.

      The documents obtained by The Times describe, in Coast Guard vernacular littered with acronyms, codes, time-stamps and coordinates, a seemingly incessant Ping-Pong of migrant dinghies between Greek and Turkish waters, with Frontex crews on vessels or aircraft in observer status.

      Four officials with direct knowledge of Frontex operations said that agency officials have been discouraging crews from filing reports on pushback incidents, and, in some cases, have stopped initial alerts of violations from being filed as “serious incident reports,” at times after consulting with the Greek authorities.

      They all spoke on condition of anonymity because they were concerned about losing their jobs, or were not authorized to brief the press.

      The Frontex spokesman, Chris Borowski, said the agency took the reporting of violations very seriously. “Pushbacks are illegal under international law,” Mr. Borowski said.

      In the latest case to come to light, a Swedish Coast Guard crew on deployment under Frontex witnessed a pushback to Turkish waters of a boat full of migrants by the Greek authorities on Oct. 30 off the Greek island of Chios.

      The Swedish crew was later advised by a Frontex officer to not report it, documents reviewed by The Times show. The Swedish representative to the management board of Frontex described the incident, and the suppression of the attempt to report it, at a meeting on Nov. 10 — the first known case of an E.U. member state reporting active interference by Frontex officials.

      The Swedish government did not comment. A spokesman for Frontex said the agency wouldn’t comment because of an “ongoing procedure.”

      Frontex has been working in Greece for more than a decade, providing sea, land and aerial surveillance and rescue capabilities and deploying crews from other member states under its command.

      The details now emerging push the agency deeper into a governance crisis which began in October when a consortium of news organizations, including the German newsmagazine Der Spiegel, reported a number of occasions when Frontex crews witnessed pushbacks in Greece.

      The European Commission, which is part of the Frontex oversight system but does not control the agency, pushed for a special inquiry into these allegations and, at an emergency agency board meeting on Nov. 10, asked its leadership to answer detailed questions in writing.

      The answers arrived with a four-day delay, just 15 hours before the start of another meeting to discuss the problems on Wednesday. Yet another emergency meeting has been called in December, mounting pressure on the agency.

      Frontex has promised internal investigations but also quickly dismissed allegations, saying for example, in a letter seen by The Times, that it would look into the Swedish case, but that it had so far found no evidence that it happened.

      How these investigations shake out will matter a great deal for the future of Frontex, which was once little more than a back-office operation in Warsaw but now finds itself on the front lines of the nettlesome issue of migration that has the potency to make or break governments.

      Apart from helping member states with asylum-seeker arrivals, Frontex’s role as an E.U. agency by law is to respect fundamental rights, and bring up human-rights standards across national E.U. border agencies, which often don’t have a strong culture of upholding them.

      But claims that Frontex does not take fundamental rights seriously enough are growing. This year, only one million euros in its budget of 460 million euros — about $548 million — was allocated to rights monitoring.

      The agency was supposed to hire 40 fundamental-rights officers by Dec. 5 but the jobs have not yet been advertised. The agency is currently hiring for their boss, after years of staffing issues around that position. A Frontex spokesman said the delays stemmed from the coronavirus pandemic.

      Documents seen by The Times laid out how in one episode the Greek authorities were consulted before a report was made, and were able to suppress it. On Aug. 10, a German crew deployed by Frontex reported that a Greek Coast Guard vessel “took up border control measures prohibiting the landing to Samos.”

      The expression refers to maneuvering and making waves around a dinghy to repel it. The event was not recorded as a “serious incident,” because, the document said, the Greek Coast Guard argued the activities “do not provide any ground” to initiate such a report.

      Another incident, which a Frontex aerial crew observed and reported in detail to its headquarters, took place on the evening of April 18 to 19 off the coast of Lesbos, and lasted more than five hours.

      A dinghy was detected by the Greek authorities and approximately 20 migrants were rescued and put on board a Greek Coast Guard vessel shortly after midnight, their empty dinghy towed by the Coast Guard toward the island.

      But instead of being taken to shore, at 2:45 a.m., the migrants were put back on their dinghy and tugged to Turkish waters by the Greek Coast Guard, the Frontex aerial crew reported.

      As events unfolded, the Greek command center twice asked the Frontex aircraft to change its flight path, directing it away from the incident.

      “At 03:21 Frontex Surveillance Aircraft communicates that the rubber boat has no engine and it is adrift. Greek assets are departing the area leaving the rubber boat adrift,” the document said.

      The internal Frontex report detailing this incident and categorizing it as a fundamental-rights violation was “dismissed,” the document shows.

      https://www.nytimes.com/2020/11/26/world/europe/frontex-migrants-pushback-greece.html?smid=tw-share

    • #Seehofer deckte offenbar griechische Verbrechen

      Griechische Grenzschützer setzen Flüchtlinge systematisch auf dem Meer aus. Ein internes Dokument legt nun nahe, dass Innenminister #Horst_Seehofer einen Rechtsbruch kaschierte. SPD-Vize Kühnert stellt ihm ein Ultimatum.

      Die Sprecherin von Bundesinnenminister Horst Seehofer war sichtlich nervös, als sie sich Ende November den Fragen der Journalisten stellen musste. Zwei Tage zuvor hatten der SPIEGEL und das ARD-Magazin »Report Mainz« berichtet, dass die Bundespolizei in der Ägäis in eine illegale Zurückweisung von Flüchtlingen verwickelt war. Wiederholt fragten die Journalisten nach. »Ich weiß nicht, wie Sie zu der Einschätzung kommen, dass es sich hierbei um einen illegalen Pushback gehandelt hat«, sagte die Sprecherin schließlich.

      Dabei lagen dem Bundesinnenministerium zu diesem Zeitpunkt längst Informationen vor, die genau darauf hindeuten.

      Im Auftrag der EU-Grenzschutzagentur Frontex patrouillierten die deutschen Einsatzkräfte am 10. August in der Ägäis, nur wenige Hundert Meter von der griechischen Insel Samos entfernt. Dabei entdeckten sie ein Schlauchboot mit 40 Flüchtlingen an Bord. Auftragsgemäß hielten sie es an, allerdings nahmen sie die Menschen auf dem völlig überfüllten Boot nicht an Bord. Stattdessen warteten sie mehr als eine halbe Stunde, bis die griechische Küstenwache das Schlauchboot übernahm.

      Wenig später fanden sich die Flüchtlinge plötzlich in türkischen Gewässern wieder. So beschreiben es interne Dokumente der EU-Grenzschutzagentur Frontex, die dem SPIEGEL vorliegen. Die türkische Küstenwache musste die 40 Migranten später retten. Fotos zeigen Männer, Frauen und kleine Kinder auf dem überfüllten Schlauchboot. Offensichtlich wurden die Menschen von den griechischen Grenzschützern illegal zurückgedrängt.

      Als die griechischen Beamten in den Hafen zurückkehrten, wunderten sich die deutschen Polizisten. Die Küstenwache hatte keine Migranten an Bord und auch kein Schlauchboot im Schlepptau. Die Deutschen meldeten im Anschluss zwar die Details des Einsatzes – aber keine mögliche Menschenrechtsverletzung.
      Was genau haben die Deutschen von diesem illegalen Pushback mitbekommen?

      Bis heute haben die Bundespolizei und das Innenministerium nicht auf die Fragen des SPIEGEL geantwortet. Dabei finden sich die Antworten auf diese Fragen seit Wochen im Intranet der Bundespolizei, also in einem nur für Mitarbeiter zugänglichen Netzwerk. Anhand der elf SPIEGEL-Fragen legte die Bundespolizei-Führung ihre Sicht der Dinge ausführlich dar – noch am Tag der Veröffentlichung des Berichts. Die Fragen waren also längst beantwortet, nur abgeschickt wurden sie nie. Das Innenministerium erklärt das inzwischen auf Anfrage mit einem »Büroversehen«.

      Die Ausführungen im Intranet der Bundespolizei sind politisch heikel. Auf den ersten Blick entlasten sie die deutschen Einsatzkräfte. Wörtlich heißt es, die Bundespolizisten hätten beobachtet, »dass durch die (…) griechischen Einsatzkräfte Migranten physisch an Bord genommen wurden.« Die deutschen Frontex-Beamten konnten also davon ausgehen, dass die Flüchtlinge zunächst in Sicherheit waren. Schließlich wurden sie vor ihren Augen auf ein Schiff der griechischen Küstenwache geholt und trieben nicht mehr in ihrem überfüllten Schlauchboot.

      Warum hat das Innenministerium dieses Detail trotzdem bis heute verschwiegen? Will man im Ministerium die Griechen nicht als Lügner entlarven? Das Flüchtlingsboot, so hatten die griechischen Behörden erklärt, sei beim Anblick der Küstenwache umgekehrt und zurück in türkische Gewässer gefahren.
      Beobachtungen der Deutschen entlarven die Ausrede der Griechen

      Die Beobachtungen der Bundespolizisten widersprechen dieser Darstellung, die Bundespolizei stellt das in ihrem Bericht selbst fest. Wenn die Geflüchteten bereits an Bord des Schiffes der griechischen Küstenwache waren, können sie unmöglich freiwillig auf ihrem Schlauchboot umgekehrt sein. Sollten die Aussagen der Deutschen zutreffen, und davon ist auszugehen, bleibt keine andere vernünftige Erklärung als ein illegaler Pushback der griechischen Küstenwache.

      Horst Seehofer muss sich deshalb die Frage gefallen lassen, warum sein Haus die Verbrechen der griechischen Behörden deckt. Statt aufzuklären, führt er die Öffentlichkeit offenbar in die Irre. So fügt Seehofer sich in das System des Schweigens.

      Seit Juni hat SPIEGEL in gemeinsamen Recherchen mit der Medienorganisation Lighthouse Reports und »Report Mainz« genau dokumentiert, wie die griechischen Pushbacks ablaufen: Die Küstenwache fängt die Migrantinnen und Migranten meist noch auf dem Wasser ab. Manchmal zerstört sie den Außenbordmotor der Schlauchboote, um diese manövrierunfähig zu machen. Dann werden die Schutzsuchenden mit gefährlichen Manövern Richtung Türkei zurückgedrängt. Die Menschen werden auf den Booten oder auf aufblasbaren Rettungsflößen mit Seilen aufs offene Meer gezogen, vom SPIEGEL ausgewertete Videos belegen das.

      Griechische Grenzschützer bedrohen die Geflüchteten mit Waffen, nicht selten fallen Schüsse. Bisweilen schleppen die Beamten sogar Menschen aufs Meer, die es schon auf die griechischen Inseln geschafft haben.

      Auch Frontex-Einheiten stoppen immer wieder Flüchtlingsboote und übergeben sie anschließend an die griechische Küstenwache. Seit Anfang März wird das so gehandhabt. Die Frontex-Einheiten, darunter deutsche Bundespolizisten, unterstehen in der Ägäis der griechischen Küstenwache. Sie werden so zu Gehilfen der Griechen, die bei ihren illegalen Praktiken nicht mal besonders verdeckt vorgehen.

      »Das Innenministerium scheint sich zum Komplizen der Griechen zu machen«, sagt der menschenrechtspolitische Sprecher der Sozialdemokraten, Frank Schwabe. »Dazu müssen sowohl Frontex als auch Innenminister Seehofer dem Bundestag Rede und Antwort stehen.«

      Das Innenministerium teilte auf Anfrage mit, dass eine abschließende Bewertung des Sachverhaltes aufgrund der vorliegenden Informationen nicht möglich sei. Die Bundespolizei habe sich jedenfalls nicht an illegalen Pushbacks beteiligt. Eine vollständige Aufklärung bleibe abzuwarten und Berichte von griechischen Behörden würden nicht kommentiert.

      Die griechischen Behörden bleiben bei ihrer Version der Ereignisse. Das für die Küstenwache zuständige Ministerium teilte mit, der Fahrer der Schlauchbootes sei in Richtung Türkei zurückgefahren, nachdem er die griechische Küstenwache erblickt habe.
      »Wir müssen davon ausgehen, dass Seehofer die Regelverstöße der griechischen Küstenwache deckt, weil sie ihm politisch in den Kram passen«

      SPD-Vize Kevin Kühnert

      Doch in der Opposition und auch beim eigenen Koalitionspartner ist der Unmut groß. Selbst SPD-Vize Kevin Kühnert schaltet sich nun in die Debatte ein. Durch die schriftlich festgehaltenen Erkenntnisse der eigenen Beamten festige sich der Eindruck, dass es in der Ägäis in der Tat zu Pushbacks komme, sagt er. Deshalb müsse Seehofer nun politisch reagieren. »Frontex muss die mutmaßliche griechische Pushback-Praxis endlich effektiv verhindern und die Zugänge zum Asylverfahren sicherstellen«, so Kühnert. »Sollte dies durch die Bundesregierung kurzfristig nicht durchsetzbar sein, muss das deutsche Kontingent unverzüglich aus der Mission abgezogen werden.«

      Kühnert möchte nun von Seehofer »noch in diesem Jahr dargelegt bekommen, wie und bis wann er auf Frontex einwirken wolle, um die Zusammenarbeit mit der griechischen Küstenwache wieder auf eine rechtskonforme Grundlage zu stellen.« Mit seiner Salamitaktik bei der Preisgabe von Informationen werde der Innenminister auch der Fürsorgepflicht gegenüber seinen eigenen Beamten nicht gerecht, mahnt Kühnert. »Wir müssen davon ausgehen, dass Seehofer die Regelverstöße der griechischen Küstenwache deckt, weil sie ihm politisch in den Kram passen. Alles daran wäre inakzeptabel.«

      Neben Seehofer gerät auch Frontex-Chef Fabrice Leggeri durch die Beobachtungen der deutschen Polizisten in Erklärungsnot. Bis heute beteuert Leggeri, dass sich seine Grenzschützer nicht an Pushbacks beteiligen oder von ihnen wissen. Daran zweifelt aber inzwischen selbst die EU-Kommission.

      Auf deren Drängen schilderte Leggeri schriftlich die Details des Vorfalls vom 10. August. In seinen Antworten verschwieg aber auch Leggeri, dass die griechische Küstenwache laut den Deutschen die Flüchtlinge bereits an Bord geholt hatten – obwohl er wohl davon hätte wissen müssen. Die Bundespolizei jedenfalls hat auch dieses Detail des Einsatzes nach eigener Aussage an Frontex gemeldet.

      Frontex teilte auf Anfrage mit, wegen der laufenden Untersuchung keine Angaben zum Vorfall machen zu können.

      Für Leggeri ist die Angelegenheit besonders misslich, weil sich in seinen Aussagen ein Muster erkennen lässt: Der Frontex-Direktor täuscht die Öffentlichkeit, um die Pushbacks zu vertuschen. Vor den EU-Parlamentariern verteidigte er sich unlängst mit einer Falschaussage, indem er behauptete, dass der SPIEGEL und seine Recherchepartner sich bei ihren Recherchen zu einem Pushback im April geirrt hätten. Am fraglichen Tag habe es gar keinen Frontex-Aufklärungsflug gegeben, sagte Leggeri. Keine zwei Tage später musste er einräumen, dass das nicht stimmte. Weitere Vorfälle, die Experten als klare Pushbacks werten, erwähnte Leggeri entweder gar nicht oder nur auf Nachfrage in internen Schreiben.
      EU-Kommission rechnet mit Leggeri ab

      Inzwischen wirft auch die EU-Kommission Leggeri »irreführende« Aussagen vor. Das geht aus einem Brief der Kommission an ihn hervor. In dem Streit geht es um die Einstellung von Grundrechtsbeobachtern. Eigentlich hätte Frontex bis zum 5. Dezember 40 Mitarbeiter einstellen müssen, die darauf achten soll, dass die Rechte von Migranten an Europas Grenzen gewahrt werden. Bis heute hat Leggeri allerdings nicht einen solchen Mitarbeiter eingestellt.

      Der Frontex-Direktor macht die Kommission für die Verzögerung verantwortlich, die wiederum gibt Leggeri die Schuld. Leggeris Äußerungen zu dem Thema würden die Kommission »bestürzen« und »beunruhigen« heißt es in dem Brief. Das Schreiben liegt dem SPIEGEL vor, es liest sich wie eine Kampfansage.

      Die Verzögerungen bei den Grundrechtsbeobachtern seien skandalös, sagt die Grünenbundestagsabgeordnete Luise Amtsberg. Die Sache zeige, dass die Grenzschutzagentur den Menschenrechtsschutz schlicht nicht ernst genug nehme. »Die Bundesregierung muss endlich klare Konsequenzen aus den völkerrechtswidrigen Handlungen im Rahmen von Frontex-Missionen ziehen.«

      https://www.spiegel.de/politik/ausland/frontex-skandal-horst-seehofer-deckte-offenbar-griechische-verbrechen-a-bd06

    • Push backs and violations of human rights at sea: a #timeline

      The following timeline provides a non-exhaustive compilation of main reports of push backs and other violations of human rights at the Greek-Turkish sea borders since March 2020, following Greece’s decision to impose a one-month suspension of its asylum procedure in response to declarations by Turkey that it would not prevent refugees from crossing its western borders. On 2 March, the Hellenic Armed Forces began live-fire military exercises along the Aegean, from Samothrace to Kastellorizo.

      Timeline dates refer to the date of publication of reports, separately indicating the date of alleged incidents, where available.

      This timeline solely purports to reproduce material made publicly available by media and civil society organisations and does not amount to an assessment by RSA or PRO ASYL of the allegations contained therein.

      https://rsaegean.org/en/push-backs-and-violations-of-human-rights-at-sea-a-timeline
      #chronologie

    • EU: Frontex director accused of misleading parliament over fundamental rights obligations

      Frontex director Fabrice Leggeri has been accused by a senior European Commission official of making statements “in a misleading manner” at a parliamentary hearing in December, when MEPs questioned him over the agency’s alleged role in pushbacks and the new fundamental rights monitoring framework included in 2019 legislation.

      Bang to rights

      In a letter obtained by Statewatch, Monique Pariat (the Director-General of the Commission’s migration and home affairs department), expresses “dismay” at Leggeri’s appearance before the European Parliament’s civil liberties committee (LIBE) on 1 December and rebukes, in no uncertain terms, the account he provided of the agency’s attempts to implement its new fundamental rights obligations.

      Those obligations include a fully functioning and independent fundamental rights office, an accessible complaints mechanism, and a credible serious incident reporting mechanism – the aim of which is to prevent, or at least ensure the reporting and investigation of, human rights abuses witnessed or committed by officials deployed on Frontex operations.

      A key role is foreseen in all this for the fundamental rights officer (FRO), who is supposed to head a team of at least 40 fundamental rights monitors – all of whom the agency was legally obliged to have recruited by 5 December 2020. However, it failed to do so.

      Blame game

      Leggeri told MEPs that although he personally prioritised the swift recruitment of fundamental rights staff, vacancy notices published by the agency in November 2019 were withdrawn on the request of the Commission, and subsequent delays in agreeing the seniority of the posts meant that vacancy notices were only published again in November 2020.

      Pariat does not dispute these points, but underlines that the Commission was obliged to request the withdrawal of the notices, because the Management Board had not approved them, as required by the 2019 Frontex Regulation. Without that approval, the letter says that “the publication of these vacancies was plain and simply unlawful” (emphasis in original).

      She adds that the Frontex Regulation requires the involvement of the FRO in the appointment of their deputy, but there was no such involvement prior to the 2019 vacancy notice publication. The Commission had to intervene to request removal of the vacancy notices, says Pariat, “to prevent serious irregularities which could jeopardise the well-functioning and the reputation of the Agency.”

      Bad reputation

      The agency’s reputation has nevertheless taken a battering in recent months. Frontex has faced numerous accusations that it either knew of or has been involved in pushbacks at Greece’s sea border with Turkey, leading the Socialists & Democrats – the second-largest group in the European Parliament – to call for Leggeri’s resignation. There are numerous other reports of similar violent incidents in the Balkans involving officials deployed on Frontex missions.

      The EU anti-fraud agency, OLAF, has also launched an investigation into the border agency, although the exact reasons for this remain unclear. OLAF’s remit allows it to carry out “administrative investigations for the purpose of fighting fraud, corruption and any other illegal activity affecting the financial interests of the Union.”

      Leggeri has said that the agency will be undertaking a thorough investigation into the allegations of pushbacks, although the working group set up to investigate the affair is made up representatives from the agency’s Management Board and does not include the Fundamental Rights Officer or the agency’s Consultative Forum on Fundamental Rights.

      “Active resistance”

      A document cited by Greek newspaper Kathimerini suggests that fundamental rights are not one of Leggeri’s main interests. The document, provided to the paper by someone described as having “knowledge of the inner workings of Frontex,” says Leggeri told agency staff that “reporting pushbacks involving Frontex personnel is not a route to popularity or promotion,” and that the serous incident reporting (SIR) mechanism is “intentionally centralized to be slow, cumbersome and very discreet”.

      According to the paper, the document also says that Leggeri “actively resisted” hiring the 40 fundamental rights officers required by the Frontex Regulation, and told staff at the agency in early 2020 that “it is not a priority.”

      Pariat’s letter suggests that Leggeri himself delayed the procedure for recruiting new fundamental rights staff by five months, because of his “insistence on an arrangement which would not have been compatible with the EBCG [Frontex] Regulation”.

      There was a “surprising reluctance” from the agency to follow the Commission’s advice on implementing the new fundamental rights framework, says Pariat. She argues that “if the Agency had followed the Commission’s timely guidance and suggestions, the main milestones… could have been completed on time.”

      Even though the recruitment procedure is now going ahead, concerns remain. At the LIBE hearing in December, several MEPs questioned whether the staff grade applicable to the 40 posts will confer adequate authority and independence to the fundamental rights officers.

      At the time of publication, Frontex had not responded to a request for comment.

      Documentation

      - European Commission letter to Mr Leggeri, 18 December: Subject: Your letter of 4 December 2020 (ref: CAB/KARO/10563/2020) (pdf): https://www.statewatch.org/media/1708/eu-com-letter-to-frontex-18-12-20.pdf
      – Fabrice Leggeri, Answers to written questions following the LIBE Committee meeting 1 December (pdf) - annex to this letter (pdf): https://www.statewatch.org/media/1709/eu-frontex-written-questions-answers-libe-hearing-1-12-20.pdf

      https://www.statewatch.org/news/2021/january/eu-frontex-director-accused-of-misleading-parliament-over-fundamental-ri

    • Refoulements et gestion contestée : la pression s’intensifie sur le patron de Frontex

      Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l’agence européenne de protection des frontières, est sous la pression de la Commission et du Parlement.

      Ce n’est pas un appel à la démission de Fabrice Leggeri, directeur exécutif de Frontex, mais cela y ressemble fort. Rencontrant, lundi 18 janvier, plusieurs médias européens, dont Le Monde, Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures et à la migration, a été interrogée sur un éventuel départ du patron français de ce qui est désormais l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. « Je ne fais pas de commentaire là-dessus. Des procédures ont été lancées, elles ne sont pas terminées. Mais je pense qu’elles doivent l’être », indiquait la commissaire socialiste suédoise.

      Des propos prudents mais qui cachent mal le fait qu’entre la Commission et Frontex le torchon brûle. Pour preuve, une lettre envoyée au siège de l’agence en décembre 2020 par #Monique_Pariat, chef de la direction générale de la migration et des affaires intérieures à Bruxelles. Un long réquisitoire reprochant à M. Leggeri des retards, des carences dans la gestion et des « hésitations incompréhensibles » à suivre les instructions. Voire un #mensonge au sujet du recrutement des personnels qui devaient être chargés de veiller au respect des droits fondamentaux au sein de l’Agence.

      Les « procédures » visant M. Leggeri et évoquées par Mme Johansson sont multiples. Et elles visent essentiellement la possible implication de Frontex dans des « pushbacks », des refoulements illégaux de migrants aux frontières de l’Union, avant qu’ils aient pu introduire d’éventuelles demandes d’asile. En octobre 2020, plusieurs médias évoquaient, témoignages et images à l’appui, six cas de refoulements en mer Egée. Avec, notamment, les manœuvres dangereuses d’un navire de Frontex, qui aurait pu entraîner le #naufrage d’une embarcation. La direction de l’Agence démentait à l’époque toute infraction.

      Constitution d’un groupe de travail

      L’Office de lutte antifraude de l’Union a lancé une enquête et, le 7 décembre 2020, les bureaux de M. Leggeri et de son directeur de cabinet ont été perquisitionnés. L’investigation porterait, aussi, sur des faits de #harcèlement et des erreurs de gestion.

      Plusieurs groupes politiques du Parlement européen ont, eux, transmis une longue liste de questions au directeur exécutif après qu’il a été entendu, le 1er décembre 2020, par l’Assemblée. M. Leggeri avait indiqué qu’une #enquête_interne n’avait pas prouvé l’implication de membres de Frontex dans des refoulements illégaux. Peu convaincus, les eurodéputés du groupe socialiste ont exigé sa #démission, d’autres groupes ont réclamé des explications complémentaires.

      Au sein de Frontex même, un #groupe_de_travail avait été constitué en novembre, sur insistance de la Commission. Son rapport devrait être examiné lors d’une réunion du conseil d’administration, mercredi 20 et jeudi 21 janvier. Ce conseil est composé de représentants des pays membres de l’Union et de deux membres de la Commission.

      L’un des principaux reproches adressés à M. Leggeri est qu’il aurait tergiversé pour embaucher la quarantaine de personnes qui, en théorie, auraient dû être à pied d’œuvre dès décembre 2020 pour veiller au respect des droits des migrants et demandeurs d’asile. Dans la lettre de Mme Pariat qu’il a reçue en décembre, le directeur se voit reprocher d’avoir agi « de manière trompeuse » en ne livrant pas les explications correctes aux parlementaires quant à l’absence de ces employés. Mme Johansson pense également que certains des propos qu’il avait tenus n’étaient « pas vrais ».

      Action « illégale »

      La commissaire suédoise n’a, jusqu’ici, pas officiellement retiré sa confiance au directeur. Elle endosse cependant les critiques qui lui sont adressées par sa direction générale, qui évoque encore une action « illégale » de M. Leggeri en 2019, avec la publication de deux vacances de postes dirigeants qui n’avaient pas été approuvées par le conseil d’administration.

      Au Parlement, où la plénière débattait, mardi, du pacte migratoire proposé récemment par la Commission, la tension monte également. Mme Johansson a insisté sur la nécessité pour les pays de l’Union, les candidats à l’adhésion et « les agences européennes aussi » d’adhérer pleinement au respect des #droits_fondamentaux. Et plusieurs députés ont à nouveau mis en cause Frontex, l’élue socialiste bulgare #Elena_Yoncheva jugeant qu’en matière de « pushbacks » l’agence fait désormais « partie du problème, pas de la solution ».

      Une situation embarrassante pour toute l’Union : dotée maintenant d’uniformes, d’armes et d’un budget passé au total à 5,6 milliards d’euros pour la période 2021-2027, l’agence des garde-frontières peut difficilement voir la #légitimité de son principal dirigeant remise en question au plus haut niveau. A ce stade, celui-ci n’a pas réagi officiellement aux accusations qui le visent. Il pourrait le faire prochainement, selon un membre de son entourage.

      https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/20/refoulements-et-gestion-contestee-la-pression-s-intensifie-sur-le-patron-de-

    • Le garde-frontière Frontex en pleine tourmente

      Les refoulements aux frontières européennes fragilisent la position du directeur de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières. La Commission reproche à Fabrice Leggeri d’avoir ralenti l’embauche d’officiers de contrôle des droits fondamentaux. Son agence est soumise à plusieurs #enquêtes, dont une de l’#office_européen_anti-fraude. Des députés demandent sa #démission.

      Bruxelles (Belgique).– Fabrice Leggeri, le directeur de Frontex, est cerné de toutes parts. Sa position, à la tête de l’agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières, est fragilisée suite à de récents scandales concernant des refoulements de demandeurs d’asile vers la Turquie, auxquels aurait participé Frontex. Des députés appellent à sa démission. La médiatrice européenne, #Emily_O’Reilly, a ouvert une #enquête le 11 novembre dernier pour évaluer le fonctionnement du mécanisme de #plainte_interne à Frontex. Même l’office européen de lutte anti-fraude investigue et scrute la gestion de l’agence.

      Le dernier coup de boutoir vient de la #Commission_européenne. Dans une lettre du 18 décembre, la directrice générale chargée des migrations et des affaires intérieures, Monique Pariat, adressait des mots durs à Fabrice Leggeri au sujet d’irrégularités et de retards dans les procédures de recrutement d’un officier des droits fondamentaux, de son adjoint et de 40 contrôleurs des droits fondamentaux, qui devaient faire partie de l’agence le 5 décembre 2020 au plus tard et qui ne sont toujours pas embauchés : « C’est la responsabilité de la Commission […] d’intervenir pour empêcher que des irrégularités sérieuses viennent compromettre le bon fonctionnement et la réputation de l’agence. »

      La réputation de Frontex a pourtant déjà été écornée à de multiples reprises dans le passé, sans que l’exécutif bruxellois s’en émeuve. « Pendant longtemps la Commission a protégé Fabrice Leggeri, commente #Birgit_Sippel, eurodéputée allemande du groupe des socialistes et démocrates. Il semble que le vent tourne, notamment sous la pression du #Parlement_européen. »

      C’est le 23 octobre 2020 que le vent a tourné. Une série de médias européens, dont Der Spiegel et Bellingcat, publiaient alors une enquête fouillée suggérant que l’agence européenne avait, entre mars et août 2020, soit assisté à des refoulements de demandeurs d’asile en mer Égée par des garde-côtes grecs, sans les avoir rapportés, soit participé activement au renvoi de canots vers les côtes turques, alors que les refoulements sont strictement prohibés par le droit international. Le 8 juin, un navire de l’opération « #Poséidon » de Frontex, battant pavillon roumain, aurait même bloqué un canot de migrants avant de contribuer à le repousser.

      Fabrice Leggeri est venu s’expliquer devant le Parlement européen le 1er décembre. Selon lui, l’enquête interne menée par ses services concluait à « l’absence de preuves » de refoulement dans les cas mentionnés par la presse. Il insistait sur le fait que les activités de contrôle aux frontières avaient toujours lieu « à la demande et sous le commandement des autorités nationales », Frontex intervenant en coordination des opérations maritimes, en mobilisant des avions, des navires et des garde-frontières originaires des 27 États membres.

      Ces déclarations élusives ont hérissé de nombreux députés européens. « La façon dont il a répondu à nos questions montre que Fabrice Leggeri ne prend pas vraiment au sérieux ces allégations. Frontex a besoin de changements structurels, et je pense qu’il n’est pas la bonne personne pour les mener », avance Tineke Strik, eurodéputée néerlandaise des Verts.

      De la #gauche_unitaire_européenne (#GUE) au groupe centriste de #Renew, les critiques pleuvent à l’encontre de Fabrice Leggeri, mais l’attitude à adopter crée des divisions. La centriste néerlandaise, #Sophie_In’t_Veld, du groupe Renew, milite pour qu’une commission d’enquête parlementaire soit mise sur pied, « car on parle d’actes criminels ». Avant de réclamer la démission du directeur – qui ne peut être décidée que par le conseil d’administration de Frontex composé des États membres et de la Commission – la députée pense « qu’il faut d’abord faire toute la lumière sur les faits ».

      Au sein du groupe des socialistes et démocrates, des députés veulent aller plus vite. « Pourquoi perdre un an avec une #commission_d’enquête ?, s’interroge #Birgit_Sippel. Les rapports décrivant les violations des droits humains aux frontières sont là. Pour l’instant, Fabrice Leggeri se cache et échappe à ses responsabilités. » Des députés de la GUE comme des #Verts réclament à la fois une commission d’enquête et la #démission du directeur. Quant à la droite, le Parti populaire européen n’a pas encore de position sur ces thèmes, mais voit d’un mauvais œil cette idée de commission d’enquête.

      Le mastodonte sans contrôle

      Pour Yves Pascouau, directeur du programme Europe à l’association Res-Publica, par ailleurs spécialiste des questions migratoires européenne (et élu de la majorité nantaise), « l’augmentation des moyens et des pouvoirs de Frontex ne peut pas se faire sans une augmentation de ses responsabilités ».

      Frontex, au fil des ans, est devenu un mastodonte. En 2012, son budget était de 89,5 millions d’euros. Il est en 2020 de 460 millions. 5,6 milliards d’euros ont été dégagés pour la période 2021-2027. Il s’agit de la plus grosse agence de l’UE qui sera dotée, d’ici 2027, de 10 000 garde-côtes véritablement européens, avec leurs propres uniformes. « Cela permettra d’augmenter la transparence et la responsabilité de Frontex », veut croire une source européenne.

      Aujourd’hui, Frontex se déploie sous commandement des autorités nationales. Mais les agents qui agissent en son nom ne sont pas exempts de responsabilités. Ils ont l’obligation d’envoyer un rapport aux dirigeants de Frontex à chaque incident sérieux auquel ils assistent, y compris lorsque des violations des droits humains sont observées.

      Le Forum consultatif de Frontex, qui réunit des institutions européennes, des organisations internationales et ONG, s’interroge inlassablement sur « l’effectivité » de ce système. En 2018, seuls 3 incidents sérieux relatifs à des violations de droits humains furent comptabilisés par l’agence, et 9 en 2019, sans que l’on sache quel a été le suivi de ces dossiers.

      Quant à l’embauche des milliers de garde-frontières, elle doit être contrebalancée par davantage de contrôles des activités de Frontex. L’officier des droits fondamentaux, son adjoint et sa petite équipe d’au minimum 40 contrôleurs sont considérés comme la clef de voûte de ce système de surveillance du respect des #droits_humains.

      Dans la lettre adressée à Fabrice Leggeri, Monique Pariat regrette qu’au 18 décembre, aucun de ces recrutements n’ait été effectué. Elle pointe la « réticence surprenante de Frontex » à suivre les lignes directrices de la Commission, « ce qui a encore davantage entravé et retardé cet important processus ». La directrice générale dénonce encore la démarche « illégale » du directeur général qui avait publié, en 2019, une première annonce pour le poste d’officier des droits fondamentaux, sans l’accord du conseil d’administration de Frontex qui sera pourtant le supérieur hiérarchique direct de ce futur employé.

      Elle l’accuse encore d’avoir présenté les faits aux eurodéputés « de manière trompeuse ». L’attaque est frontale. Au-delà de l’enjeu institutionnel, Giorgos Kosmopoulos, du bureau européen d’Amnesty International, estime que « l’embauche de contrôleurs des droits fondamentaux n’est pas une mauvaise chose à condition qu’ils aient véritablement les moyens de mener des enquêtes, d’aller sur le terrain ». Et sur le terrain, justement, les refoulements aux frontières de l’Europe sont documentés et très nombreux. En #Grèce, en #Croatie, en #Hongrie.

      En mars 2020, le comité européen pour la prévention de la torture rapportait des allégations « crédibles et consistantes » de refoulements et détentions arbitraires, souvent accompagnées de violences, à la frontière gréco-turque. « On ne parle pas de cas isolés, ajoute Giorgos Kosmopoulos. La pratique est si répandue et généralisée qu’il est impossible que Frontex ne soit pas au courant, vu son implication sur le terrain. »

      Le directeur de Frontex, s’il estime qu’il existe « des violations graves […] des droits fondamentaux » doit mettre un terme à l’activité litigieuse à laquelle participe son agence. « Le directeur doit vérifier la situation sur le terrain et le cas échéant il doit retirer ses équipes pour qu’elles ne soient pas liées à des violations de droits humains, mais ce n’est jamais arrivé », conclut Giorgos Kosmopoulos.

      Dans ce contexte, Tineke Strik pense qu’une démission de Fabrice Leggeri, certes bienvenue, « ne résoudra pas tout. Les problèmes sont structurels. Il faudra lancer une enquête approfondie sur le fonctionnement de Frontex ».

      https://www.mediapart.fr/journal/international/210121/le-garde-frontiere-frontex-en-pleine-tourmente?onglet=full

    • Validating Border Violence on the Aegean: Frontex’s Internal Records

      The Aegean Sea, separating Turkey from Greece’s ‘hotspot’ islands, is a site of longstanding and increasingly visible border violence: the systematic use of inflatable life rafts by the Hellenic Coast Guard to push people back to Turkey has been widely documented since March last year. This maritime borderzone also stages the operational theatre of Frontex Joint Operation Poseidon, under which patrol boats, helicopters and surveillance planes have been deployed to patrol the extensive breadth of water.

      Frontex repeatedly denied any involvement in these pushbacks (see here and here), stressing its commitment to the protection, promotion and fulfilment of fundamental rights. This ‘modus operandi’ in which fundamental rights become a rhetorical defence could no longer hold after investigative reporters showed visual evidence of Frontex’s complicit role in pushbacks, prompting further media scrutiny and pressure by the European Parliament and Commission.

      In November, Efsyn, a Greek media outlet, published an eighteen-page long Frontex internal document addressed to the agency’s Management Board. The document aimed at answering questions by Member States and the Commission about the on-going pushbacks in the Aegean. The document, which fuelled Frontex’s recent internal inquiry, lists a series of so-called ‘incidents’ and, at times, offers detailed accounts of the previously denied pushbacks. However, these were not recorded as such.

      A closer look at the document reveals numerous ‘#JORA_incidents’ classified as ‘prevention of departure’, as this transcript from August 19, 2020, illustrates:

      frontex

      The #Joint_Operations_Reporting_Application (#JORA) is the main information system that collects and stores all ‘border related incidents’ from Frontex joint operations. Such incidents range from Search and Rescue (SAR) operations, interceptions, Serious Incident Reports to, as the one above, so-called preventions of departure. The leaked document contains twenty of the latter, all following a similar pattern: Firstly, the location of the rubber boat is recorded in Turkish territorial waters; second, Frontex assets are “excused from the scene” after detection; and, finally, a rehearsed ending: the boat “altered course on her own initiative/will and headed towards the Turkish coasts” or, alternately, the Turkish Coast Guard “took over responsibility”.

      Importantly, these JORA incidents coexist with the regular documenting of border violence. Descriptions of boats of asylum-seekers returning to Turkey of their own volition jar with regular testimonies describing the coercive methods employed to push them back. Alarm Phone, Aegean Boat Report and Border Violence Monitoring Network document human rights violations occurring at the same border, on the same dates and, often, at the same time as the JORA incidents.

      On the same day as the JORA incident above:

      Logging the border

      JORA incidents, together with information collected via Eurosur, form the backbone of Europe’s external borders and migration situational picture, Frontex’s narrative of the border. Yet, what is and is not accounted for in JORA and how, has not received much attention. Contrary to the few Serious Incident Reports related to violations of fundamental rights, which are dealt with by the Fundamental Rights Officer and presented to the Management Board, other incidents recorded in JORA don’t reach the public domain. Once inserted and validated, they become a dot on a map at the Frontex Situation Centre in Warsaw. They are devised to feed into risk analyses, maps and weekly analytical overviews.

      This ‘business-as-usual’ mode of reporting is mostly done by a few officers from the host Member State— in Greece, by the Hellenic Coast Guard and Police—who insert incidents into a standardised template through a set of rigid, mandatory fields. Reporting is not done by the officers on the patrol boats but mostly those who sit at coordination centres. Once inserted in the system, incidents are sent to the International Coordination Centre and the Frontex Situation Centre where they are cross-checked with reports from both Hellenic Coast Guard and Frontex deployed officers for validation. This validation process does not statically move in one direction; incidents can go back and forth in the validation chain. The final validation is done by a “specialized team of experts” at Frontex headquarters as the leaked document explains. Yet, incidents can be re-initiated and modified even after finalisation (see work by Pollozek).

      The design of the system allows for the rehearsed recording of formulaic bordering practices that, if closely examined, resemble its coexistent violent forms. Shading into the routine, the JORA records circulate regularly from the islands to Piraeus and Warsaw. While the full JORA archive is inaccessible to the public, the reviewed incidents give us insight into how a particular doctrine of border enforcement is being sustained by the agency and to what effects.

      Normalising violence, eroding rights

      The effects of these records arguably extend beyond the tactical level of border policing. Through their production, a narrative arc is formed by the recorded incidents, generating a specific mode of understanding. Data must be made intelligible to the JORA system and officials along the chain before it can be validated. As a result, even acts of violence such as pushbacks can get translated into mundane logs and thus, brought within the remit of everyday border enforcement and legality.

      The leaked document asserts that the “the notion of ‘prevention of departure”, according to which these ‘incidents’ are classified, should be interpreted “in conjunction with the provisions of Regulation 656/2014, in particular Articles 6 and 7”. While the precise legal meaning of this category in this context remains unclear, its ramifications for the right to leave a country are concerning.

      Regulation 656/2014 indeed provides legal basis (in certain factual circumstances) for the interception of boats carrying asylum-seekers. Yet, it clearly stipulates that the actions that official entities may lawfully take to enforce the border must be compliant with their obligations under EU and international law, including, inter alia, international human rights and refugee law. Moreover, it states: “This Regulation should not affect the responsibilities of search and rescue authorities, including for ensuring that coordination and cooperation is conducted in such a way that the persons rescued can be delivered to a place of safety.”

      The records, however, present an account of border enforcement that exists in isolation from human rights and humanitarian commitments. The dangerous conditions in which border enforcement takes place and the vulnerability of asylum seekers to these conditions are rendered irrelevant and thereby, banalised. Rubber boats carrying illegalized migrants are generally considered seaworthy, not recognised as in distress, regardless of how many people they carry or the fluctuating weather conditions in the Aegean. In none of the incidents contained in the leaked document was a SAR triggered by the Hellenic Coast Guard or Frontex. In this sense, JORA acts as a mediator that transforms, translates, distorts and modifies the meaning of these ‘incidents’. Through the designation of bureaucratic categories (e.g. prevention of departure), JORA codifies and transforms situations that should trigger humanitarian and human rights obligations into legitimate practices of border control. In the process, the duty to render assistance at sea is distorted, and the obligation to facilitate access to asylum is obscured.

      In the context of on-going internal discussions about the legality of interceptions at sea, Frontex’s internal records reveal the practices deemed acceptable by the agency and their interpretation of international legal obligations. The records provide insight into a vision of border enforcement, crystallised at the boundaries of the global north, that perpetuates the violent securitisation of borders to the detriment of human mobility, dignity and safety. They carve out a space where border control activities are shielded from scrutiny, erasing human rights from the operational script.

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      https://www.law.ox.ac.uk/research-subject-groups/centre-criminology/centreborder-criminologies/blog/2021/01/validating-border

    • Five migrant pushback claims under scrutiny

      The board of directors of the European border agency Frontex, which met on Wednesday and Thursday, has decided to further investigate five of 13 reported cases of illegal migrants pushbacks last year, with the alleged help of Frontex guards, from Greece into Turkish territorial waters in the eastern Aegean.

      The board deemed that Frontex did not provide the necessary information and clarifications for the five cases under investigation.

      In view of this, the team investigating the claims has been given additional time to complete its work and present its final conclusions to a new extraordinary board meeting scheduled for February 26.

      With regard to the other eight cases, the board said that there is no evidence to confirm any violations. It also accepted that some of these incidents unfolded in Turkish territorial waters, and in others the migrant boats turned back on their own accord.

      https://www.ekathimerini.com/261560/article/ekathimerini/news/five-migrant-pushback-claims-under-scrutiny

    • L’agence européenne Frontex fragilisée par les accusations d’expulsions illégales

      L’agence de surveillance des frontières de l’UE, qui a annoncé qu’elle suspendait ses opérations en Hongrie, est accusée d’avoir participé au « pushback », qui consiste à repousser les migrants sans leur laisser la possibilité de déposer une demande d’asile.
      Accusations d’implication dans des « pushbacks » – des refoulements illégaux de migrants et demandeurs d’asile aux frontières –, enquêtes de l’Office de lutte antifraude de l’Union européenne (UE) et de la Commission de Bruxelles, mise en cause de son directeur, Fabrice Leggeri : l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, chargée de surveiller les frontières extérieures de l’UE, traverse de grosses turbulences. Mercredi 27 janvier, elle a même été contrainte d’annoncer qu’elle allait arrêter ses opérations en Hongrie, une première dans l’histoire de cette institution, fondée en 2004.
      « Nos efforts communs pour protéger les frontières extérieures ne peuvent réussir que si nous veillons à ce que notre coopération et nos activités soient pleinement conformes aux lois de l’UE », a expliqué un porte-parole, en critiquant implicitement les pratiques illégales de la police hongroise, auxquelles l’agence européenne participait pourtant depuis la crise des réfugiés de 2015.
      En cause, la pratique du « pushback », systématisée par le premier ministre ultranationaliste, Viktor Orban, et développée ailleurs dans l’Union. Le fait de repousser les migrants arrivés sur le sol européen sans leur laisser la possibilité de déposer une demande d’asile n’a pas été partout aussi clairement assumé qu’en Hongrie, mais la Grèce, la Croatie, l’Italie ou la Slovénie, notamment, ont été mises an cause pour s’être livrées, elles aussi, à cette pratique illégale. Un « Livre noir », épais de 1 500 pages et présenté récemment par un réseau d’ONG, a recensé pas moins de 900 cas de ce type, concernant près de 13 000 personnes.
      Expulsions inhumaines
      Depuis une loi adoptée en 2016, la Hongrie considère, elle, que tous les migrants arrivant sur son sol peuvent être immédiatement renvoyés vers la Serbie voisine. Lorsqu’ils sont arrêtés, après avoir réussi à franchir la clôture que M. Orban a fait construire tout le long de la frontière, ou même à Budapest, les migrants se voient systématiquement refuser de déposer une demande d’asile et sont expulsés sans autre forme de procès, dans des conditions parfois inhumaines.
      Présents à la frontière hongroise depuis 2015, les agents de Frontex ont participé à cette politique, malgré les critiques des organisations non gouvernementales. « La Hongrie est le seul pays à avoir légalisé les “pushbacks” et à les pratiquer aussi ouvertement. La police hongroise publie même des chiffres tous les jours sur le nombre de personnes renvoyées en Serbie », dénonce Andras Lederer, du Comité Helsinki hongrois, une ONG spécialisée dans l’aide aux migrants. Il estime que la Hongrie a pratiqué 50 000 refoulements depuis 2016. A l’issue d’une longue bataille juridique, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé, le 17 décembre 2020, que les pratiques hongroises enfreignent les directives régissant le droit d’asile.
      Malgré cet arrêt, le gouvernement de Budapest a refusé de modifier sa législation et a continué ces pratiques. « La Hongrie ne va pas céder devant la pression des forces pro-immigration », affirmait encore le porte-parole du gouvernement, Zoltan Kovacs, jeudi 28 janvier. « Bruxelles veut nous prendre le peu d’aide qu’on avait », a-t-il ajouté en réaction au retrait de Frontex, devenu inéluctable après l’arrêt de la Cour de Luxembourg. Pour M. Lederer, ce retrait est en revanche « bienvenu » : « La Hongrie ne pourra plus se cacher derrière la présence de Frontex pour continuer cette pratique. »
      Violences aux frontières de l’Union
      Avec un contingent censé atteindre 10 000 hommes, un budget pluriannuel passé à 5,6 milliards d’euros et son rôle de gardienne stricte des frontières, en association avec les forces nationales, l’agence dirigée par M. Leggeri est l’une des pièces essentielles de la politique migratoire de l’UE et du « pacte » proposé en 2020 pour la Commission. Sa mise en cause, alors même qu’elle est loin de tourner à plein régime, est de mauvais augure.
      Jeudi 28 janvier, alors que les vingt-sept ministres de l’intérieur, réunis en visioconférence, évoquaient – en présence du directeur de Frontex – le dossier de la migration, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés évoquait un droit d’asile « menacé » en Europe et disait recevoir « de nombreux rapports » sur les violences exercées aux frontières de l’Union.
      D’où l’attention toute particulière que porte la commissaire aux affaires intérieures, Ylva Johansson, au dossier des « pushbacks ». La responsable suédoise se satisfait-elle des explications de la direction de Frontex, dont le conseil d’administration affirmait, le 21 janvier, qu’il n’avait pas trouvé de preuves de violation des droits de l’homme dans les cas qu’il a examinés ? « Sur la base des informations fournies », il n’aurait « pu établir de preuves ». Il a toutefois précisé que ses conclusions ne concernaient que certains incidents en Grèce et que des clarifications étaient nécessaires. Cinq cas problématiques de possibles refoulements impliquant Frontex sont encore examinés.
      Jeudi, devant les ministres, Mme Johansson a réclamé « toutes les analyses nécessaires » pour, dit-elle, rétablir la confiance dans l’agence. Elle a aussi évoqué un projet de réforme, incluant la nomination de trois sous-directeurs et la mise en place – enfin – d’un système de surveillance des droits humains.
      Le débat « recule »
      Au-delà du sort de Frontex, la question est de savoir si une définition d’une véritable politique migratoire européenne, avec une refonte des règles de l’asile et une solidarité accrue entre les pays, a une chance de se réaliser. Confirmant que le débat sur le « pacte » élaboré par la Commission « n’a pas beaucoup avancé », le secrétaire d’Etat belge à la migration, Sammy Mahdi, déclarait, jeudi, au quotidien La Libre Belgique qu’il fallait le rendre « rationnel ». Pour sortir les discussions de l’ornière, pour vérifier que la proposition de la Commission est opérationnelle et, enfin, pour que chacun annonce vraiment ses intentions, M. Mahdi propose « une simulation » : sur la base des chiffres de l’année 2019, chaque pays préciserait ce qu’il pourrait accomplir concernant l’accueil, la solidarité, le financement des infrastructures d’accueil aux frontières, etc.
      Un communiqué du secrétaire d’Etat évoquait une possible évolution de la Hongrie et de ses partenaires du groupe de Visegrad, à condition que soit satisfaite leur revendication (très floue) d’une solidarité « flexible ». Un participant à la réunion de jeudi faisait preuve de moins de conviction : « Faire avancer le débat ? Mais il recule ! » Vétéran des conseils européens sur la migration, le ministre luxembourgeois Jean Asselborn n’est pas loin de confirmer : « Nous sommes sans doute tous d’accord sur les contrôles aux frontières extérieures ou sur les retours. Mais pas sur la manière de respecter les droits humains des demandeurs d’asile, sur les relocalisations obligatoires ou sur l’impératif de solidarité » entre les pays européens. Les Etats prêts à respecter ces principes se compteraient, en effet, désormais sur les doigts d’une main.

      https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/29/l-agence-europeenne-frontex-fragilisee-par-les-accusations-d-expulsions-ille

    • Refoulement de migrants : « Frontex se retranche toujours derrière ses États hôtes » (Migreurop)

      L’agence de surveillance des frontières de l’UE, a annoncé qu’elle suspendait ses opérations en Hongrie après une décision de la Cour de justice européenne critiquant le système d’asile de ce pays. L’Office européen de lutte antifraude enquête de son côté sur la gouvernance de l’agence par son directeur exécutif, Fabrice Leggeri dont plusieurs eurodéputés demandent la démission. Frontex a-t-elle participé à des opérations de « pushback », initiées par la Hongrie, qui consistent à repousser des migrants arrivés sur le sol européen sans leur laisser la possibilité de déposer une demande d’asile ? Le décryptage de Brijitte Espuche, co-coordinatrice du réseau Migreurop.

      https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-international/20210129-refoulement-de-migrants-frontex-se-retranche-toujours-derri%C3%A8re-ses

    • Frontex: Management Board pushes back against secrecy proposals in preliminary report

      Statewatch is publishing the preliminary report of the working group set up by the agency’s Management Board following allegations of involvement in pushbacks from Turkey to Greece. Amongst other things, the report indicates that Frontex has proposed labelling Serious Incident Reports as EU Classified Information, which would reduce transparency and, in turn, accountability.

      https://www.statewatch.org/news/2021/february/frontex-management-board-pushes-back-against-secrecy-proposals-in-prelim

    • Scandals Plunge Europe’s Border Agency into Turmoil

      Accusations of workplace harassment, mismanagement and financial irregularities have led to chaos at Europe’s border agency. The allegations weigh heavily on Frontex head Fabrice Leggeri.

      The men and women who are part of Europe’s new elite border force meet every morning at 9 a.m. for a video conference that is viewed on screens in countries like Greece, Croatia, Bulgaria and Albania. The Frontex officials usually discuss migration movements and human trafficking, But since the beginning of January, the internal meetings have focused primarily on low morale within the team.

      "Do something at last, or soon no one will work here anymore,” one border guard warned in one of the calls. The policemen and women who regularly complain about their woes are the European Union’s first dedicated border guards. They’re part of Frontex’s standing corps.

      For months now, Frontex, the EU’s border protection agency, and its head Fabrice Leggeri, have been embroiled in a series of scandals. Frontex has been accused of being involved in illegal repatriations of refugees at Europe’s external borders, workplace harassment and a possible case of fraud linked to the agency. Now the crisis has also reached the standing corps, the border management agency’s prestige project.

      Frontex plans to deploy up to 10,000 border guards to the EU’s external borders in the coming years. The civil servants were promised brand new equipment and EU jobs with lavish salaries and European Commission President Ursula von der Leyen personally pushed for the creation of the standing corps. The stars of the EU flag sparkle on the sleeves of the new dark blue uniforms worn by the reserves.

      The job may sound glamorous on paper, but it is anything but in the countries where the reserve guards have been deployed, like Greece, Croatia and Albania. Several officers have told DER SPIEGEL of a shortage of agency vehicles, such that expensive SUVs must be rented instead — with officers allegedly even having to pay for gas themselves in some cases. They claim that expenses weren’t reimbursed for bureaucratic reasons, and that parts of the new uniforms were missing and had to be bought by the border guards themselves.

      The officers should be out hunting down criminals and catching smugglers, but Category 1 officers, who are directly employed by Frontex, so far haven’t been allowed to carry weapons because the agency failed to provide the legal basis for doing so in time. The result is that the border guards, supposedly members of an elite European force, have to be escorted on every one of their patrols by national security forces.

      When contacted by DER SPIEGEL, Frontex also said that the pandemic has created additional challenges for deploying the force, but things are back on track again. Yet the agency’s own officers don’t see it that way. It’s a "Potemkin reserve,” scoffs one. "It’s not worth it,” says another officer, who is thinking about quitting.

      The establishment of the standing corps is one of the EU’s most important migration policy projects. The purpose is to control irregular immigration. But now the European Commission and the member states must stand by and watch as it becomes the focus of ridicule.

      The fiasco over the standing corps has become emblematic of an agency that has been falling short of public expectations for years, and of an agency head who is accumulating more and more power but doesn’t seem to know how to use it correctly.

      Under Leggeri, Frontex has stumbled from one scandal to the next. Last autumn, DER SPIEGEL, together with international media partners, first reported that Frontex forces in the Aegean Sea were involved in illegal repatriations of refugees, which are called pushbacks. The Frontex Management Board is investigating the allegations and the EU Ombudsman has opened an inquiry. Leggeri himself is apparently obstructing the investigations.

      In January, the European Anti-Fraud Office (OLAF) announced it had launched an investigation into Frontex. Leggeri claims that the investigators are looking into the pushback reports and that he cannot provide any further comment. But DER SPIEGEL has found in its reporting that the accusations go much further. The investigation involves a possible case of fraud involving a service provider, allegations of workplace harassment and whether information was withheld from the agency’s fundamental rights officer, whose job is to monitor Frontex’s adherence to basic human rights laid out in EU charters, conventions and international law. Internal documents suggest that Leggeri’s entire leadership style is under scrutiny.

      What happened? How could the authority charged with protecting the EU’s external borders descend into such chaos? And what does it all mean for the EU’s migration policy?

      DER SPIEGEL, the media organization Lighthouse Reports and the French newspaper Libération interviewed nearly a dozen current and former Frontex officials in the reporting of this story. Most insisted that their names not be mentioned in the story for fear that they could lose their jobs. Leggeri, for his part, rejected an interview request.

      When combined with internal documents that DER SPIEGEL and its partners were able to view, the insiders’ reports paint a picture of an agency in turmoil.

      France Télécom: How Leggeri seized power at Frontex

      The headquarters of Frontex are located in an office complex in Warsaw’s Wola district, not far from the city center. For years, only a few officials worked here compiling reports on migration routes. Actual border guards were borrowed from national police forces.

      But the agency has grown from a budget of just over 6 million euros in 2005 to 460 million euros in 2020. By 2027, Europe’s taxpayers will have provided 5.6 billion euros in funding to the agency.

      Frontex now has its own border guards, called the standing corps, in addition to aircraft and drones that will soon be complemented by unmanned airships that will provide surveillance as they circle over the Aegean Sea. Frontex’s rise has had a lot to do with Leggeri, the man who has done more than anyone else to shape the agency.

      Leggeri, 52, was born in Mulhouse, in France’s Alsace region, and speaks fluent German. He studied at the École Nationale d’Administration in Strasbourg, a university that has long produced the French elite. Starting in 2013, he worked at the Interior Ministry in Paris in the department for irregular immigration. At the time, the government advocated for Frontex’s expansion, and two years later, Leggeri was named head of the agency.

      Colleagues describe Leggeri as a technocrat. At a Christmas party once, the team gathered around and he began talking with great pathos about the achievements of the "Frontex family.” But Leggeri was reading from his notepad. "It seemed like the whole things was out of his league,” recalled one audience member.

      During the course of Frontex’s expansion, Leggeri tailored the agency to precisely fit his needs. He expanded his cabinet, filling many important posts with fellow French compatriots.

      Frontex workers say Leggeri is on rarely seen in the hallways, and that all important decisions are made by a small inner circle. They describe him as being a control freak, with some former staffers even going so far as to call him a "dictator.” Leggeri "runs the agency like it’s a sub-prefecture,” says someone who has worked with him for a long time. "You may be able to run a French ministry that way, but not an international organization.”

      Frontex staffers have taken to calling Leggeri’s cabinet "France Télécom” when the bosses aren’t around. It’s a reference to the scandal at the French telecommunications authority, which involved systematic bullying and harassment so bad that it drove a number of employees to commit suicide.

      The resentment felt by many Frontex staffers is largely directed at one of Leggeri’s closest confidants: Thibauld de La Haye Jousselin. The Frenchman comes from an aristocratic family from southern France. He once worked for Bernard Carayon, a member of the French parliament, who used to be part of a far-right student union. De La Haye Jousselin is a reserve officer in the French army and has a thing for the military and uniforms. “De La Haye Jousselin is clearly on the right politically,” says someone who has known him for years. Now, he serves Leggeri as the head of his cabinet.

      Insiders say that de La Haye Jousselin leads with an iron fist, and that he is quick to lose his temper. Employees claim he insults people and engages in disrespectful behavior. The agency stated that Frontex has not received any official complaints about de La Haye Jousselin and also claimed that no cabinet member has been hired solely on the basis of their nationality. De La Haye Jousselin dismissed the accusations as "false and baseless.”

      But the behavior of Leggeri and his cabinet chief has consequences. Dissent seems to be frowned upon. And this is likely one of the reasons internal control mechanisms at the agency are becoming less effective.

      Inmaculada Arnáez has more than 20 years of experience in human rights issues. The Spanish lawyer has worked for the United Nations and the Organization for Security and Co-operation in Europe, and she has been with Frontex since 2012. As the fundamental rights officer, she is supposed to operate independently of the executive director in her job as the agency’s internal watchdog. But when Leggeri took the helm in 2015, she quickly became aware of how little concern the new leader apparently had for human rights.

      Former Frontex employees report that Arnáez was left out in the cold. "We felt like Leggeri just bypassed her.” They claim that human rights had never been his priority.

      The final break between Leggeri and Arnáez came when the European Parliament granted the fundamental rights commissioner more powers in 2019. Arnáez was to be assisted by 40 human rights observers, which would have enabled her office to conduct its own investigations at Europe’s external borders. Apparently that was unthinkable for Leggeri.

      On Nov. 19, 2019, just as Arnáez was returning from an extended illness, the Frontex chief publicly advertised her position. In doing so, Leggeri had also bypassed the Frontex Management Board, since such a job posting requires the board’s approval. He had informed Arnáez only a short time before. In a written assessment obtained by DER SPIEGEL, the European Commission states that Leggeri’s move had been "plain and simply unlawful” and "could be considered as an attempt to discredit or weaken” Arnáez.

      The Commission forced Leggeri to withdraw the job posting. But the Frontex chief didn’t give up. He claimed Arnáez had to be replaced because she doesn’t have enough management experience to lead 40 employees.

      It seems likely, though, that the Frontex chief was mainly bothered by Arnáez because of her advocacy for human rights. Arnáez has repeatedly warned Leggeri against breaking the law. Colleagues say that she believed in the power of her reports. She regularly informed Leggeri about human rights violations in the Aegean Sea and recommended that he abandon the mission in Hungary, where Prime Minister Viktor Orbán legalized pushbacks in 2016.

      Leggeri ignored the fundamental rights officer’s reports and continued the operation in the Aegean Sea. He only withdrew his officers from Hungary a few weeks ago after a ruling by the European Court of Justice forced him to do so. When contacted for comment, Leggeri stated that he had always valued working together with Arnáez. He added that management experience is needed in the post because of the sharp increase in the budget.

      Leggeri still hasn’t hired the 40 human rights monitors to this day. When grilled by the European Parliament, Leggeri blamed the European Commission for the delays. European Commissioner for Home Affairs Ylva Johansson, who is responsible for the portfolio that includes Frontex, then accused him of having misled parliament.

      Arnáez has been on medical leave again since last March. The Frontex Management Board replaced her on an interim basis with Annegret Kohler, a German national who had previously worked in Leggeri’s cabinet. "It’s a clear conflict of interest,” says a Frontex official.
      The Pushback Affair: How Frontex Covered Up Human Rights Violations

      The walls of the Frontex Situation Centre are covered in monitors, with surveillance planes and satellites transmitting real-time images from border regions. From their desks, Frontex officers can closely monitor events taking place on the edges of Europe. “You can see how many people are sitting in a refugee boat,” says someone who knows the room well.

      A collection of images that appeared on screens here on the night of April 18-19, 2020, continue to occupy members of European Parliament until today. They come from a Frontex surveillance plane flying over the Aegean, according to several internal Frontex reports that DER SPIEGEL has obtained.

      Shortly before midnight, Greek border patrol officers intercepted a rubber dinghy just north of the island of Lesbos and transferred the 20 to 30 refugees onboard their ship. According to prevailing law, they should have then brought the asylum-seekers to Lesbos, where they could apply for asylum. Instead, though, they put the refugees back into the dinghy and then towed them back toward Turkey.

      Greek officials in the coordination center in Piraeus ordered the Frontex pilots to change course away from the dinghy. The Frontex team leader asked if there was a particular reason for the change in course. “Negative,” came the response from the Greeks.

      At 3:15 a.m., the Frontex plane began running low on fuel. The pilot took one last image, which showed the refugees alone at sea, a few hundred meters from the Turkish coast. No Turkish units were in the area, the pilot reported. The dinghy, he reported, had no motor and the Greek Coast Guard had sailed off. The refugees, including four children, were only rescued the next morning at 6:52 a.m. by the Turkish Navy.

      The Greek Coast Guard has been systematically conducting pushbacks for several months. They stop refugee boats in Greek territorial waters and sometimes destroy their motors before then towing them back toward Turkey. “Aggressive surveillance,” is the official term the government in Athens has come up with to describe the practice. In fact, it is illegal.

      Frontex regulations require Leggeri to suspend missions when he learns of rights violations of a serious nature or that are likely to persist. His forces, after all, are supposed to protect human rights. But Leggeri insists that he has no reliable information about pushbacks in his possession – despite the fact that DER SPIEGEL and its reporting partners have exhaustively documented how Frontex units were nearby during at least seven illegal pushback operations.

      During their operations, Frontex personnel are under the command of Greek border officials. Already last March, a Greek liaison officer ordered a Danish Frontex unit to abandon a group of intercepted refugees at sea, according to internal emails that DER SPIEGEL has reviewed. Nevertheless, Frontex decided nothing was wrong and closed the matter within a day. Later, in testimony he delivered before the European Parliament, Leggeri claimed the incident had merely been a misunderstanding.

      The pushback that took place off Lesbos in the night of April 18-19 was exhaustively documented by Frontex officers themselves. There is a strong belief “that presented facts support an allegation of possible violation of Fundamental Rights or international protection obligations such as the principle of non-refoulement,” reads an internal Frontex report that DER SPIEGEL has obtained.

      The case was apparently so sensitive that Leggeri took personal control over the investigation and did not, as was standard procedure, delegate it to his Fundamental Rights Officer. On May 8, he wrote to Ioannis Plakiotakis, the Greek minister of maritime affairs, a letter that DER SPIEGEL has obtained. In it, Leggeri voiced his concern and requested an internal investigation. The observance of human rights, particularly the principle of non-refoulement, is an “ultimate requirement” of the Frontex mission, he wrote.

      The answer from the Greek government is a smorgasbord of attempts to explain it away. Migration flows in the Aegean represent a “hybrid nature threat,” the response reads. Because of the corona crisis, it continues, it is more important than ever to prevent illegal border crossings and none of the migrants had requested asylum. According to an initial assessment by Greek officials, the letter claims, none of those on board were in particular need of protection.

      Legal experts see the Greek response as worthless. “The Greek Coast Guard without a doubt committed a human rights violation in the case,” says Dana Schmalz, an international law expert with the Max Planck Institute in Heidelberg. From her perspective, it is a clear case of an illegal pushback. It is impossible, she says, to determine if someone needs protection or if they are faced with danger back in Turkey on board a rickety dinghy. Individual proceedings conducted on land are necessary to make such a determination, she says. Furthermore, she continues, the Greek Coast Guard put the migrants’ lives in danger by abandoning them at sea in a dinghy without a motor.

      But Leggeri was satisfied with the report. The verdict: There was no pushback, there were no human rights violations. The head of Frontex silently buried the incident. “There have been several occasions when Leggeri has not provided us with adequate information,” says Tineke Strik, a member of European Parliament from the Netherlands.

      When reached for comment, Frontex said the Greek government had not ascertained any human rights violations. The agency has to rely on national authorities to investigate such incidents, Frontex insisted, since it is not authorized to undertake such investigations itself.

      Frontex officials are actually required to report incidents where they suspect that human rights violations may have occurred, so-called “Serious Incident Reports.” But such reports are hardly ever written. For years, Frontex officials have followed the example of their boss Leggeri: When in doubt, keep quiet.

      Insiders describe the rules as a kind of omertà, a code of silence. Hardly anyone is willing to risk their career or cause problems for their host country. In one case, an official even tried to prevent a Swedish colleague from submitting a Serious Incident Report, the head of Swedish border control told the Frontex Management Board.

      A German federal police officer is one of the few willing to dissent, though he has asked that we not publish his real name. On Nov. 28, 2020, his first day on a Frontex mission on the Greek island of Samos, an article from DER SPIEGEL popped up on his mobile phone. The story was about the Uckermark, the ship on which he was scheduled to serve that very evening. The article reported that the Germans had stopped a refugee boat on August 10 and handed it over to the Greek Coast Guard, which then proceeded to abandon the refugees at sea.

      The federal policeman went to his commanding officer and said he couldn’t participate in such operations and essentially said he didn’t want to be an accessory to any legal transgressions. Later, he sent an explanation around to his comrades via WhatsApp: “I have decided for me personally that I cannot tolerate the measures taken by the Greeks and certainly cannot support them.”

      His commanding officer responded a few minutes later: “The fact is that our actions are legal! Covered by the Frontex mandate.” He apparently was referring to the requirement to obey orders from the Greek Coast Guard.

      The German Federal Police does not contradict the man’s account, but when contacted, the force denied having taken part in any legal violations. The policeman himself, however, had a different view of the situation. He refused to take part in the mission, preferring instead to stay on land. He says he will never again volunteer to take part in a Frontex mission.

      Dodgy Business: How Leggeri Landed in the Sights of the European Anti-Fraud Office

      The European Anti-Fraud Office (OLAF) always gets involved when there are suspicions that EU financial interests have been violated. And recently, OLAF opened an investigation into Frontex. On Dec. 7, OLAF officials searched Frontex headquarters in Warsaw, including the offices belonging to Leggeri and to Head of Cabinet Thibauld de La Haye Jousselin.

      Leggeri has yet to comment publicly on the investigation. According to members of the German parliament, the Bundestag, Leggeri testified before the Committee on Internal Affairs in January in Berlin and said that the inquiry had to do with the pushback accusations and that he couldn’t say any more. That, though, is at best only half true.

      DER SPIEGEL has learned that the investigation has a much broader scope than that. For weeks, OLAF officials have been summoning witnesses and interrogating Frontex staff members.

      One focus of the investigation is apparently a possible case of fraud. A Polish IT company sold the agency a business software solution that cost hundreds of thousands of euros, in part for the training of border guards. Frontex employees complained to their superiors, however, that the software didn’t work well. But the agency nevertheless paid most of the negotiated purchase price. According to documentation DER SPEIGEL has seen, employees informed management in 2018 that the inconsistencies in the case could amount to fraud.

      Leggeri, too, learned of the allegations, and an internal investigation was undertaken. “But according to EU regulations, the Frontex director is required to immediately report potential cases of fraud to OLAF,” says Valentina Azarova of the Manchester International Law Centre. Frontex declined to comment on the OLAF investigation. The Polish software company in question insisted that it has thus far correctly fulfilled all of its contractual obligations to Frontex. And the company is still getting contracts from the European border agency, some of them worth millions.

      The OLAF investigators are also apparently interested in suspicions of workplace harassment at Frontex. They hope to find out if Leggeri or his head of cabinet have yelled at or otherwise harassed agency employees. They are also investigating whether staff members were ordered to withhold information from Fundamental Rights Officer Arnáez and her successor – and if so, by whom.

      OLAF emphasizes that the presumption of innocence still applies, despite the inquiry, explaining that the existence of the investigation offers no proof that anything untoward took place. But there are apparently serious indications of personal misconduct on the part of Leggeri. The collection of questions being asked by investigators indicate significant doubts about his leadership style.

      In Brussels, some refer to Leggeri as “Fabrice Teflon,” with the Frontex boss having thus far survived despite accusations of mismanagement and allegations that his agency was involved in pushbacks. Now, though, the pressure has been cranked up.

      European Commissioner Johansson has more or less made it clear that she no longer considers Leggeri to be tenable in his position. “It has been difficult to keep track of the missteps,” says a high-ranking Commission official. “The priority must be on the long-term reputation of the agency. But it has been hard to reconcile recent actions with that aim.”

      It is not, however, up to the European Commission to decide Leggeri’s fate. That is a decision that must be made by the Frontex Management Board. The board is essentially made up of representatives from those countries that are part of the Schengen Area, with the Commission having just two deputies on the board. EU member states have always thrown their support behind Leggeri in the past. And many of them are likely pleased by the occasionally ruthless methods employed by Frontex to prevent asylum-seekers from crossing into the EU, believes Giulia Laganà, a migration expert with the Open Society European Policy Institute.

      The question is whether the Management Board will continue to back Leggeri once the accusations of workplace harassment and even potential fraud are made public. The European Parliament has already announced its intention to conduct a four-month inquiry into the agency, with the investigation’s mandate having been kept intentionally broad. Leggeri’s leadership style and the workplace atmosphere at Frontex are to be included in the inquiry.

      Even Leggeri’s own staff members in Warsaw have begun wondering how long their boss will continue to cling to his post. “OLAF is onto us, morale is down,” says one official. “I wonder why he doesn’t just leave.”

      https://www.spiegel.de/international/europe/missteps-and-mismanagement-at-frontex-scandals-plunge-europe-s-border-agency

    • Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières, à nouveau mise en cause pour ses liens avec des lobbyistes

      Premier corps armé en uniforme de l’Union européenne, l’organisme n’aurait pas déclaré ses liens avec des lobbyistes de l’industrie de la surveillance et de l’armement.

      De nouvelles accusations contre Frontex ont été lancées, vendredi 5 février, par la chaîne publique allemande ZDF, laquelle a, avec la collaboration de l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), mené une enquête sur les liens entre l’Agence européenne de garde-frontières et l’industrie de la surveillance et de l’armement.

      Des dizaines de documents, auxquels Le Monde a également eu accès, démontrent des infractions aux règles des institutions européennes sur le lobbying, un défaut de transparence et une absence quasi complète de préoccupation pour le respect des droits humains. Ce dernier point était déjà au cœur d’un débat récent sur le rôle du corps européen dans des « pushbacks », des refoulements illégaux de migrants, en Grèce et en Hongrie notamment.

      Dotée d’un budget en forte hausse (6 millions d’euros lors de sa création en 2005, 460 millions en 2020, 5,6 milliards prévus pour 2021-2027) et d’un effectif qui devrait atteindre 10 000 personnes à terme, Frontex, premier corps armé en uniforme de l’Union européenne (UE), effectue actuellement des missions de sauvetage et de surveillance, en appui des forces nationales. Elle lutte aussi contre divers trafics et participe aux expulsions des migrants irréguliers.

      Mais l’agence est, en réalité, en train de devenir un véritable corps de police appelé à se doter de nombreux équipements : armes, radars, drones, systèmes de vérification des documents et de reconnaissance faciale, véhicules, avions, etc.
      Profiter des opportunités

      Devient-elle, du même coup, une sorte d’acteur du secteur de la sécurité et de l’armement ? Et échappe-t-elle au contrôle démocratique, celui du Parlement européen notamment, qui, en 2019, exigeait de l’institution dirigée par le Français Fabrice Leggeri la mise au point d’un « registre transparence », conforme aux pratiques des autres institutions de l’UE ? Ce sont les questions posées par les investigateurs de la ZDF et de CEO, qui ont examiné les dernières années de fonctionnement de l’institution installée à Varsovie.

      Le registre, qui était réclamé par les eurodéputés, devait notamment recenser l’ensemble des réunions tenues avec des représentants des entreprises. Il est « en préparation », dit-on chez Frontex. Et il ne devrait pas satisfaire les attentes : en 2018 et 2019, indiquent des documents de CEO, 91 des 125 lobbyistes reçus par Frontex (soit 72 %) n’étaient pas inscrits au registre européen de la transparence, comme le veulent pourtant les règles fixées pour les institutions de l’UE.

      Idem pour 58 % des entreprises consultées. Sur une application créée pour centraliser les demandes de contacts, aucune demande ne leur est d’ailleurs formulée quant à leur inscription dans ce registre. Etonnamment, le service de presse de Frontex affirme de son côté que l’agence « ne rencontre pas de lobbyistes ».

      Il semble évident, pourtant, que le secteur de la défense entend profiter des opportunités offertes par le développement des missions et des moyens de l’agence. Le programme Horizon 2020 avait déjà affecté 118 millions d’euros au développement de la recherche en lien avec le projet de « Sécurité aux frontières extérieures » de l’UE. Un fonds avait, lui, été doté de 2,8 milliards d’euros pour la période 2018-2020. Et la nécessité d’équiper Frontex a évidemment aiguisé un peu plus les appétits des acteurs du marché mondial du « border control », qui enfle de 8 % chaque année et frôle désormais les 20 milliards d’euros.
      « Surveillance agressive »

      L’agence dirigée par M. Leggeri est-elle sortie de son rôle en s’arrogeant un statut d’intermédiaire de fait entre l’industrie et des institutions européennes soucieuses de conjurer à tout prix le risque de nouveaux flux migratoires ? Serait-elle, même, devenue un acteur qui entend stimuler cette industrie, voire lui confier les rênes d’une politique à vocation essentiellement sécuritaire ?

      Avec son objectif de « faciliter la coopération entre les autorités de contrôle aux frontières, la recherche et l’industrie », Frontex a, en tout cas, multiplié les congrès, les rencontres et les « ateliers » où grands patrons, hauts fonctionnaires, mais aussi délégués des Etats membres échangent beaucoup. Sur des questions de technologie, de sécurité, de « surveillance agressive », mais rarement de droits humains.

      Déjà mise en cause pour avoir tardé à mettre en place un service interne chargé de la surveillance du respect des droits fondamentaux des migrants, l’agence n’aurait, en effet, presque jamais consulté le « Forum des droits fondamentaux » constitué à cette fin. Une organisation qui était membre du forum indique d’ailleurs n’avoir aucun souvenir d’un quelconque échange sur la question des droits et des libertés dans le cadre du lancement d’appels d’offres.

      « La protection des droits humains est un sujet trop important pour le sacrifier à la défense des intérêts de l’industrie », notent les responsables de l’ONG Corporate Europe Observatory

      Parmi les participants à des réunions, on a noté, en revanche, la présence de représentants de pays très critiqués pour leur politique à l’égard des migrants, comme la Bosnie-Herzégovine ou l’Australie. Des responsables du département américain de la Homeland Security ont été également conviés.

      « Les conclusions de tout cela sont extrêmement préoccupantes », notent les responsables de CEO. Ils déplorent une politique migratoire qui risque de reposer seulement sur une force de police armée et des techniques comme la surveillance biométrique. « La protection des droits humains est un sujet trop important pour le sacrifier à la défense des intérêts de l’industrie », relèvent-ils.

      « Nous vivons une métamorphose du rôle de Frontex. Il faut en prendre la mesure et s’y habituer », affirmait, vendredi, M. Leggeri, interrogé par Europe 1. On ne sait pas si Ylva Johansson, la commissaire européenne aux affaires intérieures, qui demande que la confiance en Frontex soit « entièrement rétablie », approuvera totalement ce propos.

      https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/05/nouvelles-accusations-contre-frontex-l-agence-europeenne-des-gardes-frontier

    • PUSHBACK REPORT 2020

      VIOLENCE IS INCREASING – IN #2020 MARE LIBERUM COUNTED AT LEAST 9,000 PEOPLE ILLEGALLY PUSHED BACK

      #Mare_Liberum monitors the current human rights situation in the Aegean Sea using its own ships. As independent observers, we conduct research in order to document and publicise circumstances at the European border. Since March 2020, Mare Liberum has witnessed a dramatic increase in human rights violations in the Aegean, both at sea and on land. Illegal pushbacks, in which those fleeing and migrating people are pushed back across a national border, play an especially crucial role. Over the past year in particular, pushbacks have become an inhumane everyday reality for people on the move. Pushbacks happen almost daily at the Greek-Turkish border and in 2020 alone, we counted 321 pushbacks in the Aegean Sea, with some 9,798 people pushed back.

      Although pushbacks have demonstrably been carried out at the EU’s external border for years, media attention has now increased notably, especially in recent months. News magazines such as Der Spiegel and the research collective Bellingcat have been able to publicly demonstrate how the Hellenic Coast Guard forcibly pushes those seeking protection back to Turkey, thereby violating international, European and national law. The European Border and Coast Guard Agency Frontex, as has become all too clear, not only turns a blind eye to illegal repatriation operations, but rather actively and systematically participates.

      Within the framework of the annual report, we seek to adopt a perspective on pushbacks that looks at the long-term development of these practices at the EU’s external border. The comprehensive documentation of pushbacks forms the basis of the report and is an essential part of our monitoring work in the Aegean. Beyond the mere counting of pushbacks, our work also includes the collection of relevant information on the persons affected by pushbacks, practices by the responsible actors and related geographical data. We have gained deeper insights into these issues by conducting interviews with people who have themselves been pushed back at the Greek-Turkish border.

      https://mare-liberum.org/en/pushback-report

    • NEW REPORT ON CRIMES AGAINST HUMANITY IN THE AEGEAN

      Since March 2020, collective expulsions in the Aegean Sea have been perpetrated with impunity.

      Legal Centre Lesvos’ new report contributes to the growing body of evidence, media coverage, civil society reports and other investigations which have documented how Greek authorities are deliberately and systematically abandoning hundreds of migrants in the middle of the Aegean sea, without means to call for rescue, on unseaworthy, motorless dinghies and liferafts. It is intended to serve as a resource for survivors of collective expulsions and solidarity actors.

      Following the Legal Centre Lesvos’ first report, the present report is based on evidence shared by over fifty survivors of collective expulsions, and underscores the widespread, systematic and violent nature of this attack against migrants. Beyond being egregious violations of international, European and national human rights law, this report argues that the constituent elements of the modus operandi of collective expulsions in the Aegean amount to crimes against humanity within the definition of Article 7 of the Rome Statute of the International Criminal Court.

      Despite overwhelming evidence of collective expulsions in the Aegean, the national and European response has been to turn a blind eye: failing to even attempt to hold the responsible Greek authorities to account, let alone other public and private actors directly or indirectly involved. On the contrary, the European Commission has praised the violent “border and migration management” practices implemented in Greece and underwritten its support with substantial financial and material assistance. In the context of the COVID-19 pandemic which prevented Greece carrying out “official” deportations to Turkey, collective expulsions have conveniently served as an unofficial implementation of the “EU-Turkey Deal” and other bilateral “readmission” agreements with Turkey, which form part of fortress Europe’s border externalisation drive.

      There are only so many times legal and civil society actors can list and table such human rights violations and be met with deafening silence and inaction before this itself becomes evidence of Greek and European liability for collective expulsions as an egregious attack on migrants’ lives. Such inaction also reveals how migrants’ lives are increasingly treated as disposable, in a manner that has historically accompanied the commission of atrocity crimes.

      While the systematic violence of pushbacks in the Aegean is scandalous, it is also the logical endpoint of a dehumanising and punitive European border regime that has systematically obstructed access to territory and the right to asylum by prioritising and funding the ‘hotspot’ containment system, accelerated procedures, detention, deportations, border militarisation and externalisation through deals of questionable legality with third countries; as well as by prosecuting migrants and solidarity actors in a manner that successfully obscures Europe’s own violent, imperialist role in many of the reasons people migrate.

      The absence of serious investigations, let alone practical steps to redress violations are a clear sign that collective expulsions form part of a Greek and European migration policy: instrumentalising human suffering in acts of spectacular state violence for the purpose of deterring migration, at any cost.

      In this context, it is important to ask what justice might look like for survivors of crimes against humanity in the Aegean, many of whom experience ongoing psychological trauma and distress as a result of these crimes. Survivors who have been in contact with the Legal Centre Lesvos have spoken about justice in terms of being able to safely reach Europe. Justice for collective expulsions as crimes against humanity must therefore include safe and legal routes to Europe, as well as defunding, demilitarising and dismantling Europe’s violent border regime.

      https://legalcentrelesvos.org/2021/02/01/crimesagainstumanityintheaegean

      #crimes_contre_l'humanité

      pour télécharger le rapport :
      legalcentrelesvos.org/wp-content/uploads/2021/02/Collective-Expulsions-in-the-Aegean-LCL-01.02.2021-1.pdf

    • UE : Frontex accusée d’incarner l’« Europe forteresse »

      Soupçons de refoulements illégaux de migrants et de bafouement des droits fondamentaux, l’agence Frontex est dans la tourmente. Au point de diviser la Commission européenne.

      C’est potentiellement ce que les Anglo-Saxons appellent la « tempête parfaite », la « poly polémique » qui couve chez Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.

      Entre les accusations de fermer les yeux ou de participer à des refoulements illégaux de migrants, l’enquête de l’Office anti-fraude sur des allégations de harcèlement et d’inconduite ayant poussé des responsables à quitter l’agence ou l’absence, à ce jour, de recrutement des quarante agents chargés de veiller au respect des droits fondamentaux, Frontex accumule les tuiles.

      Après l’enquête de la médiatrice européenne, qui s’est aussi penchée sur son cas, c’est le Parlement européen qui s’en mêle. Outre la mise en place d’un « groupe d’enquête permanent », les eurodéputés ont aussi refusé, fin de la semaine dernière, d’octroyer « la décharge budgétaire » à l’agence, nous explique l’élue belge Saskia Bricmont (Ecolo). « Chaque année, le Parlement a un pouvoir de contrôle budgétaire. Donner la décharge, cela signifie qu’on considère que Frontex a accompli ses missions, a respecté le cadre légal et a donc droit au budget suivant », explique-t-elle. En commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, les eurodéputés ont donc décidé de reporter de six mois cette décharge, une décision qui doit être validée en plénière mais que « tous les groupes politiques » soutiennent, ajoute l’élue. D’ici là, il est principalement attendu de Frontex qu’elle recrute les agents chargés de défendre en interne les droits fondamentaux.
      Mandat et budget élargis

      Depuis cinq ans, le mandat de l’agence a été élargi considérablement. Ses effectifs multipliés. En 2016, Frontex se félicitait du fait qu’elle emploierait 1500 agents à l’horizon 2020. Elle devrait être à 10.000 d’ici 2027, pour un budget de plus de cinq milliards sur sept ans, contre une enveloppe annuelle de 19 millions il y a quinze ans.

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      Car pour Fabrice Leggeri, le patron de Frontex, les critiques trouvent bien leur source dans ce renforcement des pouvoirs de l’agence. « Pour la première fois, une agence cesse d’être un objet simplement administratif européen, mais a du personnel sur le terrain. C’est une responsabilité d’autant plus grande que nous avons l’usage de la force, sous l’autorité et le contrôle des Etats, et qu’il y a bien sûr des contrepoids, les droits fondamentaux. C’est tout à fait normal que cela suscite des réactions, parce que c’est inhabituel », a-t-il expliqué la semaine dernière lors d’un événement organisé par la Fondation Robert Schuman. « Il peut y avoir des retards de mise en œuvre de certaines choses, tout ne sera certainement pas parfait. Il faut utiliser cette période où il y a beaucoup de questionnements sur l’agence pour expliquer, faire de la pédagogie », a-t-il ajouté.

      A ses côtés, le vice-président de la commission en charge de la Promotion du mode de vie européen, Margaritis Schinas, a évoqué la tentative de « quelques milieux » de bâtir « un narratif qui affaiblit Frontex au moment où nous avons le plus besoin de l’agence. Ça, je ne l’accepterai jamais ». Un ton qui contraste avec celui de sa collègue aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, qui a démenti fin janvier les explications données par Leggeri pour justifier le retard de l’embauche des 40 agents pour les droits fondamentaux.

      Selon le quotidien français Le Monde, François Xavier-Bellamy, chef de la délégation Les Républicains au sein du groupe du Parti populaire européen (PPE, conservateurs) du Parlement européen, a écrit à Ylva Johansson en évoquant de sa part une tentative de déstabilisation voire de procès politique envers Fabrice Leggeri.
      Pas en ligne sur le lobbying

      S’ajoutent à tout cela les accusations de relations troubles avec l’industrie de l’armement et de la biométrie (par exemple, la reconnaissance faciale), étudiées de long en large par l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) le mois dernier. Cette dernière estime que l’élargissement des compétences de Frontex et son besoin d’équipement neuf (y compris en matière de défense) ont été une aubaine pour ces industries.

      Entre 2017 et 2019, Frontex a rencontré pas moins de 108 entreprises pour discuter d’armes à feu et de munitions, d’équipements de surveillance etc. Contre dix think tanks, 15 universités et seulement une ONG. Dans les procès-verbaux de ces réunions obtenus par CEO grâce à des demandes d’accès aux documents, elle a pu constater que les droits fondamentaux figuraient rarement à l’agenda. « Sans surprise, il y a des chevauchements significatifs entre les entreprises qui font du lobbying à Frontex et celles qui bénéficient le plus des marchés publics » de l’agence, explique l’ONG.

      En outre, l’agence ne publie pas toutes ses rencontres et voit majoritairement (72 %) des représentants du privé qui ne sont pas enregistrés dans le registre de transparence de l’UE. Frontex s’en est défendu en répondant qu’elle ne faisait pas l’objet de lobbying, compte tenu du fait qu’elle n’est pas impliquée dans le processus législatif européen. Alors, acharnement ou véritable scandale ? L’enquête des eurodéputés devrait permettre d’y voir clair. C’est aussi l’avis/l’espoir de Fabrice Leggeri, qui a jusqu’ici résisté aux appels à la démission.

      https://plus.lesoir.be/358143/article/2021-03-01/ue-frontex-accusee-dincarner-leurope-forteresse

    • La droite française au secours de Fabrice Leggeri, patron de Frontex

      Le groupe #LR au Parlement européen critique la « tentative de déstabilisation » à laquelle se livrerait la commissaire Ylva Johansson à l’égard du directeur de l’agence.

      Le torchon brûle entre la commissaire européenne aux affaires intérieures et à la migration, #Ylva_Johansson, et la droite française. Dans une lettre au ton cinglant adressée vendredi 26 février à l’ancienne ministre sociale-démocrate suédoise et lue par Le Monde, #François_Xavier-Bellamy, chef de la délégation #Les_Républicains (LR) au sein du groupe du #Parti_populaire_européen (#PPE, conservateurs) interroge la commissaire. Et il parle de « tentative de déstabilisation », de « divergence de fond », voire de « procès politique » que la commissaire instruirait contre Fabrice Leggeri, le directeur exécutif de l’agence des gardes-frontières et gardes-côtes Frontex.

      Ce responsable français est sur la sellette depuis des mois. Pour des refoulements illégaux de migrants (pushbacks) qu’aurait favorisés l’agence. Pour des retards dans le recrutement d’une quarantaine d’officiers chargés précisément de veiller au respect des droits fondamentaux par les agents de Frontex. Pour d’apparentes réticences à se conformer à des règles administratives en matière budgétaire. Ou encore pour ne pas avoir souscrit à des obligations de transparence en ce qui concerne des réunions avec des lobbys et des responsables de l’industrie de la défense et de la surveillance.

      Le groupe socialiste du Parlement a demandé la démission du numéro un de Frontex

      Ce dernier point n’est pas mentionné dans la lettre de M. Bellamy et l’entourage de Mme Johansson semble, par ailleurs, considérer qu’il n’y a pas de quoi mettre en cause M. Leggeri pour ces contacts, dénoncés notamment par l’ONG #Corporate_Europe_Observatory. Sur les autres questions, en revanche, la commissaire a demandé des explications. Et le groupe socialiste du Parlement a demandé la démission du numéro un de Frontex. En décembre, la responsable de la direction générale des affaires intérieures de la Commission adressait, elle, une longue lettre à M. Leggeri, avec, à la clé, de nombreux griefs.

      Demande de preuves

      Les élus LR volent, eux, au secours du directeur et demandent très fermement des explications à la commissaire. Quelles preuves a-t-elle, interrogent-ils, quand elle accuse M. Leggeri de ne pas se conformer aux directives budgétaires, comme elle l’a fait le 22 février dans la commission de contrôle du Parlement ? Sans éléments incontestables, cela pourrait s’apparenter à une volonté de déstabiliser le patron de l’agence, estiment-ils.

      A propos des refoulements illégaux de migrants, les eurodéputés français endossent les explications livrées jusqu’ici par Frontex : sur treize épisodes douteux, huit ont été jugés conformes par un groupe de travail constitué par la Commission. Cinq autres cas sont encore à l’examen, sur lesquels Mme Johansson a exigé « toutes les explications nécessaires ».

      La Turquie est soupçonnée d’être à l’origine d’informations sur les refoulements illégaux de migrants

      M. Bellamy lui demande à son tour si elle a répondu à un courrier qui lui a été adressé en novembre par M. Leggeri, et dans lequel il réclamait des instructions claires quant à l’attitude à adopter à l’égard de la Turquie. Celle-ci, qui a orienté massivement des migrants vers la Grèce et la Bulgarie en mars 2020, est aussi soupçonnée par certaines sources d’être à l’origine d’informations sur les refoulements illégaux de migrants.
      « Reproches infondés »

      Le groupe LR, qui bénéficie du soutien tacite d’autres élus du PPE, exige, dès lors, de disposer de tous les échanges entre Frontex et la Commission. La lettre se termine par des questions sur l’éventuel désaccord entre la commissaire Johansson et Frontex au sujet des missions mêmes de l’agence.

      Relayant l’idée que la commissaire serait partisane des « frontières ouvertes » – ce qu’elle conteste – les eurodéputés lui demandent s’il y a, de sa part, « un désaccord de fond » sur la stratégie actuelle de la Commission von der Leyen, qui vise à garantir le « mode de vie européen » ? A savoir la maîtrise des frontières, la lutte contre l’immigration clandestine et la contribution à « la sécurité intérieure ».

      « En instruisant un procès politique au moyen de reproches infondés, vous prendriez le risque de violer les principes fondamentaux de l’Etat de droit, de salir des fonctionnaires intègres et loyaux, de fragiliser la cohérence de l’action européenne », conclut la lettre. Contacté dimanche, le cabinet de Mme Johansson a déclaré avoir reçu la lettre mais ne pas souhaiter réagir immédiatement.

      https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/01/la-droite-francaise-au-secours-de-fabrice-leggeri-patron-de-frontex_6071549_

    • Un rapport d’enquête interne peu concluant sur le rôle de Frontex dans des refoulements illégaux de migrants

      Le document présenté lundi s’abstient d’impliquer des membres de l’Agence européenne de garde-frontières et garde-côtes dans des incidents en mer Egée.

      Un long rapport, lu par Le Monde et présenté, le 1er mars, par un groupe de travail désigné par le conseil d’administration de Frontex, confirme qu’il ne sera décidément pas simple, voire pas possible, de démontrer que des membres de l’Agence européenne de garde-frontières et garde-côtes ont été impliqués dans des « pushbacks » en mer Egée, des refoulements illégaux de migrants.

      Ce document final, pourtant très attendu, n’apporte aucune conclusion déterminante. D’autant que, sur quatre des cinq incidents encore jugés litigieux (huit ont été classés en janvier), l’enquête se poursuit.

      Sur la base des informations qui lui ont été livrées, le groupe de travail, composé de représentants de diverses institutions européennes et d’Etats membres, formule quelques recommandations qui peuvent être lues comme des critiques implicites du fonctionnement actuel de Frontex. Il prône ainsi une amélioration des rapports et de la surveillance des missions, une utilisation systématique de la vidéo, la recension de toute possible violation des droits humains et la suspension de l’aide apportée aux pays qui ne les respecteraient pas.
      Situations douteuses

      Pour le reste, la liste des « incidents » qui se seraient déroulés entre le 18 avril et le 21 octobre 2020 ne mentionne que les soupçons, parfois lourds mais jugés insuffisants, qui pèsent plutôt, en réalité, sur les gardes-côtes grecs et la marine turque, qui agissent aux limites des eaux territoriales des deux pays. Embarcations chassées, menacées, remorquées : dans certains cas, un navire suédois ou un avion danois mis à la disposition de l’agence ont recensé des situations douteuses, mais le groupe de travail conclut qu’il semble « impossible de les élucider entièrement ». D’autant que ce sont les autorités nationales qui assurent le commandement des opérations.

      Le rapport tient à souligner cependant l’importance de la mission de Frontex, présentée comme la « principale garantie de frontières solides et protégées ». Il y est rappelé aussi que, grâce aux interventions de Frontex, 28 000 personnes ont été sauvées en 2019 et près de 3 000 en 2020, tandis que 10 433 illégaux et 84 trafiquants étaient arrêtés. A propos des incidents considérés comme des « pushbacks » par des journalistes et des ONG, le document invite à considérer qu’aucun décès, aucune disparition et aucune blessure n’y seraient liés.

      Fabrice Leggeri, le directeur exécutif de l’agence, qui doit être entendu jeudi 4 mars par un comité spécial du Parlement européen, pourra se prévaloir de ces conclusions face aux diverses accusations dont il faitl’objet. L’Office de lutte antifraude (OLAF) et la médiatrice de l’Union européenne enquêtent aussi sur la gestion de l’agence, basée à Varsovie, tandis que la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a réclamé toutes les explications sur l’action en mer Egée.
      Action de la Turquie

      M. Leggeri soulignera sans doute, jeudi, qu’il espère obtenir de la Commission qu’elle lui indique les lignes directrices précises qu’il doit suivre en ce qui concerne, notamment, l’action de la Turquie. Dans les considérations qu’il a formulées à destination du groupe de travail de son conseil d’administration, il rappelle d’ailleurs que les autorités d’Ankara entendent utiliser la migration comme un « levier politique » et il souligne que la Grèce se dit soumise aux « menaces hybrides » du régime turc.

      Soutenu entre autres par la droite française au Parlement, le directeur de Frontex transforme ainsi le débat sur le rôle humanitaire de son agence en une question géostratégique, et il incite la Commission à se positionner par rapport à l’encombrant partenaire avec lequel elle a signé, en 2016, un accord visant à réduire les flux migratoires vers l’Europe.

      Pendant ce temps, la Ligue hellénique des droits de l’homme, l’ONG Legal Centre Lesvos et l’organisation juridique Front-Lex demandent à Frontex « de suspendre immédiatement ou de cesser » ses activités en mer Egée, sous peine d’une action devant la justice européenne. Legal Centre Lesvos aurait documenté, depuis mars 2020, 17 refoulements de plus de 50 migrants entre la Grèce et la Turquie. L’ONG estime aussi que l’agence a enfreint le droit européen et violé la convention de Genève de 1951 relative aux droits des réfugiés.

      Frontex est aussi taxée de complicité dans la « détention sommaire de migrants sur les îles de la mer Egée dans des ports, des bus, des navires, des plages où l’accès aux procédures d’asile leur a été refusé ». Le 12 février, l’ONG allemande Mare Liberum faisait état, pour sa part, d’une « escalade inédite » des refoulements de migrants en mer Egée impliquant Frontex en 2020.

      https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/03/un-rapport-d-enquete-interne-peu-concluant-sur-le-role-de-frontex-dans-des-r

    • Le patron de Frontex se défend devant les eurodéputés, Bruxelles maintient la pression

      Le patron de Frontex a souligné jeudi devant des eurodéputés qu’aucune « preuve » d’une implication de l’agence de surveillance des frontières de l’UE dans des refoulements illégaux de migrants n’avait été établie par une enquête, mais Bruxelles a réitéré ses critiques.

      Le patron de Frontex a souligné jeudi devant des eurodéputés qu’aucune « preuve » d’une implication de l’agence de surveillance des frontières de l’UE dans des refoulements illégaux de migrants n’avait été établie par une enquête, mais Bruxelles a réitéré ses critiques.

      Ce rapport interne, qui doit être examiné vendredi par le conseil d’administration de Frontex et consulté mercredi par l’AFP, n’a pas permis de « clarifier complètement » les circonstances de plusieurs incidents au cours desquels des refoulements de migrants auraient eu lieu. Il préconise d’ailleurs d’améliorer le système de signalement et de surveillance des missions de l’agence.

      « Il n’y a pas eu de faits étayés ou prouvés pour aboutir à la conclusion que Frontex aurait participé ou se serait livrée à des violations des droits fondamentaux », a déclaré son directeur exécutif, Fabrice Leggeri, devant un groupe d’eurodéputés qui a ouvert sa propre enquête sur ces incidents.

      L’agence est montrée du doigt depuis la publication en octobre 2020 d’une enquête de plusieurs médias l’accusant d’être impliquée avec les garde-côtes grecs dans des incidents de refoulement de bateaux de migrants à la frontière entre la Grèce et la Turquie.

      Ces accusations ont également entraîné une enquête du gendarme européen antifraude, l’Olaf, ainsi que de la médiatrice de l’UE.

      La Commission européenne, membre du conseil d’administration de Frontex aux côtés des 27 Etats membres, s’est montrée critique sur la gestion de l’agence, fustigeant notamment la lenteur du recrutement des officiers chargés de surveiller le respect des droits fondamentaux et des agents devant constituer le nouveau contingent permanent.

      Créée en 2004, Frontex a vu son mandat renforcé en 2019. Elle doit se doter d’agents en uniforme et armés, employés directement par l’agence, et non plus mis à disposition provisoirement par les Etats membres.

      Le directeur exécutif a notamment dit qu’un officier et 40 « moniteurs » chargés de veiller au respect des droits fondamentaux étaient en cours de recrutement et que 300 officiers du contingent permanent étaient déployés sur le terrain ou allaient l’être la semaine prochaine.

      La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a toutefois souligné que 700 officiers auraient dû être déployés en janvier.

      Elle a aussi estimé que les « clarifications » sur les accusations de refoulements n’avaient que « trop tardé », et que ce délai n’était « pas bon pour la réputation et la confiance » dans Frontex.

      « Une agence de première classe a besoin d’une gouvernance de première classe », a-t-elle poursuivi, se réjouissant toutefois d’« entendre que beaucoup de choses sont en train d’être réglées ».

      Si des eurodéputés à gauche ont demandé la démission de Fabrice Leggeri, la droite française au Parlement européen a quant à elle pris la défense du patron de Frontex.

      Dans une lettre adressée le 26 février à la responsable suédoise, le président de la délégation française du groupe PPE (droite) François-Xavier Bellamy lui a demandé des « justifications solides et vérifiées » à ses « accusations », dénonçant une « tentative de déstabilisation » du chef de Frontex et « un procès politique ».

      https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/040321/le-patron-de-frontex-se-defend-devant-les-eurodeputes-bruxelles-maintient-

    • Greece accused of ‘shocking’ illegal pushback against refugees at sea

      Lawsuit filed at European court of human rights says group were abandoned in life rafts after some were beaten.

      A lawsuit filed against the Greek state at the European court of human rights accuses Athens of a shocking level of violence in sophisticated inter-agency operations that form part of an illegal pushback strategy to stop the arrival of refugees and migrants.

      The suit, filed by the NGO Legal Centre Lesvos, centres on an incident in October last year in which a fishing boat set off from Marmaris in Turkey for Italy carrying about 200 people, including 40 children and a pregnant woman. The boat ran into difficulty in a storm off the south coast of Crete, leading the captain to radio for assistance.

      The legal case claims that in an operation of unprecedented size and sophistication, instead of helping the stranded people onboard, a Greek search and rescue vessel and two small patrol boats stalled the smuggler’s boat for five hours until speedboats carrying masked commandos arrived. Several passengers claim they were beaten in the ensuing incident.

      Those onboard were separated into two groups and taken to two large coastguard boats, where armed crews of between 10 and 15 men, most wearing balaclavas, searched them and confiscated belongings including phones, passports and money.

      The passengers were then reportedly forced on to several small life rafts, towed back to Turkish waters and abandoned at sea without food, water, life jackets or any means to call for help. By the time they were picked up by the Turkish coastguard, their ordeal had lasted more than 24 hours.

      “It was like watching a movie. The men from the speedboats jumped onboard screaming and shouting, they all had guns and knives and were wearing black and masks,” said Mahmoud, a witness from Syria whose name has been changed.

      “They began beating people with batons, looking for the captain. They punched me in the face and broke my glasses … I understand they don’t want us, but you could send us back to Turkey without the need for violence. When they cut us loose on the rafts we all thought we were going to die,” he said.

      The lawsuit claims the practice of “pushbacks” has become standard for the Greek coastguard since March 2020, when Turkey, in an effort to pressure the EU, told its 4 million registered refugees that it would no longer stop them trying to reach Europe as per a 2016 deal between Ankara and Brussels.

      Athens reacted by temporarily halting all new asylum applications and allegedly employing increasingly brutal tactics to dissuade people in Turkey from making the journey.

      Exact figures are difficult to verify, but rights groups and journalists have recorded hundreds of alleged pushback incidents over the last 12 months. In most cases, people trying to cross the Aegean have been intercepted and towed back to Turkish waters. They are then cut loose either in their own boats, after the Greek coastguard has disabled their engines, or on overcrowded life rafts.

      On several occasions people claim to have been pushed back after landing on Greek soil, and passengers have been abandoned on an uninhabited Turkish islet at least twice, according to reporting by Der Spiegel, Lighthouse Reports and the New York Times.

      In at least one case, the EU border agency, Frontex, is accused of covering up evidence of a Greek pushback operation.

      These collective expulsions, as they are known, are illegal under international law but not under Greek national law. The Guardian’s requests for comment from Greek officials went unanswered. Greece has denied illegality in the past.

      The incident in October stands out because of the reported level of violence involved and the size and scope of the operation, which would have taken hours to coordinate and involved eight Greek vessels and two dozen crew from different agencies.

      “‘Pushback’ isn’t even really the right term. It’s a decision by the authorities to deliberately abandon people at sea putting their lives at risk, with no means to call for rescue and no chance at all to claim asylum,” said Natasha Ntailiani, a Legal Centre Lesvos lawyer representing some of the survivors before the ECHR.

      “It’s a new and disturbing trend characterised by planned and systematic violence, which has increased over the last year in the Aegean region. Even search and rescue vessels and materials are now being used against migrants, which is a remarkable insight into the lengths the Greek authorities are now willing to go to.”

      Testimony from 11 complainants and dozens of pages of collaborating evidence – including geo-located pictures and video, GPS coordinates, and phone and message logs from the ship’s radio, passengers, the Alarm Phone hotline and the Greek and Turkish coastguards – painted a complete and damning picture of the new tactics, the centre said.

      The suit is the fifth LCL has filed at the ECHR in recent years to allege violations of migrant and refugee rights in Greece. Progress is slow, but the applicants hope the latest case will persuade the court that pushbacks, despite the fact they are now reportedly a systemic and regular feature of Greek border policing, are illegal.

      A decision at the court last year that Spain did not breach the rights of two men it expelled from the Melilla enclave on the basis they had tried to enter illegally “as part of a large group” sets a worrying precedent.

      In light of the judgment, Frontex has since asked the European commission if it can refuse to process individual asylum claims if people are travelling in groups, as is often the case in the Aegean.

      “I didn’t even want to go to Greece. We knew that they were harming refugees when they arrive, but it was shocking to experience the reality, which is that Europe doesn’t care at all about human rights and dignity,” said Yara from Damascus, whose name has also been changed. She said she had been traumatised by her experiences on the day the storm hit the fishing boat.

      “Despite all of that, I will still try again. I can’t build a life in Syria or Turkey,” she said.

      Mahmoud echoed Yara’s thoughts. “I got kicked out of Qatar because of the pandemic. I would rather have stayed there,” he said. “If there was a legal way to get to Europe I would take it, but there isn’t. I don’t want to make that journey again, but I will, because I have to.”

      https://www.theguardian.com/world/2021/apr/26/greece-accused-of-shocking-pushback-against-refugees-at-sea

    • Grèce : refoulements illégaux en Mer Egée

      En Grèce, les « pushbacks » ou refoulements illégaux de potentiels demandeurs d’asile par les garde-côtes grecs vers les eaux turques, se sont systématisés depuis un an.

      Le gouvernement grec se félicite d’avoir réussi à tenir une de ses promesses électorales : réduire le flux de migrants.

      La pratique est en infraction avec le droit maritime et l’obligation de porter assistance aux personnes en détresse en mer, mais aussi au regard du droit européen et international dont l’article 3 de la Convention des Droits de l’Homme stipule l’interdiction du refoulement des réfugiés.

      Informés, le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU et des commissaires européens se disent “alarmés” mais semblent jusqu’à présent bien impuissants à faire respecter le droit d’asile par Athènes. Documentés et dénoncés par des avocats et des ONG internationales, ces refoulements illégaux révèlent des pratiques cruelles et cyniques. Mais rares sont les voix en Grèce à s’élever la voix contre ces renvois aux frontières de l’Europe.

      https://www.arte.tv/fr/videos/102791-000-A/grece-refoulements-illegaux-en-mer-egee
      #Samos

    • Message de Claire Rodier via la mailing-list Migreurop :

      Dans une interview au Guardian, Gil Arias Fernández, ancien directeur adjoint de Frontex a déclaré qu’il était profondément inquiet de l’atteinte à la réputation de l’agence, de sa décision d’armer les agents et de son incapacité à empêcher l’extrême droite d’infiltrer ses rangs, dans un contexte de mouvements anti-migrants en Europe.

      –—

      Frontex turning ‘blind eye’ to human rights violations, says former deputy

      The former deputy head of Europe’s border and coastguard agency has said the state of the beleaguered force “pains” him and that it is vulnerable to the “alarming” rise of populism across the continent.

      In his first interview since leaving office, #Gil_Arias_Fernández, former deputy director at Frontex and once tipped for the top post, said he was deeply worried about the agency’s damaged reputation, its decision to arm officers, and its inability to stop the far-right infiltrating its ranks, amid anti-migrant movements across Europe.

      “Weapons are not needed for Frontex operations,” he said. “They are more of a problem than a help.”

      Frontex is experiencing the most acute crisis in its 16-year history. The agency is being investigated by the European parliament over allegations of illegal pushbacks of migrants and refugees in the Mediterranean and its head, Fabrice Leggeri, is facing calls to quit over allegations he misled the EU commission. Leggeri has strongly rejected allegations about the agency’s operations.

      Arias Fernández, 65, now retired, lost out on the top role to Leggeri in 2015. He admits he did not get on with Leggeri when they worked together for a year.

      “From the first moment I saw that he had a perhaps excessive eagerness to change things. Maybe it was to put his personal stamp on things,” said Arias Fernández.

      He said decisions made by one of the EU’s most powerful agencies had led to complicity in human rights violations.

      “Frontex pains me,” he said. “Especially for the staff, because they don’t deserve what they are going through. We saw the agency as an instrument to help the member states and the migrants. These events put a dent in all that effort.

      “I do not believe that the agency has proactively violated the rights of migrants, but there are reasons to believe that it has turned a blind eye.”
      Gil Arias Fernández. ‘Frontex pains me,’ he said. Photograph: Jose Bautista/Courtesy of Fundation for Causa

      In January 2015, after the attacks on Charlie Hebdo in Paris, several European politicians suggested the presence of refugees among the terrorists.

      When the media asked Frontex about any link between refugees and the Paris attack, Arias Fernández, a former police commissioner in Spain, told them there was no evidence.

      Arias Fernández believes this cost him the director’s job.

      The political pressure made the job a tough one, Arias Fernández said. “There is a lot of pressure on the part of certain states to put their people in positions of responsibility. Whether the agency is headed by a Frenchman or a Finn may determine whether there is more or less sensitivity to migration problems. The agency is independent, but ‘independent’ should be put in quotation marks because without a fluid relationship with the [European] commission, you have a hard time.

      “Operations have always been conducted unarmed and there have never been any problems. In operations where Libyan tribal clans smuggling migrants shot in the air to frighten the patrols, even there it was not considered appropriate to carry weapons. In this case, weapons are more a problem than a help. The proposal of carrying weapons came from the European Commission, which I do not know to what extent is influenced by lobbyists in Brussels.

      “There is no filter in the recruitment system. You cannot prevent people with extremist ideas from entering, unless they clearly express their position in favour of hate crimes, xenophobia and racism.”

      Arias Fernández pointed to the dearth of human rights training for Frontex officers. “But lack of information should not be used to justify certain things,” he said. “The incidents under investigation were carried out by Greek units following the instructions of their commanders.

      “When there are irregularities like this in operations, it is usually because there are instructions from the authorities responsible for coordinating the operation. The decision to turn back a boat with migrants is not taken by an officer but is an order from above.”
      A rescue boat escorts a dinghy with migrants from Afghanistan as a Frontex ship patrols off Lesbos in Greece. Photograph: Costas Baltas/Reuters

      He said he appreciated borders needed a certain level of security to know who was entering but added that immigration was vitally important for the survival of all European states.

      “I come to this conclusion because there are studies that show that if we do not resort to immigration and other incentives, the EU will have serious problems and the welfare state will be a chimera. We should learn these lessons. In the first half of the pandemic, migrants saved our bacon.

      “In Europe, movements that use populism are growing at an alarming rate, and the fight against immigrants is one of those arguments. States are excessively prudent in not touching this issue. The commission presented the new pact on migration and asylum, which contains no proposals for channelling migration through legal channels. They tried to satisfy all the blocs, Visegrád [Czech Republic, Hungary, Poland and Slovakia], southern states, northern states, and I fear that in the end it satisfies no one.”

      Arias Fernández said the lack of migrants being allowed into Europe would have a severe economic impact amid an ageing workforce: “Who will pay the pensions of the growing number of pensioners?”

      A Frontex spokesman denied the agency ignored migrants’ rights. “The executive director of Frontex has written several letters to the Greek authorities to address incidents that raised his concerns. Two inquiries, including one that was conducted by representatives of national authorities and the European Commission, have found no evidence of violations of human rights in Frontex operations in Greece.”

      The spokesman also denied that officers had always conducted operations while unarmed, saying: “Before this year, Frontex relied exclusively on officers provided by national authorities, who brought their own weapons to the agency’s operational activities. Today, Frontex has its own operational arm, the standing corps, whose core is made up of officers directly employed by the agency who require weapons for self-defence and to protect others.

      “Since Mr Arias left more than half-a-decade ago, Frontex has undergone a massive transformation that included a much bigger focus on cross-border crime, which means a greater chance that our officers may encounter life-threatening situations while patrolling the borders or performing other duties.”

      https://www.theguardian.com/global-development/2021/jun/11/frontex-turning-blind-eye-to-human-rights-violations-says-former-deputy

      #extrême_droite

    • Human Rights in Europe are at a crossroads

      It is not a ‘one-off’. It did not take place six, twelve or eighteen months ago, and now things are better.

      It was just one of 491 incidents since March 2020, in which 14,720 men, women and children have been denied their fundamental human rights by a coastguard armed with assault rifles and behaving like a sea-militia ‘defending’ Greece against innocent, unarmed, and peaceful men, women and children attempting to find safe places to live.

      In the morning of 10 June, a boat carrying 31 people travelled towards Kos. Closing in on Ag. Fokas, on the south east side of the island, the boat was approached by several vessels from the Hellenic coast guard, and forced back towards Turkey.

      If anyone is wondering what a pushback at sea looks like, this is how it’s being carried out. And it is illegal.

      https://videopress.com/v/vPX3Vme3

      This shocking, immoral and illegal practice has become ‘normal’ in the Aegean Sea. Greece carries it out without let or hindrance, while the EU seems unable or unwilling to act.

      Human Rights in Europe are at a crossroads.

      According to the Greek government and Frontex, this isn’t a pushback, but a ‘prevention of entry’.

      There are two major problems with this assessment. First, under international law, no country is allowed to ‘prevent the entry’ of men, women and children not suspected of any crime (as these people are not) and who intend to apply for asylum. Even if the people in this boat had not entered Greek waters, the Greek coastguard would have broken international law, by forcibly preventing people who wish to apply for asylum, from entering Greece.

      But in fact, secondly, these people had in fact already entered Greek water. It cannot be a ‘prevention of entry’ if people have already ‘entered’: it is a pushback. And it is absolutely illegal.

      In the video we can hear one of the officers on the Hellenic coast guard vessel ΛΣ150, say “everyone abide by the rules, because he’s filming”. It’s disturbing that this even needed to be said. First, because what would have happened had this person not had the presence of mind, and technology, to film? What would have happened then? How would the heavily-armed coastguard have responded to these innocent, unarmed people trying to exercise their fundamental human rights? Why did this coastguard, who noticed a person filming, need to advise his colleagues to abide by the law? What did he fear they would do?

      Secondly, the disturbing images we can see in this video are in fact not ‘abiding by the rules’. It appears the coastguard does not understand – or perhaps accept – the rules. This is a video of the Greek coastguard breaking the law, even as one member of the coastguard warns his colleagues not to do something even worse.

      Nor is this an isolated incident.

      It’s how the Hellenic coastguard – and in some cases also Frontex – have been operating for the last 15 months.

      We must demand that Notis Mitarachis, and Fabrice Leggeri, are held to account for their continued, immoral, unacceptable, and illegal activity in the Aegean Sea. We must demand that the EU – or if, as increasingly seems to be the case, the EU is unwilling – the wider international community takes legal action, now, to prevent the Greek coastguard, the Greek government, Frontex and the EU, breaking international law, and shaming the whole of Europe in the process.

      None of this is acceptable. None of it is even beneficial to either Greece or the EU.

      The time to stop this is now. The time to act is now. The EU can and must act. If it refuses, it is time for the international court to prosecute Mitarachis, Nea Dimokratia, Leggeri, Frontex, and the European Commission. Anything else is to further damage, and indeed make a laughing stock of international law, and all our human rights.

      https://aegeanboatreport.com/2021/06/28/human-rights-in-europe-are-at-a-crossroads

    • Communiqué de presse : Frontex a besoin d’une #réorganisation radicale

      Les députés du groupe de travail sur le contrôle de Frontex, sous l’égide de l’eurodéputée écologiste Tineke Strik, ont présenté aujourd’hui en commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen, le rapport sur le rôle de Frontex dans le #refoulement illégal des réfugiés. Un des principaux enseignements est la nécessité d’ une réorganisation radicale de l’agence pour qu’elle respecte les droits humains.

      L’enquête menée par les eurodéputés confirme que Frontex a manqué à ses responsabilités en matière de protection des droits humains aux frontières de l’UE. L’agence avait connaissance de violations des droits fondamentaux commises dans des pays de l’UE avec lesquels elle coopère, et n’a pas réagi face à ces allégations. La direction de Frontex a sciemment ignoré les rapports des journalistes d’investigation et d’ONG, les avertissements internes du personnel et même les séquences vidéo dans lesquelles ces violations étaient visibles.

      Saskia Bricmont, députée européenne Vert/ALE, membre de la commission LIBE et responsable du rapport sur la décharge budgétaire Frontex, déclare :

      “En ne faisant pas respecter les droits fondamentaux aux frontières de l’UE, Frontex a failli à son devoir. L’agence a besoin d’une réorganisation radicale. Je salue le travail d’enquête mené par mes collègues : il est essentiel d’identifier les lacunes et les fautes afin d’y remédier au plus vite.”

      “Le rapport dévoile que Frontex était non seulement conscient des violations des droits fondamentaux, mais n’a de surcroît pas réagi de manière appropriée face à son obligation de prévenir les violations des droits humains. En dépit des différents signaux d’alerte provenant d’acteurs internes et externes, l’agence a fait preuve d’inactivité manifeste, voire de réticence à agir. Nous sommes particulièrement préoccupés par le respect des normes en matière de droits humains dans les opérations menées en Grèce et en Hongrie. Nous demandons au directeur exécutif de suspendre immédiatement les opérations en Hongrie et d’évaluer les opérations en Grèce.”

      “Il existe des signes clairs de mauvaise gestion : les rapports internes faisant état de violations des droits fondamentaux ont été ignorés, le recrutement des agents spécialisés dans les droits fondamentaux a été retardé et reste incomplet. Nous ne croyons pas en la capacité de l’actuel directeur exécutif, Fabrice Leggeri, à résoudre les problèmes que nous avons exposés. M. Leggeri a induit le Parlement européen en erreur à plusieurs reprises et a encouragé une culture d’impunité, tout en continuant à nier l’existence des refoulements illégaux.”

      “Notre rapport exhorte le Conseil d’administration de Frontex à reconsidérer la position de M. Leggeri et de l’ensemble de la direction générale. Dans un tel contexte, la décharge budgétaire ne doit pas être octroyée à l’agence. Par ailleurs, il est temps que les États membres assument leur responsabilité commune dans la défense des valeurs européennes en matière de gestion des frontières et le respect des droits fondamentaux.”

      https://twitter.com/saskiabricmont/status/1415611092894724097

      Recommandations du #rapport :

      – Frontex ne doit effectuer des opérations conjointes qu’avec des pays qui agissent dans le plein respect des droits fondamentaux. Pour remplir cette obligation, Frontex devrait surveiller l’ensemble de la zone opérationnelle et enquêter sur tous les incidents ou autres indications de non-conformité.

      – Si un refoulement est signalé à Frontex, l’agence ne devrait pas seulement enquêter en s’appuyant sur les réponses des autorités gouvernementales, mais également vérifier les informations fournies.

      – La Commission européenne devrait conditionner le financement européen de la gestion des frontières au respect des droits fondamentaux par l’État membre concerné.

      https://saskiabricmont.eu/frontex-besoin-reorganisation-radicale
      #frontières #asile #migrations #réfugiés

      –—

      Réaction de Frontex :

      Frontex welcomes report by the Scrutiny Working Group

      Frontex welcomes the report by the Scrutiny Working Group and its conclusions which reaffirmed that there is no evidence of the Agency’s involvement in any violation of human rights.

      The agency has been working with the Parliament’s scrutiny group in an open and transparent manner, sharing information and receiving the MEPs during an online visit to Frontex. The agency remains committed to cooperating with the European Parliament.

      “I acknowledge the conclusion of Parliament’s fact-finding scrutiny and its recommendations. Frontex is a bigger, more complex organisation than a couple of years ago, so a system that was designed in the past needs to undergo further transformation. The report underlined the challenges of the Agency’s transformation in a more and more complex security environment,” said Frontex Director Fabrice Leggeri.

      “We are determined to uphold the highest standards of border control within our operations. We will look into the recommendations and see how we can implement them to further strengthen the respect of fundamental rights in all our activities,” he added.

      Frontex has completed two stages of the inquiry into last autumn’s media allegations. Both an internal inquiry and the report by a special working group appointed by the Management Board (with Commission and Member states representatives) have found no evidence of any Frontex involvement in violation of human rights.

      The agency has already taken on board many of the recommendations issued by the working group, upgraded its reporting mechanism and reinforced its operational coordination centres to improve information exchange. It will continue working towards an effective and transparent management of EU external borders in full respect of fundamental rights.

      Recent events at the European Union’s external borders have shown that Frontex is an essential assistance for Member States and the whole EU in situations of increased migratory pressure. Our security environment is increasingly volatile and complex.

      Today, Frontex has officially launched its rapid border intervention at Lithuania’s border with Belarus and deployed standing corps officers and equipment to help secure EU’s common external border.

      https://frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/frontex-welcomes-report-by-the-scrutiny-working-group-0AQJWY
      https://twitter.com/Frontex/status/1415654854412877824

    • EU border agency ‘has failed to protect asylum seekers’ rights’

      Author of European parliament report says Frontex agency’s director should resign or be sacked

      The EU border agency has failed to protect the human rights of asylum seekers, according to a damning European parliament report on the organisation.

      After a four-month investigation by MEPs the report’s author, Tineke Strik, told the Guardian, that Frontex “did not fulfil its human rights obligations and therefore did not address and therefore did not prevent future violations”.

      Strik, a Dutch Green MEP, wants the agency’s director, Fabrice Leggeri, to resign or be fired, but the special cross-party group of eight MEPs, spanning rightwing nationalists to the radical left, that was convened to investigate Frontex has not made that call.

      Speaking before the report was released on Thursday, Strik continued: “We should consider in the end, can we have confidence in this executive director to really implement those recommendations [in her report] and really change it into a human rights sensitive agency? My group [Green MEPs], we don’t have confidence in him any more. We think it would be sound if the management board would draw the same conclusion and start the search for a new executive director.”

      Once an obscure EU agency, Frontex has become a central pillar of EU border management. After more than a 1.2 million people sought asylum in the EU in 2015, European leaders agreed to give the Warsaw-based organisation more staff and money, a point of consensus in the often fraught EU debate on how to manage migration. By 2027, Frontex will have 10,000 border and coastguards, while its budget has already increased more than 19-fold since its creation in 2006.

      But the agency has come under growing scrutiny over its role in alleged pushbacks in the Aegean Sea, with dozens of human rights organisations calling for it to be abolished.

      Last year Frontex was accused of complicity in forcing back asylum seekers in breach of international law, after video footage emerged of one of its ships creating waves that drove back a dingy in the Aegean Sea crammed with people. That footage came through a joint investigation by Lighthouse Reports, Bellingcat, Der Spiegel, ARD and TV Asahi, which said it had found six incidents where the agency was directly involved in a pushback in the Aegean or in close proximity to one.

      The committee said they had not found “conclusive evidence” that the agency was involved in pushbacks but concluded Frontex had failed to investigate such reports promptly. “As a result, Frontex did not prevent these violations, nor reduced the risk of future fundamental rights violations,” said the report.

      Strik said it was “pretty clear that [Frontex] were at least aware of what was going on” in the Aegean Sea. The agency’s investigations were “very superficial”, she said. “They asked for a response from the [Greek] government and when the government denied [pushbacks] the case was closed.”

      She said Frontex’s modus operandi was to rely on the word of the EU member state it was working with. “They end up asking the government, the host member state, and they almost always accept this response. Our conclusion is that Frontex did not fulfil its human rights obligations and therefore did not address and therefore did not prevent future violations.”

      The agency had repeatedly failed to respond to reports of rights violations from inside the organisation and external organisations, the MEPs said.

      The blame is placed largely on Leggeri, a former senior official in France’s interior ministry in charge of illegal migration, who has been the agency’s executive director since 2015. He has been singled out for criticism for shoring up his own power base within the agency, while failing to recruit all 40 fundamental rights monitors as required by EU law.

      MEPs found that Leggeri had appointed 63 staff to his private office, a number that far exceeds the average. By contrast, Ursula von der Leyen, the president of the European Commission, has 30 staff in her private office. “We contrast that in the way he acts with the monitors, only delaying and undermining, yet he provides for an amazing number of staff measures for his own cabinet,” Strik said.

      The MEPs concluded that Leggeri had delayed the recruitment of three executive directors required under EU law that might have checked his power.

      “That results in a complete lack of checks and balances within the organisation and of course we blame the executive director for that, but also the management board because the management board is overall responsible for good governance in the organisation,” Strik said.

      EU member states, she said, needed to make sure their representatives on the Frontex management board had the required expertise in fundamental rights and a direct line to ministers.

      “One of the problems,” she said, was that Frontex was conceived as a security rather than a rights organisation. EU member states found the agency reassuring: “[They] talk about threats at the border. They always call for Frontex. Maybe as reassurance for their own population, ‘we have secured your borders and we have made you safe’.”

      She said there was a perception inside and outside the agency that upholding human rights was in conflict with border control. “Some of the actors still perceive that when you start acting on fundamental rights, then you become less effective on border control … [Frontex] needs to do both and it’s possible to do both at the same time, so it’s a non-discussion actually.”

      The Guardian has contacted Frontex for a response to the European parliament’s report. The agency has always denied any involvement or knowledge of illegal pushbacks.

      https://www.theguardian.com/world/2021/jul/15/eu-border-agency-has-failed-to-protect-asylum-seekers-rights

    • Frontex wusste von Menschenrechtsverletzungen – und tat nichts

      Monatelang haben EU-Parlamentarierinnen und Parlamentarier SPIEGEL-Enthüllungen zu illegalen Pushbacks von Flüchtlingen in der Ägäis untersucht. Der Bericht ist eine Abrechnung mit Frontex-Direktor Leggeri – er soll belastendes Material vernichtet haben.

      Monatelang haben EU-Parlamentarierinnen und Parlamentarier SPIEGEL-Enthüllungen zu illegalen Pushbacks von Flüchtlingen in der Ägäis untersucht. Der Bericht ist eine Abrechnung mit Frontex-Direktor Leggeri – er soll belastendes Material vernichtet haben.

      Der europäischen Grenzschutzagentur Frontex lagen Beweise für mutmaßlich illegale Pushbacks durch griechische Grenzschützer vor, die Agentur hat es jedoch »versäumt, die Grundrechtsverletzungen anzusprechen und zu verhindern«. Das ist das Ergebnis einer monatelangen Untersuchung des Europaparlaments.

      Eine Prüfgruppe unter Beteiligung aller Fraktionen hat untersucht, was Frontex von den illegalen Pushbacks von Flüchtlingsbooten in der Ägäis wusste – und ob Frontex-Chef Fabrice Leggeri angemessen auf die Rechtsbrüche reagiert hat. Der Bericht der Arbeitsgruppe, den der SPIEGEL vorab einsehen konnte, liest sich wie eine Abrechnung mit Leggeri. Er zeichnet das Bild eines Direktors, der sich für die Einhaltung von Menschenrechten an den EU-Außengrenzen kaum interessiert und alles tut, um Verstöße zu vertuschen. Auf 17 Seiten listen die Abgeordneten seine Verfehlungen auf.

      Leggeri ignorierte sämtliche Hinweise

      Frontex habe öffentliche Berichte über Menschenrechtsverletzungen an den EU-Grenzen generell abgetan, heißt es im Report. Auch auf interne Informationen über mutmaßliche Rechtsbrüche habe die Agentur nicht angemessen reagiert. Leggeri ignoriere die Stellungnahmen und Anfragen seiner Grundrechtsbeauftragten und des sogenannten Konsultativforums. Diese sollen eigentlich dafür sorgen, dass die Agentur die Rechte von Asylsuchenden achtet.

      Trotz zahlreicher Berichte über mutmaßliche Rechtsbrüche in der Ägäis habe Leggeri nie umfassend erwogen, den Frontex-Einsatz zu beenden, oder überlegt, wie er die Menschenrechtsverletzungen verhindern könne. »Im Gegenteil, der Exekutivdirektor behauptet weiterhin, dass ihm keine Informationen über Grundrechtsverletzungen bekannt sind«, schreiben die Parlamentarierinnen und Parlamentarier.

      Darüber hinaus habe Leggeri das Parlament lange Zeit nicht angemessen informiert. Bei seinen Auftritten im Ausschuss habe der Frontex-Direktor Informationen über einzelne Pushbacks verschwiegen. In mehreren Fällen seien Grenzbeamte davon abgebracht worden, Rechtsbrüche mittels eines sogenannten »Serious Incident Reports« an die Frontex-Führung zu melden. Selbst die Einstellung von 40 Grundrechtsbeobachtern, die die Grenzbeamten kontrollieren sollen, habe Leggeri erheblich verzögert. Sie seien noch immer nicht vollständig rekrutiert.

      Frontex machte sich bei Menschenrechtsverletzungen zum Komplizen

      Die Untersuchung des Europaparlaments ist eine Reaktion auf Enthüllungen des SPIEGEL. Gemeinsame Recherchen mit den Medienorganisationen Lighthouse Reports, Bellingcat und dem ARD-Magazin »Report Mainz« zeigten, dass Frontex in der Ägäis in illegale Pushbacks verwickelt ist und sich bei griechischen Menschenrechtsverletzungen zum Komplizen gemacht hatte.

      Frontex-Beamte, darunter auch deutsche Bundespolizisten, stoppen in der Ägäis Flüchtlingsboote, bevor sie die griechischen Inseln erreichen, und übergeben sie an die griechische Küstenwache. Die Grenzschützer setzen die Geflüchteten anschließend systematisch auf dem Meer aus – entweder auf aufblasbaren Rettungsflößen oder auf Schlauchbooten, in denen sie den Motor entfernt haben. So stellen sie sicher, dass die Flüchtlinge nicht erneut griechische Gewässer erreichen können. Oft wenden die griechischen Beamten bei den Aktionen Gewalt an, stechen auf die Schlauchboote ein oder schießen ins Wasser. Bei mindestens sieben Fällen waren Frontex-Einheiten bei solchen Pushbacks in der Nähe oder in sie verstrickt.

      Pushbacks im Mittelmeer: Wie Frontex in Verbrechen verstrickt ist

      Griechische Grenzschützer schleppen Flüchtlinge systematisch aufs offene Meer zurück. Recherchen des SPIEGEL und seiner Partner zeigen, wie Frontex in die illegalen Operationen verwickelt ist. Sehen Sie hier den Film.

      In der Nacht vom 18. auf den 19. April zeichnete Frontex aus der Luft auf, wie die griechische Küstenwache Flüchtlinge auf ein Boot ohne Motor setzte und wegfuhr – ein klarer Rechtsverstoß, der die Menschen in Lebensgefahr brachte. Die Aufarbeitung des Pushbacks vom 18. April übernahm Leggeri persönlich. Dem Parlament verschwieg er den Pushback zunächst. Stattdessen stufte er den Vorfall nachträglich so ein, dass die Grundrechtsbeauftragte der Agentur fortan nicht mehr beteiligt war.

      Leggeri ließ offenbar belastendes Material vernichten

      Einer der brisantesten Vorwürfe im Bericht des Europaparlaments bezieht sich auf den Pushback in jener Nacht. Demnach wies Leggeri die Grundrechtsbeauftragte persönlich an, alle Informationen zu löschen, die sie zu dem Vorfall gesammelt hatte. Nach SPIEGEL-Informationen soll dies aus internen E-Mails hervorgehen, die die Abgeordneten einsehen konnten.

      https://www.spiegel.de/ausland/gefluechtete-in-griechenland-frontex-wusste-von-menschenrechtsverletzungen-u

  • #Souffrance_au_travail à #Campus_France : le coût social du « #soft_power »

    Plusieurs salariés de l’agence Campus France dénoncent un management agressif dans un contexte de réduction des effectifs, alors que la structure chargée de la promotion de l’#enseignement_supérieur français à l’étranger fait face à de multiples #procédures_judiciaires. La direction parle de litiges isolés.

    Pour se rencontrer, cela n’a pas été simple. Ces salariés ou ancien salariés de Campus France réunis ce jour de printemps autour d’une table sont tous hospitalisés en psychiatrie après des #dépressions sévères et doivent presque chaque jour se faire soigner pour ne pas vaciller davantage. « J’ai deux enfants, c’est dur pour eux de me voir comme ça », glisse Laura Foka, ancienne cadre du service communication. Ils dénoncent tous un #management_toxique qui les rend malades.

    Campus France est un établissement public industriel ou commercial (#Epic) chargé de la #promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger ainsi que de l’accueil des étudiants et des chercheurs étrangers en France, sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’enseignement supérieur. Ces Epic, qui ont fleuri ces dernières décennies en marge de l’#administration_française, tirent leur financement de la puissance publique mais appliquent à leurs salariés les règles du #droit_privé.

    En mai 2018, neuf salariés de Campus France, constitués en collectif, alertent leur direction ainsi que toutes leurs tutelles dans un courrier sévère sur ce qu’ils considèrent comme une surexposition délétère aux #risques_psychosociaux : « Aujourd’hui, de nombreux salariés sont touchés par un management qui repose sur une #désorganisation_du_travail, une absence d’objectifs clairs, une extrême #violence des échanges entre la direction et certains collaborateurs. » Quelques mois après, l’un d’entre eux fait une tentative de #suicide.

    « J’étais en #dépression à cause du travail depuis deux ans, explique Ronel Tossa, salarié du service comptabilité, sous le coup d’une procédure de licenciement notamment pour « #abus_de_liberté_d’expression », qu’il conteste aux prud’hommes (ce motif a été utilisé dans d’autres procédures de #licenciement chez Campus France). J’accompagnais beaucoup de gens qui n’allaient pas bien… C’est moi qui ai fini par passer à l’acte. » Après que le Samu l’eut trouvé à son domicile, Ronel Tossa a passé deux jours dans le coma, puis est resté quatre mois hospitalisé en psychiatrie. Il continue aujourd’hui d’aller à l’hôpital trois jours et demi par semaine. Son geste ainsi que sa maladie ont été reconnus en accident et maladie professionnelle.

    La situation, cependant, n’évolue guère. En novembre 2019, Ronel Tossa, Laura Foka et deux autres salariés couchent à nouveau par écrit leurs vives inquiétudes : « Qu’attendez-vous donc pour réagir ? » Là encore, aucune réponse des tutelles ou des membres du conseil d’administration de Campus France, pourtant en copie.

    Abdelhafid Ramdani, l’un des signataires, a lui cessé d’attendre. Il entend porter plainte au pénal, notamment pour #harcèlement_moral_systémique_et_institutionnel, notion entrée dans la jurisprudence à la suite du procès France Télécom. Plusieurs autres salariés devraient, si la plainte est instruite, se constituer parties civiles.

    « J’adorais mon métier, explique Abdelhafid Ramdani, responsable informatique, en poste depuis 1997. Pendant vingt ans, et auprès de quatre chefs différents, pas toujours simples, je n’ai eu que des bons retours. Puis un nouveau manager, proche de la nouvelle direction, est arrivé et à partir de là, la situation s’est dégradée. »

    Il est en arrêt de travail depuis 2017, sa dépression a également été reconnue comme #maladie_professionnelle et sa situation a fait l’objet d’un rappel à l’ordre de l’#inspection_du_travail : « Le #risque_suicidaire qu’il avance et repris par le médecin du travail est avéré […]. Une fois de plus la direction relativise et écarte même d’un revers de main ce risque. » Avant de conclure : « Je n’omets pas que le dossier de M. Ramdani est à replacer dans un contexte plus large et qui concerne l’ensemble de l’organisation du travail de votre entreprise notamment sur les relations tendues et pathogènes existant entre la direction et un certain nombre de salariés. » Abdelhafid Ramdani a depuis porté #plainte devant les prud’hommes pour harcèlement et pour contester une #sanction_disciplinaire à son encontre et déposé une première plainte au pénal, classée sans suite en mai 2020.

    Au total, sur un effectif de 220 salariés, Campus France a dû faire face, ces dernières années, à au moins une douzaine de procédures prud’homales. Pour la direction de Campus France, interrogée par Mediapart sur ces alertes, « ces litiges isolés ne reflètent en rien une détérioration générale du climat social » au sein de l’établissement. Elle vante de son côté le faible nombre de démissions depuis la création de l’établissement en 2012 (8 sur les 190 salariés présents à l’époque), ainsi que son « souci de préserver le bien-être au travail des salariés », y compris dans la période récente liée au Covid-19. Selon nos informations, plusieurs dizaines de salariés en CDD ont néanmoins vu leur contrat s’achever brutalement à l’issue de la crise sanitaire, ce qui a fragilisé les équipes.

    Campus France rappelle également que « seules deux situations conflictuelles ont été tranchées par la juridiction prud’homale. Dans les deux cas, les salariés ont été déboutés de l’intégralité de leurs demandes, y compris celles qui portaient sur l’éventualité d’un harcèlement moral ». Contactés par Mediapart, les deux représentants des salariés au conseil d’administration ainsi que la nouvelle secrétaire du comité économique et social (CSE), qui a pris ses fonctions au printemps, abondent dans une réponse identique par courriel, estimant avoir « fait le vœu d’une construction collective plutôt que d’une opposition portant constamment sur les mêmes cas isolés et non représentatifs de l’ambiance actuelle positive de Campus France et du traitement des salariés, que ce soit pour les conditions de travail ou salariales ».

    Nombre de dossiers sont cependant en procédure. L’agence a été condamnée en mars 2019 pour #discrimination_syndicale, puis en appel, en décembre de la même année, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, elle fait face à plusieurs contentieux devant le tribunal administratif, soit pour contester des reconnaissances de maladie professionnelle ou d’accident du travail, portant tous sur la #santé_mentale, soit pour contester un refus de licenciement de salarié protégé. Enfin, à Montpellier, où Campus France possède une délégation, une main courante a été déposée par un salarié contre un collègue, résultat de tensions laissées en jachère pendant plusieurs années.

    Lors de l’avant-dernier conseil d’administration (CA) de l’agence le 25 novembre 2019, le représentant du ministère des finances a d’ailleurs pointé, à l’occasion d’une « cartographie des risques », le recours à au moins cinq avocats – un nombre significatif pour une structure de cette taille –, le coût financier des procédures juridiques engagées et la multiplication de ces procédures. « Ce qui veut dire que même les tutelles, alors même qu’il n’y a pas plus mauvais employeur que l’État, ont remarqué cette dérive », ironise l’un des participants, qui souhaite rester anonyme.

    « Au cours de ce CA de novembre, on m’a présenté un accord d’entreprise, signé par la direction comme les syndicats, c’est un signe clair d’apaisement, tempère Frédéric Petit, député MoDem des Français de l’étranger et membre depuis 2017 du conseil d’administration de Campus France. Que dans un effort de restructuration administrative il y ait des tensions, c’est plutôt normal. Je sais qu’il y avait des salariés isolément qui n’étaient pas bien, j’en étais conscient et cela a été exprimé au cours des conseils d’administration, surtout entre 2017 et 2018. »

    « C’est comme si le petit avait mangé le gros »

    Le collectif de salariés n’est cependant pas le seul à avoir sonné l’alarme sur le #climat_social. D’après plusieurs documents et témoignages recueillis par Mediapart, de nombreux élus du personnel, membres du comité hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), puis le CSE se sont inquiétés des tensions existantes, presque sans relâche depuis la création de Campus France, tout comme les deux inspecteurs du travail successivement en poste jusqu’en 2018.

    L’un de ces élus, bien au fait des dossiers, résume la situation ainsi : « Campus France, c’est un bateau ivre. Le management y est devenu agressif, sans imagination, et il se contente d’enterrer les dossiers ou de pousser à la faute. »

    L’histoire de Campus France explique en partie ces problèmes. L’établissement a fusionné en 2012 plusieurs organismes en une seule et unique agence : l’association #Egide, opérateur à l’époque pour la gestion des bourses et des séjours des étudiants étrangers ; le groupement d’intérêt public #EduFrance, renommé Campus France, chargé de la promotion de l’enseignement du français à l’étranger, et les activités internationales du #Centre_national_des œuvres_universitaires_et_scolaires (#Cnous). Au sein de la toute nouvelle agence Campus France, les cultures professionnelles s’entrechoquent presque immédiatement.

    Pensée pour gagner en #efficacité, l’agence agglomère différents statuts, salaires, fonctions, et des personnes issues d’organismes ayant déjà subi des réorganisations, parfois douloureuses. Dans un rapport commandé par le CHSCT de Campus France en 2016, les experts tentent de résumer la situation : celle d’une petite structure, Campus France, comparée à une start-up d’intellos faiblement hiérarchisée, d’une quarantaine de salariés, jeunes et presque tous cadres, qui a avalé une grosse association, Egide, et une partie du Cnous, où travaillaient majoritairement des employés, parfois vieillissants.

    « On a de manière intelligente et novatrice réorganisé l’administration d’État sur des objectifs, se félicite Fréderic Petit, membre, en tant que député, du conseil d’administration de plusieurs structures de ce type. On a enfin une gestion des deniers de l’État par projet, et non plus par structure, ce qui était quand même hallucinant. »

    « C’est comme si le petit avait mangé le gros », souligne pourtant, rétrospectivement, Laura Foka, dans une structure où va régner des années durant un « #mépris_réciproque » raconte également un ancien cadre dirigeant, entre « manants » et « jeunes flambeurs ».

    À l’époque, c’est donc en partie à ces #réorganisations successives que la plupart des salariés attribuent, selon ce même rapport, leurs difficultés, qui confinent aux risques psychosociaux. L’arrivée d’une nouvelle directrice à la tête de Campus France, en juillet 2015, semble avoir jeté de l’huile sur le feu.

    #Béatrice_Khaiat a passé une bonne partie de sa carrière dans les cabinets ministériels, notamment celui de l’éducation et de la culture. Proche des milieux socialistes, elle entre en 2012 dans celui du premier ministre Jean-Marc Ayrault, après avoir été directrice déléguée de Campus France, avant la fusion. En 2015, elle devient directrice générale de l’établissement, par décret du président de la République, un mandat renouvelé pour trois ans le 7 mars 2019, malgré les différentes alertes.

    Plusieurs membres de la direction quittent d’ailleurs le navire peu de temps avant sa nomination, à coup de transactions financières. D’après des courriels que nous avons pu consulter, on s’y inquiète déjà de « #harcèlement_caractérisé », d’une volonté de « faire la peau » à d’anciens membres d’Egide, de la persistance de « clans et de factions ». L’un d’entre eux a même, selon nos informations, porté #plainte contre sa directrice auprès de la police, après des propos tenus en réunion. Une plainte classée sans suite.

    Dès le départ, ses manières très directes étonnent : « Lors de la première réunion avec le personnel, Béatrice Khaiat nous a dit qu’à Campus France, on ne vendait pas “des putes ou de la coke”, une manière de souligner que notre matière était noble, se souvient un salarié, qui souhaite rester anonyme. Nous étions dirigés jusque-là par un ambassadeur, tout en retenue… Disons que c’était rafraîchissant. Mais ce mode d’expression a donné le ton sur la suite. J’ai des dizaines de témoignages d’#humiliation de salariés, de feuilles jetées à la figure… »

    Laura Foka en a fait l’expérience. À son retour de congé maternité en 2016, après avoir donné naissance à un deuxième enfant, elle participe à une réunion de service où Béatrice Khaiat plaisante sur son cas. « Au troisième enfant, je licencie », lâche la directrice. Lors d’un point d’actualité, rebelote : « Après deux enfants, il faut se remettre au travail », déclare Béatrice Khaiat devant le personnel réuni. Laura Foka se recroqueville au fond de la salle, et fond en larmes.

    « Mère de famille elle aussi, madame Khaiat a plaisanté avec l’une de ses collègues sur une expérience vécue par toutes les deux, celle d’une jeune mère devant assumer tout à la fois ses obligations professionnelles et familiales, explique aujourd’hui la direction, qui rappelle une #féminisation à 62 % de l’encadrement de Campus France ainsi qu’un score « presque parfait » à l’index de l’égalité homme-femme. Ces propos ont été repris de manière déformée. » Ils ont pourtant été confirmés par plusieurs témoignages et jugés suffisamment sérieux pour avoir fait l’objet d’un courrier de l’inspecteur du travail, qui rappelait à Campus France le risque de « #harcèlement_discriminatoire ».

    Très fragilisée par ces propos, Laura Foka se sent depuis un moment déjà sur la sellette. Dans son service communication, presse et études, c’est l’hécatombe depuis l’arrivée d’un nouveau manager. Les salariés serrent les dents, préviennent en vain les ressources humaines, attendent près d’un an et demi avant d’alerter les syndicats en 2017. Nombre d’entre eux ont des #pensées_suicidaires. Une enquête du CHSCT est déclenchée pour danger grave et imminent.

    Dans l’intervalle, cinq salariés du service, soit presque la totalité du département, quittent Campus France, « à l’américaine, leurs cartons sous le bras », raconte Laura Foka. Cette dernière pour inaptitude, qu’elle finit par accepter, de guerre lasse, face à l’inquiétude de son médecin, et deux pour faute grave ; les derniers dans le cadre de #rupture_conventionnelle, plus ou moins contrainte.

    L’une d’entre eux écrit ainsi ceci, un an plus tard, dans un courrier officiel à la DIRECCTE : « J’en suis arrivée au point de demander une rupture conventionnelle en septembre 2017 pour fuir des conditions de travail intenables et une situation devenue insupportable. » Contredisant les déclarations de la direction qui affirme que « l’intégralité des ruptures conventionnelles depuis la création de l’établissement en 2012 ont été faites à la demande des salariés qui souhaitaient partir et ont été approuvées par les administrateurs salariés ».

    Pour Zoubir Messaoudi, salarié du service informatique, la descente aux enfers professionnelle coïncide également avec l’arrivée de Béatrice Khaiat aux manettes et d’un nouveau manager au service informatique : « Mon ancien chef avait jeté l’éponge, mon N+1 était mis sur la touche. J’arrivais le premier au bureau et repartait le dernier, et pourtant, je recevais des mails où l’on me reprochait tout et n’importe quoi, comme si la direction essayait de constituer un dossier… Je viens du domaine de la prestation de service, où nous sommes clairement de la chair à canon, mais même là-bas, j’étais traité avec plus de respect. »

    Après un premier avertissement pour avoir quitté les locaux à 16 heures un jour de grève des transports (avertissement contesté aux prud’hommes, qui a tranché en sa faveur en 2018), Zoubir Messaoudi est convoqué pour licenciement en juin 2019. Sous le choc, il s’évanouit, ce qui nécessite l’intervention des pompiers et son hospitalisation en psychiatrie. Placé en arrêt de travail, il sera licencié quelques mois après pour faute grave, alors que l’arrêt court toujours, accusé de mauvaise foi vis-à-vis de son supérieur, de dénigrement de sa hiérarchie et de négligence professionnelle.

    « Durant un arrêt de travail et sous certaines conditions, l’employeur peut licencier un salarié, argumente Campus France. En l’occurrence, nous avons estimé, au vu de la gravité des faits commis par le salarié, que ces conditions étaient réunies. » Zoubir Messaoudi se souvient, lui, d’avoir passé « un sale été » l’an passé : « J’avais envie de me jeter par la fenêtre tellement j’avais mal. J’ai négligé ma femme, ma fille. » Il conteste aujourd’hui son licenciement aux prud’hommes.

    Se développer tous azimuts, trouver des recettes propres, répondre à l’ambition politique

    À quand remontent les alertes collectives ? Campus France les a-t-il ignorées ? Le premier rapport sur les risques psychosociaux, rédigé par le cabinet Orseu, agréé par le ministère du travail, est immédiatement contesté par la direction, qui remet en cause le professionnalisme des experts mandatés. Il concluait néanmoins en avril 2016 à un « risque psychosocial majeur ».

    Le deuxième rapport sur la qualité de vie au travail, rédigé par le cabinet (non agréé) Empreinte humaine un an plus tard est bien moins sévère, mais ne dément pas que l’organisation du travail puisse être améliorée. Il s’est ensuivi de séances menées par des psychologues du travail, pour que les salariés aient le moyen de s’exprimer. « Ces séances ont été l’occasion de larmes, de colère, d’insultes, rapporte un élu. Et il a fallu attendre un an et demi pour avoir un retour. Malgré nos demandes, la direction n’en a strictement rien fait. »

    Le 27 mars 2018, le CHSCT se félicite qu’une formation en droit social, de plusieurs dizaines de milliers d’euros, ait finalement été organisée à destination des managers, avant de regretter qu’elle ait été essentiellement « dédiée au processus de licenciement, à l’éventail des sanctions disciplinaires, au recueil des preuves, etc. » avant de s’interroger benoîtement pour savoir si ces formations « ne visent pas à étayer une politique de réduction de l‘effectif ». Une formation, s’insurgeaient les élus, qui abordait aussi la question « du licenciement des salariés protégés ».

    Deux autres enquêtes, à la suite d’alertes pour danger grave et imminent, ont donné lieu à des passes d’armes. La première, lancée par le CHSCT (où sont représentés direction et élus du personnel) au sujet de Ronel Tossa, aboutit à deux rapports divergents, l’un de la direction et l’autre des élus. C’est pourtant le premier que transmettra Campus France au juge en charge de trancher sur la légalité de son licenciement, le présentant comme le rapport du CHSCT, ce que ne manqueront pas de contester les élus de l’époque ainsi que le salarié concerné.

    Le ministère du travail lui-même, sollicité sur le licenciement de Ronel Tossa, mandaté par la CFDT comme délégué du personnel, a débouté l’établissement public en février 2019, reprenant les mots de l’inspecteur pour justifier sa position. Dans un mémoire auquel nous avons eu accès, il parle d’une « organisation pathogène volontaire » où le cas de ce salarié est à « replacer dans le contexte global de cette société, une hiérarchie qui dénie tout droit à ses salariés et qui a organisé un système de #souffrance_au_travail ».

    Campus France a fait appel de cette décision et assure avoir « contesté ces propos dans le cadre d’un recours hiérarchique mettant en cause l’impartialité de l’inspecteur du travail ». L’agence a manifestement eu gain de cause, car cet inspecteur a depuis été remplacé, au grand dam de plusieurs salariés. La direction enfonce d’ailleurs le clou : « Aucune situation correspondant à du harcèlement moral n’a été retenue et aucune mesure en conséquence n’a été prise par l’inspection du travail. »

    Elle se félicite également qu’aucune alerte pour danger grave et imminent n’ait été déclenchée depuis 2018. Même son de cloche auprès des salariés du conseil d’administration et de la secrétaire du CSE : « Le personnel Campus France a tourné la page depuis longtemps – sachant que la grande majorité ignorait ces #conflits_sociaux – afin de poursuivre la construction d’une véritable #culture_d’entreprise qui a pu être en défaut lors de la création de l’EPIC par la fusion en 2012 de deux entités distinctes et avec des fonctionnement différents. »

    Or pour cet ancien élu, très au fait de tous ces dossiers, la direction n’a pas cessé de vouloir au fil des ans « casser le thermomètre ». Lors d’une réunion du CHSCT, où sont évoquées la situation d’Abdelhafid Ramdani et la nécessité de déclencher une nouvelle #alerte pour #danger_grave_et_imminent (la médecin du travail évoquant le risque suicidaire), le directeur des ressources humaines explique ainsi à l’assemblée sidérée que « tout le monde meurt un jour ». « Après plusieurs tergiversations, on a quand même obtenu une enquête, élargie à toute la direction informatique », poursuit l’élu présent ce jour-là, sans trop y croire. « Les gens savaient que ceux qui étaient en conflit avec la direction étaient virés ou au placard, et donc ils se sont tus. » De fait, ce deuxième rapport ne conclut pas à un quelconque harcèlement.

    La médecin du travail elle-même, ont raconté à plusieurs reprises les salariés, se contente souvent de renvoyer la souffrance dos à dos, et évoque le décès, en 2015, d’Elsa Khaiat (parfois orthographié Cayat), la sœur de Béatrice Khaiat, lors de l’attentat de Charlie Hebdo, pour expliquer une forme d’emportement de la directrice générale. Le service de presse de Campus France fera d’ailleurs de même, en préambule de ses réponses à nos questions, pour nous décrire une « femme entière », issue d’une « famille engagée ».

    Plus profondément, ce que redoutent certains élus et salariés, c’est une forme de dégraissage déguisé des #effectifs, alors qu’une première vague de départs a déjà eu lieu lors de la fusion, en 2012. Cinq ans plus tard, en 2017, l’expert du comité d’entreprise s’inquiète d’une hausse des ruptures conventionnelles et d’une enveloppe dédiée à ces départs de 150 000 euros.

    « Un #abus_de_droit », soutien ce même expert, qui rappelle la mise sur pied par le gouvernement d’un « nouveau dispositif de rupture conventionnelle collective pour éviter des dérives ». Ce même expert, en septembre 2019, revient à la charge : « La première cause des départs sont les ruptures conventionnelles, qui représenteraient 30 % des départs sur les quatre dernières années », soit 31 postes en CDI. Tous ont été « homologués par l’inspection du travail », se défend Campus France, qui parle de « faits erronés », sans plus de précisions et assure que son équipe a maintenu les effectifs à flot, depuis la fusion.

    Mais à plusieurs reprises, le message envoyé aux salariés est clair : « La porte est grande ouverte », dira même un représentant de la direction lors d’une réunion avec les délégués du personnel, en mars 2017. Lors d’un pot de départ d’une salariée à l’occasion d’une rupture conventionnelle, à l’extérieur des locaux de Campus France, Béatrice Khaiat prend la parole, et incite, selon des témoins de la scène, les salariés à faire de même : « Faites comme elle, d’ailleurs, c’est magnifique ! », s’enthousiasme la responsable.

    « La direction, en CHSCT, devant l’inspecteur du travail et au cours de points d’information, a fait savoir, à de multiples reprises, que la porte était “grande ouverte”. Cela n’a jamais été un incident isolé, mais des propos récurrents », témoigne Ambroise Dieterle, secrétaire du CSE jusqu’en mai 2020, aujourd’hui en reconversion professionnelle.

    La question financière n’est pas étrangère à cette tendance. Un an après son arrivée, la directrice générale l’annonce aux élus : la #masse_salariale est trop importante au vu du #budget dont elle dispose, et devra être amputée d’un million d’euros. Les départs auront lieu, au fil de l’eau, alors même que l’agence doit se développer tous azimuts, trouver des recettes propres, et répondre à l’ambition politique. Derniers en date, le « #Make_our_planet_great_again », d’Emmanuel Macron, initiative qui a fortement mobilisé Campus France, ou encore le récent programme #Al-Ula, accord de coopération entre la France et l’Arabie saoudite.

    « C’est une question de dosage dans sa mission d’intérêt public, rappelle un ancien haut dirigeant de Campus France. Un Epic comme Campus France doit faire des recettes mais reste soumis à un agent comptable public. On a toutes les contraintes du droit privé, très contraignant, et celles de la comptabilité publique, extraordinairement lourdes. »

    Pour un ancien salarié œuvrant dans la gestion des bourses étudiantes, qui vient de quitter Campus France avec pas mal d’amertume, le problème réside plutôt dans ce que tout le monde « vienne prendre commande » chez Campus France, ministères, université, grandes écoles. Or l’arbitre à la toute fin, « c’est Bercy [le ministère des finances – ndlr] ». Quitte à une perte de sens dans les missions, poursuit-il : « Nous étions des fluidificateurs pour les étudiants, nous sommes devenus des auxiliaires de police, des collectionneurs de pièces. Notre image auprès d’eux, et des ambassades, se dégrade considérablement. »

    La critique n’est pas neuve. En 2012, un article du Monde racontait les débuts chaotiques de l’agence Campus France, ses tarifs devenus élevés, et ces étudiants étrangers, livrés à eux-mêmes à leur descente de l’avion. Quelques jours plus tard, le président du conseil d’administration Christian Demuynck (membre des Républicains) présentait même sa démission, critiquant une « gestion sans stratégie ni ambition de l’établissement par quelques fonctionnaires des tutelles nuisant gravement tant à son indépendance qu’à la qualité de son travail ».

    Dans la même lettre, que nous avons pu consulter, il rajoutait ceci : « J’espère que ma démission sera l’occasion pour l’État de mener un examen nécessaire des établissements publics qui sont nombreux, comme Campus France, à subir un tel mode de gestion. » Tout comme leurs salariés, sommés de suivre, parfois dans la douleur.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/080720/souffrance-au-travail-campus-france-le-cout-social-du-soft-power?onglet=fu
    #travail #conditions_de_travail

  • Et si la Loi de Privatisation Programmée de la Recherche c’était demain ?

    Le 5 mars, comme partout en France, les laboratoires et l’université du Mans se sont arrêtées pour manifester contre une série de mesures comme la LPPR (Loi Programmation Pluriannuelle de la Recherche). A peine une semaine plus tard, cet arrêt a été prolongé par la fermeture des sites due au COVID-19. Dans une lettre adressée aux membres de la communauté de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation, publiée le 13 mai, Mme Vidal annonce poursuivre dans son projet de loi LPPR : « Avant le début du confinement, j’ai entendu toutes celles et ceux qui ont vu, à travers la loi « orientation et réussite des étudiants » ou le projet de loi « de programmation pluriannuelle pour la recherche » autre chose que des leviers pour faire vivre et pour enfin faire reconnaître nos missions essentielles. Ce projet de loi concrétisera pour les 10 prochaines années l’un des plus importants mouvements de revalorisation salariale que notre système d’enseignement supérieur et de recherche a connu.”

    Dans un état de crise sanitaire et sociale sans précédent, la ministre s’acharne dans ce projet, malgré la contestation qu’il a soulevée. Il paraît donc d’autant plus important de se mobiliser aujourd’hui pour que demain ne ressemble pas au monde décrit dans les lignes qui vont suivre.

    Prologue de l’apocalypse

    C’est le jour J ! Nous sommes le 11 mai 2021, ils ont bien choisi la date. Résultats des Appels à Projets génériques de l’ANR…
    9h00

    Il règne au laboratoire une ambiance pour le moins électrique. Personne n’ose dire un mot à la machine à café. On regarde le fond de sa tasse, mais on préfère ça plutôt que d’aller s’enfermer seul·e dans son bureau à appuyer sur F5 en espérant voir le nom de son projet apparaître dans la liste des projets retenus. Entre les un·es qui ont vu leur projet rejeté en phase 1 (pas assez disruptif…) et les autres qui gardent un infime espoir d’obtenir un financement pour respirer pendant trois ans, la solidarité est bien la seule chose qui reste aux membres du labo.

    Sur le campus, plus que deux laboratoires. Le nôtre et celui de physique chimie. Les autres ont fermé boutique à peine quelques mois après le passage de la LPPR. Les directeur·trices ont démissionné et personne ne s’est présenté pour reprendre le flambeau. En même temps, qui pourrait les blâmer ? A quoi bon reprendre la direction d’un laboratoire sans financements ?

    On y croyait pourtant… Avec la crise du COVID-19 et les annonces de davantage de financement de la recherche, il y a eu un regain d’espoir ! “La crise du COVID-19 nous rappelle le caractère vital de la recherche scientifique et la nécessité d’investir massivement pour le long terme”, voilà ce que déclarait le Président de la République, le 19 mars 2020. Et puis les annonces se sont suivies de propositions de lois, et ces propositions ont mené à l’adoption de la LPPR reprenant les propositions faites par les groupes de travail dans leurs rapports… pour plus de performance.

    Depuis le passage de la loi, les évaluations et succès aux Appels à Projets ont eu une répercussion directe sur l’attribution des crédits récurrents. Résultat : les labos de l’UFR lettres, langues et sciences humaines ont perdu la moitié de leur fond annuel récurrent attribué par l’université. Pas assez de projets ANR, pas de projets européens, pas assez de publications internationales, pas assez de collaborations avec des partenaires privés. En gros, pas rentable du tout ! Quand la présidence de l’université a été interpellée, elle a répondu : “Pas assez de retours sur investissement”. On en est donc là ?
    10h

    Assise à mon bureau, j’ai devant moi le tableur Excel à remplir pour le rapport HCERES. Même sur mon écran 24 pouces, le tableau est trop grand. Maintenant, l’évaluation, c’est tous les ans ! Une année déjà s’est écoulée depuis la dernière fois que j’ai eu à faire ce travail, même si j’ai l’impression de n’avoir jamais arrêté. Mon travail se résume à courir après les données, remplir des tableaux, calculer des coûts… mais pourquoi ? En fait, on est passé d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, résultats qui se mesurent grâce à ces indicateurs toujours plus nombreux et toujours plus éloignés de notre réalité.

    Quelle part de leur temps les chercheur·ses consacrent-ils réellement à la recherche ? Parce qu’entre la rédaction des projets, le remplissage de tableurs Excel pour ces fameux indicateurs, la recherche de financements divers et variés, les responsabilités administratives… Du temps pour la recherche, ielles n’en ont plus vraiment. C’était déjà un peu le cas avant, mais au moins il y avait des doctorant·es, des post-doctorant·es et des travailleur·ses BIAT·O·SS !
    11h30

    Réunion RH avec le bureau de direction. On prépare les entretiens pour l’unique bourse de thèse établissement que l’Université nous a octroyé via l’Appel à Projet Interne “bourses de thèse”. Cette année, seulement 3 bourses disponibles. Résultat : une pour le labo de physique/chimie, une pour l’informatique et une pour nous. Les critères d’évaluation : financements rattachés à la bourse (collaboration de recherche), débouchés possibles sur projets collaboratifs ou projet ANR, opportunité de publications…

    Après le COVID-19, on a eu deux fois plus de candidatures en doctorat que les années précédentes. Regain d’attractivité des métiers de la recherche ? Pas vraiment, mais une vraie crainte des étudiant·es sortant de Master de rester sur le carreau après l’obtention du diplôme. Pour ce qui est des post-docs, on a réussi à prolonger le financement de certain·es grâce au fait que le COVID ait ralenti les activités du labo. Mais une fois passé cela, on a vu la réalité en face…

    Les enseignant·es-chercheur·ses et chercheur·ses permanent·es commencent à se faire rares. Avec l’amenuisement des budgets alloués aux universités et au CNRS, les départs à la retraite (et les départs tout court d’ailleurs), ne sont plus remplacés. On a vu arriver les “contrats à durée indéterminée de mission scientifique”. Pas si indéterminée que ça la durée du contrat : projet fini, chercheur dehors ! Ces contrats dont la durée dépend de celle du financement font que les chercheur·ses passent en moyenne 3, 4 ou 5 ans dans le laboratoire. Pas assez longtemps pour capitaliser sur les connaissances créées lors du projet…

    Pour pallier ça du coup, la direction du labo a demandé aux chercheur·ses de déposer de plus en plus de projets. Avec 20% de réussite à l’ANR maintenant, on peut obtenir entre 2 et 4 projets par an. Sur ces projets, il y a le financement pour un·e doctorant·e ou un contrat de mission scientifique. Mais pas les deux. Sans parler des tenure tracks, qui font de nos jeunes docteur·es des intermittent·es de la recherche : si tu as publié de bons articles, travaillé sur des projets ambitieux et disruptifs, rapporté des financements, tu peux (peut-être) avoir un poste permanent de prof en plus (Les MCF ne se plaindront pas, ils ont un poste déjà) !

    Mais certainement pas ici ! Ils iront à Saclay, à Aix-Marseille ou toute autre université bonne élève pour recevoir une jolie image sous la forme de financements pour des postes permanents. Et puis la Ville aussi s’y est mise : “Vous avez de moins en moins d’étudiant·es alors forcément, on vous financera d’autant moins. Vous ne faites pas ce qu’il faut pour rendre nos formations attractives et le territoire en pâtit !”.

    Pourtant, c’est pas faute d’avoir essayer de redorer notre image… Campagne de communication par ci, marketing de l’Enseignement Supérieur par là. L’Université est même allée jusqu’à distribuer des mugs, t-shirts et tote bags à la sortie des lycées, pour convaincre les lycéen·nes de venir étudier chez nous. J’avais l’impression de voir ces filles qu’on exploite pour aller distribuer des canettes de Red Bull.

    Il faut dire que les hostilités ont été lancées depuis bien longtemps ! Entre les boutiques en ligne des universités et les masques floqués d’Aix-Marseille… On a fait que prendre le train en marche. La forme est donc devenue plus importante que le fond. Si on présente bien, ça passe !

    Mais combien d’heure de cours ou d’heure de recherche pourrait-on financer avec l’argent dépensé ? Parce que la mission première de l’ESR normalement n’est-elle pas de créer de la connaissance et de la diffuser ? Peut-être que si la qualité de la recherche effectuée et des enseignements dispensés était développée grâce à d’avantage de financements, les étudiants viendraient d’eux-même dans notre université. Mais si ce “peut-être” était réalité, le monde serait probablement différent et la LPPR n’aurait probablement jamais existé.
    12h30

    Pause déj’, enfin ! Avec une collègue, on se décide à aller manger en ville pour une fois. Marre du RU et des repas déconstitués/reconstitués. Les RU sont dépendants des universités maintenant mais les tarifs sont fixés par l’État. Donc peu de financements, économie sur les repas.

    C’est vrai que depuis la baisse des effectifs à l’université, la ville du Mans a perdu en dynamisme. Pas mal de commerces ont fermé, faute d’activité. Et les lycéen·nes dont les familles ont les moyens préfèrent aller faire leurs études supérieures ailleurs, dans les gros pôles d’excellence de l’ESR. Ces mastodontes sont des villes dans des villes contre qui nous n’avons aucune chance, que ce soit pour les Appels à Projet ou bien pour obtenir des financements partenariaux.

    Nous, on fait de l’éducation de proximité. On embauche des “post-doc-enseignement” (les ATER ont été supprimés pour laisser place au CDD post-doc “jeune chercheur·e”). Les enseignant·es-chercheur·ses permanent·es explosent les compteurs d’heures sup’, mais ne s’attendent même plus à ce qu’elles soient toutes payées.

    De toute façon, les financements de l’université vont aux formations dont les entreprises financent une partie. On a vu des fondations se créer ici et là, pour financer les formations en ingénierie, en informatique, en santé, en management, etc. En même temps, quelle utilité le secteur privé aurait-il à investir dans l’histoire médiévale ou dans la poésie classique ? Tout cela pour former de la main d’œuvre et non plus des êtres humains éclairés.

    Nos discussions tournent rapidement autour des résultats de l’ANR et de ce qu’elle est devenue. Aujourd’hui, seule l’ANR peut publier des appels à projets. Ces appels à projet sont pour 75% financés par des entreprises privées qui siègent dans les comités de sélection des projets. Et pour le reste, les directives viennent directement de l’UE. Si l’Europe dit deep techs, les projets retenus parleront de deep tech.
    14h00

    Réunion avec la DRPI (Direction de la Recherche, des Partenariats et de l’Innovation). Revue de projets : ça fait rêver. Garder son calme… Voilà une tâche bien ardue quand on nous parle de pilotage stratégique de la recherche et modèle économique. “C’est dommage, vous n’avez pas fait beaucoup de prestations avec les gros matériels acquis l’année dernière”. Coup d’œil en biais à mon directeur quand s’affiche le graphique soigneusement préparé par le service. Il bouillonne puis perd son calme : “Nous ne faisons pas de prestation, NOUS FAISONS DE LA RECHERCHE”. Il quitte la pièce. C’est la première fois que je le vois s’énerver comme ça.

    Des sous-traitant·es, voilà ce que nous sommes devenu·es ! Des sous-traitant·es de firmes multinationales ou bien de start-ups en recherche de brevets à déposer pour conquérir le marché et de main d’œuvre !

    Et pourtant, à côté de cela, dans chaque communiqué, le ministère de l’ESR se félicite d’avoir atteint les 3% du PIB en dépenses pour la recherche, dont 2% provenant de financements privés. Aujourd’hui, c’est 2/3 des financements de la recherche qui proviennent du secteur privé. Enfin, 2/3 des DIRD comme ils appellent ça maintenant. Encore un acronyme pour mieux en cacher le sens… Dépenses en Innovation, Recherche, et Développement. Donc l’innovation est passé en priorité, avant la recherche. La LPPR a modifié l’ Art. L111-1 du Code de la Recherche … Ils ont juste changé l’ordre des phrases, mais ça a tout changé : “ La politique nationale de la recherche et du développement technologique vise à :

    1° Valoriser les résultats de la recherche au service de la société. A cet effet, elle s’attache au développement de l’innovation, du transfert de technologie lorsque celui-ci est possible, de la capacité d’expertise et d’appui aux associations et fondations, reconnues d’utilité publique, et aux politiques publiques menées pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux, économiques et du développement durable ;

    2° Partager la culture scientifique, technique et industrielle ;

    3° Accroître les connaissances ;

    4° Promouvoir la langue française comme langue scientifique.”

    La Loi a aussi renforcé le dispositif de CIR (Crédit Impôts Recherche). Un brevet ? Réduction d’impôt ! Développement d’un nouveau prototype ? Réduction d’impôts ! Embauche d’un ingénieur ? Encore et toujours réduction d’impôts ! Non, ça n’est pas de la recherche ! C’est de l’innovation. De l’innovation technologique générée dans un seul but : toujours plus de liquidité !

    On a juste oublié de leur dire qu’à créer de la technologie pour accroître le volume de leur portefeuille, dans 30 ans, nos connaissances seront dépassées et aucune innovation ne sera possible… Mais il sera déjà trop tard. Pendant que ces entreprises s’enrichissent, les impôts et donc les financements publics pour l’ESR s’amenuisent. Et puis les entreprises sont devenues de plus en plus dures sur les contrats de Propriété Intellectuelle. Elles ont payé pour ces connaissances, alors elles leur appartiennent ! Les chercheurs sont devenus un avantage concurrentiel pour les entreprises. Ils détiennent les compétences clés à la création des connaissances nécessaires à l’innovation. Et pour que cet avantage devienne durable et défendable, les entreprises abondent tant que les résultats sont là. Mais le jour où on dit à ces mécènes intéressés “bah en fait on n’a pas trouvé”, c’est fini…
    16h00

    Vidée, c’est la sensation qui me traverse en sortant de ma énième réunion, avec les Services Financiers ce coup-ci. Direction la machine à café. J’ai envie de fumer une cigarette, même si j’ai arrêté il y a 5 ans et demi. Je me pose la question, la valeur de la recherche se résume donc à une conception purement économique ?

    Cette idée, je n’arrive pas à m’y résoudre ! Toutes les connaissances que j’ai acquises, je les dois à la recherche. Ma façon de penser est née dans mon apprentissage de la recherche. Et cela m’a apporté tellement plus que de l’argent. J’ai appris à être moi-même pour mieux comprendre et aimer ce que sont les autres.

    Si les entreprises réduisent le choix de formations à celles dispensant les compétences dont elles ont besoin, à coup de millions d’euros, où est la liberté pour nos étudiant·es, pour nos enfants, et même pour nous de choisir le sens que l’on veut donner à nos vies et choisir ainsi la formation adaptée ? Si la recherche est orientée pour développer le chiffre d’affaire des entreprises, qui créera et diffusera les connaissances qui développeront le libre arbitre des êtres humains et un monde meilleur ? Parce que la recherche, et plus largement l’université, peut créer un monde meilleur. Elle peut le faire, à condition d’avoir les moyens, mais des moyens donnés sans contrepartie sur la base d’une confiance mutuelle entre société et Université.

    J’avais d’ailleurs commencé une thèse là-dessus mais je ne suis pas allée jusqu’au bout. Doctorante salariée, le compromis idéal ! C’est ce j’ai pensé au début. Salaire fixe, durée de 6 ans, aménagement du temps de travail, et puis en tant que Responsable Administrative de labo, j’étais au plus près de mon sujet “Recherche et sociétés”. Mais le travail a pris le pas sur tout ça. Avec la LPPR, la loi de finances est arrivée et avec cette loi de finances, le contrôle budgétaire s’est renforcé.

    J’en serai presque à être soulagée qu’il n’y ait aucun projet attribué au labo. Non pas que je veuille voir le labo fermer. Mais les règles de justification financière se sont tellement multipliées que gérer le bon déroulé d’un projet sur les plans administratif et financier est devenu invivable. Je récupère tous les justificatifs, que je transmets ensuite à l’Antenne Financière qui les contrôle, puis qui les envoie aux services centraux de l’université qui les contrôlent eux aussi, puis les envoie à l’ANR ou l’UE qui les contrôle à nouveau… Et c’est ça pour chaque dépense, et sur chaque projet !

    Tous les moments conviviaux que l’on partageait autour d’une galette en janvier, ou bien le pot de fin d’année avant les vacances de Noël… FINI ! Les journées du labo pour présenter les travaux réalisés par chaque équipe, INTERDIT ! « Vous vous rendez compte, ce sont des deniers publics que vous dépensez en moments de détente », voilà ce que nous répondent nos contrôleurs de gestion de l’administration centrale.


    Avec la LPPR, l’État a passé la corde autour du cou de l’ESR, il a appuyé sur le levier pour la jeter dans le vide, et il a attendu d’entendre le craquement de sa nuque. Mais l’ESR n’est pas mort. Il est resté là, dans un état végétatif, et ses bourreaux se sont plaints de l’état dans lequel ielles l’avaient mis. Dans une tentative désespérée, ielles ont alors mis l’ESR sous assistance respiratoire à coup de financements privés et “compétitifs”.

    En regardant le fond de ma tasse à café, je repense à tous les livres que j’ai lus en sociologie, épistémologie, économie, pendant ma thèse. Je me disais qu’on avait les cartes en main pour changer le monde parce que des nouveaux modèles, on en a créé plein dans les bouquins ! Mais vu qu’on a plus les moyens d’enseigner ces écrits et encore moins de les vulgariser, personne ne sait, à part nous, qu’il y a des alternatives possibles.
    17h00

    Les résultats tombent enfin ! Trois projets retenus sur seize. On est dans la moyenne. Les trois projets sont en lien avec de grands groupes. On sait ce que ça veut dire. Mais on ira fêter ça autour d’une bière, au Bar’Ouf. Oui, c’est une bonne nouvelle, c’est un peu d’oxygène pour les deux chercheur·es permanent·es qui n’ont pas eu de nouveaux projets depuis presque quatre ans. Plus tard dans la soirée, dans le brouhaha du bar, mes pensées s’échappent et je repense à cette journée du 5 mars 2020 où on a décidé de tout arrêter. On y croyait encore à ce moment-là !

    Et si la recherche, en plus d’être résiliente, devenait résistante ? Parce qu’à ce qu’il paraît, nous sommes en guerre. Je me mets alors à rêver de l’ESR libéré !

    ESR I ❤ you !

    Paola Bertelli, Responsable Administrative du LAUM

    https://universiteouverte.org/2020/05/14/5172

    L’université dans #le_monde_d'après...

    #LPPR #université #facs #France #après-covid-19 #réforme #Vidal

    Ajouté à la métaliste sur la LPPR :
    https://seenthis.net/messages/820330#message820388

    • La guerre de la #LPPR aura donc lieu
      Mise à jour : 4 juin 2020

      Aujourd’hui, les syndicats ont appris leur convocation au Comité technique de l’Enseignement Supérieur et de la recherche le 17 juin 2020. Son objet unique :l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      En direct de la DGRH (15h) : calendrier de la LPPR

      Multilatérale 12 juin matin avec le Cabinet (et la Ministre ?)
      CNESER 12 juin
      CTMESRI 17 juin
      CTU 22 juin
      Passage en Conseil des Ministres : 8 juillet

      Le texte du projet de loi (qui a été présenté dans ses grandes lignes, mais jamais communiqué aux organisations syndicales) devrait être communiqué en toute fin de semaine ou début de semaine prochaine. (Info Sud)

      Ce texte annoncé déjà par la Ministre en mai (https://academia.hypotheses.org/23866), puis récemment par #Philippe_Berta à Newstank1, va donc arriver. Sous quelle forme ? Nul ne le sait. Aucun document n’est parvenu aux organisations représentatives à cette heure.

      Enfin, nous avons une petite idée (https://academia.hypotheses.org/category/politique-de-la-recherche/lppr-notre-avenir)…

      Le #CNESER est également convoqué, par courrier du 4 juin 2020, pour le 12 juin 2020, courrier qui menace de reconvoquer le 19 si le quorum n’était pas atteint à la première réunion. Même ordre du jour, toujours pas de texte.

      Pendant ce temps-là, selon une dépêche AEF n°628931 que nous avons pu consulter, la Ministre — qui fait son petit tour des régions (Hauts de France hier, Brest aujourd’hui) — a écrit aux présidents et aux recteurs le 2 juin 2020, en leur indiquant qu’il « est aujourd’hui essentiel […] d’améliorer |leurs] capacités à agir pour libérer pleinement les initiatives et les énergies ». Avec un vocabulaire inspiré du management nazi (Sur ce vocabulaire, voir Johan Chapoutot,2020, Libres d’obéir : le management, du nazisme à aujourd’hui, Paris, Gallimard, 2020 ?).

      À cette lettre est jointe une « fiche de proposition » permettant aux présidents d’établissement et recteurs de recenser les moyens qui « permettront de lever ces #obstacles, de remédier aux inconvénients signalés et d’assouplir [les] #contraintes ».

      "Vous avez sans doute, écrit la ministre, identifié des difficultés liées à des #normes législatives et réglementaires inadaptées, au caractère trop restreint de votre #autonomie ou de vos compétences, à l’inadéquation de procédures qui vous sont imposées, à vos possibilités trop limitées de faire appel à certains outils, matériels ou technologies qui vous auraient permis de faire mieux, plus vite ou plus efficacement."

      Frédérique Vidal utilise Twitter pour dire des choses encore différentes de ses communiqués, et communiquées rectificatifs, suscitant la colère noire de ses agents4, faisant fi du respect que la Ministre doit à ses agents, qui ont déjà dénoncé l’absence de moyens pour conduire une rentrée 2020, digne des futurs cadres de la nation que l’Université est censée formée5. En revanche, elle utilise d’étranges circuits parallèles pour préparer la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Ainsi, en s’appuyant sur une idéologie nauséabonde que Johann Chapoutot6 a pu mettre tout récemment en évidence, et d’une stratégie connue, depuis Naomi Klein, comme la #stratégie_du_choc, le gouvernement voudrait mettre à profit la réelle fatigue #post-confinement de la communauté universitiare pour faire passer un texte dont personne ne veut, qui viserait en priorité à fragiliser le statut d’enseignant-chercheur.

      Nous avions fait connaître à la Ministre notre appel solennel à ne pas passer des mesures non-urgentes en période de confinement. Samedi 6 juin, le collectif Facs et labos en lutte organise une rencontre dématérialisée dont l’ordre du jour va intégrée ce nouveau calendrier insupportable. À peine sorti·es et encore soumis·es à des restrictions au droit de se réunir et de manifester, nous voici confronté à un texte de loi dont personne n’a encore vu la couleur mais qui va être passé en urgence, avec la complaisante complicité des présidents d’université : sommes-nous encore sous le régime de la Ve République ?

      https://academia.hypotheses.org/24265

    • Commentaire reçu via la mailing-list Facs et Labos en lutte, le 06.06.2020 :

      Oui la LPPR aura lieu . Elle est programmée par l’OCDE dès les années 1995 puis par les instances européennes depuis les années 2000 ; sa mise en pratique est plus ou moins avancée selon les Etats et les conjonctures politiques auxquelles ils ont du faire face mais vaille que vaille elle progresse. mais cela n’a rien à voir avec l’idéologie nazie que le texte mentionne (https://seenthis.net/messages/853898#message858583).

      Cette transformation baptisée « #modernisation » a visé la #réorganisation des #cursus (LMD ou processus de Bologne), la réorganisation de la #recherche (avec la création de l’#ANR), la modification du fonctionnement des universités (#loi_LRU) et, plus récemment, la réforme des #statuts et des activités des universitaires. Cette modernisation repose sur la volonté
      de soumettre les universités à une #gestion_managériale,
      d’organiser les enseignements et la recherche en fonction des besoins du #monde_économique, de diffuser une conception idéologique du monde concevant l’étudiant comme un entrepreneur rationnel (et individualiste), de transformer les conditions nécessaires à la production de connaissances en se défiant des systèmes élaborés par des #disciplines_autonomisées.

      Dans la mesure où la loi LRU et la réforme des statuts des universitaires accroissent, dans des proportions considérables, les pouvoirs du président, la volonté de soumettre un plus grand nombre d’agents aux volontés managériales ne peut que sortir renforcée de ces processus. L’utopie démocratique de l’université, avec ses élections, ses directions collégiales, sa recherche de consensus, son affirmation de valeurs universalistes, a vécu, remplacée qu’elle est par des pratiques directement issues de « l’#esprit_gestionnaire ».

      Enfin, comme dans les fusions d’entreprises, il s’agit bien pour l’Etat, selon le principe du « #benchmarking », de constituer des structures à même d’obtenir une position enviable dans les comparaisons internationales de #productivité universitaire (genre #classement_de_Shanghai) tout en obtenant, à terme, une #rationalisation des dépenses de financement et mieux encore une diminution des coûts.

      Relier tout cela aux relents d’une idéologie nazie serait une erreur, ce serait se tromper de luttes ! il ne s’agit pas d’une pensée passée encore en actes qui serait projetée sur le présent mais d’un présent qu’il faut modifier pour le futur prônée par les instances les plus liées au Capital qui réclame des institutions plus adaptées à son intérêt.

      DERNIER POINT Plutôt que de chercher les sources d’un management dans l’école de formation à la gestion des nazis, il faudrait aller voir, aux USA, du côté du succès des travaux de #Lebon et #Tarde (conceptions opposées a celles de Durkheim) dont le grand patronat était imbu dès le début du XXe siècle, du côté des cabinets d’organisation qui se multiplient à partir de 1928-1929 et qui interviennent pour gérer les conflits. En France il faudrait regarder du côté de #Coutrot qui fonde en 1938 le Centre d’études des problèmes humains dont les patrons ralliés à Pétain raffolent. Après la Seconde Guerre mondiale l’Office of Military Government des Etats-Unis (OMGUS) utilise la #psychosociologie pour ses opérations de déminage psychologique ; mieux le patronat américain et le gouvernement US d’alors se liguent pour importer le "#management " en Europe et en France dans le cadre du Plan Marshall . l’#Office_of_Special_Representatives (#OSR) installé à Paris, l’#Organisation_européenne_de_coopération_économique (#OECE) et sa « branche opérationnelle » : l’#Agence_européenne_de_productivité (#AEP) ; trois institutions étroitement dépendantes de l’Economic Cooperation Administration (ECA), l’organisme officiellement chargée du #Plan_Marshall, serviront à cela. Dans les années 1955, #Paul_Fraisse, #Jacques_Lacan, #Georges_Canguilhem, entre autres, s’opposeront vivement à ce management psychosociologisé.
      Pour le #néo-libéralisme il suffit de lire #Weber ’l’ethique protestante et l’esprit du capitalisme " pour comprendre qu’il n’est qu’une resucée de l’esprit du #capitalisme parée des plumes de la #modernité !

    • Dérégulons encore ! L’appel à propositions de la ministre aux président·es d’université

      Les grandes manœuvres sont lancées au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. En même temps qu’elle accélère soudainement les consultations obligatoires sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), la ministre adresse aux président.e.s d’universités et aux recteurs/rectrices un « appel à propositions d’amélioration des capacités à agir des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ».

      Cet appel, dont Academia parlait hier, nous est enfin parvenu. Au nom des enseignements à tirer de l’épidémie, une grande vague de « simplification » s’annonce, mobilisant une novlangue que l’on pensait passée de mode même dans les cercles d’« innovation publique » les plus caricaturaux : « améliorer vos capacités à agir pour libérer pleinement les initiatives et les énergies » !

      Le message, éculé, est simple à résumer : dérégulons encore. Les « normes législatives et réglementaires » sont « inadaptées », « l’autonomie » et « les compétences » ont un « caractère trop restreint », les « procédures » sont « imposées » et « inadéquates », et les possibilités de « faire appel à certains outils, matériels ou technologie qui […] auraient permis de faire mieux, plus vite ou plus efficacement » sont « trop limitées ». Et pour cela, une seule consigne est donnée aux responsables de l’enseignement supérieur français : lâchez-vous ! « Aucune restriction à la liberté […] de formuler toutes les propositions » n’est posée.

      –—

      Discussion

      La ministre prétend que « la crise sanitaire a révélé des freins, sinon des carcans » dans l’Enseignement supérieur et la recherche.
      Le premier de ces freins est la bureaucratisation généralisée, par construction de mastodontes dont la tête est de plus en plus éloignée de celles et ceux qui font vivre la recherche et de l’enseignement.
      Un second frein est le faible nombre de postes, au profit d’une politique de starification darwinienne qui a sûrement vu son point extrême lors de la visite d’Emmanuel Macron à Didier Raoult.
      Un troisième carcan est l’absence de politique scientifique sur le long terme, la diminution de l’autonomie des chercheurs, notamment par la multiplication de sources d’appels à projets et la précarisation des statuts.
      Malgré son nom, la LPR ne fera qu’amplifier cela. Si, par exemple, l’existence des appels à projet est planifiée, l’obtention de crédits restera hasardeuse et contingente des modes de l’année.

      –—

      Il ne faut pas s’y tromper quant aux objectifs de cette lettre : elle a vocation, en complément de la LPPR, à engager le processus de pérennisation des exceptions au droit universitaire qui ont été établies en période d’état d’urgence sanitaire. Nous l’écrivions dès le lendemain de la publication de l’ordonnance du 27 mars qui appliquait aux universités la loi d’urgence du 23 mars 2020 : les modifications introduites « sont des modifications que le MESRI souhaite introduire ou généraliser depuis des années (examens à distance, et notamment en télésurveillance ; délibérations par visioconférence ; pouvoirs forts des chefs d’établissements ; différenciations entre établissements). Il est très probable, de ce point de vue, que le provisoire actuel se révèle rapidement transitoire : les mesures prévues dans ces ordonnances représentent un galop d’essai fantastique pour le MESRI ».

      On peut donc s’amuser à lancer dès à présent quelques paris sur le contenu des propositions qui ressortiront de cet « appel à propositions ». Pour une première liste, il suffit pour cela de reprendre ce que nous avons dénoncé ces trois derniers mois :

      Renforcement considérable des pouvoirs des présidents, dans la lignée de ce qui a été organisé durant l’état d’urgence sanitaire, à rebours du principe historique de fonctionnement des universités, à savoir la collégialité.
      Court-circuitage des CFVU, désormais conçues comme d’incontrôlables empêcheuses de trier les étudiant·es.
      Généralisation de l’enseignement à distance, aujourd’hui hors des clous, tout comme l’est, d’une façon générale, la continuité pédagogique.
      Pérennisation des comités de sélection à distance.
      Recours accru à la télésurveillance.

      Ajoutons à cela un peu plus de différenciation entre les établissements, dans la lignée de l’ordonnance du 12 décembre 2018 — dont la circulaire est parue hier au Bulletin officiel, signe d’un branle-bas de combat général sur tous les sujets — et quelques menus autres plaisirs, et nous aurons un parfait accompagnement pour la LPPR.

      La ministre demandant leur avis aux président·es — enfin, précisément aux « présidents » et « directeurs » masculins parmi cet ensemble — pourquoi ne pas participer à cette consultation sur la simplification générale. Quelques pistes dans le désordre, pour remplir le formulaire ci-dessous et l’envoyer à l’adresse électronique dédiée :

      suppression du Crédit Impôt Recherche
      suppression du Bulletin officiel et du Journal officiel, avantageusement remplacés par Kombini, CNews et BFMTV06/05/2020
      suppression du poste de ministre

      https://academia.hypotheses.org/24300

  • Faire comme si de rien n’était, vraiment ? À propos de la « #continuité_pédagogique » en période de confinement.

    Samedi, alors que le premier Ministre annonçait le #confinement, sans annuler les élections, j’ai reçu un énième message sur les « #cours_en_distanciel ». Émanant d’une collègue que j’aime beaucoup, il indiquait qu’elle allait faire ses #cours_en_ligne de telle façon, mais pas de telle autre. La notice venait après des dizaines d’autres, sur Twitter et sur des listes professionnelles, où on continuait à voir circuler des appels à contributions pour des colloques, des appels à projet et bien sûr des trucs et astuces pour faire des cours. Sur mes propres listes institutionnelles, une fièvre s’était emparée de mes collègues dès mercredi pour savoir quels étaient les meilleurs #outils, libres ou non, pour faire des séminaires à distance. Était-ce la douceur d’un soir marseillais ? Je me suis demandée comment les Marseillais·es avaient vécu l’épidémie de 1720 — du moins celles et ceux qui n’avaient pas fui

    Ces enseignant•es qui veulent continuer à enseigner envers et contre tout, auraient-il/elles fait la même chose pendant la peste de 1720 ou l’épidémie de choléra de 1832 ?

    Non. Parce que le numérique n’existait pas, me direz-vous.

    Sommes-nous à ce point (dé)connectés que nous ne parvenons pas à comprendre que nous allons vivre une profonde #perturbation de notre #quotidien, de nos #habitudes, de nos #temps_sociaux ? Que cette perturbation implique déjà de nous occuper de nos proches, nos enfants, nos parents, voire nos voisins dans le besoin, et surtout de s’attacher à ne pas propager le virus, en restant chez soi ?
    Peut-être l’idée de connaître des deuils affleure-t-elle encore à peine à la conscience. Peut-être aussi la paranoïa ne laisse pas de place pour l’information objective. Si le taux de mortalité à 3% de la population affectée est confirmée, il n’est pas de doute que la mort va se rapprocher de nous. Elle va aussi se rapprocher des étudiant·es.
    Ne pouvons-nous aussi nous arrêter d’enseigner quelque temps ? Que veut dire cette « continuité pédagogique » qu’on nous serine à longueur de correspondance institutionnelle ?

    On peut légitimement se demander ce que voulait dire déjà cette « continuité pédagogique », quand les étudiant·es se voyaient retirer leur titre de séjour en cours d’année, quand ils ou elles se retrouvaient sans toit, sans emploi, sans de quoi se nourrir, quand leur présence en cours était si rare, parce qu’ils ou elles devaient travailler ? Que veut dire « continuité pédagogique » aujourd’hui ?
    Ce qui m’interroge davantage encore, c’est le rapport qu’entretiennent mes collègues à leur savoir. Déployer de l’énergie à essayer de mettre en œuvre des #visioconférences, c’est aussi imposer aux étudiant·es la croyance que le savoir universitaire — et son partage dans une relation pédagogique — surpasse tout. Je ne parle des collègues qui ne jurent plus que par les « pédagogies innovantes de type MOOC »2 sans s’être jamais demandé de quels outils et de quelle qualité de connexion les étudiant·es disposaient, confiné·es hors des campus. Je ne parle pas non plus de la croyance en la nécessité d’une relation pédagogique surplombante, de maître à élève, en laquelle semblent adhérer quelques collègues. Est-ce le pouvoir qu’ils ou elles retirent de cette #domination_savante qui justifie cet entêtement ? Ou plus simplement, leur #addiction_au_travail et le #déni de la #pandémie ?
    Dans cette logique, la #relation_pédagogique universitaire serait ainsi tellement éminente pour justifier l’enseignement universitaire et sa validation en tout temps. Même en celui où les collègues enseignant·es, hommes et femmes, parents de jeunes et moins jeunes enfants, enfants de parents âgées, se retrouvent du jour au lendemain sans autre solution que de s’en occuper à temps plein.
    Cela fait plusieurs mois qu’en dépit des signaux les plus crus de destruction massive de l’Université et du Code de l’Éducation, de la pauvreté dramatique de certain·es étudiant·es, de la mise en danger du renouvellement de nos disciplines, faute de recrutements, tout le monde continue, comme si de rien n’était, à faire cours, déposer des ANR, organiser des réunions, faire des colloques, recruter des doctorant·es —en sachant pertinemment qu’ils ou elles n’auront pas de postes après les longues et pénibles années de thèse.Pour autant, ce qui a primé, chez une majorité de collègues universitaires c’est continuer à travailler.
    Avec le COVID-19, je prends conscience d’une #pathologie_pédagogique : celle d’une déconnexion de la vie savante et de la vie tout court. Je ne suis pas sûre d’avoir envie d’entraîner mes etudiant•es dans cette voie névrotique.
    Bien au contraire, c’est d’abord du bien-être de mes étudiant·es et de leurs besoins que je me suis enquise. Je l’ai fait non sans savoir que plusieurs d’entre elleux n’auront pas l’envie de dévoiler une situation délicate ou des soucis de santé physique ou mentale, alors qu’ils ou elles sont loin de leurs proches, quand ils ou elles ont encore de la famille. C’est ensuite — d’abord — et surtout de mon fils, avec qui il va me falloir composer pendant quelques semaines, sans sortir. Bien sûr, je sais qu’il me faudra un temps d’#adaptation, après trois mois de veille et de chroniques quotidiennes sur ce blog, auxquelles je suis devenue dépendante. Par chance, contrairement aux Marseillais·es de 1720, le téléphone et Internet existent pour que mon fils et moi maintenions vivante l’affection qui nous lie à nos proches à l’autre bout de la France et à nos ami·es un peu moins éloigné·es, comme à celles et ceux vivant à l’étranger. Il sera temps bientôt de demander si je peux être utile, auprès de collectifs contre les violences faites aux femmes, de Réseau Éducation Sans Frontière, ou d’autres associations solidaires.

    Lors d’une épidémie du 16e siècle, Claire Dolan avait suivi les trajets quotidiens du notaire pour enregistrer sans relâche baptêmes, décès, dernières volontés, au travers des portes cochères et par les fenêtres3 /. En 1720, le dévouement du chevalier Roze et de l’évêque de Belsunce ont durablement marqué la mémoire des Marseillais·es. Les médecins avaient fui. Ce qui est moins connu, c’est que les habitant·es confinés ont eu aussi une grande confiance dans leur soignant·es, ces « chirurgiens de peste » mercenaires, de basse extraction, recrutés dans tout le royaume pour s’occuper des malades, en l’échange de la promesse de pouvoir s’installer sans frais4. Il est peut-être ridicule de nous comparer avec ces humains d’un autre temps. Pourtant réfléchir à leur histoire et leur expérience de l’épidémie nous tend un miroir5 : quel sera le rôle des universitaires de sciences humaines et sociales en ) 2020 ? Faire des cours en ligne ? (Re)devenir simple citoyen ? Continuer d’élaborer, dans le prolongement de la mobilisation de l’hiver, l’Université de demain ? Ou tout autre chose ?

    Notes :

    Sur l’expérience de la peste et la transformation des institutions de police et de justice, voir la thèse de Fleur Beauvieux, Expériences ordinaires de la peste. La société marseillaise en temps d’épidémie (1720-1724) (EHESS, 2017), à paraître chez David Gaussen éditeur en 2020. [↩]
    Je ne parle même pas des collègues qui, n’ayant jamais envoyé un document .pdf à leurs étudiant·es de leur vie, vantent les MOOC sans les avoir pratiqué et don sans connaître leurs désavantages. [↩]
    Claire Dolan, Le notaire, la famille et la ville (Aix-en-Provence à la fin du XVIe siècle. Toulouse, Presses du Mirail, 1998. [↩]
    Voir la thèse de Jamel El Hadj, Les chirurgiens et l’organisation sanitaire contre la peste à Marseille : 17e-18e siècles (EHESS, 2016). [↩]
    À l’instar de celui que Marc Bloch nous a tendu dans L’étrange défaite, texte rédigé entre juillet et septembre 1940, comme manière de rationnaliser la panique qui venait. [↩]

    https://academia.hypotheses.org/21189

    Je sens que je vais assez rapidement détester ce mot... continuité pédagogique...

    • Le #diktat de la « continuité pédagogique » - concept dont il convient de faire la critique - se traduit par la découverte
      d’une fracture numérique béante dans les usages, les pratiques et dans la possession des outils. L’injonction à mettre en ligne ses cours prend des
      formes parfois autoritaires. Ou alors on voit naître des fayots de service, fiers de montrer leur dernières innovations et autorisés à les envoyer en exemple
      à tous les personnels enseignants.
      Alors que des personnes meurent dans l’hôpital de la même ville, alors que les étudiants et médecins qu’on a formés dans cette université travaillent sans les protections rudimentaires qu’ils devraient avoir et exposent leur santé et peut-être leur vie, j’ai trouvé qu’il y avait une #indécence inouïe à se lancer dans cette folie de la continuité pédagogique.
      Je ne mettrai pas un seul cours en ligne. J’aurai de nombreux échanges avec mes étudiants, ils auront des supports de travail en ligne, ce que je fais depuis des années. Ils travailleront beaucoup, mais il n’y aura aucun cours. Il n’y pas de continuité pédagogique sans cours. La situation effective de l’enseignement
      dans les universités françaises est la suivante : une rupture pédagogique, une rupture de la relation pédagogique. Ce qui se passe et s’invente dans les
      nouvelles relations avec des étudiants et des enseignants confinés, n’est pas de l’ordre de la continuité pédagogique. C’est tout autre chose.

      Pour ce qui est des cours, je dirais ceci : chaque cours mis en ligne aujourd’hui c’est une fraction de poste qui sera perdue demain.
      Mais il y a plus grave : c’est ouvrir la possibilité d’être dessaisi de ce qui fait le plus propre de notre subjectivité, ce que nous inventons dans nos cours et nos recherches et qui se promène à tous les vents sous la forme d’un écrit privé de sa voix.
      Or il n’y a pas de cours à l’université sans des voix vivantes incarnées dans des corps, sans la présence d’un regard, sans l’expérience d’un langage
      qui invente l’inconnu grâce à l’écoute et la présence d’un autre. Un cours, c’est une incarnation. Ce n’est pas un écran. Ce n’est pas ce devant quoi
      je suis 18h par jour depuis que je ne fais plus cours.

      Reçu par email de la part de Pascal Maillard, le 18.03.2020.

      –-----

      Pascal Maillard a publié ce texte, légèrement modifié, sur son blog aussi...

      Continuité ou rupture pédagogique ?

      « Confidence d’un confiné : ne plus faire cours me manque. Ça, c’est une rupture, pas une continuité ». Publication d’une lettre envoyée cette nuit aux personnels de l’université. Contre la rupture numérique, la taylorisation des enseignements et le confinement des esprits.

      Bonsoir,

      Voici le message envoyé ce jour à tous les personnels de l’université de Strasbourg par l’intersyndicale. Je joins à ce mail la motion du CHSCT adoptée à l’unanimité le vendredi 13 et qui a fait l’objet d’un refus du président, lequel a été rattrapé par les décisions nationales. Il nous a accordé seulement un représentant des personnels dans la cellule de crise. Dimanche après-midi on y est allé à trois : à contexte exceptionnel, décisions exceptionnelles. On a obtenu une réunion le 20 pour valider le Plan de continuité d’activité, qui est toujours à l’état de brouillon. On a demandé une nouvelle réunion ce jour pour rendre des avis urgents sur de multiples questions.

      Lundi c’était un peu l’anarchie sur le campus. J’avais demandé dimanche qu’ils désactivent les badges d’accès aux bâtiments et ne valident que les accès des personnels essentiels, mais ils n’ont pas voulu au prétexte qu’il fallait laisser les collègues récupérer leurs affaires. Evidemment beaucoup de collègues dans les bureaux et les labos et des contaminations en plus…

      Aujourd’hui c’était plus calme, mais des cas de contamination sont signalés et la mise en place du télétravail est chaotique. Le diktat de la « continuité pédagogique » - concept dont il convient de faire la critique - se traduit par la découverte d’une fracture numérique béante dans les usages, les pratiques et dans la possession des outils. L’injonction à mettre en ligne ses cours prend des formes parfois autoritaires. Ou alors on découvre des collègues fiers de montrer leur dernières innovations et autorisés à les envoyer en exemple à tous les personnels enseignants. Alors que des personnes meurent dans l’hôpital de la même ville, alors que des étudiants et des médecins qu’on a formés dans cette université travaillent sans les protections rudimentaires qu’ils devraient avoir et exposent leur santé et peut-être leur vie, j’ai trouvé qu’il y avait une indécence inouïe à se lancer dans cette folie de la continuité pédagogique.

      Je ne mettrai pas un seul cours en ligne. J’aurai de nombreux échanges avec mes étudiants, ils auront des supports de travail en ligne, ce que je fais depuis des années. Ils travailleront beaucoup, mais il n’y aura aucun cours. Il n’y pas de continuité pédagogique sans cours. La situation effective de l’enseignement dans les universités françaises est la suivante : une rupture pédagogique, une rupture de la relation pédagogique. Ce qui se passe et s’invente dans les nouvelles relations entre des étudiants et des enseignants confinés, n’est pas de l’ordre de la continuité pédagogique. C’est tout autre chose.

      Pour ce qui est des cours, je dirais ceci : chaque cours mis en ligne aujourd’hui c’est une fraction de poste qui sera perdue demain. C’est une main mise dans l’engrenage de la taylorisation de nos enseignements, après celui de la recherche. Mais il y a encore plus grave : c’est ouvrir la possibilité d’être dessaisis de ce qui fait le plus propre de notre subjectivité, de ce que nous inventons dans nos cours et nos recherches et qui se promène à tous les vents sous la forme d’un écrit privé de sa voix. Or il n’y a pas de cours sans des voix vivantes incarnées dans des corps, sans la présence d’un regard, sans l’expérience d’un langage qui invente l’inconnu grâce à l’écoute et la présence d’un autre. Un cours, c’est une incarnation. Ce n’est pas un écran. Ce n’est pas ce devant quoi je suis 18h par jour depuis que je ne fais plus cours.

      Confidence d’un confiné : ne plus faire cours me manque. Ça, c’est une rupture, pas une continuité.

      Bien à vous,

      Pascal Maillard

      PS 1 : Un exemple de dispositif digne d’intérêt : http://philo.unistra.fr/uploads/media/FAC_PHILO-CONTINUITE_PEDAGOGIQUE.05.Publie2020-03-17.pdf

      PS 2 du 18 mars à 14h30 : L’urgence sanitaire requiert d’appeler tout le monde à la plus grande prudence et à la responsabilité. Les représentants des personnels dans les CHSCT ont un rôle majeur à jouer. Il peuvent sauver des vies, surtout dans un contexte où des présidences et des directions d’université, souvent débordées ou mal informées, n’appliquent pas les règles de précaution et de sécurité qui s’imposent. Il faut être inflexible avec elles et imposer le plus haut degré de sécurité. Aucun personnel dans les locaux universitaires sans masques FFP2 et sans gants. Décontamination de tous les locaux occupés. Que les CHSCT prennent des avis en urgence et les fassent respecter. C’est une question d’heure !

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/180320/continuite-ou-rupture-pedagogique

    • « Je sens que je vais assez rapidement détester ce mot... continuité pédagogique... »
      personnellement j’ai commencé à le détester au premier mail reçu de la présidence de l’université. Je lui ai substitué ce qui me semble être un assez bon synonyme : « continuité bureaucratique »

    • Covid19 : Plan de (dis)continuité académique

      Dans la situation de crise actuelle, les universitaires, et probablement plus largement les enseignants, attendent et reçoivent des instructions pour décider de leur comportement professionnel et personnel. Notre appareil de décision et de diffusion des ordres est mis à rude épreuve. L’impression qui se dégage pour l’instant est que le résultat est confus et anxiogène. En plus des fautes de communication, il convient de noter l’absence de l’information la plus importante en temps de crise : un plan de #priorité clair. Cette absence empêche la bonne réorganisation et surtout corsète les initiatives, empêchant de déployer pleinement le potentiel de nos enseignants.

      Le ministre de l’éducation nationale a introduit sa communication de crise par une série d’annonces erronées : la fermeture des écoles n’est pas envisagées, les enseignants continueront d’aller dans les écoles, les examens et concours de recrutement seront maintenus, le dispositif d’enseignement à distance est prêt… Au final, les écoles sont fermées, les enseignants confinés, les examens annulés, et lundi matin le dispositif d’enseignement à distance s’écroulait.

      Pour l’enseignement supérieur, nous disposons d’un courrier d’instructions sommaires et d’un « #plan_de_continuité_pédagogique » consistant en une collection d’#astuces_pédagogiques (« Tenez compte des horaires », « Encouragez les élèves à réfléchir »), de quelques informations techniques sur des plateformes utilisables, et de points de droit notamment sur les stages.

      Premièrement, les prérogatives des enseignants ne sont jamais clairement identifiées : nous ne savons pas quelles questions seront traitées par la hiérarchie, et quelles sont celles que nous pouvons traiter par nous-mêmes. C’est un frein majeur à la #réorganisation. Deuxièmement, aucun plan de priorités clair n’est établi. Toutes les instructions, parfois contradictoires, sont présentées au même niveau. Or, la gestion d’une #crise est en tout premier lieu une histoire de priorités. Etre privé d’un système de priorité pour guider ses décisions est non seulement anxiogène, mais peut aussi conduire à essayer de tout faire, et donc mal faire et s’épuiser, et ensuite peut créer des dissensions au sein des équipes.

      Une proposition de plan de priorités

      Si la hiérarchie n’est pas en mesure de fournir un plan de priorités, il est urgent que les équipes s’en dotent elle-mêmes. En voici une proposition :

      Préserver la santé de tous les étudiants et personnels, y compris précaires, et de leurs proches.

      Exemples :

      Tous doivent être assurés que leur absence ne sera en aucun cas sanctionné sous quelque forme que ce soit, pour peu qu’elle soit notifiée.
      La #continuité_sanitaire pour les étudiants et personnels isolés : un recensement doit être fait, et un plan nourriture/logement établi.

      Limiter le stress du à l’établissement.

      Exemples :

      Les questions liées aux études pour les étudiants et aux rémunérations pour les personnels précaires ne doivent en aucun cas être source d’un stress supplémentaire et ne doivent pas conduire les personnels à se mettre en danger.
      Toutes les difficultés individuelles, y compris au niveau financier, feront l’objet d’un traitement urgent et généreux.
      Assurer le #moral_collectif.

      Exemples :

      La cohésion des équipes et la confiance des personnels est primordiale dès lorsque la santé et le stress sont gérés.
      En temps de crise, la bonne entente est plus importante que l’atteinte d’objectifs fonctionnels, y compris dans l’environnement familial.

      La continuité des activités scientifiques et pédagogiques.

      Exemple :

      C’est seulement lorsque #santé, #stress et #moral sont gérés que les activités scientifiques et pédagogiques peuvent continuer.
      Préserver l’#environnement_familial en période de confinement est plus important qu’assurer des cours à distance.

      Les validations des études et la complétion des formalités administratives.

      Exemples :

      C’est seulement lorsque santé, stress et moral sont gérés, et que les activités scientifiques et pédagogiques ont continué, qu’une validation des études est envisageable.
      Les formalités administratives ne doivent pas empiéter sur la santé, le stress et le moral de la communauté, ainsi que sur la continuité des activités.

      Ce plan de priorité n’est qu’une proposition. On pourra par exemple estimer que les notes sont plus importantes que les cours. Peu importe, mais il est indispensable de pouvoir se référer à un tel plan pour décider de son comportement, notamment lorsque qu’il est impossible de tout faire correctement. Concrètement, ce plan doit permettre à un enseignant dépassé par l’ampleur des tâches de décider de se concentrer soit sur les notes, soit sur les cours, en étant pleinement rassuré que cette décision ne lui portera pas préjudice.

      Sur la base d’un tel plan, les énergies des enseignants pourront se libérer et se focaliser, ce qui sera éventuellement l’occasion d’expérimenter de nouvelles formes de pédagogie.

      Libérer et ouvrir les enseignements

      A l’heure actuelle, puisque l’injonction est d’assurer une continuité pédagogique, nous cherchons à éviter les cassures, et nous reproduisons donc nos classes physiques dans des environnements virtuels, avec l’illusion que ce sera presque pareil. C’est rater l’occasion d’essayer vraiment de nouvelles formes d’organisation pédagogique. Si le plan de priorités estime les notes secondaires, alors il devient possible de s’affranchir des carcans scolaires, et d’innover à l’échelle d’un établissement.

      A titre d’exemple, il devient alors possible que tous les enseignants qui le souhaitent fassent cours à tous les étudiants qui le souhaitent, et même les autres enseignants, les élèves des collèges et lycées, ainsi que les travailleurs et citoyens. Nous sommes parfaitement capables d’adapter les cours que nous maîtrisons déjà ou de monter des conférences de recherche grand public, et de les assurer en ligne, sous forme de cours magistraux. Les infrastructures techniques sont limitées pour une large interaction, mais pas pour une très large diffusion.

      Dans le contexte actuel, libérés des obligations habituelles, il ne faudrait pas plus d’une journée à une université pour collecter une offre pléthorique d’enseignements faisables en ligne. Aucun problème technique ou organisationnel ne s’oppose à la mise en ligne d’un calendrier par les services de communication, puis à une diffusion la plus large possible, à tous les étudiants mais aussi la presse locale. On mettrait ainsi à disposition de tout le monde une véritable offre de formation, faite en direct à la maison, et diffusée en direct dans les maisons.

      La force des libertés académiques

      La force de ce système est le respect des #libertés_académiques. En fournissant un plan de priorités sans indications concrètes sur sa mise en œuvre, on laisserait les universitaires déployer leur énergie et leur imagination au service de toutes et tous, avec la meilleure vue concrète sur le terrain qu’on puisse avoir. En ne prescrivant pas comment les cours doivent être faits ni ce sur quoi ils doivent porter, en laissant les étudiants choisir ce qui les intéresse et en ouvrant les cours au plus grand nombre, on exploiterait pleinement la véritable puissance de l’Université.

      La crise est une occasion unique de réellement faire de l’interdisciplinarité, de l’éducation initiale, scientifique, populaire et continue, et même de la science citoyenne. Rater cette occasion serait une faute morale pour l’Université.

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/03/18/covid19-plan-de-dis-continuite-academique

    • Testo di Filippo Celata, ricevuto via mail:

      «In giorni di isolamento, comunicazioni a distanza, didattica online, riunioni su skype, è bene ricordare i vantaggi preziosi e insostituibili degli incontri di persona, “faccia a faccia”: stimolano la partecipazione attiva, implicano un maggiore impegno reciproco, scoraggiano a mentire, consentono risposte più rapide, forme di comunicazione non verbale, di capire le reali intenzioni e emozioni dell’interlocutore (‘screening’), facilitano la condivisione di valori e linguaggi specifici, consentono la trasmissione di conoscenze tacite, non codificabili, riservate, rafforzano i legami e la fiducia reciproca, rimuovono l’anonimato, riducono la sostituibilità dell’interlocutore, permettono non solo lo scambio di informazioni pre-esistenti per realizzare obiettivi prestabiliti ma di stabilire questi obiettivi e produrre nuove conoscenze, consentono esiti casuali e non pianificati (serendipità), favoriscono l’informalità, permettono il ‘rush’ (condividere decisioni complesse in tempi rapidi), stimolano l’imitazione, sono meno escludenti e escludibili, non richiedono l’utilizzo di infrastrutture di terzi, sono più efficienti e più efficaci. Le relazioni interpersonali, dice John Urry, possono essere per un po’ gestite e mantenute “a distanza”, ma richiedono di essere per lo meno periodicamente riattivate tramite la compresenza. Ok quindi, coronavirus, che l’isolamento sia totale, ma breve.. ne va dell’infrastruttura sociale che arricchisce e sostiene le nostre relazioni personali, amicali, economiche, politiche..»

    • AMIS PROFS, OÙ EST L’URGENCE ?
      Réflexion de #Bénédicte_Tratnjek (@ville_en) publiée sur Facebook, le 19.03.2020.

      Je me remets sur un pavé, ce sera le dernier « cri » que j’écrirai, chacun s’apaisera ou non s’il le souhaite. Je ne m’y épuiserais plus...

      Je lis sans cesse ces jours-ci que la précipitation et l’urgence nous font faire des choix sur lesquels nous pouvons peut-être prendre le temps de réfléchir.

      Je lis sans cesse ces jours-ci des messages d’amis parents désespérés par la surcharge de travail qui leur tombe dessus.

      Pour les familles, lundi, découverte de tous les mails que nous avons envoyés pour expliquer comment nous allions fonctionner, tous individuellement car la situation a fait que nous n’avons pas pu le préparer collectivement. La situation est ainsi, mais laissons le temps aux familles (nos élèves et leurs parents) de digérer tout ça, de comprendre.

      Je lis depuis des messages qui me font halluciner, totalement. Tel prof qui n’a pas dormi depuis 4 jours pour tout mettre en ligne. Mais c’est quoi ce « tout » ??? Scanner tout ce que nous aurions fait en une heure avec les élèves a-t-il du sens ? Se précipiter est-il efficace ?

      Tel autre prof qui a fait un plan de travail sur 2 semaines pour que les élèves fassent totalement en autonomie une activité. Ce plan de travail magnifique, qui a dû prendre un temps fou pour la mise en page, y insérer des tableaux d’objectifs, d’activités, de compétences et de tout un truc qui ne parle qu’à nous est-il accessible en totale autonomie, peu importe la volonté qui mettront nos élèves et leurs familles ? Il est réfléchi, mais pour nous, pour nos besoins. Peut-être faut-il prendre le temps de réfléchir à être explicites dans le contexte présent, différent mais aussi stimulant intellectuellement.

      Tel autre prof qui écrit se lever à 4h du matin pour faire de multiples activités pour ses élèves, puis être surchargé par ce que les collègues demandent à ses propres enfants et s’en plaindre (une contradiction digne des reportages de Guillaume Meurice s’il en est !), puis retourné une partie de la nuit travailler à surcharger ses élèves. L’expérience des uns et des autres ne doit-elle pas nous enrichir plutôt que nous appauvrir ?

      Nous râlons, à juste titre, de ne pas avoir le temps de faire toutes les demandes annexes qui nous sont demandés : histoire des arts, éducation aux médias et à l’information, etc. N’est-ce pas le moment de se donner le temps, avec nos élèves, de faire tout ce que nous aimerions faire habituellement ? Ce lien histoire/français sur le Moyen Âge que nous n’avons jamais le temps de monter en se disant qu’on ne propose aux élèves qu’une activité commune allégeant ainsi de manière raisonnable (ni trop ni pas assez) notre charge de travail (un coup c’est moi, un coup c’est toi qui dépose une activité aux élèves) et celle des élèves (une activité commune, pas trop longue, pour deux heures « officielles » dans l’emploi du temps « ordinaire »). Ce lien arts plastiques/histoire que nous ne faisons jamais sur l’impressionnisme au XIXe siècle (tu leur fais étudier la gare Saint-Lazare de Monet, je fais une reprise plus tard sur l’industrialisation). Ce lien SVT/géographie sur le développement durable. Ce lien mathématiques/géographie sur les échelles. Je pourrais multiplier les exemples, c’est sans fin. Sans l’injonction des EPI, très lourds, en faisant simple. Réutilisable en plus les années prochaines.

      Réfléchissons ensemble : c’est quoi apprendre ? c’est quoi enseigner ? qu’est-ce que je veux vraiment enseigner à mes élèves ? que doivent-ils vraiment retenir/comprendre/savoir-faire pour se construire comme citoyen, comme humain, comme personnes qui pensent par elles-mêmes ?

      Prenons le temps de ne pas nous imposer à nous-mêmes des urgences qui n’existent pas. Les instructions officielles relèvent de la « continuité » pédagogique. J’ai beau cherché dans le dictionnaire, « continuité » n’est pas synonyme de « totalité » et encore moins de surplus. L’antonyme de continuité n’est pas totalité : c’est discontinuité, absence.

      Nous serions en tort de ne rien donner. Nous sommes en tort de trop donner.

      Trop donner, c’est faire stresser nos élèves et leurs familles. Trop donner, c’est créer un sentiment de dévalorisation chez ceux qui ne parviennent pas à suivre ce rythme. Trop donner, c’est favoriser la fracture numérique. Trop donner, c’est forcer les familles à choisir quel enfant de la fratrie aura le plus de temps de connexion pour répondre à toutes les exigences des profs et quel(s) enfant(s) n’auront pas accès à tout ça et seront vus comme « mauvais élèves » par leurs enseignants. Trop donner, c’est accentuer les inégalités sociales.

      Trop donner, ce n’est peut-être pas enseigner... On ne sait pas faire, on va se tromper, on va tâtonner. Mais avant tout RÉFLÉCHISSONS. OÙ EST L’URGENCE si je n’envoie pas « du lourd » les premiers jours. Tâtonnons avec les élèves, prenons le temps qu’ils comprennent comment faire, de connaître leur rythme, le nôtre aussi.

      ATTENTION À NOS BONNES INTENTIONS ! Nous les avons toutes et tous. Ce n’est pas la question ! L’enfer est pavé de bonnes intentions... Ne pavons pas l’enfer ! Éclairons nos élèves, donnons leur goût d’apprendre autrement, de pouvoir apprendre avec leurs familles et non pas dans les cris et dans les larmes, veillons à ce qu’ils aillent bien.

      Ce qui se passe est stressant pour des enfants et des jeunes. Et va l’être de plus en plus. Ce n’est que le début de cette période. Soyons raisonnables ! Pour nos élèves, pour leurs familles, pour nous aussi, pour nos proches !

      https://www.facebook.com/benedicte.tratnjek/posts/10156750046895059

      Cela complète cet autre texte de Bénédicte que j’avais déjà publié sur seenthis :
      L’#enseignement en temps de #confinement
      https://seenthis.net/messages/831621

    • Fermeture des universités : la #validation du semestre est nécessaire

      Quelques passages choisis :

      -Nous avons eu accès à une note du ministère concernant le "#Plan_de_continuité_pédagogique", prévoyant d’organiser des #examens_à_distance avec "#télésurveillance" via des prestataires privés, comme #TestWe tarifant un examen à 17€ par étudiant-e. À l’Université de Nanterre par exemple, si les 6752 étudiant-e-s de L1 devaient passer un examen via ce
      prestataire cela reviendrait à 114 784€ l’examen pour une université au budget déjà bien affaibli. Imaginez le #coût que cela engendrerait pour notre université de faire passer la totalité des UE d’un semestre avec ce #prestataire à tou-te-s les étudiant-e-s ! Une mauvaise connexion wifi entraînerait l’ajournement de l’étudiant-e à son partiel ?

      –Maintenir les #examens et #partiels dans cette situation pénaliserait les étudiant.e.s les plus défavorisé.e.s socialement pour qui la situation ne leur permettra pas d’étudier dans
      de bonnes conditions. Nous ne sommes pas opposés à la tenue de cours en ligne si des personnes souhaitent les suivre ou les dispenser, or nous pensons qu’aucune #évaluation ou contrôle d’assiduité ne doit en découler, pour les raisons évoquées plus haut.

      –nous rappelons qu’un examen à distance ne peut pas avoir lieu si l’Université ne peut pas vérifier et garantir que chaque candidat-e dispose des moyens techniques pour être évalué-e. Ainsi le stipule l’article D. 611-12 du Code de l’éducation : « La validation des enseignements contrôlée par des épreuves organisées à distance sous forme numérique, doit être garantie par : « 1° La vérification que le candidat dispose des moyens techniques lui permettant le passage effectif des épreuves ; »

      –Ainsi, nous demandons la validation du semestre 2. C’est la seule mesure qui ne pénalise pas les étudiants, que ce soit sur le plan des résultats ou sur le fait qu’elle ne reporte pas le calendrier universitaire.

      –concernant masters, les possibilité de poursuivre la recherche n’étant pas garantie, nous réclamons le report des rendus de mémoires. En effet la réduction de la documentation accessible ne permet pas de satisfaire les exigences scientifiques attendues pour ces travaux.

      –Il nous semble aussi évident que dans un tel contexte les candidatures en Licence (#Parcoursup) et en Master (#eCandidat) doivent être reportées. Prétendre pouvoir maintenir ces dispositifs de sélection à l’entrée des filières dans un contexte de crise sanitaire, où les #conditions_d’études des étudiant-e-s et lycéen-ne-s sont fortement perturbées, ne fait qu’accroître le #stress et l’#angoisse des jeunes.

      –D’autre part il n’est pas acceptable que #CROUS Grenoble maintienne l’obligation de payer le loyer malgré les mesures de confinement alors même que d’autres CROUS, notamment celui de Poitiers, ont suspendu le versement des loyers pour les étudiant-e-s confiné-e-s.

      –Nous tenons à exprimer notre soutien aux personnels qui souhaiteraient exercer leur #droit_de_retrait si ces mesures n’étaient pas respectées.

      –-> Reçu par mail le 20.03.2020

      #privatisation

    • J’ai fait ce que j’aurais dû faire dès le début, remplir mon #ASA pour #garde_d'enfant.

      Chères et chers collègues,

      Dans ce contexte difficile de crise sanitaire et de confinement, la DGESIP met à notre disposition des fiches relatives à la continuité des activités que vous pouvez consulter ici : https://services.dgesip.fr/T712/covid_19. Elles traitent d’un sujet par fiche et sont mises à jour au fil de l’eau.

      En parallèle, notre ministre a rappelé cette semaine la nécessité de veiller à ce qu’aucun étudiant ne se retrouve complètement isolé, même s’il est connecté, suite aux mesures de confinement. Il est important de dispenser des informations régulièrement dans toutes nos formations et, dans la mesure du possible, de proposer des temps d’interaction avec les étudiants pendant ou en marge de nos enseignements (mails, classes virtuelles, forum moodle, etc.). De même, un petit nombre d’entre nous peut se sentir isolé, il nous appartient, en particulier lorsque nous connaissons les collègues, de maintenir le contact.

      Comme précisé précédemment, la plus grande liberté est laissée aux équipes pédagogiques pour mettre en place les adaptations les plus appropriées à chaque enseignement et aux besoins de chaque population d’étudiants. Le SUPTICE (https://suptice.univ-rennes1.fr) est mobilisé pour vous conseiller et, si vous le souhaitez, vous former et vous accompagner. La Direction de la Communication met à jour quotidiennement des pages d’information pour tous, personnels et étudiants avec des Foires aux Questions (https://www.univ-rennes1.fr/covid19-foires-aux-questions-frequently-asked-questions). La possibilité d’organiser une banque de prêt de matériel informatique est à l’étude à la DFVU (https://www.univ-rennes1.fr/interlocuteurs/direction-de-la-formation-et-de-la-vie-universitaire-dfvu) pour les étudiants qui en sont dépourvus et qui se font connaitre auprès de vous. Pour eux également, des pistes pour participer au financement de forfaits internet adéquats sont examinées. Le pôle handicap est également mobilisé.

      Nous remercions les composantes pour le recensement en cours afin d’identifier les étudiants qui ont besoin de matériel, d’aide ou d’accompagnement spécifique durant cette période. Rester attentif au suivi de nos stagiaires sur le territoire, comme à l’étranger, est une autre priorité et vous êtes nombreux à vous impliquer aux cotés des services, dont la DARI (https://www.univ-rennes1.fr/la-direction-des-affaires-et-relations-internationales), le SFCA (https://www.univ-rennes1.fr/la-direction-des-affaires-et-relations-internationales) et le SOIE (https://soie.univ-rennes1.fr). Avec l’aide de la Fondation Rennes 1, un fonds d’aide d’urgence pour les étudiants en mobilité en difficulté à l’étranger en vue de leur rapatriement, est aussi lancé. Le soutien s’organise et se met en place progressivement au fil des jours, à tous les niveaux. Merci à tous pour votre implication.

      Concernant la continuité pédagogique et l’évolution des modalités des enseignements et des formations, les modifications que vous retiendrez peuvent porter sur les calendriers, les contenus et activités pédagogiques et/ou les MCCC des formations. Il convient de systématiquement les faire valider par les responsables de parcours et de mention, en lien avec les directions de composante. La cohérence et la coordination au sein de nos mentions de diplômes demeurent indispensables, tout comme les échanges préalables sont nécessaires au sein des équipes sur les choix que chacun(e) peut être amené(e) à proposer. Partager l’information et échanger, en toutes situations y compris celle-ci, contribue à la qualité de nos formations.

      Je vous remercie au nom des étudiants pour votre engagement et je vous souhaite de vivre du mieux possible cette période.

      Bien à vous,

      Cette lettre, que j’ai reçue via mail le 20.03.2020, a été accompagnée de ce commentaire :

      Face aux injonctions délirantes de notre université (faire de la continuité pédagogique, en anticipant l’organisation à distance des évaluations et aussi en prenant soin de vérifier que nos étudiants vont bien, et maintenant que nos supports numériques sont accessibles aux handicapés, voir mails envoyés par le VP CFVU et le SUPTICE),

      j’ai fait ce que j’aurais dû faire dès le début, remplir mon ASA pour garde d’enfant.

      Cela ne résoudra pas tous les problèmes, évidemment. Mais déjà si nous remplissons massivement ces ASA, ça leur montrera l’#absurdité de leurs #injonctions.

      Quelques heures avant, cette même enseignante avait envoyé ce message à la liste :

      Je ne supporte plus ces injonctions impossibles à mettre en oeuvre pour nos étudiant.es. Merci de m’indiquer quel est le papier à renvoyer (ASA ?) pour dire que je garde mes enfants et ne peux pas travailler.

      J’essaie tant bien que mal de maintenir un lien avec les étudiant.es connecté.es, et notre université nous parle jour après jour de continuité pédagogique. C’est une pression intolérable.

      – Je n’ai absolument pas le temps ni les compétences pour faire dans l’urgence depuis mon domicile des supports de cours à distance adaptés aux étudiant.es en situation de handicap.

      – De nombreux étudiants confinés seuls, y compris non handicapés, m’ont dit déprimer et ne pas réussir à travailler. Je suis plus inquiète pour leur santé mentale et physique que leurs talents mathématiques présents futurs.

      – De nombreux étudiants ne répondent pas aux sollicitations électroniques, je n’ai pas de nouvelles, je ne sais pas où ni comment ils sont confinés.

      – Je n’ai pas envie de culpabiliser de ne pas réussir à tout gérer : les devoirs des enfants, les courses et repas, et les étudiants.

      – Je n’ai pas une situation plus compliquée que d’autres collègues, et j’imagine que dans le confinement, la plupart des collègues sont dans l’impossibilité matérielle, psychogique ou temporelle de répondre à de telles injonctions, si tant est qu’ils sachent rédiger leurs polys en braille.

      Par conséquent, je souhaite être sous le régime de l’ASA pour garde d’enfant de moins de 16 ans plutôt que de télétravail, et si possible rétroactivement depuis lundi 16 mars, date à laquelle l’école des enfants s’est arrêtée.

    • #Concours titulaires de l’enseignement supérieur et de la recherche : un projet de décret en « #distanciel »

      Le jeudi 24 mars 2020, sera soumis au Comité technique du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation un projet de décret sur le recours à la visio-conférence pour les concours de chercheur·euses et d’enseignant·s-chercheur·ses.

      Le CTMESR est une instance représentative et consultative, devant laquelle le Ministère a l’obligation de présenter tous ses projets en matières d’emploi, de rémunération et de conditions de travail. Son rôle est de fait limité : s’il ne peut abroger un projet qui lui serait soumis, il peut néanmoins les retarder si ses membres, à l’unanimité le juge insuffisant. Dans ce cas, le MESR est censé reconvoquer le CT pour l’examen d’une nouvelle mouture1.

      Compte tenu de l’importance du sujet, il est utile de faire connaître à la communauté, titulaires ou candidat·es au recrutement, le projet du Ministère, qui ne semble pas bien prendre la mesure de l’épidémie. De fait la question des concours poursuit sous une autre forme celle de la « continuité pédagogique » dont Academia a déjà eu l’occasion de présenter les termes du débat 2.

      Nous avons déjà été surpris par le degré d’impréparation des services nationaux de visio-conférence, type Renavisio, qui a immédiatement indiqué ne pouvoir tenir la surcharge du télétravail. En décembre déjà, la tenue des seules soutenances de thèse avaient été chaotiques. Pourtant, elles se tenaient pour l’essentiel sur site, avec deux ou trois membres à distance, pas en distantiel total. Il semble déjà bien impossible de tenir à distance une réunion à 12 ou 15 membres, sans même parler de qualité de délibération.

      Mais ne boudons pas notre plaisir : faisons l’hypothèse que si les titulaires peuvent se réunir à distance pour l’examen des dossiers, au motif qu’ils ou elles disposent des mêmes conditions d’accès (connexion et matériel) à la visio-conférence, nous savons au bout d’une semaine d’essais infructueux que seuls les logiciels type jeux vidéos arrivent à tenir plus de 10 personnes en ligne de façon stable pendant la durée de la réunion. Mais déjà cette hypothèse se trouve infirmée par les relocalisations pré-confinement de plusieurs titulaires dans des zones rurales au câblage moins puissant ; les conversations sont hâchées, coupées pendant plusieurs minutes, interrompues ; le son est quelquefois exécrable, sans même parler des cris d’enfants au milieu des discussions. Si bien évidemment, on souhaite la réunion de l’ensemble du jury, et pas seulement la poignée de membres qui aura réussi à se connecter sans encombre, on peut donc raisonnablement penser que ces réunions seront matériellement impossibles à tenir3.

      Pour ce qui est des #auditions, la perspective n’est même pas envisageable. Le ministère peut-il fournir à l’ensemble des candidat·es l’équipement et la connexion nécessaire à son domicile ? Non. Alors il y a rupture d’#égalité. Jusqu’à présent, les auditions en visio-conférence pouvaient être organisées sur le site universitaire le plus proche du ou de la candidate, plus rarement au domicile. Dans la situation du confinement, ce sera simplement impossible.

      Cela, c’est sans tenir compte de l’inconnue que représente l’évolution de l’épidémie sur la vie quotidienne. Nous pouvons d’ores et déjà que la séquence examens des dossiers + concours se produira au moment attendu du pic de mortalité, en avril. À un moment où les membres des jurys et les candidat·es, s’ils ou elles ne sont pas affectées dans leur corps, auront sans doute à gérer de près ou à distance un décès d’un parent ou d’un proche — sans parler des difficultés inhérentes à toute épidémie, comme les pénuries, les soucis financiers, etc.

      Il sera regrettable qu’en raison de la gestion irresponsable du Ministère, à l’origine de nombreuses ruptures d’égalité ou d’annulations techniques de concours, les candidat·es subissent par des procédures pour #rupture_d’égalité une #double_peine. Ou pire, qu’arguant de la loi d’exception, le Ministère cesse de considérer que les principes d’#impartialité et d’égalité qui régissent les concours de la #fonction_publique cessent d’opérer.

      –------------

      Décret n° du

      fixant les conditions de recours à la #visioconférence pour l’organisation des concours des chargés de recherche et des directeurs de recherche des établissements publics scientifiques et technologiques et des enseignants-chercheurs des établissements d’enseignement supérieur au titre de l’année 2020

      Publics concernés : chargés de recherche et directeurs de recherche des établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) et enseignants-chercheurs des établissements d’enseignement supérieur et de recherche

      Objet : utilisation de la visioconférence pour les études des dossiers, les auditions ainsi que pour les réunions de délibération des jurys des concours de chercheurs et des comités de sélection et autres jurys de recrutement d’enseignants-chercheurs.

      Entrée en vigueur : lendemain de la publication

      Notice : le décret vise à ouvrir à l’ensemble des membres des jurys des concours de chercheurs et des comités de sélection et jurys d’enseignants-chercheurs organisés au titre de l’année 2020 la possibilité d’utiliser la visioconférence pour les études des dossiers, les auditions et les délibérations.

      Références : le décret peut être consulté sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

      Le Premier ministre,

      Sur le rapport du ministre de l’action et des comptes publics, du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,

      Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiées portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

      Vu le décret n°82-451 du 28 mai 1982 modifié relatif aux commissions administratives paritaires ;

      Vu le décret n°83-1260 du 30 décembre 1983 modifié fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques ;

      Vu le décret n°84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

      Vu le décret n°84-1185 du 27 décembre 1984 modifié relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires du centre national de la recherche scientifique ;

      Vu le décret n°84-1207 du 28 décembre 1984 relatif au statut particulier des corps de fonctionnaires de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ;

      Vu le décret n°84-1206 du 28 décembre 1984 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (I.N.S.E.R.M.) ;

      Vu le décret n°85-1060 du 2 octobre 1985 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ;

      Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

      Vu le décret n°86-576 du 14 mars 1986 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique ;

      Vu le décret n°88-451 du 21 avril 1988 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l’Institut national d’études démographiques ;

      Vu le décret n°99-272 modifié du 6 avril 1999 relatif aux commissions paritaires d’établissement des établissements publics d’enseignement supérieur ;

      Vu le décret n°2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat ;

      Vu le décret n° 2017-1748 du 22 décembre 2017 fixant les conditions de recours à la visioconférence pour l’organisation des voies d’accès à la fonction publique de l’Etat ;

      Vu l’avis du comité technique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche du ;

      Vu l’avis du comité technique des personnels titulaires et stagiaires de statut universitaire du XXX ;

      Après avis du Conseil d’Etat (section de l’administration),

      Décrète

      Article 1er

      Par dérogation aux dispositions de l’article 7 du décret du 22 décembre 2017 susvisé, et pour les concours organisés au titre de l’année 2020, l’ensemble des membres des jurys des concours d’accès aux corps de chargés de recherche et de directeurs de recherche régis par les dispositions du décret du 30 décembre 1983 susvisé peuvent recourir à la visioconférence pour l’étude des dossiers, les auditions et les délibérations, sous réserve que leur identification et leur participation effective soient garanties.

      Les conditions et modalités du recours à la visioconférence par les membres du jury en matière d’audition sont fixées par l’établissement dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

      Article 2

      La dernière phrase du 4ème alinéa de l’article 9-2 du décret du 6 juin 1984 susvisé ne s’applique pas aux concours de recrutement de professeur des universités ou de maître de conférences régis par ce même décret organisés au titre de l’année 2020.

      Article 3

      Par dérogation aux dispositions de l’article 7 du décret du 22 décembre 2017 susvisé, et pour les concours organisés au titre de l’année 2020, l’ensemble des membres du jury mentionné à l’article 46-1 du décret du 6 juin 1984 susmentionné peuvent recourir à la visioconférence pour l’étude des dossiers, les auditions et les délibérations, sous réserve que leur identification et leur participation effective soient garanties.

      Les conditions et modalités du recours à la visioconférence par les membres du jury en matière d’audition sont fixées par arrêté ministériel dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

      Article 4

      Par dérogation aux dispositions de l’article 7 du décret du 22 décembre 2017 susvisé, et pour les concours organisés au titre de l’année 2020, l’ensemble des membres des jurys des concours d’accès aux corps assimilés aux enseignants-chercheurs relevant du décret du 6 juin 1984 susmentionné peuvent recourir à la visioconférence pour l’étude des dossiers, les auditions et les délibérations, sous réserve que leur identification et leur participation effective soient garanties.

      Les conditions et modalités du recours à la visioconférence par les membres du jury en matière d’audition sont fixées par l’établissement dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

      Article 5

      Les commissions administratives partiaires relevant du décret du 28 mai 1982 susvisé, les commissions consultatives paritaires relevant de l’article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé et les commissions paritaires d’établissement relevant du décret du 6 avril 1999 susvisé, instituées dans les services et les établissements publics du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation peuvent, pour leurs réunions organisées en 2020, appliquer les dispositions de l’article 42 du décret du 15 février 2011 susvisé.

      Article 6

      Le ministre de l’action et des comptes publics, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

      Par le Premier ministre :

      Le ministre de l’action et des comptes publics,

      Gérald Darmanin

      La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

      Frédérique Vidal

      Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics,

      Olivier Dussopt

      https://academia.hypotheses.org/21391

    • Continuité pédagogique ? Témoignages d’enseignantes-chercheuses

      Nous avons recueilli, au hasard des listes de discussions, sur Twitter, en échangeant avec les collègues, plusieurs témoignages qu’il nous semble indispensable de publier pour saisir la distinction entre ce que j’ai appelé la névrose de la continuité pédagogique,et les tentatives, sincères, désespérées quelquefois, de faire vivre le lien pédagogique, ayant conduit Julien Gossa à lancer un appel pour un plan de (dis)continuité pédagogique. Car l’Université, c’est avant tout ces chaînes de transmission de savoir, qui sont aussi des liens éthiques et des valeurs.

      –-------

      Caroline Muller – Rennes-2

      « Chères toutes, chers tous,Je prends conscience que, dans l’effervescence de la mise en place de la « continuité pédagogique », je ne vous ai sans doute pas assez dit l’essentiel : cette période étrange n’est en aucun cas le moment de paniquer ou stresser sur vos cours. Nous savons que tout le monde n’a pas une bonne connexion internet ou des conditions de travail optimales ; je sais aussi que le confinement a des effets psychologiques qui peuvent rendre difficile la concentration. Mon mail précédent était indicatif : l’idée est de garder un peu d’activité intellectuelle et d’éviter un « décrochage » trop violent, pas de préparer à tout prix tout ce qui était prévu.

      Profitez de vos proches s’ils sont avec vous, jouez à la console, écoutez de la musique, plongez dans Gallica ou toutes ces très belles offres culturelles qui nous parviennent (comme quoi, en temps de crise, on se rend compte qu’on pourrait inventer une culture gratuite et accessible à tous), regardez des films, cuisinez si vous pouvez, faites du yoga (sans vous cogner aux meubles si vous êtes dans 12 mètres carrés), applaudissez aux fenêtres, observez ce que l’événement fait à la société, fomentez la fin du capitalisme, dormez, rêvez, parlez à vos amis, organisez des apéros Skype si vous avez une connexion, écrivez à vos professeur(e)s qui sont là pour vous, ressortez les puzzle et les lego, bref : faites ce qui vous fait du bien. Et n’hésitez pas à m’écrire si vous êtes angoissés. On peut même créer un groupe de discussion si vous avez besoin.
      Pour ceux et celles qui sont salarié(e)s, ces temps sont aussi particulièrement difficiles à gérer, entre inquiétude de contamination, pressions hiérarchiques, injonctions contradictoires et nécessité de subvenir à ses besoins. N’hésitez pas à nous contacter pour nous faire part de toute situation de grande fragilité ou de précarité et surtout ne vous donnez pas une pression supplémentaire quant au suivi de votre cursus : nous trouverons des solutions ensemble le moment venu ».

      –------

      VB – Région Rhône-Alpes

      J’ai quand même un collègue qui nous dit, quand on discute des difficultés des étudiants, « Oui enfin bon c’est peut-être juste de la fainéantise et il ne faudrait pas que nous baissions notre niveau d’exigence ».
      Au même moment une étudiante m’écrivait pour s’excuser de ne pas avoir participé au chat que j’avais planifié, parce qu’elle est caissière en supermarché et fait plus d’heures à cause des absences. Au supermarché, bordel, pendant que nous on est confinés avec nos 2500 bouquins et qu’on glose sur « oui mais alors faudrait pas donner leur semestre aux fainéants ».

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      CP – Grand Est

      Mail de la hiérarchie demandant, UE par UE, un tableau des aménagements prévus pour la continuité pédagogique, et disant que d’autres formations ont déjà remonté les tableaux le week-end dernier. Je ne sais pas dans quel monde c’est humainement possible. On a besoin de TEMPS là. Jean-Michel Blanquer déteint sur l’ESR ou bien ? Les demandes comminatoires de trucs pas raisonnables et précipités, quand on n’a ni pratique, ni formation, ni anticipation vague du passage en distanciel, ça remet une pièce dans le juke box de l’anxiété.
      Du coup, ma réponse :

      CR – Région Centre – Message envoyé au doyen le 20 mars au doyen

      « Il est clair aujourd’hui que les étudiants sont en train de supporter un stress considérable dans ce système improvisé (improvisation qui n’est la faute de personne) : on leur laisse à penser qu’ils doivent suivre des formations à distance qui seront l’objet d’évaluation.
      De mon point de vue, c’est totalement injuste et irresponsable de notre part.
      Nous savons que les inégalités d’accès à Internet nous obligeront à renoncer à toute évaluation sur les « enseignements » donnés dans ce cadre.

      Il est donc de notre responsabilité de dire clairement le plus vite possible aux étudiants que seuls les cours faits avant la fermeture et éventuellement après la reprise feront l’objet d’une évaluation selon des modalités que nous ignorons aujourd’hui.

      Et, en même temps , leur dire que nous les encourageons malgré tout à ne pas se démobiliser en utilisant les ressources données par les enseignants pour réviser et travailler le reste du programme même si cela ne fera pas partie de ce qui sera évalué. Nos étudiants sont assez intelligents pour comprendre cela.

      C’est ce que nous avons fait pendant et à la suite des grèves de 1995-1996 et 2007-2009 ».

      –----------

      VM – Île-de-France

      « Je me posais déjà la question de l’accès aux outils numériques pour les étudiants, mais j’ai reçu des messages complètement catastrophés d’étudiantes et d’étudiants ces derniers jours : pas d’internet autrement qu’un petit forfait sur le téléphone (donc des devoirs à la main envoyés en photos), un ordi pris d’assaut par la famille, pas de BU, etc.

      Les conditions de confinement sont très variables. Certains sont seuls chez eux, d’autres avec un.e ami.e, d’autres avec leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs grands-parents. Certains sont dans leur petite chambre d’étudiants, d’autres dans l’appartement familial, certains en ville, d’autres à la campagne. Certains continuent à travailler pour leur job étudiant, d’autres se demandent comment ils vont faire financièrement maintenant qu’ils n’ont plus cette source de revenus. Certains ont des proches malades, voire sont malades eux-mêmes. Certains ont besoin de travailler pour mettre à distance ce qui nous arrive, d’autres sont trop angoissés pour le faire.

      Comment alors leur demander de rendre des devoirs en laissant peser la menace du contrôle continu ? Et quand nous reviendrons ou pas et tenterons de valider le semestre, comment faire pour que ceux qui n’ont pas pu travailler ne soient pas pénalisés ?

      J’ai donc décidé pour la semaine prochaine de mettre sur notre ENT un cours et une correction d’un commentaire qui était à me rendre hier. Nous ferons une heure de classe virtuelle pour que je réponde à leurs questions et que nous maintenions un lien. Ensuite, je continuerai à mettre à l’heure normale du cours des textes, des articles, des liens, toujours en rapport avec l’histoire, mais pas nécessairement en lien avec la thématique exacte de mon cours. Je conserve aussi 1h d’échange par chat ou par classe virtuelle par semaine pour continuer à apprendre. Ceux qui peuvent et veulent me renvoient les devoirs initialement prévus : je n’en tiendrai compte dans l’évaluation que si cela leur est favorable. Et je vais réfléchir à des modalités d’évaluation raisonnables et justes pour la fin du semestre.

      Il me semble absolument nécessaire de continuer à réfléchir, à lire, à faire preuve d’esprit critique, à échanger des idées et des connaissances avec eux. Mais je ne veux mettre aucun d’eux dans une situation encore plus difficile et stressante ».

      –------

      6° BS – Région Bretagne

      Echange de courriels
      a. Du Département Suptice

      Chers collègues,
      En cette période de crise sanitaire et de confinement, nous sommes tous mobilisés pour assurer une continuité pédagogique auprès de l’ensemble de nos étudiants, notamment par le recours aux outils et aux ressources d’enseignement en ligne. Dans ce contexte, une attention particulière doit être apportée à nos étudiants en situation de handicap.
      C’est pourquoi nous nous faisons le relais des recommandations proposées par Monsieur XXX , enseignant et référent pédagogique Handicap, en matière de consignes pour la création de supports en ligne respectueux des règles d’accessibilité.
      Nous vous invitons à en prendre connaissance et à les appliquer lors de la création de vos supports de cours.
      Restant à votre écoute,
      Bien cordialement
      b. Message de la Présidence

      Chères et chers collègues,
      Dans ce contexte difficile de crise sanitaire et de confinement, la DGESIP met à notre disposition des fiches relatives à la continuité des activités que vous pouvez consulter ici. Elles traitent d’un sujet par fiche et sont mises à jour au fil de l’eau.
      En parallèle, notre ministre a rappelé cette semaine la nécessité de veiller à ce qu’aucun étudiant ne se retrouve complètement isolé, même s’il est connecté, suite aux mesures de confinement. Il est important de dispenser des informations régulièrement dans toutes nos formations et, dans la mesure du possible, de proposer des temps d’interaction avec les étudiants pendant ou en marge de nos enseignements (mails, classes virtuelles, forum moodle, etc.). De même, un petit nombre d’entre nous peut se sentir isolé, il nous appartient, en particulier lorsque nous connaissons les collègues, de maintenir le contact.
      Comme précisé précédemment, la plus grande liberté est laissée aux équipes pédagogiques pour mettre en place les adaptations les plus appropriées à chaque enseignement et aux besoins de chaque population d’étudiants. Le SUPTICE est mobilisé pour vous conseiller et, si vous le souhaitez, vous former et vous accompagner. La Direction de la Communication met à jour quotidiennement des pages d’information pour tous, personnels et étudiants avec des Foires aux Questions. La possibilité d’organiser une banque de prêt de matériel informatique est à l’étude à la DFVU pour les étudiants qui en sont dépourvus et qui se font connaitre auprès de vous. Pour eux également, des pistes pour participer au financement de forfaits internet adéquats sont examinées. Le pôle handicap est également mobilisé.
      Nous remercions les composantes pour le recensement en cours afin d’identifier les étudiants qui ont besoin de matériel, d’aide ou d’accompagnement spécifique durant cette période. Rester attentif au suivi de nos stagiaires sur le territoire, comme à l’étranger, est une autre priorité et vous êtes nombreux à vous impliquer aux cotés des services, dont la DARI, le SFCA et le SOIE. Avec l’aide de la Fondation de l’Université, un fonds d’aide d’urgence pour les étudiants en mobilité en difficulté à l’étranger en vue de leur rapatriement, est aussi lancé. Le soutien s’organise et se met en place progressivement au fil des jours, à tous les niveaux. Merci à tous pour votre implication.Concernant la continuité pédagogique et l’évolution des modalités des enseignements et des formations, les modifications que vous retiendrez peuvent porter sur les calendriers, les contenus et activités pédagogiques et/ou les MCCC des formations. Il convient de systématiquement les faire valider par les responsables de parcours et de mention, en lien avec les directions de composante. La cohérence et la coordination au sein de nos mentions de diplômes demeurent indispensables, tout comme les échanges préalables sont nécessaires au sein des équipes sur les choix que chacun(e) peut être amené(e) à proposer. Partager l’information et échanger, en toutes situations y compris celle-ci, contribue à la qualité de nos formations.
      Je vous remercie au nom des étudiants pour votre engagement et je vous souhaite de vivre du mieux possible cette période.
      Bien à vous, PRESIDENCE
      c. BS, enseignante-chercheuse

      Bonsoir … , chers collègues,

      Je ne supporte plus ces injonctions impossibles à mettre en œuvre pour nos étudiant.es. Merci de m’indiquer quel est le papier à renvoyer (ASA1 pour dire que je garde mes enfants et ne peux pas travailler. Mon directeur d’UFR est super et soutient tous les personnels de l’UFR. J’essaie de mon côté tant bien que mal de maintenir un lien avec les étudiant·es connecté·es, et notre université nous parle jour après jour de continuité pédagogique. C’est une pression intolérable.

      Je n’ai absolument pas le temps ni les compétences pour faire dans l’urgence depuis mon domicile des supports de cours à distance adaptés aux étudiant.es en situation de handicap.
      De nombreux étudiants confinés seuls, y compris non handicapés, m’ont dit déprimer et ne pas réussir à travailler. Je suis plus inquiète pour leur santé mentale et physique que leurs talents mathématiques présents futurs.
      De nombreux étudiants ne répondent pas aux sollicitations électroniques, je n’ai pas de nouvelles, je ne sais pas où ni comment ils sont confinés.
      Je n’ai pas envie de culpabiliser de ne pas réussir à tout gérer : les devoirs des enfants, les courses et repas, et les étudiants.
      Je n’ai pas une situation plus compliquée que d’autres collègues, et j’imagine que dans le confinement, la plupart des collègues sont dans l’impossibilité matérielle, psychologique ou temporelle de répondre à de telles injonctions, si tant est qu’ils sachent rédiger leurs polys en braille.

      Par conséquent, je souhaite être sous le régime de l’ASA pour garde d’enfant de moins de 16 ans plutôt que de télétravail, et si possible rétroactivement depuis lundi 16 mars, date à laquelle l’école des enfants s’est arrêtée.
      Cordialement, BS

      –--------

      Véronique Beaulande- Université Grenoble Alpes

      https://academia.hypotheses.org/21372

    • Ma vie de prof mise a distance : première semaine

      Jean-Michel #Blanquer a assuré la semaine dernière que tout était prêt pour l’enseignement à distance, mais les enseignants n’en avaient même pas été informés. Nous ne devions donc pas compter dans ce dispositif ? Ou bien nous n’étions attendus que comme « petites mains » de son plan génial ? Malaise.

      Travail du weekend : habituellement, je me limite au maximum sur le travail du weekend, pour… avoir une vie de famille, et essayer d’avoir un temps où je décroche du travail*.

      Malgré tout, comme beaucoup de mes collègues, je travaille le weekend. Et là, il y a une urgence exceptionnelle.

      Samedi 14 : J’ai contacté mes collègues de philosophie pour voir comment nous pourrions mutualiser notre travail pour les semaines à venir. Rédaction et lecture de plusieurs mails à différents moments (samedi après-midi, dimanche après-midi). Deux de mes collègues ont de jeunes enfants qu’elles devront garder à la maison, et m’informent qu’elles ne pourront assurer que le minimum.

      Nous ne savons pas encore si nous aurons l’obligation de nous rendre dans nos établissements sur nos horaires de cours habituels. Cet ordre a été donné par certains recteurs. Ce serait absurde, car nous n’avons pas de bureaux, pas de livres, parfois même pas d’ordinateurs pour travailler sur place, évidemment pas de conditions de sécurité sanitaire minimales, mais cela permettrait à notre institution de nous avoir à l’œil comme des petits moutons, dont on pourrait s’assurer qu’ils ne prennent pas du bon temps pendant la fermeture des établissements scolaires…. Cela semble être la première crainte, la première précaution que notre administration souhaite prendre, j’allais dire « à notre égard », mais c’est plutôt « à notre encontre ». Certains proviseurs envisagent même d’organiser des réunions toute la semaine, et tentent d’intimider et d’humilier les professeurs qui protestent au cours du weekend contre ces mesures.

      Échange mail avec la Cheffe d’Etablissement, pour l’informer de mon inquiétude pour les élèves qui n’auront pas accès à Internet (pas d’ordinateur individuel, pas de connexion de qualité suffisante), ou qui devront faire face à d’autres urgences.

      Retour de mail à tous les enseignants dans l’après-midi, qui nous informe qu’il sera de notre responsabilité d’identifier les élèves qui ne se connecteraient pas. Voilà, la responsabilité est pour nous.

      Dimanche : Je me lève à 7h00 du matin, car je suis prise d’une inspiration subite, et j’écris une longue lettre à mes élèves, avec lesquels je n’ai pas pu communiquer de vive voix après l’annonce de la fermeture des établissements scolaires, pour les inviter, en cas de difficultés de connexion, à lire de beaux livres, de ces livres capables de porter et ouvrir le monde. Le meilleur enseignement à distance ! Ce qui ne signifie pas que nous n’avons pas besoin de passeurs ou de passeuses pour accéder aux grands textes. (J’ai soigneusement travaillé la rédaction de ma lettre, car je compte sur le travail de l’écriture pour compenser, un peu, la non présence en chair et en os !).

      Je prends mon petit déjeuner en même temps que j’écris, pour ne pas perdre l’inspiration.

      Envoi de ma lettre vers 9h00. J’espère que mes élèves la trouveront en ouvrant l’ENT lundi. Qu’ils aient au moins ça.

      Je vais voter.

      Visite à ma mère qui a quatre-vingts ans. Dernière visite avant combien de temps ? J’ai mal dans les poumons. La perspective de mourir, peut-être dans les deux ou trois semaines à venir, m’a motivée pour arrêter de fumer. Ma mère, en pleine forme, me dit qu’elle a bien vécu sa vie, et m’invite à ne pas m’inquiéter pour elle.

      18h00 : je réponds à une élève qui a déjà lu ma lettre, et me demande des précisions pour se procurer un livre.

      LUNDI :

      Dès 8h00 (mon horaire de début de travail habituel le lundi) : recherche de ce qui est immédiatement disponible (cours déjà prêts et tapés) pour pouvoir les distribuer au plus vite aux élèves.

      9h30 : rédaction de petites fiches de programme de travail pour les élèves que j’ai habituellement en classe les mardi et mercredi.

      9h45 : première tentative de connexion sur l’ENT (Environnement Numérique de Travail) : inaccessible.

      Recherche de textes, mise sous format PDF de mes cours et de documents.

      Re tentative de connexion à l’ENT : inaccessible.

      J’annonce à mon collègue de philosophie que je ne serai vraisemblablement pas disponible pour la réunion téléphonique que j’avais initialement proposée à 14h00.

      13h00 : Re-tentative de connexion à l’ENT, qui plante. Début d’inquiétude : comment faire pour communiquer avec les élèves ? Recherche de solutions : créer des mailing listes ? Communication par liste de diffusion avec les collègues qui constatent le même plantage de l’ENT, et cherchent et proposent des solutions d’accès, qui ne fonctionnent que très ponctuellement.

      Je commence à organiser le lockdown avec mes fils : lequel ira chez moi, lequel ira chez leur père. Préparation des valises et organisation de l’échange de domicile. Appel à ma maman, à ma sœur, pour lesquelles je suis inquiète, car elles seront seules chez elles.

      14h30 : re-tentative de connexion à l’ENT. Sans succès.

      15h00 : préparation du travail pour les classes que j’ai jeudi. Rédaction de contenu de cours, impression de documents, rédaction d’exercices.

      16h30 : échanges avec collègue de philo sur les cours déjà prêts que nous pouvons partager, et ceux que nous aurions à rédiger.

      J’ai renoncé à l’idée de proposer des petits exercices sur les outils de l’ENT, puisque celui-ci n’est pas accessible.

      Pas d’accès sur le site du CNED, pas de possibilité de tester le dispositif de « classe à la maison ».

      Echanges avec les collègues et avec la Cheffe d’Etablissement, pour voir si nous pouvons créer des mailing listes. La CDE m’invite à patienter, « les choses vont se mettre en place ».

      18h00 : Je vais chercher mon fils et ses valises chez son père. Je dis au-revoir à mes deux autres fils. Je ne sais pas quand je vais les revoir.

      20h00 : tentative de connexion à l’ENT.

      22h30 : je reçois un mail, sur une adresse mail de secours (hors ENT) que j’ai pu communiquer à quelques élèves, de la part d’un élève consciencieux, lequel est très inquiet, car une consigne d’un exercice donné par une collègue de physique ne lui parait pas complète. Je pressens qu’à 22h30, dans les premiers temps de la fermeture des établissements scolaires, et juste avant le lockdown, son inquiétude n’est pas que scolaire. Je transfère sa question à ma collègue. Au passage, il me souhaite « bonne nuit » : c’est mignon, ça ne m’était jamais arrivé, qu’un élève me souhaite « bonne nuit » ; je lui souhaite « bonne nuit » à mon tour. Il me pose d’autres questions, mais je cesse de lui répondre, car je suis… au lit !

      MARDI :

      Je me lève à 6h00. Angoissée ? oui.

      J’en profite pour tenter de me connecter à l’ENT. Je parviens à envoyer un mail.

      Petit déjeuner et douche : je ne sais plus si c’est sur mon temps de travail ou pas : on en est où ?

      Tentative de création et d’envoi sur une mailing liste : ça ne marche pas correctement. Protestation inquiète ou amusée d’élèves, sur l’adresse mail de secours. Je leur réponds. Echanges avec les collègues sur le plantage de l’ENT, sur les possibilités de prendre d’autres chemins de communication avec les élèves. Est-ce légal, est-ce une bonne chose pour eux et pour nous ? Débat sur fond de désarroi et sentiment d’être abandonnés par notre institution. Question à la Cheffe d’Etablissement : je lui demande des instructions claires sur ce point. Elle m’invite à patienter. Certains collègues sont parvenus à créer eux-mêmes des moyens de communication avec les élèves, mais avouent déjà craquer, car ils/elles travaillent 12h00 par jour depuis le weekend.

      L’institution semble s’inquiéter grandement de la manière de nous surveiller, de disposer de nous pour toute nouvelle mission, par exemple, contacter les familles avec nos téléphones personnels, faire des photocopies sur nos imprimantes, mais pas de nous informer ni de nous donner les outils de travail qui nous sont indispensables. Mais qui, parmi nos « managers », nos « super managers », sait ce que c’est qu’un travail de prof ? Aucun. De là à penser que ce que l’on ignore n’existe pas : erreur classique, basique. Et alors, comment exploiter, diriger ce dont on ignore tout, si ce n’est en compartimentant en petites cases méthodiquement, en contrôlant on ne sait pas trop quoi, en mettant tout en pièces, personnes et savoirs ?

      Beaucoup de collègues sont angoissés, car ils/elles ne veulent pas abandonner leurs élèves les plus fragiles : les élèves qui n’auront pas à leur domicile des conditions correctes d’études.

      Rédaction de fiches d’exercices et de contenus. Proposition à mon collègue de philosophie de contenus que je peux mettre à sa disposition, et proposition d’un nouveau programme de travail pour nous, si il est possible de le tenir !

      J’ai des copies en retard : je culpabilise.

      J’ai des bulletins à remplir : pas d’accès à l’ENT.

      Après-midi : je ne sais plus quelle heure, tout se mélange.

      J’ai enfin accès à l’ENT, je poste le maximum d’infos et contenus que je peux à destination des élèves, dans leurs casiers, le cahier de texte, en documents partagés. Pas d’accès à la messagerie. Pas de possibilité de remplir les bulletins. Les élèves n’ont pas accès à l’ENT.

      Echange par mail avec les professeures principales de mes classes, sur leurs adresses personnelles, car pas d’accès à la messagerie de l’ENT. Je leur transmets un scan de mes appréciations et avis sur les élèves pour les prochains conseils de classe.

      J’informe les collègues, avec lesquels je suis en contact, de l’accès possible à l’ENT pour les professeurs.

      Je prends la résolution de respecter le temps de travail pour lequel je suis rémunérée= 80%. En gros, soit quatre jours pleins, soit trois jours pleins plus deux demi-journées.

      Je m’occupe de mon fils qui a un gros coup de déprime ce soir.

      MERCREDI :

      Réveil 6h00 et gros coup de déprime pour moi aussi. Déjà ? Comment est-ce que je vais tenir ? Comment est-ce que l’on va tenir ?

      Échange avec des élèves qui me demandent quel est le travail à faire, sur mails persos, car ils ont difficilement accès à l’ENT ou pas du tout. Je les rassure : je n’exige pas le rendu du travail immédiatement, et je leur donne jusqu’à la fin de la semaine, pour rendre ce travail de préférence, sur l’ENT.

      Rédaction d’un cours pour les élèves de TS pour la semaine prochaine, sur les Propos sur les pouvoirs d’Alain.

      Après-midi : il fait beau, je jardine, et j’alterne la rédaction de mon cours et le jardinage. Le jardinage me fait du bien : être dehors, travailler avec son corps, toucher les plantes et la terre, travailler à la beauté.

      Une élève, inquiète, m’écrit pour me dire que certains des élèves de la classe ont pu avoir accès à l’ENT, mais pas elle. Elle me demande si je peux lui proposer une autre solution. Je lui réponds que non, pour le moment.

      Un élève se plaint de ce que j’ai envoyé trop de messages, et dans des dossiers différents : il ne s’y retrouve plus.

      Un élève n’a pas compris la consigne. En classe, on répète les consignes plusieurs fois, on les écrit au tableau, dans le cahier, on les reformule, on commente. Pas question de jouer à cela par mail, sinon les élèves vont être perdus. Je laisse tomber.

      21h00 : mon compagnon, qui est prof aussi, m’indique qu’il a pu enfin avoir accès à la classe virtuelle du CNED. Je me connecte, je crée des groupes, je poste du contenu : celui que j’ai déjà posté à destination de mes élèves sur l’ENT.

      C’est peut-être la solution pour mon élève qui n’y a pas accès. Je me réjouis d’avoir trouvé la solution, et de pouvoir la lui proposer dès demain matin.

      21h30 : réception de deux photos : un élève à photographié son travail manuscrit. Il a pris soin de bien calligraphier. Je désespère : comment vais-je pouvoir lire et corriger cela ? Comment vais-je m’en sortir, si mes 130 élèves m’envoient, par différents canaux, plusieurs pages manuscrites, copiées sous différents formats ? Comment vais-je pouvoir m’y retrouver : les classer, les lire et les corriger, les rendre ?

      22h00 : j’arrête pour ce soir.

      22h45 : Je supplie mon compagnon, qui répond encore à des mails d’élèves, d’arrêter de travailler. Je suis déjà au lit avec un livre, j’ai hésité à lire le livre de philosophie que j’étudie avec mes élèves, mais finalement, j’ai choisi un roman. Je suis incapable de lire.

      JEUDI :

      Réveil à 6h20 : je progresse, je dors un peu mieux…

      Mon compagnon se lève, prend un petit déjeuner vite fait, et s’installe pour corriger des copies. Je le supplie de définir des horaires de travail.

      Il me propose de venir voir son travail sur la classe en ligne. Je proteste : il est 8h00, je ne suis pas encore au « bureau ».

      8h30 : j’ouvre ma classe virtuelle du CNED : tout ce que j’ai créé la veille, les groupes, et les documents que j’au cru pouvoir mettre à la disposition des élèves a disparu… Que de temps perdu !

      Mon compagnon est en classe virtuelle avec ses élèves, de 9h00 à 10h30. Je regarde comment cela fonctionne.

      Échange de mails pour prendre des nouvelles de collègues que je sais isolés.

      Recherche et rédaction de cours à partager avec mes collègues de philosophie.

      Récréation : je jardine une demie heure. En rentrant dans la maison, je m’arrête devant la porte d’entrée. C’est le choc :

      L’HORREUR DE LA CLÔTURE, LA TERREUR DE L’ENFERMEMENT !

      Je respire. Je bois un café.

      Réponse à quelques mails d’élèves, paumés, qui n’ont pas accès aux documents, ne parviennent pas à les ouvrir. Je reçois par mail un exercice d’élève enregistré dans un format que je ne parviens pas à ouvrir.

      C’est vrai que leur demander un exercice écrit tapé au clavier est une difficulté supplémentaire pour eux. Très difficile pour moi de corriger des exercices rendus manuscrits, très difficile pour eux de composer des écrits sur clavier. Comment faire ?

      Échanges avec des collègues sur la situation.

      14h00 : Je prépare la séance avec les élèves de première prévue demain, sur la révolution astronomique : visionnage et sélection de vidéos (trois heures), rédaction de questions pour guider leur activité (une heure trente).

      J’envisage un rendez-vous avec eux en classe virtuelle via le CNED. Problème : comment faire un cours de philosophie à distance ? Le cours de philosophie suppose un temps de travail et de réflexion des élèves, qu’ils peuvent faire en « autonomie guidée » (les vidéos avec les questions à préparer), mais il suppose aussi un dialogue avec la classe. Cela peut-il fonctionner en classe virtuelle ? Que faire si je n’ai aucune réaction en face de moi ? Vais-je discourir toute seule devant mon écran ? Cela n’a aucun sens.

      Comment lire avec eux un texte ? Comment construire avec eux un problème ? Comment faire sans les visages ?

      Je me propose de donner tout de même rendez-vous aux élèves pour tester le dispositif demain, et pouvoir les écouter et répondre à leurs questions.

      Test du dispositif classe virtuelle chez moi (une heure) : problème de son. Je ne peux ni recevoir, ni émettre.

      J’arrête à 19h00 : ma séquence pour demain n’est pas prête. Je n’ai pas non plus pu adapter le cours que je me proposai d’envoyer à mon collègue : ce sera pour vendredi.

      Copies non corrigées : je culpabilise.

      Bulletins pas encore remplis : je culpabilise.

      Je consulte la messagerie professionnelle.

      Pas de retours d’exercices d’élèves sur l’ENT.

      22h05 : mail d’un élève qui m’annonce qu’il m’envoie son exercice. Pas de pièce jointe.

      22h06 : la pièce jointe.

      22h30 : j’essaie de lire, je n’y arrive pas. Trop de tension, c’est la surchauffe.

      Le bruit commence à courir que l’année scolaire pourrait être prolongée, le bac reporté en juillet…

      VENDREDI :

      Nouveau visionnage des vidéos que j’ai sélectionnées pour les élèves de première. Le deuxième documentaire que j’avais sélectionné n’est plus accessible : il me faut en choisir un autre.

      Vont-ils pouvoir consulter l’ENT, lire les vidéos ? Seront-ils au rendez-vous tout à l’heure ? Aurais-je du son ?

      Ou bien : est-ce que j’aurais travaillé plusieurs heures pour rien ?

      Invitation lancée à mes collègues pour une réunion syndicale, par téléphone, lundi prochain à 16h30 : il faut que l’on puisse réfléchir ensemble à ce que l’on est en train de faire, à ce que l’on nous demande, aux limites que nous rencontrons, et à celles que nous devons poser. Reprendre une réflexion collective et politique.

      Je reçois encore quelques exercices d’élèves, par des canaux différents. Les élèves n’ont pas respecté la consigne de les envoyer sur l’ENT. Pas pu ? Heureusement qu’il n’y en a pas trop : il me faudra vite les classer.

      Une collègue a ouvert un forum de discussion à destination de ses élèves sur l’ENT. Je fais de même pour trois de mes classes, afin de pouvoir répondre à leurs questions et être informée de leurs problèmes matériels. Les questions arrivent tout au long de la journée, sur tous les sujets, et pas seulement celui de la philosophie…

      Des collègues témoignent sur les réseaux sociaux de chefs d’établissements qui leur demandent des preuves de leur travail : horaires de connexion, échanges par mail, par téléphone avec les élèves, fiches de préparation. Ça y est, l’institution retrouve de sa vigueur, la grande surveillance va tenter de se mettre en place. L’institution n’est pas bienveillante. L’institution n’a aucune notion de la confiance. L’institution est aveugle et méfiante.

      13h30. Je m’installe dans ma classe virtuelle. Déconnexion toutes les quarante secondes. Je revisionne une dernière fois les vidéos. Je télécharge les documents que je souhaite partager avec la classe.

      Déconnexion.

      14h30 : Top départ : c’est l’heure du rendez-vous avec les élèves. J’ai le trac.

      J’essaie d’ouvrir ma session, et je reçois le message selon lequel je suis déjà connectée.

      Je réessaie. Dix fois. Je suis déconnectée. Je suis déjà connectée. Déconnectée. Je redémarre l’ordinateur : je suis déjà connectée.

      A 14h45, je reçois un mail d’une élève sur l’adresse mail de secours. Elle ne parvient pas à se connecter. Elle reçoit un message qui lui indique qu’elle est déjà connectée. Nous tournons en rond. Nous finissons par comprendre que nous avons le même lien, et que personne ne peut se connecter…

      Je vérifie : sur mon bloc note, j’ai effectivement deux fois le même lien. Je recherche le mail de confirmation d’inscription reçu du CNED : la messagerie académique ne fonctionne pas.

      Et puis tout d’un coup j’ai mal au dos. Grosse montée d’angoisse. Je devrais sortir, mais, dehors, c’est tellement désespérant.

      J’imagine une « manifestation fantôme » : nous irions à notre tour déposer nos pancartes, nos gilets jaunes, sur une place, au pied des arbres. Demain ?

      https://blogs.mediapart.fr/arielle-kies/blog/200320/ma-vie-de-prof-mise-distance-premiere-semaine

    • Bonjour

      En tant qu’enseignant-chercheur, j’approuve sans réserve la lettre de l’enseignante postée plus haut sur ses interrogations à propos de ce qui se passe du côté des étudiant⋅e⋅s. Du côté des enfants je n’ai pas de souci particulier, j’ai mon fils à la maison, mais c’est un « grand » de terminale, il ne réclame pas une attention constante.

      Pour en revenir au chapitre des étudiant⋅e⋅s, il y a plusieurs choses qui me chiffonnent. J’ai monté dans l’urgence tout un tas de dispositifs pour essayer de continuer à faire mes TP (j’enseigne l’info en IUT, et en ce moment j’ai une longue période de TPs, en programmation, et en administration système, pour ceux qui connaissent). Je passe sur les aspects techniques qui sont hors-sujet dans cette discussion, pour perler du lien aux étudiant⋅e⋅s.

      Le premier jour (mercredi dernier donc) j’ai du avoir 95% de taux de présence et beaucoup d’interaction. En gros : ils ou elles accédaient à distance à une de nos salles à l’université, ce qui était déjà tout un souk, tout en pouvant interagir avec moi par chat, et quand je voyais qu’un problème ou une question était récurrente, je faisais un petit billet sur un forum dédié pour que ça serve aux suivants. 4 groupes dans la journée, 2h chacun. À la fin j’étais nerveusement épuisé, vidé.

      Jeudi j’ai du avoir a peu près le même taux de présence, peut-être un peu moins (même matière, même nombre de groupes). Même état d’épuisement à la fin.

      Vendredi c’était programmation, 4 groupes toujours, elles ou ils bossent chez eux, interagissent par chat (+forum là aussi pour globaliser et pérenniser les retours), me déposent des travaux à évaluer sur un ensemble de points de dépôt correspondant à des étapes dans le projet qu’ils doivent réaliser. 50% de présence... J’appréhende la semaine prochaine, et j’ai pas envie de jouer au flic.

      Bon, tout ça c’est essentiellement du factuel. Ce que je retire de tout ça maintenant : Le « groupe de tête », celles et ceux qui sont toujours en avance sur les autres, s’accommode fort bien de ce mode de fonctionnement. Ils ou elles adorent même. De toutes façon celles ou ceux-là, je pense que tu peux avoir n’importe quelle attitude pédagogique, ils ou elles sont quasi autonomes dans l’acquisition des connaissances. Je dis bien quasi, parce que je sais aussi le nombre de trucs qu’ils ou elles croient savoir et que je corrige mine de rien.

      Vient la masse de celles et ceux pour qui ça se passe pas trop mal, à des degrés divers. Ils avancent à peu près correctement. C’est plus compliqué avec celles et ceux-ci, par manque d’interaction, c’est pas immédiat le chat, et puis ça permet pas tout, et puis je peux pas d’un coup attraper un feutre pour aller gribouiller un truc au tableau. Voilà c’est ça : je ne peux pas alterner mode individuel et mode groupe comme je veux. C’est pas possible. Donc je répète sans arrêt les conseils, je fais les mêmes réponses à x étudiants. C’est extrêmement usant. J’ai beau essayer d’amortir ça en me servant du forum pour faire remonter des informations synthétisées à tou⋅te⋅s, c’est usant.

      Et puis il y a celles et ceux qui s’accrochent mais ont de réelles difficultés pour plein de raisons, personnelles (problèmes de communication, problèmes familiaux...). Là c’est terrible, parce-que tu les sens partir. Tu les sens glisser alors que quand tu les as devant toi tu peux les maintenir à flot, parce que tu es présent, tu as un lien avec eux et tu peux les encourager, d’un mot, d’un geste, d’un regard, de petits riens de la communication qui changent absolument tout. Et là je les vois s’éloigner, et je crains la semaine qui vient, en me demandant combien je vais en perdre d’autres.

      Je pourrais aussi parler de l’étudiant qui m’écris pour me dire qu’il est pompier volontaire et donc réquisitionné, et donc qu’il ne pourra pas suivre mes TP en ligne ; celui qui bosse dans une supérette et qui a aussi été réquisitionné (je vous laisse apprécier la différence entre ces deux réquisitions... le deuxième j’ai été très tenté de lui répondre qu’il devrait foutre son poing dans la gueule de son patron).

      Le vendredi d’avant le confinement, lors de la dernière journée de TP, j’ai demandé aux étudiant⋅e⋅s qui n’auraient pas accès à un ordinateur de tout suite prendre contact avec moi. Je n’ai pas eu de retour, est-ce que ça veut dire qu’il n’y en a pas, je ne sais pas.

      Ce que je sais c’est qu’au final cette histoire de continuité pédagogique c’est la continuité du hamster dans sa roue : on essaie de se persuader qu’on va continuer « presque comme avant », mais en réalité on fait du tri social : les plus faibles vont dégager, sauf que c’est rendu invisible par l’interface technologique. Mais ça va tout à fait dans le sens de l’université voulue par les peigne-culs qui nous gouvernent : le high-tech pour les classes aisées, la caisse du supermarché pour les autres. Le tri social par l’accès aux technologies, et le recul de la réflexion sur le savoir : tournez petits hamsters.

      Bon voilà. En relisant je me dis que c’est un peu le bordel ce texte, je crois que j’avais besoin de dire tout ça, mais maintenant il faudrait faire le tri et revoir le tout sous plusieurs angles.

      Si vous aussi vous êtes confrontés au télé-enseignement j’aimerais bien avoir votre avis et le récit de votre vécu.

    • A la «continuité», le CDNT répond «solidarité» !

      En pleine crise sanitaire, alors que nous devrions tout faire pour faciliter la vie des plus vulnérables d’entre nous, l’injonction à la "continuité" pédagogique tient de l’acharnement. Or, nous ne pouvons accepter de sacrifier nos conditions de travail et les conditions de vie de nos étudiant.e.s pour satisfaire à la seule rhétorique guerrière de nos pouvoirs publics.

      De toute évidence, la pandémie de Covid-19 est une crise sanitaire sans précédent qui exige des mesures économiques et sociales exceptionnelles, à l’instar de ces mesures de confinement que nous nous devons de respecter dans l’intérêt de tou.te.s. Cependant, si la situation est exceptionnelle, nous ne pouvons tolérer que des décisions puissent être prises sans respect du cadre démocratique et du dialogue social. Ainsi, si nous souhaitons bien évidemment que ce temps de confinement soit dédié au partage et à la solidarité, l’injonction à la « continuité pédagogique » qui nous est faite par le gouvernement, et relayée localement par la présidence de notre établissement et nos directions de composantes nous semble complètement déconnectée de la réalité présente et des enjeux actuels. Elle n’est ni réalisable, ni souhaitable, tout en n’ayant pas fait l’objet d’une réelle consultation préalable des équipes pédagogiques et administratives et de leurs organisations représentatives.

      Déconnectée, tout d’abord, parce qu’au moment où nous devons organiser localement de nouvelles solidarités pour faire face au défi posé par le Covid-19 (pour nos familles, pour nos proches, pour nos voisin.e.s, et notamment pour les plus vulnérables d’entre elleux), le maintien d’une activité d’enseignement à distance n’est pas une priorité. Nous ne considérons pas l’enseignement et la recherche comme des activités non-essentielles ; au contraire, nous nous battons depuis des années pour que celles-ci puissent être exercées dans des conditions dignes, et puissent occuper une place d’autant plus importante dans notre société. Mais s’acharner à vouloir « enseigner » alors que nos étudiant.e.s et nous-mêmes avons certainement d’autres priorités tiendrait, pour reprendre ce terme à un camarade strasbourgeois syndiqué au SNESUP, de « l’indécence »[1].

      Irréalisable, ensuite, parce que nous ne disposons pas des moyens adéquats pour maintenir notre activité là où personnels et étudiant.e.s sont inégalement équipé.e.s et disponibles pour enseigner et apprendre. Qu’en est-il de la fracture numérique, là où nous savons qu’une part non-négligeable de nos étudiant.e.s, parmi les plus précaires, ne sont pas équipé.e.s d’ordinateurs personnels à domicile ? Qu’en est-il de la qualité du suivi, quand la principale alternative semble être la seule mise en ligne de nos cours sur une plateforme numérique (ce qui pose des problèmes de propriété intellectuelle au demeurant) ? Qu’en est-il de la qualité du travail, quand nous devons parfois nous occuper de nos enfants ou des personnes les plus vulnérables de notre entourage ?

      Et si cette « continuité pédagogique » n’est pas souhaitable, c’est parce qu’elle s’inscrit en faux avec tout ce pour quoi nous nous battons afin d’améliorer nos conditions de travail et d’étude dans l’ESR. Elle est à la fois un dévoiement du sens de notre métier, qui est un métier de contact et d’accompagnement qui ne saurait être réduit à la seule production de contenus, et une attaque contre nos conditions de travail, en nous imposant une organisation du travail à laquelle nous n’avons pas consentie et qui est inadaptée aux enjeux réels de l’Université.

      Signalons par ailleurs que la dématérialisation de l’enseignement est l’un des objectifs des réformes successives que l’université publique subit depuis plusieurs années. Montrer que notre métier est « dématérialisable », c’est aussi accepter les suppressions de postes que nous connaissons déjà et que nous connaîtrons encore avec cette gestion néo-libérale de l’ESR.

      Nous continuerons à être en contact avec nos étudiant.e.s. Mais si nous le faisons, c’est pour construire de nouvelles solidarités à un moment où nous en avons tou.te.s particulièrement besoin. Nous continuerons à construire l’université publique que nous désirons : une université ouverte et démocratique. Mais nous refusons d’être les promoteur.ices d’une université marchande réduite à la seule production industrielle de connaissances scientifiques. Nous refusons de sacrifier nos existences et celles de nos étudiant.e.s avec pour seule finalité celle de continuer pour continuer. Nous refusons enfin de fermer les yeux sur les profondes inégalités qui existent au sein du corps étudiant et que nous ne ferons qu’aggraver en défendant cette forme d’enseignement à distance : si nous devions défendre l’enseignement à distance, ce serait sous la forme d’un suivi particulier, notamment à destination des personnes qui ne peuvent se rendre à l’Université, mais celui-ci nécessite des moyens dont nous ne disposons pas en l’état.

      En somme, la crise sanitaire actuelle, bien loin de suspendre les enjeux politiques et sociaux face auxquels nous nous engageons depuis plusieurs années, et en particulier depuis le mois de novembre, les exacerbe. Cette situation, d’ores et déjà dénoncée par de nombreux collectifs étudiants, n’est pas digne de notre institution.

      Les inégalités sociales et la précarité étudiante et enseignante continuent d’être pensées "au cas par cas" alors qu’elle constitue une problématique sociale, structurelle que l’ESR semble vouloir continuer d’ignorer. Les réformes en cours, bien que "suspendues" ou "reportées" présentent toujours un danger pour l’avenir de nos retraites, de nos parcours professionnels, et pour l’enseignement et la recherche. Par conséquent, la rétention des notes engagée au premier semestre pour toutes ces raisons reste d’actualité. Nous ne nous "encombrerons pas des casseroles" de celleux qui considèrent à la fois qu’il faut continuer le travail pédagogique et clôturer les luttes engagées jusque-là. Si besoin, nous continuerons de communiquer ces notes aux étudiant.e.s qui en font la demande et nous pourrons faire des attestations au cas par cas si celles-ci sont nécessaires dans le cadre de candidatures à des formations ou de démarches administratives.

      Pour terminer, nous serons vigilant.e.s. à ce que les personnels les plus précaires, les personnels vacataires, soient bel et bien rémunéré.e.s pendant cette période de confinement. Nous demandons à ce titre le versement rapide de leurs salaires dus et que la mensualisation soit effective et scrupuleusement respectée en cette période où ielles en ont plus que besoin, ainsi qu’à l’avenir. Nous serons également vigilant.e.s à ce que cette période ne soit pas l’occasion pour certain.e.s de sanctionner et de contrôler d’autant plus nos collègues. Nous appelons par ailleurs à l’annulation des examens et autres modalités d’évaluation au profit d’une validation du semestre avec une note unique (18/20) pour tou.te.s, ceci en considérant l’impossibilité de garantir des conditions d’examen égalitaires. Enfin, nous souhaitons faire part de notre solidarité à celleux qui luttent au quotidien contre cette crise sanitaire, les personnels de santé, mais aussi les personnels d’entretien, de la distribution, et tous.tes celles.eux qui aident, par leur travail trop souvent invisibilisé, à faire face à cette crise dans les meilleures conditions.

      Force à elles et eux au cours des prochaines semaines !

      Le collectif des doctorant.e.s et non-titulaires de Lyon 2

      https://blogs.mediapart.fr/enseignant-vacataire-en-greve-lyon-2/blog/200320/la-continuite-le-cdnt-repond-solidarite

    • « Restez chez vous » mais « continuez l’activité » : trois temps d’une lecture syndicale pour un paradoxe de crises

      Dans le cadre de la pandémie du COVID-19, nous ne pouvons que saluer la décision du gouvernement de protéger les étudiants et les personnels de l’université, en privilégiant le télétravail pour le plus grand nombre et en accordant des autorisations spéciales d’absences aux personnels lorsque le télétravail n’est pas possible. Nous soutenons de tout cœur les personnels amenés à continuer à se rendre au travail, pour assurer les fonctions vitales de notre Université.

      Cependant, les injonctions du gouvernement sont à la fois « restez chez vous » et « continuez l’activité », et ce paradoxe demande réflexion. La vie de notre université doit effectivement continuer, mais la crise et les réponses gouvernementales et locales appellent des actions et des propositions.

      Dans une demande certaine d’unité nationale, les organisations syndicales continuent à avoir des choses à faire et à dire. Le paradoxe des injonctions gouvernementales contradictoires, ancré dans des crises multiples, nous semble appeler trois temps d’une lecture syndicale, pour aujourd’hui, pour hier et pour demain.

      Aujourd’hui, et dans les jours et les semaines à venir, l’heure est à l’action pour organiser la vie de et dans notre université. Nous saluons et appuyons la volonté des équipes de direction de l’Université de fournir une réponse cohérente et précise qui permette à chacun de s’adapter au mieux aux conséquences graves de cette crise. Concrètement, nous sommes engagés dans cette réponse collective, comme tous les membres de notre communauté académique, mais aussi comme élus au CT, au CHSCT, aux conseils centraux, et comme organisation syndicale. Nous avons porté au CT dématérialisé de ce lundi 23 mars à l’UGA et en réunion intersyndicale avec la présidence de Grenoble-INP un certain nombre de questions portant sur les points suivants :

      · Continuité des rémunérations – Nous saluons les engagements pris par l’UGA et de Grenoble-INP pour garantir la continuité des rémunérations, pour les titulaires, les contractuels et les vacataires. Un problème subsiste concernant les gratifications de stages : en effet, les stages en cours peuvent être arrêtés à la demande des structures d’accueil, ce qui suspend de fait le versement des gratifications. Nous demandons que l’établissement mette en place des aides individualisées, comme le prévoit la "FICHE 6 stage" du courrier du ministère du 17 mars 2020 et conformément à l’article L. 821-1, alinéa 2, du Code de l’éducation.

      · Fracture numérique – Des dispositifs sont mis en place à Grenoble pour tenter de venir en aide aux étudiants confinés dans leur famille, en colocation ou dans les résidences universitaires, mais, à notre connaissance, ceux-ci sont disponibles uniquement par internet (pour le moment). Comment aider les étudiants dénués d’accès à l’internet ? (dans leur vie quotidienne et dans le cadre de leurs études). L’enquête de l’UGA a recensé 45 étudiants dénués d’ordinateur pour suivre les cours. L’UGA leur fournira une tablette afin qu’ils puissent travailler. Cependant, ce nombre nous semble sous-estimé, étant donné que le recensement des étudiants n’est pas terminé dans toutes les composantes.
      Cette fracture touche aussi certains personnels qui -même s’ils ont pu bénéficier des mesures facilitant le télétravail mises en place à l’UGA- n’ont pas forcement tous une connexion internet haut débit, une imprimante, etc… Plus globalement, les outils de travail collaboratifs sont saturés (par exemple, ENT, framapad). Comment envisager la « continuité » du travail dans un cadre aussi inégalitaire ? Ne faudrait-il pas nous concentrer sur l’absolu nécessaire, en acceptant pleinement l’idée que nous travaillions en mode « dégradé » ?

      · Conditions de travail des personnels – Les personnels sont invités à continuer leurs activités administratives. Au-delà d’une simple « relocalisation de l’activité » (de l’université vers la maison), il s’agit d’un changement radical de l’environnement de travail, dans lequel les collectifs de travail sont disloqués et les individus se retrouvent bien souvent livrés à eux-mêmes. Comment organiser des réponses collectives, comment bien répartir les situations et la charge de travail ? Et les conditions de sécurité des personnels qui doivent aller travailler à l’UGA, sont-elles suffisantes, adaptées et respectées ?

      · Continuité pédagogique – Les enseignants sont appelés à assurer la « continuité pédagogique ». Mais comment transposer les cours, travaux dirigés et travaux pratiques, initialement élaborés pour du présentiel, en un contenu à distance, avec une situation dégradée sur le plan pédagogique, qui fait fi de la nécessaire interaction collective ? Comment corriger les inégalités d’accès aux enseignements (que crée cette situation de confinement) pour nos étudiants ? Pouvons-nous décemment organiser des examens ou des évaluations dans ces conditions (comme le prévoit le ministère en proposant de recourir à des sociétés privées pour organiser des examens « dématérialisés ») ? Comment empêcher que les étudiants ne se découragent et n’abandonnent leurs études ? Ces questionnements sont tout à fait en phase avec les inquiétudes légitimes de nos étudiants (voir communiqué en pièce jointe) et nous demandons à la présidence d’y répondre.

      En général, nous insistons sur la nécessité d’alléger le programme des UE, sur le besoin de flexibilité des emplois du temps (par exemple, ne pas suivre forcément les calendriers de cours tels que prévus sur ADE avant le confinement), sur l’utilisation de moyens les plus simples et les plus légers possible pour enseigner à distance, et bien sûr nous insistons pour ne pas contrôler l’assiduité des étudiants lorsqu’ils se connectent aux plateformes numériques (et nous nous opposons à tout moyen de pression à destination des étudiants en général). Des dispositions particulières pour les examens devront aussi être trouvées, afin de ne pénaliser aucun·e étudiant·e face à la fracture numérique.

      · Appels à projets – Les chercheurs et enseignants-chercheurs doivent-ils continuer à répondre aux appels à projets (deux appels IDEX pour la mobilité internationale ont été lancés la semaine dernière, ainsi qu’un appel de Grenoble INP sur les dispositifs bourses présidence …) ? Ces appels ne sont-ils pas un peu « décalés » dans le contexte de confinement global de la population ? Plus généralement, faut-il maintenir la compétition entre collègues ou, au contraire, l’université doit-elle assurer la solidarité entre les personnels qui voient leurs recherches arrêtées, avec parfois des répercussions qui s’étaleront sur plusieurs mois, voire quelques années ?

      · Accréditations – Le report d’un mois de la remontée des dossiers HCERES annoncée par le ministère est une bonne nouvelle mais ne suspend pas le travail. Les responsables pédagogiques doivent-ils continuer d’assurer la préparation de la prochaine accréditation (qui plus est anticipée par rapport aux autres établissements de la vague A) ? doivent-ils dès maintenant organiser la rentrée 2020 comme prévu ? Les contenus ne devront-ils pas être adaptés en septembre, pour tenir compte de la période de confinement et de la dégradation des conditions d’études de nos étudiants ? Et vu des nombreux incidents qui émaillent l’usage des environnements numériques de travail dans les établissements du second degré (voir cet article), ne serait-il pas urgent d’obtenir de la ministre la suspension du processus Parcoursup, comme de toutes les procédures d’inscription en ligne (ecandidat, PEF) dont l’accès n’est plus garanti pour tout le monde ?

      Mais la situation d’aujourd’hui ne peut s’analyser sans revenir dès à présent sur ce qu’était celle d’hier. Dans le domaine de la santé, la solidarité et l’immense respect qui accompagne le dévouement sans limites des personnels hospitaliers ne peut se passer du rappel de la déshérence organisationnelle et matérielle dans laquelle l’hôpital public est placé depuis des années. Dans le domaine de l’éducation, dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche, le dévouement des enseignants, des enseignants chercheurs, des chercheurs, des personnels techniques et administratifs pour assurer un minimum de continuité de service ne peut masquer l’incompréhension et la colère qui ont monté depuis des mois face à une politique gouvernementale à la fois libérale et autoritaire, sure d’elle-même et systématiquement sourde et méprisante face à toutes les analyses et revendications portées par les personnels. Jour après jour et depuis des mois, jusqu’au 13 mars, date du début des annonces qui ont mené au confinement que nous connaissons, nous avons dénoncé des projets de loi construits sur les inégalités et la mise en concurrence et en opposition des individus à tous les niveaux. Plus que jamais, ce qui était et reste dans les cartons du gouvernement, retraite à points, LPPR, doit être dénoncé et combattu. Plus que jamais, la défense du service public, de l’hôpital, de l’éducation, de la formation, de la recherche, des transports, de l’énergie, de la culture, du sport, est nécessaire, et nos luttes d’hier construisent, à travers les grandes difficultés d’aujourd’hui, les transformations nécessaires de demain.

      Car effectivement, il va bien falloir penser à demain. Même si nos énergies sont tendues aujourd’hui dans l’engagement individuel et collectif, le souci des proches, la solidarité au quotidien, demain est déjà en vue, et peut proposer le meilleur comme le pire.

      Le meilleur, ce serait que cette pandémie dramatique permette enfin d’affronter les autres crises qui nous menacent, au-delà de la crise sanitaire et de la crise économique – crise climatique, crise démocratique qui oppose des gouvernances inflexibles à des populations qui veulent changer de modèles. Le meilleur, ce serait dans l’ESR de prendre enfin la mesure de ce que devrait être une formation universitaire démocratique et ouverte, une recherche collaborative et libre au service de la société. Le meilleur pourrait être, à l’UGA, de redéfinir comment notre « université d’excellence » constamment soumise aux directives de l’IDEX pourrait redevenir une communauté académique sachant réfléchir collectivement à ses fonctionnements, à ses stratégies et à l’utilisation de ses moyens, et comment l’UGA pourrait construire un plan d’urgence à destination des personnels et des étudiants permettant un redéploiement des ressources de l’IDEX et de l’ANR pour mieux assurer les besoins « de base » de l’université.

      Mais demain peut aussi nous apporter le pire. Les crises fournissent des occasions fortes, pour des lobbys bien organisés à proximité des pouvoirs, de rebattre fortement et durablement les cartes dans une « stratégie du choc » bien décrite par ailleurs (voir ici). Demain est déjà en préparation dans la loi d’urgence du gouvernement, avec des évolutions dangereuses et potentiellement durables de nos conditions de travail (voir ici et là).

      Le débat commence, nous proposons à chacun d’y participer et de ne pas abandonner, dans les solidarités conjoncturelles d’aujourd’hui, la construction de solidarités plus profondes qui devraient être celles de demain …

      Nous appelons nos collègues et nos étudiants à rejoindre toutes les formes de solidarité qui sont en train de se construire : les démarches collectives qui retissent un "tou·te·s ensemble" et toutes les formes d’expression pour soutenir les personnes qui assurent la continuité des soins et de la vie quotidienne, ou analyser sans complaisance les risques de décisions d’un gouvernement "guerrier" sont notre meilleure réponse au confinement !

      Reçu par mail du syndicat SNESUP-FSU, le 23.03.2020

    • Communiqué signé par l’Association 11ème Thèse, la section CNT Sup Recherche Bordeaux, le Collectif Marcel Mauss, le collectif des Précaires de l’ESR de Bordeaux, SOlidaires étudiant-e-s Bordeaux ainsi que SUD Recherche Bordeaux :

      Nous ne sommes pas en guerre, restons vénères et solidaires !

      On s’y attendait : Macron a ordonné le confinement généralisé de la population à compter du mardi 17 mars à midi. Cette mesure fait suite à la décision, jeudi dernier, de fermer tous les établissements scolaires et tous les établissements de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) à compter du lundi 16 mars, puis à celle du vendredi 13 mars, d’interdire tout rassemblement de plus 100 personnes.

      Ces réponses à la crise sanitaire causée par l’épidémie du Covid-19 cachent mal le fait que cette crise n’est en rien le fruit d’un hasard malheureux. Il s’agit d’une crise sanitaire mais également et surtout d’une crise systémique. Les gouvernements néolibéraux précédents et actuels, ici comme ailleurs, ont participé à en créer les conditions par leur inaction écologique, leurs politiques anti-sociales qui accroissent la vulnérabilité des plus fragiles, et leur démantèlement des services publics de santé. Comme de nombreux chercheurs l’affirment [1], cette crise résulte d’un système d’exploitation de la nature et des humains : la perte de biodiversité liée à la destruction des habitats naturels, l’urbanisation débridée, les élevages industriels intensifs ; autant de facteurs qui concourent aux développements de zoonoses (c’est-à-dire de maladies transmissibles entre animaux humains et non humains) par une promiscuité croissante entre espèces sauvages et domestiques et à la propagation de maladies infectieuses, dont le nombre de crises se multiplient de manière inquiétante à travers le monde ces dernières années (SRAS, grippe aviaire, Ebola, Covid-19, etc.). Par ailleurs, l’amenuisement du soutien à la recherche fondamentale publique, que manifeste la politique de suppression de postes et de réduction des budgets, a conduit à une situation de vulnérabilité face aux risques sanitaires qui aurait pu être évitée [2]. La crise actuelle est le résultat de politiques de démantèlement et de privatisation des services publics de recherche, de santé et d’éducation.

      Les mesures prises dans l’urgence, en décalage avec les
      recommandations de l’OMS et dans la cacophonie d’un gouvernement qui semble ne rien maîtriser de la situation, ne font qu’aggraver la situation des plus précaires et des plus vulnérables. A cela s’ajoute, le tournant autoritaire et répressif que prend l’opération de confinement ordonnée par le gouvernement. Tandis que 100 000 policiers et gendarmes sont déployés dans les rues pour contrôler et mettre des
      amendes à celles et ceux qui ne respecteraient les normes du
      confinement, le mot d’ordre « Restez chez vous » n’empêche pas les employeurs d’imposer aux travailleu.r.se.s des conditions de travail qui mettent en danger leur vie et la santé.

      La mise en place de « plans de continuité d’activités pédagogiques » alors même que les universités sont fermées compte parmi les mesures qui sont en total décalage avec l’urgence de la situation des étudiants et personnels les plus précaires et vulnérables. Cette exigence de continuité pédagogique par voie numérique que cherchent à mettre en place les universités et le ministère de l’éducation nationale relève en effet d’une fausse logique : celle de maintenir « coûte que coûte » un système social et économique qui étale pourtant au grand jour son inadéquation et ses injustices. La précarité n’est pas seulement un concept mais une réalité qui affecte la plupart d’entre nous de façon croissante : c’est l’impossibilité de s’en sortir quand on perd ses maigres sources de revenus en tant qu’étudiant.e salarié.e ; c’est
      l’isolement psychologique et social quand on est étudiant.e étranger.e sans structure de soutien ; c’est l’exposition aux risques sanitaires quand on est personnel BIATSS ; c’est le risque de ne pas être payé quand on est personnel précaire, etc. Ceci expose clairement l’aveuglement du gouvernement actuel qui ne prend aucunement la mesure
      de la nature des problèmes économiques, sociaux et sanitaires que pose l’épidémie du Covid-19.

      L’urgence pour une grande partie des étudiant.e.s aujourd’hui, c’est d’abord le besoin de structures solidaires pour s’alimenter ou se procurer des produits de première nécessité. Il est absolument vital de fournir des autorisations de circuler aux associations et de mobiliser l’entraide. En ces temps de crise, il relève de la responsabilité du
      CROUS de maintenir des distributions de nourriture par solidarité avec les étudiant.e.s en manque de revenus, isolé.e.s psychologiquement, socialement et géographiquement. Rappelons que la moitié des étudiant.e.s doivent travailler pour subvenir à leurs besoins et se retrouvent par conséquent dans une situation critique, en particulier les étudiant.e.s résidant dans des logements du CROUS et les étudiant.e.s étranger.e.s. Sans plus de sources de revenus, sans possibilité d’êtres aidé.e.s par leurs familles, et sans une aide
      sociale d’urgence, les étudiant.e.s vont être les premier.e.s à pâtir d’une longue situation de confinement. Les risques psycho-sociaux pour des étudiant.e.s déjà précarisé.e.s et isolé.e.s sont importants.

      À cet égard la volonté de continuité pédagogique paraît bien loin des réalités du terrain, sans compter qu’elle provoquera une rupture d’égalité, qui accentuera encore la situation de précarité des plus fragiles. Pour rappel en effet, une partie importante des étudiant.e.s salarié.e.s ou des étudiant.e.s résidant dans des logements du CROUS n’ont pas d’accès personnel garanti à internet, ni même d’ordinateur
      portable individuel. Les plus isolé.e.s sont éloigné.e.s de leurs
      familles et n’ont pas d’accès aux ressources culturelles (bibliothèques fermées, peu ou pas de livres sous la main, etc.) pourtant nécessaires
      pour assurer des conditions matérielles et psychologiques propices au suivi de cours numériques et à la préparation des examens. Le simple accès à leur messagerie, essentiel pour être informé.e des directives de la présidence ou de leurs enseignant.e.s, leur est compromis.

      À cet égard, sur le campus bordelais, des personnels et étudiant.e.s mobilisé.e.s ce lundi 16 mars ont pu recueillir des témoignages directs de la détresse des étudiant.e.s qui se sont trouvé.e.s dans l’impossibilité de s’approvisionner (isolement sur le campus, étudiant.e.s étranger.e.s esseulé.e.s, étudiant.e.s se retrouvant sans revenus, structures du CROUS fermées pour l’alimentation, etc.). Plus de 160 étudiant.e.s ont pu être aidé.e.s en urgence pour des besoins de première nécessité, mais c’est une réponse hélas bien dérisoire au regard des dizaines de demandes locales qui ne cessent d’affluer.

      Pour ce qui est des personnels précaires de l’ESR, il est aberrant que la production de cours numériques par télétravail soit exigée de la part des enseignants vacataires. En effet, non seulement, pour le moment, aucune garantie n’a été donnée concernant le paiement de leurs services, mais encore, les moyens techniques fournis par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas adaptés. Qu’en est-il par ailleurs de la prise en charge des coûts matériels et
      économiques liés au télétravail (ordinateur adapté, accès internet, logiciels payants, imprimante et scanner pour la correction d’éventuels travaux, etc.) ? Dans la situation actuelle, des règles strictes encadrent le télétravail (horaires, jours travaillés, matériel, etc.) et les droits des travailleur.ses doivent être respectés [3][4]. Concernant les personnels BIATSS, et notamment les personnels de nettoyage et de maintenance, les risques sanitaires doivent être précisément évalués et des moyens alloués pour assurer leur sécurité,
      puisque l’injonction qui leur est faite de se rendre sur leurs lieux de travail et la nature de leurs tâches les exposent plus que jamais.

      Au vu des manquements, des risques sanitaires et psycho-sociaux, des précipitations et des incohérences dans les mesures prises, souvent dans la poursuite d’intérêts économiques supposés et jamais dans l’intérêt des travailleur.ses, personnels et étudiant.es, nous appelons tous les personnels précaires et titulaires de l’ESR à exercer leur droit de retrait !

      Si elle rendra d’autant plus manifestes et critiques les situations de précarité économique, psychologique et sociale, la crise du Coronavirus ne doit pas nous faire oublier ni arrêter le combat mené contre la réforme des retraites et la réforme de l’ESR.

      Précaires de l’ESR de Bordeaux, nous renouvelons l’appel au droit de retrait de tous les personnels et à la grève de toutes et tous ! Libérons-nous du temps, mobilisons-nous dans l’entraide aux étudiant.e.s les plus démuni.e.s et isolé.e.s et non pour des « cours numériques » ou pour la préparation d’examens dans ces conditions iniques et selon un calendrier hypothétique !

      Face à la crise actuelle maintenons une vigilance à tous égards pour les travailleurs.ses précaires et vulnérables ! Faisons respecter nos droits et intensifions la lutte contre un système qui nous rend vulnérables !
      Seule une stratégie de solidarité pourra nous permettre de faire face à la crise du Covid-19 et de faire plier le gouvernement ! Tou.te.s pour l’abrogation de la LPPR et du projet de réforme des retraites !!! Une fois le confinement levé, ne nous laissons pas endormir et réinvestissons nos lieux de travail et la rue au service de la lutte sociale ! Penser la suite demande de s’engager maintenant !

      Sources :
      [1]
      https://charliehebdo.fr/2020/02/societe/la-crise-de-la-biodiversite-favorise-les-maladies-infectieuses-emergent
      [2]
      https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-science-fondamentale-est-notre-meilleure-assurance-contre-les-epid

      [3]
      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035994394&categorieLien=id

      [4]
      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032036983&categorieLien=id

    • Les étudiants face à la pression scolaire : « je n’ai jamais eu autant de travail que depuis le confinement »

      L’Université a affiché cette semaine sa priorité : la « continuité pédagogique », sans considérer les inégalités entre les étudiants, que ce soit au niveau sanitaire, des conditions de confinement ou d’accès aux matériels informatiques : témoignages d’étudiants de l’Université Paris 1 confinés.

      La « continuité pédagogique », c’est tout ou rien : #surcharge_de_travail ou silence Radio du corps enseignants. De la même manière qu’elle avait maintenu des partiels en période de grève, l’université, toujours sous couvert de sa « valeur du diplôme », s’acharne à maintenir une #notation plutôt que de dispenser un enseignement.

      A Paris 1, malgré les directives de la Présidence, les étudiants sont soumis aux exigences inégales de leurs professeurs. La plupart font reposer sur leurs chargés de TD la tâche de rassurer les étudiants, sans leur donner de réelles informations à communiquer. S’il faut reconnaitre que certains ont assoupli le contrôle continu, en évaluant sur la base du volontariat, la majorité laisse les étudiants totalement livrés à eux même.

      Comme le témoigne Maria et Irene* (les prénoms ont été modifiés), étudiantes en Droit, le #stress et la pression sont décuplés : « je suis plus stressée qu’en présentiel. Sous prétexte d’une soi-disant #valeur_du_diplôme, on autorise ce genre de conditions. Il est temps que les étudiants se fassent entendre, on n’est pas des robots ».

      Alors que les étudiants se retrouvent dans des situations très inégalitaires, et que les pressions de la #sélection pèsent sur les élèves, les règles sont pourtant les mêmes pour tout le monde : « je n’ai jamais eu autant de travail que depuis le confinement. Entre les préparations de TD notées, à rendre à heures fixes, auxquelles s’ajoutent les devoirs supplémentaires, les évaluations et les examens en ligne, certains professeurs nous laissent carrément élaborer notre cours tout seul. Dans le meilleur des cas on reçoit les plans, avec des références à des manuels. Les manuels en question peuvent couter plus de 50€, on avait l’habitude de les consulter en bibliothèque, surtout qu’ils ne sont pas tous accessible en ligne. En plus, c’est l’année de la sélection. On a l’impression que l’université s’en fou, est dans le #déni total. Moi j’ai pas d’ordinateur, je galère. Je pense même pas à ceux qui n’ont pas internet, ou qui sont confinés dans un 9m carré. Quand tu sais pas comment payer ton loyer, acheter un livre à 50€, c’est la dernière de tes priorités ».

      Plutôt que d’installer un système d’#entraide entre les étudiants, l’université semble accroître sa logique de #pression_scolaire, le tout pour maintenir la sélection en master 1 et master 2, et nourrir l’illusion de la valeur du diplôme. Dans de telles conditions, elle ne sélectionnera pas sur des compétences, mais bien en fonction de critères sociaux.

      Finalement, cette crise met en lumières tous les problèmes liés à la #précarité_étudiante : un étudiant sur trois est bousier, un sur quatre est salarié, ce seront eux les plus touchés.

      Pour Lucien, étudiant en Histoire de l’art et archéologie, « ce virus n’a fait qu’exacerber les contradictions de classes au sein de notre système éducatif […] C’est comme si la fac fermait les yeux sur les #inégalités entre ses étudiants. Certains élèves sont cloitrés chez eux, seuls, avec un minimum de moyen financier. »

      Comme l’explique Nadia*, étudiante en Économie, une nouvelle fois l’université met de côté ceux qui sont dans des situations précaires, et qui ont par exemple été licenciés ces derniers jours : « Avec le confinement, on a perdu notre boulot. Il faut pas oublier que quand t’es étudiant, t’as pas beaucoup de choix pour travailler. On travaille dans la restauration, ou en tant que baby sitter, la plupart du temps non déclaré. Y a pas de chômage technique quand tu travailles au black. »

      Lola, elle, est en régime terminal : un régime spécifique souvent utilisé par les étudiants qui sont obligés de se salarier à côté de leurs études, ou qui ont des problèmes de santé : « Dans tout ça, on oublie les étudiants en #examen_terminal. Pour nous, on ne sait pas, c’est silence radio. L’administration ne donne aucune réponse claire sur la tenue des examens. On est déjà livrés à nous même toute l’année. Il faut pas oublier qu’on a choisi ce régime pour des raisons de santé, ou parce que notre situation financière ne nous permet pas de vivre avec la bourse et les petits boulots. Là on nous laisse sur le carreau, j’ai l’impression qu’on est même pas considéré dans la gestion de la crise ».

      Face à cette crise, l’obstination dont fait preuve l’université à noter ses étudiants et à maintenir une sélection, malgré leur état de stress, les inégalités de confinement et d’accès à l’enseignement qui les divisent, illustre ce qu’elle est devenue depuis plusieurs années et notamment depuis 2018 et la loi ORE : une institution qui se complet dans un système concurrentiel, au mépris de sa vocation première, l’accessibilité, et l’égalité devant l’instruction.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Les-etudiants-face-a-la-pression-scolaire-je-n-ai-jamais-eu-aut

    • « Continuité pédagogique » : Méfiance... - Lettre flash n°10 du 25 mars 2020

      La pandémie provoquée par le Covid-19 a entraîné un certain nombre de mesures sanitaires d’une dimension exceptionnelle. Parmi elles, les mesures de confinement ont un impact très important sur l’ensemble des secteurs de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Dans l’état actuel des informations, les établissements devraient continuer à être fermés jusqu’à la fin du mois d’avril. De telles mesures, indispensables, bouleversent les calendriers universitaires du second semestre et posent la question de la continuité du service public de l’ESR, traduite hâtivement et sans précaution en “continuité pédagogique”.

      Les consignes gouvernementales demandent expressément de rester confiné-es et de recourir au télétravail ou au travail à distance. Aucun personnel ne peut être sommé de déroger au confinement, sauf absolue nécessité justifiée par l’organisation concrète de la continuité du service. Les déplacements doivent être réduits à l’essentiel et il convient de ne pas se rendre sur son lieu de travail. Le SNESUP-FSU rappelle que les moyens nécessaires doivent être donnés aux personnels pour qu’ils assurent à distance les missions considérées comme d’absolue nécessité.

      Cela implique par conséquent que des mesures soient prises pour assurer l’égalité dans l’accès aux outils numériques pour l’ensemble des étudiant·es. Et pour les enseignant-es, de mettre en place les moyens de la concertation pour trouver des solutions, dans le respect du confinement, en ce qui concerne les disciplines où le travail à distance est particulièrement difficile voire impossible. Cela implique aussi d’engager la concertation avec les personnels pour étudier les conditions de validation du semestre et de l’année en cours en garantissant l’égalité de traitement pour tou·tes les étudiant-es. L’engagement collectif de toutes et de tous est le meilleur garant de la qualité des formations et des diplômes qui seront délivrés cette année.

      Le SNESUP-FSU rappelle, qu’en tout état de cause, les dispositifs pédagogiques mis en place par les enseignant-es sont transitoires et répondent à une situation tout à fait exceptionnelle. En aucun cas, ils ne peuvent être envisagés de façon pérenne comme des mesures servant à pallier le manque dramatique de postes de titulaires.

      Les personnels de tous les métiers de l’Enseignement Supérieur font preuve de la plus grande responsabilité et de professionnalisme. Les enseignant·es mettent tout en œuvre pour maintenir le lien avec tou·tes leurs étudiant·es. Il faut leur faire confiance. Pour le SNESUP-FSU, l’urgence n’est pas dans le maintien total des contenus des cours mais dans le maintien pour toutes et tous les étudiant·es d’un lien avec les apprentissages et la recherche, dans le respect de la protection due aux agent·es. La situation est suffisamment anxiogène pour rester raisonnable dans les attentes. Elle demande une attention particulière aux difficultés rencontrées par les étudiant·es. L’accompagnement des étudiant·es ne doit pas conduire à la normalisation des pratiques pédagogiques prônée par le ministère et certains établissements. Il est illusoire de chercher à délivrer des notes et des évaluations à un rythme ordinaire et coûte que coûte. Les enseignant·es et les étudiant·es font le maximum en fonction de leurs moyens et de leur vie extra-universitaire. Nous devons accepter de fonctionner dans un mode “dégradé”, respecter les consignes de confinement ainsi que les contraintes et les rythmes nouveaux qu’elles entraînent.

      Dans ce contexte, le SNESUP-FSU réaffirme la nécessité que pour tous les personnels, tous statuts confondus, y compris pour les contractuel·les et les vacataires, l’intégralité du service soit réputé fait et que toutes les heures prévues à l’emploi du temps soient prises en compte pour les rémunérations.

      https://www.snesup.fr/article/continuite-pedagogique-mefiance-lettre-flash-ndeg10-du-25-mars-2020

    • Détenu·es confin·ées : #discontinuité_pédagogique

      Aucun plan de gestion de la crise du COVID-19 en prison n’a vraiment été prévu, à l’instar de l’Italie. On s’achemine donc vers une situation tout aussi explosive : un risque d’épidémie grave ; l’arrêt des contacts avec l’extérieur, des surveillant·es en première ligne d’exposition au virus, des mutineries, des drames.

      Toutes les prisons ne sont pas dans la même situation. Les prisons centrales, pour les longues peines, dont la plupart des personnes incarcérées bénéficient d’une cellule individuelle, sont relativement moins surpeuplées que les maisons d’arrêt. En revanche, les maisons d’arrêts, qui mélangent toutes les peines, sont, quant à elles, vraiment surpeuplées et atteignent aujourd’hui 138%, selon l’Observatoire international des prisons (1e janvier 2020)2.

      On pourrait avoir l’illusion que les détenu∙es étaient déjà confinés. Ce serait ignorer la vie d’une prison : il y a de nouveaux arrivants tout le temps ; des extérieurs qui s’y rendent. Aujourd’hui, familles, avocat∙es, enseignant∙es n’ont plus le droit de s’y rendre. Mais il faut bien administrer la prison : les surveillant·es continuent d’y travailler.

      Des cas de coronavirus ont été déclarés en prison. Vu la surpopulation en détention, le confinement individuel des personnes atteintes est impossible. Le virus risque de se répandre très rapidement, tant chez les personnes détenues que les surveillant∙es. L’épidémie risque d’y être d’autant plus grave que 1° la promiscuité et la surpopulation facilitent les contaminations 2° les bâtiments sont insalubres, l’hygiène insuffisante, les systèmes de santé vétustes. Qui plus est, les populations carcérales s’avèrent particulièrement à risque, en raison de leur mauvais état de santé général.

      Mais ce n’est pas tout : parmi les personnes-cibles de l’épidémie en prison, on risque non seulement les surveillant∙es, donc, mais aussi le personnel de santé. On trouvera bien sûr des personnes condamnées, mais aussi des personnes en incarcération préventive3, soit un quart de la population carcérale (21 000/80 000 personnes détenues)4. Dans la prison surpeuplée de Fresnes, un homme testé positif au coronavirus est mort. Il avait été incarcéré dix jours avant, alors qu’il était très âgé (74 ans) et de santé fragile – indice, s’il en était besoin, des inégalités exacerbées par la situation carcérale, entre un Balkany et un détenu anonyme. Le jour même, deux infirmières y étaient testées positives au coronavirus.

      Quelles sont les mesures qui sont prises ? Pour l’instant, surtout l’arrêt presque total des interventions extérieures, des parloirs, etc. Or beauoup de détenus auront d’immenses difficultés à vivre, physiquement5 et mentalement sans contacts extérieurs. En conséquence, des incidents ont éclaté dans de nombreuses prisons – et même un début de mutinerie à Réau, Perpignan, Angers, Maubeuge, Bois d’Arcy, La Santé6 et des émeutes à Grasse, avec interventions des ERIS et tirs de sommations. Le problème c’est qu’on risque une escalade de la violence : interdiction possible des promenades, par exemple, pour éviter tout regroupement collectif, détenus encore plus à cran, surveillants déjà à cran, sans protection (masques, par ex) encore plus exposés, etc.

      https://twitter.com/AdelineHazan/status/1239986843757826048?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Devant cette situation, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a demandé la mise en place de visioconférences pour compenser la fin des parloirs ainsi que la gratuité du téléphone.7

      La seule mesure efficace serait le désengorgement des prisons et la fermeture des centres de rétention8. C’est ce à quoi appellent plusieurs associations, syndicats et la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté elle-même. Ce serait un changement majeur.

      D’autres lieux de privation de liberté sont concernés par l’épidémie : les geôles, en cas de gardes à vue prolongées, et de comparution immédiate. Ces pratiques judiciaires se poursuivent en dépit de risques sanitaires graves.

      Le coronavirus expose tous les dysfonctionnements de notre société. Il suffit de peu de choses pour que tout explose. Ça vaut pour nos services publics exsangue, mais aussi pour les prisons. Et devant la maladie, ce sont toujours les plus fragiles et les plus précaires qui sont aussi le plus exposés.


      *

      Ailleurs dans le monde, on retrouve la même situation explosive. Émeutes, grèves de la fin, destructions matérielles, évasions : les prisons italiennes ont déjà connu plusieurs morts, dans un système pénitentiaire surpeuplé à 130%, où la moitié de la population a plus de 50 ans. Avec 2,2 millions de détenus, les États-Unis abritent les prisons les plus peuplées au monde, laissant craindre une flambée de l’épidémie de coronavirus en milieu carcéral. En Iran, l’un des pays les plus touchés du monde par le coronavirus, 85.000 détenus ont été libérés : il s’agit d’hommes et de femmes condamnés à moins de 5 ans, qui devront finir de purger leur peine à une date indéterminée.

      Le manque de communication claire a des conséquences particulièrement graves en prison, où n’importe quel petit rien peut favoriser la psychose et le développement de rumeurs qui enflent en raison de l’enfermement, des addictions, de la santé mentale fragique des populations carcérales, sans même de l’incompréhension de la situation par les personnes non francophones.

      Mais même dans ces situations-là on traite les détenus de sales privilégiés : un article, intitulé « Nous allons distribuer 100 000 masques en prison », annonce Nicole Belloubet, se trouvent rapidement assortis de commentaires de type « eux ont le droit à des masques, pas nous ! », alors que les masques sont destinés aux surveillant∙es…

      Le 19 mars, le Ministère de la Justice annonce quelques mesures : à partir du lundi 23 mars, chaque détenu aura d’un crédit de 40€ par mois pour téléphoner ; la télé sera gratuite ; les détenus indigents recevront une aide majorée de 40€/mois pour cantiner.

      https://twitter.com/OIP_sectionfr/status/1240602063224156161?s=20

      En revanche, il n’y a aucune continuité pédagogique mise en place en détention. Les enseignant∙es ont été prévenu·es au dernier moment, n’ont rien pu préparer. En l’absence d’Internet, les cours sont suspendus. Simplement.

      https://academia.hypotheses.org/21331
      #prisons #prison

    • Des enfants confiés et confinés à domicile

      « Je suis éducateur dans une association de la protection de l’enfance, dans un service qui intervient auprès de famille où l’enfant est confié par le juge des enfants au département, mais reste domicilié chez leurs parents (chez l’un d’entre eux du moins).

      En cette période, ma collègue et moi-même avons pour directive de ne pas nous rendre dans les familles. Nous sommes donc en lien téléphonique avec elles. En cas d’urgences réelles, que nous nous devons d’évaluer nous-même ou si les familles nous sollicitent, nous pouvons être amené à nous y déplacer.

      Il est compliqué à l’heure actuelle de dire que c’est difficile pour les enfants d’être H24 avec leurs parents sans que ces derniers bénéficient d’un soutien éducatif plus soutenu, comme le demandent les mesures de placement.

      Cependant, nous nous devons de faire confiance, faire confiance en ces parents qui, bien qu’ils aient des compétences (sur lesquelles on s’appuie énormément), peuvent être défaillants ou en difficultés. Je leur tire mon chapeau car ils font au moins pire. Malgré cela, sur les 12 enfants accompagnés, la scolarité est grandement impactée pour plus de la moitié d’entre eux.

      Alors que sur les groupes d’internat de l’association qui accueillent des jeunes confiés quotidiennement, des moyens ont été trouvé pour assurer le minimum de continuité scolaire avec la présence d’éducateurs scolaires et d’éducateurs techniques, les parents auprès desquelles j’interviens, sont livrés à eux-mêmes. Rares sont ceux qui bénéficient d’un accès à un PC où PRONOTE, Maxicours ou le CNED permettent (lorsqu’il y a suffisamment de connexion) d’avoir accès à des supports de cours.

      Certains ont pu se mettre en lien avec l’enseignant pour avoir des documents papiers imprimés. D’autres utilisent simplement leur smartphone pour avoir accès aux plateformes….

      Pour certaines familles, nous avons pu imprimer énormément de documents, et nous leur avons fait parvenir…

      Quelle utopie maintenant ? Celle d’avoir des enfants qui se mettent à travailler d’eux-mêmes, aidés si besoin par leurs parents qui peuvent leur expliquer les cours de physique, chimie, SVT, Français, Histoire-Géographie, Anglais, Espagnol…. Je ne cible pas leurs incompétences, car ils s’essaient tous tant bien que mal. Mais nous même, nous ne sommes pas capables de fournir un tel accompagnement, alors comment demander, à des familles où la problématique est souvent ailleurs, d’assurer cette scolarité ? A cela, s’ajoute les pathologies psychologiques (TDAH, trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, par exemple) et difficultés scolaires de ces enfants qui en temps normal bénéficient d’une scolarité spécifique et/ ou de soins. Cette charge est donc laissée quotidiennement aux parents qui ont probablement d’autres choses à gérer (comme un budget repas par exemple, où l’aide à la cantine scolaire ne fonctionne pas à la maison….).

      Alors, oui, en ces temps de confinement, nous veillons à ce que le domicile reste un environnement sain, moins pire qu’ailleurs. Quitte à passer la scolarité au troisième plans. Tant pis si lorsque le confinement sera terminé, nous auront creusé de nouvelles inégalités… »

      https://www.modop.org/se-relier/#26mars

    • La continuité pédagogique, vraiment ?

      Dès avant la fermeture des établissements le 16 mars dernier, les enseignant.es ont reçu des consignes pour leur demander d’assurer ce qu’on a appelé la “continuité pédagogique” : il fallait aussi rapidement que possible imaginer et mettre en oeuvre des solutions pour continuer d’assurer les cours magistraux et les travaux dirigés, les séminaires et les stages. Face à cette injonction pressante, des solutions ont été très vite expérimentées, dès le début de la semaine dernière. Des solutions très variables, pour ce que j’ai pu en observer dans mon université grenobloise, et dans quelques autres à travers les récits de collègues : certain.es enseignant.es ont pu très rapidement trouver des formes alternatives d’enseignement en utilisant des plateformes collaboratives permettant d’utiliser la vidéo ou l’audio, comme Discord ou Zoom ; d’autres enseignant.es ont enregistré leurs cours dans des fichiers audio ; d’autres enfin, moins habitué.es à utiliser les outils numériques, ont déposé des versions écrites de leurs cours dans les ENT (environnements numériques de travail) de leur établissement. Tout y poussait : la conscience professionnelle, le souhait de maintenir le contact avec les étudiant.es pour éviter les abandons, la crainte de leur faire “manquer” un semestre.

      Il m’a pourtant très vite semblé qu’on mettait en quelque sorte la charrue avant les boeufs et qu’on essayait de mettre ainsi en oeuvre cette “continuité pédagogique”, de façon un peu désordonnée, sans se demander ni si c’était souhaitables, ni si c’était possible et à quelles conditions. Mes interrogations me venaient de mes propres difficultés : comme les autres, je cherchais des solutions, et dans mon cas particulier, j’avais beaucoup de mal à les trouver : comment faire, en effet, pour enseigner les méthodes quantitatives avec R à distance, dans des groupes de TD de plusieurs dizaines d’étudiant.es de deuxième année de licence ou de première année de master de sociologie ? Tout ce que nous avions “en présentiel”, était-il possible de le reconstituer à distance : des ordinateurs suffisamment puissants, des logiciels correctement installés, le travail en groupes, l’accompagnement individuel, face aux écrans ?

      Plutôt que supposer que tout cela était possible, nous avons alors choisi, avec mon collègue Olivier Zerbib qui co-anime avec moi ces travaux dirigés, de réaliser un sondage auprès de nos étudiant.es pour essayer d’évaluer leur capacité à suivre des cours à distance. Ce sont les résultats de ce sondage, que nous avons finalement étendu à la totalité des étudiant.es de licence de sociologie de l’Université Grenoble Alpes ainsi qu’aux quelques étudiants du master (SIRS) “Sociologie de l’innovation et recompositions sociales”, que je voudrais vous présenter rapidement dans ce billet.
      Un sondage sur les capacités à suivre des cours à distance ? Encore faut-il pouvoir même y répondre…

      Le questionnaire de cette mini-enquête a été mis en ligne sur Moodle (la plateforme ENT de l’UGA) le jeudi 19 mars, et il est resté ouvert jusqu’au samedi 21 mars à midi. Les étudiant.es ont été invité.es à y répondre par plusieurs messages envoyés là encore par Moodle, et relayés de différentes façons (pages Facebook, forums Discord, emails personnels…) par les enseignant.es et les étudiant.es de sociologie. Le choix de mesurer la capacité des étudiant.es à suivre des cours à distance à partir d’un sondage sur Moodle était délibéré : cela devait permettre déjà tout simplement de déterminer la proportion des étudiant.es qui recevraient le message les invitant à répondre à ce sondage, par un canal ou un autre, et qui arriveraient à y répondre dans Moodle. La non-participation au sondage pourrait de ce fait être tenue comme un indice d’une très grande difficulté à utiliser même les outils les plus simples à notre disposition pour faire cours à distance, et qui sont aussi ceux que notre établissement nous recommande très fortement d’utiliser.

      De ce point de vue, la conclusion est malheureusement sans ambiguïté. Même après avoir restreint la population étudiée à la liste des étudiant.es qui se sont connecté.es à Moodle au moins une fois depuis le début de l’année universitaire, le taux de réponse général au sondage est très faible (voir tableau ci-dessous).

      Seulement 92 des 334 étudiant.es de sociologie ont pu répondre à l’enquête, soit 28% d’entre eux. Et on constate de fortes disparités : les meilleurs taux de réponse sont observés en L2 et M1, et les plus faibles en L1 et en L3. Ce faible taux de réponse ne s’explique probablement pas fondamentalement par des difficultés “techniques” de connexion : ces étudiant.es ont pratiquement tou.tes des smartphones avec des abonnements internet mobiles, et comme on sait qu’ils.elles sont déjà allé.es au moins une fois sur Moodle depuis le début de l’année universitaire, on peut faire l’hypothèse qu’ils connaissent leur identifiant et leur mot de passe.

      La première explication est liée aux variations de leur “implication”, autrement dit du lien qu’ils.elles ont pu maintenir avec les préoccupations universitaires, ou que nous, enseignant.es, avons pu maintenir. Ce sont les fortes variations du taux de réponse en fonction du niveau qui permettent de le penser. Les meilleurs taux de réponse sont en effet observés en L2 et M1, et les plus faibles en L1 et en L3, et cela peut s’expliquer en partie par le fait que le sondage a été transmis aux étudiant.es de L2 et M1 dans le Moodle de cours où ils m’ont comme enseignant ce semestre : cela a pu favoriser leur implication. On note du reste qu’un sondage similaire réalisé par Olivier Zerbib directement dans son cours de “Sociologie de l’innovation” en L3 a reçu 19 réponses sur 24 inscrit.es au cours, alors que le sondage mis dans le Moodle dans le cours de “sociologie des réseaux” du premier semestre n’a reçu que 4 réponses sur 47. Mais il n’en reste pas moins qu’en L1 le taux de réponse est très faible, et qu’en L2, où les étudiant.es ont reçu plusieurs relances par plusieurs canaux pour répondre au sondage, cette capacité à répondre à une demande très simple dans Moodle en moins de trois jours n’est observable que dans à peine la moitié de la promotion. Et en L2, les ayant vu vendredi juste avant la fermeture, Olivier a pu leur recommander très fortement de rester connectés.

      La seconde explication n’est pas liée aux événements. Avant même d’invoquer des difficultés de connexion liées à la crise sanitaire et au confinement, ou la démobilisation, il faut d’abord tout simplement se demander si même avant le début de cette crise, les étudiant.es de sociologie utilisaient Moodle. Or, la date de la dernière connexion permet de voir que c’est loin d’être le cas de tout.es : en réalité, déjà un quart d’entre eux ne s’étaient pas connectés à Moodle depuis le début du semestre.

      Le résultat : une très faible capacité générale à suivre des cours à distance

      De ce qui précède, il ressort que déjà, même en L2 où le taux de réponse a été “élevé”, c’est en réalité à peine la moitié des étudiant.es qui a pu répondre à un questionnaire de 3 questions dans Moodle. Dans les autres niveaux, que ce soit en licence ou en master, ces taux sont bien moindres. Qu’ont-ils.elles répondu, celles et ceux qui sont parvenu.es à le faire ? Pour évaluer la capacité des étudiant.es de sociologie à suivre des cours à distance, trois questions leur avaient été posées, dont vous trouverez les réponses dans les tableaux ci-dessous, calculées en fonction du niveau de licence et de master.
      Une accès basique à internet apparemment correct, mais un accès compliqué aux plateformes nécessitant un débit élevé et un ordinateur fixe.

      Les réponses à la première question sont pratiquement unanimes : en tout cas parmi celles et ceux qui ont pu répondre au sondage, il n’y a en tout et pour tout que 2 étudiant.es qui n’ont pas les moyens d’accéder aux outils les plus basiques, soit la messagerie électronique et Moodle. Par construction, cela dit, on peut estimer que les étudiant.es qui ont pu répondre à ce sondage sur Moodle après avoir reçu un message sur leur messagerie universitaire disposaient par définition de ces moyens élémentaires de travail à distance. Les réponses à cette question démontrent toutefois qu’il reste possible de communiquer avec cette moitié-là de nos étudiant.es via Moodle et la messagerie universitaire, qu’ils.elles peuvent consulter au moins sur leur smartphone.

      Ils.elles sont déjà un peu plus nombreux.ses, une quinzaine sur la centaine de répondant.es, à ne pas avoir les moyens de suivre des cours à distance qui mobiliseraient des outils plus complexes ou plus gourmands en bande passante, comme les outils et plateformes de visio- ou d’audio-conférence. Les très nombreux commentaires libres donnés en réponse à la dernière question du sondage sont particulièrement éclairants de ce point de vue. Ils permettent en effet de prendre la dimension des très nombreuses difficultés qui vont faire obstacle à la possibilité de suivre des cours et de produire des travaux universitaires en utilisant les outils bureautiques habituels : accès à internet seulement avec des abonnements mobiles dont les plafonds sont très rapidement atteints, difficultés à s’approprier des outils instables, pas d’ordinateur, ordinateurs trop anciens ou pas suffisamment puissants…

      Cela dit, il faut en partie relativiser ces difficultés : sur la quinzaine d’étudiant.es indiquant de telles difficultés, il y en a 9 qui sont en L2. Or, cela tient certainement en partie au fait que le sondage leur ait été diffusé dans le Moodle du TD de méthodes quantitatives, et qu’ils.elles s’inquiètent pour l’utilisation de R à distance et le travail de groupe avec ce logiciel, comme en témoignent les commentaires libres.
      Des conditions de travail dégradées pour un nombre significatif d’étudiant.es

      Enfin, et surtout, la dernière question montre qu’on aurait tort de penser que les obstacles sont seulement techniques. En effet, presque la moitié des étudiant.es de sociologie qui ont pu répondre au sondage ne s’estiment pas dans des “conditions matérielles, intellectuelles, économiques et sociales” (on aurait dû ajouter également “psychologiques” dans la formulation de la question) qui leur permettraient de suivre correctement des cours et d’effectuer leur travail universitaire à distance. Là encore, les commentaires libres sont instructifs : pertes des emplois qui leur permettaient de financer les études, horaires des cours incompatibles avec des obligations professionnelles ou familiales, conditions de logement ne permettant pas de s’isoler pour travailler, anxiété, inquiétudes face au caractère inégalitaire de l’enseignement à distance…


      Le tableau ci-dessus indique aussi qu’il faudrait dissocier les réponses pédagogiques à apporter en L1 de celles pour les autres niveaux de formations. Parmi celles et ceux qui ont pu répondre au sondage, ce sont les étudiant.es de première année qui indiquent le plus nettement qu’ils.elles ne sont pas dans des conditions générales qui leur permettent d’étudier à distance. La question reste de savoir s’il faut en conclure qu’il faut renoncer à le faire, ou au contraire qu’il faut prendre le problème à bras le corps pour leur proposer des solutions pédagogiques spécifiques, parce que l’enjeu est crucial et les conséquences sur le taux d’abandon potentiellement dramatiques.
      La continuité pédagogique, à toutes forces ?

      On peut résumer les résultats qui précèdent en un seul tableau très simple, synthétisant les différents critères utilisés pour mesurer la capacité des étudiant.es à suivre des cours à distance. On utiliser pour cela une échelle unique, allant du simple fait de n’avoir même pas pu répondre au sondage sur Moodle (qu’on appellera le niveau 0 de la capacité à suivre des cours à distance), jusqu’à un niveau 3 correspondant à l’absence totale de difficultés à suivre de tels cours.

      La conclusion reste quantitativement sans ambiguïté : seule une très faible minorité d’étudiant.es est parvenue à nous indiquer qu’elle se trouve dans des conditions générales permettant d’étudier correctement à distance. Cette conclusion peut néanmoins être légèrement nuancée selon les niveaux : en L2, un tiers tout de même des étudiant.es ont pu indiquer qu’ils étaient dans des conditions correctes pour étudier à distance, et c’est le cas également de plus de la moitié des étudiant.es de M1 SIRS (voir tableau ci-dessous). On peut aussi redire que dans le cours de L3 de sociologie de l’innovation animé par Olivier, 18 des 19 étudiant.es qui ont répondu au sondage d’Olivier ont indiqué être en capacité de suivre ce cours à distance. Il en reste tout de même 6 (soit un peu plus de 20%) qui ne le peuvent pas, soit parce qu’ils.elles ne sont pas dans la capacité de le faire, soit parce qu’ils.elles y ont renoncé.

      Dans tous les cas, et probablement même dans le cas des L3, ces proportions ne semblent pas suffisantes pour garantir que la mise en place d’enseignements à distance, et a fortiori d’évaluations de ces enseignements à distance, ne produira pas d’importantes inégalités entre des étudiant.es de sociologie dont les commentaires libres témoignent qu’ils.elles y sont particulièrement sensibles. Comment s’en étonner ? D’une part nos étudiant.es n’appartiennent pas forcément aux mêmes milieux sociaux que d’autres composantes de l’université qui ont mis en place des enseignements à distance sans se préoccuper de la rupture d’équité que cela pouvait occasionner. Et d’autre part, cette attention de nos étudiant.es aux inégalités, nous devrions au contraire en être fier.es, puisque c’est aussi notre métier que de leur en montrer et en démonter les mécanismes.

      En tout état de cause, les résultats de ce sondage plaideraient plutôt en faveur des conclusions suivantes :

      Seulement une très faible minorité des étudiant.es de sociologie de l’UGA se déclare pour l’instant en situation de suivre correctement des cours à distance.
      Dans ces conditions, instaurer des cours à distance dont les évaluations participeraient à la validation du second semestre provoquerait une profonde rupture de l’équité entre les étudiant.es.
      La seule mesure générale qu’il est possible de préconiser au vu de ces résultats est la validation de l’ensemble des enseignements dont les modalités de contrôle n’avaient pas été satisfaites à la date de la fermeture de l’université, ou reposeraient sur des connaissances qui devraient être acquises après cette date.
      La traduction la plus simple possible de cette mesure générale consisterait à valider le second semestre pour l’ensemble des étudiant.es ayant validé des UE de premier semestre, de façon à permettre à ces étudiant.es de poursuivre normalement leurs études sans “perdre” un semestre ou un an.

      Ces conclusions n’interdisent bien entendu pas, dans certains cas particuliers et clairement identifiés, de mettre en place des formes d’activités pédagogiques à distance. Il faut peut-être par exemple appliquer des règles différentes en L1 et dans les niveaux suivants de licence, où les effectifs plus réduits et la socialisation plus ancienne aux études universitaires permettent d’expérimenter des formes pédagogiques alternatives.

      En TD de méthodes quantitatives de L2, avec Olivier, nous allons essayer de continuer à accompagner le travail de nos étudiants sur les données de leur belle enquête sur les couples et le numérique (ils.elles venaient de finir d’en saisir les 1759 questionnaires quand nous avons fermé), en nous appuyant sur Moodle et sur Discord. Plusieurs commentaires libres, et nos échanges de la semaine écoulée avec nos étudiant.es, pointent l’importance du rôle socialisateur de ces initiatives développées par certain.es d’entre nous.

      En master au contraire, il peut être tout-à-fait bénéfique de renoncer aux cours magistraux pour permettre aux étudiant.es de se concentrer sur la rédaction de leurs mémoires de recherche (ils étaient en train de terminer leurs terrains) et de stage (si celui-ci a pu être réalisé, ou peut être réalisé en télétravail), en leur proposant des formes d’accompagnement à distance adaptées (forums, rendez-vous par Skype, séminaires d’accompagnement et de méthodologie de la recherche en ligne…).

      On peut néanmoins redire que toutes ces activités pédagogiques à distance devraient au minimum respecter un certain nombre de règles importantes, pour atténuer la rupture d’équité qu’entraîne leur maintien :

      Ces activités devraient avoir principalement pour fonction de maintenir des formes de communication et de socialisation avec celles et ceux des étudiant.es pour qui elles exercent un effet socialement structurant, qui peut être précieux dans ce contexte de crise.
      Ces activités ne devraient pas être évaluées, ou en tout cas ces évaluations doivent avoir une visée purement pédagogique et ne pas conditionner la validation des enseignements.
      En licence au moins, ces activités ne devraient pas se dérouler seulement en direct sur des plateformes de diffusion vidéo ou audio, dans la mesure où de nombeux.ses étudiant.es n’ont pas la possibilité d’être disponibles aux horaires des cours, ou ne bénéficient pas de conditions permettant de les suivre correctement (pas de wifi, pas d’ordinateur, impossibilité de s’isoler…). Il faudrait que les cours puissent être suivis en différé, et donc que les documents à lire et les enregistrements vidéo et audio restent facilement accessibles même après la fin de la séance.
      Ces activités ne devraient pas obliger les étudiant.es à utiliser un nombre trop élevé de plateformes et d’outils différents. Elles devraient centralement utiliser les possibilités offertes par Moodle et à l’intérieur de Moodle. L’expérience de la semaine écoulée a montré que des étudiant.es avaient apprécié l’utilisation de Discord par certains enseignants, même si là encore nous n’avons aucune garantie du caractère égalitaire du recours à cet outil. Dans tous les cas, on devrait éviter de multiplier les outils utilisés, au gré des initiatives individuelles, et on devrait éviter en particulier les outils nécessitant des ressources techniques trop importantes, et a fortiori les outils payants.

      Et pour clore provisoirement cette présentation des résultats de notre petite enquête, on peut également dire qu’en fonction des solutions adoptées, il faudra certainement en observer avec la plus grande attention les effets, aussi bien sur les étudiant.es et leurs cursus, que sur l’enseignement supérieur même et les évolutions des études universitaires dans les mois et les années à venir. Force est de constater que la crise sanitaire en cours, et en particulier le confinement, fabriquent de fait le consommateur et la consommatrice dont rêvaient les plateformes numériques. Et donc peut-être aussi l’étudiant.e dont rêvaient les établissements d’enseignement supérieur : assigné.e à résidence, moins coûteux.se en locaux et en personnels, privé.e de sa capacité à se mobiliser… En nous précipitant sur les outils numériques permettant de faire cours à distance à un nombre très restreint d’étudiant.es bénéficiant de conditions matérielles, économiques et sociales privilégiées, et disposant aussi des capacités socialement construites à l’auto-discipline que nécessitent les auto-apprentissages, on prend le risque de faire croire que c’est possible, sans se demander ni se soucier ce qui est réellement transmis de cette façon, ni à qui. Quand on a ouvert la boîte de Pandore, il est très difficile de la refermer…

      http://pierremerckle.fr/2020/03/la-continuite-pedagogique-vraiment

    • … et il n’y a toujours pas de masques

      Il y a elle ; elle est chez ses parents au fin fond de quelque part, et ne capte pas grand chose, d’un point de vue informatique je veux dire, elle a bien la 3G mais c’est littéralement au fond du jardin.

      Il y a ma compagne ; elle est professeure de français histoire géographie dans un lycée professionnel. Elle a des classes et des élèves. Elle a des « elle » et des « il » aussi. Il faut qu’elle s’en occupe.

      Il y a mon groupe 2 en DIG2 ; il faut que je m’en occupe, il faut que je m’en occupe, il faut que…

      Il y a lui ; il est réquisitionné et travaille dans l’alimentaire à 125% depuis le début du confinement, il est inquiet pour la suite de ses études.

      Il y a les courses parfois, les repas souvent, la machine et tout le reste.

      Il y a elle ; elle dit que “Nous n’entendons pas demander à un enseignant qui aujourd’hui ne travaille pas, compte tenu de la fermeture des écoles, de traverser la France entière pour aller récolter des fraises gariguette”…

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a iel ; son père/ sa mère est docteur.e/infirmier.ère, iel est inquiète et a du mal à travailler.

      Il y a ma fille ; elle a 7 ans, cette semaine elle a appris deux nouveaux sons sans sa maîtresse. Elle a besoin de ses parents.

      Il y a mon groupe 1 en découverte 2, il ne faut pas que je les oublie, il ne faut pas que je les oublie …

      Il y a lui ; il est juste inquiet, juste angoissé, il n’a jamais vu ça. Il ne sait pas s’il arrivera à finir son semestre.

      Il y a elles et ils ; iels font la queue devant le magasin de fruits et de légumes, une file étrange au milieu d’une route sans voiture. Eloigné.es les un.es des autres d’un mètre au moins ; iels attendent, iels ne parlent pas.

      Il y a le service public télé et radio qui organise une soirée de soutien pour trouver des sous pour le service public hospitalier… et tout le monde a l’air de trouver ça normal de faire nos fonds de poches pour les services publics que nos gouvernements managérisent, déstructurent, détruisent depuis des années.

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a elle, elle a besoin d’une lettre de recommandation. C’est pour partir à l’étranger l’année prochaine. Ah. C’est bien, il y aura une année prochaine…

      Il y a ma fille de 11 ans ; elle a des devoirs tous les jours. On n’a pas d’imprimante alors elle recopie ses leçons à la main. Elle râle un peu mais ça va. Elle a besoin de ses parents.

      Il y a mon amphi de L1 ; il faut que je transforme mon CM en chapitre de livre, il faut que je transforme mon CM en chapitre de livre, …

      Il y a ce mail là, un peu bizarre pour une réunion le 3 juillet…

      Il y a iel ; iel ne comprend pas comment compléter des diaporamas sans support de cours et juste avec des liens internet… moi non plus. Je ne sais pas trop quoi lui dire, ce n’est pas mon cours.

      Il y a les courses parfois, les repas souvent, la machine et tout le reste. Il y a un temps à la fois long et court, bref et étonnamment élastique.

      Il y a les cloches qui sonnent huit heures, on va applaudir sur le balcon toustes celles et ceux qui luttent pour sauver des vies.

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a elle ; par chance elle a pris une UE de sport ce semestre. Cette UE est considérée comme acquise.

      Il y a mes parents ; iels sont âgé.es. Je suis inquiet et j’ai besoin de mes parents. Il y a mon groupe 6 en DIG2, il faut que je m’en occupe, il faut que je m’en occupe, il faut que…

      Il y a lui, par malchance il y pris une ETC disciplinaire comme « égalité femmes hommes » par exemple et doit quand même rendre quelque chose.

      Il y a les courses parfois, les repas souvent, la machine et tout le reste. Il y a un temps à la fois long et court, bref et étonnamment élastique. Il y a les informations qui hantent nos journées.

      Il y a le président ; il a l’air de trouver que finalement l’hôpital c’est pas mal et que ça vaut le coup d’investir dedans.

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      Il y a elle ; elle est dans la réserve sanitaire, mobilisable à tout moment. Il y a lui ; il est dans la réserve militaire ; il est mobilisable à tout moment.

      Il y a ma fille ; elle a 13 ans, ses enseignant.es du collège ont pris leur rythme de croisière, elle travaille au moins 5 heures par jour. Elle a besoin de ses parents. Il y a lui ; ils sont à cinq dans un petit appartement, il y a un PC, le papa travaille en télétravail, la maman travaille en télétravail, son frère fait l’école à la maison et ses cours arrivent par internet et sa sœur fait l’école à la maison et ses cours arrivent par internet. Et puis il y a celui qui n’a qu’un téléphone dans sa chambre de 11m² du CROUS.

      Il y a mon groupe de Géo & média, il ne faut pas que je les oublie, il ne faut pas que je les oublie …

      Il y a elle ; elle m’envoie un courriel pour me dire qu’elle est en quatorzaine dans sa chambre ;

      Il y a chamilo, un jour je le ferai griller au-dessus d’un feu de bois ou dans une cheminée,

      Il y a les questions nombreuses qui affluent par courriel : et le confinement ? monsieur, s’il se prolonge ? et les notes monsieur ? comment on fait ? monsieur on n’a pas de nouvelle d’untel ? monsieur, monsieur ?

      Il y a mon groupe 1 en découverte 2, il faut que je m’en occupe, il faut que je m’en occupe…

      Et il y a les miennes de questions. Pourquoi on continue de faire comme si c’était normal ? Comment on va gérer tous les « il » et toutes les « elle » qui se multiplient ces derniers jours et qui ne pourront pas être traité.es comme toustes les autres ?

      Et pour les stages ? il y a elle ou lui qui l’ont déjà et il y a elle ou lui qui ne l’ont pas fait ; comment les noter équitablement ? et quand est-ce qu’on décide d’arrêter la mascarade et d’annoncer que l’année est terminée ? et quand est-ce qu’on admet qu’on n’était pas prêt ? et que ce n’est pas grave ? et qu’en est-ce qu’on arrête le délire sur les maquettes et que l’université nous dit que « c’es bon » on décale tout de trois mois…

      Et quand est-ce qu’on arrête de faire semblant, de faire comme si tout était normal alors que pas grand choses ne l’est en ce moment…

      Et puis, il y a Jérôme Salomon qui prend la parole et qui compte les morts…

      … et il n’y a toujours pas de masques.

      https://academia.hypotheses.org/21695

    • Message d’une promo de l’IUGA à Grenoble :

      Suite à de nombreux échanges entre nous, vous voulons vous faire part de notre avis sur la situation actuelle et les différents travaux demandés.
      Tout d’abord, nous sommes conscients que la période que nous traversons est autant difficile pour nous que pour vous. Cependant, les projets notés que nous devons vous rendre ne semblent pas en adéquation avec ce que nous vivons, et nous voulons vous faire part de notre inquiétude. En effet, nos conditions de travail en cette période de confinement sont toutes très différentes, certains n’ayant plus d’espace de travail approprié, un accès à un internet limité et les différentes ressources auxquelles on peut accéder (bibliothèques, espaces de travail...) étant fermées.
      A des fins égalitaires, il nous paraît injuste de nous noter sur un même piédestal. De plus nous ne reconnaissons pas l’aspect pédagogique de certains travaux, nous avons l’impression de travailler sans rien apprendre, bien loin de la fonction principale d’une université. Nous avons peur que ces notes soient préjudiciables pour la suite de nos études.
      Nous savons que la situation est loin d’être évidente pour vous également mais il nous paraissait important de vous faire part de la situation qui préoccupe l’ensemble de la promo, mais également le corps enseignant de part l’appel a la grève promulguée par certains de vos collègues que nous rejoignons (notamment par la lettre de Sébastien Leroux « Il y a iel » : https://academia.hypotheses.org/21695).
      Par conséquent, et compte tenu de cette situation inédite ne permettant pas une évaluation équitable entre les étudiants, nous souhaiterions une organisation différente nous permettant d’être évalué sur nos réelles capacités (comme ce fut le cas lors du premier semestre) et non sur des travaux n’ayant pour seul but le remplissage d’un bulletin qui n’aura aucune réelle valeur pédagogique.

    • Ma réponse à mon collègue Sébastien Leroux (https://academia.hypotheses.org/21695) :

      Et puis… la colère, et puis …la peur

      « En lisant le texte de mon collègue Sébastien, je me demande comment il fait et comment font mes collègues enseignant·es à la fac qui ont beaucoup de cours à donner ce semestre. Par chance, mon semestre est chargé en automne, mais beaucoup moins au printemps.

      Et je n’ai pas d’enfants. Nous accueillons chez nous à la maison un demandeur d’asile, mais il est majeur, autonome et est surtout une aide… Il nous fait souvent à manger, il nous aide dans les tâches ménagères et aide mon compagnon à terminer les petits travaux qui restent à faire dans notre nouvel appartement.

      Malgré ma situation décidément privilégiée, je n’arrête pas. Il y a des étudiant·es étrangères dont je m’occupe en tant que responsable du master international que je dirige et qui sont en difficulté. Cela m’a pris beaucoup de temps. Mais en réalité, ce n’est pas vraiment cela qui me prend plus de temps. Et ce n’est pas cela qui m’empêche d’avoir du temps et de l’énergie. C’est la multiplication des mails de gestion administrative de la crise. Et ce sont des pensées qui trottent dans la tête, en ces temps bien étranges. Car, comme me l’a dit hier une collègue, on voit tellement clairement avec cette crise qu’on a tout un arsenal prêt pour une guerre, la « vraie guerre », pas celle contre l’ « ennemi invisible » de Macron… On a une armée et des soldats, des bombes, on a mis en place des tactiques et des stratégies… Mais rien pour contrer ce virus, dont son émergence était tout de même « annoncée », comme le dit si bien le microbiologiste Sansonetti ; on est complètement démuni·es. Seule solution : le confinement. Seule solution car il n’y a pas de tests de dépistages, il n’y a pas de masques et il n’y a pas assez de lits dans nos hôpitaux, que les gouvernements successifs ont démantelé, brique par brique.

      Et la colère monte, en pensant à cela. C’est cette colère qui m’empêche de me concentrer. Et qui me pousse à faire ce que fais en temps « normaux », mais ce travail prend désormais plus de temps car aux thèmes habituels s’ajoutent ceux liées à la crise sanitaire : prendre et archiver des infos, les partager. En « temps normaux », je fais ce travail sur mes thèmes de recherche : migrations, réfugiés et frontières. Mais désormais s’ajoutent à cela des infos sur ce virus et cette crise sanitaire, pour que l’info critique puisse circuler. Alors je trie l’info, je la mets sur mon réseau social préféré et sur lequel j’archive des infos depuis des années : seenthis.net. Et en plus, je partage l’info avec celleux qui m’ont dit vouloir se tenir informé·es par des canaux autres que ceux gouvernementaux ou des médias mainstream.

      Du coup, j’ai créé un fil sur seenthis sur la maudite continuité pédagogique, car en tant qu’enseignante, c’est parmi les thèmes qui m’agacent le plus.

      Mais il y a aussi cette autre question, très peu traitée par les médias, celle du lien entre confinement et violences domestiques, dont se préoccupent pas mal de personnes autour de moi, mais dont on parle très peu, en réalité. Car le mot d’ordre est « restez chez vous ». Mais quand le « chez soi » n’est pas un refuge mais un condensé de violence, quoi faire ? Et quand, à vrai dire, on n’a pas du tout de chez soi ?

      (…)

      Et puis, dans notre amap, c’est la trêve hivernale pour notre maraîcher. Pas de légumes, jusqu’au mois de mai. Trop difficile, une vie sans les légumes d’Yvan. Et alors, j’essaie d’organiser un moyen pour ne pas devoir me rendre dans les supermarchés où je ne vais plus depuis que je suis arrivée en France… Il y a un « plan légumes via notre amap ». J’y adhère, je partage avec des ami·es qui, elleux aussi, sont à la recherche de légumes. C’est parti, petit tableau pour regrouper les commandes, organisation de la distribution…

      Tout cela, ça prend du temps. Mais c’est ce qui me donne de la vie et de l’énergie en ces temps de confinement. Confiné·es, mais pas isolé·es. Et alors j’essaie de me dire que c’est une chance peut-être de pouvoir s’organiser autrement, de pouvoir trouver d’autres liens. On peut enfin apprécier une ville sans trafic motorisé. Et ça fait du bien, oh que ça fait du bien ! Je me dis, parfois, qu’il y a de l’espoir… c’est peut-être une chance. Pour repenser notre monde. Un jour, peut-être, on dira « merci coronavirus ». Les gens ont enfin compris que l’hôpital public, c’est essentiel. Que nos maraîchers et maraîchères, sont essentiels. A la survie. A la vie.

      Mais souvent, c’est la peur qui me prend à la gorge. Non pas la peur de ce virus, malgré les nouvelles inquiétantes qui nous arrivent d’Italie, que j’ai commencé à suivre bien avant mes ami·es et collègues ici en France. Je savais que ça allait arriver ici aussi. Cela semble se confirmer : 11 jours de retard sur l’Italie. 11 jours. Et tout sera comme en Italie. Et les nouvelles de Bergame, ça fait peur. Je ne sais pas si le fait d’être de langue maternelle italienne est une chance ou pas, dans ces conditions. Je ne l’ai pas encore compris.

      La peur, je disais… La peur qu’en réalité, dans l’après covid-19, on se réveillera et ça fera mal. La peur que ce que Naomi Klein décrivait pour l’Irak, est en train de se passer ici et maintenant. En Europe, en 2020. La stratégie du choc. C’est cela, la peur qui me prend à la gorge. C’est cela qui m’empêche de penser à ce que je dois faire comme si « tout était normal ». C’est cette peur qui ne me fait pas croire à la « continuité pédagogique ». Pour moi, un seul cours à assurer (et l’appui à un autre), mais je n’arrive pas à m’y mettre vraiment. Pourtant, pour ce cours, les étudiant·es sont là, présent·es. Ielles travaillent et s’y mettent. Avec ma collègue nous avons adapté le cours, et ça a l’air de marcher. Je n’avais pas de nouvelles d’un sous-groupe, j’étais inquiète. Après quelques jours, j’arrive à atteindre les étudiants du groupe, une personne sans internet dans le groupe. Et tout s’écroule. Mais il va bien. C’est ce qui compte. On adaptera. On ne pénalisera pas. Mais j’ai cette étrange impression que ces étudiant·es de L3 GES sont bien plus présent·es que moi. Ou alors ielles jouent. The show must go on. Continuité pédagogique oblige. Je ne sais pas si ielles font semblant ou si ielles y croient vraiment à ce beau projet qu’on était en train de construire ensemble : améliorer l’offre alimentaire des étudiant·es de l’IUGA. Je pense qu’ielles y croient et c’est pour cela qu’ielles sont là, présent·es. Ou peut-être ielles ont juste peur de ne pas avoir les crédits à la fin de l’année. Je pense qu’on ne le saura jamais. Mais je leur suis vraiment très reconnaissante, car ielles me motivent à ne pas lâcher. A les accompagner. On se donne tous les vendredis RV sur Discord. Et ça marche. Parce qu’ielles sont là au RV. Là avec leurs idées et leur envie d’avancer. Juste pour cela, ielles méritent une bonne note. Une belle leçon. »

      https://www.modop.org/se-relier/#29mars

      Le texte complet : https://www.modop.org/wp-content/uploads/2020/03/Et-puis-la-col%C3%A8re-et-puis-la-peur.pdf

    • Lettre ouverte adressée au président de l’université Savoie Mont Blanc par des étudiant.e.s mobilisé.e.s, à travers le syndicat Solidaires Etudiant-es, 31.03.2020

      Monsieur le Président de l’Université Savoie Mont Blanc,

      Le syndicat Solidaire Etudiant·e·s Savoie a pris l’initiative de créer un questionnaire à destination des étudiant·e·s sur la situation actuelle de la crise sanitaire et sociale. Le but de celui-ci est d’identifier les problèmes rencontrés par les étudiant·e·s durant cette période exceptionnelle de confinement pour tou·te·s, en se basant aussi bien sur l’aspect matériel que psychologique. Nous vous adressons donc aujourd’hui, Monsieur le Président, une lettre pour vous faire état de cette situation. 
Nous avons conscience que cette période apporte beaucoup d’inquiétudes, de questions et que les réflexions à distance sont compliquées. Cependant, nous souhaitons faire entendre les voix des étudiant·e·s. Le confinement nous oblige à modifier le déroulement de la fin de ce second semestre tant pour la continuité pédagogique que pour les examens qui devaient se tenir entre le 27 avril et le 16 mai 2020. Les craintes étudiantes concernant les modalités d’évaluation sont plus que présentes. C’est pourquoi nous vous demandons de prendre en considération les conséquences que pourrait avoir le maintien des examens. Aussi, ce questionnaire n’a aucune vocation scientifique ; il a été créé dans l’urgence et en réponse au questionnaire envoyé par la direction LLSH de l’USMB, que nous jugeons insuffisant puisque la seule dimension technique (connexion internet, ou pas) y est abordée. Pourtant, c’est loin d’être l’unique difficulté rencontrée. D’autres facteurs sont tout autant importants, à commencer par l’aspect psychologique, non négligeable, qui compte de cette situation inédite.

      Nous avons voulu connaître la situation des étudiant·e·s. C’était donc le but de notre questionnaire qui a été mis en ligne entre jeudi 26 mars et lundi 30 mars 14 heures. Il a été clôturé temporairement pour nous laisser le temps d’analyser les 808 réponses récoltées à l’heure de ces lignes. Nous le remettrons en ligne suite à la demande de plusieurs personnes. Les questions portent sur les conséquences du confinement ; l’état émotionnel, l’organisation personnelle dans la continuité pédagogique, sur les difficultés à suivre les cours à distance aussi bien au niveau des problèmes de matériel, de connexion qu’au niveau de la mise en place d’un environnement de travail approprié pour étudier.

      Dans un premier temps, nous pensons qu’il est important de souligner le taux d’inquiétude, de stress et d’angoisse incroyablement élevé des étudiant·e·s. En effet, à la question « êtes-tu angoissé·e, stressé·e, inquièt·e ? » 74,6% ont répondu par l’affirmative. Ce niveau d’angoisse extrême est facilement explicable par la crise sanitaire que nous vivons et beaucoup l’ont développé : la peur de tomber malade ou bien qu’un proche le soit a envahi leur quotidien. Face à ce taux particulièrement haut, nous avons cherché à savoir qu’elle était la source de cette inquiétude à travers les études. Le plus évident est d’abord la validation de leur année (506 personnes sur 808 se sentent concernées) mais également les concours reportés (170 sur 808). L’angoisse vis-à-vis des examens s’accroît d’autant plus avec les conditions de travail à la maison, qui ne garantissent pas l’égalité des chances. Certain·e·s étudiant·e·s doivent assurer la continuité pédagogique de leur·s frère·s ou soeur·s en plus de la concentration demandée pour leurs propres études. De même, les conditions de travail sont radicalement changées et ce malgré la volonté des professeur·e·s de bien faire : débit internet insuffisant, partage d’ordinateur avec les autres membres de la famille notamment pour le télétravail, impossibilité d’avoir un endroit au calme et de pouvoir travailler sans être dérangé·e, activités professionnelles qui continuent dans la grande distribution par exemple donc dans des lieux à risques ce qui engendre une inquiétude en plus et une méfiance parfois. Travailler chez soi est difficile pour beaucoup. Sur 808 étudiant·e·s, seulement 176 ont la possibilité de suivre correctement leurs cours, soit 21,8%, ce qui ne représente qu’un cinquième des étudiant·e·s sondé·e·s. C’est peu et insuffisant pour permettre la tenue d’examens en de bonnes conditions. Les étudiant·e·s sont également anxieux·ses face au report des examens ; vous n’êtes pas sans savoir que beaucoup sont obligé·e·s de travailler dès les mois de mai ou juin pour assurer une stabilité financière qui leur permettra d’avoir des conditions de vie décentes (567 étudiant·e·s sondé·e·s sur 808 soit 70,2% déclarent qu’un report des examens aurait des conséquences financières dramatiques pour eux·elles)
Un report des examens en présentiel ne ferait que renforcer le statut déjà précaire des étudiant·e·s. 
Les inquiétudes sont aussi tournées vers les conséquences de cette situation sur les sélections en master, la mobilité étudiante ou encore les stages et concours reportés.
      Nous demandons des décisions à la hauteur de la situation actuelle, égalitaires et équitables pour tou·te·s et surtout qui élimineraient les différents problèmes mentionnés ici.

      Monsieur le Président, nous voulons sincèrement croire en votre « sincère et fidèle soutien dans la situation particulière que nous traversons ». Mais les effets de manche ne suffiront pas aux étudiant·e·s : les actes doivent suivre les discours. Ainsi, vu la situation sanitaire et sociale d’un bon ensemble de vos étudiant·e·s, les modalités d’évaluation classiques ne pourront pas s’appliquer.
      Premièrement, nous demandons la suppression des évaluations en contrôle continu (en ligne) durant la période de confinement et de fermeture de l’Université. Ensuite, en ce qui concerne les contrôles terminaux : un report des examens durant les mois de mai ou de juin, en présentiel, est inconcevable pour différentes raisons : certain·e·s n’auront pas la possibilité de se loger en mai et juin, d’autres se sont déjà engagé·e·s dans des responsabilités professionnelles, familiales ou associatives. Un report des examens en présentiel impliquera de facto des conséquences financières et logistiques nuisant à beaucoup. Comme nous l’avons précédemment évoqué, l’enseignement pédagogique à distance n’est pas possible pour tout un ensemble d’étudiant·e·s, malgré la bonne volonté des différentes équipes pédagogiques. Une évaluation terminale, sur des contenus et relations pédagogiques fragiles de part la distance, que certain·e·s n’auront pas vécu·e·s, est donc totalement incohérente.
      Pour ce même objet, l’alternative numérique est un danger. Nous implorons donc à chacun et chacune ne pas céder à quelque démagogie ou essentialisme que ce soit : non, les « jeunes » ne préfèrent pas, par nature, l’usage du numérique. Si elle peut apparaître comme une solution par défaut, nous y voyons au contraire un outil excluant bon nombre d’entre nous.

      Mais alors... quelles solutions ? Nous demandons la validation de tous les enseignements dont les modalités de contrôle n’ont pas été faites avant la fermeture de l’Université. La condition sine qua non de cette mesure est l’établissement d’une note plancher de 12 pour toutes et tous, ou en fonction des notes correspondantes à celles des UE du premier semestre ou alors la validation automatique. Pour les étudiant·e·s en rattrapages, une solution devra être proposée, en prenant considération des contraintes de ce second semestre.
      Cette modification administrative concernant les notes et la validation du semestre ne signifie pas la fin de la continuité pédagogique, bien au contraire. Beaucoup d’équipes pédagogiques font des efforts considérables pour permettre à toutes et tous d’avoir des éléments et ressources pédagogiques. Nous demandons que cet effort soit maintenu, et que les échanges pédagogiques perdurent.

      Nos sincères salutations,

      Solidaire Etudiant·e·s Savoie

      –-> reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte

    • Lettre écrite à l’initiative de plusieurs enseignant.e.s du département des sciences de l’éducation de Paris8

      Bonjour à tous et toutes,
      Nous sommes quelques enseignant·e·s de l’UFR de sciences de l’éducation de l’université
      Paris 8 à nous poser des questions sur ce qui nous arrive et nous tenons à partager avec
      vous nos interrogations.
      Nous voici confiné.e.s pour au moins quinze jours, mais probablement le double si l’on en
      croit les expériences du Hubeï ou d’Italie.
      Nous sommes passé·e·s d’une vie publique et politique intense à une vie resserrée sur
      l’espace domestique. Pourtant rien ne cesse vraiment de nous indigner.
      Paraît-il que les journalistes se sont organisé·e·s pour assurer la « continuité de
      l’information » et nous voici avec un flot continu de discours sur l’évolution à la minute de
      la pandémie, la réaction de nos politiques en temps réel et les soubresauts de la bourse,
      tout ceci bien enrobé « d’unité nationale ». Alors à nous tous et toutes, professionnel·le·s
      de l’éducation de la maternelle à l’université, de prendre nos responsabilités pour assurer
      la « continuité pédagogique » et de faire vivre cette « nation apprenante » dont on voit mal
      ou trop bien (c’est selon) ce qu’elle peut bien signifier ! Nous savons tous et toutes que les
      plus vulnérables seront les plus touché·e·s par le virus, mais aussi par la nécessité
      d’assurer toutes formes de continuité, de s’occuper des proches, de gérer le quotidien.
      La grève prend ainsi une drôle de tournure dans un moment où la défense de nos services
      publics et une plus juste répartition des richesses semblent d’une brûlante actualité. Il ne
      s’agit évidemment pas de contester la décision de confinement mais de ne pas cesser
      d’être critiques et solidaires parce que nous avons cessé de sortir et de nous réunir. Il ne
      s’agit peut-être pas non plus d’assurer une « continuité de la grève » plutôt qu’une
      continuité pédagogique… mais peut-être d’accepter la rupture !
      Cessons de tenter de télé-travailler, tout en essayant de télé-enseigner, de télé-s’éduquer,
      de télé-s’angoisser les un·e·s les autres. Partageons plutôt des ressources, des attentions,
      des idées, des sourires, des réflexions, des lectures...
      Cette année a été chamboulée et tout ne sera pas rattrapé, quelle que soit la date de
      sortie de confinement. Les mouvements sociaux suspendus en plein vol n’ont pas perdu
      de leur pertinence, bien au contraire. La lettre d’un chercheur travaillant sur le coronavirus
      et exposant ces difficultés récurrentes à obtenir des financements pour ses recherches au

      cours des dernières années en est un exemple frappant. Il s’agira donc d’en tenir compte
      et d’avancer à partir de ces données. Peut-être arriverons-nous à trouver les espaces pour
      nous demander collectivement ce que nous avons appris de cette drôle d’année et la
      manière dont ces apprentissages résonnent avec nos projets individuels et collectifs.
      Peut-être arriverons-nous à penser et mettre en oeuvre une université de service public qui
      soit une réelle institution des communs.
      En définitive, nous refusons fermement :
      ● De passer de la grève à la continuité pédagogique sans nous interroger sur ce que
      cela signifie.
      ● Que l’on continue à nous faire croire que notre société peut persévérer dans ses
      routines de vitesse, de performance, de résultats et de compétition généralisée.
      C’est ce qui se joue derrière les injonctions faites aux enseignant·e·s et aux parents
      de continuer l’école à la maison, au détriment des foyers les moins équipés et des
      familles les moins familières de la culture scolaire. C’est ce qui se joue également
      dans l’injonction faite aux élèves et aux étudiant·e·s de continuer à étudier sans
      tenir compte de la grande précarité de certaines situations.
      ● De faire comme si les élèves et les étudiant·e·s pouvaient passer les examens de
      fin d’année comme si de rien n’était alors qu’ils et elles sont matériellement et
      culturellement dans une situation d’inégalité face à l’offre d’apprentissage à
      distance proposée par le ministère de l’éducation et par les universités.
      ● De répondre à l’injonction de télé-enseigner alors que nous nous occupons de nos
      enfants et de nos proches, fonction dont on sait que, socialement, elle incombe
      surtout aux femmes.
      ● De demander à nos élèves et étudiant·e·s de répondre à l’injonction de télé-étudier
      alors que certain·e·s sont dans des situations de précarité, ont des familles à
      charge, n’ont pas cessé leur activité salariée ou dépendent de parents qui n’ont pas
      le temps de les aider à prendre en main les outils numériques.
      ● De taire nos critiques au nom d’une prétendue solidarité qui arrive bien tardivement
      dans le quinquennat présidentiel !
      Nous voulons pouvoir parler de ce qui fâche : l’avenir de nos sociétés mondialisées
      néo-libérales et celui de nos démocraties qui, les unes après les autres, renoncent aux
      libertés fondamentales pour faire face à l’épidémie.
      À partir de là et poing à point contre les inquiétudes, nous voulons adresser les messages
      suivants à nos étudiant.e.s :
      ● La priorité est au soin de soi et de ses proches (idée : une carte des solidarités -
      sans se mettre en danger !)
      ● Si vous rencontrez des difficultés particulières face à cette situation de confinement,
      des professionnel·le·s et des militant·e·s sont disponibles par mail et par téléphone
      pour répondre à vos questions et besoins : violences conjugales (appeler le 3919 – Il
      est déconseillé de sortir, mais il n’est pas interdit de fuir), problème de logement,
      situation de travail, éventuelles questions sur le droit de retrait (lire par exemple le
      communiqué de solidaires étudiant·e·s ).
      Vous pouvez évidemment vous confier aux enseignant·e·s en qui vous avez confiance. Ils
      et elles feront de leur mieux pour vous aider et/ou vous orienter vers les personnes
      compétentes.
      ● Nous tenterons, quoiqu’il arrive, de rester en contact mais sans pression de part et
      d’autre. Nous restons joignables à nos adresses mails et ferons au mieux, avec tout
      ce que nous avons à gérer de quotidien, pour y répondre avec précision.
      ● Le semestre sera validé pour tous les étudiants et toutes les étudiantes qui suivent
      nos cours. Les modalités se discuteront collectivement autant que faire se peut, mais
      chaque enseignant·e·s reste décisionnaire pour les cours qui le concernent.
      Des enseignant·e·s de l’UFR SEPF - Université Paris8.

      –-> reçue le 30.03.2020 via la mailing-list Facs et labos en lutte

    • « Des gens vont mourir, mais il faut que tu passes ton bac »

      Les mots sortent avec difficulté. Le constat est douloureux. « Je suis dépassée », confie Milouda, 51 ans, une femme de ménage qui élève seule ses deux enfants de 11 et 18 ans en Ariège. Elle continue de travailler à un rythme réduit. Comme tous les élèves de France, son fils, qui est en sixième, a du travail à faire. Et cela au nom de la sacro-sainte « continuité pédagogique » voulue par Jean-Michel Blanquer, au mépris des multiples réalités sociales des familles.

      La mère explique que ses difficultés à faire la classe à la maison sont imputables, entre autres, à sa mauvaise maîtrise de l’informatique. Elle dispose d’une tablette mais « n’y arrive pas » et ne possède pas d’imprimante. Il lui est donc difficile de suivre les consignes des enseignants, eux-mêmes assez absents. Une fois, en ces deux semaines, un enseignant a donné un cours d’histoire-géographie à distance. Il s’agit du seul contact que Milouda et son fils ont eu avec le corps enseignant.

      La situation semble inextricable. Cela génère tensions et souffrances pour la mère et son fils. « Je suis à bout, j’ai lâché, je ne peux plus rien faire, on ne fait plus rien du tout. Je n’arrive pas à lui expliquer les cours. Je me sens impuissante de ne pas pouvoir faire d’autres exercices. J’ai du mal à avoir les devoirs aussi, car je n’ai pas le matériel. Comme je suis arrivée tard du Maroc, je n’ai pas le niveau et je ne sais pas quoi faire. Mon fils ne se sent pas bien, il se dit qu’il est nul », soupire Milouda. Son fils sait accéder à l’espace numérique de travail (ENT) seul mais c’est tout.

      Alors, elle veut témoigner pour alerter sur sa situation et celle d’autres familles dans son cas. Elle veut raconter à quel point cette configuration est injuste pour une population modeste déjà oubliée. Milouda doit tout assumer seule, sans aide. « Je me sentais déjà larguée, il fallait que je me batte pour beaucoup de choses. Là, il n’y a rien de pire, on est des sacrifiés. Déjà qu’on avait l’impression que tout le monde se fout de nous… »

      Nordy Granger, responsable de l’association Sorosa, dans la Drôme, connaît les difficultés induites par l’école à distance. Elle accompagne des jeunes mineurs non accompagnés et des jeunes majeurs étrangers scolarisés en lycée professionnel ou en centre de formation d’apprentis (CFA) éventuellement. Les mineurs sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il a fallu là encore s’organiser pour faire face à l’école à distance, particulièrement délicate en filière professionnelle.

      « Au début, raconte la responsable, la première semaine, il y a eu un cafouillage, la continuité pédagogique n’a pas été tellement mise en place. Puis, il y a eu une accélération. Les profs ont envoyé des devoirs par mail. »

      Depuis le début de la fermeture des établissements scolaires, il y a deux semaines, des difficultés techniques sur les plateformes officielles de travail à distance ont obligé les enseignants à faire preuve de créativité. Certains ont conçu des groupes WhatsApp. D’autres envoient simplement des consignes et exercices par courriel. Un peu trop parfois.

      Un jeune s’est retrouvé aussi avec 40 pages de travail, avec un rendu la semaine suivante.

      Certains élèves n’ont pas d’adresse mail, d’ordinateur, Internet ou de smartphone. Les éducateurs du département n’ont pas le droit de se déplacer. « Personne ne savait comment procéder. Pour les familles exilées, c’est compliqué. Parfois, elles ne parlent pas français. S’il y a un grand frère ou une grande sœur adolescente qui parle français, il ou elle va expliquer ce que les petits doivent faire. S’il n’y a pas de grands, cela signifie que les petits ne vont pas faire de devoir tout le temps du confinement ? Vont-ils redoubler ? », s’interroge encore Nordy Granger.

      Elle explique qu’ils sont livrés à eux-mêmes. Certains sont francophones mais ont des difficultés à l’écrit et besoin d’un enseignant pour tout comprendre. « Les éducateurs font tout ce qu’ils peuvent, ils sont eux-mêmes en télétravail, ils essaient d’aider par téléphone. Les enseignants de français langue étrangère, le FLE, appellent les élèves pour discuter avec eux et les rassurer. Mais c’est un tel chantier… »

      Alors l’association a décidé de tenir une permanence le mercredi et le samedi, en respectant les règles sanitaires et en filtrant l’accès au local, personne par personne. Ainsi une adolescente de 14 ans est-elle venue faire ses devoirs dans le petit bureau de la permanence, car elle vit dans un squat sans ordinateur.

      Nordy Granger s’inquiète de ces bouleversements de la scolarité, même s’ils sont indépendants de leur volonté. Quid des diplômes ? Comment vont faire les élèves en apprentissage pour valider leur cursus alors que les entreprises – hors BTP – sont à l’arrêt ?

      Elle craint que cela les pénalise pour obtenir un titre de séjour, lequel est conditionné par « suivi réel et sérieux de leurs études ». Or, s’il est écrit que le demandeur n’a pas fait d’effort pour suivre les cours dans son bulletin du troisième trimestre, la préfecture pourrait bien refuser sa délivrance.

      De son côté Aurore, mère de deux enfants, enceinte du troisième et proche du terme, joue de malchance. L’ordinateur familial a planté. Il n’est pas possible de le faire réparer ni d’aller en acheter un nouveau, faute d’avoir le budget et de pouvoir se rendre dans les magasins. Ses enfants, respectivement en sixième et en troisième, se débrouillent avec les smartphones de leurs parents.

      Seulement, il est difficile d’aller sur Pronote, l’une des plateformes utilisées pour l’école à distance, sur un simple téléphone. « Nous avons accès à tous les cours mais impossible d’être évalués », résume Aurore.

      L’école française se distingue pour sa propension à nourrir les inégalités qui la traversent. Ce moment inédit qui voit 12 millions d’élèves suivre leurs cours à distance met au jour ce que tous les observateurs du monde scolaire s’échinent à dénoncer. L’école est loin d’être aveugle aux différences sociales et, pire, elle ne fait pas grand-chose pour les corriger.

      Le ministre de l’éducation nationale l’a reconnu mardi 31 mars sur CNews. Selon Jean-Michel Blanquer, il y a « un grand risque » que la situation actuelle « creuse les inégalités » entre les familles qui ont la possibilité de faire la classe à la maison et les autres. Il a estimé qu’entre 5 et 8 % des élèves ont été perdus par leurs professeurs, qui ne peuvent pas les joindre depuis deux semaines.

      Pour lutter contre cela, un accord a notamment été passé avec La Poste, qui « va permettre à chaque professeur d’envoyer à partir de son ordinateur un document imprimé à un élève qui n’a pas d’équipement numérique ou qu’il n’a pas réussi à joindre autrement », a-t-il détaillé. Des tablettes peuvent être distribuées par des collectivités locales ou des associations aux familles qui n’ont pas d’équipement informatique, a promis le ministre.
      Le système D prévaut

      En attendant, pour les familles comme pour les enseignants, le système D prévaut.

      Virginie*, professeure des écoles dans une école Réseau d’éducation prioritaire (REP) à Pantin, en Seine-Saint-Denis, a fait en sorte de contourner les difficultés des familles de sa classe et a scanné un maximum d’exercices pour faire écrire les petits de CM2. Elle regrette simplement de n’avoir pas pensé à donner des crayons de couleur et des feutres aux élèves les plus démunis, car elle leur a aussi demandé de colorier des cartes et n’est pas sûre que tous possèdent le matériel idoine. Mais dans la précipitation, elle a paré au plus urgent.

      Depuis le début du confinement, Julien enseignant dans le Morbihan, s’occupe de sa classe de CM2 et de ses filles. Comme sa collègue de Pantin, il a veillé à limiter au maximum le stress. Il sait que des familles dysfonctionnent et que mettre une trop grande pression aux petits pourrait créer des conflits dans des foyers déjà violents. Certains n’ont pas d’équipement numérique ou pas de réseau internet. Il a donc évincé tout exercice nécessitant une imprimante et a privilégié les ressources gratuites et activités ludiques. Il fait écrire ses élèves « pour qu’ils ne perdent pas tout ».

      Parce qu’il sait aussi que la réalité scolaire, plus que jamais, est conditionnée par le milieu social des enfants.

      « Je fais attention au vocabulaire que j’emploie dans mes consignes pour ne pas utiliser le jargon pédago incompréhensible pour le commun des mortels. Malgré tout, plein de parents m’écrivent, car leur enfant pleure tous les jours et ne veut rien faire. Je leur dis de le laisser appréhender la situation car c’est incroyable ce qu’on vit. »

      La responsable de l’association Sorosa a contacté les enseignants, « bienveillants » pour leur demander de restreindre les demandes d’impression, « car on ne sait pas comment on va se procurer de l’encre quand on n’aura plus de réserves. Et surtout, on a envie de leur dire d’arrêter de mettre la pression aux élèves ».

      Pour sa part Milouda se débrouille malgré le confinement et réussit à se rendre chez un camarade de son fils, à deux kilomètres de là. « Le problème, c’est que son beau-père est raciste, il refuse que je vienne. Alors, j’y vais très tôt, avant qu’il ne se réveille, je récupère des devoirs que me donne la maman par la fenêtre. Mais elle ne peut pas tout imprimer car elle aussi est en rade. » Mais c’est déjà ça.

      Milouda est inquiète, car son fils a déjà des difficultés à l’école. En temps normal, il fréquente l’aide aux devoirs. Un soutien appréciable mais inaccessible aujourd’hui. « En milieu rural, il n’y a pas de MJC, pas de service public. Il n’y a rien pour les ados, pas de solidarité », regrette-t-elle.

      Des difficultés dans toutes les familles

      Des parents, mieux armés, font eux aussi part de leurs difficultés à assurer la mission qui leur est dévolue. À tel point que la FCPE de Paris a réclamé dans un communiqué qu’il y ait moins de pression sur les parents, les enfants et les enseignants de la part du ministère, qui tient à ce que tout continue.

      Marie a 46 ans et vit à Bayonne avec ses deux enfants de 10 et 2 ans. Adjointe administrative, elle est en télétravail. Son conjoint est à son compte mais avec une activité ralentie. De son propre aveu, elle se sent « privilégiée », même si l’école à la maison n’est pas une sinécure. Elle est très angoissée pour sa fille. Résultat, les premiers jours ont été très tendus.

      Sa fille est en CM1 et reçoit un planning quotidien, « assez ludique », par mail. Une fois par semaine, il y a une classe virtuelle d’une heure pour que tous les élèves se voient. Enfin… pour ceux qui possèdent le matériel informatique idoine… De son côté, Marie explique que tout est chronométré dans la journée de l’écolière.

      « Nous on déborde sur le temps de pause, ce qui nous met la pression. J’ai peur que ma fille n’y arrive pas et qu’elle accumule du retard. » Au bout de quelques jours, la mère de famille s’est dit qu’il fallait dédramatiser et que ce n’était pas grave de louper quelques exercices. « Sinon cela va devenir irrespirable. »

      Même les parents d’adolescents peuvent se sentir submergés. C’est le cas de France, 48 ans. Elle travaille à Paris dans la communication et s’occupe de son fils, élève de première. Celui-ci, comme tous les élèves de son niveau, a connu une année mouvementée, entre les grèves de transports, les blocus contre les « E3C », les nouvelles épreuves de contrôle continu, et maintenant le confinement pour cause de coronavirus. Les jeunes qui préparent un examen attendent encore des réponses claires de la part du ministre pour connaître les modalités du baccalauréat, ce qui ajoute un peu plus d’angoisse.

      La mère de cet adolescent reconnaît tout de go « ne pas être une super pédagogue », malgré ses diplômes de l’enseignement supérieur. « À 17 ans, ce n’est pas sa meilleure période, ni avec moi ni avec lui-même. Famille recomposée. On a un seul ordinateur, pas d’imprimante, ça complique les choses. »

      Elle ne se voit pas non plus dispenser à son fils un cours de sociologie ou disserter avec lui sur Le Rouge et le Noir de Stendhal, au programme, mais qu’elle a lu il y a une éternité.

      Eva* a 40 ans et vit dans le Val-de-Marne. Elle a deux enfants en primaire, en CE2 et en CM2. Responsable des ressources dans une association, elle gère son équipe à distance. Son conjoint est infirmier, donc impossible pour lui de l’aider dans le contexte actuel. Alors, la mère de famille s’est organisée le mieux possible. Elle a constitué des plannings avec des temps de travail, de pause et de déjeuner. Elle s’astreint à une routine avec ses enfants « pour différencier les jours de la semaine ».

      Sur le plan scolaire, Eva explique qu’elle gère au fil de l’eau, surtout avec un fils qui réclame une attention particulière : « On fait comme on peut, on reçoit par mail tout ce qu’il faut faire chaque soir. Autant l’aînée est autonome, elle a peu besoin d’aide. Mais son petit frère est en CE2, avec des difficultés de concentration et d’apprentissage. Ce n’est pas inquiétant mais il ne peut pas travailler tout seul. Et là c’est dur. Avec la maîtresse, il n’y a pas de lien affectif dans la dimension éducative. Là, tout vire au conflit. »

      Elle craint que son fils ne décroche s’il n’écrit pas et ne lit pas régulièrement. « Je vois tout ce qu’il aurait dû faire en une journée et qu’on n’a pas réussi… »
      Et si on arrêtait l’école à la maison ?

      Marwa aussi se démène comme elle peut avec deux enfants atteints de troubles de l’attention. À 43 ans, elle vit dans le VIIIe arrondissement à Paris, un quartier chic. Cette commerciale « à temps partiel » tient à préciser qu’elle élève seule ses deux enfants de 7 et 10 ans et occupe un logement social. Les deux souffrent d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH).

      La mère a entretenu une relation complexe avec l’école. Victime d’une orientation forcée en BEP secrétariat, elle regrette de n’avoir pu suivre les études longues dont elle rêvait. Elle raconte encore que son fils aîné a subi du harcèlement à l’école plus jeune et craint surtout que ses deux fils ne soient « catalogués comme futurs ratés en allant dans une école de bourgeois sans l’être eux-mêmes ».

      Alors, elle fait en sorte qu’ils poursuivent tant bien que mal leur scolarité, même confinés. L’aîné a été diagnostiqué tardivement, il accuse un retard dans son cursus. Marwa possède « une imprimante mais pas d’encre ». Elle se rend régulièrement à l’école – malgré les dangers – pour récupérer des exercices auprès du directeur.

      Marwa constate que la charge de travail est énorme. Elle tente de s’adapter. « C’est dur pour une maman solo. Ils ne savent pas se canaliser, ça hurle, ça chahute. Le matin, ce sont des piles électriques, impossible de les calmer. Après le déjeuner, j’arrive à avoir un moment d’attention. En temps normal, le premier a un AESH [accompagnant des élèves en situation de handicap − ndlr]. Là, il est greffé à moi. Le dernier arrive à peu près à travailler ; mais au bout d’un quart d’heure, il a besoin d’une pause. »

      Son fils aîné se braque dans un contexte tendu qui exacerbe son hypersensibilité, explique encore Marwa. « Il refuse de faire le minimum et se trouve des excuses. Je me retrouve à me battre pour un exercice. Je me suis battue deux heures pour une fraction… Ce n’est pas mon métier, on est à la maison. Lui-même n’arrive plus à se contenir. L’école le calme, c’est un cadre pour lui, il y a des règles là-bas. »

      D’ordinaire, un enseignant de collège, formé à travailler avec des enfants souffrant d’un TDAH, vient deux fois par semaine, le mercredi et le samedi pour aider les deux fils de Marwa. Ce qui lui permet un peu de souffler. Ce n’est pas le cas en ce moment.

      Aujourd’hui, elle vit mal son isolement et son sentiment d’impuissance. « On nous met une espèce de culpabilité, car on n’a pas toujours les moyens intellectuels ou la méthodologie pour expliquer à nos enfants. Rien que les divisions, ça a changé. On ne les pose plus pareil. » Elle craint qu’à la rentrée, une partie des élèves « ne soit complètement larguée, car dans le VIIIe, c’est marche ou crève ».

      France identifie une multitude « de micro-choses » qui font que c’est stressant. Le contexte général, très anxiogène, la pression volontaire ou involontaire des enseignants et des parents, la masse considérable de travail à rendre, parfois sur des notions à peine survolées en cours.

      « C’est un peu culpabilisant. J’ai l’impression d’être l’artisan de l’échec de nos enfants. Il y aura deux camps. Ceux qui auront su et ceux qui n’auront pas pu. Je ne comprends pas l’acharnement à maintenir tout cela. À part quelques ados qui ont le plaisir de l’apprentissage, on va dégoûter cette génération parce qu’on ne veut pas prendre en compte la réalité. On marche sur la tête. Il y a une pandémie, des gens vont mourir, mais il faut que tu passes ton bac. On ne peut pas fonctionner normalement quand rien ne fonctionne normalement. »

      Eva plaide en faveur d’une solution radicale. Arrêter l’école à la maison. « Il est impossible d’enseigner et de télétravailler en même temps. Stopper les cours desserrerait la pression, mettrait tout le monde à égalité, même si on sait que les CSP+ ne laisseront pas leurs enfants devant la télé. Mais du point de vue de l’institution, il n’y aura pas d’injonction remplie d’un côté et pas de l’autre… »

      Julien, l’enseignant du Morbihan, s’est aussi étonné que sa propre fille, en CM1, ait reçu une somme considérable de travail, une quarantaine de pages. À tel point qu’il a été surpris du nombre de feuilles sorties de l’imprimante qu’il a lancée sans regarder. Sans compter qu’il est difficile d’enseigner à son propre enfant, quand bien même c’est son métier. Lui aussi a dû faire face à des crises avec sa fille, qui s’est braquée à plusieurs reprises.

      Pour toutes ces raisons, il aurait aimé que tous les enseignants n’obéissent pas à la consigne ministérielle et proposent, au lieu des révisions des leçons, des activités pédagogiques. Histoire de réussir à ne pas trop creuser les inégalités dont est percluse l’école française.

      Le professeur ne se fait guère d’illusions : « De toute façon, on dénonce le mythe de l’école républicaine qui abolirait les différences. On savait que c’était faux, mais là, ça l’accentue. Là, le grand public les vit au quotidien, ces inégalités et leurs conséquences, ce qu’on dénonce tous depuis des années. »

      Certaines familles se sont « évanouies dans la nature », constate Virginie. Sur une vingtaine, une petite quinzaine ne donne pas de nouvelles. Les autres se surinvestissent au contraire. « Elles poussent leurs enfants, ce que j’arrivais à contenir quand on était en classe. Ces parents m’envoient cinq messages par jour pour me poser des questions. Ce sont ceux de la classe moyenne qui veulent que leurs enfants prennent l’ascenseur social », analyse Virginie.

      L’enseignante est inquiète des conséquences du confinement, car elle sait que certains sont inscrits sur des sites qui prétendent offrir des cours particuliers efficaces en ces temps inhabituels. « J’ai peur que les parents prennent trop d’initiatives. Quand je vais les récupérer, ils auront vu de nouvelles notions, ça va creuser les inégalités. En fait, cette situation exacerbe les comportements habituels. Ça laisse libre cours à ceux qui s’en fichent et à ceux qui mettent trop de pression à leurs enfants. »

      La « continuité pédagogique » voulue par le ministre Jean-Michel Blanquer suscite de plus en plus de critiques. De nombreux parents, notamment dans les familles modestes, se sentent dépassés. Témoignages de parents qui galèrent.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/310320/des-gens-vont-mourir-mais-il-faut-que-tu-passes-ton-bac?onglet=full

    • M. Blanquer, arrêtez de #faire_semblant

      Si l’on en croit M. Le ministre de l’Education nationale, tout est sous contrôle. Tout le monde a trouvé son « rythme de croisière » sur la plateforme Ma classe à la maison, les jeunes de Terminale pourront passer leur bac d’ici la fin du mois de juin, les élèves rattraperont leurs retards d’apprentissage cet été grâce à des modules gratuits…
      Mais M. Blanquer, si vous arrêtiez de faire semblant ?
      Semblant de maîtriser une situation imprévisible, ou à tout le moins imprévue, semblant de faire comme si la continuité pédagogique fonctionnait, semblant de penser que plus de 90 % des élèves n’ont pas « décroché »… Bien sûr, les parents sont reconnaissants du travail réalisé par des professeurs mis en demeure d’enseigner à distance alors même qu’ils n’ont jamais, ou presque, été formés à ces nouvelles pratiques. Bien sûr, les parents ont répondu présent quand le Ministre leur a demandé d’accompagner leurs enfants dans ce processus. Mais voilà, ils n’en peuvent plus ! Ils disent stop à la pression qui s’exerce sur eux et les élèves.
      Ils ne veulent plus qu’on leur donne des dates de sortie de confinement sujettes à caution, recevoir des injonctions sur ce qu’ils devraient faire ou ne pas faire durant leurs vacances, préparer leurs enfants à des examens dont on ne connaît même pas l’organisation, aller chercher des devoirs photocopiés alors qu’ils devraient rester confinés. Tous se plaignent des devoirs trop lourds, du coût matériel induit par cette « continuité pédagogique » ou encore de l’impossibilité de se connecter à Parcoursup en respectant les dates limites.
      Nous, nous ne faisons pas semblant, tous les jours nous devons répondre aux parents stressés par leur difficulté à ne pas perdre pied dans le travail qui est demandé à leur enfants et qui s’ajoute à l’inquiétude causée par la pandémie.
      Désormais, nous exigeons :
      – la suspension immédiate de Parcoursup ;
      – l’arrêt des notes données aux élèves en cette période de confinement ;
      – l’allégement des travaux à réaliser à la maison ;
      – la garantie d’une reprise des cours là où les enseignants les avaient arrêtés le 16 mars dernier ;
      – la garantie que les diplômes des élèves ne prendront en compte que les notes obtenues en présentiel.

      https://www.fcpe.asso.fr/sites/default/files/2020-03/31-03-2020-M%20Blanquer%20arre%CC%82tez%20de%20faire%20semblant%281%29.pdf

    • La #loi_organique_d’urgence, le #Conseil_constitutionnel et la continuité pédagogique

      Démarrons par un point apparemment éloigné de la continuité pédagogique : le Conseil constitutionnel a rendu jeudi 26 mars sa décision sur la « loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ». La loi « organique » d’urgence est une loi qui vient compléter la loi « ordinaire » d’urgence du 23 mars dernier, sur un point bien précis : elle suspend jusqu’au 30 juin 2020 les délais dans lesquels doivent être normalement examinées les questions prioritaires de constitutionnalité, « afin de faire face aux conséquences de l’épidémie du virus covid-19 » (article unique de la loi, qui n’a toujours pas été publiée au Journal officiel).

      Les lois organiques sont des lois d’un type très particulier. Leur adoption étant prévue par la Constitution elle-même, elles sont d’une valeur juridique supérieure aux lois ordinaires et doivent être promulguées selon une procédure spéciale fixée à l’article 46 de la Constitution. Entre autres choses, un projet de loi organique ne peut pas « être soumis à la délibération de la première assemblée saisie avant l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt » (alinéa 2). L’objectif poursuivi par cette règle est simple : si la Constitution de la Ve République impose qu’entre le dépôt du projet de loi organique par le gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat et sa discussion par le Parlement, quinze jours au moins se soient écoulés, c’est parce que les lois organiques sont trop importantes pour que l’on puisse prendre le risque de les adopter dans la précipitation.

      Pour la loi organique d’urgence, cette condition n’était pas remplie. Le projet de loi a été déposé mercredi 18 mars 2020 sur le bureau du Sénat et a commencé à être examiné dès le lendemain. Le non-respect du texte de la Constitution était donc indiscutable. Et pourtant… Dans sa décision du jeudi 26 mars, le Conseil constitutionnel ne voit là aucun motif d’inconstitutionnalité. Plus précisément, il estime que « compte-tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution ». « Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce », une demi-phrase, et c’en est tout de l’argumentation juridique. C’est qu’il n’y a pas grand-chose à expliquer, en fait : face à une loi organique qui viole de manière flagrante l’article 46 de la Constitution, le Conseil constitutionnel n’a pas eu d’autre choix que de créer une « théorie des circonstances exceptionnelles » en droit constitutionnel français. C’était, pourrait-on dire, le prix constitutionnel à payer à partir du moment où son choix était de sauver la loi organique.
      On comprend que le Conseil constitutionnel, eu égard à l’âge vénérable de ses membres – 72 ans de moyenne d’âge – et aux risques qui y sont associés, se sente en première ligne face à l’épidémie de covid-19, et panique quelque peu. Mais la décision de jeudi dernier est proprement indigne : indigne de toutes celles et tous ceux qui, des caisses de supermarché aux hôpitaux, sont vraiment en première ligne ; indigne, surtout, des fonctions d’une institution qui, normalement, ne devrait pas avoir vocation – en tout cas pas si facilement – à être aux ordres. Perd-on donc toute lucidité juridique dès que la situation devient exceptionnelle et urgente ?

      C’est à tous les niveaux que cette perte de lucidité juridique s’observe en ce moment, en réalité. L’enseignement supérieur et la recherche, on l’aura compris des différents articles publiés sur Academia depuis le début de l’épidémie, n’échappe pas à ce constat1. Que les circonstances soient exceptionnelles, c’est une chose ; qu’elles autorisent le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et les établissements qui en relèvent, à faire n’importe quoi, c’en est une autre. Pour la communauté de l’ESR, la situation devient très désagréable : englué dans l’urgence de la situation et le bouleversement de nos quotidiens, on regarde, sidéré, les « consignes » tomber. Il est temps, cependant, de reprendre collectivement notre lucidité juridique2, pour ne pas être écrasés par l’exceptionnalité du moment : vérifions une à une la validité de ces injonctions, et faisons la part des choses.
      La continuité pédagogique, certes, mais à quelles conditions juridiques ?

      La continuité pédagogique est la grande injonction du moment, et elle autorise tous les abus. À l’évidence, certains – au ministère, dans les rectorats et dans nos universités – semblent intimement persuadés que le vieux principe juridique de « continuité du service public », associé aux circonstances exceptionnelles qui sont les nôtres, suffit à recouvrir d’un voile de légalité chacune des décisions qui sont prises.

      Qu’il existe un principe de continuité du service public, c’est certain, tout comme il est certain que le juge administratif a toujours été compréhensif vis-à-vis des administrations qui, confrontées à une circonstance exceptionnelle, prenaient quelques largesses avec le droit auquel elles étaient soumises. Mais il serait désastreux que l’on prenne ces deux certitudes pour un argumentaire juridique à toute épreuve : à ce niveau de généralité, il ne s’agit que d’une mauvaise bouillie de droit administratif.

      Commençons plutôt par rappeler une donnée simple. Ni les « plans de continuité pédagogique » divers et variés qui inondent nos boîtes mail, ni les « plans de continuité des activités » (PCA) que tous les établissements arborent désormais pompeusement ne produisent du droit et n’ont pas davantage d’autorité réglementaire. Ils ne le peuvent tout simplement pas : ce sont tantôt des conseils, tantôt des mesures d’organisation des services ; mais, dans tous les cas, ce ne sont pas des mesures d’une force juridique suffisante pour introduire des dérogations au droit de la fonction publique, et encore moins des limitations aux libertés universitaires.

      Reprenons, à partir de là, les choses dans l’ordre. La réalité juridique actuelle dans les universités est bien plus prosaïque qu’on ne le croit, en fait. Elle tient en deux phrases : sur le fondement du décret du 23 mars 2020 « prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire »,

      1° nos universités sont fermées aux « usagers des activités de formation », c’est-à-dire aux étudiants (article 9) ; et
      2° nous n’avons, pas davantage que nos étudiants, le droit d’y accéder, car, pour l’immense majorité d’entre nous, les trajets entre nos domiciles et nos établissements ne sont pas considérés comme des déplacements « insusceptibles d’être différés » (article 3).

      À ce stade, nous ne voyons rien d’autre sur le plan des textes juridiques. Ce ne sont pas les occasions légistiques qui ont manqué, pourtant : une loi et 31 ordonnances ont été publiées au Journal officiel la semaine dernière pour « faire face à l’épidémie », sans compter les multiples décrets et arrêtés. Mais c’est ainsi : le décret du 23 mars 2020 ne dit rien qui pourrait concerner la continuité pédagogique, pas plus que la loi d’urgence du 23 mars 2020. Aucune mesure d’« adaptation provisoire » du décret du 6 juin 1984 – le statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences –, et en particulier de son article 7 sur les services d’enseignement, n’a par ailleurs été prise. Et rien n’a été modifié quant aux conditions d’application du décret du 11 février 2016 sur la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique.

      Cette donnée juridique là, ce ne sont pas les « fiches » de la direction générale de l’Enseignement supérieur et de l’Insertion professionnelle qui y changeront quoi que ce soit, pas plus que la flopée de mails de nos présidents d’université. Pour le dire autrement, s’il existe bien un principe de continuité du service public, et quand bien même les circonstances sont exceptionnelles, ni la DGESIP, ni les présidents d’université n’ont un titre juridique suffisant pour ordonner ce que l’on doit faire pour assurer la continuité pédagogique. Il serait très grave que ce principe soit oublié dans le contexte dramatique actuel, et il est crucial de tenir bon sur ce point, alors que les présidents viennent déjà de recevoir des pouvoirs exorbitants pour décider des formes des prochains examens – une question qui relève, pourtant, directement des choix pédagogiques ((Sur les marges de manœuvre considérables qui sont reconnues aux présidents, ainsi que sur les interrogations quant aux concours de recrutement, nous renvoyons aux analyses – encore à approfondir – de l’ordonnance du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 : « Il n’est pas besoin de beaucoup de mots » : dérogations à tout va dans les universités, 28 mars 2020 et Oups ! Fin prématurée des mandats de présidents d’université ?, 29 mars 2020.)).

      Sans texte juridique, aucun dispositif précis de contrôle ne peut d’ailleurs être introduit. Qui aurait le droit de décider qu’une heure d’enseignement vaut une heure de vidéo ou de son, ou X pages de cours ? Qui aurait le droit de procéder à de telles équivalences, alors même que le bouleversement de notre cadre de travail est sans équivalent ? La règle, si règle il y a, elle est bien simple : chacun fait ce qu’il peut et ce qu’il se sent de faire, selon ses possibilités personnelles et familiales, son environnement de travail et son état psychologique. Personne, en particulier, ne pourra être sanctionné parce qu’il n’a pas assuré l’intégralité de son service : il manquerait un fondement juridique à cela, tout simplement parce que personne n’aura enfreint aucune règle, tant que les règles n’auront pas été modifiées. N’inversons pas l’ordre des choses, tout simplement : ce que fait le droit pour l’instant, ce n’est pas de nous obliger à une quelconque continuité pédagogique ; ce qu’il fait, c’est de nous confiner, donc de nous empêcher d’assurer nos heures d’enseignement relevant de nos obligations statutaires ou de nos contrats.

      Pour que les choses soient parfaitement claires : cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune obligation de télétravail. En effet, même si, du côté de la fonction publique, il n’existe pas l’équivalent de l’article L. 1222-11 du code du travail, il ne fait aucun doute qu’en cas de contentieux, le juge administratif soutiendra qu’en période d’épidémie, la mise en œuvre du télétravail doit être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité du service public et garantir la protection des agents. Mais cela signifie, en revanche, qu’on ne saurait se laisser dicter les conditions de la continuité pédagogique.

      Celle-ci est littéralement nue : faute de fondement juridique, elle n’est qu’une injonction. Bien sûr, il n’est pas impossible que de nouveaux textes soient édictés dans les prochaines semaines ; mais pour l’instant, la continuité pédagogique, ce n’est que ça : une injonction parfois autoritaire, qui se drape dans l’intérêt supérieur de nos étudiants, tout en oubliant qu’elle passe en réalité par pertes et profits la dégradation considérable de la qualité des enseignements que ces mêmes étudiants reçoivent et les inégalités tout aussi considérables que l’on crée entre eux. De ce point de vue, faute de fondement juridique, la continuité pédagogique ne s’apprécie que sur le plan pédagogique, de sorte que chaque enseignant-chercheur et enseignant, au titre de sa liberté d’enseigner, est légitime à apporter sa réponse aux problèmes pédagogiques lourds que soulève l’épisode actuel : combien d’étudiants perdons-nous en route dans toute cette affaire ? Quel est, plus précisément, notre seuil d’acceptabilité ?

      Bref, s’il est évidemment crucial qu’en ces temps tourmentés, nous accompagnions du mieux que l’on peut nos étudiants, il ne faudrait pas, pour autant, que quelques collègues – parfois devenus plus managers que collègues, d’ailleurs – perdent de vue que si continuité pédagogique il y a, elle procède d’abord et avant tout de la bonne volonté et du sens du service public des personnels de l’ESR. Il ne faudrait pas non plus, d’ailleurs, qu’ils perdent de vue que dans tous les cas, l’enseignement n’occupe qu’une partie de nos fonctions : les conditions d’une continuité de la recherche doivent aussi être respectées. Nous devons avoir un peu de temps pour bosser sur nos articles et nos livres, en somme.

      Hors ce dernier point, et quand bien même la « liberté pédagogique » des enseignants de l’éducation nationale n’offre pas le même niveau d’indépendance que les libertés universitaires, on observe que ce constat vaut largement, aussi, pour les collègues enseignant dans le premier degré et dans le second degré. C’est sans doute pourquoi, d’ailleurs, la porte-parole du gouvernement a si vite rétropédalé, mercredi dernier, après ses propos sur les « enseignants qui ne travaillent pas ». Ce n’est pas seulement que ses propos étaient factuellement faux ; c’est qu’ils présentent l’inconvénient d’attirer l’attention sur une réalité juridique dont chacun devrait prendre conscience : si la « continuité pédagogique » est à l’œuvre, c’est d’abord et avant tout en raison de la bienveillance des enseignants à l’égard de leurs élèves, beaucoup plus qu’en raison d’une obligation juridique. C’est aux enseignants qu’il revient d’en déterminer le contenu et la forme.

      Voilà le fin mot : sans nous, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche ne sont rien, car nous portons le système. Et en ce moment – dans les « circonstances particulières de l’espèce », pour reprendre la formule du Conseil constitutionnel –, nous le portons bien au-delà de ce à quoi nous sommes obligés.

      https://academia.hypotheses.org/21798

    • Message reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 17.4.2020 :

      Je partage avec vous un email reçu il y a 2 ans m’indiquant que la visioconférence prise en charge avec un équipement professionnel n’était pas envisageable mais aujourd’hui l’université impose la continuité pédagogique de la même discipline sur la plateforme #moodle avec des heures fixées et un temps imparti pour réaliser le devoir.
      Il paraît évident qu’à présent que les étudiants sont enfermés chez eux avec un ordinateur de fortune et une connexion internet basique, tout devient possible.

      C’est #carnavalesque !

      –-----------

      Bonsoir,

      J’ai lu avec attention votre message concernant $$$$$$$$.
      Je comprends aisément, à l’insistance de vos messages, combien la discipline vous tient à cœur au sein de l’université.

      Toutefois, je tiens à vous informer que le $$$$$$$$ n’est pas référencé dans les maquettes pédagogiques proposées par $$$$$$$$ ... et il n’est donc pas envisageable, sous quelque régime que ce soit, d’organiser un enseignement de $$$$$$$$.

      De manière complètement partagée par l’ensemble de l’équipe pédagogique locale, la formule de la visio conférence reste perçue comme la « pire » des choses quant à l’efficacité pédagogique, notamment, et surtout, pour ce type de matière, basée d’abord (et surtout) sur la notion de « dialogue permanent et fluide ». « L’échange » (réel, et non pas biaisé) avec un enseignant reste primordial si l’on désire garantir un certain niveau de résultat, ce que le système ne permet pas vraiment à ce jour, aussi performant soit-il technologiquement.

      Nos étudiants le savent parfaitement et en ont accepté le principe : le niveau d’exigence attendu dans toutes les matières dispensées présentiellement est perçu par eux comme relativement élevé.

      Je ne voudrais pas néanmoins que vous en concluiez que le $$$$$$$$ restera, par choix institutionnel, à jamais « sinistré » $$$$$$$$.
      S’il est une solution à envisager, je pense qu’il conviendrait de la mettre en œuvre en partenariat avec le service du $$$$$$$$, dont $$$$$$$$ constitue la mission première. A travers lui, des étudiants passionnés isolés pourraient trouver tout à loisir réponse à leurs attentes.
      Je vous invite donc désormais à plutôt vous adresser à $$$$$$$$, qui en est la directrice à $$$$$$$$.

      Ayant je l’espère apporté tous les éclairages nécessaires (et suffisants) à vos préoccupations et à votre démarche,
      Bien cordialement,

      –-> vous avez vu cette phrase, qui date, selon la personne qui envoyé le message, d’il y a 2 ans ??

      "la formule de la #visioconférence reste perçue comme la « pire » des choses quant à l’efficacité pédagogique"

      #visio-conférence

    • Oui à la continuité pédagogique à l’université, mais sans évaluation !

      Plus de 120 enseignants-chercheurs, issus de différentes universités, s’élèvent contre l’évaluation des étudiants pendant cette période de confinement. « Cette continuité pédagogique, imprévue et donc mise en place brutalement, exacerbe les inégalités sociales déjà présentes ». Une évaluation reviendrait à les renforcer davantage.

      Nous vivons une situation de crise exceptionnelle et historique, malgré cela de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur sont dans la continuité (des examens, des concours…) comme si tout pouvait se poursuivre normalement. Or pour de nombreux étudiants, la situation actuelle de confinement n’est pas propice pour étudier convenablement à l’université. S’il est ainsi souhaitable de leur proposer des enseignements à distance, les évaluer sur des notions travaillées pendant cette période reviendrait à créer de profondes inégalités.

      Tout comme l’enseignement primaire et secondaire, l’université s’est lancée dans la poursuite des enseignements (cours magistraux, travaux dirigés, parfois même travaux pratiques) effectués avant le début du confinement. Les enseignants et enseignants-chercheurs ont souvent dû faire preuve d’ingéniosité et de ténacité pour continuer sur leur lancée. Contrairement au primaire et au secondaire où les enseignants doivent suivre les directives ministérielles, ceux de l’université ont une certaine liberté sur le contenu et les modalités pédagogiques (notamment l’évaluation) de leurs enseignements.

      Cette continuité pédagogique, imprévue et donc mise en place brutalement, exacerbe les inégalités sociales déjà présentes. En temps normal, elles sont quelque peu lissées : les étudiants peuvent tous assister (au moins en partie) aux cours, même s’ils ont de longs trajets ou s’ils doivent travailler à côté pour subvenir à leurs besoins… L’université met en effet à leur disposition des bibliothèques universitaires pour travailler au calme et utiliser des ressources documentaires, des ordinateurs, du réseau (wifi), parfois des imprimantes… Comme elle ne fournit pas ou peu d’ordinateurs portables aux étudiants ni de connexion Internet « à la maison », cette période de confinement et de « continuité pédagogique » repose uniquement sur les outils et accès au réseau personnels des étudiants.

      Des sondages réalisés récemment auprès d’étudiants de différents instituts montrent qu’un nombre non négligeable d’étudiants dispose uniquement d’un smartphone, ou doit partager ordinateur ou tablette avec le reste de la famille. L’étudiant muni seulement de son smartphone est alors fortement dépendant de son forfait personnel, mais aussi du réseau local. Une de nos étudiantes, confinée à la campagne, doit aller en haut d’une colline pour simplement lire ses mails ! Ne parlons pas de suivre des cours en ligne… Ou de lire un polycopié sur un écran de téléphone. Même avec un ordinateur, la qualité de la connexion peut être insuffisante pour assurer le suivi de cours en ligne avec des vidéos particulièrement gourmandes en termes de débit numérique.

      Au-delà de ces conditions techniques, il faut également bénéficier d’un endroit calme pour travailler pendant une partie substantielle de la journée, ce qui n’a rien d’évident. Dans une filière de l’université Paris Saclay où un sondage auprès des étudiants a été effectué, seuls les deux tiers des étudiants peuvent s’isoler pour travailler. Nombre d’étudiants doivent ainsi composer avec un logement étroit pour une famille, garder des frères et sœurs, etc. Certains doivent poursuivre leur travail alimentaire à côté : une étudiante caissière doit faire plus d’heures qu’en temps normal à cause de l’épidémie, elle est donc moins disponible pour suivre les cours. Il peut en outre y avoir des tensions au sein de la famille, moins perceptibles habituellement. On peut ainsi constater toutes sortes de situations bien réelles, qui sont objectivement un frein à l’apprentissage à distance.

      Malgré cela des cours en ligne ont lieu. On peut ici saluer le travail remarquable fait par les enseignants qui, s’ils sont en général confinés dans de meilleures conditions que leurs étudiants, sont également confrontés à certaines difficultés évoquées plus haut.

      La situation exceptionnelle que nous vivons est particulièrement anxiogène : étudier dans ces conditions est loin d’être optimal. Prolonger alors un cours à distance, en confinement, est une façon de penser à autre chose non seulement pour les étudiants qui peuvent le suivre décemment, mais aussi pour les enseignants. « Je dirais que les cours en visio sont ce qu’il y a de plus constructif et agréable, les rapports humains étant presque absents dans ce confinement, ils permettent d’entretenir du lien et d’entendre la voix de nos professeurs », témoigne ainsi une étudiante de l’Inalco.

      Compte tenu de toutes ces raisons, il est important que les enseignants poursuivent tant bien que mal leurs cours et travaux dirigés par l’intermédiaire d’outils de visualisation en ligne. En revanche, ces parties de cours effectuées depuis le début du confinement ne doivent pas faire l’objet d’une évaluation des étudiants ⎼⎼ à distance ou pas ⎼⎼ visant à l’attribution d’une note comptant dans la scolarité, sous peine d’amplifier les inégalités entre eux. Des examens pourront éventuellement se tenir à l’issue du confinement, dans les locaux des universités, et non en ligne, et ne devront pas porter sur des concepts vus pendant le confinement.

      Le service public d’enseignement supérieur fait un travail admirable pour le suivi pédagogique des étudiants à distance. Néanmoins, les processus d’enseignement à distance mis en place doivent faire figure d’exception et non devenir une norme, rien ne peut remplacer la présence physique d’un enseignant dans le processus d’apprentissage. « Par rapport à un cours présentiel, chaque activité me demande deux fois plus de temps. Les cours en ligne me demandent un travail très important et j’ai du mal à tout assimiler. Apprendre un concept seul ou avec de faibles interactions est beaucoup plus compliqué qu’en présentiel. » rapporte une étudiante de l’université Grenoble Alpes.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/220420/oui-la-continuite-pedagogique-l-universite-mais-sans-evaluation

  • #Berlin, ville de la « domestication » et de la « normalisation » de la « société » par la « culture » selon le philosophe #Francesco_Masci dans son essai "L’ordre règne à Berlin" (titre emprunté à un article de #Rosa_Luxemburg) paru aux éditions Allia

    Extrait de Berlin Babylon de Hubertus Siegert
    http://www.youtube.com/watch?v=opA73140gA4


    http://www.lerideau.fr/francesco-masci/6983
    Francesco, quel est le point de départ de ce livre ? Pourquoi la ville de Berlin ?

    Parce que la nouvelle théorie de la #modernité que j’ai essayé de construire dans mes livres précédents était très bien illustrée par cette #ville. L’Ordre règne à Berlin est différent de mes autres livres, surtout le premier (Superstitions, NDLR), dans lequel il y a encore des échos un peu littéraires presque #postromantiques, surtout dans sa composition par fragments. Mais il n’y a aucune rupture théorique. Depuis mon premier livre je travaille à construire une nouvelle lecture de la #modernité et de son évolution avec comme point de départ l’idée que la culture n’est pas une victime désignée d’une quelque force néfaste et obscurantiste, mais qu’elle participe à la « mise en #ordre » du #monde, qu’elle est une force de conservation plus qu’une force #révolutionnaire.

    C’est un #discours qui n’est pas facile à saisir, parce que les gens ont un automatisme : on pense culture, donc on pense forcément à quelque chose de séparé de la #société et meilleur que celle-ci. Il est difficile de comprendre que l’on puisse avoir un regard neutre sur la culture moderne et son histoire qui en arriverait à la conclusion d’une participation active de la « #machine_culture » à l’#organisation sociale. Je voulais rompre avec l’illusion bicentenaire d’abord romantique, puis #avant-gardiste et enfin #adornienne et aussi #debordienne, d’un #pouvoir exorbitant d’ordre presque #religieux attribué aux #images et aux #événements, le pouvoir de sauver un monde a priori jugé mauvais.

    Ce que j’ai essayé de démontrer de manière théorique dans mes autres livres, c’est l’emprise de ce que j’appelle la culture absolue sur le réel. J’appelle « #culture_absolue » la machine de #reproduction d’événements ou d’images #autoréférentielles, qui forment l’unique milieu où les individus sont capables de se connaître et de se reconnaitre. Ce #processus de #substitution d’un monde constitué d’#images et d’événements à une #réalité potentiellement #conflictuelle est au centre même de notre modernité, une modernité qui est essentiellement culturelle, c’est-à-dire qui est en train de réaliser les promesses de ses origines grâce à la culture, d’une manière « imaginaire ». La modernité est en train de réaliser ses promesses originaires, l’#émancipation de l’individu vis-à-vis d’une société totale, la promesse aussi d’un sujet entier ayant une maîtrise totale sur le monde, mais elle les réalise dans un espace #aseptisé et séparé de celui de la contrainte #factuelle, du monde de la #technique qui continue pourtant bel et bien à exister.

    Ces promesses n’ont pas réalisé par le #politique. Le politique, entendu comme le principe conflictuel de l’#opposition ami/ennemi, à ne pas confondre avec une technique d’organisation que j’appelle la politique. Toute la complexité d’une conflictualité permanente (on peut rappeler par exemple les tumultes des factions des villes de la #Renaissance italienne chéries par #Machiavel), cette conflictualité a été, au cours de la modernité, progressivement écartée, évacuée (sauf dans les moments où elle réapparait dans l’histoire comme hyperviolence). Elle a été remplacée par des conflits imaginaires moralement polarisés qui ne franchissent jamais l’au-delà de cet horizon de la culture absolue dedans lequel ils sont renfermés.

    Berlin, qui gardait des restes de cette #division éminemment politique, division inscrite dans la chair même de la ville (le #Mur, mais pas seulement), résume parfaitement l’histoire de ce passage à la culture absolue comme mode de #gestion d’une #société. En vingt ans, depuis la chute du Mur, toute l’histoire et la réalité de la ville a été non seulement effacée, mais transformée dans son essence même, avec une prise de #contrôle absolue de son #territoire, comme nulle part ailleurs en #Occident, par un #imaginaire #abstrait et #allogène.

    Quand je parle d’une #réorganisation du territoire même de la ville par la culture, je ne parle pas de la #production d’événements culturels. Bien sûr, il y a des nombreuses #institutions culturelles à Berlin, les #galeries, les #musées, les #fondations, mais ce ne sont pas elles qui font de Berlin la ville où la culture absolue s’est chargée de l’organisation sociale. C’est plutôt une prise de pouvoir d’ordre ontologique

    #Culture #Philosophie #Pensée_critique #Esthétique #Technique #Histoire #Urbanisme #Relégation #Allemagne #Einstürzende_Neubauten #Musique #Film #Berlin_Babylon #Hubertus_Siegert #Vidéo #Allia #livre

  • White student union
    http://www.vice.com/fr/vice-news/white-student-union

    Matthew Heimbach tient à préciser qu’il n’est pas raciste. Ce qui surprend beaucoup d’étudiants de Towson, l’université où il a fondé le syndicat des étudiants blancs, un groupe qui défend les droits des « personnes issues d’ancêtres européens » - ce qu’on appelle communément « les Blancs ». C’est aussi une surprise pour les étudiants afro-américains qui se sentent particulièrement visés par les patrouilles nocturnes de ce collectif qui traque les « prédateurs noirs » depuis le mois de mars 2013. On est allés à Towson pour rencontrer Matthew, ses alliés et tous les étudiants qui aimeraient le voir expulsé du campus, ou au moins réduit au silence.


    « You’re repackaging an old deal ». Oh yeah.

    #droite #extreme_droite #reorganisation #discours #communication #politique