• « En sociologie, la prise en compte du ressenti peut aider à identifier les inégalités les plus critiques », Nicolas Duvoux
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/20/en-sociologie-la-prise-en-compte-du-ressenti-peut-aider-a-identifier-les-ine

    La sociologie ne peut prétendre à la neutralité, puisqu’elle est une science étudiant la société au sein de laquelle elle émerge. Elle est prise dans les divisions et conflits sociaux, elle met au jour des formes de contrainte et de domination auxquelles elle ne peut rester indifférente. De quel côté penchons-nous ?, demandait à ses pairs le sociologue américain Howard Becker, dans un texte majeur (« Whose Side Are We on ? », Social Problems, 1967). Cependant, cette discipline n’a pas vocation à se substituer à la politique et aux choix collectifs qui relèvent du débat public. La contribution qu’elle peut apporter est de formuler un diagnostic aussi précis que possible sur les dynamiques sociales et la différenciation de leurs effets selon les groupes sociaux.

    L’inflation et la hausse des prix alimentaires très forte depuis l’année 2022 affectent beaucoup plus durement les ménages modestes. Ceux-ci consacrent en effet une part plus importante de leurs revenus à ce poste de consommation. Le relever revient à formuler un constat objectif. De même, la hausse des taux d’intérêt immobiliers exclut davantage de l’accès à la propriété les ménages sans apport (plutôt jeunes et de milieux populaires) que les autres. Il y va ainsi des évolutions de courte durée, mais aussi de celles de longue durée : le chômage touche plus fortement les moins qualifiés, les ouvriers et employés, même s’il n’épargne pas les cadres, notamment vieillissants ; la pauvreté touche davantage les jeunes, même si elle n’épargne pas les retraités.
    Formuler un diagnostic suppose d’éviter deux écueils qui se répondent et saturent un débat public fait d’oppositions, voire de polarisation, au détriment d’une compréhension de l’état de la société. La littérature du XIXe siècle – comme les sciences sociales avec lesquelles elle a alors partie liée – a souvent oscillé entre d’un côté une représentation misérabiliste du peuple, en soulignant la proximité des classes laborieuses et des classes dangereuses, et de l’autre une vision populiste qui exalte les vertus des classes populaires. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron l’ont montré dans un livre qui a fait date (Le Savant et le Populaire, Gallimard, 1989). De la même manière, le débat public semble aujourd’hui osciller entre un optimisme propre aux populations favorisées économiquement et un catastrophisme des élites culturelles.

    Cruel paradoxe

    Pouvoir envisager l’avenir de manière conquérante vous place du côté des classes aisées ou en ascension. Cette thèse a un enjeu politique évident : le rapport subjectif à l’avenir nous informe sur la position sociale occupée par un individu et non sur sa représentation de la société. Pour ne prendre qu’un exemple, sur la fracture entre les groupes d’âge, on n’est guère surpris qu’en pleine période inflationniste le regain de confiance en son avenir individuel soit le privilège quasi exclusif [d’un %] des seniors. Il faut être déjà âgé pour penser que l’on a un avenir, cruel paradoxe d’une société qui fait porter à sa jeunesse le poids de la pauvreté et de la précarité de l’emploi, au risque de susciter une révolte de masse.
    Peut-être est-ce un signe de l’intensité des tensions sociales, nombre d’essais soulignent le décalage entre la réalité d’une société où les inégalités sont relativement contenues et le pessimisme de la population. Les dépenses de protection sociale sont parmi les plus élevées du monde, sinon les plus élevées. En conséquence de ces dépenses, les Français jouissent d’un niveau d’éducation, d’égalité et d’une sécurité sociale presque sans équivalent. Ces faits sont avérés.

    Mais le diagnostic ne se borne pas à ce rappel : les données objectives qui dressent le portrait d’une France en « paradis » sont, dans un second temps, confrontées à l’enfer du « ressenti », du mal-être, du pessimisme radical exprimé par les Français, souvent dans des sondages. Ainsi, dans « L’état de la France vu par les Français 2023 » de l’institut Ipsos, il apparaît que « 70 % des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France ». Les tenants de la vision « optimiste », qui se fondent sur une critique du ressenti, tendent à disqualifier les revendications de redistribution et d’égalité.

    Or l’écart entre le « ressenti » et la réalité objective des inégalités peut être interprété de manière moins triviale et surtout moins conservatrice. Cet écart peut être travaillé et mis au service d’un diagnostic affiné de la situation sociale, un diagnostic qui conserve l’objectivité de la mesure tout en se rapprochant du ressenti.

    Une autre mesure de la pauvreté

    La notion de « dépenses contraintes » en porte la marque : ce sont les dépenses préengagées, qui plombent les capacités d’arbitrage des ménages, notamment populaires, du fait de la charge du logement. Entre 2001 et 2017, ces dépenses préengagées occupent une part croissante du budget, passant de 27 % à 32 %, selon France Stratégie. « Le poids des dépenses préengagées dans la dépense totale dépend d’abord du niveau de vie. Il est plus lourd dans la dépense totale des ménages pauvres que dans celle des ménages aisés, et l’écart a beaucoup augmenté entre 2001 (6 points d’écart) et 2017 (13 points d’écart). »
    Cette évolution et le renforcement des écarts placent de nombreux ménages – même s’ils ne sont pas statistiquement pauvres – en difficulté. La volonté de rapprocher « mesure objective » et « ressenti » permet de prendre une tout autre mesure de la pauvreté, qui double si l’on prend en compte le niveau de vie « arbitrable » , soit le revenu disponible après prise en compte des dépenses préengagées.

    De ce point de vue, l’équivalent du taux de pauvreté, c’est-à-dire la part des personnes dont le revenu arbitrable par unité de consommation est inférieur à 60 % du niveau de vie arbitrable médian, s’établissait à 23 % en 2011, selon des travaux réalisés par Michèle Lelièvre et Nathan Rémila pour la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Ce chiffre atteint même 27 % si l’on prend en compte les dépenses peu compressibles, comme l’alimentation. Comparativement, le taux de pauvreté tel qu’on le définit traditionnellement se fixait en 2011 à 14,3 %. L’augmentation de la fréquentation des structures d’aide alimentaire témoigne des difficultés croissantes d’une part conséquente de la population.

    Le parti du catastrophisme

    L’optimisme empêche de penser les réalités dans toute leur violence et d’identifier les remèdes qui conviennent le mieux à ces maux. Le catastrophisme doit également être évité. Il a tendance à accuser exclusivement les super-riches dans la genèse des maux sociaux, en mettant en avant une explosion des inégalités démentie par les faits, si l’on exclut le patrimoine et la forte augmentation de la pauvreté dans la période post-Covid-19. En prenant le parti du catastrophisme, la sociologie, et avec elle la société, s’exonérerait d’un travail de fond.
    Un certain nombre de points soulignés par ceux qui critiquent le pessimisme restent vrais. La société française a connu une relative mais réelle démocratisation de l’accès à des positions privilégiées. Les postes d’encadrement n’ont cessé d’augmenter en proportion de la structure des emplois, une partie non négligeable de la population – y compris au sein des catégories populaires – a pu avoir accès à la propriété de sa résidence principale, a pu bénéficier ou anticipe une augmentation de son patrimoine. Les discours sur la précarisation ou l’appauvrissement généralisés masquent la pénalité spécifique subie par les groupes (jeunes, non ou peu qualifiés, membres des minorités discriminées, femmes soumises à des temps partiels subis, familles monoparentales) qui sont les plus affectés et qui servent, de fait, de variable d’ajustement au monde économique. Le catastrophisme ignore ou feint d’ignorer les ressources que les classes moyennes tirent du système éducatif public par exemple.

    Le catastrophisme nourrit, comme l’optimisme, une vision du monde social homogène, inapte à saisir les inégalités les plus critiques et les points de tension les plus saillants, ceux-là mêmes sur lesquels il faudrait, en priorité, porter l’action. La prise en compte du ressenti peut aider à les identifier et à guider le débat et les décideurs publics, à condition de ne pas entretenir de confusion sur le statut des informations produites, qui ne se substituent pas aux mesures objectives, mais peuvent aider à les rapprocher du sens vécu par les populations et ainsi à faire de la science un instrument de l’action.

    Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII, auteur de L’Avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classes sociales et patrimoine (PUF, 272 pages, 23 euros).

    voir cette lecture des ressorts du vote populaire RN depuis les années 2000
    https://seenthis.net/messages/1027569

    #sociologie #inflation #alimentation #aide_alimentaire #dépenses_contraintes #revenu_arbitrable #revenu #pauvreté #chômage #jeunesse #femmes #mères_isolées #précarité #taux_de_pauvreté #patrimoine #inégalités #riches #classes_populaires

    • « Les inégalités sont perçues comme une agression, une forme de mépris », François Dubet - Propos recueillis par Gérard Courtois, publié le 12 mars 2019
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/12/francois-dubet-les-inegalites-sont-percues-comme-une-agression-une-forme-de-

      Entretien. Le sociologue François Dubet, professeur émérite à l’université Bordeaux-II et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), vient de publier Le Temps des passions tristes. Inégalités et populisme (Seuil, 112 p., 11,80 €).

      Reprenant l’expression de Spinoza, vous estimez que la société est dominée par les « passions tristes ». Quelles sont-elles et comment se sont-elles imposées ?

      Comme beaucoup, je suis sensible à un air du temps porté sur la dénonciation, la haine, le #ressentiment, le sentiment d’être méprisé et la capacité de mépriser à son tour. Ce ne sont pas là seulement des #émotions personnelles : il s’agit aussi d’un #style_politique qui semble se répandre un peu partout. On peut sans doute expliquer ce climat dangereux de plusieurs manières, mais il me semble que la question des #inégalités y joue un rôle essentiel.

      Voulez-vous parler du creusement des inégalités ?

      Bien sûr. On observe une croissance des inégalités sociales, notamment une envolée des hyper riches qui pose des problèmes de maîtrise économique et fiscale essentiels. Mais je ne pense pas que l’ampleur des inégalités explique tout : je fais plutôt l’hypothèse que l’expérience des inégalités a profondément changé de nature. Pour le dire vite, tant que nous vivions dans une société industrielle relativement intégrée, les inégalités semblaient structurées par les #classes sociales : celles-ci offraient une représentation stable des inégalités, elles forgeaient des identités collectives et elles aspiraient à une réduction des écarts entre les classes [et, gare à la revanche ! à leur suppression]– c’est ce qu’on appelait le progrès social. Ce système organisait aussi les mouvements sociaux et plus encore la vie politique : la #gauche et la #droite représentaient grossièrement les classes sociales.

      Aujourd’hui, avec les mutations du capitalisme, les inégalités se transforment et se multiplient : chacun de nous est traversé par plusieurs inégalités qui ne se recouvrent pas forcément. Nous sommes inégaux « en tant que » – salariés ou précaires, diplômés ou non diplômés, femmes ou hommes, vivant en ville ou ailleurs, seul ou en famille, en fonction de nos origines… Alors que les plus riches et les plus pauvres concentrent et agrègent toutes les inégalités, la plupart des individus articulent des inégalités plus ou moins cohérentes et convergentes. Le thème de l’#exploitation de classe cède d’ailleurs progressivement le pas devant celui des #discriminations, qui ciblent des inégalités spécifiques.

      Pourquoi les inégalités multiples et individualisées sont-elles vécues plus difficilement que les inégalités de classes ?

      Dans les inégalités de classes, l’appartenance collective protégeait les individus d’un sentiment de mépris et leur donnait même une forme de fierté. Mais, surtout, ces inégalités étaient politiquement représentées autour d’un conflit social et de multiples organisations et mouvements sociaux. Dans une certaine mesure, aussi injustes soient-elles, ces inégalités ne menaçaient pas la dignité des individus. Mais quand les inégalités se multiplient et s’individualisent, quand elles cessent d’être politiquement interprétées et représentées, elles mettent en cause les individus eux-mêmes : ils se sentent abandonnés et méprisés de mille manières – par le prince, bien sûr, par les médias, évidemment, mais aussi par le regard des autres.

      Ce n’est donc pas simplement l’ampleur des inégalités sociales qui aurait changé, mais leur nature et leur perception ?
      Les inégalités multiples et individualisées deviennent une expérience intime qui est souvent vécue comme une remise en cause de soi, de sa valeur et de son identité : elles sont perçues comme une agression, une forme de #mépris. Dans une société qui fait de l’#égalité_des_chances et de l’#autonomie_individuelles ses valeurs cardinales, elles peuvent être vécues comme des échecs scolaires, professionnels, familiaux, dont on peut se sentir plus ou moins responsable.

      Dans ce régime des inégalités multiples, nous sommes conduits à nous comparer au plus près de nous, dans la consommation, le système scolaire, l’accès aux services… Ces jeux de comparaison invitent alors à accuser les plus riches, bien sûr, mais aussi les plus pauvres ou les étrangers qui « abuseraient » des aides sociales et ne « mériteraient » pas l’égalité. L’électorat de Donald Trump et de quelques autres ne pense pas autre chose.

      Internet favorise, dites-vous, ces passions tristes. De quelle manière ?

      Parce qu’Internet élargit l’accès à la parole publique, il constitue un progrès démocratique. Mais Internet transforme chacun d’entre nous en un mouvement social, qui est capable de témoigner pour lui-même de ses souffrances et de ses colères. Alors que les syndicats et les mouvements sociaux « refroidissaient » les colères pour les transformer en actions collectives organisées, #Internet abolit ces médiations. Les émotions et les opinions deviennent directement publiques : les colères, les solidarités, les haines et les paranoïas se déploient de la même manière. Les #indignations peuvent donc rester des indignations et ne jamais se transformer en revendications et en programmes politiques.

      La démultiplication des inégalités devrait renforcer les partis favorables à l’égalité sociale, qui sont historiquement les partis de gauche. Or, en France comme ailleurs, ce sont les populismes qui ont le vent en poupe. Comment expliquez-vous ce « transfert » ?

      La force de ce qu’on appelle les populismes consiste à construire des « banques de colères », agrégeant des problèmes et des expériences multiples derrière un appel nostalgique au #peuple unique, aux travailleurs, à la nation et à la souveraineté démocratique. Chacun peut y retrouver ses indignations. Mais il y a loin de cette capacité symbolique à une offre politique, car, une fois débarrassé de « l’oligarchie », le peuple n’est ni composé d’égaux ni dénué de conflits. D’ailleurs, aujourd’hui, les politiques populistes se déploient sur tout l’éventail des politiques économiques.

      Vous avez terminé « Le Temps des passions tristes » au moment où émergeait le mouvement des « gilets jaunes ». En quoi confirme-t-il ou modifie-t-il votre analyse ?

      Si j’ai anticipé la tonalité de ce mouvement, je n’en avais prévu ni la forme ni la durée. Il montre, pour l’essentiel, que les inégalités multiples engendrent une somme de colères individuelles et de sentiments de mépris qui ne trouvent pas d’expression #politique homogène, en dépit de beaucoup de démagogie. Dire que les « gilets jaunes » sont une nouvelle classe sociale ou qu’ils sont le peuple à eux tout seuls ne nous aide guère. Il faudra du temps, en France et ailleurs, pour qu’une offre idéologique et politique réponde à ces demandes de justice dispersées. Il faudra aussi beaucoup de courage et de constance pour comprendre les passions tristes sans se laisser envahir par elles.

      #populisme

  • L’assèchement du Rhône menace les centrales nucléaires : la France fait pression sur la Suisse pour augmenter le débit
    https://www.novethic.fr/actualite/energie/energie-nucleaire/isr-rse/emmanuel-macron-en-deplacement-en-suisse-pour-sauver-le-soldat-rhone-151892

    Eau secours. Emmanuel Macron clôt ce jeudi 16 novembre sa visite d’État de deux jours en Suisse. Parmi les sujets à l’ordre du jour, le président de la République a abordé la question du Rhône dont il souhaite augmenter le débit. Refroidissement des centrales nucléaires, production hydroélectrique, irrigation, industrie, eau potable… les besoins français ne cessent d’augmenter alors que les effets du changement climatique pèsent déjà sur ce puissant fleuve.

    Et avec les EPR à venir sur le Rhône, je te raconte pas comment on va leur mettre la pression aux Suisses !

  • « Après le dieselgate, nous nous dirigeons tout droit vers un “#electric_gate” »

    Pour l’ingénieur et essayiste #Laurent_Castaignède, le développement actuel de la #voiture_électrique est un désastre annoncé. Il provoquera des #pollutions supplémentaires sans réduire la consommation d’énergies fossiles.

    Avec la fin de la vente des #voitures_thermiques neuves prévue pour #2035, l’Union européenne a fait du développement de la voiture électrique un pilier de sa stratégie de #transition vers la #neutralité_carbone. Le reste du monde suit la même voie : la flotte de #véhicules_électriques pourrait être multipliée par 8 d’ici 2030, et compter 250 millions d’unités, selon l’Agence internationale de l’énergie.

    Mais la #conversion du #parc_automobile à l’électricité pourrait nous conduire droit dans une #impasse désastreuse. Toujours plus grosse, surconsommatrice de ressources et moins décarbonée qu’il n’y parait, « la voiture électrique a manifestement mis la charrue avant les bœufs », écrit Laurent Castaignède dans son nouvel ouvrage, La ruée vers la voiture électrique. Entre miracle et désastre (éditions Écosociété, 2023).

    Nous avons échangé avec l’auteur, ingénieur de formation et fondateur du bureau d’étude BCO2 Ingénierie, spécialisé dans l’empreinte carbone de projets industriels. Démystifiant les promesses d’horizons radieux des constructeurs de #SUV et des décideurs technosolutionnistes, il pronostique un crash dans la route vers l’#électrification, un « #electrigate », bien avant 2035.

    Reporterre — Vous écrivez dans votre livre que, si l’on suit les hypothèses tendancielles émises par l’Agence internationale de l’énergie, la production de batteries devrait être multipliée par 40 entre 2020 et 2040, et que la voiture électrique accaparerait à cet horizon la moitié des métaux extraits pour le secteur « énergies propres ». Ces besoins en métaux constituent-ils la première barrière au déploiement de la voiture électrique ?

    Laurent Castaignède — La disponibilité de certains #métaux constitue une limite physique importante. Les voitures électriques ont surtout besoin de métaux dits « critiques », relativement abondants mais peu concentrés dans le sous-sol. L’excavation demandera d’ailleurs beaucoup de dépenses énergétiques.

    Pour le #lithium, le #cobalt, le #nickel, le #manganèse et le #cuivre notamment, ainsi que le #graphite, la voiture électrique deviendra d’ici une quinzaine d’années la première demandeuse de flux, avec des besoins en investissements, en capacités d’#extraction, de #raffinage, de main d’œuvre, qui devront suivre cette hausse exponentielle, ce qui n’a rien d’évident.

    L’autre problème, c’est la mauvaise répartition géographique de ces #ressources. On est en train de vouloir remplacer le pétrole par une série de ressources encore plus mal réparties… Cela crée de forts risques de constitution d’#oligopoles. Un « Opep du cuivre » ou du lithium serait catastrophique d’un point de vue géostratégique.

    Une autre limite concerne notre capacité à produire suffisamment d’électricité décarbonée. Vous soulignez que se répandent dans ce domaine un certain nombre « d’amalgames complaisants » qui tendent à embellir la réalité…

    Même lorsqu’on produit beaucoup d’électricité « bas carbone » sur un territoire, cela ne signifie pas que l’on pourra y recharger automatiquement les voitures avec. Le meilleur exemple pour comprendre cela est celui du Québec, où 100 % de l’électricité produite est renouvelable — hydroélectrique et éolienne. Mais une partie de cette électricité est exportée. Si le Québec développe des voitures électriques sans construire de nouvelles capacités d’énergies renouvelables dédiées, leur recharge entraînera une baisse de l’exportation d’électricité vers des régions qui compenseront ce déficit par une suractivation de centrales au charbon. Ces voitures électriques « vertes » entraîneraient alors indirectement une hausse d’émissions de #gaz_à_effet_de_serre

    De même, en France, on se vante souvent d’avoir une électricité décarbonée grâce au #nucléaire. Mais RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, précise que la disponibilité actuelle de l’électricité décarbonée n’est effective que 30 % du temps, et que cette proportion va diminuer. On risque donc fort de recharger nos voitures, surtout l’hiver, avec de l’électricité au gaz naturel ou au charbon allemand, à moins de déployer davantage de moyens de production d’énergies renouvelables en quantité équivalente et en parallèle du développement des voitures électriques, ce qui est rarement ce que l’on fait.

    En d’autres termes, ce n’est pas parce que le « #kWh_moyen » produit en France est relativement décarboné que le « kWh marginal », celui qui vient s’y ajouter, le sera aussi. Dans mon métier de conseil en #impact_environnemental, j’ai vu le discours glisser insidieusement ces dernières années : on parlait encore des enjeux de la décarbonation du #kWh_marginal il y a dix ans, mais les messages se veulent aujourd’hui exagérément rassurants en se cachant derrière un kWh moyen « déjà vert » qui assurerait n’importe quelle voiture électrique de rouler proprement…

    Vous alertez aussi sur un autre problème : même si ce kWh marginal produit pour alimenter les voitures électriques devient renouvelable, cela ne garantit aucunement que le bilan global des émissions de carbone des transports ne soit à la baisse.

    Il y a un problème fondamental dans l’équation. On n’arrive déjà pas à respecter nos objectifs antérieurs de développement des énergies renouvelables, il parait compliqué d’imaginer en produire suffisamment pour recharger massivement les nouveaux véhicules électriques, en plus des autres usages. Et beaucoup d’usages devront être électrifiés pour la transition énergétique. De nombreux secteurs, des bâtiments à l’industrie, augmentent déjà leurs besoins électriques pour se décarboner.

    De plus, rien ne garantit que le déploiement de voitures électriques ne réduise réellement les émissions globales de gaz à effet de serre. En ne consommant plus d’essence, les voitures électriques baissent la pression sur la quantité de pétrole disponible. La conséquence vicieuse pourrait alors être que les voitures thermiques restantes deviennent moins économes en se partageant le même flux pétrolier.

    Imaginons par exemple que l’on ait 2 milliards de voitures dans le monde en 2040 ou 2050 comme l’indiquent les projections courantes. Soyons optimistes en imaginant qu’un milliard de voitures seront électriques et que l’on consommera à cet horizon 50 millions de barils de pétrole par jour. Le milliard de voitures thermiques restant pourrait très bien se partager ces mêmes 50 millions de barils de pétrole, en étant juste deux fois moins économe par véhicule. Résultat, ce milliard de voitures électriques ne permettrait d’éviter aucune émission de CO₂ : rouler en électrique de manière favorable nécessite de laisser volontairement encore plus de pétrole sous terre…

    L’électrification, seule, n’est donc pas une réponse suffisante. Cela signifie qu’une planification contraignant à la sobriété est nécessaire ?

    La #sobriété est indispensable mais il faut être vigilant sur la manière de la mettre en place. Il serait inaudible, et immoral, de demander à des gens de faire des efforts de sobriété si c’est pour permettre à leur voisin de rouler à foison en gros SUV électrique.

    La sobriété, ce serait d’abord mettre un terme à « l’#autobésité ». L’électrification accentue la prise de #poids des véhicules, ce qui constitue un #gaspillage de ressources. Au lieu de faire des voitures plus sobres et légères, les progrès techniques et les gains de #productivité n’ont servi qu’à proposer aux consommateurs des véhicules toujours plus gros pour le même prix. On n’en sortira pas en appelant les constructeurs à changer de direction par eux-mêmes, ce qu’on fait dans le vide depuis 30 ans. Il faut réguler les caractéristiques clivantes des véhicules, en bridant les voitures de plus d’1,5 tonne à vide à 90 km/h par exemple, comme on le fait pour les poids lourds, et à 130 km/h toutes les autres.

    Un autre effet pervers pour la gestion des ressources est l’#obsolescence des véhicules. Pourquoi écrivez-vous que l’électrification risque de l’accélérer ?

    La voiture électrique porte dans ses gènes une #obsolescence_technique liée à la jeunesse des dernières générations de #batteries. Les caractéristiques évoluent très vite, notamment l’#autonomie des véhicules, ce qui rend leur renouvellement plus attractif et le marché de l’occasion moins intéressant.

    Paradoxalement, alors que les moteurs électriques sont beaucoup plus simples que les moteurs thermiques, l’électronification des voitures les rend plus difficiles à réparer. Cela demande plus d’appareillage et coûte plus cher. Il devient souvent plus intéressant de racheter une voiture électrique neuve que de réparer une batterie endommagée.

    Les constructeurs poussent en outre les gouvernements à favoriser les #primes_à_la casse plutôt que le #rétrofit [transformer une voiture thermique usagée en électrique]. Ce dernier reste artisanal et donc trop cher pour se développer significativement.

    Vous écrivez qu’une véritable transition écologique passera par des voitures certes électriques mais surtout plus légères, moins nombreuses, par une #démobilité, une réduction organisée des distances du quotidien… Nous n’en prenons pas vraiment le chemin, non ?

    Il faudra peut-être attendre de se prendre un mur pour changer de trajectoire. Après le dieselgate, nous nous dirigeons tout droit vers un « electric gate ». Je pronostique qu’avant 2035 nous nous rendrons compte de l’#échec désastreux de l’électrification en réalisant que l’empreinte carbone des transports ne baisse pas, que leur pollution baisse peu, et que le gaspillage des ressources métalliques est intenable.

    La première pollution de la voiture électrique, c’est de créer un écran de fumée qui occulte une inévitable démobilité motorisée. Le #technosolutionnisme joue à plein, via des batteries révolutionnaires qui entretiennent le #messianisme_technologique, comme pour esquiver la question politique du changement nécessaire des modes de vie.

    On continue avec le même logiciel à artificialiser les terres pour construire des routes, à l’instar de l’A69, sous prétexte que les voitures seront bientôt « propres ». Il faut sortir du monopole radical, tel que décrit par Ivan Illich, constitué par la #voiture_individuelle multi-usages. La première liberté automobile retrouvée sera celle de pouvoir s’en passer avant de devoir monter dedans.

    https://reporterre.net/Apres-le-dieselgate-nous-nous-dirigeons-tout-droit-vers-un-electric-gate
    #réparation #terres_rares #réparabilité #extractivisme

    • La ruée vers la voiture électrique. Entre miracle et désastre

      Et si les promesses du miracle électrique n’étaient en fait que le prélude à un désastre annoncé ?

      La voiture électrique a le vent en poupe. Dans un contexte d’urgence écologique, elle semble être la solution pour résoudre les principaux problèmes sanitaires et climatiques causés par la voiture à essence. Pour l’expert en transports #Laurent_Castaignède, il est urgent de prendre la mesure de la révolution en cours. En Occident comme en Chine, un remplacement aussi rapide et massif du parc automobile est-il possible ? Les promesses écologiques de la voiture électrique seront-elles au rendez-vous ou risquent-elles de s’évanouir dans un nouveau scandale environnemental ?

      Pour Laurent Castaignède, nous sommes sur le point d’accepter une nouvelle dépendance énergétique, verdie, sur fond de croissance économique jusqu’au-boutiste. Remontant aux origines de la mobilité routière électrique, l’ancien ingénieur automobile fait le point sur la situation actuelle, dont le dynamisme de déploiement est inédit. Si la voiture électrique n’émet pas de gaz polluants à l’utilisation, elle pose de nombreux problèmes. Elle mobilise des ressources critiques pour sa fabrication et ses recharges, pour des gabarits de véhicules toujours plus démesurés. Elle maintient aussi le modèle de l’auto-solo, sans rien changer aux problèmes d’embouteillage et au poids financier des infrastructures routières sur les collectivités.

      La ruée vers la voiture électrique propose une autre électrification de la mobilité automobile, crédible et véritablement respectueuse de notre santé et de celle de la planète. Tâchons d’éviter que les promesses technologiques du virage électrique ne débouchent sur un désastre annoncé.

      https://ecosociete.org/livres/la-ruee-vers-la-voiture-electrique
      #livre

  • Au #Darfour, la terreur à huis clos : « Ils veulent nous rayer de la carte »

    Depuis le 15 avril et le début de la #guerre au #Soudan, plus de 420 000 personnes se sont réfugiées dans l’est du #Tchad. Principalement issues des communautés non arabes du Darfour, elles témoignent d’attaques délibérées contre les civils, de multiples #crimes_de_guerre, et dénoncent un #nettoyage_ethnique.

    Un mélange de boue et de sang. Des corps emportés par le courant. Des cris de détresse et le sifflement des balles transperçant l’eau marronasse. C’est la dernière image qui hante Abdelmoneim Adam. Le soleil se levait à l’aube du 15 juin sur l’oued Kaja – la rivière saisonnière gonflée par les pluies qui traverse #El-Geneina, capitale du Darfour occidental – et des milliers de personnes tentaient de fuir la ville.

    Partout, des barrages de soldats leur coupaient la route. « Ils tiraient dans le tas, parfois à bout portant sur des enfants, des vieillards », se souvient Abdelmoneim, qui s’est jeté dans l’eau pour échapper à la mort. Des dizaines d’autres l’ont suivi. Une poignée d’entre eux seulement sont arrivés indemnes sur l’autre rive. Lui ne s’est plus jamais retourné.

    Ses sandales ont été emportées par les flots, l’obligeant à poursuivre sa route pieds nus, à la merci des épines. Attendant le crépuscule, il a coupé à travers champs, sous une pluie battante, évitant une dizaine de check-points tenus par les paramilitaires et slalomant entre les furgan, les campements militaires des miliciens arabes qui encerclaient El-Geneina. Il lui a fallu 13 heures pour parcourir la vingtaine de kilomètres qui le séparait du Tchad.

    Le Darfour s’est embrasé dans le sillage de la guerre amorcée le 15 avril à Khartoum entre l’armée régulière dirigée par le général Abdel Fattah al-Bourhane et les #Forces_paramilitaires_de_soutien_rapide (#FSR) du général Hemetti. Dans cette région à l’ouest du pays, meurtrie par les violences depuis 2003, le #conflit a pris une tournure ethnique, ravivant des cicatrices jamais refermées entre communautés.

    Dans la province du Darfour occidental qui borde le Tchad, l’armée régulière s’est retranchée dans ses quartiers généraux, délaissant le contrôle de la région aux FSR. Ces dernières ont assis leur domination en mobilisant derrière elles de nombreuses #milices issues des #tribus_arabes de la région.

    À El-Geneina, bastion historique des #Massalit, une communauté non arabe du Darfour à cheval entre le Soudan et le Tchad, environ 2 000 volontaires ont pris les armes pour défendre leur communauté. Ces groupes d’autodéfense, qui se battent aux côtés d’un ancien groupe rebelle sous les ordres du gouverneur Khamis Abakar, ont rapidement été dépassés en nombre et sont arrivés à court de munitions.

    Après avoir accusé à la télévision les FSR et leurs milices alliées de perpétrer un « génocide », le gouverneur massalit Khamis Abakar a été arrêté le 14 juin par des soldats du général Hemetti. Quelques heures plus tard, sa dépouille mutilée était exhibée sur les réseaux sociaux. Son assassinat a marqué un point de non-retour, le début d’une hémorragie.
    Démons à cheval

    En trois jours, les 15, 16 et 17 juin, El-Geneina a été le théâtre de massacres sanglants perpétrés à huis clos. La ville s’est vidée de plus de 70 % de ses habitant·es. Des colonnes de civils se pressaient à la frontière tchadienne, à pied, à dos d’âne, certains poussant des charrettes transportant des corps inertes. En 72 heures, plus de 850 blessés de guerre, la plupart par balles, ont déferlé sur le petit hôpital d’Adré. « Du jamais-vu », confie le médecin en chef du district. En six mois, plus de 420 000 personnes, principalement massalit, ont trouvé refuge au Tchad.

    Depuis le début du mois de septembre, les affrontements ont baissé en intensité mais quelques centaines de réfugié·es traversent encore chaque jour le poste-frontière, bringuebalé·es sur des charrettes tirées par des chevaux faméliques. Les familles, assises par grappes sur les carrioles, s’accrochent aux sangles qui retiennent les tas d’affaires qu’elles ont pu emporter : un peu de vaisselle, des sacs de jute remplis de quelques kilos d’oignons ou de patates, des bidons qui s’entrechoquent dans un écho régulier, des chaises en plastique qui s’amoncellent.

    Les regards disent les longues semaines à affronter des violences quotidiennes. « Les milices arabes faisaient paître leurs dromadaires sur nos terres. Nous n’avions plus rien à manger. Ils nous imposaient des taxes chaque semaine », témoigne Mariam Idriss, dont la ferme a été prise d’assaut. Son mari a été fauché par une balle. Dans l’immense campement qui entoure la bourgade tchadienne d’Adré, où que se tourne le regard, il y a peu d’hommes.

    « Les tribus arabes et les forces de Hemetti se déchaînent contre les Massalit et plus largement contre tous ceux qui ont la #peau_noire, ceux qu’ils appellent “#ambay”, les “esclaves” », dénonce Mohammed Idriss, un ancien bibliothécaire dont la librairie a été incendiée durant les attaques. Le vieil homme, collier de barbe blanche encadrant son visage, est allongé sur un lit en fer dans l’obscurité d’une salle de classe désaffectée. « On fait face à de vieux démons. Les événements d’El-Geneina sont la continuation d’une opération de nettoyage ethnique amorcée en 2003. Les #Janjawid veulent nous rayer de la carte », poursuit-il, le corps prostré mais la voix claquant comme un coup de tonnerre.

    Les « Janjawid », « les démons à cheval » en arabe. Ce nom, souvent prononcé avec effroi, désigne les milices essentiellement composées de combattants issus des tribus arabes nomades qui ont été instrumentalisées en 2003 par le régime d’Omar al-Bachir dans sa guerre contre des groupes rebelles du Darfour qui s’estimaient marginalisés par le pouvoir central. En 2013, ces milices sont devenues des unités officielles du régime, baptisées Forces de soutien rapide (FSR) et placées sous le commandement du général Mohammed Hamdan Dagalo, alias Hemetti.

    À la chute du dictateur Omar al-Bachir en avril 2019, Hemetti a connu une ascension fulgurante à la tête de l’État soudanais jusqu’à devenir vice-président du Conseil souverain. Partageant un temps le pouvoir avec le chef de l’armée régulière, le général Bourhane, il est désormais engagé dans une lutte à mort pour le pouvoir.
    Un baril de poudre prêt à exploser

    Assis sur des milliards de dollars amassés grâce à l’exploitation de multiples #mines d’#or, et grâce à la manne financière liée à l’envoi de troupes au Yémen pour y combattre comme mercenaires, Hemetti est parvenu en quelques années à faire des FSR une #milice_paramilitaire, bien équipée et entraînée, forte de plus de 100 000 combattants, capable de concurrencer l’armée régulière soudanaise. Ses troupes gardent la haute main sur le Darfour. Sa région natale, aux confins de la Libye, du Tchad et de la Centrafrique, est un carrefour stratégique pour les #ressources, l’or notamment, mais surtout, en temps de guerre, pour les #armes qui transitent par les frontières poreuses et pour le flux de combattants recrutés dans certaines tribus nomades du Sahel, jusqu’au Niger et au Mali.

    Depuis la chute d’Al-Bachir, les milices arabes du Darfour, galvanisées par l’ascension fulgurante de l’un des leurs à la tête du pouvoir, avaient poursuivi leurs raids meurtriers sur les villages et les camps de déplacé·es non arabes du Darfour, dans le but de pérenniser l’occupation de la terre. Avant même le début de la guerre, les communautés à l’ouest du Darfour étaient à couteaux tirés.

    La ville d’El-Geneina était segmentée entre quartiers arabes et non arabes. Les kalachnikovs se refourguaient pour quelques liasses de billets derrière les étalages du souk. La ville était peuplée d’un demi-million d’habitant·es à la suite des exodes successifs des dizaines de milliers de déplacé·es, principalement des Massalit. El-Geneina était devenue un baril de poudre prêt à exploser. L’étincelle est venue de loin, le 15 avril, à Khartoum, servant de prétexte au déchaînement de violence à plus de mille kilomètres à l’ouest.

    Mediapart a rencontré une trentaine de témoins ayant fui les violences à l’ouest du Darfour. Parmi eux, des médecins, des commerçants, des activistes, des agriculteurs, des avocats, des chefs traditionnels, des fonctionnaires, des travailleurs sociaux. Au moment d’évoquer « al-ahdath », « les événements » en arabe, les rescapés marquent un temps de silence. Souvent, les yeux s’embuent, les mains s’entortillent et les premiers mots sont bredouillés, presque chuchotés.

    « Madares, El-Ghaba, Thaoura, Jamarek, Imtidad, Zuhur, Tadamon » : Taha Abdallah énumère les quartiers d’El-Geneina anciennement peuplés de Massalit qui ont aujourd’hui été vidés de leurs habitant·es. Les maisons historiques, le musée, l’administration du registre civil, les archives, les camps de déplacé·es ont été détruits. « Il n’y a plus de trace, ils ont tout effacé. Tout a été nettoyé et les débris ramassés avec des pelleteuses », déplore le membre de l’association Juzur, une organisation qui enquêtait sur les crimes commis à l’ouest du Darfour.

    Sur son téléphone, l’un de ses camarades, Arbab Ali, regarde des selfies pris avec ses amis. Sur chaque photo, l’un d’entre eux manque à l’appel. « Ils ne sont jamais arrivés ici. » Sur l’écran, son doigt fait défiler des images de mortiers, de débris de missiles antiaériens tirés à l’horizontale vers des quartiers résidentiels. « J’ai retrouvé la dépouille d’un garçon de 20 ans, le corps presque coupé en deux », s’étouffe le jeune homme assis à l’ombre d’un rakuba, un préau de paille.

    Ce petit groupe de militants des droits humains dénonce une opération d’élimination systématique ciblant les élites intellectuelles et politiques de la communauté massalit, médecins, avocats, professeurs, ingénieurs ou activistes. À chaque check-point, les soldats des FSR ou des miliciens sortaient leur téléphone et faisaient défiler le nom et les photos des personnes recherchées. « S’ils trouvent ton nom sur la liste, c’est fini pour toi. »

    L’avocat Jamal Abdallah Khamis, également membre de l’association Juzur, tient quant à lui une autre liste. Sur des feuilles volantes, il a soigneusement recopié les milliers de noms des personnes blessées, mortes ou disparues au cours des événements à El-Geneina. Parmi ces noms, se trouve notamment celui de son mentor, l’avocat Khamis Arbab, qui avait constitué un dossier documentant les attaques répétées des milices arabes sur un camp de déplacé·es bordant la ville. Il a été enlevé à son domicile, torturé, puis son corps a été jeté. Les yeux lui avaient été arrachés.

    « Tous ceux qui tentaient de faire s’élever les consciences, qui prêchaient pour un changement démocratique et une coexistence pacifique entre tribus, étaient dans le viseur », résume Jamal Abdallah Khamis. Les femmes n’ont pas échappé à la règle. Zahra Adam était engagée depuis une quinzaine d’années dans une association de lutte contre les violences faites aux femmes. Son nom apparaissait sur les listes des miliciens. Elle était recherchée pour son travail de documentation des viols commis dans la région. Rien qu’entre le 24 avril et le 20 mai, elle a recensé 60 cas de viols à El-Geneina. « Ensuite, on a dû arrêter de compter. L’avocat chargé du dossier a été éliminé. Au total, il y a des centaines de victimes, ici, dans le camp. Mais la plupart se terrent dans le silence », relate-t-elle.

    De nombreuses militantes ont été ciblées. Rabab*, une étudiante de 23 ans engagée dans un comité de quartier, avait été invitée sur le plateau d’une radio locale quelques jours avant le début de la guerre. Sur les ondes, elle avait alerté sur le risque imminent de confrontations entre communautés. Début juin, elle a été enlevée dans le dortoir de l’université par des soldats enturbannés, puis embarquée de force, les yeux bandés, vers un compound où une soixantaine de filles étaient retenues captives. « Ils disaient : “Vous ne reverrez jamais vos familles.” Ils vendaient des filles à d’autres miliciens, parfois se les échangeaient contre un tuk-tuk », témoigne-t-elle d’une voix éteinte, drapée d’un niqab noir, de larges cernes soulignant ses yeux.

    Depuis 2003, au Darfour, le corps des femmes est devenu un des champs de bataille. « Le viol est un outil du nettoyage ethnique. Ils violent pour humilier, pour marquer dans la chair leur domination. Ils sont fiers de violer une communauté qu’ils considèrent comme inférieure », poursuit Zahra, ajoutant que même des fillettes ont été violées au canon de kalachnikov.

    Selon plusieurs témoins rencontrés par Mediapart, dans les jours qui ont suivi les massacres de la mi-juin, plusieurs chefs de milices arabes, en coordination avec les Forces de soutien rapide, ont entrepris de dissimuler les traces du carnage. Les équipes du Croissant-Rouge soudanais ont été chargées par un « comité sanitaire » de ramasser les corps qui jonchaient les avenues.

    « L’odeur était pestilentielle. Les cadavres pourrissaient au soleil, parfois déchiquetés par les chiens », souffle Mohammed*, le regard vide. « Chaque jour, on remplissait la benne d’un camion à ras bord. Elle pouvait contenir plus d’une cinquantaine de corps et les camions faisaient plusieurs allers-retours », détaille Ahmed*, un autre témoin forcé de jouer les fossoyeurs pendant dix jours, « de 8 à 14 heures ». Les équipes avaient interdiction de prendre des photos et de décompter le nombre de morts. Il leur était impossible de savoir où les camions se rendaient.
    Une enquête de la Cour pénale internationale

    Échappant aux regards des soldats, l’étudiant de 28 ans s’est glissé entre la cabine et la benne de l’un des camions. Le chauffeur a pris la direction d’un site appelé Turab El-Ahmar, à l’ouest de la ville. « Les trous étaient déjà creusés. À plusieurs reprises, un camion arrivait, levait la benne et déversait les corps », se souvient-il. Puis une pelleteuse venait reboucher la fosse.

    Quartier par quartier, maison par maison, ils ont ratissé la ville d’El-Geneina. « En tout, il y a eu au moins 4 000 corps enterrés », estime Mohammed. Début septembre, le Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme a annoncé avoir reçu des informations crédibles sur l’existence de treize fosses communes.

    Les paramilitaires nient toute responsabilité dans ce qu’ils dépeignent comme un conflit ethnique entre communautés de l’ouest du Darfour. Malgré les demandes de Mediapart, la zone reste inaccessible pour les journalistes.

    « Entre le discours des FSR et celui des victimes, la justice tranchera », conteste Arbab Ali avec une once d’optimisme. Le 13 juillet, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé l’ouverture d’une nouvelle enquête pour « crimes de guerre » au Darfour. Elle vient s’ajouter aux investigations démarrées en 2005 à la suite de la guerre qui, sous le régime d’Omar al-Bachir, avait déjà fait plus de 300 000 morts dans la région.

    Pourtant, il règne chez les rescapé·es du Darfour un sentiment de déjà-vu. À ceci près que la guerre actuelle ne soulève pas la même indignation internationale qu’en 2003. Beaucoup de réfugié·es n’attendent plus rien de la justice internationale. Vingt ans après les premières enquêtes de la CPI, aucune condamnation n’a encore été prononcée.

    Alors, dans les travées du camp, le choc du déplacement forcé laisse place à une volonté de revanche. Certains leaders massalit ont pris langue avec l’armée régulière. Une contre-offensive se prépare. Le camp bruisse de rumeurs sur des mouvements de troupes et des livraisons d’armes au Darfour. Côté tchadien, les humanitaires et les autorités s’attendent à ce que la situation dégénère à nouveau.

    Au Soudan, le conflit ne se résume plus seulement en un affrontement entre deux armées. Aujourd’hui, chaque clan et chaque tribu joue sa survie au milieu de la désintégration de l’État. Les voix dissidentes, opposées à une guerre absurde, sont criminalisées par les belligérants et souvent emprisonnées. La guerre est partie pour durer. Et les civils, prisonniers d’un engrenage meurtrier, en payent le prix.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/131123/au-darfour-la-terreur-huis-clos-ils-veulent-nous-rayer-de-la-carte
    #réfugiés_soudanais #génocide

  • Les #voitures_électriques assoiffent les #pays_du_Sud

    Pour extraire des #métaux destinés aux voitures électriques des pays les plus riches, il faut de l’eau. Au #Maroc, au #Chili, en #Argentine… les #mines engloutissent la ressource de pays souffrant déjà de la sécheresse.

    #Batteries, #moteurs… Les voitures électriques nécessitent des quantités de métaux considérables. Si rien n’est fait pour limiter leur nombre et leur #poids, on estime qu’elles pourraient engloutir plusieurs dizaines de fois les quantités de #cobalt, de #lithium ou de #graphite que l’on extrait aujourd’hui.

    Démultiplier la #production_minière dans des proportions aussi vertigineuses a une conséquence directe : elle pompe des #ressources en eau de plus en plus rares. Car produire des métaux exige beaucoup d’eau. Il en faut pour concentrer le métal, pour alimenter les usines d’#hydrométallurgie, pour les procédés ultérieurs d’#affinage ; il en faut aussi pour obtenir les #solvants et les #acides utilisés à chacun de ces stades, et encore pour simplement limiter l’envol de #poussières dans les mines. Produire 1 kilogramme de cuivre peut nécessiter 130 à 270 litres d’eau, 1 kg de nickel 100 à 1 700 l, et 1 kg de lithium 2 000 l [1].

    Selon une enquête de l’agence de notation étatsunienne Fitch Ratings, les investisseurs considèrent désormais les #pénuries_d’eau comme la principale menace pesant sur le secteur des mines et de la #métallurgie. Elle estime que « les pressions sur la ressource, comme les pénuries d’eau localisées et les #conflits_d’usage, vont probablement augmenter dans les décennies à venir, mettant de plus en plus en difficulté la production de batteries et de technologies bas carbone ». Et pour cause : les deux tiers des mines industrielles sont aujourd’hui situées dans des régions menacées de sécheresse [2].

    L’entreprise anglaise #Anglo_American, cinquième groupe minier au monde, admet que « 75 % de ses mines sont situées dans des zones à haut risque » du point de vue de la disponibilité en eau. La #voiture_électrique devait servir à lutter contre le réchauffement climatique. Le paradoxe est qu’elle nécessite de telles quantités de métaux que, dans bien des régions du monde, elle en aggrave les effets : la sécheresse et la pénurie d’eau.

    Au Maroc, la mine de cobalt de #Bou_Azzer exploitée par la #Managem, qui alimente la production de batteries de #BMW et qui doit fournir #Renault à partir de 2025, prélèverait chaque année l’équivalent de la consommation d’eau de 50 000 habitants. À quelques kilomètres du site se trouvent la mine de #manganèse d’#Imini et la mine de #cuivre de #Bleida, tout aussi voraces en eau, qui pourraient bientôt alimenter les batteries de Renault. Le groupe a en effet annoncé vouloir élargir son partenariat avec Managem « à l’approvisionnement de #sulfate_de_manganèse et de cuivre ».

    Importer de l’eau depuis le désert

    Importer du cobalt, du cuivre ou du manganèse depuis la région de Bou Azzer, cela revient en quelque sorte à importer de l’eau depuis le désert. Les prélèvements de ces mines s’ajoutent à ceux de l’#agriculture_industrielle d’#exportation. À #Agdez et dans les localités voisines, les robinets et les fontaines sont à sec plusieurs heures par jour en été, alors que la température peut approcher les 45 °C. « Bientôt, il n’y aura plus d’eau, s’insurgeait Mustafa, responsable des réseaux d’eau potable du village de Tasla, lors de notre reportage à Bou Azzer. Ici, on se sent comme des morts-vivants. »

    Un des conflits socio-environnementaux les plus graves qu’ait connus le Maroc ces dernières années s’est produit à 150 kilomètres de là, et il porte lui aussi sur l’eau et la mine. Dans la région du #Draâ-Tafilalet, dans la commune d’Imider, la Managem exploite une mine d’#argent, un métal aujourd’hui principalement utilisé pour l’#électricité et l’#électronique, en particulier automobile. D’ailleurs, selon le Silver Institute, « les politiques nationales de plus en plus favorables aux véhicules électriques auront un impact positif net sur la demande en argent métal ». À Imider, les prélèvements d’eau croissants de la mine d’argent ont poussé les habitants à la #révolte. À partir de 2011, incapables d’irriguer leurs cultures, des habitants ont occupé le nouveau réservoir de la mine, allant jusqu’à construire un hameau de part et d’autre des conduites installées par la Managem. En 2019, les amendes et les peines d’emprisonnement ont obligé la communauté d’Imider à évacuer cette #zad du désert, mais les causes profondes du conflit perdurent.

    « Ici, on se sent comme des morts-vivants »

    Autre exemple : au Chili, le groupe Anglo American exploite la mine de cuivre d’#El_Soldado, dans la région de #Valparaiso. Les sécheresses récurrentes conjuguées à l’activité minière entraînent des #coupures_d’eau de plus en plus fréquentes. Pour le traitement du #minerai, Anglo American est autorisé à prélever 453 litres par seconde, indique Greenpeace, tandis que les 11 000 habitants de la ville voisine d’#El_Melón n’ont parfois plus d’eau au robinet. En 2020, cette #pénurie a conduit une partie de la population à occuper l’un des #forages de la mine, comme au Maroc.

    #Désalinisation d’eau de mer

    L’année suivante, les associations d’habitants ont déposé une #plainte à la Cour suprême du Chili pour exiger la protection de leur droit constitutionnel à la vie, menacé par la consommation d’eau de l’entreprise minière. Face au mouvement de #contestation national #No_más_Anglo (On ne veut plus d’Anglo), le groupe a dû investir dans une usine de désalinisation de l’eau pour alimenter une autre de ses mégamines de cuivre au Chili. Distante de 200 kilomètres, l’usine fournira 500 litres par seconde à la mine de #Los_Bronces, soit la moitié de ses besoins en eau.

    Les entreprises minières mettent souvent en avant des innovations technologiques permettant d’économiser l’eau sur des sites. Dans les faits, les prélèvements en eau de cette industrie ont augmenté de façon spectaculaire ces dernières années : l’Agence internationale de l’énergie note qu’ils ont doublé entre 2018 et 2021. Cette augmentation s’explique par la ruée sur les #métaux_critiques, notamment pour les batteries, ainsi que par le fait que les #gisements exploités sont de plus en plus pauvres. Comme l’explique l’association SystExt, composée de géologues et d’ingénieurs miniers, « la diminution des teneurs et la complexification des minerais exploités et traités conduisent à une augmentation exponentielle des quantités d’énergie et d’eau utilisées pour produire la même quantité de métal ».

    Réduire d’urgence la taille des véhicules

    En bref, il y de plus en plus de mines, des mines de plus en plus voraces en eau, et de moins en moins d’eau. Les métaux nécessaires aux batteries jouent un rôle important dans ces conflits, qu’ils aient lieu au Maroc, au Chili ou sur les plateaux andins d’Argentine ou de Bolivie où l’extraction du lithium est âprement contestée par les peuples autochtones. Comme l’écrit la politologue chilienne Bárbara Jerez, l’#électromobilité est inséparable de son « #ombre_coloniale » : la perpétuation de l’échange écologique inégal sur lequel est fondé le #capitalisme. Avec les véhicules électriques, les pays riches continuent d’accaparer les ressources des zones les plus pauvres. Surtout, au lieu de s’acquitter de leur #dette_écologique en réparant les torts que cause le #réchauffement_climatique au reste du monde, ils ne font qu’accroître cette dette.

    Entre une petite voiture de 970 kg comme la Dacia Spring et une BMW de plus de 2 tonnes, la quantité de métaux varie du simple au triple. Pour éviter, de toute urgence, que les mines ne mettent à sec des régions entières, la première chose à faire serait de diminuer la demande en métaux en réduisant la taille des véhicules. C’est ce que préconise l’ingénieur Philippe Bihouix, spécialiste des matières premières et coauteur de La ville stationnaire — Comment mettre fin à l’étalement urbain (Actes Sud, 2022) : « C’est un gâchis effroyable de devoir mobiliser l’énergie et les matériaux nécessaires à la construction et au déplacement de 1,5 ou 2 tonnes, pour in fine ne transporter la plupart du temps qu’une centaine de kilogrammes de passagers et de bagages », dit-il à Reporterre.

    « C’est un #gâchis effroyable »

    « C’est à la puissance publique de siffler la fin de partie et de revoir les règles, estime l’ingénieur. Il faudrait interdire les véhicules électriques personnels au-delà d’un certain poids, comme les #SUV. Fixer une limite, ou un malus progressif qui devient vite très prohibitif, serait un bon signal à envoyer dès maintenant. Puis, cette limite pourrait être abaissée régulièrement, au rythme de sortie des nouveaux modèles. »

    C’est loin, très loin d’être la stratégie adoptée par le gouvernement. À partir de 2024, les acheteurs de véhicules de plus de 1,6 tonne devront payer un #malus_écologique au poids. Les véhicules électriques, eux, ne sont pas concernés par la mesure.

    LES BESOINS EN MÉTAUX EN CHIFFRES

    En 2018, l’Académie des sciences constatait que le programme de véhicules électriques français repose sur « des quantités de lithium et de cobalt très élevées, qui excèdent, en fait et à technologie inchangée, les productions mondiales d’aujourd’hui, et ce pour satisfaire le seul besoin français ! » En clair : si on ne renonce pas à la voiture personnelle, il faudra, pour disposer d’une flotte tout électrique rien qu’en France, plus de cobalt et de lithium que l’on en produit actuellement dans le monde en une année.

    L’Agence internationale de l’énergie estime que la demande de lithium pour les véhicules électriques pourrait être multipliée par 14 en 25 ans, celle de cuivre par 10 et celle de cobalt par 3,5. Simon Michaux, ingénieur minier et professeur à l’Institut géologique de Finlande, a calculé récemment que si l’on devait électrifier les 1,4 milliard de voitures en circulation sur la planète, il faudrait disposer de l’équivalent de 156 fois la production mondiale actuelle de lithium, 51 fois la production de cobalt, 119 fois la production de graphite et plus de deux fois et demie la production actuelle de cuivre [3]. Quelles que soient les estimations retenues, ces volumes de métaux ne pourraient provenir du recyclage, puisqu’ils seraient nécessaires pour construire la première génération de véhicules électriques.

    https://reporterre.net/Les-voitures-electriques-assoiffent-les-pays-du-Sud
    #eau #sécheresse #extractivisme #résistance #justice #industrie_automobile #métaux_rares

    • #Scandale du « cobalt responsable » de BMW et Renault au Maroc

      Pour la fabrication des batteries de leurs véhicules électriques, BMW et Renault s’approvisionnent en cobalt au Maroc en se vantant de leur politique d’achat éthique. « Cette publicité est mensongère et indécente. L’extraction de cobalt dans la mine de Bou Azzer, au sud du Maroc, se déroule dans des conditions choquantes, au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité, du droit du travail et de la liberté d’association », s’insurgent plusieurs responsables syndicaux et associatifs, basés en France et au Maroc.

      Pour la fabrication des batteries de leurs véhicules électriques, BMW et Renault s’affichent en champions de la mine responsable. Depuis 2020, la marque allemande s’approvisionne en cobalt au Maroc auprès de la Managem, grande entreprise minière appartenant à la famille royale. En 2022, Renault l’a imité en signant un accord avec le groupe marocain portant sur l’achat de 5000 tonnes de sulfate de cobalt par an pour alimenter sa « gigafactory » dans les Hauts de France. Forts de ces contrats, les deux constructeurs automobiles ont mené des campagnes de presse pour vanter leur politique d’achat de matières premières éthiques, BMW assurant que « l’extraction de cobalt par le groupe Managem répond aux critères de soutenabilité les plus exigeants » en matière de respect des droits humains et de l’environnement.

      Cette publicité est mensongère et indécente. L’extraction de cobalt dans la mine de Bou Azzer, au sud du Maroc, se déroule dans des conditions choquantes, au mépris des règles les plus élémentaires de sécurité, du droit du travail et de la liberté d’association. Elle est responsable de violations de droits humains, d’une pollution majeure à l’arsenic et menace les ressources en eau de la région, comme l’ont révélé l’enquête de Celia Izoard sur Reporterre et le consortium d’investigation réunissant le quotidien Süddeutsche Zeitung, les radiotélévisions allemandes NDR et WDR et le journal marocain Hawamich (2).

      Une catastrophe écologique

      Les constructeurs automobiles n’ont jamais mentionné que la mine de Bou Azzer n’est pas seulement une mine de cobalt : c’est aussi une mine d’arsenic, substance cancérigène et hautement toxique. Depuis le démarrage de la mine par les Français en 1934, les déchets miniers chargés d’arsenic ont été massivement déversés en aval des usines de traitement. Dans les oasis de cette région désertique, sur un bassin versant de plus de 40 kilomètres, les eaux et les terres agricoles sont contaminées. A chaque crue, les résidus stockés dans les bassins de la mine continuent de se déverser dans les cours d’eau.

      A Zaouit Sidi-Blal, commune de plus de 1400 habitants, cette pollution a fait disparaître toutes les cultures vivrières à l’exception des palmiers dattiers. Les représentants de la commune qui ont mené des procédures pour faire reconnaître la pollution ont été corrompus ou intimidés, si bien que la population n’a fait l’objet d’aucune compensation ou mesure de protection.

      Dans le village de Bou Azzer, à proximité immédiate du site minier, treize familles et une vingtaine d’enfants se trouvent dans une situation d’urgence sanitaire manifeste. Faute d’avoir été relogés, ils vivent à quelques centaines de mètres des bassins de déchets contenant des dizaines de milliers de tonnes d’arsenic, au milieu des émanations d’acide sulfurique, sans argent pour se soigner.

      Depuis vingt ans, la mine de Bou Azzer, exploitée en zone désertique, n’a cessé d’augmenter sa production. Le traitement des minerais consomme des centaines de millions de litres d’eau par an dans cette région durement frappée par la sécheresse. Les nappes phréatiques sont si basses que, dans certains villages voisins de la mine, l’eau doit être coupée plusieurs heures par jour. A l’évidence une telle exploitation ne peut être considérée comme « soutenable ».

      Mineurs sacrifiés

      Les conditions d’extraction à Bou Azzer sont aussi alarmantes qu’illégales. Alors que le recours à l’emploi temporaire pour les mineurs de fond est interdit au Maroc, des centaines d’employés de la mine travaillent en contrat à durée déterminée pour des entreprises de sous-traitance. Ces mineurs travaillent sans protection et ne sont même pas prévenus de l’extrême toxicité des poussières qu’ils inhalent. Les galeries de la mine s’effondrent fréquemment faute d’équipement adéquat, entraînant des décès ou des blessures graves. Les entreprises sous-traitantes ne disposent d’aucune ambulance pour évacuer les blessés, qui sont transportés en camion. Les nombreux mineurs atteints de silicose et de cancer sont licenciés et leurs maladies professionnelles ne sont pas déclarées. Arrivés à la retraite, certains survivent avec une pension de moins de 100 euros par mois et n’ont pas les moyens de soigner les maladies contractées dans les galeries de Bou Azzer.

      Enfin, si la Managem prétend « promouvoir les libertés syndicales et les droits d’association », la situation politique du Maroc aurait dû amener BMW et Renault à s’intéresser de près à l’application de ces droits humains. Il n’existe à Bou Azzer qu’un syndicat aux ordres de la direction, et pour cause ! En 2011-2012, lors de la dernière grande grève sur le site, les tentatives d’implanter une section de la Confédération des travailleurs ont été violemment réprimées. Les mineurs qui occupaient le fond et qui n’exigeaient que l’application du droit du travail ont été passés à tabac, des grévistes ont été torturés et poursuivis pour « entrave au travail », de même que les membres de l’Association marocaine pour les droits humains qui soutenaient leurs revendications.

      Comment, dans ces conditions, les firmes BMW et Renault osent-elles vanter leurs politiques d’achat de « cobalt responsable » ? Au regard ne serait-ce que des lois sur le devoir de vigilance des entreprises, elles auraient dû prendre connaissance de la situation réelle des mineurs et des riverains de Bou Azzer. Elles auraient dû tout mettre en œuvre pour faire cesser cette situation qui découle d’infractions caractérisées au droit du travail, de l’environnement et de la santé publique. Mieux encore, elles devraient renoncer à la production en masse de véhicules qui ne sauraient être ni soutenables ni écologiques. Les luxueuses BMW i7 pèsent 2,5 tonnes et sont équipées de batteries de 700 kg. La justice sociale et l’urgence écologique imposent aux constructeurs automobiles et aux dirigeants de prendre leurs responsabilités : adopter des mesures drastiques pour réduire le poids et le nombre des véhicules qui circulent sur nos routes. La « transition » pseudo-écologique portée par les pouvoirs publics et les milieux économiques ne doit pas ouvrir la voie au greenwashing le plus éhonté, condamnant travailleurs et riverains à des conditions de travail et d’environnement incompatibles avec la santé et la dignité humaines et renforçant des logiques néocoloniales.

      (1) Tous nos remerciements à Benjamin Bergnes, photographe, qui nous cède le droit de disposer de cette photo dans le cadre exclusif de cette tribune.

      Premiers signataires :

      Annie Thébaud-Mony, Association Henri-Pézerat

      Alice Mogwe, présidente de la Fédération internationale pour les droits humains

      Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l’Homme

      Agnès Golfier, directrice de la Fondation Danielle-Mitterrand

      Lawryn Remaud, Attac France

      Jawad Moustakbal, Attac Maroc/CADTM Maroc

      Hamid Majdi, Jonction pour la défense des droits des travailleurs, Maroc

      Pascale Fouilly, secrétaire générale du syndicat national des mineurs CFDT, assimilés et du personnel du régime minier de sécurité sociale

      Marie Véron, coordinatrice de l’Alliance écologique et sociale (qui réunit les Amis de la Terre, Attac, la Confédération paysanne, FSU, Greenpeace France, Oxfam France et Solidaires)

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      https://reporterre.net/BMW-et-Renault-impliques-dans-un-scandale-ecologique-au-Maroc

      https://reporterre.net/Mines-au-Maroc-la-sinistre-realite-du-cobalt-responsable

      https://reporterre.net/Au-Maroc-une-mine-de-cobalt-empoisonne-les-oasis

      https://www.tagesschau.de/investigativ/ndr-wdr/umweltstandards-bmw-zulieferer-kobalt-marokko-100.html

      https://www.sueddeutsche.de/projekte/artikel/wirtschaft/bou-azzer-arsen-umweltverschmutzung-e-autos-bmw-e972346

      https://www.ndr.de/der_ndr/presse/mitteilungen/NDR-WDR-SZ-Massive-Vorwuerfe-gegen-Zulieferer-von-BMW,pressemeldungndr24278.html

      https://www.br.de/nachrichten/bayern/schmutzige-kobalt-gewinnung-vorwuerfe-gegen-bmw-zulieferer,TvPhd4K

      https://www.dasding.de/newszone/bmw-zulieferer-marokko-verdacht-umwelt-arbeit-kobalt-100.html

      https://hawamich.info/7361

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/131123/scandale-du-cobalt-responsable-de-bmw-et-renault-au-maroc

    • Scandale du cobalt marocain : lancement d’une enquête sur BMW

      À la suite de l’enquête de Reporterre et de médias internationaux sur l’extraction de « cobalt responsable » au Maroc pour les voitures électriques, l’autorité fédérale allemande de contrôle a engagé une procédure contre BMW.

      La mine de cobalt de Bou Azzer, qui alimente la production de batteries de BMW et qui doit fournir Renault à partir de 2025, intoxique les travailleurs et l’environnement. À la suite de nos enquêtes sur ce scandale, l’Office fédéral allemand du contrôle de l’économie et des exportations (Bafa) a ouvert une enquête sur le constructeur automobile BMW. Le gouvernement a confirmé cette information après une question écrite du groupe parlementaire de gauche Die Linke le 25 novembre, selon le quotidien Der Spiegel.

      L’autorité de contrôle pourrait infliger des sanctions à BMW pour avoir enfreint la loi sur le devoir de vigilance des entreprises. Depuis 2020, BMW fait la promotion de son « approvisionnement responsable » au Maroc sans avoir mené d’audit dans cette mine de cobalt et d’arsenic, comme l’a révélé notre investigation menée conjointement avec le Süddeutsche Zeitung, les chaînes allemandes NDR et WDR et le média marocain Hawamich.
      Les mineurs en danger

      Privés de leurs droits syndicaux, les mineurs y travaillent dans des conditions illégales et dangereuses ; les déchets miniers ont gravement pollué les oasis du bassin de l’oued Alougoum au sud de Ouarzazate, où l’eau des puits et les terres présentent des concentrations en arsenic plus de quarante fois supérieures aux seuils.

      En vigueur depuis janvier 2023, la loi allemande sur le devoir de vigilance vise à améliorer le respect des droits humains et de l’environnement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Comme dans la loi française, les grandes entreprises ont l’obligation de prévenir, d’atténuer ou de mettre fin à d’éventuelles violations.

      Mais les moyens de contrôle de l’autorité fédérale sont ridiculement insuffisants pour faire appliquer cette loi, estime Cornelia Möhring, députée et porte-parole du parti de gauche Die Linke au Bundestag, interviewée par Reporterre : « Le cas de BMW, qui se vante d’exercer sa responsabilité environnementale et sociale “au-delà de ses usines” et qui a préféré ignorer la réalité de cette extraction, est emblématique, dit-elle. Il montre que le volontariat et l’autocontrôle des entreprises n’ont aucun sens dans un monde capitaliste. Face au scandale du cobalt, le gouvernement fédéral doit maintenant faire la preuve de sa crédibilité en ne se laissant pas piétiner par l’une des plus grandes entreprises allemandes. »

      « L’autocontrôle des entreprises n’a aucun sens »

      Le propriétaire de BMW, Stefan Qandt, est le quatrième homme le plus riche d’Allemagne, souligne Cornelia Möhring. En cas d’infraction avérée au devoir de vigilance, les sanctions maximales prévues par l’autorité de contrôle allemande sont une exclusion des marchés publics pour une durée de trois ans ou une amende allant jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel du groupe (celui de BMW était de 146 milliards d’euros en 2022). Le constructeur s’est déclaré prêt à « exiger de son fournisseur des contre-mesures immédiates » pour améliorer la situation à Bou Azzer. De son côté, la députée Cornelia Möhring estime qu’« une action en justice à l’encontre de BMW pour publicité mensongère serait bienvenue ».

      Quid de Renault, qui a signé en 2022 un accord avec l’entreprise Managem pour une fourniture en cobalt à partir de 2025 pour les batteries de ses véhicules ? Il a lui aussi fait la promotion de ce « cobalt responsable » sans avoir enquêté sur place. Interrogé par Reporterre, le constructeur automobile assure qu’« un premier audit sur site mené par un organisme tiers indépendant » sera mené « très prochainement », et qu’« en cas de non-respect des normes et engagements ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance] du groupe, des mesures correctives seront prises pour se conformer aux normes ». Reste à savoir quelles « normes » pourraient protéger les travailleurs et l’environnement dans un gisement d’arsenic inévitablement émetteur de grands volumes de déchets toxiques.

      https://reporterre.net/Scandale-du-cobalt-marocain-l-Etat-allemand-va-enqueter-sur-BMW

  • Amazon Lays Off 180 Employees In Its Games Division - Aftermath
    https://aftermath.site/amazon-lays-off-180-employees-in-its-games-division

    Two sources with knowledge of the layoffs told Aftermath that Amazon is eliminating 180 positions in its games division. This includes the entirety of Crown Channel, an Amazon-backed Twitch channel, and the Game Growth team, with a larger goal of refocusing efforts around Prime Gaming, a portion of the company’s Amazon Prime subscription that offers free games and in-game content.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #amazon #business #ressources_humaines #licenciements

  • MobiDic

    MobiDic est un projet de publication en ligne d’un Dictionnaire critique des mobilités. Il est élaboré dans le cadre de la transversalité « Mobilités et territoires : vers une approche relationnelle de l’espace » portée par l’UMR 8504 Géographie-cités.
    L’objectif de MobiDic est de fournir un outil en ligne pour rendre compte des usages des mots et des notions relatifs à la thématique de la mobilité, dans les controverses et les débats qui animent ces usages.

    Au-delà de textes définitionnels, le dictionnaire présentera un aperçu réflexif des concepts, catégories et approches méthodologiques majeures dans l’étude des mobilités. L’ambition, à moyen terme, est de sortir des présentations linéaires pour donner une dimension très relationnelle à la présentation de ce dictionnaire en ligne.

    https://mobidic.cnrs.fr
    #ressources_pédagogiques #mots #terminologie #concepts #définition #mobilité

  • Unity is probably going to do layoffs - The Verge
    https://www.theverge.com/2023/11/9/23954709/unity-layoffs-q3-earnings-runtime-program

    In the report, the company says it is assessing its product portfolio “to focus on those products that are most valuable to our customers” and is “evaluating the right cost structure that aligns with the more focused portfolio.” It plans to make changes during the fourth quarter, and they will “likely include discontinuing certain product offerings, reducing our workforce, and reducing our office footprint.” The company expects to complete its changes before the end of Q1 2024.

    Cette annonce fait suite au départ du PDG plus tôt cette année :

    Unity Announces Leadership Transition | Business Wire
    https://seenthis.net/messages/1020414

    Départ suite au changement de stratégie commerciale :

    Unity introducing new fee attached to game installs
    https://seenthis.net/messages/1017447

    qui avait été modifiée suite à la grogne des clients :

    An open letter to our community | Unity Blog
    https://seenthis.net/messages/1018076

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #unity #finance #business #ressources_humaines #licenciements

  • Assassin’s Creed Maker Continues Downsizing With More Layoffs
    https://kotaku.com/assassin-s-creed-far-cry-ubisoft-montreal-layoffs-1850998477

    “Ubisoft is proceeding with a collective dismissal in its Montreal establishment within the framework of a reorganization of its production support services across Canada, by consolidating these functions Canada wide, Ubisoft will be able to optimize its resources to be more sustainable in the long term,” the company wrote in a notice to the government of Quebec shared with Kotaku. Ubisoft added that some additional positions will be eliminated throughout the rest of its Canadian offices as well. 124 positions will be eliminated in total across the company.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #ubisoft #ressources_humaines #licenciements

  • Laid Off Dragon Age: Dreadwolf Devs Sue BioWare Over Severance
    https://kotaku.com/dragon-age-dreadwolf-bioware-layoffs-lawsuit-ea-1850900755

    A notice of the lawsuit was shared on Twitter yesterday by former BioWare developer Jon Renish. In its statement of facts, which were reviewed by Kotaku, an attorney for the group claims that BioWare was only willing to offer laid-off employees two weeks of severance per year of service, rather than the one month commonly awarded under other recent labor cases. The lawsuit also claims that BioWare was unwilling to include the value of health benefits in the severance package, further shortchanging the departing developers who average 14 years of service each. EA reported over $400 million in net income in August, up 23 percent from the year prior. The company bought back $325 million in stock the same month.

    #jeux_vidéo #jeu_vidéo #bioware #ea #ressources_humaines #licenciements #justice #jeu_vidéo_dreadwolf #jeu_vidéo_mass_effect_4

  • Comment l’austérité paralyse l’université

    [Rentrée sous tension à la fac] Pour dénoncer leur manque de #reconnaissance, des enseignants démissionnent de leurs #tâches_administratives, alors que le projet de loi de finances 2024 risque d’aggraver les difficultés financières de l’université.

    Les présidents d’université l’ont mauvaise. La raison ? Le #projet_de_loi_de_finances (#PLF) 2024, qui n’est pas à la hauteur des besoins de leurs établissements. Déjà fortement impactées par la hausse des prix en général et des coûts de l’énergie en particulier, les universités vont en effet devoir financer pour 2023 et 2024 une partie de la hausse des #salaires décidée en juin par le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini. « Une très mauvaise nouvelle », a réagi France Universités dans un communiqué du 19 octobre :

    « Pour les universités, cela signifie qu’elles devront financer 120 millions d’euros [sur un coût total d’environ 400 millions d’euros, NDLR], soit par prélèvement sur leurs fonds de roulement, soit par réduction de leur campagne d’emplois. Cela équivaut à 1 500 #emplois de maîtres de conférences en moins, non ouverts au recrutement, dénonce l’association, qui fédère l’ensemble des présidents d’universités. Encore une fois, les universités font les frais de la #politique_budgétaire du gouvernement qui considère l’#enseignement_supérieur et la #recherche comme une variable d’ajustement et non comme un investissement en faveur de la jeunesse », ajoute le communiqué.

    La situation est, il est vrai, particulièrement difficile, avec de nombreuses universités au #budget_déficitaire ou en passe de le devenir. Et un gouvernement qui n’entend rien leur concéder.

    Chute de la dépense par étudiant

    Début septembre, #Emmanuel_Macron expliquait, dans un échange avec le Youtubeur Hugo Travers, qu’il n’y avait « pas de problème de moyens » dans l’enseignement supérieur public, dénonçant une forme de « #gâchis_collectif » puisque, à ses yeux, il y aurait « des formations qui ne diplôment pas depuis des années » et d’autres qui se maintiennent « simplement pour préserver des postes d’enseignants ».

    Dans la foulée, la ministre #Sylvie_Retailleau, exigeait de libérer leurs #fonds_de_roulement – cet « argent public qui dort » d’après elle – estimés à un milliard d’euros, et qui permettrait de financer une partie des mesures en faveur du pouvoir d’achat des #fonctionnaires décidées cet été. Seulement, arguent les chefs d’établissements, ces fonds sont destinés aux rénovations énergétiques des bâtiments ou aux équipements de laboratoires de recherches.

    Déjà peu élevée par rapport aux autres pays d’Europe, la #dépense_par_étudiant décroche en réalité nettement depuis 2010. À l’université, le nombre d’inscrits a augmenté de 25 %, et le budget d’à peine 10 %. Le nombre d’enseignants a, lui, baissé de 2 %.

    « Pour retrouver les #taux_d’encadrement de 2010, il faudrait créer 11 000 postes dans les universités », a calculé Julien Gossa, maître de conférences en sciences informatiques à l’université de Strasbourg et fin observateur des questions liées à l’enseignement supérieur.

    Dans le détail, ces chiffres masquent des #inégalités : tous les établissements ne sont pas dotés de la même manière. Difficile d’obtenir des données officielles à ce sujet, mais celles produites par Julien Gossa révèlent des écarts allant parfois du simple au double.

    A L’université de Créteil, qui a vu ses effectifs exploser ces dernières années et devrait atteindre un #déficit de 10 millions d’euros cette année, l’Etat débourse en moyenne 6 750 euros par étudiant. À Aix-Marseille, le montant s’élève à 10 000 euros. À la Sorbonne, celui-ci est de 13 000 euros, soit presque deux fois plus qu’à Nantes (7 540 euros). Et largement plus qu’à Nîmes (5 000 euros). « Ces grandes différences ne peuvent s’expliquer uniquement par des frais de structures », souligne Hervé Christofol, membre du bureau national du Snesup-FSU.

    La #concurrence s’est aggravée en 2007 avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (#LRU). Réforme majeure du quinquennat de #Nicolas_Sarkozy, elle a transféré aux établissements universitaires la maîtrise de leurs budgets, et de leurs #ressources_humaines, qui revenait jusqu’ici à l’Etat.

    « On nous a vendu l’idée selon laquelle les universités seraient plus libres de faire leurs propres choix en s’adaptant à leur territoire. Mais en réalité, le gouvernement s’est tout simplement déresponsabilisé », tance Julien Gossa.

    Manque de profs titulaires

    Concrètement, pour fonctionner à moyens constants, les présidents d’universités sont contraints de mener des politiques d’austérité. Conséquences : les #recrutements d’#enseignants_titulaires sont gelés dans plusieurs universités, comme à Créteil, et celles et ceux en poste accumulent les #heures_supplémentaires.

    En 2022, le nombre d’ouvertures de postes de maîtres de conférences a augmenté de 16 %, mais cela ne suffit pas à rattraper la stagnation des dernières années. Le Snesup-FSU, syndicat majoritaire, avait d’ailleurs identifié la date du 26 janvier comme le « #jour_du_dépassement_universitaire », autrement dit le jour à compter duquel les titulaires ont épuisé les heures correspondant à leurs obligations de service pour l’année en cours.

    Au-delà, tous les enseignements sont assurés en heures supplémentaires, ou bien par le recrutement de #contractuels ou #vacataires – des #contrats_précaires qui interviennent de façon ponctuelle, sans que l’université ne soit leur activité principale. Les syndicats estiment qu’ils sont entre 100 000 et 130 000. Leur #rémunération : à peine 40 euros bruts de l’heure, contre environ 120 euros bruts pour un titulaire.

    Les problématiques de rémunération ont d’ailleurs créé la pagaille lors de la rentrée dans un certain nombre d’universités. À Paris-Est-Créteil, les étudiants de première année de la filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) ont vu leur rentrée décalée de deux semaines. Puis les cours ont démarré, mais dans une situation pour le moins dantesque : pas préparés en amont, les groupes de TD ont été créés dans la panique par des agents administratifs déjà débordés… Sans tenir compte des options souhaitées par les étudiants.

    Une quinzaine d’enseignants ont en effet démissionné d’une partie de leurs responsabilités : ils continuent d’assurer leurs cours, mais refusent d’effectuer leurs tâches administratives ou pédagogiques non statutaires pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’un « manque de reconnaissance » de l’État. À Rouen, ils sont 57 à en avoir fait de même. Même son de cloche à l’IUT Sciences de gestion de l’Université de Bordeaux, ou à celui de Chimie d’Aix-Marseille.

    « Cela impacte tout le monde, insiste Gabriel Evanno, représentant du bureau des élèves de Staps à Créteil. Pour l’instant, nous ne savons même pas si les partiels de cet hiver pourront avoir lieu puisqu’il n’y a plus de surveillants d’examens. Nous ne savons pas non plus qui sera en mesure de signer nos conventions de stages étant donné que les enseignants qui étaient en mesure de le faire n’y sont plus habilités depuis leurs démissions de ces tâches. »

    L’étudiant soutient, malgré tout, la protestation des enseignants.

    Mobilisations des « ESAS »

    Ces #démissions_massives sont le fruit d’une #mobilisation démarrée il y a un an à l’initiative du collectif 384 regroupant près de 2 000 enseignants au statut particulier, les #enseignants_du_secondaire_affectés_dans_le_supérieur (#ESAS) : des professeurs agrégés, d’autres certifiés, d’autres issus de lycées professionnels. Au nombre de 13 000, ces enseignants se trouvent majoritairement dans les instituts universitaires de technologie (IUT), les filières Staps ou les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).

    Toutes et tous assurent 384 heures de cours par an, soit deux fois plus que les enseignants-chercheurs, sans compter le suivi des étudiants.

    Or, début 2022, un nouveau système de #primes pouvant atteindre d’ici 2027 6 400 euros par an a été mis en place, pour inciter à prendre en charge des tâches administratives et pédagogiques. Le problème, c’est qu’il a été réservé aux enseignants-chercheurs, alors même que les ESAS remplissent tout autant ce genre de missions.

    « En plus de nos heures de cours, nous assurons depuis longtemps des missions non statutaires, parfois délaissées par les enseignants-chercheurs : le suivi des stages, le recrutement des étudiants, ou encore l’élaboration des emplois du temps, énumère Nicolas Domergue, porte-parole du collectif et enseignant à l’IUT du Puy-en-Velay. Le tout pour la somme ridicule de 600 euros par an. On est surinvestis, et pourtant oubliés au moment des réformes. »

    Pour Guillaume Dietsch, enseignant en Staps de l’Université de Paris-Est-Créteil et « démissionnaire », cette exclusion des primes a été « la goutte d’eau de trop. Cette injustice a été perçue de façon symbolique comme un manque de reconnaissance plus large de notre travail. »

    Le Ministère de l’enseignement supérieur avait d’abord justifié cette différence de traitement par l’absence de mission de recherche des enseignants issus du second degré, avant de chercher un moyen de stopper la vague des démissions. Pour calmer la grogne, début septembre, le Ministère a débloqué 50 millions d’euros afin de revaloriser la prime des ESAS qui passera à 4 200 euros en 2027. Ce qui fait toujours 2 200 euros de moins que celle accordée aux enseignants-chercheurs.

    « Contrairement à ce que ce procédé laisse entendre, nous pensons que la formation des futurs actifs doit être reconnue au même niveau que la recherche », rétorque Nicolas Domergue.

    Au-delà de cette question de prime, se joue une autre bataille : celle de l’évolution de carrière. De par leur statut hybride, ces enseignants sont pris en étau entre deux ministères, celui de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’éducation nationale.

    « Notre carrière est quasiment à l’arrêt dès que l’on quitte le secondaire, regrette Céline Courvoisier, membre du collectif 384 et professeure agrégée de physique à l’IUT d’Aix-Marseille. Nous ne sommes plus évalués par le rectorat au motif que nous travaillons dans le supérieur. »

    Ces enseignants sont, de fait, exclus des primes dont peuvent bénéficier leurs collègues dans les collèges ou les lycées. Pour eux, c’est la double peine quand les effets de l’austérité budgétaire s’ajoutent à leur insuffisante reconnaissance salariale. Ainsi, depuis 2021, les IUT se font désormais en trois ans au lieu de deux auparavant.

    « Nous avons dû monter une troisième année à coûts constants alors que cela nécessite nécessairement des embauches, des salles… Comment est-ce possible ? », interroge Céline Courvoisier.

    Surtout, a-t-on envie de se demander, combien de temps cette situation va-t-elle pouvoir durer ?

    https://www.alternatives-economiques.fr/lausterite-paralyse-luniversite/00108494

    #austérité #université #ERS #France #facs #démission

    • Pourquoi sommes-nous tellement accros à #Google_Maps et #Waze  ?

      S’il y’a bien un logiciel propriétaire difficile à lâcher, c’est Google Maps. Ou Waze, qui appartient également à Google. Pourquoi est-ce si compliqué de produire un logiciel de navigation libre  ? Ayant passé quelques années dans cette industrie, je vais vous expliquer les différents composants d’un logiciel de navigation.

      Les briques de base d’un logiciel de navigation sont la position, les données, le mapmatching, le routing, la recherche et les données temps réel. Pour chaque composant, je propose une explication et une analyse des solutions libres.
      La position

      Le premier composant est un système de positionnement qui va fournir une coordonnée géographique avec, parfois, un degré de précision. Une longitude et une latitude, tout simplement.

      Il existe plusieurs manières d’estimer une position. Le plus connu est le GPS qui capte des ondes émises par les satellites du même nom. Contrairement à une idée tenace, votre téléphone n’émet rien lorsqu’il utilise le GPS, il se contente d’écouter les signaux GPS tout comme une radio FM écoute les ondes déjà présentes. Votre téléphone n’a de toute façon pas la puissance d’émettre jusqu’à un satellite. Les satellites GPS sont, au plus près, à 20.000 km de vous. Vous croyez que votre téléphone puisse envoyer un signal à 20.000 km  ?

      Pour simplifier à outrance, le principe d’un satellite GPS est d’émettre en permanence un signal avec l’heure qu’il est à son bord. Votre téléphone, en captant ce signal, compare cette heure avec sa propre horloge interne. Le décalage entre les deux permet de mesurer la distance entre le téléphone et le satellite, sachant que l’onde se déplace à la vitesse de la lumière, une onde radio n’étant que de la lumière dans un spectre invisible à l’œil humain. En refaisant cette opération pour trois satellites dont la position est connue, le téléphone peut, par triangulation, connaître sa position exacte.

      Fait intéressant : ce calcul n’est possible qu’en connaissant la position des satellites GPS. Ces positions étant changeantes et difficilement prévisibles à long terme, elles sont envoyées par les satellites eux-mêmes, en plus de l’heure. On parle des «  éphémérides  ». Cependant, attendre l’envoi des éphémérides complètes peut prendre plusieurs minutes, le signal GPS ne pouvant envoyer que très peu de données.

      C’est la raison pour laquelle un GPS éteint depuis longtemps mettra un long moment avant d’afficher sa position. Un GPS éteint depuis quelques heures seulement pourra réutiliser les éphémérides précédentes. Et pour votre smartphone, c’est encore plus facile  : il profite de sa connexion 4G ou Wifi pour télécharger les éphémérides sur Internet et vous offrir un positionnement (un «  fix  ») quasi instantané.

      Le système GPS appartient à l’armée américaine. Le concurrent russe s’appelle GLONASS et la version civile européenne Galileo. La plupart des appareils récents supportent les trois réseaux, mais ce n’est pas universel.

      Même sans satellite, votre smartphone vous positionnera assez facilement en utilisant les bornes wifi et les appareils Bluetooth à proximité. De quelle manière  ? C’est très simple  : les appareils Google et Apple envoient, en permanence, à leur propriétaires respectifs (les deux entreprises susnommées) votre position GPS ainsi que la liste des wifi, appareils Bluetooth et NFC dans le voisinage. Le simple fait d’avoir cet engin nous transforme un espion au service de ces entreprises. En fait, de nombreux engins espionnent en permanence notre position pour revendre ces données.

      Exemple d’un moniteur de batterie de voiture Bluetooth qui collecte les données de position à l’insu de son propriétaire.

      Si on coupe le GPS d’un appareil Android Google, celui-ci se contentera d’envoyer une requête à Google sous la forme  : «  Dis, je ne connais pas ma position, mais je capte le wifi grandmaman64 et superpotes89 ainsi qu’une télé Samsung compatible Bluetooth, t’aurais pas une idée d’où je suis  ?  ». Réponse  : «  Ben justement, j’ai trois utilisateurs qui sont passés hier près de ces wifis et de cette télé, ils étaient dans la rue Machinchose. Donc tu es probablement dans la rue Machinchose.  » Apple fait exactement pareil.

      Quelle que soit la solution utilisée, GPS ou autre, la position d’un smartphone est fournie par le système d’exploitation et ne pose donc aucun problème au développeur d’application. C’est complètement transparent, mais l’obtention d’une position sera parfois légèrement plus longue sans les services Google ou Apple propriétaires décrits ci-dessus.
      Les datas (données cartographiques)

      Ce n’est pas tout d’avoir une position, encore faut-il savoir à quoi elle correspond. C’est le rôle des données cartographiques, souvent appelées "data" dans l’industrie.

      Obtenir des données cartographiques est un boulot inimaginable qui, historiquement, impliquait de faire rouler des voitures sur toutes les routes d’un pays, croisant les données avec la cartographie officielle puis mêlant cela aux données satellites. Dans les années 2000, deux fournisseurs se partageaient un duopole (Navteq, acquis par Nokia en 2007 et TeleAtlas, acquis par Tomtom en 2008). Google Maps utilisait d’ailleurs souvent des données issues de ces fournisseurs (ainsi que tous les GPS de l’époque). Dans certaines régions, le logo Navteq était même visible sur la cartographie Google Maps. Mais plutôt que de payer une fortune à ces entreprises, Google a décidé de lancer sa propre base de données, envoyant ses propres voitures sur les routes (et profitant de l’occasion pour lancer Google Street View).

      La toute grande difficulté des data, c’est qu’elles changent tout le temps. Les sentiers et les chemins se modifient. Des routes sont ouvertes. D’autres, fermées. Des constructions se font, des quartiers entiers apparaissent alors qu’une voie se retrouve à sens unique. Parcourir la campagne à vélo m’a appris que chaque jour peut être complètement différent. Des itinéraires deviennent soudainement impraticables pour cause de ronces, de fortes pluies ou de chutes d’arbres. D’autres apparaissent comme par magie. C’est un peu moins rapide pour les automobilistes, mais tentez de traverser l’Europe avec une carte d’une dizaine d’années et vous comprendrez votre douleur.

      En parallèle de ces fournisseurs commerciaux est apparu le projet OpenStreetMap que personne ne voulait prendre au sérieux dans l’industrie. On m’a plusieurs fois ri au nez lorsque j’ai suggéré que cette solution était l’avenir. Tout comme Universalis ne prenait pas Wikipédia au sérieux.

      Le résultat, nous le connaissons : OpenStreetMap est aujourd’hui la meilleure base de données cartographiques pour la plupart des cas d’usage courant. À tel point que les géants comme Waze n’hésitent pas à les repomper illégalement. Sebsauvage signale le cas d’un contributeur OSM qui a sciemment inventé un parc de toutes pièces. Ce parc s’est retrouvé sur Waze…

      Mais les applications utilisant OpenStreetMap doivent faire face à un gros défi  : soit demander à l’utilisateur de charger les cartes à l’avance et de les mettre à jour régulièrement, soit de les télécharger au fur et à mesure, ce qui rend l’utilisation peut pratique (comment calculer un itinéraire ou trouver une adresse dans une zone dont on n’a pas la carte  ?). Le projet OpenStreetMaps est en effet financé essentiellement par les dons et ne peut offrir une infrastructure de serveurs répondant immédiatement à chaque requête, chose que Google peut confortablement se permettre.
      Le mapmatching

      Une fois qu’on a la carte et la position, il suffit d’afficher la position sur la carte, non  ? Et bien ce n’est pas aussi simple. Tout d’abord parce que la planète est loin de correspondre à une surface plane. Il faut donc considérer la courbure de la terre et le relief. Mais, surtout, le GPS tout comme les données cartographiques peuvent avoir plusieurs mètres d’imprécision.

      Le mapmatching consiste à tenter de faire coïncider les deux informations : si un GPS se déplace à 120km/h sur une ligne parallèle située à quelques mètres de l’autoroute, il est probablement sur l’autoroute  ! Il faut donc corriger la position en fonction des données.

      En ville, des hauts bâtiments peuvent parfois refléter le signal GPS et donc allonger le temps de parcours de celui-ci. Le téléphone croira alors être plus loin du satellite que ce n’est réellement le cas. Dans ce genre de situation, le mapmatching vous mettra dans une rue parallèle. Cela vous est peut-être déjà arrivé et c’est assez perturbant.

      Une autre application du mapmatching, c’est de tenter de prédire la position future, par exemple dans un tunnel. La position GPS, de par son fonctionnement, introduit en effet une latence de quelques secondes. Dans une longue ligne droite, ce n’est pas dramatique. Mais quand il s’agit de savoir à quel embranchement d’un rond-point tourner, chaque seconde est importante.

      Le logiciel peut alors tenter de prédire, en fonction de votre vitesse, votre position réelle. Parfois, ça foire. Comme lorsqu’il vous dit que vous avez déjà dépassé l’embranchement que vous devez prendre alors que ce n’est pas le cas. Ou qu’il vous dit de tourner dans trente mètres alors que vous êtes déjà passé.
      La recherche

      On a la position sur la carte qui est, le plus souvent, notre point de départ. Il manque un truc important : le point d’arrivée. Et pour trouver le point d’arrivée, il faut que l’utilisateur l’indique.

      Les recherches géographiques sont très compliquées, car la manière dont nous écrivons les adresses n’a pas beaucoup de sens : on donne le nom de la rue avant de donner la ville avant de donner le pays  ! Dans les voitures, la solution a été de forcer les utilisateurs à entrer leurs adresses à l’envers : pays, ville, rue, numéro. C’est plus logique, mais nous sommes tellement habitués à l’inverse que c’est contre-intuitif.

      Le problème de la recherche dans une base de données est un problème très complexe. Avec les applications OpenStreetMap, la base de données est sur votre téléphone et votre recherche est calculée par le minuscule processeur de ce dernier.

      Ici, Google possède un avantage concurrentiel incommensurable. Ce n’est pas votre téléphone qui fait la recherche, mais bien les gigantesques serveurs de Google. Tapez "rue Machinchose" et la requête est immédiatement envoyée à Google (qui en profite pour prendre note dans un coin, histoire de pouvoir utiliser ces informations pour mieux vous cibler avec des publicités). Les ordinateurs de Google étant tellement rapide, ils peuvent même tenter d’être intelligent : il y’a 12 rue Machinchose dans tout le pays, mais une MachinChause, avec une orthographe différente, dans un rayon de 10km, on va donc lui proposer celle-là. Surtout que, tient, nous avons en mémoire qu’il s’est rendu 7 fois dans cette rue au cours des trois dernières années, même sans utiliser le GPS.

      Force est de constater que les applications libres qui font la recherche sur votre téléphone ne peuvent rivaliser en termes de rapidité et d’aisance. Pour les utiliser, il faut s’adapter, accepter de refaire la recherche avec des orthographes différentes et d’attendre les résultats.
      Le routing

      On a le départ, on a l’arrivée. Maintenant il s’agit de calculer la route, une opération appelée «  routing  ». Pour faire du routing, chaque tronçon de route va se voir attribuer différentes valeurs  : longueur, temps estimé pour le parcourir, mais aussi potentiellement le prix (routes payantes), la beauté (si on veut proposer un trajet plus agréable), le type de revêtement, etc.

      L’algorithme de routing va donc aligner tous les tronçons de route entre le départ et l’arrivée, traçant des centaines ou des milliers d’itinéraires possibles, calculant pour chaque itinéraire la valeur totale en additionnant les valeurs de chaque tronçon.

      Il va ensuite sélectionner l’itinéraire avec la meilleure valeur totale. Si on veut le plus rapide, c’est le temps total estimé le plus court. Si on veut la distance, c’est la distance la plus courte, etc.

      À mon époque, l’algorithme utilisé était le plus souvent de type «  Bidirectionnal weighted A-star  ». Cela signifie qu’on commence à la fois du départ et de l’arrivée, en explorant jusqu’au moment où les chemins se rencontrent et en abandonnant les chemins qui sont déjà de toute façon disqualifiés, car un plus court existe (oui, on peut aller de Bruxelles à Paris en passant par Amsterdam, mais ce n’est pas le plus efficace).

      Une fois encore, le problème est particulièrement complexe et votre téléphone va prendre un temps énorme à calculer l’itinéraire. Alors que les serveurs de Google vont le faire pour vous. Google Maps ne fait donc aucun calcul sur votre téléphone  : l’application se contente de demander aux serveurs Google de les faire à votre place. Ceux-ci centralisent les milliers d’itinéraires demandés par les utilisateurs et les réutilisent parfois sans tout recalculer. Quand on est un monopole, il n’y a pas de petits profits.
      Les données temps réels

      Mais si on veut le trajet le plus rapide en voiture, une évidence saute aux yeux : il faut éviter les embouteillages. Et les données concernant les embouteillages sont très difficiles à obtenir en temps réel.

      Sauf si vous êtes un monopole qui se permet d’espionner une immense majorité de la population en temps réel. Il vous suffit alors, pour chaque tronçon de route, de prendre la vitesse moyenne des téléphones qui sont actuellement sur ce tronçon.

      L’artiste Simon Weckert avait d’ailleurs illustré ce principe en promenant 99 smartphones connectés sur Google maps dans un chariot. Le résultat  ? Une rue déserte est devenue un embouteillage sur Google Maps.

      Là, force est de constater qu’il est difficile, voire impossible, de fournir ces données sans espionner massivement toute la population. À ce petit jeu, les alternatives libres ne pourront donc jamais égaler un monopole de surveillance comme celui de Google.

      Mais tout n’est pas noir, car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les infos trafic ne nous permettent pas d’aller plus vite. Elles donnent une illusion d’optimalité qui empire le trafic sur les itinéraires alternatifs et, au final, le temps perdu reste identique. Le seul avantage est que la prévision du temps de trajet est grandement améliorée.

      Ce résultat résulte de ce que j’appelle le paradoxe de l’embouteillage. C’est un fait bien connu des scientifiques et ignoré à dessein des politiciens que le trafic automobile est contre-intuitif. Au plus la route est large et permet à de nombreux véhicules de passer, au plus les embouteillages seront importants et la circulation chaotique. Si votre politicien propose de rajouter une bande sur le périphérique pour fluidifier la circulation, changez de politicien  !

      L’explication de ce phénomène tient au fait que lorsqu’il y’a un embouteillage sur le périphérique, ce n’est pas le périphérique qui bouche. C’est qu’il y’a plus de voitures qui rentrent sur le périphérique que de voitures qui en sortent. Or, les sorties restent et resteront toujours limitées par la taille des rues dans les villes.

      En bref, un embouteillage est causé par le goulot d’étranglement, les parties les plus étroites qui sont, le plus souvent, les rues et ruelles des différentes destinations finales. Élargir le périphérique revient à élargir le large bout d’un entonnoir en espérant qu’il se vide plus vite. Et, de fait, cela rend les choses encore pires, car cela augmente le volume total de l’entonnoir, ce qui fait qu’il contient plus d’eau et mettra donc plus longtemps à se vider.
      99 smartphones dans un bac à roulette : c’est tout ce que nous sommes pour Google

      Les infotrafics et les itinéraires alternatifs proposés par Google Maps ne font pas autre chose que de rajouter une bande de trafic virtuelle (sous forme d’un itinéraire alternatif) et donc élargissent le haut de l’entonnoir. Les infos trafic restent utiles dans les cas particuliers où votre destination est complètement différente du reste de la circulation. Où si la congestion apparait brusquement, comme un accident : dans ce cas, vous pourriez avoir le bénéfice rare, mais enviable d’emprunter l’itinéraire de secours juste avant sa congestion.

      La plupart du temps, les infotrafics sont globalement contre-productifs par le simple fait que tout le monde les utilise. Elles seraient parfaites si vous étiez la seule personne à en bénéficier. Mais comme tout le monde les utilise, vous êtes également obligé de les utiliser. Tout le monde y perd.

      Leur impact premier est surtout psychologique : en jouant avec les itinéraires alternatifs, vous pouvez vous convaincre que vous n’avez pas d’autre choix que prendre votre mal en patience. Alors que, sans eux, vous serez persuadés qu’il y’a forcément une autre solution.
      Les logiciels

      Alors, se passer de Google Maps ? Comme nous l’avons vu, ce n’est pas évident. Le service Google Maps/Waze se base sur l’espionnage permanent et instantané de milliards d’utilisateurs, offrant une précision et une rapidité insurpassable. Quand on y pense, le coût de ce confort est particulièrement élevé. Et pourtant, Google Maps n’est pas la panacée.

      J’ai personnellement un faible pour Organic Maps, que je trouve bien meilleur que Google Maps pour tout à l’exception du trafic routier : les itinéraires à pieds, en vélo et même en voiture hors des grands axes sont bien plus intéressants. Certes, il nécessite de télécharger les cartes. Inconvénient, selon moi, mineur, car permettant une utilisation même sans connexion. La recherche est, par contre, souvent frustrante et lente.

      Mais le mieux est peut-être d’explorer les alternatives libres à Google Maps dans cet excellent article de Louis Derrac.

      Et puis, pourquoi ne pas lutter contre la privatisation du bien commun qu’est la cartographie en apprenant à contribuer à OpenStreetMap  ?

      https://ploum.net/2023-11-03-logiciels-de-navigation.html

  • Sony’s Bungie Game Unit Cut Jobs as ‘Destiny 2’ Popularity Waned - Bloomberg-
    https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-10-31/sony-s-bungie-game-unit-cut-jobs-as-destiny-2-popularity-waned

    Bungie’s decision to cut an estimated 100 jobs from its staff of about 1,200 followed dire management warnings earlier this month of a sharp drop in the popularity of its flagship video game Destiny 2.

    Just two weeks ago, executives at the Sony-owned game developer told employees that revenue was running 45% below projections for the year, according to people who attended the meeting.

    #jeux_vidéo #jeu_vidéo #business #finance #bungie #sony #playstation #ressources_humaines #licenciements #naughty_dog #media_molecule #jim_ryan #pete_parsons

    • il dit lui même « synthèse » et « truc que je ne connais pas », et il le prouve, par exemple en laissant entendre que le sionisme est un mouvement fondamentaliste religieux, alors que c’était en bonne partie un mouvement de juifs sécularisés et laïcs, qui a émergé non seulement en raison des persécutions en Europe mais danse le cadre du développement des nationalismes européens du XIXeme, repris ensuite encore ailleurs et par d’autres.
      idem, si on n’évoque pas la spécificité de l’antisémitisme (il n’y qu’aux juifs que sont attribué des pouvoirs occultes, ce qui permet le « socialisme des imbéciles » et le complotisme antisémite) ou celles du racisme anti-arabe (à la fois « judéo- chrétien », depuis les monothéisme antérieurs à l’islam, et colonial, effectivement). si on veut faire des machins à l’oral plutôt que de tabler sur la lecture d’ouvrages approfondis et contradictoires, ça me semble plus intéressant de livrer des témoignages, des récits, ou des confrontations entre énonciateurs qui travaillent pour de bon sur ces questions que de prétendre tout embrasser sous l’angle d’une grille de lecture préétablie (décoloniale or whatever).

    • oui, @rastapopoulos, il tâche d’être précautionneux sur l’antisémitisme et il dit vrai dans le passage que tu cites (guerre de religion). mais il loupe ce point historiquement décisif de la (re)confessionalisation progressive des deux mouvements nationalistes, sioniste et palestinien. des deux cotés, la religion n’était en rien essentiele, bien que de part et d’autre cela ai aussi joué initialement un rôle, minoritaire (cf. l’histoire du sionisme et celle de l’OLP). voilà qui est altéré par ce qu’il dit du sionisme originel (où il se plante), dont les coordonnées se définissaient dans un espace résolument mécréant, dans un rapport conflictuel avec le Bund, avec le socialisme révolutionnaire européen.
      pour ce que je comprends d’Israël, on peut dire grossièrement que le religieux se divise en deux, un fondamentalisme messianique et guerrier qui caractérise nombre de colons (dans l’acception israélienne du terme) et l’État israélien, et de l’autre une religiosité qui refuse la sécularisation dans l’État guerrier (exemptions du service militaire pour des orthodoxes d’une part, qui fait scandale, dissidence pacifiste au nom de la Thora d’autre part).

      j’avais vu ce bobino avant qu’il soit cité par Mona et repris par toi et ne l’avait pas aimé. la vulgarisation historique est un exercice à haut risque (simplifications impossibles, déperditions, erreurs), le gars d’Histoires crépues en est d’ailleurs conscient.
      un récit au présent qui sait tirer des fils historiques et politiques nécessaires à ce qu’il énonce (comme l’a si bien réussi Mona avec son dernier papier) ne se donne pas pour objectif une synthèse historique. celle-ci émerge par surcroit depuis le présent (une critique, une représentation du présent).

      edit @sandburg, les persécutions des juifs et l’éclosion des nationalismes en Europe sont déterminantes dans cette « histoire du XXeme ». le sionisme nait, lui aussi, au XIXeme...

      #histoire #politique #présent

  • Écocides et paradis fiscaux : révélations sur les dérives du soutien européen à l’industrie minière
    https://disclose.ngo/fr/article/ecocides-et-paradis-fiscaux-revelations-sur-les-derives-du-soutien-europee

    Pour développer l’industrie des batteries électriques ou des éoliennes, l’Union européenne finance des entreprises minières au travers du programme Horizon. Une partie de ces fonds soutient des sociétés impliquées dans des catastrophes environnementales, voire, pour l’une d’entre elles, domiciliée dans un paradis fiscal. Lire l’article

  • Even The PS5 Studio Behind The Last Of Us Is Cutting Costs
    https://kotaku.com/naughty-dog-ps5-playstation-sony-last-us-part-3-layoffs-1850893794

    The video game industry is currently facing a big wave of layoffs, and even contract developers at PlayStation first-party studio Naughty Dog aren’t immune. Kotaku has learned that the maker of hits like Uncharted 4: A Thief’s End and The Last of Us Part II has begun cutting contracts short for dozens of workers.

    #jeux_vidéo #jeu_vidéo #business #naughty_dog #jeu_vidéo_the_last_of_us #ressources_humaines #licenciements #sony #playstation

  • Au Niger, un putsch de brut

    En juillet 2023, le #Niger a vécu son cinquième #coup_d’État depuis son indépendance en 1960. En cause, une importante #manne_pétrolière qui attise le jeu de chaises musicales au sommet.

    Comme il est de coutume au cœur de l’été, les chaînes d’info en continu n’avaient pas grand-chose de croustillant à se mettre sous la dent. Résultat : on a beaucoup glosé sur le coup d’État au Niger, perpétré le 26 juillet par une partie de l’armée contre le président Mohamed Bazoum.

    On a logiquement entendu beaucoup de bêtises. Et à ce jeu, il faut reconnaître à Emmanuel Macron un vrai talent. À plusieurs reprises, le boss de l’Élysée a fait le lien entre le renversement de Bazoum et son « ethnie minoritaire » (28 août). Selon lui, il aurait été victime « de règlements de comptes largement ethniques » (24 septembre). C’est vrai, Bazoum est un Arabe et cette communauté ne pèse pas lourd dans ce pays, ni sur le plan démographique, ni sur le plan politique. Ça ne l’a pas empêché d’être (mal) élu en février 2021, à l’issue d’un scrutin entaché de nombreuses irrégularités et contesté par l’opposition. Et ce n’est certainement pas ça qui explique pourquoi le général Abdourahamane Tchiani, qui avait la charge de sa sécurité en tant que chef de la garde présidentielle, l’a trahi.

    En réalité, il y a d’autres raisons qui expliquent ce putsch, le sixième en trois ans en Afrique de l’Ouest. La junte au pouvoir a évoqué la dégradation de la situation sécuritaire dans la « région des trois frontières1 » et la multiplication des scandales politico-financiers. Mais ce n’est pas ça non plus qui a fait sortir les militaires de leurs casernes : les attaques des groupes djihadistes étaient de moins en moins nombreuses depuis le début de l’année. Bazoum avait entrepris ces derniers mois de s’attaquer, certes lentement, à la corruption d’un système clientéliste, appelé au Niger le « #Guri_System », mis en place par son prédécesseur et néanmoins ami – du moins le croyait-il – Mahamadou Issoufou.

    Trahison, mode d’emploi

    De nombreux éléments semblent démontrer que c’est pour préserver ce #système_clientéliste que Tchiani, un fidèle d’Issoufou depuis plus de dix ans, a pris le pouvoir. Et notamment pour garder la main sur une montagne de cash : la manne pétrolière. L’entourage de Bazoum en est aujourd’hui persuadé, et ils sont nombreux parmi ses conseillers en exil mais aussi dans l’opposition à pointer du doigt la complicité de l’ancien président. Leur version, très plausible selon des journalistes d’investigation nigériens, est la suivante : depuis plusieurs mois, Bazoum et son ministre du Pétrole, Mahamane Sani Mahamadou, dit « Abba » – qui n’est autre que le fils d’Issoufou – étaient à couteaux tirés au sujet de la gestion des fonds issus de l’extraction du pétrole2

    Le Niger produit du #pétrole depuis 2011. Il reste un « petit » dans le domaine, avec à peine 20 000 barils par jour produits par la #China_National_Petroleum_Corp (#CNPC). Un chiffre qui pourrait bientôt être multiplié par cinq ou six avec la mise en service d’un #pipeline reliant le Niger au Bénin. De quoi tirer pas mal de plans sur la comète pour ceux qui ont la main sur ce trésor. Or pendant longtemps, c’étaient les proches d’Issoufou qui avaient la main. Durant ses deux mandats (de 2011 à 2021), ce dernier avait pris soin de placer ses hommes à la tête de la #Société_nigérienne_de_pétrole (#Sonidep), la société d’État qui gère tout ce qui concerne l’or noir. Une boîte « phagocytée par le clan Issoufou », selon un ancien conseiller de Bazoum ayant requis l’anonymat, et « pas très regardante sur les dépenses », puisqu’elle accumule les dettes. Selon Jeune Afrique, un audit aurait estimé que les pertes dues à la #fraude s’élèveraient pour l’État entre 50 et 70 millions de dollars par an. Bazoum, qui a été ministre des Affaires étrangères puis ministre de l’Intérieur d’Issoufou, savait tout cela.

    En novembre 2021, il avait remplacé le patron de la Sonidep, un proche d’Issoufou, par un « gars sûr », Ibrahim Mamane. Mais ça n’a pas suffi. « Il aurait fallu virer tout le monde pour reprendre la main, tant les fidèles d’Issoufou étaient nombreux », indique une source qui connaît bien le secteur.

    Au lieu de ça, Bazoum a eu une autre idée, vieille comme le capitalisme : créer une nouvelle boîte pour siphonner l’ancienne. La bien nommée #PétroNiger devait ainsi hériter des principales missions de la Sonidep et gérer le pactole promis. Après plusieurs reports liés à l’opposition de « Abba » notamment, cette création devait être validée en Conseil des ministres le… 27 juillet. Tout était prêt. Mais c’était sans compter sur l’intrusion de Tchiani et de ses hommes dans la résidence de Bazoum, le 26 juillet à l’aube. Depuis, on ne parle plus de PétroNiger, Bazoum et sa famille sont toujours séquestrés dans leur résidence, Ibrahim Mamane a été démis de ses fonctions et « Abba » a été incarcéré. La preuve, selon l’entourage d’Issoufou, qu’il n’a rien à voir avec ce putsch. Ou, comme le pensent les fidèles de Bazoum, qu’il s’est fait doubler par les galonnés…

    https://cqfd-journal.org/Au-Niger-un-putsch-de-brut

    #pétrole #ressources #matières_premières #Chinafrique

  • The Congo Tribunal

    En plus de 20 ans, la #guerre du #Congo a déjà fait plus de 6 millions de victimes. La population souffre de cet état d’#impunité totale, les #crimes_de_guerre n’ayant jamais fait l’objet de poursuites judiciaires. Cette région recèle les gisements les plus importants de #matières_premières nécessitées par les technologies de pointe. Dans son « #Tribunal_sur_le_Congo », Milo Rau parvient à réunir les victimes, les bourreaux, les témoins et les experts de cette guerre et à instituer un #tribunal d’exception du peuple du Congo de l’Est. Un portrait bouleversant de la guerre économique la plus vaste et la plus sanglante de l’histoire humaine.

    https://vimeo.com/234124116

    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/53668_0


    http://www.the-congo-tribunal.com

    #film #documentaire #film_documentaire #extractivisme #tribunal_des_peuples #justice_transformatrice #justice #vérité_et_justice #multinationales #responsabilité #Banro #RDC #massacres #témoignage #Twangiza #massacre_de_Mutarule #mine #extractivisme #Sud-Kivu #or #Banro_Corporation #impunité #crimes #douleur #tribunal #engagement #viols #vérité_et_justice #multinationales #guerre #concessions_minières #ressources_naturelles #pillage #minerai #Mining_and_Processing_Congo (#MPC) #Walikale #Bisie #droits_humains #MCP_Alptamin #Mukungwe #milices #Cheka_Group #groupes_armés #diamants #cassiterite #marché_noir #loi_Dodd_Frank #minerai_critique #Mutarule #MONUSCO #ONU #Nations_Unies

    • La production du réel sur scène est ce qui m’intéresse
      Entretien avec #Milo_Rau

      Né à Berne, en Suisse en 1977, Milo Rau étudie la sociologie auprès de Pierre Bourdieu et Tzvetan Todorov, ainsi que les littératures allemandes et romanes à Paris, Zurich et Berlin. Tout d’abord journaliste, ses premiers voyages et reportages se déroulent au Chiapas ainsi qu’à Cuba en 1997. À partir de 2000, Rau travaille comme auteur au sein de la Neue Zürcher Zeitung, un groupe de presse suisse qui édite le journal du même nom puis il entame en 2003 sa carrière de metteur en scène en Suisse tout d’abord et, par la suite, à l’étranger.

      https://www.cairn.info/la-video-en-scene--9782379243431-page-329.htm

    • #IIPM#International_Institute_of_Political_Murder

      Produktionsgesellschaft für Theater, Film und Soziale Plastik


      Das IIPM – International Institute of Political Murder wurde vom Regisseur und Autor Milo Rau im Jahr 2007 mit Sitz in der Schweiz und in Deutschland gegründet zur Produktion und internationalen Verwertung seiner Theaterinszenierungen, Aktionen und Filme.

      Die bisherigen Produktionen des IIPM stießen international auf große Resonanz und stehen für eine neue, dokumentarisch und ästhetisch verdichtete Form politischer Kunst – „Real-Theater“, wie Alexander Kluge Milo Raus Ästhetik einmal nannte. Seit 2007 hat das IIPM mehr als 50 Theaterinszenierungen, Filme, Bücher, Ausstellungen und Aktionen realisiert. Die Stücke des IIPM tourten durch bisher über 30 Länder und wurden an alle bedeutenden internationalen Festivals eingeladen. Wiederkehrende Kooperationspartner sind u. a. die Schaubühne am Lehniner Platz, das Théâtre Nanterre-Amandiers, das Theaterspektakel Zürich, das Kunstenfestival Brüssel, das Goethe Institut, die Prohelvetia, ARTE, das Schweizerische und das Deutsche Fernsehen, der Berliner Senat oder die Kulturstiftung des Bundes. Bisherige Projekt- und Essaybände des IIPM wurden mehrfach aufgelegt („Die letzten Tage der Ceausescus“, 2010), von der Bundeszentrale für Politische Bildung als Schulbücher nachgedruckt („Hate Radio“, 2014) und von der taz zum „Buch des Jahres“ gewählt („Was tun? Kritik der postmodernen Vernunft“, 2013). Für 2017 entstehen der ästhetiktheoretische Band „Wiederholung und Ekstase“ (Diaphanes Verlag, Abschlussband zu einem Forschungsprojekt, das das IIPM an der Zürcher Hochschule der Künste zum Realismus in den Künsten durchführte), die beiden Projektbände „Das Kongo Tribunal“ und „1917“ (beide Verbrecher Verlag) sowie das Manifest „Die Rückeroberung der Zukunft“ (Rowohlt Verlag).

      Seit der Gründung konzentriert sich das IIPM auf die multimediale Bearbeitung historischer oder gesellschaftspolitischer Konflikte: Unter anderem holte die Produktionsgesellschaft die Erschießung des Ehepaars Ceausescu („Die letzten Tage der Ceausescus“), den ruandischen Völkermord („Hate Radio“) und den norwegischen Terroristen Anders B. Breivik („Breiviks Erklärung“) auf die Bühne, boxte per Theaterperformance das Ausländerstimmrecht ins Parlament einer Schweizer Stadt („City of Change“), hob im Frühjahr 2013 mit zwei mehrtägigen Justiz-Spektakeln („Die Moskauer Prozesse“ und „Die Zürcher Prozesse“) ein völlig neues Theaterformat aus der Taufe und eröffnete mit „The Civil Wars“ (2014) das Großprojekt „Die Europa-Trilogie“, die mit „The Dark Ages“ (2015) fortgeführt wurde und 2016 mit „Empire“ ihren Abschluss fand. Mit „Five Easy Pieces“ (2016) und „Die 120 Tage von Sodom“ (2017) unterzogen Rau und das IIPM das Einfühlungs- und Darstellungsinstrumentarium des Theaters einer eingehenden Prüfung – das eine Mal mit minderjährigen, das andere mal mit behinderten Darstellern.

      Von Debatten weit über die Kunstwelt hinaus begleitet, wurden die vom IIPM produzierten Filme, Video-installationen, Peformances und Inszenierungen mit zahllosen Preisen weltweit ausgezeichnet. Die „zutiefst berührende“ (La Libre Belgique) Inszenierung „The Civil Wars“, von Publikum und Kritik euphorisch gefeiert, etwa wurde mit dem Jury-Preis der Theatertriennale „Politik im Freien Theater“ ausgezeichnet und von der Experten-Jury des Schweizer Fernsehens in die Liste der „5 besten Theaterstücke 2014“ gewählt. Außerdem wurde „The Civil Wars“ unter die „besten Stücke der Niederlande und Flanderns 2014/15″ ausgewählt. Die Inszenierung „Five Easy Pieces“ (2016) wurde mit dem Hauptpreis des belgischen „Prix de la Critique Théâtre et Danse“ ausgezeichnet. Zu den weiteren Auszeichnungen gehören Einladungen zum Berliner Theatertreffen oder ans Festival d’Avignon, der Schweizer Theaterpreis oder der Preis des Internationalen Theaterinstituts (ITI).

      „Mehr Wirkung kann Theater kaum provozieren“, urteilte die Basler Zeitung über die Lecture-Performance „Breiviks Erklärung“, die 2014 nach zahlreichen Stationen im EU-Parlament Brüssel zu sehen war. Die Produktion „Die Moskauer Prozesse“, zu der in Kooperation mit Fruitmarket Kultur und Medien GmbH eine Kinofassung und mit dem Verbrecher Verlag Berlin eine Buchfassung entstand, führte zu einer internationalen Debatte über Kunstfreiheit und Zensur. Die Kinofassung lief international in den Kinos und auf Festivals und wurde mit einer „Besonderen Auszeichnung“ am Festival des Deutschen Films 2014 geehrt.

      Zu den „Zürcher Prozessen“ entstand – wie auch zu den Produktionen „Die letzten Tage der Ceausescus“ und „Hate Radio“ – eine abendfüllende Filmfassung, die auf 3sat und im Schweizer Fernsehen ausgestrahlt wurde und in ausgewählten Kinos zu sehen war. Die Hörspielfassung von „Hate Radio“ wurde mit dem renommierten „Hörspielpreis der Kriegsblinden 2014“ ausgezeichnet.

      In der Spielzeit 2013/14 fand in den Sophiensaelen (Berlin) unter dem Titel „Die Enthüllung des Realen“ eine Retrospektive zur Arbeit des IIPM statt. Anlässlich der Ausstellung erschien im Verlag „Theater der Zeit“ eine gleichnamige Monographie mit Beiträgen von u. a. Elisabeth Bronfen, Heinz Bude, Alexander Kluge, Sandra Umathum, Michail Ryklin und Christine Wahl, die das Werk des IIPM aus verschiedenster Perspektive beleuchteten. Nach Einzelausstellungen in Österreich (Kunsthaus Bregenz 2011, Akademie der Bildenden Künste Wien, 2013) und der Schweiz (migrosmuseum für gegenwartskunst Zürich 2011, KonzertTheaterBern, 2013) handelte es sich dabei um die erste Retrospektive zur Arbeit Milo Raus und des IIPM in Deutschland, die in der Presse heiß diskutiert wurde.

      In der Saison 2014/15 folgten Werkschauen in Genf (Festival La Batie) und Paris (Théatre Nanterre-Amandiers), in der Saison 2015/16 in Gent (CAMPO). Die Live-Talkshowreihe „Die Berliner Gespräche“ (in Kooperation mit den Sophiensaelen und der Schweizerischen Botschaft Berlin) 2013/14 war der Startpunkt der Produktionsphase von Milo Raus Theaterinszenierung “The Civil Wars” (2014), dem ersten Teiler seiner „Europa Trilogie“. Die mit „The Dark Ages“ im Jahr 2015 weitergeführte und 2016 mit „Empire“ abgeschlossene, monumentale „Europa Trilogie“ – in der 13 Schauspieler aus 11 Ländern den Kontinent einer „politischen Psychoanalyse“ (Libération) unterziehen – führte zu euphorischen Reaktionen bei Presse und Publikum: „von der Intimität eines Kammerspiels und der Wucht einer griechischen Tragödie“, urteilte etwa das ORF über „Empire“.

      Zu einem weltweiten Medienecho führte auch das insgesamt 30stündige „Kongo Tribunal“, das Milo Rau und sein Team im Sommer 2015 in Bukavu und Berlin durchführten: ein Volkstribunal zur Verwicklung der internationalen Minenfirmen, der kongolesischen Regierung, der UNO, der EU und der Weltbank in den Bürgerkrieg im Ostkongo, der in 20 Jahren mehr als 5 Millionen Tote gefordert hat. Presse und Publikum verfolgten die „ungeheuerlich spannenden“ (taz) Verhöre atemlos. „Das ambitionierteste politische Theaterprojekt, das je inszeniert wurde“, urteilte die Zeitung THE GUARDIAN, und fügte hinzu: „Ein Meilenstein.“ „Ein Wahnsinnsprojekt“, schrieb die ZEIT: „Wo die Politik versagt, hilft nur die Kunst.“ Die belgische Zeitung LE SOIR schrieb: „Makellos. Milo Rau ist einer der freiesten und kontroversesten Geister unserer Zeit.“ Und die taz brachte es auf den Punkt: „Zum ersten Mal in der Geschichte wird hier die Frage nach der Verantwortung für Verbrechen gestellt.“ Mehr als hundert Journalisten aus der ganzen Welt nahmen an den Tribunalen in Ostafrika und Europa teil, um über das „größenwahnsinnigste Kunstprojekt unserer Zeit“ (Radio France Internationale – RFI) zu berichten.

      Als „ein Meisterwerk, brennend vor Aktualität“ (24 heures) und „atemraubend“ (NZZ) feierten Kritik und Publikum gleichermaßen Milo Raus Stück „Mitleid. Die Geschichte des Maschinengewehrs“ (Uraufführung Januar 2016, Schaubühne am Lehniner Platz Berlin), das seit seiner Uraufführung durch die Welt tourt und u. a. zum „Friedrich-Luft-Preis“ als bestes Stück der Saison in Berlin nominiert und in der Kategorie „Beste Schauspielerin“ (Hauptrolle: Ursina Lardi) in der Kritikerumfrage der Zeitschrift „Theater Heute“ auf den zweiten Platz gewählt wurde.

      Das im Frühjahr 2016 in Kooperation mit CAMPO Gent entstandne Stück „Five Easy Pieces“ war das erste IIPM-Projekt mit Kindern und Jugendlichen. Als „ganz großes Theater, menschlich, sensibel, intelligent und politisch“ beschrieb das belgische Fernsehen (RTBF) das Stück, das bereits durch halb Europa und bis Singapur tourte: „Ein Theaterstück jenseits aller bekannten Maßstäbe.“

      http://international-institute.de

      #art_et_politique

  • Au #Sénégal, la farine de poisson creuse les ventres et nourrit la rancœur

    À #Kayar, sur la Grande Côte sénégalaise, l’installation d’une usine de #farine_de_poisson, destinée à alimenter les élevages et l’aquaculture en Europe, a bouleversé l’économie locale. Certains sont contraints d’acheter les rebuts de l’usine pour s’alimenter, raconte “Hakai Magazine”.
    “Ils ont volé notre #poisson”, affirme Maty Ndau d’une voix étranglée, seule au milieu d’un site de transformation du poisson, dans le port de pêche de Kayar, au Sénégal. Quatre ans plus tôt, plusieurs centaines de femmes travaillaient ici au séchage, au salage et à la vente de la sardinelle, un petit poisson argenté qui, en wolof, s’appelle yaboi ou “poisson du peuple”. Aujourd’hui, l’effervescence a laissé place au silence.

    (#paywall)

    https://www.courrierinternational.com/article/reportage-au-senegal-la-farine-de-poisson-creuse-les-ventres-

    #élevage #Europe #industrie_agro-alimentaire

    • Un article publié le 26.06.2020 et mis à jour le 23.05.2023 :

      Sénégal : les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire

      Au Sénégal, comme dans nombre de pays d’Afrique de l’Ouest, le poisson représente plus de 70 % des apports en protéines. Mais la pêche artisanale, pilier de la sécurité alimentaire, fait face à de nombreuses menaces, dont l’installation d’usines de farine et d’huile de poisson. De Saint-Louis à Kafountine, en passant par Dakar et Kayar… les acteurs du secteur organisent la riposte, avec notre partenaire l’Adepa.

      Boum de la consommation mondiale de poisson, accords de #pêche avec des pays tiers, pirogues plus nombreuses, pêche INN (illicite, non déclarée, non réglementée), manque de moyens de l’État… La pêche sénégalaise a beau bénéficier de l’une des mers les plus poissonneuses du monde, elle fait face aujourd’hui à une rapide #raréfaction de ses #ressources_halieutiques. De quoi mettre en péril les quelque 600 000 personnes qui en vivent : pêcheurs, transformatrices, mareyeurs, micro-mareyeuses, intermédiaires, transporteurs, etc.

      Pourtant, des solutions existent pour préserver les ressources : les aires marines protégées (AMP) et l’implication des acteurs de la pêche dans leur gestion, la création de zones protégées par les pêcheurs eux-mêmes ou encore la surveillance participative… Toutes ces mesures contribuent à la durabilité de la ressource. Et les résultats sont palpables : « En huit ans, nous sommes passés de 49 à 79 espèces de poissons, grâce à la création de l’aire marine protégée de Joal », précise Karim Sall, président de cette AMP.

      Mais ces initiatives seront-elles suffisantes face à la menace que représentent les usines de farine et d’huile de poisson ?

      Depuis une dizaine d’années, des usines chinoises, européennes, russes, fleurissent sur les côtes africaines. Leur raison d’être : transformer les ressources halieutiques en farines destinées à l’#aquaculture, pour répondre à une demande croissante des consommateurs du monde entier.

      Le poisson détourné au profit de l’#export

      Depuis 2014, la proportion de poisson d’élevage, dans nos assiettes, dépasse celle du poisson sauvage. Les farines produites en Afrique de l’Ouest partent d’abord vers la #Chine, premier producteur aquacole mondial, puis vers la #Norvège, l’#Union_européenne et la #Turquie.

      Les impacts négatifs de l’installation de ces #usines sur les côtes sénégalaises sont multiples. Elles pèsent d’abord et surtout sur la #sécurité_alimentaire du pays. Car si la fabrication de ces farines était censée valoriser les #déchets issus de la transformation des produits de la mer, les usines achètent en réalité du poisson directement aux pêcheurs.

      Par ailleurs, ce sont les petits pélagiques (principalement les #sardinelles) qui sont transformés en farine, alors qu’ils constituent l’essentiel de l’#alimentation des Sénégalais. Enfin, les taux de #rendement sont dévastateurs : il faut 3 à 5 kg de ces sardinelles déjà surexploitées [[Selon l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO)]] pour produire 1 kg de farine ! Le poisson disparaît en nombre et, au lieu d’être réservé à la consommation humaine, il part en farine nourrir d’autres poissons… d’élevage !

      Une augmentation des #prix

      Au-delà de cette prédation ravageuse des sardinelles, chaque installation d’usine induit une cascade d’autres conséquences. En premier lieu pour les mareyeurs et mareyeuses mais aussi les #femmes transformatrices, qui achetaient le poisson directement aux pêcheurs, et se voient aujourd’hui concurrencées par des usines en capacité d’acheter à un meilleur prix. Comme l’explique Seynabou Sene, transformatrice depuis plus de trente ans et trésorière du GIE (groupement d’intérêt économique) de Kayar qui regroupe 350 femmes transformatrices : « Avant, nous n’avions pas assez de #claies de #séchage, tant la ressource était importante. Aujourd’hui, nos claies sont vides, même pendant la saison de pêche. Depuis 2010, quatre usines étrangères se sont implantées à Kayar, pour transformer, congeler et exporter le poisson hors d’Afrique, mais elles créent peu d’#emploi. Et nous sommes obligées de payer le poisson plus cher, car les usines d’#exportation l’achètent à un meilleur prix que nous. Si l’usine de farine de poisson ouvre, les prix vont exploser. »

      Cette industrie de transformation en farine et en huile ne pourvoit par ailleurs que peu d’emplois, comparée à la filière traditionnelle de revente et de transformation artisanale. Elle représente certes un débouché commercial lucratif à court terme pour les pêcheurs, mais favorise aussi une surexploitation de ressources déjà raréfiées. Autre dommage collatéral enfin, elle engendre une pollution de l’eau et de l’air, contraire au code de l’environnement.

      La riposte s’organise

      Face à l’absence de mesures gouvernementales en faveur des acteurs du secteur, l’#Adepa [[L’Adepa est une association ouest-africaine pour le développement de la #pêche_artisanale.]] tente, avec d’autres, d’organiser des actions de #mobilisation citoyenne et de #plaidoyer auprès des autorités. « Il nous a fallu procéder par étapes, partir de la base, recueillir des preuves », explique Moussa Mbengue, le secrétaire exécutif de l’Adepa.

      Études de terrain, ateliers participatifs, mise en place d’une coalition avec différents acteurs. Ces actions ont permis d’organiser, en juin 2019, une grande conférence nationale, présidée par l’ancienne ministre des Pêches, Aminata Mbengue : « Nous y avons informé l’État et les médias de problèmes majeurs, résume Moussa Mbengue. D’abord, le manque de moyens de la recherche qui empêche d’avoir une connaissance précise de l’état actuel des ressources. Ensuite, le peu de transparence dans la gestion d’activités censées impliquer les acteurs de la pêche, comme le processus d’implantation des usines. Enfin, l’absence de statistiques fiables sur les effectifs des femmes dans la pêche artisanale et leur contribution socioéconomique. »

      Parallèlement, l’association organise des réunions publiques dans les ports concernés par l’implantation d’usines de farines et d’huile de poisson. « À Saint-Louis, à Kayar, à Mbour… nos leaders expliquent à leurs pairs combien le manque de transparence dans la gestion de la pêche nuit à leur activité et à la souveraineté alimentaire du pays. »

      Mais Moussa Mbengue en a conscience : organiser un plaidoyer efficace, porté par le plus grand nombre, est un travail de longue haleine. Il n’en est pas à sa première action. L’Adepa a déjà remporté de nombreux combats, comme celui pour la reconnaissance de l’expertise des pêcheurs dans la gestion des ressources ou pour leur implication dans la gestion des aires marines protégées. « Nous voulons aussi que les professionnels du secteur, conclut son secrétaire exécutif, soient impliqués dans les processus d’implantation de ces usines. »

      On en compte aujourd’hui cinq en activité au Sénégal. Bientôt huit si les projets en cours aboutissent.

      https://ccfd-terresolidaire.org/senegal-les-usines-de-farines-de-poisson-menacent-la-securite-a

      #extractivisme #résistance

  • Nintendo of America President: “Everyone Has the Right To Form a Union”
    https://www.inverse.com/gaming/doug-bowser-super-mario-bros-wonder-switch-2-nintendo-union

    Video game consoles come and go, but the Nintendo Switch is forever. At least, that’s how it sometimes seems. Six years after its launch, the beloved handheld hybrid is still going strong and on track to sell 15 million devices in 2023. But for Nintendo of America president Doug Bowser, the reason behind the Switch’s lasting power is simple: It’s the games.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #business #nintendo #microsoft #rachat #acquisition #finance #rumeurs #nintendo_switch #console_switch #finance #ressources_humaines #crunch #syndicalisme #entrevue #interview #doug_bowser