• Les #parcs africains ou l’histoire d’un #colonialisme_vert

    Derrière le mythe d’une Afrique #sauvage et fascinante se cache une histoire méconnue : celle de la mise sous cloche de la #nature au mépris des populations, orchestrée par des experts occidentaux. L’historien #Guillaume_Blanc raconte.

    Vous avez longuement enquêté sur les politiques de #protection_de_la_nature mises en place en #Afrique depuis la fin du XIXe siècle. Comment, dans l’esprit des experts occidentaux de la conservation de la nature, a germé cette idée que le continent africain constituait le dernier éden sauvage de la planète, qu’il s’agissait de préserver à tout prix ?

    Guillaume Blanc1 Mon enquête historique s’appuie en effet sur plus de 130 000 pages de documents issus de 8 fonds d’archives répartis entre l’Europe et l’Afrique. Pour comprendre ce mythe de la nature sauvage, il faut se mettre à la place des #botanistes et des #forestiers qui partent tenter l’aventure dans les #colonies à la fin du XIXe siècle, et laissent derrière eux une Europe radicalement transformée par l’industrialisation et l’urbanisation. En arrivant en Afrique, ils sont persuadés d’y retrouver la nature qu’ils ont perdue chez eux.

    Cette vision est en outre soutenue par un ensemble d’œuvres relayées par la grande presse. C’est par exemple #Winston_Churchill qui, en 1907, publie Mon voyage en Afrique, dans lequel il décrit le continent africain comme un « vaste jardin naturel » malheureusement peuplé d’« êtres malhabiles ». Dans les années 1930, c’est ensuite #Ernest_Hemingway qui évoque, dans Les Neiges du Kilimandjaro, un continent où les #big_five – ces mammifères emblématiques de l’Afrique que sont le #lion, le #léopard, l’#éléphant, le #rhinocéros noir et le #buffle – régneraient en maîtres. Depuis, le #mythe de cette Afrique édénique a perduré à travers les reportages du #National_Geographic et de la BBC ou, plus récemment, avec la sortie du célèbre film d’animation #Le_Roi_Lion.

    Qui sont les principaux acteurs des politiques de protection de la nature en Afrique, depuis les premières réserves de faune sauvage jusqu’à la création des parcs nationaux ?
    G. B. En Afrique, la création des #réserves_de_chasse à la fin du XIXe siècle par les colonisateurs européens vise surtout à protéger le commerce des troupeaux d’éléphants, déjà largement décimés par la #chasse. À partir des années 1940, ces #réserves deviennent ensuite des espaces dédiés presque exclusivement à la contemplation de la #faune_sauvage – une évolution qui témoigne d’une prise de conscience de l’opinion publique, qui considère comme immoral le massacre de la grande #faune.

    Les principaux acteurs de cette transformation sont des écologues administrateurs, à l’image de #Julian_Huxley, le tout premier directeur de l’#Unesco, nommé en 1946. On peut également citer #Edgar_Worthington, qui fut directeur scientifique adjoint du #Nature_Conservancy (une orga­ni­sa­tion gouvernementale britannique), ou l’ornithologue #Edward_Max_Nicholson, l’un des fondateurs du #World_Wildlife_Fund, le fameux #WWF. À partir des années 1950, ces scientifiques issus de l’administration impériale britannique vont s’efforcer de mettre la #science au service du gouvernement, de la nature et des hommes.

    À l’époque coloniale, la nature africaine semble toutefois moins menacée qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’y a-t-il pas comme une forme de contradiction de la part des experts de la conservation à vouloir présenter ce continent comme le dernier éden sauvage sur Terre et, dans le même temps, à alerter sur le risque d’extinction de certaines espèces ?
    G. B. Si on prend l’exemple des éléphants, ce sont tout de même 65 000 animaux qui sont abattus chaque année à la fin du XIXe siècle en Afrique de l’Est pour alimenter le commerce de l’#ivoire. À cette époque, les administrateurs coloniaux sont pourtant incapables de réaliser que le massacre auquel ils assistent relève de leur propre responsabilité. Car, tout autour des espaces de protection qu’ils mettent en place pour protéger la nature, la destruction des #ressources_naturelles se poursuit – ce sont les #plantations de #cacao en #Côte_d’Ivoire qui empiètent toujours plus sur la #forêt_tropicale, ou le développement à grande échelle de la culture du #café en #Tanzanie et au #Kenya.

    À mesure que ce #capitalisme_extractiviste s’intensifie, la protection de la faune et de la flore se renforce via la multiplication des #zones_protégées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ceux qui entendent préserver la nature en établissant des réserves de chasse, puis des parcs nationaux, sont aussi ceux qui la détruisent en dehors de ces espaces de protection.

    Une initiative baptisée « #Projet_spécial_africain » illustre bien cette vision de la nature africaine. En quoi consiste cette grande #mission_écologique, largement promue par les experts internationaux de la conservation ?
    G. B. Le Projet spécial africain est lancé à Varsovie en 1960 par l’#Union_internationale_pour_la_conservation_de_la_nature (#UICN), sous l’égide des Nations unies. En septembre 1961, une grande conférence internationale est organisée à Arusha, en Tanzanie, afin de promouvoir les programmes de conservation auprès des dirigeants africains arrivés au pouvoir après les indépendances. Elle réunit une centaine d’experts occidentaux ainsi qu’une trentaine de dirigeants africains.

    D’un commun accord, ces derniers déclarent vouloir poursuivre les efforts accomplis par les colons européens dans les parcs nationaux africains qui ont vu le jour depuis la fin des années 1920. Pour, je cite, « aider les gouvernements africains à s’aider eux-mêmes », des experts internationaux sont alors envoyés en Afrique. Le Projet spécial africain, qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 1970, prend donc la forme d’une alliance entre les dirigeants africains et les experts internationaux.

    Dans le livre que vous avez publié il y a peu, La Nature des hommes, vous rappelez que les institutions internationales ont fortement incité les pays africains à exclure leurs populations des territoires de ce qui allait devenir les parcs nationaux…
    G. B. Parmi les institutions impliquées, il y a, d’un côté, les agences des Nations unies comme l’Unesco et la FAO, mais aussi des organisations non gouvernementales comme l’UICN, le WWF ou la Fauna & Flora International (FFI). Ces deux grandes catégories d’institutions ont tout d’abord servi de machine à reconvertir les administrateurs coloniaux en experts internationaux de la conservation. Ce sont elles qui vont ensuite imposer les mesures conservationnistes à l’intérieur des parcs.

    La FAO va, par exemple, conditionner son aide au Kenya, à l’Éthiopie ou à la Tanzanie pour l’achat de matériel agricole à l’acceptation des règles édictées par l’Unesco – à savoir que soient expulsées les populations qui vivent dans les parcs pour préserver les grands mammifères. C’est donc un véritable système international qui se met en place, dans lequel les agences des Nations unies vont avoir recours à des experts qu’elles vont mandater auprès de l’UICN, du WWF ou de la #FFI.

    Dans les années qui suivent la #décolonisation, les dirigeants africains participent eux aussi à cette #mythification d’un continent foisonnant de vie, car préservé des activités humaines. Quelle est leur part de responsabilité dans la construction de cet #imaginaire ?
    G. B. S’ils n’ont pas choisi ce cadre culturel imposé par les experts internationaux de la conservation, selon lequel l’Afrique serait le dernier refuge mondial de la faune sauvage, ils savent en revanche le mettre au service de leurs propres intérêts. Au #Congo, rebaptisé Zaïre en 1971 par le président Mobutu, ce dernier explique lors d’une conférence de l’UICN qui se tient à Kinshasa que son pays a créé bien plus de parcs que le colonisateur belge qui l’a précédé.

    En 1970, soit près de 10 ans après son indépendance, la Tanzanie a de son côté quadruplé son budget dédié aux parcs nationaux, sous l’impulsion de son Premier ministre #Julius_Nyerere, bien conscient que le parc national représente une véritable #opportunité_économique. Si Julius Nyerere n’envisage pas de « passer (s)es vacances à regarder des crocodiles barboter dans l’eau », comme il l’explique lui-même dans la presse tanzanienne, il assure que les Occidentaux sont prêts à dépenser des millions de dollars pour observer la faune exceptionnelle de son pays. Julius Nyerere entend alors faire de la nature la plus grande ressource économique de la Tanzanie.

    Certains responsables politiques africains mettent aussi à profit le statut de parc national pour contrôler une partie de leur population…
    G. B. Pour une nation comme l’Éthiopie d’#Hailé_Sélassié, la mise en parc de la nature donne la #légitimité et les moyens financiers pour aller planter le drapeau national dans des territoires qui échappent à son contrôle. Lorsque l’UICN et le WWF suggèrent à l’empereur d’Éthiopie de mettre en parc différentes régions de son pays, il choisit ainsi le #Simien, dans le Nord, une zone de maquis contestant le pouvoir central d’Addis-Abeba, l’#Awash, dans l’Est, qui regroupe des semi-nomades vivant avec leurs propres organisations politiques, et la #vallée_de_l’Omo, dans le Sud, où des populations circulent librement entre l’Éthiopie et le Kenya sans reconnaître les frontières nationales.

    En Afrique, la mise sous protection de la nature sauvage se traduit souvent par l’#expulsion des peuples qui vivent dans les zones visées. Quelles sont les conséquences pour ces hommes et ces femmes ?
    G. B. Ce #déplacement_forcé s’apparente à un véritable tremblement de terre, pour reprendre l’expression du sociologue américain Michael Cernes, qui a suivi les projets de #déplacement_de_populations menés par les Nations unies. Pour les personnes concernées, c’est la double peine, puisqu’en étant expulsées, elles sont directement impactées par la création des parcs nationaux, sans en tirer ensuite le moindre bénéfice. Une fois réinstallées, elles perdent en effet leurs réseaux d’entraide pour l’alimentation et les échanges socio-économiques.

    Sur le plan environnemental, c’est aussi une catastrophe pour le territoire d’accueil de ces expulsés. Car, là où la terre était en mesure de supporter une certaine densité de bétail et un certain niveau d’extraction des ressources naturelles, la #surpopulation et la #surexploitation de l’#environnement dont parlent les experts de la conservation deviennent réalité. Dans une étude publiée en 20012, deux chercheurs américain et mozambicain ont tenté d’évaluer le nombre de ces expulsés pour l’ensemble des parcs nationaux d’Afrique. En tenant compte des lacunes statistiques des archives historiques à ce sujet, les chercheurs ont estimé qu’entre 1 et 14 millions de personnes avaient été contraintes de quitter ces espaces de conservation au cours du XXe siècle.

    Depuis la fin des années 1990, les politiques globales de la #conservation_de_la_nature s’efforcent d’associer les populations qui vivent dans ou à côté des #aires_protégées. Comment se matérialise cette nouvelle philosophie de la conservation pour les populations ?
    G. B. Cette nouvelle doctrine se traduit de différentes manières. Si l’on prend l’exemple de l’#Ouganda, la population va désormais pouvoir bénéficier des revenus du #tourisme lié aux parcs nationaux. Mais ceux qui tirent réellement profit de cette ouverture des politiques globales de conservation sont souvent des citadins qui acceptent de devenir entrepreneurs ou guides touristiques. Les habitants des parcs n’ont pour leur part aucun droit de regard sur la gestion de ces espaces protégés et continuent de s’y opposer, parfois avec virulence.

    En associant les populations qui vivent dans ou à proximité des parcs à la gestion de la grande faune qu’ils abritent, la conservation communautaire les incite à attribuer une valeur monétaire à ces animaux. C’est ce qui s’est produit en #Namibie. Plus un mammifère est prisé des touristes, comme l’éléphant ou le lion, plus sa valeur pécuniaire augmente et, avec elle, le niveau de protection que lui accorde la population. Mais quid d’une pandémie comme le Covid-19, provoquant l’arrêt de toute activité touristique pendant deux ans ? Eh bien, la faune n’est plus protégée, puisqu’elle n’a plus aucune valeur. Parce qu’il nie la singularité des sociétés auxquelles il prétend vouloir s’adapter, le modèle de la #conservation_communautaire, qui prétend associer les #populations_locales, se révèle donc souvent inefficace.

    Des mesures destinées à exclure les humains des espaces naturels protégés continuent-elles d’être prises par certains gouvernements africains ?
    G. B. De telles décisions restent malheureusement d’actualité. Les travaux de l’association Survival International l’ont très bien documenté au #Cameroun, en #République_démocratique_du_Congo ou en Tanzanie. En Éthiopie, dans le #parc_du_Simien, où je me suis rendu à plusieurs reprises, les dernières #expulsions datent de 2016. Cette année-là, plus de 2 500 villageois ont été expulsés de force à 35 km du parc. Dans les années 2010, le géographe américain Roderick Neumann a pour sa part recensé jusqu’à 800 #meurtres liés à la politique de « #shoot_on_sight (tir à vue) » appliquée dans plusieurs parcs nationaux d’Afrique de l’Est. Selon cette doctrine, toute personne qui se trouve à l’intérieur du parc est soupçonnée de #braconnage et peut donc être abattue par les éco-gardes. Dans des pays où le braconnage n’est pourtant pas passible de peine de mort, de simples chasseurs de petit gibier sont ainsi exécutés sans sommation.

    En Europe, les règles de fonctionnement des parcs nationaux diffèrent de celles qui s’appliquent aux espaces de protection africains. Si on prend l’exemple du parc national des Cévennes, l’agriculture traditionnelle et le pastoralisme n’y sont pas prohibés, mais valorisés en tant qu’éléments de la culture locale. Comment expliquer ce « deux poids, deux mesures » dans la façon d’appréhender les espaces de protection de la nature en Europe et en Afrique ?
    G. B. Le parc national des Cévennes, créé en 1970, abrite plus de 70 % du site des Causses et Cévennes, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis 2011. Or la valeur universelle exceptionnelle qui conditionne un tel classement est, selon l’Unesco, « l’agropastoralisme, une tradition qui a façonné le paysage cévenol ». C’est d’ailleurs à l’appui de cet argumentaire que l’État français alloue des subventions au parc pour que la transhumance des bergers s’effectue à pied et non pas en camions, ou bien encore qu’il finance la rénovation des toitures et des murs de bergeries à partir de matériaux dits « traditionnels ».

    En revanche, dans le parc éthiopien du Simien, la valeur universelle exceptionnelle qui a justifié le classement de ce territoire par l’Unesco est « ses #paysages spectaculaires ». Mais si les #montagnes du Simien ont été classées « en péril3 » et les populations qui y vivaient ont été expulsées, c’est, selon les archives de cette même organisation internationale, parce que « l’#agropastoralisme menace la valeur du bien ».

    À travers ces deux exemples, on comprend que l’appréciation des rapports homme-nature n’est pas univoque en matière de conservation : il y a une lecture selon laquelle, en Europe, l’homme façonne la nature, et une lecture selon laquelle, en Afrique, il la dégrade. En vertu de ce dualisme, les activités agropastorales relèvent ainsi d’une #tradition à protéger en Europe, et d’une pratique destructrice à éliminer en Afrique.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/parcs-Afrique-colonialisme-histoire-nature-faune
    #colonialisme #animaux #ingénierie_démographique

    • La nature des hommes. Une mission écologique pour « sauver » l’Afrique

      Pendant la colonisation, pour sauver en Afrique la nature déjà disparue en Europe, les colons créent des parcs en expulsant brutalement ceux qui cultivent la terre. Et au lendemain des indépendances, avec l’Unesco ou le WWF, les dirigeants africains « protègent » la même nature, une nature que le monde entier veut vierge, sauvage, sans hommes.
      Les suites de cette histoire sont connues : des millions de paysans africains expulsés et violentés, aujourd’hui encore. Mais comment a-t-elle pu advenir ? Qui a bien pu organiser cette continuité entre le temps des colonies et le temps des indépendances ? Guillaume Blanc répond à ces questions en plongeant le lecteur au cœur d’une étrange mission écologique mondiale, lancée en 1961 : le « Projet spécial africain ».
      L’auteur raconte l’histoire de ce Projet, mais, plutôt que de suivre un seul fil narratif, il redonne vie à quatre mondes, que l’on découvre l’un après l’autre : le monde des experts-gentlemen qui pensent l’Afrique comme le dernier refuge naturel du monde ; celui des colons d’Afrique de l’Est qui se reconvertissent en experts internationaux ; celui des dirigeants africains qui entendent contrôler leurs peuples tout en satisfaisant les exigences de leurs partenaires occidentaux ; celui, enfin, de paysans auxquels il est demandé de s’adapter ou de disparaître. Ces hommes ne parlent pas de la même nature, mais, pas à pas, leurs mondes se rapprochent, et ils se rencontrent, pour de bon. Ici naît la violence. Car c’est la nature des hommes que d’échanger, pour le meilleur et pour le pire.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_nature_des_hommes-9782348081750
      #livre

  • Guerre au Soudan : comment les Émirats convoitent l’#or et les terres agricoles

    Depuis deux ans, le peuple soudanais subit les conséquences d’une guerre impitoyable entre l’armée régulière et un groupe paramilitaire. Dans l’ombre du conflit, les Émirats arabes unis lorgnent l’or et les terres arables.

    Cela fait exactement deux ans que le Soudan, troisième plus grand pays d’Afrique, est ravagé par une #guerre_civile. Ce conflit, décrit comme « la crise humanitaire et de déplacement la plus dévastatrice au monde » par les Nations unies, oppose les Forces armées soudanaises (FAS), l’armée régulière commandée par Abdel Fattah al-Bourhane, et le groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR), dirigé par Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemetti », un ancien chef de milice qui a opéré pendant la guerre du Darfour (2003-2020).

    Les chiffres sont horrifiants : on compte 12 millions de déplacés et plus de 150 000 morts, d’après une estimation faite en 2024 par l’ancien envoyé spécial étasunien au Soudan Tom Perriello. Près de 25 millions de personnes, soit la moitié de la population, souffrent d’une insécurité alimentaire aiguë, dont 8,5 millions en situation d’urgence ou de famine, selon les Nations unies et le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).

    Les mines et les terres au cœur du conflit

    En janvier, les Forces de soutien rapide ont été accusées par les États-Unis de génocide contre la communauté Masalit, dans le Darfour, où leurs soldats ont « systématiquement tué des hommes et jeunes garçons et violé des femmes et jeunes femmes du fait de leur origine ethnique ».

    Au cœur de cette guerre effroyable, les #ressources_naturelles du Soudan, en premier lieu son or et ses terres, suscitent l’intérêt d’acteurs puissants. Le pays, qui occupe une position stratégique sur la mer Rouge, est le troisième producteur d’or d’Afrique.

    Actuellement, des mines sont exploitées dans les zones sous contrôle des FAS comme dans celles des FSR. Les bénéfices des ventes des deux groupes ennemis, qui avaient créé des sociétés de négoce d’or bien avant la guerre, leur permettent d’acheter des armes.

    Ce commerce profite aussi aux acheteurs, et surtout aux Émirats arabes unis (EAU). Ces derniers sont connus pour être l’une des « principales plaques tournantes internationales du commerce » de ce métal précieux, et la première destination de l’or illégal africain, comme l’a montré l’ONG suisse SwissAid (https://www.swissaid.ch/fr/articles/sur-la-piste-de-lor-africain).

    Avant le déclenchement de la guerre, la quasi-totalité de la production du Soudan partait vers les EAU, un trajet qui semble toujours d’actualité. Une partie passe aussi en contrebande par d’autres États, dont l’Égypte, avant d’y arriver.

    Les vastes #terres_arables et les produits agricoles du Soudan sont une autre source d’intérêt majeur dans cette guerre. Depuis le début des hostilités, les Forces de soutien rapide mènent de violentes campagnes qui déplacent les populations et s’emparent des terres.

    Elles ont détruit de nombreux villages dans l’État de #Gezira, la plus grande zone agricole irriguée du pays, pour convertir cette dernière en « gigantesques ranchs militarisés », a rapporté en 2024 dans le Guardian Nicholas Stockton, un ancien fonctionnaire des Nations unies. Le commerce du bétail vers les #pays_du_Golfe est « redevenu la principale industrie d’exportation du Soudan » et « le principal moteur de la guerre », a-t-il dit.

    Près d’un million d’hectares de terres sous contrôle

    Dans ce secteur, les Émirats arabes unis, qui manquent de terres arables et doivent importer 90 % de leurs denrées alimentaires, sont en première ligne. Comme les autres pays du Golfe, ils sécurisent leurs approvisionnements depuis la crise alimentaire de 2008 en prenant le contrôle de grandes superficies de terres agricoles un peu partout dans le monde. L’organisation Grain a documenté leur « pouvoir croissant » dans « le système alimentaire mondial » (https://grain.org/fr/article/7173-des-terres-a-la-logistique-le-pouvoir-croissant-des-emirats-arabes-unis-).

    Le Soudan occupe une place importante au sein de cet « empire logistique » que les Émirats sont en train de bâtir et « qui relie désormais environ un million d’hectares de terres agricoles acquises par les Émirats dans le monde entier à un réseau de ports et de plates-formes logistiques », souligne Grain.

    Ainsi, avant la guerre, les EAU avaient conclu avec Khartoum un contrat de six milliards de dollars pour construire un port sur la côte soudanaise et misaient sur des investissements agricoles à grande échelle. Depuis plusieurs années déjà, de grosses entreprises émiraties contrôlent des dizaines de milliers d’hectares dans le pays.

    Les chiffres traduisent bien l’importance que les ressources soudanaises représentent pour les EAU : en 2023, les principaux produits exportés par le Soudan vers les Émirats étaient l’or (1,03 milliard de dollars), des graines oléagineuses (15,9 millions de dollars) et des cultures fourragères (14,2 millions de dollars).
    Les Émirats arabes unis, acteur incontournable

    Pour protéger leurs intérêts, les EAU n’ont pas hésité à prendre parti lorsque la guerre a éclaté : ils ont choisi de soutenir les FSR de Hemetti, avec lesquelles ils étaient déjà en lien d’affaires, selon de nombreux spécialistes de la région et des enquêtes journalistiques. Ils les alimenteraient, entre autres, en armes, en violation d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

    De l’avis de plusieurs experts, ce mécénat, que les Émirats nient cependant assurer, a été jusqu’ici décisif : sans lui, les FSR n’auraient pas pu tenir aussi longtemps face aux Forces armées du Soudan, comme l’ont expliqué des experts, dont le politologue Federico Donelli et le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, qui dépend du département de la Défense des États-Unis.

    « L’horreur au Soudan montre de façon alarmante jusqu’où les Émirats arabes unis sont prêts à aller pour sécuriser leurs intérêts agricoles à l’étranger », constate Grain. Tout en fournissant des armes et un soutien logistique aux FSR, les Émirats prônent la paix et versent des centaines de millions de dollars pour financer l’aide humanitaire au Soudan. Alors que la guerre a détruit le système de production du pays, ils ont aussi organisé en 2024 un sommet mondial sur la sécurité alimentaire.

    Le rôle déterminant des EAU fait dire à des experts que l’une des principales clés du conflit se trouve aujourd’hui du côté d’Abou Dabi. « On peut affirmer sans crainte que quiconque souhaite mettre fin aux combats au Soudan devra composer un numéro commençant par +971 [indicatif téléphonique des EAU], puisque toutes les routes menant à Hemetti passent inévitablement par les Émirats », estime Andreas Krieg, professeur assistant au King’s College à Londres.

    Mais on sait aussi que l’Égypte et le Qatar, notamment, soutiennent de leur côté les FAS. Si la guerre et les massacres se prolongent, c’est en partie « parce que des acteurs extérieurs ont soit activement encouragé les combats, soit fermé les yeux », a analysé la chercheuse Leena Badri.
    Les pays voisins menacés

    L’Union européenne (UE) et les autres acteurs internationaux « n’ont pas su agir de manière significative pour protéger les civils attaqués », a déploré de son côté un collectif d’organisations dans une lettre adressée fin mars à la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne et aux ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’UE.

    Pour l’instant, il n’y a aucune perspective de paix en vue. Fin mars, les troupes d’Abdel Fattah al-Bourhane, considéré par les Nations unies comme le dirigeant de facto du pays, ont repris l’entier contrôle de Karthoum, mais les FSR tiennent toujours une partie du sud du pays et presque tout le Darfour (ouest).

    Désormais, les experts redoutent une propagation du conflit aux pays voisins, comme le Soudan du Sud et le Tchad, où la situation est déjà très fragile, voire explosive. Près de deux millions de Soudanais y sont réfugiés.

    https://reporterre.net/Derriere-la-guerre-au-Soudan-les-Emirats-convoitent-l-or-et-les-terres-a

    #Soudan #guerre #Emirats_arabes_unis #accaparement_des_terres #terres #EAU #mines #extractivisme #conflit

  • Il ne suffit pas de vouloir une #écologie_antiraciste : le #zéro_déchet, la #colonialité et moi

    On parle souvent des #écologies_décoloniales. On voit moins les #écologies_coloniales interroger leur propre colonialité. C’est ce qu’on va faire ici, en étudiant la colonialité dans le zéro déchet et les écologies de la #sobriété.

    #Colonial n’est pas un compliment. Et si j’étais du mauvais côté ? Si mon #écologie était une de ces écologies coloniales qui s’ignorent ? Plus j’y pense plus c’est crédible, plus je creuse plus ça devient évident. Dans ce billet, je tente de conscientiser la dimension coloniale du #zero_waste et des écologies similaires.

    Pour ça je vais dérouler les implicites du « point de vue zéro déchet » et montrer ce qu’ils ont de problématique. L’idée est de partir du #zéro_gaspillage et d’arriver à la #décolonialité. J’essaie de baliser un parcours qui aide mes camarades écologistes à voir en quoi iels sont concerné⋅es par la #critique_décoloniale, de tracer un chemin que d’autres pourraient emprunter, sans forcément connaître cette pensée en amont.

    Je pars du zéro #gaspillage parce que c’est là où je suis, ce que je connais le mieux, mais la colonialité que je découvre concerne l’écologie de façon beaucoup plus large.

    Des écueils et une méthode

    Mais il y a des écueils. En tant qu’européen blanc issu d’une famille de colons1 je suis mal placé pour comprendre les questions de colonialité et de #racisme. Bénéficier d’avantages dans un système de pouvoir produit de l’#ignorance chez les dominant·es, une incapacité à reconnaître des choses évidentes du point de vue des dominé⋅es2.

    À supposer que je surmonte cet obstacle, je ne suis toujours pas légitime. En abordant ces sujets, je risque d’invisibiliser la voix de personnes plus compétentes que moi et sur qui s’appuie ma réflexion. Même si j’identifie des limites réelles à l’approche zéro gaspillage, je ne suis pas expert en #décolonialité.

    Alors pourquoi parler du sujet ? D’abord parce qu’on n’avancera jamais si j’attends de me sentir à l’aise pour discuter de racisme et de colonialité. Mon écologie est d’une #blanchité aveuglante : étudier sa colonialité est une façon d’adresser une partie du problème. Ensuite, parce que je ne prétends pas produire un discours scientifique ou exhaustif. Je présente un témoignage, un parcours de conscientisation personnel, limité et imparfait.

    Dans les paragraphes qui suivent, j’aborde un à un des aspects du zéro déchet. Pour chaque aspect j’émets une critique, puis je la rattache à une facette de la colonialité. C’est cette dernière qui donne une unité aux défauts présentés ici.

    Un « nous » d’humanité générale

    Préserver « nos #ressources », changer « nos modes de productions », réduire « nos #déchets » : les discours zero waste utilisent régulièrement le possessif « #nos ». Ce n’est pas un usage fréquent, mais il n’est pas anecdotique. On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à « ne pas faire de nos ressources des déchets3 » (je souligne).

    Mais qui est derrière ces possessifs ? À quel « #nous » renvoient ces expressions ? Je ne crois pas qu’ils ciblent un groupe limité de personnes physiques, des gens qu’on pourrait compter. C’est un « nous » général, qui désigne un ensemble plus abstrait. Selon moi, il englobe toute l’humanité.

    Puisque le zéro déchet pense à l’échelle mondiale, qu’il s’intéresse à l’#intérêt_commun et est anthropocentré, son horizon semble bien être celui de l’#humanité. J’en fais l’expérience dans mes propres textes, quand j’écris « nos besoins », « notre situation » ou « notre planète » dans les articles précédents.

    Un point de vue de nulle part

    Mais les écologistes qui tiennent ces discours en France ne représentent pas toute l’humanité. Ils et elles sont situées sur toute une série de plans : social, économique, géographique… Avec ce « nous », iels endossent un point de vue désitué et désincarné, qui ne correspond à personne. Ce faisant, iels invisibilisent leur propre situation d’énonciation concrète et oublient son impact sur leurs façons d’agir et leur rapport au monde.

    Dans un mouvement inverse, iels invisibilisent la pluralité des voix et la diversité des points de vue au sein des groupes humains. En prétendant que leur voix est universelle, capable d’exprimer celle de « l’humanité », ces écologistes minorent la place des #désaccords, des #conflits et des #hiérarchies entre êtres humains.

    Ce double mouvement n’est possible que pour des personnes habituées à être légitimes, écoutées, à bénéficier d’avantages au sein d’un #système_de_pouvoir. Elles ne perçoivent pas ce que leur position a de singulier et ne s’étonnent pas que leur voix puisse énoncer des normes valables partout. Cette attitude semble correspondre à une facette de la colonialité, qui véhicule un #universalisme, voire un #universalisme_blanc.

    L’illusion d’une #humanité_unie

    Tout se passe comme si l’appartenance à la même espèce créait un lien fort entre les humains, que de ce simple fait, chaque membre de l’espèce avait des intérêts communs ou convergents. De quoi toutes et tous « nous » réunir dans même groupe : l’humanité.

    Les êtres humains auraient collectivement un intérêt commun à maintenir un climat stable et biodiversité abondante. Chacun⋅e aurait une bonne raison, même indirecte ou lointaine, d’agir dans ce sens. Par exemple, si je ne veux pas souffrir d’une chaleur mortelle lors de canicules intenses et fréquentes. Ou si j’ai peur que des guerres pour les ressources en eau, en terres fertiles, en ressources énergétiques ou en métaux adviennent sur mon territoire.

    Mais est-ce vraiment ce qu’on constate ? Partout les #intérêts_divergent, y compris dans des petits groupes. Qui a vraiment les mêmes intérêts que sa famille, ses ami⋅es ou ses collègues ? Plus le collectif est large, moins on trouve d’unité, d’uniformité et d’intérêts partagés. Les liens qu’on y découvre sont faibles, indirects et peu structurants. Chercher des #intérêts_convergents et significatifs à l’échelle de l’humanité semble largement illusoire.

    D’autant que certains ne sont même pas d’accord sur les limites de ce groupe. Qui compte comme un être humain ? Quand certains déshumanisent leurs ennemis en prétendant qu’iels sont des vermines. Que leur génocide n’en est pas un, puisqu’iels ne sont même pas « humains ». Qu’on peut en faire des esclaves, les dominer et les tuer « comme des animaux », puisqu’iels ne sont ne sont pas comme « nous ».

    Une faiblesse militante

    Pour la géographe #Rachele_Borghi, croire que nous somme toustes « dans le même bateau » est un des symptômes de la colonialité (Décolonialité & privilège, p. 110). Et c’est bien de ça qu’il s’agit : les écologies de la sobriété semblent croire que nous partageons la même situation critique, toustes embarqués dans un seul bateau-planète.

    Cette vision explique en partie l’insistance du zéro gaspillage sur la #non-violence et la #coopération. Le mouvement pousse à voir ce qui rapproche les personnes, ce qu’elles ont à gagner en collaborant. Il regarde l’intérêt général, celui qui bénéficie à « tout le monde », sans considération de #race, de #classe, de #genre, et ainsi de suite. Il passe un peu vite ce que chaque groupe a à perdre. Il ignore trop facilement les inimitiés profondes, les conflits irréconciliables et les #rapports_de_force qui traversent les groupes humains.

    Cette attitude constitue une véritable faiblesse militante. Faute d’identifier les tensions et les rapports de force, on risque d’être démuni lorsqu’ils s’imposent face à nous. On est moins capable de les exploiter, de savoir en jouer pour faire avancer ses objectifs. Au contraire, on risque de les subir, en se demandant sincèrement pourquoi les parties prenantes refusent de coopérer.

    Le spectre de l’#accaparement_des_ressources

    Plus profondément, un tel point de vue active un risque d’accaparement des #ressources. Si on pense parler au nom de l’humanité et qu’on croît que tous les êtres humains ont objectivement des intérêts convergents, il n’y a plus de conflits sur les ressources. Où qu’elles soient sur Terre, les #ressources_naturelles sont « nos » ressources, elles « nous » appartiennent collectivement.

    En pensant un objet aussi large que « l’humanité », on évacue la possibilité de conflits de #propriété ou d’#usage sur les ressources naturelles. L’humanité est comme seule face à la planète : ses divisions internes n’ont plus de pertinence. Pour assurer sa survie, l’humanité pioche librement dans les ressources naturelles, qui sont au fond un patrimoine commun, quelque chose qui appartient à tout le monde.

    Dans cette perspective, je peux dire depuis la France que j’ai des droits4 sur la forêt amazonienne au Brésil, car elle produit un air que je respire et abrite d’une biodiversité dont j’ai besoin. Cette forêt n’appartient pas vraiment à celles et ceux qui vivent à proximité, qui y ont des titres de propriété, ou même à l’État brésilien. C’est un actif stratégique pour l’humanité entière, qui « nous » appartient à tous et toutes.

    Sauf que rien ne va là-dedans. À supposer qu’on ait tous et toutes des droits sur certains #biens_communs, ça ne veut pas dire qu’on ait des droits équivalents. La forêt amazonienne m’est peut-être utile, dans un grand calcul mondial très abstrait, mais ce que j’en tire est infime comparé à ce qu’elle apporte à une personne qui vit sur place, à son contact direct et régulier.

    Les ressources naturelles sont ancrées dans des territoires, elles font partie d’écosystèmes qui incluent les humains qui vivent près d’elles. « Tout le monde » n’est pas aussi légitime à discuter et décider de leur avenir. N’importe qui ne peut pas dire que ce sont « ses » ressources, sans jamais avoir été en contact avec.

    Une attitude de colon

    Croire l’inverse, c’est faire preuve d’une arrogance crasse, adopter l’attitude d’un colon, qui arrivant de nulle part dit partout « Ceci est à moi » sur des terrains exploités par d’autres. Il faut une assurance démesurée, un sentiment de légitimité total, pour dire « nos ressources » en parlant de celles qui sont littéralement à autrui.

    Les écologistes qui adoptent ce point de vue ne semblent pas conscient⋅es que leur vision fait écho à des #logiques_prédatrices qui elles aussi, se sont parées de discours positifs et altruistes à leurs époques. Après la mission civilisatrice, la #mission_écologique pourrait prendre le relais. On ne viendrait plus exploiter les richesses des colonies pour l’Europe, mais protéger les ressources naturelles pour l’humanité. Un risque d’autant moins théorique qu’on a déjà évoqué les ambiguïtés et l’utilitarisme du zéro déchet.

    L’#impensé_colonial se manifeste aussi par une absence d’inversion des rôles. On pense le monde comme plein de ressources pour « nous », mais on ne pense jamais « chez soi » comme une ressource pour les autres. Quand on parle de l’épuisement des ressources en sable, on n’imagine pas renoncer aux plages françaises pour satisfaire les besoins d’autres pays qui veulent fabriquer du béton.

    Le « nous » d’humanité générale éclate en morceaux : son caractère fictif devient manifeste. Mis face à une #prédation qui touche à des ressources situées sur notre #territoire, nous, Français⋅es, cessons de considérer que tout est un #bien_commun et que nos intérêts se rejoignent avec ceux du reste du monde. Les crises du climat, de la biodiversité et de l’eau n’ont pas disparues. Mais notre approche ne permet plus d’y pallier.

    Une approche individualiste et dépolitisante

    Un autre défaut de l’approche zéro gaspillage est son aspect individualiste. Le zero waste veut prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, mais sa méthode d’action consiste à ne pas consulter les personnes. On s’informe sur ce qui leur arrive, sur leurs conditions de vie et de travail, mais on n’entre pas en contact avec elles. On veut agir pour ces personnes, mais sans devoir leur parler.

    Je vois trois dimensions à cette attitude. D’abord, une telle discussion est matériellement impossible : il y a trop de parties prenantes dans la production mondiale. L’ambition de toutes les prendre en considération est vouée à l’échec. Ensuite, une écologie qui imagine prendre en compte l’intérêt de toute l’humanité n’a pas besoin de parler aux autres. Elle croit pouvoir se projeter dans leurs situations et connaître leurs intérêts. Enfin, un certain mépris de classe n’est pas à exclure. On n’a pas envie de parler à celles et ceux qu’on estime inférieur⋅es : les fréquenter rend visible la #domination et les #injustices dont on profite.

    Depuis ma situation individuelle, je tente d’agir pour les autres, mais sans construire de liens explicites, de relations bidirectionnelles. C’est tout l’inverse d’une approche collective et politique. Certes, la matière et le cycle de vie des objets créent un lien invisible entre les personnes, mais il en faut plus pour créer des solidarités concrètes – pas juste des relations économiques entre clients et fournisseurs.

    Alors que le zéro gaspillage est un projet politique, dont le concept central est intrinsèquement politique, j’ai l’impression qu’il a du mal à dépasser une approche individuelle, à construire de l’#action_collective et des #solidarités. Il reste en ça prisonnier d’une époque néolibérale où les modèles mentaux partent de l’individu, parfois y restent, et souvent y retournent.

    Un risque de #paternalisme

    L’approche zéro gaspillage comporte aussi un risque de paternalisme (https://plato.stanford.edu/entries/paternalism). Si on définit l’intérêt d’autrui sans échanger avec lui, sans écouter sa voix et ses revendications explicites, on va décider seul de ce qui est bon pour lui, de ce qui correspond à ses besoins. On va considérer comme dans son intérêt » des choix que la personne rejetterait, et rejeter des choix qu’elle jugerait positifs pour elle. C’est précisément ce qu’on appelle du paternalisme : agir « dans l’intérêt » d’une personne, contre la volonté explicite de cette personne elle-même.

    Pensez aux travailleurs et travailleuses de la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie au Ghana (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agbogbloshie), qui sont interviewés dans le documentaire Welcom to Sodom (https://www.welcome-to-sodom.com). Iels expliquent que travailler là est là meilleure situation qu’iels ont trouvé, que c’est pire ailleurs : pas sûr qu’iels soient enthousiastes à l’idée d’une réduction globale des déchets. Certes, leur environnement serait moins pollué, leur santé moins en danger, etc. mais leur source de revenu disparaîtrait. Une écologie qui minore les désaccords, la diversité des points de vue et les conflits possibles montre encore une fois ses limites.

    Ce risque de paternalisme rejoint la question de la colonialité. Les Européens et les Européennes ont une longue tradition de hiérarchisation des races, qui met les blancs en haut et les personnes colonisées non-blanches en bas. Les personnes qu’on envahit, domine et tue sont présentées comme incapables de savoir ce qui est bon pour elles. Mais le colonisateur « sait ». Il est prêt à « se sacrifier » pour l’intérêt de ces peuples, qui « ne lui rendent pourtant pas ». Un tel point de vue s’exprime notoirement dans le poème raciste et colonialiste de l’écrivain Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc).

    Mais n’est-ce pas quelque chose de similaire qu’on entend, quand j’écris dans l’article précédent (https://blog.whoz.me/zerowaste/le-point-de-vue-zero-dechet) que le zéro gaspillage consiste à mettre son intérêt direct en retrait, au profit de celui d’une personne plus loin dans la chaîne de production ? Le mépris s’est (peut-être) effacé, mais le discours sur le sacrifice altruiste est toujours là.

    Une position centrale qui interroge

    Avec la sobriété, les écologistes occidentaux trouvent une narration qui leur donne une place centrale, positive et active dans la lutte contre les injustices climatiques. Ce sont elles et eux qui proposent d’engager les sociétés contemporaines vers un #futur_désirable. Iels produisent des idées et expérimentent des pratiques qu’iels appellent à devenir la norme (#réemploi, #réparation, etc.). À la fois innovantes, précurseures, bienveillantes, ces personnes n’ont presque rien à se reprocher et plus de raison de se sentir coupables.

    Mais on devrait interroger une #narration qui vous donne la meilleure place, légitime vos choix et vos actions, sans jamais leur trouver d’aspects négatifs. Un tel #discours semble trop parfaitement bénéficier à celui ou celle qui s’y retrouve pour ne pas éveiller un soupçon.

    Je peine à ne pas voir dans la sobriété une sorte de version non-interventionniste du « #sauveur_blanc 5 ». Au lieu de prendre l’avion pour aller « aider » des enfants pauvres dans un pays du Sud, on « agit » à distance, par des effets indirects, incertains, et à moyen terme.

    On s’épargne l’aspect grossièrement raciste et paternaliste d’un « #tourisme_humanitaire » qui intervient sur place, perturbe les dynamiques locales, et laisse les conséquences à gérer à d’autres. Mais cet horizon d’agir de chez soi pour les dominés me semble prolonger des logiques similaires. On passe au sauveur « sans contact », qui sauve par un ruissellement de sobriété.

    On reste dans l’idée de porter secours aux « victimes » d’un système… dont on est l’un des principaux bénéficiaires. Un système construit par son pays, ses institutions, voire ses ancêtres… Et qui nous fabrique par notre éducation et nos socialisations.

    Des logiques d’#appropriation

    D’autant que les écologistes de la sobriété font preuve d’attitudes questionnables, qui tranchent avec leurs postures altruistes. Si j’ai les moyens d’acheter neuf, mais que je choisis l’occasion, je fais une excellente affaire, bien au-delà de l’intention écologique. On peut voir ça comme une façon pour un riche de récupérer des ressources peu chères, qui auraient sinon bénéficié à d’autres catégories sociales.

    En glanant Emmaüs et les #recycleries solidaires, les riches écolos s’introduisent dans des espaces qui ne leur étaient pas destinés au départ. Leur pouvoir économique peut même déstabiliser les dynamiques en place. Emmaüs s’alarme de la baisse de qualité des dons reçus, les objets de valeur étant détournés par des nouveaux #circuits_d’occasion orientés vers le profit ou la #spéculation (#Vinted, néo-friperies « #vintage », etc.).

    Par ailleurs, la façon dont les écologistes de la sobriété se réapproprient des pratiques antérieures questionne. Éviter le gaspillage, emprunter plutôt qu’acheter, composter, réparer, consigner : ces pratiques n’ont pas été inventées par le zéro déchet. L’approche zero waste leur donne surtout une nouvelle justification, une cohérence d’ensemble, et les repositionne au sein de la société.

    Des pratiques anciennement ringardes, honteuses, ou marginales deviennent soudainement à la mode, valorisées, et centrales quand des privilégié·es s’en emparent. L’histoire de ces usages est effacée, et les écolos les récupèrent comme marqueurs de leur groupe social. Une logique qui rappelle celle de l’#appropriation_culturelle, quand un groupe dominant récupère des éléments d’une culture infériorisée, les vide de leur signification initiale et en tire des bénéfices au détriment du groupe infériorisé.

    Une vision très abstraite

    Ma dernière critique porte sur le caractère très abstrait du zéro gaspillage. Les concepts centraux du mouvement présentent un fort niveau d’#abstraction. J’ai détaillé le cas du « gaspillage », mais on peut aussi évoquer les idées de « ressource » ou de « matière ».

    Une « #ressource » n’est pas vraiment une réalité concrète : le mot désigne la chose prise comme moyen d’un objectif, intégrée à un calcul utilitaire qui en fait une variable, un élément abstrait. La « #matière » elle-même relève d’une abstraction. Ce n’est pas un composé précis (de l’aluminium, de l’argile, etc.), mais la matière « en général », détachée de toutes les caractéristiques qui permettent d’identifier de quoi on parle exactement.

    Les dimensions géopolitiques, économiques et sociales liées à une « ressource » naturelle particulière, ancrée dans un territoire, sont impensées. Paradoxalement le zéro déchet insiste sur la matérialité du monde via des concepts qui mettent à distance le réel concret, la matière unique et spécifique.

    Le zéro déchet mobilise aussi ce que lea philosophe non-binaire #Timothy_Morton appelle des #hyperobjets : « l’humanité », la « planète », le « climat », les « générations futures »… Ces objets s’inscrivent dans un espace gigantesque et une temporalité qui dépasse la vie humaine. Ils sont impossibles à voir ou toucher. Quand on parle de « l’humanité » ou de « la planète », on cible des choses trop grosses pour être appréhendées par l’esprit humain. Ce sont des outils intellectuels inefficaces pour agir, qui mènent à une impasse politique.

    Cette fois-ci, le lien à la colonialité m’apparaît mois clairement. Je saisis qu’il y a un lien entre ces abstractions et la modernité intellectuelle, et que la #modernité est intimement liée à la colonisation. J’ai déjà parlé de la dimension calculatoire, optimisatrice et utilitariste du zéro déchet, mais la connexion précise avec la colonialité m’échappe6.

    Balayer devant sa porte

    Bien sûr, tout ce que je dis dans ce billet vaut aussi pour mon travail et les articles précédents. Mes critiques concernent autant le zéro déchet en général que la manière spécifique que j’ai de l’aborder. La colonialité que je reconnais dans le zero waste ne m’est pas extérieure.

    Et encore, ma position sociale et raciale font que je passe forcément à côté de certaines choses. Je sais que mes textes sont marqués de colonialité et de blanchité, par des aspects que je ne perçois pas, ou mal.

    Alors que la blanchité de l’écologie est le point de départ de ma réflexion, j’ai échoué à penser directement le lien entre suprématie blanche et sobriété. Cette réflexion sur la colonialité pourrait n’être qu’un détour, un moyen de ne pas aborder le problème, en en traitant un autre.

    Dans l’impasse

    Le système économique que le zéro gaspillage nous fait voir comme absurde a une histoire. Il est l’héritier de la colonisation du monde par l’Europe depuis le 15e siècle. Il naît d’un processus violent, d’exploitation et de #dépossession de personnes non-blanches par les européens. Son racisme n’est pas un aspect extérieur ou anecdotique.

    Une écologie qui veut sérieusement remettre en cause ce système ne peut pas être composée que de personnes blanches. Au-delà de ses « bonnes » intentions7, une #écologie_blanche est condamnée à reproduire des logiques de domination raciale et coloniale. En ne prenant pas en compte ces dominations, elle prolonge les façons de faire et de penser qui ont conduit à la crise climatique.

    Mais il ne suffit pas de vouloir une écologie décoloniale et antiraciste : il faut comprendre le problème avec l’écologie qui ne l’est pas. C’est ce j’ai tenté de faire dans cet article, malgré ma compréhension limitée de ces sujets. Le risque d’être imprécis, insuffisant, ou même erroné m’a semblé plus faible que celui ne pas en parler, ne pas ouvrir la discussion.

    Et pour qu’elle continue, je vous invite à vous intéresser à celles et ceux qui m’ont permis de recoller les morceaux du puzzle, de reconnaître un motif colonial dans le zéro gaspillage. Ils et elles ne parlent jamais de zéro déchet, rarement d’écologie, mais sans leurs apports, cet article n’existerait pas.

    En podcast

    Kiffe ta race (Rokhaya Diallo, Grace Ly)
    Le Paris noir (Kévi Donat)
    Code Noir (Vincent Hazard)
    Des Colonisations (Groupe de recherche sur les ordres coloniaux)
    Décolonial Voyage (Souroure)
    Décoloniser la ville (Chahut media)
    Isolation termique (Coordination Action Autonome Noire)
    Je ne suis pas raciste, mais (Donia Ismail)

    En livre & articles

    L’ignorance blanche (Charles W. Mills)
    Décolonialité & Privilège (Rachele Borghi)
    Amours silenciées (Christelle Murhula)
    La charge raciale (Douce Dibondo)
    La domination blanche (Solène Brun, Claire Cosquer)
    Le racisme est un problème de blancs (Reni Eddo-Lodge)
    Mécanique du privilège blanc (Estelle Depris)
    Voracisme (Nicolas Kayser-Bril)

    En vidéo

    Histoires crépues

    Notes

    Mes grands-parents et mon père naissent dans le Protectorat français de Tunisie. Ma famille quitte la Tunisie six ans après l’indépendance, lors de la crise de Bizerte. ↩︎
    J’hérite de cette idée générale de sa version spécifique proposée par Charles W. Mills dans son article L’ignorance blanche. ↩︎
    On retrouve cette idée dans Recyclage, le grand enfumage en 2020, même si la formulation de Flore Berligen (p. 15) est plus subtile. À l’inverse, cet article de 2015 reprend littéralement la formule. ↩︎
    Pas au sens de « droit » reconnu par un État ou une structure supra-nationale. C’est un droit au sens de revendication légitime, qui possède une valeur impersonnelle et qui mérite d’être prise en compte par tous et toutes, indépendamment de qui formule cette revendication. C’est un usage du mot « droit » qu’on retrouve en philosophie. ↩︎
    Toutes les personnes qui font du zéro déchet et prônent la sobriété ne sont évidemment pas blanches. Mais vu la quantité de blancs et de blanches dans le mouvement, on ne peut pas faire abstraction de cette dimension pour réfléchir à cette écologie. ↩︎
    Ma copine me souffle que le lien est simple : tout notre système intellectuel (politique, épistémologique, etc.) est produit par des colonisateurs. Il accompagne et légitime la colonisation. Même si je suis d’accord, c’est trop long à détailler à ce stade de l’article. ↩︎
    N’oubliez pas : le racisme n’est jamais une question d’intention. Ce sont les effets concrets et la domination qui constituent un acte comme raciste, pas l’intention de la personne qui le commet. ↩︎

    https://blog.whoz.me/zerowaste/il-ne-suffit-pas-de-vouloir-une-ecologie-antiraciste-le-zero-dechet-la-col
    #dépolitisation #individualisme #innovations #second_hand

  • « Le #carburant des avions est mieux remboursé que nos médicaments »

    L’#Union_européenne va subventionner les #compagnies_aériennes qui utilisent des « #carburants_d’aviation_durables ». 1,6 milliard d’euros de cadeaux supplémentaires pour le secteur, dénonce l’UFCNA dans cette tribune.

    Le lobby aérien s’active et presse les élus pour obtenir aides, subventions et #exonérations, pour adoucir l’impact financier d’une nouvelle réglementation qui s’imposera à partir de 2026 : l’obligation d’acheter des #quotas d’émission de gaz à effet de serre.

    Pour lui répondre, la Commission européenne a adopté le 6 février un généreux programme de soutien à l’achat de « carburants d’aviation durables » (#Sustainable_Aviation_Fuels, #SAF, en anglais), des #hydrocarbures liquides qui peuvent être utilisés par les avions à la place du #kérosène dérivé du #pétrole. L’appellation regroupe les #biocarburants produits à partir de #biomasse et les #carburants_synthétiques (#e-carburants) produits à partir de sources non biologiques (principalement l’#hydrogène). Si les premiers empiètent sur les ressources naturelles (terres agricoles et déforestations), et menacent l’environnement et la biodiversité, la production des seconds nécessite des quantités considérables d’#énergie.

    La Commission européenne impose pour l’aviation un taux d’utilisation progressif de 2 % de SAF en 2025, et jusqu’à 70 % en 2050. Mais depuis vingt ans, l’#industrie_aéronautique n’a cessé de décaler ou modifier à la hausse ses engagements [1]. Résultat, en 2024, les #carburants_durables n’ont représenté que 0,53 % de la consommation mondiale. Et les émissions liées au #transport_aérien explosent de 33 % depuis 2013. Dès lors, de nombreuses voix s’élèvent pour alerter que la croissance du #trafic_aérien est incompatible avec ces objectifs, et fera peser un poids insupportable sur les #ressources_naturelles d’intérêt général.

    « Il faut maintenant subventionner le carburant des avions ! »

    Dans son projet présenté en février, la Commission européenne propose de financer elle-même la croissance des carburants synthétiques, en offrant aux compagnies aériennes une #compensation_financière qui amortira la différence de prix avec le kérosène classique. Cette aide leur sera versée sous la forme de nouveaux #droits_à_polluer : 20 millions de tonnes de quotas carbone seront offertes. Au prix de 80 euros la tonne de carbone, cela représente 1,6 milliard d’euros de cadeaux supplémentaires pour les compagnies aériennes, et 2 à 3 fois plus en coûts collatéraux pour la société.

    Alors que l’absence de #taxe sur le kérosène représente un manque à gagner de presque 27 milliards d’euros pour les pays de l’UE et 4,7 milliards par an pour la France, il faut maintenant subventionner le carburant des avions !

    Et ensuite ? Les contribuables devront-ils aussi compenser les surcoûts des 20 % de SAF en 2035 et faire monter la facture à plusieurs dizaines de milliards d’euros, alors que la majorité ne prend jamais l’avion ou rarement ?

    Le contribuable paie deux fois

    Ce n’est pas tout, car ce cadeau ne porte « que » sur les vols intra-européens. Une poignée de députés et sénateurs de droite n’ont donc pas trouvé d’autre priorité que d’étendre cette niche fiscale aux vols internationaux au départ de #France.

    #Vincent_Capo-Canellas et sept parlementaires [2] ont fait adopter un amendement au projet de loi de finances 2025, prévoyant que l’État rembourse 50 % de la différence entre le prix d’achat des carburants d’aviation « durables » et celui du kérosène, pour les vols hors UE. Nos élus ont ainsi, selon leur propre estimation, alourdi les dépenses de l’État de 150 à 200 millions d’euros en 2025.

    Les économies liées à l’enterrement du #plan_vélo vont donc servir à payer une année de carburant pour les #avions. Les coupes sur le #Fonds_vert, adoptées juste avant la censure du gouvernement, entérinent une baisse de 400 millions d’euros de dotations. La baisse de 5 % des remboursements de la Sécu sur les consultations médicales et les médicaments en 2025 devait permettre d’économiser 900 millions d’euros… Toutes économies qui seront vite balayées par ces nouvelles subventions offertes aux carburants des avions !

    « Ne plus céder aux intérêts corporatistes et aux lobbies »

    Car nul n’ignore qu’une fois une niche installée, il devient impossible de revenir en arrière puisque l’effet d’aubaine fait se développer une activité économique dépendante. Et c’est bien déjà le problème pour l’aviation qui ne peut proposer des billets low cost à des tarifs ridicules que grâce aux multiples subventions, exonérations et aides publiques.

    L’Association du transport aérien international (#Iata) se vante dans son dernier rapport que les compagnies aériennes devraient réaliser 36,6 milliards de dollars de bénéfices à l’échelle mondiale. Plus de 10 milliards d’euros de dividendes ont été versés entre 2010 et 2020 par les groupes aéronautiques français à leurs actionnaires.

    Quelle aubaine de bénéficier d’un carburant mieux remboursé par l’État que de nombreux médicaments, pour maintenir des prix artificiellement hauts et engranger de somptueux bénéfices. Ce sont des milliards d’euros d’argent public perdus au seul service d’une corporation championne du #greenwashing, et qui continuent d’en demander encore et toujours plus.

    Ainsi le contribuable paie deux fois : la première pour subventionner des intérêts industriels corporatistes, puis pour réparer les dégâts environnementaux qu’ils ont générés. L’explosion du coût pour la société des catastrophes climatiques, des coûts sociaux et de santé causés par les pollutions aériennes va dépasser de très loin les bénéfices privés.

    Nous appelons les élus de la République à ne plus céder aux intérêts corporatistes et aux lobbies, à mettre fin aux niches fiscales et exonérations qui grèvent les finances publiques et à œuvrer pour une meilleure protection des populations face aux pollutions aériennes.

    https://reporterre.net/Le-carburant-des-avions-est-mieux-rembourse-que-nos-medicaments
    #France #subventions #aviation #green-washing

  • Mondialisation : vers un capitalisme anti-libéral

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/mondialisation-vers-un-capitalisme-anti-liberal-2138740

    L’élection de Donald Trump et ses déclarations sur le Panama, le Groenland et le Canada laissent entrevoir un retour d’anciennes logiques impérialistes de prédation des territoires et des ressources dans l’organisation de l’économie mondiale.

    Avec Arnaud Orain Historien, économiste, directeur d’études à l’EHESS et Julia Tasse Chercheuse à l’IRIS

    #radio #imperialisme #liberalisme #puissance #geopolitique #libertesdesmers #toread

    • Le monde confisqué
      Essai sur le capitalisme de la finitude (XVIᵉ - XXIᵉ siècle)

      L’utopie néolibérale d’une croissance globale et continue des richesses est désormais derrière nous. Mais le capitalisme n’est pas mort pour autant. Sa forme actuelle n’est ni réellement nouvelle ni totalement inconnue, car elle est propre à tous les âges où domine le sentiment angoissant d’un monde « fini », borné et limité, qu’il faut s’accaparer dans la précipitation. Ce capitalisme se caractérise par la privatisation et la militarisation des mers, un « commerce » monopolistique et rentier qui s’exerce au sein d’empires territoriaux, l’appropriation des espaces physiques et cybers par de gigantesques compagnies privées aux prérogatives souveraines, qui dictent leurs rythmes.
      Dans cet essai, Arnaud Orain dévoile ce « capitalisme de la finitude » et en éclaire les mécanismes aux trois périodes où il s’épanouit : XVIᵉ - XVIIIᵉ siècle, 1880-1945, 2010 à nos jours. L’auteur offre une toute nouvelle perspective sur l’histoire mondiale et éclaire les grands enjeux de notre temps.

      https://editions.flammarion.com/index.php/le-monde-confisque/9782080466570

    • « Le monde entre dans une nouvelle ère de domination du capitalisme de la finitude », Pierre-Cyrille Hautcœur [à propos de Le Monde confisqué. Essai sur le capitalisme de la finitude, d’Arnaud Orain]

      Un futur président des Etats-Unis qui annonce son intention de contrôler (voire d’absorber) des territoires appartenant à ses alliés, des patrons de très grandes entreprises qui refusent les règles démocratiquement imposées à leur fonctionnement, des dirigeants et penseurs qui revendiquent l’affrontement viril comme mode de fonctionnement normal du capitalisme… Ces comportements sèment le trouble dans les esprits depuis quelques semaines.

      Le dernier livre d’Arnaud Orain, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), intitulé Le Monde confisqué. Essai sur le capitalisme de la finitude (Flammarion, 368 pages, 23,90 euros), propose une perspective historique de ces comportements. L’auteur définit comme « capitalisme de la finitude » l’attitude d’acteurs économiques majeurs, privés et publics, face à la conscience de la finitude des ressources du monde. Alors que le capitalisme concurrentiel désigne la capacité des humains à créer des objets et à s’enrichir par leur échange (vu comme un jeu à somme positive), celui de la finitude se concentre sur la rivalité insurmontable autour des ressources naturelles que sont les océans (espaces du commerce maritime et ressources halieutiques et minérales), les terres (cultivables et abris de ressources minières) et le travail humain. Il vise l’appropriation – essentiellement par la force et finalement sanctionnée par le droit – de ces ressources par des acteurs suffisamment puissants pour y procéder : entreprises géantes ou Etats, souvent les deux ensemble.

      Le cœur de l’ouvrage propose une chronologie qui démontre que le monde entre depuis une dizaine d’années dans une nouvelle ère de domination de cette forme de capitalisme, après une première à l’époque moderne (XVIIe et XVIIIe siècles) et une deuxième entre 1880 et 1945. Il prolonge la pensée de Fernand Braudel, qui distinguait ce qu’il appelait respectivement « économie » (concurrentielle) et « capitalisme » (monopoliste). Deux systèmes à l’œuvre en parallèle, sans claire dynamique entre eux : le premier pour l’échange ordinaire à moyenne distance, typiquement national, le second pour le long cours, typiquement international.

      Rivalité croissante

      Arnaud Orain part d’un terrain qu’il connaît bien, celui des grandes compagnies à monopole – qu’elles soient des Indes ou d’ailleurs – toujours à la recherche du contrôle des mers, des ports et des territoires d’où extraire des esclaves ou des produits, d’où supprimer la concurrence pour maximiser une rente, non un profit commercial.

      De manière moins attendue, il retrouve ces logiques à l’œuvre dans la « ruée vers l’Afrique » (et aussi vers l’Asie de l’Est) de la fin du XIXe siècle, tant dans les justifications qui en sont données que dans les pratiques, même si le travail forcé remplace l’esclavage à proprement parler. Ce moment est souvent perçu comme le sommet de la mondialisation libérale, sur fond de rivalité croissante entre le Royaume-Uni et l’Allemagne (mais aussi bientôt les Etats-Unis, voire ponctuellement la France). Apparaissent alors tant les discours justifiant le monopole par une nécessaire coopération et un souci des ressources stratégiques que les pratiques d’exclusion des concurrents et de pacte colonial (qui réserve à une métropole les échanges commerciaux avec ses colonies), sur fond de réarmement.

      Chaque chapitre, sur un thème donné, compare les trois périodes d’émergence et de domination du capitalisme de la finitude. Arnaud Orain reprend ainsi le vieux thème selon lequel l’existence d’une hégémonie navale incontestée caractérise tant le XIXe siècle (avant 1880) que la seconde moitié du XXe siècle, et conditionne la « liberté des mers », qui permet des échanges internationaux peu risqués.

      A l’inverse, les périodes de rivalité entre grandes puissances conduisent au retour des convois escortés, à la « piraterie » (définie par les dominants comme toute atteinte à leurs monopoles de transport) et à la concentration des échanges au sein des empires. D’autres chapitres discutent le protectionnisme, le cyberespace, les « nouvelles routes de la soie » ou la relocalisation « en terres amies » des géants du numérique. Un chemin démocratique surmontant la crise écologique est bien difficile à frayer dans ce monde brutal, mais la conclusion ne lui ferme pas tout à fait la porte.

      Pierre-Cyrille Hautcœur (Directeur d’études à l’EHESS, Ecole d’économie de Paris)

      https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/01/15/le-monde-entre-dans-une-nouvelle-ere-de-domination-du-capitalisme-de-la-fini

      #Arnaud_Orain #note_de_lecture #capitalisme #capitalisme_de_la_finitude #rente #ressources_naturelles #rivalité (on retrouve le #René_Girard aimé par #Peter_Thiel) #océan #terres #travail_humain #États #travail_forcé #protectionnisme #cyberespace #économie

  • #Gaza : le #gaz au cœur des tensions israélo-palestiniennes

    Le #champ_gazier de #Marine au large de #Gaza exacerbe les tensions entre #Israël et les Palestiniens. Sous blocus depuis 2007, Gaza peine à exploiter ces ressources vitales. Le contrôle du gaz devient un outil de #domination économique et politique. Urgence d’une solution équitable pour la paix !

    Le champ gazier de Marine, découvert au large de Gaza en 2000, est devenu un enjeu crucial dans le conflit israélo-palestinien. Avec des réserves estimées à environ 35 milliards de mètres cubes, ce gisement pourrait transformer l’économie palestinienne. Cependant, le blocus imposé par Israël empêche les Palestiniens d’exploiter ces ressources, exacerbant ainsi les tensions déjà présentes.
    Un blocus qui pèse lourd

    Depuis 2007, la bande de Gaza est soumise à un blocus israélien qui limite sévèrement l’accès aux ressources essentielles, y compris l’exploitation du gaz. Ce blocus a des conséquences dévastatrices sur la population gazaouie, aggravant la pauvreté et le chômage. Les Palestiniens voient dans le développement du champ gazier une opportunité de reconstruction et d’autonomie économique, mais les restrictions israéliennes en font un rêve lointain.
    Une guerre économique subtile

    Le contrôle des hydrocarbures s’ajoute à l’occupation territoriale comme un outil de domination. Israël a récemment annoncé son intention d’accélérer l’exploitation du gisement de Gaza Marine en coopération avec l’Égypte et l’Autorité palestinienne. Cependant, cette initiative est perçue par le Hamas comme une tentative d’Israël de s’approprier les ressources gazières palestiniennes sans bénéfice pour la population locale.
    Les implications géopolitiques

    Le gaz devient un instrument dans le jeu complexe des relations internationales au Proche-Orient. Les tensions autour de ce gisement illustrent comment les ressources naturelles peuvent alimenter des conflits et compliquer les efforts de paix. Le Hamas a déjà averti qu’il ne permettra pas à Israël d’utiliser le gaz comme levier politique.
    Conclusion

    La situation autour du gaz au large de Gaza met en lumière les enjeux économiques qui sous-tendent le conflit israélo-palestinien. Pour les Palestiniens, l’accès à ces ressources représente une chance de développement et d’indépendance. Toutefois, tant que le blocus persistera et que les tensions demeureront, l’exploitation du gaz restera un sujet de discorde plutôt qu’une solution.

    Citations :
    [1] https://presse83.fr/2024/17/gaza-le-gaz-nouvel-enjeu-de-pouvoir-entre-israel-et-le-hamas/politique/presse83
    [2] https://www.aa.com.tr/fr/monde/isra%C3%ABl-entend-acc%C3%A9l%C3%A9rer-lexploitation-du-gisement-de-gaz-de-gaza/2925378
    [3] https://www.jeuneafrique.com/1491331/economie-entreprises/petrole-gaz-la-guerre-entre-le-hamas-et-israel-va-t-elle-couter-cher-a
    [4] https://www.revueconflits.com/du-gaz-en-palestine
    [5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Blocus_de_la_bande_de_Gaza_de_2023
    [6] https://www.ledevoir.com/economie/821272/guerre-presque-indolore-economie-mondiale
    [7] https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/guerre-israel-palestine-gisement-gazier-gaza-milliards-dollars
    [8] https://www.leparisien.fr/international/attaques-du-hamas-un-siege-complet-impose-par-larmee-israelienne-sur-la-b
    [9] https://cnes.fr/projets/geoimage/la-bande-de-gaza-un-territoire-ferme-sur-lui-meme-par-une-frontiere-hermetique-
    [10] https://www.perplexity.ai/elections/2024-11-05/us/president

    https://homohortus31.wordpress.com/2024/12/26/gaza-le-gaz-au-coeur-des-tensions-israelo-palestiniennes
    #Palestine #Israël #énergie #ressources_naturelles #ressources

    voir aussi :
    05.05.2023 : Israël et l’Autorité palestinienne négocient l’exploitation d’un #champ_gazier au large de Gaza
    https://seenthis.net/messages/1024645#message1024646

  • Le tour du monde de visionscarto.net (08)

    Cette année, pour passer de 2024 à 2025, nous vous emmenons dans un voyage virtuel autour du monde, en puisant dans nos archives, un jour un lieu, un jour une histoire.

    Jour 8 : Monde arctique

    « Concurrences frontalières et partage de l’Arctique » - 2006, 2015 et 2024

    https://www.visionscarto.net/concurrences-frontalieres-partage-arctique

    Par Philippe Rekacewicz

    « Commencée dès le début du XXe siècle, la « conquête » de l’Arctique se poursuit avec l’ambition des États riverains d’étendre leur contrôle au-delà de 200 milles nautiques. La partage de l’espace arctique et la délimitation des zones de souveraineté fait l’objet d’intenses discussions entre les États riverains, lesquels ont chacun leurs revendications qui, en mains endroits, se superposent. Les États ne manquent pas d’arguments pour se battre et affirmer le bien fondé de leurs exigences dans un espace où le droit international est encore très embryonnaire. »

    #Arctique #frontières #États-Unis #Russie #Danemark #Norvège #Danemark #transport #Transport_maritime #ressources_naturelles #pétrole #énergie1707773827

  • Vers l’#écologie_de_guerre. Une #histoire_environnementale de la #paix

    L’étrange hypothèse qui structure ce livre est que la seule chose plus dangereuse que la guerre pour la #nature et le #climat, c’est la paix. Nous sommes en effet les héritiers d’une histoire intellectuelle et politique qui a constamment répété l’axiome selon lequel créer les conditions de la paix entre les hommes nécessitait d’exploiter la nature, d’échanger des ressources et de fournir à tous et toutes la prospérité suffisante. Dans cette logique, pour que jalousie, conflit et désir de guerre s’effacent, il fallait d’abord lutter contre la rareté des #ressources_naturelles. Il fallait aussi un langage universel à l’humanité, qui sera celui des #sciences, des #techniques, du #développement.
    Ces idées, que l’on peut faire remonter au XVIIIe siècle, ont trouvé au milieu du XXe une concrétisation tout à fait frappante. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le développement des infrastructures fossiles a été jumelé à un discours pacifiste et universaliste qui entendait saper les causes de la guerre en libérant la #productivité. Ainsi, la paix, ou l’équilibre des grandes puissances mis en place par les États-Unis, est en large partie un don des #fossiles, notamment du #pétrole.
    Au XXIe siècle, ce paradigme est devenu obsolète puisque nous devons à la fois garantir la paix et la sécurité et intégrer les #limites_planétaires : soit apprendre à faire la paix sans détruire la planète. C’est dans ce contexte qu’émerge la possibilité de l’écologie de guerre, selon laquelle #soutenabilité et #sécurité doivent désormais s’aligner pour aiguiller vers une réduction des émissions de #gaz_à_effet_de_serre. Ce livre est un appel lancé aux écologistes pour qu’ils apprennent à parler le langage de la #géopolitique.

    https://www.editionsladecouverte.fr/vers_l_ecologie_de_guerre-9782348072215
    #guerre #environnement #livre

    • Ainsi, la paix, ou l’équilibre des grandes puissances mis en place par les États-Unis,

      Bon, c’est pas vraiment des synonymes, il me semble qu’on appelait même ça la guerre froide. Bonneuil et Fressoz appellent aussi ça le thanatocène, parce que c’est une période marquée par une destruction fulgurante, produite par les outils servant à faire la guerre (pas la paix).

      Je peux comprendre qu’après l’invasion de l’Ukraine par la Russie on ait pu espérer que la sobriété énergétique serait un truc rassembleur. Ce que les écologistes et les scientifiques n’avaient pas réussi à accomplir, peut-être que le soutien à l’Ukraine et un certain patriotisme allaient réussir à le concrétiser. Sauf qu’il est vite apparu qu’on allait se noyer sous le GNL et ses nouvelles infrastructures, que les échanges de fossiles continuaient bon train, et que, la guerre continuant elle aussi en laissant les négociations s’essouffler toutes seules, la destruction généralisée continuait tranquille.

      Il y a quelques années, le changement climatique était régulièrement retraduit dans les mots de la sécurité : la rareté des matières premières allait amener des guerres, l’abondance des matières premières (en Arctique dégelé) allait amener des guerres, les guerres allaient amener des migrants, la chaleur avait provoqué la guerre en Syrie, etc. Bref, le changement climatique était un "accélérateur de menaces". Maintenant, on a le complément qui t’enferme dans le cercle vicieux de la sécurité : la lutte contre les menaces sont retraduites dans le langage de l’écologie, de la lutte contre le réchauffement. Pour lutter contre la Russie, il te faut une #économie_de_guerre_climatique : des mines de lithium qui produiront des ev et des microprocesseurs pour des armes sophistiquées ; des éoliennes et des réacteurs qui produiront ton chauffage et des rafales.

      (Charbonnier a pu être moqué en « penseur du vivant » inoffensif ; j’ai l’impression qu’une même posture viriliste se manifeste là aussi.)

      L’étrange hypothèse qui structure ce livre a été succinctement discutée par Durand & Keucheyan
      https://shs.cairn.info/revue-green-2022-1-page-55

      l’écologie de guerre peut-elle être efficace du point de vue de l’avènement d’une économie bas carbone ? Et est-elle conforme aux valeurs d’une politique d’émancipation ?

      tldr : Ils répondent poliment non aux deux questions.

      Après, faudrait évidemment lire le livre.

    • Pour le philosophe, qui reprend les critiques du #pacifisme formulées par le juriste allemand (et nazi) Carl Schmitt, l’expression du rapport de force entre nations demeure indépassable. Par conséquent, un déplacement de l’écologie sur le terrain du « #réalisme » politique s’impose (soit une rupture franche avec une tradition libertaire importante au sein des mouvements écologistes contemporains). Ainsi, il aboutit à l’idée, essentielle, que, faute de gouvernance mondiale crédible, seuls les Etats les plus puissants, réunis en une coalition dominante, pourront imposer une transition aux acteurs ayant intérêt à défendre l’infrastructure fossile (qu’il s’agisse d’industriels, d’investisseurs, de travailleurs des secteurs menacés, d’Etats pétro-gaziers ou de nations dépendantes du charbon). A la lecture, on s’interroge néanmoins sur la façon dont cette coalition devrait « imposer » la transition aux acteurs en question. On aurait également apprécié des précisions sur la stratégie que devraient adopter les démocraties dans cette perspective (l’Europe devrait-elle s’associer à la dictature chinoise pour composer une coalition « post-carbone » ? Devrait-elle se rapprocher des Etats-Unis ?)

      Analysant la situation géopolitique depuis 2020, Pierre Charbonnier se réjouit de certains « bougés » de la part des grandes puissances, qui associent désormais écologie et questions stratégiques. L’Europe, réagissant à l’agression russe, promeut les énergies décarbonées dans une logique de sécurité (et pas uniquement protéger l’environnement). Après la Chine, les Etats-Unis de Joe Biden financent massivement leur industrie verte dans le but d’affirmer leur leadership. Ce changement de paradigme, à peine initié et toujours fragile, représente un espoir majeur selon l’auteur : celui de mettre en branle des puissances capables de gagner la guerre du climat, celui d’une écologie réellement (géo)politique.

      https://www.liberation.fr/culture/livres/lecologie-le-vert-de-la-guerre-selon-pierre-charbonnier-20240828_MQBVF5KB

    • Dans son ambition de faire converger sécurité et soutenabilité, Pierre Charbonnier, en conclusion, formule les objections et les contreparties à cette écologie de guerre. Premièrement, « ce cadre de pensée revient à renoncer à l’imaginaire politique et géopolitique par défaut du monde écologiste. » (p. 309) Deuxièmement, « l’assimilation des politiques climatiques aux politiques de sécurité » (p. 310). Troisièmement, « l’écologie de guerre serait contre-productive : loin de permettre un refroidissement des tensions internationales, elle y contribuerait. » (p. 312) Quatrièmement, « l’écologie de guerre adoube le capitalisme vert promu par les élites économiques. » (p. 313) Ces objections paraissent justes, mais il faut selon lui les dépasser, car leur prise de risque sera toujours moindre que le risque maximal de la catastrophe bioclimatique.

      https://lestempsquirestent.org/fr/numeros/numero-5/sur-la-puissance-a-propos-de-l-ecologie-de-guerre-selon-pierre-c

  • Pour l’#agriculture_palestinienne, ce qui se passe depuis le 7 octobre est « un #désastre »

    À #Gaza sous les bombes comme en #Cisjordanie occupée, l’#eau est devenue un enjeu crucial, et le conflit met en évidence une #injustice majeure dans l’accès à cette ressource vitale. Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS.

    Des cultures gâchées, une population gazaouie sans eau potable… Et en toile de fond de la guerre à Gaza, une extrême dépendance des territoires palestiniens à l’eau fournie par #Israël. L’inégal accès à la ressource hydrique au Proche-Orient est aussi une histoire d’emprise sur les #ressources_naturelles.

    Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS, qui a fait sa thèse sur les enjeux politiques de l’eau dans les territoires palestiniens et a contribué à l’initiative de Genève, plan de paix alternatif pour le conflit israélo-palestinien signé en 2003, pour laquelle elle avait fait, avec son collègue David Brooks, une proposition de gestion de l’eau entre Israéliens et Palestiniens.

    Mediapart : L’#accès_à_l’eau est-il un enjeu dans le conflit qui oppose Israël au Hamas depuis le 7 octobre ?

    Julie Trottier : Oui, l’accès à l’eau est complètement entravé à Gaza aujourd’hui. En Cisjordanie, la problématique est différente, mais le secteur agricole y est important et se trouve mal en point.

    Il faut savoir que l’eau utilisée en Israël vient principalement du #dessalement d’eau de mer. C’est la société israélienne #Mekorot qui l’achemine, et elle alimente en principe la bande de Gaza en #eau_potable à travers trois points d’accès. Mais depuis le 7 octobre, deux d’entre eux ont été fermés, il n’y a plus qu’un point de livraison, au sud de la frontière est, à #Bani_Suhaila.

    Cependant, 90 % de l’eau consommée à Gaza était prélevée dans des #puits. Il y a des milliers de puits à Gaza, c’est une #eau_souterraine saumâtre et polluée, car elle est contaminée côté est par les composés chimiques issus des produits utilisés en agriculture, et infiltrée côté ouest par l’eau de mer.

    Comme l’#électricité a été coupée, cette eau ne peut plus être pompée ni désalinisée. En coupant l’électricité, Israël a supprimé l’accès à l’eau à une population civile. C’est d’une #violence extrême. On empêche 2,3 millions de personnes de boire et de cuisiner normalement, et de se laver.

    Les #stations_d’épuration ne fonctionnent plus non plus, et les #eaux_usées non traitées se répandent ; le risque d’épidémie est considérable.

    On parle moins de l’accès aux ressources vitales en Cisjordanie… Pourtant la situation s’aggrave également dans ces territoires.

    En effet. Le conflit a éclaté peu avant la saison de cueillette des #olives en Cisjordanie. Pour des raisons de sécurité, craignant de supposés mouvements de terroristes, de nombreux colons ont empêché des agriculteurs palestiniens d’aller récolter leurs fruits.

    La majorité des villages palestiniens se trouvent non loin d’une colonie. En raison des blocages sur les routes, les temps de trajet sont devenus extrêmement longs. Mais si l’on ne circule plus c’est aussi parce que la #peur domine. Des colons sont équipés de fusils automatiques, des témoignages ont fait état de menaces et de destruction d’arbres, de pillages de récoltes.

    Résultat : aujourd’hui, de nombreux agriculteurs palestiniens n’ont plus accès à leurs terres. Pour eux, c’est un désastre. Quand on ne peut pas aller sur sa terre, on ne peut plus récolter, on ne peut pas non plus faire fonctionner son système d’#irrigation.

    L’accès à l’eau n’est malheureusement pas un problème nouveau pour la Palestine.

    C’est vrai. En Cisjordanie, où l’eau utilisée en agriculture vient principalement des sources et des puits, des #colonies ont confisqué de nombreux accès depuis des années. Pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière...

    Avant la création d’Israël, sur ces terres, l’accès à chaque source, à chaque puits, reposait sur des règles héritées de l’histoire locale et du droit musulman. Il y avait des « #tours_d’eau » : on distribuait l’abondance en temps d’abondance, la pénurie en temps de pénurie, chaque famille avait un moment dans la journée pendant lequel elle pouvait se servir. Il y avait certes des inégalités, la famille descendant de celui qui avait aménagé le premier conduit d’eau avait en général plus de droits, mais ce système avait localement sa légitimité.

    À l’issue de la guerre de 1948-1949, plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés de leurs terres. Celles et ceux qui sont arrivés à ce qui correspond aujourd’hui à la Cisjordanie n’avaient plus que le « #droit_de_la_soif » : ils pouvaient se servir en cruches d’eau, mais pas pour irriguer les champs. Les #droits_d’irrigation appartenaient aux familles palestiniennes qui étaient déjà là, et ce fut accepté comme tel. Plus tard, les autorités jordaniennes ont progressivement enregistré les différents droits d’accès à l’eau. Mais ce ne sera fait que pour la partie nord de la Cisjordanie.

    À l’intérieur du nouvel État d’#Israël, en revanche, la population palestinienne partie, c’est l’État qui s’est mis à gérer l’ensemble de l’eau sur le territoire. Dans les années 1950 et 1960, il aménage la dérivation du #lac_de_Tibériade, ce qui contribuera à l’#assèchement de la #mer_Morte.

    En 1967, après la guerre des Six Jours, l’État hébreu impose que tout nouveau forage de puits en Cisjordanie soit soumis à un permis accordé par l’administration israélienne. Les permis seront dès lors attribués au compte-gouttes.

    Après la première Intifida, en 1987, les difficultés augmentent. Comme cela devient de plus en plus difficile pour la population palestinienne d’aller travailler en Israël, de nombreux travailleurs reviennent vers l’activité agricole, et les quotas associés aux puits ne correspondent plus à la demande.

    Par la suite, les #accords_d’Oslo, en 1995, découpent la Cisjordanie, qui est un massif montagneux, en trois zones de ruissellement selon un partage quantitatif correspondant aux quantités prélevées en 1992 – lesquelles n’ont plus rien à voir avec aujourd’hui. La répartition est faite comme si l’eau ne coulait pas, comme si cette ressource était un simple gâteau à découper. 80 % des eaux souterraines sont alors attribuées aux Israéliens, et seulement 20 % aux Palestiniens.

    L’accaparement des ressources s’est donc exacerbé à la faveur de la #colonisation. Au-delà de l’injustice causée aux populations paysannes, l’impact du changement climatique au Proche-Orient ne devrait-il pas imposer de fonctionner autrement, d’aller vers un meilleur partage de l’eau ?

    Si, tout à fait. Avec le #changement_climatique, on va droit dans le mur dans cette région du monde où la pluviométrie va probablement continuer à baisser dans les prochaines années.

    C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Israël a lancé le dessalement de l’eau de mer. Six stations de dessalement ont été construites. C’est le choix du #techno-solutionnisme, une perspective coûteuse en énergie. L’État hébreu a même créé une surcapacité de dessalement pour accompagner une politique démographique nataliste. Et pour rentabiliser, il cherche à vendre cette eau aux Palestiniens. De fait, l’Autorité palestinienne achète chaque année 59 % de l’eau distribuée par Mekorot. Elle a refusé toutefois une proposition d’exploitation d’une de ces usines de dessalement.

    Il faut le souligner : il y a dans les territoires palestiniens une #dépendance complète à l’égard d’Israël pour la ressource en eau.

    Quant à l’irrigation au goutte à goutte, telle qu’elle est pratiquée dans l’agriculture palestinienne, ce n’est pas non plus une solution d’avenir. Cela achemine toute l’eau vers les plantes cultivées, et transforme de ce fait le reste du sol en désert, alors qu’il faudrait un maximum de biodiversité sous nos pieds pour mieux entretenir la terre. Le secteur agricole est extrêmement consommateur d’eau : 70 à 80 % des #ressources_hydriques palestiniennes sont utilisées pour l’agriculture.

    Tout cela ne date pas du 7 octobre. Mais les événements font qu’on va vers le contraire de ce que l’on devrait faire pour préserver les écosystèmes et l’accès aux ressources. L’offensive à Gaza, outre qu’elle empêche l’accès aux #terres_agricoles le long du mur, va laisser des traces de #pollution très graves dans le sol… En plus de la tragédie humaine, il y a là une #catastrophe_environnementale.

    Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/pour-l-agriculture-palestinienne-ce-qui-se-passe-depuis-le-7-octobre-est-u

    #agriculture #Palestine

    • Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

  • Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »

    Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.

    Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.

    Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).

    Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?

    Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.

    En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?

    « Israël mène une #guerre_totale à une population civile »

    Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.

    Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?

    La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.

    Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.

    L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».

    Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie

    Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.

    Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.

    Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?

    C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.

    Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.

    La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.

    « Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »

    À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.

    Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?

    Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.

    « Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »

    Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.

    Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?

    Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.

    https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
    #agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie

    • La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine

      Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.

      https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
      #livre

  • The Congo Tribunal

    En plus de 20 ans, la #guerre du #Congo a déjà fait plus de 6 millions de victimes. La population souffre de cet état d’#impunité totale, les #crimes_de_guerre n’ayant jamais fait l’objet de poursuites judiciaires. Cette région recèle les gisements les plus importants de #matières_premières nécessitées par les technologies de pointe. Dans son « #Tribunal_sur_le_Congo », Milo Rau parvient à réunir les victimes, les bourreaux, les témoins et les experts de cette guerre et à instituer un #tribunal d’exception du peuple du Congo de l’Est. Un portrait bouleversant de la guerre économique la plus vaste et la plus sanglante de l’histoire humaine.

    https://vimeo.com/234124116

    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/53668_0


    http://www.the-congo-tribunal.com

    #film #documentaire #film_documentaire #extractivisme #tribunal_des_peuples #justice_transformatrice #justice #vérité_et_justice #multinationales #responsabilité #Banro #RDC #massacres #témoignage #Twangiza #massacre_de_Mutarule #mine #extractivisme #Sud-Kivu #or #Banro_Corporation #impunité #crimes #douleur #tribunal #engagement #viols #vérité_et_justice #multinationales #guerre #concessions_minières #ressources_naturelles #pillage #minerai #Mining_and_Processing_Congo (#MPC) #Walikale #Bisie #droits_humains #MCP_Alptamin #Mukungwe #milices #Cheka_Group #groupes_armés #diamants #cassiterite #marché_noir #loi_Dodd_Frank #minerai_critique #Mutarule #MONUSCO #ONU #Nations_Unies

    • La production du réel sur scène est ce qui m’intéresse
      Entretien avec #Milo_Rau

      Né à Berne, en Suisse en 1977, Milo Rau étudie la sociologie auprès de Pierre Bourdieu et Tzvetan Todorov, ainsi que les littératures allemandes et romanes à Paris, Zurich et Berlin. Tout d’abord journaliste, ses premiers voyages et reportages se déroulent au Chiapas ainsi qu’à Cuba en 1997. À partir de 2000, Rau travaille comme auteur au sein de la Neue Zürcher Zeitung, un groupe de presse suisse qui édite le journal du même nom puis il entame en 2003 sa carrière de metteur en scène en Suisse tout d’abord et, par la suite, à l’étranger.

      https://www.cairn.info/la-video-en-scene--9782379243431-page-329.htm

    • #IIPM#International_Institute_of_Political_Murder

      Produktionsgesellschaft für Theater, Film und Soziale Plastik


      Das IIPM – International Institute of Political Murder wurde vom Regisseur und Autor Milo Rau im Jahr 2007 mit Sitz in der Schweiz und in Deutschland gegründet zur Produktion und internationalen Verwertung seiner Theaterinszenierungen, Aktionen und Filme.

      Die bisherigen Produktionen des IIPM stießen international auf große Resonanz und stehen für eine neue, dokumentarisch und ästhetisch verdichtete Form politischer Kunst – „Real-Theater“, wie Alexander Kluge Milo Raus Ästhetik einmal nannte. Seit 2007 hat das IIPM mehr als 50 Theaterinszenierungen, Filme, Bücher, Ausstellungen und Aktionen realisiert. Die Stücke des IIPM tourten durch bisher über 30 Länder und wurden an alle bedeutenden internationalen Festivals eingeladen. Wiederkehrende Kooperationspartner sind u. a. die Schaubühne am Lehniner Platz, das Théâtre Nanterre-Amandiers, das Theaterspektakel Zürich, das Kunstenfestival Brüssel, das Goethe Institut, die Prohelvetia, ARTE, das Schweizerische und das Deutsche Fernsehen, der Berliner Senat oder die Kulturstiftung des Bundes. Bisherige Projekt- und Essaybände des IIPM wurden mehrfach aufgelegt („Die letzten Tage der Ceausescus“, 2010), von der Bundeszentrale für Politische Bildung als Schulbücher nachgedruckt („Hate Radio“, 2014) und von der taz zum „Buch des Jahres“ gewählt („Was tun? Kritik der postmodernen Vernunft“, 2013). Für 2017 entstehen der ästhetiktheoretische Band „Wiederholung und Ekstase“ (Diaphanes Verlag, Abschlussband zu einem Forschungsprojekt, das das IIPM an der Zürcher Hochschule der Künste zum Realismus in den Künsten durchführte), die beiden Projektbände „Das Kongo Tribunal“ und „1917“ (beide Verbrecher Verlag) sowie das Manifest „Die Rückeroberung der Zukunft“ (Rowohlt Verlag).

      Seit der Gründung konzentriert sich das IIPM auf die multimediale Bearbeitung historischer oder gesellschaftspolitischer Konflikte: Unter anderem holte die Produktionsgesellschaft die Erschießung des Ehepaars Ceausescu („Die letzten Tage der Ceausescus“), den ruandischen Völkermord („Hate Radio“) und den norwegischen Terroristen Anders B. Breivik („Breiviks Erklärung“) auf die Bühne, boxte per Theaterperformance das Ausländerstimmrecht ins Parlament einer Schweizer Stadt („City of Change“), hob im Frühjahr 2013 mit zwei mehrtägigen Justiz-Spektakeln („Die Moskauer Prozesse“ und „Die Zürcher Prozesse“) ein völlig neues Theaterformat aus der Taufe und eröffnete mit „The Civil Wars“ (2014) das Großprojekt „Die Europa-Trilogie“, die mit „The Dark Ages“ (2015) fortgeführt wurde und 2016 mit „Empire“ ihren Abschluss fand. Mit „Five Easy Pieces“ (2016) und „Die 120 Tage von Sodom“ (2017) unterzogen Rau und das IIPM das Einfühlungs- und Darstellungsinstrumentarium des Theaters einer eingehenden Prüfung – das eine Mal mit minderjährigen, das andere mal mit behinderten Darstellern.

      Von Debatten weit über die Kunstwelt hinaus begleitet, wurden die vom IIPM produzierten Filme, Video-installationen, Peformances und Inszenierungen mit zahllosen Preisen weltweit ausgezeichnet. Die „zutiefst berührende“ (La Libre Belgique) Inszenierung „The Civil Wars“, von Publikum und Kritik euphorisch gefeiert, etwa wurde mit dem Jury-Preis der Theatertriennale „Politik im Freien Theater“ ausgezeichnet und von der Experten-Jury des Schweizer Fernsehens in die Liste der „5 besten Theaterstücke 2014“ gewählt. Außerdem wurde „The Civil Wars“ unter die „besten Stücke der Niederlande und Flanderns 2014/15″ ausgewählt. Die Inszenierung „Five Easy Pieces“ (2016) wurde mit dem Hauptpreis des belgischen „Prix de la Critique Théâtre et Danse“ ausgezeichnet. Zu den weiteren Auszeichnungen gehören Einladungen zum Berliner Theatertreffen oder ans Festival d’Avignon, der Schweizer Theaterpreis oder der Preis des Internationalen Theaterinstituts (ITI).

      „Mehr Wirkung kann Theater kaum provozieren“, urteilte die Basler Zeitung über die Lecture-Performance „Breiviks Erklärung“, die 2014 nach zahlreichen Stationen im EU-Parlament Brüssel zu sehen war. Die Produktion „Die Moskauer Prozesse“, zu der in Kooperation mit Fruitmarket Kultur und Medien GmbH eine Kinofassung und mit dem Verbrecher Verlag Berlin eine Buchfassung entstand, führte zu einer internationalen Debatte über Kunstfreiheit und Zensur. Die Kinofassung lief international in den Kinos und auf Festivals und wurde mit einer „Besonderen Auszeichnung“ am Festival des Deutschen Films 2014 geehrt.

      Zu den „Zürcher Prozessen“ entstand – wie auch zu den Produktionen „Die letzten Tage der Ceausescus“ und „Hate Radio“ – eine abendfüllende Filmfassung, die auf 3sat und im Schweizer Fernsehen ausgestrahlt wurde und in ausgewählten Kinos zu sehen war. Die Hörspielfassung von „Hate Radio“ wurde mit dem renommierten „Hörspielpreis der Kriegsblinden 2014“ ausgezeichnet.

      In der Spielzeit 2013/14 fand in den Sophiensaelen (Berlin) unter dem Titel „Die Enthüllung des Realen“ eine Retrospektive zur Arbeit des IIPM statt. Anlässlich der Ausstellung erschien im Verlag „Theater der Zeit“ eine gleichnamige Monographie mit Beiträgen von u. a. Elisabeth Bronfen, Heinz Bude, Alexander Kluge, Sandra Umathum, Michail Ryklin und Christine Wahl, die das Werk des IIPM aus verschiedenster Perspektive beleuchteten. Nach Einzelausstellungen in Österreich (Kunsthaus Bregenz 2011, Akademie der Bildenden Künste Wien, 2013) und der Schweiz (migrosmuseum für gegenwartskunst Zürich 2011, KonzertTheaterBern, 2013) handelte es sich dabei um die erste Retrospektive zur Arbeit Milo Raus und des IIPM in Deutschland, die in der Presse heiß diskutiert wurde.

      In der Saison 2014/15 folgten Werkschauen in Genf (Festival La Batie) und Paris (Théatre Nanterre-Amandiers), in der Saison 2015/16 in Gent (CAMPO). Die Live-Talkshowreihe „Die Berliner Gespräche“ (in Kooperation mit den Sophiensaelen und der Schweizerischen Botschaft Berlin) 2013/14 war der Startpunkt der Produktionsphase von Milo Raus Theaterinszenierung “The Civil Wars” (2014), dem ersten Teiler seiner „Europa Trilogie“. Die mit „The Dark Ages“ im Jahr 2015 weitergeführte und 2016 mit „Empire“ abgeschlossene, monumentale „Europa Trilogie“ – in der 13 Schauspieler aus 11 Ländern den Kontinent einer „politischen Psychoanalyse“ (Libération) unterziehen – führte zu euphorischen Reaktionen bei Presse und Publikum: „von der Intimität eines Kammerspiels und der Wucht einer griechischen Tragödie“, urteilte etwa das ORF über „Empire“.

      Zu einem weltweiten Medienecho führte auch das insgesamt 30stündige „Kongo Tribunal“, das Milo Rau und sein Team im Sommer 2015 in Bukavu und Berlin durchführten: ein Volkstribunal zur Verwicklung der internationalen Minenfirmen, der kongolesischen Regierung, der UNO, der EU und der Weltbank in den Bürgerkrieg im Ostkongo, der in 20 Jahren mehr als 5 Millionen Tote gefordert hat. Presse und Publikum verfolgten die „ungeheuerlich spannenden“ (taz) Verhöre atemlos. „Das ambitionierteste politische Theaterprojekt, das je inszeniert wurde“, urteilte die Zeitung THE GUARDIAN, und fügte hinzu: „Ein Meilenstein.“ „Ein Wahnsinnsprojekt“, schrieb die ZEIT: „Wo die Politik versagt, hilft nur die Kunst.“ Die belgische Zeitung LE SOIR schrieb: „Makellos. Milo Rau ist einer der freiesten und kontroversesten Geister unserer Zeit.“ Und die taz brachte es auf den Punkt: „Zum ersten Mal in der Geschichte wird hier die Frage nach der Verantwortung für Verbrechen gestellt.“ Mehr als hundert Journalisten aus der ganzen Welt nahmen an den Tribunalen in Ostafrika und Europa teil, um über das „größenwahnsinnigste Kunstprojekt unserer Zeit“ (Radio France Internationale – RFI) zu berichten.

      Als „ein Meisterwerk, brennend vor Aktualität“ (24 heures) und „atemraubend“ (NZZ) feierten Kritik und Publikum gleichermaßen Milo Raus Stück „Mitleid. Die Geschichte des Maschinengewehrs“ (Uraufführung Januar 2016, Schaubühne am Lehniner Platz Berlin), das seit seiner Uraufführung durch die Welt tourt und u. a. zum „Friedrich-Luft-Preis“ als bestes Stück der Saison in Berlin nominiert und in der Kategorie „Beste Schauspielerin“ (Hauptrolle: Ursina Lardi) in der Kritikerumfrage der Zeitschrift „Theater Heute“ auf den zweiten Platz gewählt wurde.

      Das im Frühjahr 2016 in Kooperation mit CAMPO Gent entstandne Stück „Five Easy Pieces“ war das erste IIPM-Projekt mit Kindern und Jugendlichen. Als „ganz großes Theater, menschlich, sensibel, intelligent und politisch“ beschrieb das belgische Fernsehen (RTBF) das Stück, das bereits durch halb Europa und bis Singapur tourte: „Ein Theaterstück jenseits aller bekannten Maßstäbe.“

      http://international-institute.de

      #art_et_politique

  • #Taïwan, #Ouïghours : les dérives nationalistes de la #Chine de #Xi_Jinping

    Xi Jinping se prépare à un troisième mandat de cinq ans et à une démonstration de force au cours du 20e #congrès_du_Parti_communiste_chinois. Alors que son nationalisme exacerbé se traduit à la fois à l’intérieur des frontières, avec la répression des Ouïghours, et dans son environnement proche, en #Mer_de_Chine_du_sud, avec une pression accrue sur Taïwan, nous analysons les enjeux de ce congrès avec nos invité·es, Laurence Defranoux, journaliste et autrice des Ouïghours, histoire d’un peuple sacrifié, Noé Hirsch, spécialiste de la Chine, Maya Kandel, historienne spécialiste des États-Unis, et Inès Cavalli, chercheuse en études chinoises.

    https://www.youtube.com/watch?v=U4wiIwCaSY8


    #nationalisme #constitution #révision_constitutionnelle #pensée_Xi_Jinping #paternalisme #colonialisme #Xinjiang #colonialisme_Han #déplacements_de_population #exploitation_économique #limitation_des_libertés #enfermement #rééducation_politique #emprisonnement #répression #Nouvelles_Routes_de_la_soie #ressources #ressources_naturelles #Tibet #surveillance #surveillance_de_masse #terreur #camps_de_rééducation #folklore #assimilation #folklorisation #ethnonationalisme #supériorité_de_la_race #Han #culture #camps_de_concentration #réforme_par_le_travail #réforme_par_la_culture #travail_forcé #peuples_autochtones #usines #industrie #industrie_textile #programmes_de_lutte_contre_la_pauvreté #exploitation #paramilitaires #endoctrinement #économie #économie_chinoise #crimes_contre_l'humanité #torture

  • Les #Ouïghours. Histoire d’un peuple sacrifié

    La tragédie ouïghoure a surgi récemment et provoqué l’effroi. Pourtant, ses signes avant-coureurs sont ancrés dans l’histoire de ce peuple lointain, aussi riche que méconnue. Qui sait qu’un empire ouïghour bouddhiste et chrétien a jadis traité d’égal à égal avec l’Empire chinois ? Que Mao avait promis l’indépendance aux Ouïghours avant de leur imposer une colonisation brutale dès 1949 ? Voici le récit d’une persécution programmée.

    Aujourd’hui, aucun Ouïghour n’est libre. Dans cette enquête édifiante, #Laurence_Defranoux révèle plus de soixante-dix ans de mise en place progressive de l’engrenage génocidaire. Elle raconte le drame qui a lieu au #Xinjiang, entre #espionnage totalitaire high-tech et #enfermement de plus d’un million d’hommes et de femmes pour « #terrorisme » dans des conditions terrifiantes. Elle a étudié le contexte historique, épluché les rapports d’enquête, interrogé des rescapés des camps, des familles de détenus, les chercheurs qui travaillent sur les milliers de documents officiels chinois décrivant la volonté d’#éradication totale de la #culture, de la #langue et de la société ouïghoures. Carrefour de l’Eurasie depuis quatre millénaires, le Xinjiang regorge de #ressources_naturelles. C’est l’un des points stratégiques des #Nouvelles_Routes_de_la_soie, une pièce maîtresse du grand « #rêve_chinois » de #Xi_Jinping, sur l’autel duquel le Parti a décidé de sacrifier un peuple entier.

    https://www.tallandier.com/livre/les-ouighours
    #Chine #livre #génocide

  • #Bois contre #mercenaires russes : comment la #Centrafrique a bradé une #forêt au groupe #Wagner

    Depuis 2021, #Bois_Rouge, une entreprise liée au groupe militaire privé Wagner, bras armé officieux du Kremlin, exploite une forêt à l’ouest de la Centrafrique. Elle bénéficie d’un étonnant traitement de faveur de la part des autorités, et œuvre parfois au mépris de la loi.

    À Bangui, « influence étrangère » a longtemps rimé avec France. La capitale de la Centrafrique, pays indépendant depuis 1960, a gardé des traces tenaces de l’ancien colonisateur français : avenue de France, rues du Poitou et du Languedoc, lycée français Charles-de-Gaulle, stations-service Total, bières Castel et coopérants français en pagaille.

    Depuis quelques années, le vent a tourné. Il vient désormais de l’Est. Dans les rues de Bangui, de larges panneaux vantent la coopération russo-centrafricaine. Un #centre_culturel russe a ouvert, dans lequel sont dispensés gratuitement des cours de langue. La boisson à la mode est une #vodka du nom de #Wa_na_wa, supposée donner à ses consommateurs « les secrets du pouvoir russe » et une « santé sibérienne ». Moscou fait don de blindés, de trampolines et de cahiers pour enfants, sponsorise des radios et des concours de beauté.

    Surtout, les hommages aux #mercenaires de Wagner sont partout. Les premiers employés de cette société militaire privée sans existence légale, considérée comme le bras armé officieux du Kremlin, sont officiellement arrivés dans la capitale centrafricaine début 2018, un peu plus d’un an après le retrait de l’opération française #Sangaris. Il s’agissait alors de former et d’accompagner sur le terrain les militaires centrafricains, aux prises avec des groupes armés irréguliers.

    Quatre ans plus tard, les « #conseillers_russes », comme on les surnomme pudiquement, ont des statues et des films à leur gloire. Des ministres portent des tee-shirts à leur effigie et des membres d’associations financées par Moscou chantent leurs louanges lors de manifestations.

    La présence de Wagner sur le continent africain (au Mali, en Libye, au Soudan ou au Mozambique) est désormais largement documentée, de même que les exactions dont certains de ces mercenaires se sont rendus coupables. Des rapports d’ONG, d’agences et de groupes d’experts onusiens ainsi que des enquêtes journalistiques en font état. Ces violations des droits humains ont conduit l’Union européenne à mettre en place, en décembre 2021, des #sanctions visant Wagner et ses dirigeants (voir la liste ici).

    Mais d’autres aspects de cette présence restent méconnus, en particulier les #accords industriels et financiers signés entre les sociétés de la galaxie Wagner et les États où le groupe intervient.

    Une enquête de trois mois, menée par Mediapart, le réseau de médias European Investigative Collaborations (EIC) et l’ONG OpenFacto (à travers son projet « All Eyes on Wagner »), révèle comment une société liée à Wagner, Bois Rouge, a obtenu en 2021 une juteuse #exploitation_forestière en République centrafricaine, dans des conditions très avantageuses, qu’aucune autre société forestière n’avait obtenues.

    Notre enquête montre que la société Bois Rouge, officiellement centrafricaine, est dans les faits étroitement liée aux intérêts russes dans le pays, plus précisément au réseau d’affaires d’#Evgueni_Prigozhin, financier du groupe Wagner. Les autorités, dépendantes de Wagner pour assurer leur sécurité, ont bradé une partie de leurs #ressources_naturelles en autorisant Bois Rouge à exploiter la forêt de manière intensive, quasiment sans payer d’impôts, et parfois au mépris de la loi. Malgré ce traitement de faveur, Bois Rouge n’a pas respecté tous ses engagements vis-à-vis de l’État centrafricain.

    Interrogée, la gérante de Bois Rouge assure que la société « respect[e] pleinement les exigences et les règles en vigueur ». Également contactée, la présidence centrafricaine n’a pas souhaité nous répondre, estimant qu’elle n’avait « pas à justifier et à prouver quoi que ce soit ».

    Alors que plusieurs pays européens importent du bois centrafricain, notre enquête pose aussi la question de sa #traçabilité. Si les sanctions européennes visant le groupe Wagner et son financier Evgueni #Prigozhin devraient théoriquement rendre impossible l’importation de « #bois_Wagner » sur le sol européen, la faiblesse des contrôles existants ne permet pas de garantir que cette interdiction soit correctement appliquée.

    « Bois Rouge », société centrafricaine en apparence, russe dans les faits

    La République centrafricaine (RCA) est un pays riche de ses forêts. En 2021, le bois était le principal bien d’exportation du pays, loin devant les diamants. Il est exploité par seulement une douzaine d’entreprises.

    Le 9 février 2021, un nouvel acteur fait son entrée dans ce milieu très fermé. Une société jusqu’alors inconnue, Bois Rouge, remporte un appel d’offres lancé cinq mois plus tôt par le gouvernement centrafricain. Elle obtient, dans la région de la #Lobaye, au sud-ouest du pays, le droit d’exploiter une forêt de 186 000 hectares, riche de gorilles, léopards et éléphants.

    La parcelle appartenait jusqu’alors aux #Industries_forestières_de_Batalimo (#IFB), la plus ancienne des sociétés forestières de Centrafrique, à capitaux français. Le 18 juillet 2019, le permis est retiré à IFB et repris par l’État, dans des conditions contestées : selon nos informations, IFB a introduit un recours devant le Conseil d’État centrafricain. La société n’a pas souhaité commenter tant que la procédure judiciaire est en cours.

    Début 2021, la forêt passe donc sous le contrôle de Bois Rouge. L’entreprise se décrivait sur son site internet, mystérieusement fermé cette année, comme « l’une des plus grandes entreprises africaines de bois », se présentant ainsi comme une société 100 % centrafricaine. Elle est, de fait, immatriculée au registre du commerce depuis mars 2019 et dirigée par une ressortissante du pays, #Anastasie_Naneth_Yakoïma.

    Mais il s’agit en réalité d’un paravent des intérêts russes en Centrafrique. « Tout le monde sait qu’il s’agit d’une société fabriquée de toutes pièces par les Russes », confie un acteur du secteur. Plusieurs éléments matériels viennent l’étayer.

    En octobre 2019, sept mois après sa création à Bangui, Bois Rouge est présente à un forum d’industriels du bois à Shanghai. La société figure sous le même nom et à la même adresse que ceux renseignés au registre du commerce centrafricain… mais elle est classée parmi les participants russes. Bois Rouge n’est pas représentée par sa directrice, Anastasie Naneth Yakoïma, mais par un responsable des ventes dénommé #Artem_Tolmachev. Et l’une des deux adresses e-mail de contact de l’entreprise est hébergée par un service de messagerie russe, mail.ru.

    Les liens de Bois Rouge avec la Russie sont confirmés par ses activités sur le terrain. Des photos datées de novembre 2021 prises dans la concession, que l’EIC et OpenFacto ont obtenues, montrent plusieurs hommes blancs aux côtés d’employés centrafricains, ainsi que des camions et des boîtes de médicaments de marque russe et une porte sur laquelle « centre médical » est écrit en russe.

    Interrogée sur ses liens avec la Russie (ainsi que sur l’ensemble des informations contenues dans cet article), la gérante de Bois Rouge, Anastasie Naneth Yakoïma, fait simplement savoir que sa société « exerce son activité tout en respectant pleinement les exigences des normes et les règles en vigueur ». Elle ne souhaite pas répondre à nos questions, estimant que cela reviendrait à diffuser des « données confidentielles » sur l’entreprise.

    Sur la trace de Wagner : camouflages « #MultiCam » et sociétés de la galaxie Prigozhin

    D’autres éléments plus précis confirment que Bois Rouge n’est pas simplement liée à des entrepreneurs russes, mais bien à un réseau spécifique : celui d’Evgueni Prigozhin – homme d’affaires proche de Vladimir Poutine – et du groupe Wagner, dont il est soupçonné d’être le financier et le dirigeant.

    Le groupe Wagner n’a pas d’existence légale ; aucune entreprise ne porte officiellement ce nom. Il désigne le groupe de #mercenaires et, par extension, la galaxie de sociétés contrôlées par Evgueni Prigozhin qui opèrent dans les zones où ces mercenaires sont déployés – qu’elles soient actives dans l’extraction de ressources naturelles ou la #propagande en ligne. Evgueni Prigozhin est déjà présent en RCA via plusieurs entreprises, dont #Lobaye_Invest et #M-Finans, sous sanctions américaines depuis septembre 2020.

    Le premier élément reliant Bois Rouge à Wagner est chronologique : l’attribution de la concession dans la préfecture de la Lobaye coïncide avec l’arrivée des #mercenaires_russes dans la région. Selon nos informations, le gouvernement centrafricain a attribué l’ancienne parcelle d’IFB à Bois Rouge le 9 février 2021, soit seulement quinze jours après la reprise de #Boda, la principale ville de la région, par l’armée centrafricaine et les hommes de Wagner. Boda était auparavant contrôlée par une coalition de groupes armés, la #CPC.

    Les liens entre Bois Rouge et la galaxie Wagner/Prigozhin sont également d’ordre financier. Les données issues des bordereaux de chargements (« bill of lading ») de marchandises destinées à Bois Rouge, que l’EIC et OpenFacto ont consultées, démontrent que la société achète du matériel à #Broker_Expert_LLC, une société basée à Saint-Pétersbourg.

    Or, #Broker_Expert fournit d’autres entités du réseau Wagner/Prigozhin, parmi lesquelles l’entreprise minière #Meroe_Gold, active au #Soudan, décrite par le Trésor américain comme une filiale du groupe d’Evgueni Prigozhin.

    L’ONG Dossier Center (de l’opposant russe Mikhaïl Khodorkovski), dont trois journalistes ont été assassinés en Centrafrique en juillet 2018 alors qu’ils enquêtaient sur les activités de Wagner dans le pays, liste également Broker Expert en tant qu’« entreprise affiliée à Prigozhin ». Ce lien est confirmé par des éléments matériels, tels qu’un numéro de téléphone utilisé à la fois par Broker Expert et par des sociétés de la famille Prigozhin : #Concord LLC, dont Evgeny Prigozhin est le bénéficiaire économique ; ou encore #Soinvest LLC, dirigée par son épouse #Liubov_Prigozhina.

    Nous avons identifié vingt-huit transactions entre Bois Rouge et Broker Expert rien qu’en novembre et décembre 2021. En deux mois, l’exploitant forestier a importé via Broker Expert un tracteur, des matériaux de construction (tôles d’acier, argile expansée, bétonnière, ciment, briques), des vis, du fil barbelé, un ventilateur, des plaques d’amiante ou encore un aspirateur industriel.

    Outre ces liens d’affaires, des indices laissés sur le terrain suggèrent aussi un lien avec Wagner. Sur deux photos prises sur la concession de Bois Rouge, on distingue des individus portant des pantalons de camouflage militaire. Ce modèle de camouflage, dit MultiCam, est utilisé par Wagner en RCA.

    Ressources naturelles contre prestations de sécurité

    Parmi les sources connues de financement de Wagner figure l’exploitation de ressources naturelles, dont des champs de #pétrole et de gaz repris à l’État islamique en #Syrie (dont Wagner toucherait 25 % des revenus en vertu d’un contrat signé avec le gouvernement syrien) et des #mines_d’or exploitées par une société liée à Evgueni Prigozhin au #Soudan. L’attribution de permis d’exploitation à des sociétés liées au groupe serait une manière pour des gouvernements africains surendettés de payer les services des mercenaires.

    La Centrafrique ne semble pas échapper à ce mode de fonctionnement. Un document rédigé par le gouvernement centrafricain, révélé dans un récent documentaire de France 5, fait le lien entre « l’investissement russe dans le domaine de la sécurité nationale » et l’exploitation d’une mine d’#or en RCA par une société officiellement malgache mais en réalité sous contrôle russe, #Midas_Resources.

    « L’État centrafricain a le droit de prendre connaissance de l’état des lieux de l’investissement russe dans le domaine de la #sécurité nationale pour pouvoir être en mesure de gérer les compensations », indique le document.

    Le droit d’exploiter la forêt centrafricaine fait-il partie des « #compensations » accordées à Wagner en échange des services de ses combattants, qui assurent la garde rapprochée du président Touadéra et combattent aux côtés des forces armées centrafricaines ?

    Nos recherches démontrent en tout cas que les conditions d’exploitation octroyées à Bois Rouge relèvent davantage du cadeau que de la relation commerciale classique.

    Une forêt bradée

    Nous nous sommes procuré les documents officiels encadrant les activités de la société forestière liée à Wagner, qui étaient jusqu’ici restés secrets. Nous avons comparé les deux principaux documents – la convention provisoire d’exploitation signée entre l’État centrafricain et Bois Rouge le 28 avril 2021 et la convention définitive d’exploitation du 3 décembre 2021 – avec six autres contrats comparables signés par l’État centrafricain avec d’autres entreprises entre 2014 et 2020. Notre analyse montre que Bois Rouge a obtenu le droit d’exploiter la forêt de manière intensive, ainsi que des avantages jamais octroyés à d’autres entreprises.

    Trois exemples illustrent ce traitement de faveur.

    Bois Rouge a obtenu l’autorisation d’exploiter la totalité de la surface de la forêt dont elle a obtenu la concession, avant même d’avoir signé la « convention définitive d’exploitation » censée encadrer ses activités. Or, avant d’avoir signé cette convention définitive, les autres entreprises forestières n’ont le droit d’exploiter qu’une partie de leur concession – généralement un huitième de sa surface.

    Second avantage : alors que les contrats forestiers fixent des « assiettes de coupe » (des zones prévues pour être exploitées), qui changent chaque année afin de laisser la forêt se régénérer, la convention d’exploitation de Bois Rouge prévoit des « assiettes annuelles de coupe » valables non pas un an mais trois ans, et renouvelables sur simple demande.

    Le contrat signé avec Bois Rouge supprime enfin une disposition importante, présente dans tous les autres contrats que nous avons pu consulter : l’interdiction de procéder à des abattages par temps de pluie ou venteux, ce qui est normalement interdit pour des raisons de sécurité.

    En plus de ces conditions d’exploitation inédites, nous avons obtenu un document prouvant que le gouvernement centrafricain a octroyé d’importants avantages fiscaux et douaniers à Bois Rouge.

    Une lettre signée du ministre des finances et du budget de RCA, #Henri-Marie_Dondra, datée du 23 avril 2021, indique que Bois Rouge bénéficie pendant cinq ans de droits de douane réduits à 5 % sur ses importations, d’une exonération de l’#impôt sur les sociétés (puis réduit à 25 % pendant une année supplémentaire), d’une contribution au développement social réduite de 25 % et d’une exemption du paiement de la patente. L’entreprise bénéficie également d’une TVA sur les importations « neutralisée » par une procédure dite de « paiement différé » ainsi que d’une exonération de #taxe_foncière pendant huit ans sur tous les immeubles bâtis neufs.

    Exploitation lancée de manière illégale

    Malgré ce traitement de faveur, nous avons pu établir que Bois Rouge n’avait pas respecté tous ses engagements.

    La société a lancé son exploitation en juillet 2021 sans réaliser de #plan_d’aménagement ni d’#étude_d’impact_environnementale, qui sont pourtant deux obligations légales. L’absence de plan d’aménagement est explicitement mentionnée dans la convention définitive d’exploitation du 3 décembre 2021, ce qui n’a pas empêché le gouvernement centrafricain de la signer.

    « L’instauration de plans d’aménagement qui garantissent la préservation de la ressource forestière demeure notre priorité, et nous allons intensifier les contrôles », assurait pourtant en 2016 la ministre centrafricaine des forêts.

    L’absence d’étude d’impact environnementale réalisée par Bois Rouge nous a été confirmée par le ministère de l’environnement centrafricain.

    Ce n’est pas tout. Bois Rouge aurait dû payer, en échange de la concession, trois années de loyer. Cette obligation figure noir sur blanc dans le décret signé par le premier ministre centrafricain le 9 février 2021. La société a quinze jours pour le faire, et « tout manquement ou retard entraînera l’annulation d’office du permis », précise le document.

    Bois Rouge n’a pas payé. Mais l’État ne lui a pas retiré son permis.

    Une lettre du ministère des finances prouve qu’à la date du 23 avril 2021, soit deux mois après l’expiration du délai légal pour payer le loyer, le ministère des finances centrafricain n’avait toujours pas reçu l’argent. Le courrier indique que Bois Rouge a demandé un délai de paiement jusqu’au 1er avril 2022, soit onze mois après la date prévue. Ce report a été accordé par le ministère des finances – interrogé sur les motifs de cette décision, ce dernier ne nous a pas répondu.

    D’autres documents internes au ministère des eaux et forêts prouvent que Bois Rouge n’a pas payé toutes les taxes liées à l’abattage de bois auxquelles elle était assujettie, au moins jusqu’en février 2022.

    À ces manquements légaux et financiers s’ajoutent des #conditions_de_travail problématiques sur la zone d’exploitation. Nous avons pu recueillir le témoignage détaillé d’une personne connaissant bien la concession, mais qui requiert l’anonymat étant donné les risques importants pour sa sécurité. Cette source rapporte que Bois Rouge emploie un personnel très insuffisant (une équipe d’abattage y est constituée de deux personnes, contre cinq ou six habituellement), qu’elle fait travailler dans des conditions dangereuses.

    Selon ce témoin, les #abatteurs de Bois Rouge couperaient « 15 à 20 arbres par jour » alors que la norme dans d’autres concessions serait plutôt de sept par jour. Les dirigeants de l’entreprise leur imposeraient de travailler « jusqu’à 15 heures ou 16 heures » alors que, dans la région, l’usage veut que le travail s’arrête vers 11 heures en raison du vent qui se lève, rendant alors l’abattage particulièrement dangereux. Il assure enfin que le cahier de chantier, qui recense notamment les volumes de bois coupés, n’était pas rempli, alors qu’il s’agit d’une obligation légale. Interrogés sur ce point (ainsi que sur toutes les questions soulevées dans cet article), les représentants de la société Bois Rouge ne nous ont pas répondu.

    Malgré cela, Bois Rouge n’aurait pas encore exploité d’importants volumes de bois. Deux sources proches du dossier indiquent que l’entreprise a jusqu’à présent coupé un nombre d’arbres relativement modeste – qui représenterait quelques centaines de mètres cubes – qu’elle a ensuite exportés via le Cameroun. « Ils semblent être dans une phase de test », indique l’une de ces sources.

    Bientôt des meubles en « bois Wagner » en Europe ?

    Il est impossible, pour l’heure, de savoir vers quels pays ce bois a été exporté. Bois Rouge n’a pas souhaité nous répondre ; également questionnée, la #SGS, société chargée de contrôler les exportations de bois centrafricain, n’a pas donné suite.

    Plusieurs pays d’Europe importent du bois centrafricain, parmi lesquels l’Espagne (jusqu’en 2019 au moins), la France, l’Italie, le Portugal, l’Allemagne et la Belgique. Au total, selon les chiffres officiels produits par l’UE, les importations de bois (et ses dérivés, charbon et liège) de la RCA vers l’UE ont augmenté de 62 % en 2021 pour atteindre 11 millions d’euros.

    Du « #bois_Wagner » est-il importé en Europe, ou pourrait-il l’être prochainement ? Cela est théoriquement interdit, pour deux raisons : les règlements européens contre l’exploitation illégale des forêts, et les sanctions émises par l’UE visant Wagner. À cela pourraient s’ajouter les sanctions prises contre des entreprises et citoyens russes à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, qui pourraient également toucher indirectement Bois Rouge : l’exploitant forestier se fournit auprès de l’entreprise de sidérurgie russe #Severstal, dont le principal actionnaire, l’homme d’affaires russe #Alexeï_Mordachov, a été placé sous sanctions européennes en mars 2022.

    Mais pour l’heure, rien ne garantit que les contrôles existants soient suffisants pour empêcher Wagner d’écouler son bois centrafricain en Europe.

    En 2005 et 2020, l’UE s’est dotée de deux règlements visant à mettre fin à l’exploitation illégale des forêts : le règlement de l’Union sur le bois, et le règlement dit #FLEGT (« #Forest_Law_Enforcement_Governance_and_Trade »). Ils prévoient un système de « #diligence_raisonnée », qui doit être mis en place par les importateurs et est supposé garantir que les bois issus d’une récolte illégale ne sont pas mis sur le marché de l’Union européenne.

    Mais la Commission européenne a jugé, dans un rapport de décembre 2021, que ces deux outils n’avaient pas totalement atteint leurs objectifs. Une partie des entreprises important du bois dans l’UE ont une « connaissance et une compréhension limitées des obligations à respecter » et rencontrent des difficultés à vérifier les informations provenant de leurs chaînes d’approvisionnement. Certains importateurs profitent de la souplesse de certains pays de l’UE, où les contrôles sont moins nombreux, pour faire entrer du bois à l’origine douteuse, relève la Commission.

    De fait, pour l’année, 2020, un seul État membre a déclaré avoir effectué un contrôle portant sur du bois importé de RCA afin de vérifier sa conformité avec le règlement européen sur le bois.

    Les ONG sont encore plus critiques. « Les règles de confidentialité en vigueur dans l’Union européenne font qu’il est difficile de suivre le bois depuis la source jusqu’à l’entreprise qui l’importe directement », explique Marigold Norman, experte en bois travaillant avec l’ONG Forest Trends. Par ailleurs, « jusqu’à présent, les sanctions infligées aux entreprises qui enfreignent les règles ont été limitées. Dans certains cas, les amendes sont une part assumée du coût de l’approvisionnement en bois tropicaux de grande valeur ».

    Malgré des importations de bois centrafricain en forte augmentation ces dernières années (jusqu’à atteindre près de 6 millions d’euros en 2021 selon les données des douanes françaises), la France ne semble pas non plus mettre en œuvre de contrôles suffisants. En 2019, l’ONG Earthsight a établi qu’une entreprise française, F. Jammes, continuait d’importer du bois produit par la société centrafricaine SEFCA, pourtant accusée en 2015 par l’ONG Global Witness d’avoir versé de l’argent à la Seleka, un groupe armé centrafricain responsable de nombreuses exactions, afin de sécuriser sa production.

    Interrogée par le biais de son porte-parole sur les conditions d’exploitation octroyées à Bois Rouge, la présidence centrafricaine nous a adressé une brève réponse, assurant que « le gouvernement centrafricain, en toute souveraineté, reçoit des projets d’exploitation et accorde des licences d’exploitation aux sociétés d’investissement qui s’installent dans [son] pays ». La présidence n’a pas souhaité répondre davantage à nos questions précises, estimant que le sujet « ne correspond[ait] pas aux préoccupations de [son] pays et de [sa] population » et qu’elle n’avait « pas à justifier et à prouver quoi que ce soit ».

    https://www.mediapart.fr/journal/international/260722/bois-contre-mercenaires-russes-comment-la-centrafrique-brade-une-foret-au-

    #Russie #république_centrafricaine #extractivisme #Russafrique #soft_power #déforestation

  • Au #Cameroun, la #cartographie participative, « puissant outil » de reconnaissance des #droits des #Pygmées

    Pygmées en lutte (2/4). Rivières, forêts vierges, ponts, villages, lieux sacrés : grâce au #GPS, Baka et Bagyeli se sont lancés dans le quadrillage leurs territoires pour mieux les protéger.

    Dans la cour d’une maison en terre battue construite en plein cœur de #Nomédjoh, un village #Baka situé dans la région Est du Cameroun, une dizaine d’hommes, de femmes et d’enfants forment un cercle. Au centre, ils ont disposé à même le sol cinq cartes représentant leur territoire. Les yeux rivés sur ces documents abîmés par le temps et la moisissure, ils se courbent à tour de rôle et pointent du doigt « la rivière », « la forêt encore vierge », « le pont »… A y regarder de plus près, on ne voit pourtant que des points, des lignes, des légendes ou encore des chiffres colorés.

    « Ces cartes représentent les 1 950 hectares de notre #forêt. C’est notre plus grande richesse », explique avec fierté Dieudonné Tombombo, le président de la forêt communautaire. « Nous gérons nous-mêmes notre forêt qui est pour l’homme Baka un supermarché, un hôpital et une banque, renchérit près de lui, René Ndameyong, 40 ans. Avant, on n’avait droit à rien. Les Bantous nous disaient que tout leur appartenait, alors que les #peuples_autochtones sont les premiers habitants de la forêt. »

    D’après ce père de deux enfants au sourire contagieux, les Baka ont longtemps été chassés des forêts, interdits de chasse, de pêche ou encore de pratiquer des activités champêtres à certains endroits. L’introduction au début des années 2000 de la cartographie participative a permis aux communautés de mieux faire entendre leur voix. Et les peuples des forêts en ont profité.

    Validations des populations

    En 2011, l’association Rainforest Foundation, qui lutte pour la protection des peuples autochtones, a lancé l’initiative #Mapping_for_Rights, ce qui a permis de former plus de 7 000 cartographes locaux au Cameroun et en #République_démocratique_du_Congo (#RDC), et ainsi de cartographier plus de 800 communautés pour une superficie de 5 millions d’hectares. Avec l’appui des organisations non gouvernementales (ONG), il s’agit le plus souvent d’établir des cartes pour faire #barrage à l’installation de projets – routes, aires protégées, plantations agro-industrielles – menaçant la vie des communautés par l’accaparement du #foncier et les restrictions d’accès aux #ressources_naturelles.

    Les communautés se réunissent et identifient ensemble les noms des lieux sacrés, rivières, zones de pêche, de chasse, de ramassage de produits forestiers non ligneux, leurs champs, tracent les contours de leur village… Une fois les informations validées par toute la communauté (et souvent les villages voisins), des hommes formés à la cartographie vont en forêt, armés de systèmes de localisation par satellite (GPS) pour le #géoréférencement des points importants. Ces données GPS sont traitées par ordinateur. Des documents provisoires sont établis, et soumis à la validation des populations avant que les cartes définitives soient établies.

    Après l’établissement de ces cartes, la population de Nomédjoh a « pris #confiance et n’a plus eu #peur, car nous avions la preuve de ce qui nous appartenait », se souvient René Ndameyong. « Les autorités l’ont validée et aujourd’hui nous sommes un village avec un chef nommé par le gouvernement ». Depuis 2007, Nomédjoh s’est aussi vu attribuer, à sa demande, une #forêt_communautaire. Au Cameroun, la #foresterie_communautaire est un processus par lequel l’Etat cède une partie (maximum 5 000 hectares) à une communauté qui a alors la possibilité de l’exploiter.

    Grâce à la vente du #bois, Nomédjoh a construit trois studios pour les enseignants de l’école publique, a pu tôler une salle de classe, équiper quelques maisons d’énergie solaire. « Notre but principal est de protéger la forêt, tout faire pour qu’elle ne finisse pas puisqu’elle est notre vie », assure Dieudonné Tombombo.

    « Prouver l’impact sur nos sites »

    Dans le sud du pays, Assok offre un autre exemple d’une initiative réussie. Martin Abila, guérisseur traditionnel, vient officiellement d’être désigné chef du village par le gouvernement, « une première dans toute la région pour un autochtone ». Lors de la cartographie participative qui a permis au village d’être reconnu, Martin a constaté que plusieurs zones de la forêt avaient été détruites par des exploitants. Il cherche désormais des financements pour « créer une pépinière et reboiser ».

    « La cartographie participative est un puissant outil qui permet de mener des #plaidoyers pour les #droits_des_communautés auprès des autorités, des groupes agro-industriels, miniers ou de la communauté internationale », explique Samuel Nguiffo, coordonnateur du Centre pour l’environnement et le développement (CED), une ONG locale.

    Lors de la construction du #pipeline entre le Cameroun et le Tchad qui traversait les territoires #Bagyeli, ces derniers n’ont pas été consultés. Mais, grâce à la cartographie participative effectuée en 2007 en collaboration avec les Bantous, « on a pu prouver l’#impact sur nos sites. Jusqu’à aujourd’hui, cette cartographie nous sert, car les Bantous menacent de nous chasser sans passer à l’acte. On a des cartes, ce sont nos #preuves », sourit Joachim Gwodog, le chef du campement Logdiga, dans la région du Sud.

    Ces feuilles de papier « permettent de montrer qu’un village ou un campement existe, que des hommes y vivent, possèdent des ressources, des vestiges, des sites traditionnels, autant d’éléments concrets difficiles à mettre de côté », résume Marie Ba’ane, directrice de l’ONG Appui à l’autopromotion et à l’insertion des femmes, des jeunes et désœuvrés (Apifed) . Si ces cartes ne sont pas encore officiellement reconnues par l’administration camerounaise, elles sont de plus en plus prises en compte.

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/08/24/au-cameroun-la-cartographie-participative-puissant-outil-de-reconnaissance-d

    #cartographie_participative #accaparement_des_terres

    –—

    voir aussi, en #Malaisie (#Bornéo) :
    #Penan Community Mapping : Putting the Penan on the map
    https://seenthis.net/messages/748077

  • Perspectives sur la #décolonisation des #savoirs de l’#eau dans un contexte français

    Cet article décrit les fondements et les résultats d’un projet consistant à valoriser un #pluralisme_épistémologique en rapport avec les savoirs de l’eau sur un territoire d’étude en #France. Inspirée par des auteurs hétérodoxes (Escobar, Haraway, Ingold), l’approche que nous appelons « la #science_territoriale » est une tentative à la fois pour mieux intégrer la #diversité_des_savoirs et réfléchir à la meilleure manière de promouvoir une « #justice_cognitive ».

    https://www.revues.scienceafrique.org/naaj/texte/perrin_et_linton2021

    #décolonial #ressources_naturelles

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    Article paru dans :
    Volume 2, numéro 1 – 2021 : T ransitions environnementales et écologie politique des savoirs en Afrique : de la commotion coloniale et néo-libérale à la « co-motion » sociale et écologique
    https://www.revues.scienceafrique.org/naaj/numero/2-2021

    ping @karine4 @cede

  • RI
    #Energies et #Relations_Internationales
    Pétrole et paranoïa, par Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique, avril 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/04/RIMBERT/52870

    Gaz de schiste, la grande escroquerie, par Nafeez Mosaddeq Ahmed (Le Monde diplomatique, mars 2013)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/03/AHMED/48823

    Maudit pétrole bon marché, par Michael T. Klare (Le Monde diplomatique, avril 2016)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2016/04/KLARE/55199

    Choc pétrolier : les finances des producteurs africains dans le rouge. Par Martin Mateso
    http://geopolis.francetvinfo.fr/choc-petrolier-les-finances-des-producteurs-africains-dans-le-
    #Cemac #Tchad #Angola #Portugal #Afrique

    Le Nigeria renonce à 90 représentations diplomatiques pour réduire ses dépenses
    http://geopolis.francetvinfo.fr/le-nigeria-renonce-a-90-representations-diplomatiques-pour-red

    Le Nigéria prévoit de se retirer de certaines organisations internationales pour limiter les dépenses - Agence Afrique
    http://www.agenceafrique.com/11517-nigeria-prevoit-de-se-retirer-de-certaines-organisations-intern

    « Le Nigéria vient à peine de sortir de la récession dans laquelle il était plongé depuis presque deux ans. Ce premier producteur de pétrole sur le continent africain a été frappé par la chute des cours de l’or noir »

    Batailles commerciales pour éclairer l’Afrique, par Aurélien Bernier (Le Monde diplomatique, février 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/BERNIER/58354

    Une dépendance aux matières premières jamais résolue, par Renaud Lambert (Le Monde diplomatique, janvier 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/01/LAMBERT/54474
    #Discours_orthodoxes #Orthodoxie #Amérique_latine #Amérique_du_Sud

    Pétrole et Moyen-Orient : le dessous des cartes … par Benjamin Louvet
    http://leseconoclastes.fr/2016/01/petrole-moyen-orient-le-dessous-des-cartes-a-travers-le-prisme-petro

    « en Syrie aussi, ce sont les ressources énergétiques qui sont au centre des raisons du conflit. Plus précisément, le gaz du champ géant de South Pars, plus grand champ de gaz au monde, situé au milieu du Golfe Persique, et dont les droits d’exploitation sont répartis entre le Qatar et l’Iran. Ces deux pays exploitent donc ce champ chacun de leur côté et cherchent un moyen d’exporter leur gaz sur le marché international.

    Et c’est là que la Syrie joue un rôle central. Car pour rejoindre le marché international du gaz, l’Iran et le Qatar ont tous deux un projet de pipeline qui passe, à un moment donné, par le territoire syrien, mais avec des ambitions stratégiques totalement différentes. Le pipeline qatari prévoit ainsi de se connecter au projet de gazoduc Nabucco, ouvrage pensé par les européens pour alimenter leur marché en énergie en s’affranchissant du gaz… russe.

    De son côté, la Russie envisage plutôt un projet de pipeline partant de Syrie pour se raccorder au gazoduc South Stream, projet de pipeline russe. »

    La guerre d’Irak était BIEN une guerre du pétrole (cette fois, c’est prouvé !) par Matthieu Auzanneau | Oil Man
    http://petrole.blog.lemonde.fr/2011/06/14/la-guerre-dirak-etait-bien-une-guerre-du-petrole-cette-fois-ces

    « Après avoir quitté le gouvernement, Lady Symons, aujourd’hui âgée de 59 ans, est devenue conseillère de la banque d’affaires MerchantBridge, qui a réalisé d’importants profits dans des contrats de reconstruction dans l’Irak d’après-guerre, précise The Independent. »

    #Mers :

    La guerre du pétrole se joue en mer, par Michael T. Klare (Le Monde diplomatique, février 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/KLARE/52621

    Course au gaz en Méditerranée, par Bachir El-Khoury (Le Monde diplomatique, octobre 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2015/10/EL_KHOURY/53934

    Litige frontalier en mer entre Israël et le Liban, par Cécile Marin (Le Monde diplomatique, octobre 2015)
    http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/litigegazmediterranee


    #Orient #Relations_internationales_Orient_Arabie_Saoudite #OPEP #Pétrole #Hydrocarbures #Gaz #Israël #Liban #Méditerranée #Chypre #Mers #Organisations_Internationales

    #Documentaires Mer de Chine, la guerre des archipels | ARTE
    http://www.arte.tv/guide/fr/054777-000-A/mer-de-chine-la-guerre-des-archipels
    Mer de Chine, la guerre des archipels ARTE - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=3sGNZDrPMbY

    Et pour quelques rochers de plus…, par Didier Cormorand (Le Monde diplomatique, juin 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/06/CORMORAND/55728

    Le Vietnam, son encombrant voisin et l’ami américain, par Martine Bulard (Le Monde diplomatique, février 2017)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2017/02/BULARD/57045

    De la mer en partage au partage de la mer, par Nicolas Escach (Le Monde diplomatique, juillet 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/07/ESCACH/55919
    #Aménagement_du_territoire #Conflits_d'intérêts_fondations #Environnement

    20 ans de mutations des routes maritimes en 4 pages — Géoconfluences
    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/20-ans-mutations-routes-maritimes #Mers_Commerce #Commerce_International_Mers #Lectures

    #Nord_Stream_2 : Plus qu’un pipeline #Russie #UE
    https://www.tdg.ch/monde/europe/nord-stream-2-qu-pipeline/story/11494268

    Forcing américain pour supplanter les livraisons russes
    Comment saboter un gazoduc
    https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/RIMBERT/63053
    Washington sème la zizanie sur le marché européen du gaz
    https://www.monde-diplomatique.fr/2021/05/REYMOND/63052

  • Driving Dispossession | The Oakland Institute
    https://www.oaklandinstitute.org/driving-dispossession

    Driving Dispossession: The Global Push to “Unlock the Economic Potential of Land,” sounds the alarm on the unprecedented wave of privatization of natural resources that is underway around the world. Through six case studies—Ukraine, Zambia, Myanmar, Papua New Guinea, Sri Lanka, and Brazil—the report details the myriad ways by which governments—willingly or under the pressure of financial institutions and Western donor agencies—are putting more land into so-called “productive use” in the name of development.

    https://www.oaklandinstitute.org/sites/oaklandinstitute.org/files/driving-dispossession.pdf

    #terres #ressources_naturelles #privatisation #extraction #finance

  • Finance capitalism and the rush for natural resources
    https://www.fian.org/en/press-release/article/finance-capitalism-and-the-rush-for-natural-resources-2615

    A new report explores how global finance has transformed land and nature into financial assets, driving violence and environmental destruction.

    The report ‘Rogue Capitalism and the Financialization of Territories and Nature’ published today by FIAN International, the Transnational Institute and Focus on the Global South looks into the architecture of global finance and its tactics to extract wealth from natural resources.

    Le rapport
    https://www.fian.org/files/files/Rogue_Capitalism_and_the_Financialization_of_Territories_and_Nature_(1).pdf
    #terres #ressources_naturelles #prédation #finances

  • #Suède : la ville que la mine avale

    Aux confins de la Laponie, au-delà du cercle polaire, la ville de Kiruna repose sur le plus grand gisement de minerai de fer au monde.
    Exploitée depuis plus de cent vingt ans, la plus grande mine de fer souterraine aux couloirs plongeant jusqu’à 1775 mètres de profondeur, représente 90% des réserves du minerai de fer européen. Mais les forages avancent toujours davantage sous les habitations, mettant en péril des quartiers entiers. Pour éviter l’effondrement de cette ville de 23.000 habitants, dont 18.000 dans le centre-ville, celle-ci doit être déplacée 5 kilomètres plus loin : une révolution urbanistique qui inclut voie ferrée, autoroute, églises, écoles, maisons…

    https://www.arte.tv/fr/videos/089893-000-A/suede-la-ville-que-la-mine-avale
    #film #documentaire #film_documentaire
    #colonisation #sami #ressources_naturelles #extractivisme #mines #gisement_de_fer #Kiruna #déplacés_internes #IDPs #peuples_autochtones #mineurs #chemin_de_fer #tourisme #LKAB #minerai_de_fer #élevage #Laponie #montagne_maudite #montagne #transhumance #démolition #destruction #New_Kiruna #mémoire

    #Jan_Vajstedt —> peintre


    https://mokk-lainio.weebly.com/uploads/1/1/0/8/11089380/broschyrmokk2011_kvadrat_skarm.pdf
    ping @reka

  • Rohingya, la mécanique du crime

    Des centaines de villages brûlés, des viols, des massacres et 700 000 Rohingyas qui quittent la Birmanie pour prendre le chemin de l’exil. Rapidement, l’ONU alerte la communauté internationale et dénonce un « nettoyage ethnique ». Ces événements tragiques vécus par les Rohingyas ne sont que l’achèvement d’une politique de discrimination déjà ancienne. Ce nettoyage ethnique a été prémédité et préparé il y a des années par les militaires birmans. Ce film raconte cette mécanique infernale.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/57765_1
    https://www.youtube.com/watch?v=g2OjbDcBfPk


    #film #documentaire #film_documentaire #opération_nettoyage #armée_birmane #feu #incendie #réfugiés #2017 #Bangladesh #répression #Arakan #nettoyage_ethnique #génocide #préméditation #planification #moines #islamophobie #xénophobie #racisme #crime_contre_l'humanité #camp_de_réfugiés #camps_de_réfugiés #violence #crime #viol #Tula_Toli #massacre #Maungdaw #milices #crimes_de_guerre #colonisation #Ashin_Wirathu #immigrants_illégaux #2012 #camps_de_concentration #Koe_Tan_Kauk #ARSA (#armée_du_salut_des_Rohingya) #métèques #déni #Inn_Dinn #roman_national #haine #terres #justice #Aung_San_Suu_Kyi #retour_au_pays #encampement
    #terminologie #mots #stigmatisation
    –-> « La #haine passe du #discours aux actes »

    #ressources_naturelles #uranium #extractivisme #nickel —> « Pour exploiter ces ressources, vous ne pouvez pas avoir des gens qui vivent là »
    (#géographie_du_vide)

    #Carte_de_vérification_nationale —> donnée à ceux qui acceptent de retourner en #Birmanie. En recevant cette carte, ils renient leur #nationalité birmane.

    #NaTaLa —> nom utilisé par les #musulmans pour distinguer les #bouddhistes qui ont été #déplacés du reste de la Birmanie vers la région de l’Arkana. C’est les musulmans qui ont été obligés de construire, avec leur main-d’oeuvre et leur argent, les maisons pour les colons bouddhistes : « Ils nous ont enlevé le pain de la bouche et au final ils nous ont tués ». Ces colons ont participé au #massacre du village de Inn Dinn.

    A partir de la minute 36’00 —> #effacement des #traces dans le #paysage, maisons rohingya détruites et remplacées par un camp militaire —> photos satellites pour le prouver

    A partir de la minute 45’35 : la colonisation sur les #terres arrachées aux Rohingya (le gouvernement subventionne la construction de nouveaux villages par des nouveaux colons)

    ping @karine4 @reka

  • L’UE veut multiplier les « #partenariats » avec les pays africains

    L’UE cherche à placer une série de « partenariats » de diverses thématiques politiques au cœur de sa #stratégie_UE-Afrique, qui sera officiellement lancée début mars, selon un document confidentiel.

    22 commissaires européens sur 27 doivent se retrouver jeudi à Addis Abeba en Ethiopie, pour le sommet de l’Union africaine. Le continent, dont la présidente de la commission a fait une priorité, doit faire l’objet d’une stratégie ad hoc. Dans une première version qu’Euractiv a pu consulter, la Commission assure qu’il faut « changer de discours et regarder l’Afrique sous l’angle de son devenir : la terre de la plus jeune population mondiale, la plus grande région commerciale depuis la création de l’OMC, un appétit pour l’intégration régionale, l’autonomisation des femmes, et tout ça créant d’immenses #opportunités_économiques. »

    L’ébauche de stratégie énonce aussi les domaines que l’UE couvrirait. Elle souhaite ainsi créer des partenariats pour la #croissance_durable et l’#emploi, pour une #transition_écologique, pour une #transformation_numérique, pour la #paix, la #sécurité, la #gouvernance et la #résilience, mais aussi pour la #migration et la #mobilité et enfin, le #multilatéralisme.

    L’accent mis sur les « partenariats » plutôt que sur le « #développement » y est clair. Il avait aussi marqué les premiers mois de la Commission #Von_der_Leyen.

    Le document de la Commission contient peu de substance sur les politiques mais montre la direction de la politique EU-Afrique dans l’un des documents clés donnant les orientations de la Commission « géopolitique » d’#Ursula_von_der_Leyen. Il devrait être dévoilé par l’exécutif le 4 mars sous la forme d’une communication, mais il est peu probable qu’il devienne une politique officielle avant le sommet UE/Union africaine en octobre à Bruxelles.

    Le processus d’ébauche de la #stratégie a débuté avec une réunion des ministres européens du Développement le 13 février dernier. Ces derniers doivent maintenant adopter des conclusions lors d’un Conseil Affaires étrangères en avril ou mai, puis lors du sommet européen des 18 et 19 juin.

    La #politique_africaine est aussi portée par le gouvernement finlandais, qui détient la présidence tournante de l’UE jusqu’en juillet.

    « La #Finlande prépare aussi sa propre stratégie pour l’Afrique. Les deux stratégies visent à renforcer un #partenariat_stratégique entre égaux entre l’UE et l’Afrique, et à stimuler leurs relations commerciales et politiques », commente la ministre finlandaise du Développement, Ville Skinnari.

    La stratégie se concentrera probablement sur les manières d’accroître les #opportunités_commerciales et l’#investissement entre les deux continents. Elle promet aussi davantage de soutien de l’UE pour l’accord établissant la #zone_de_libre-échange continentale africaine, qui entrera en vigueur plus tard dans l’année.

    Il risque néanmoins d’être éclipsé par les lentes tractations autour du successeur de l’#accord_de_Cotonou, qui couvre les relations politiques et commerciales entre l’UE et l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique. L’accord de Cotonou expire en mars et pour l’instant pas l’ombre d’un nouvel accord à l’horizon.

    L’exécutif européen assure qu’il est sur la bonne voie pour verser les 44 milliards d’euros d’investissements dans le #secteur_privé promis dans le cadre du #Plan_extérieur_d’investissement lancé par la Commission Juncker. Reste à savoir si la nouvelle « stratégie » comprendra de nouveaux investissements ou outils d’investissement.

    La note confidentielle souligne seulement que la Commission se concentrera sur « la mobilisation de tous les moyens : l’#engagement_politique, l’#aide_publique_au_développement, la #sécurité, la mobilisation des #ressources_domestiques, le secteur privé, etc. »

    L’UE est loin d’être le seul acteur international en lice pour développer davantage de relations économiques et politiques avec l’Afrique. Le #Royaume-Uni, l’#Inde, la #Turquie, la #Russie et la #France ont organisé ou organisent des conférences sur l’investissement axées sur l’Afrique en 2020.

    L’administration américaine de Donald Trump a également commencé à étoffer sa nouvelle offre de #commerce et d’investissement aux dirigeants africains.

    Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, s’est rendu au Sénégal, en Éthiopie et en Angola pour une tournée express du continent la semaine dernière. Il s’agissait de son premier voyage en Afrique subsaharienne depuis sa prise de fonction il y a deux ans.

    L’administration Trump a entamé des pourparlers sur un accord de libre-échange avec le #Kenya ce mois-ci. Selon elle, c’est le premier d’une série d’#accords_commerciaux_bilatéraux avec les nations africaines dans le cadre de sa nouvelle stratégie commerciale « #Prosper_Africa ».

    Dans le même temps, Washington veut que sa nouvelle #Société_internationale_financière_pour_le_développement rivalise avec les investissements chinois sur le continent africain.

    https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/partnerships-to-be-at-heart-of-eu-africa-strategy-leaked-paper-reveals
    #Afrique #accords #UE #EU #libre_échange #USA #Etats-Unis

    • A record number of College members travel to Addis Ababa for the 10th European Union-African Union Commission-to-Commission meeting

      The President of the European Commission, Ursula von der Leyen, travels tomorrow to Addis Ababa, Ethiopia, for the 10th Commission-to-Commission meeting between the European Union and the African Union, accompanied by 20 Commissioners and the EU High Representative for Foreign Affairs and Security Policy. Discussions will focus on key issues such as growth, jobs, green transition, digital, peace, security and governance, and mobility and migration.

      Before departing Brussels, President von der Leyen, said: “Europe and Africa are natural partners. We have a historic bond and we share many of today’s challenges. One of our main objectives is to turn the green and digital transformation of our economies into opportunities for our youth.”

      This 10th Commission-to-Commission meeting marks a record participation on the EU side, a testament of the priority relations which Africa represents for the new European Commission and its aspiration to take them to a new level.

      Besides High Representative/Vice-President of the Commission Josep Borrell, Vice-Presidents for the European Green Deal, Frans Timmermans, for a Europe fit for the Digital Age, Margrethe Vestager, for an Economy that works for people, Valdis Dombrovskis, for Inter-institutional Relations and Foresight, Maroš Šefčovič, for Values and Transparency, Věra Jourová, for Democracy and Demography, Dubravka Šuica, as well as Vice-President for Promoting our European way of life, Margaritis Schinas, will accompany the President.

      Commissioners for International Partnerships, Jutta Urpilainen, for Trade, Phil Hogan, for Innovation and Youth, Mariya Gabriel, for Jobs and Social Rights, Nicolas Schmit, for Economy, Paolo Gentiloni, for Agriculture, Janusz Wojciechowski, for Cohesion and Reforms, Elisa Ferreira, for Justice, Didier Reynders, for Equality, Helena Dalli, for Home Affairs, Ylva Johansson, for Crisis Management, Janez Lenarčič, as well as Commissioners for Transport, Adina Ioana Vălean, for Energy, Kadri Simson and for Environment, Oceans and Fisheries, Virginijus Sinkevičius, will also travel to Addis Ababa.

      The EU and the African Union (AU) will discuss how to take foward their cooperation to address key challenges both Europe and Africa are facing such as the need to promote sustainable growth and jobs, green transition, digital transformation, peace, security and good governance, mobility and migration.

      The meeting will also be an opportunity for the EU side to consult its African partners on the upcoming comprehensive Africa Strategy which President von der Leyen promised to deliver in her first 100 days in office and is due to be presented in early March.

      The presentation of this important document will kick-start a wider consultation process that will lead up to the EU-AU Ministerial meeting in May 2020 in Kigali, Rwanda, and the upcoming EU-AU Summit in October in Brussels, where both sides will agree a joint approach on shared priorities.

      Background

      The EU and the AU have progressively built a solid strategic and political partnership that is anchored on reciprocal commitments. This partnership is based on shared values and interests, enshrined in the Joint Africa-EU Strategy adopted in 2007 in the Summit in Lisbon.

      Political dialogue between the EU and the AU takes place regularly at different levels. Commission-to-Commission and ministerial meetings take place every year, whilst EU-AU Summits at Heads of State level are held every three years. At the 5th AU-EU Summit in 2017, African and European leaders identified economic opportunities for the youth, peace and security, mobility and migration and cooperation on governance as the strategic priorities for 2018-2020 and committed to tackle them jointly.

      The EU also presented in the Summit in 2017 in Abidjan, Côte d’Ivoire, its new External Investment Plan with the objective to create 10 million new jobs by 2023, in particular for women and young people. The Plan hopes to trigger €47 billion in public and private investments.

      In the last Commission-to-Commission meeting in May 2018 in Brussels, the EU and the AU signed a Memorandum of Understanding to reinforce their cooperation in the area of peace and security.

      The two Commissions are committed to being active players and driving forces to implement the EU-AU Partnership, which is today more relevant than ever in a fast evolving global environment.

      https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_20_317

    • Questions et réponses : vers une #stratégie_globale_avec_l'Afrique

      1. Pourquoi l’UE a-t-elle besoin d’une nouvelle #stratégie ?

      L’Afrique est le voisin le plus proche de l’Europe. En raison de l’histoire, de la proximité et des intérêts partagés, les liens qui unissent l’Afrique à l’Union européenne (UE) sont vastes et profonds. Il est temps de faire passer cette relation à un niveau supérieur.

      Pour les relations entre l’Afrique et l’UE, 2020 sera une année charnière pour concrétiser l’ambition de développer un #partenariat encore plus solide.

      Le nouvel #accord de partenariat entre l’UE et le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique devrait être conclu et le prochain sommet UE-Union africaine aura lieu à Bruxelles en octobre 2020 en vue de définir un #programme_commun_de_partenariat.

      L’Afrique comme l’Europe sont confrontées à un nombre croissant de défis communs, notamment les effets du changement climatique et la transformation numérique.

      L’Europe doit donc coopérer avec l’Afrique pour relever avec elle les défis communs du 21e siècle. C’est la raison pour laquelle cette communication propose de nouvelles voies de coopération entre les deux continents qui visent à renforcer l’alliance stratégique de l’UE avec l’Afrique.

      2. Qu’y a-t-il de nouveau dans cette proposition de nouvelle stratégie ?

      La communication conjointe de la Commission et du haut représentant est une contribution à une nouvelle stratégie avec l’Afrique. Elle expose des idées pour intensifier la coopération dans tous les aspects du partenariat UE-Afrique. Elle propose un cadre global pour le futur partenariat afin de permettre aux deux parties d’atteindre leurs objectifs communs et de relever les défis mondiaux.

      En réponse aux nouvelles réalités changeantes, la proposition de stratégie met l’accent sur la #transition_écologique et la #transformation_numérique, qui constituent les principaux domaines cibles de la #coopération future.

      Surtout, l’UE insiste tout au long de la communication conjointe sur la nécessité de prendre pleinement en considération les #jeunes et les #femmes ainsi que leur potentiel en tant que vecteurs de changement. En répondant à leurs aspirations, nous déterminerons l’avenir du continent.

      La proposition de nouvelle stratégie constitue un point de départ pour faire passer le partenariat à un niveau supérieur fondé sur une compréhension claire de nos intérêts et responsabilités mutuels et respectifs. Elle vise à rendre compte de l’exhaustivité et de la maturité de notre relation, dans laquelle les intérêts et les valeurs des deux parties sont rassemblés pour promouvoir une coopération commune dans des domaines d’intérêt commun.

      Il s’agit notamment de développer un modèle de #croissance_verte, d’améliorer l’environnement des entreprises et le climat d’#investissement, d’encourager l’#éducation, la #recherche, l’#innovation et la création d’#emplois_décents grâce à des investissements durables, de maximiser les bienfaits de l’#intégration_économique_régionale et des #échanges_commerciaux, de lutter contre le #changement_climatique, de garantir l’accès à l’#énergie_durable, de protéger la #biodiversité et les #ressources_naturelles, ainsi que de promouvoir la #paix et la #sécurité, de garantir la bonne gestion de la #migration et de la #mobilité et d’œuvrer ensemble au renforcement d’un ordre multilatéral fondé sur des règles qui promeut les valeurs universelles, les #droits_de_l'homme, la #démocratie et l’égalité entre les hommes et les femmes. Une coopération renforcée sur les questions mondiales et multilatérales doit être au cœur de notre action commune.

      L’UE et ses États membres doivent adapter leur dialogue avec l’Afrique en veillant à ce que leur positionnement soit conforme à nos intérêts mutuels et accorder plus d’importance aux valeurs, aux principes clés et aux bonnes pratiques réglementaires, compte tenu de l’intérêt accru affiché par de nombreux acteurs pour le potentiel de l’Afrique.

      3. Quels sont les principaux défis et domaines de coopération à venir ?

      La stratégie recense cinq domaines clés de la future coopération approfondie entre l’Europe et l’Afrique.

      Il s’agit des domaines suivants : (1) transition écologique et accès à l’énergie, (2) transformation numérique, (3) croissance et emplois durables, (4) paix et #gouvernance, (5) migration et mobilité.

      Dans chacun de ces domaines, la proposition de nouvelle stratégie définit des moyens de réaliser des objectifs communs.

      En outre, le développement d’une coopération politique renforcée sur les questions mondiales et multilatérales sera au cœur de notre action commune.

      4. L’UE a-t-elle noué des contacts avec les parties prenantes pour élaborer cette stratégie ?

      La Commission et le haut représentant ont présenté aujourd’hui les premiers éléments de la stratégie. Des contacts préliminaires avaient eu lieu auparavant. Outre un dialogue interne avec les États membres de l’UE et les députés du Parlement européen ainsi que la société civile au niveau formel et informel, l’UE a noué des contacts avec des partenaires africains, notamment lors de la 10e rencontre de « Commission à Commission », qui s’est tenue le 27 février 2020 à Addis-Abeba.

      Les propositions s’inscrivent également dans le prolongement du programme arrêté d’un commun accord lors du sommet Union africaine-UE de 2017 à Abidjan et des récents échanges qui ont eu lieu au niveau politique.

      La communication conjointe de ce jour présente des propositions destinées à alimenter le dialogue en cours avec les États membres de l’UE, les partenaires africains, ainsi que le secteur privé, la société civile et les groupes de réflexion, et il sera donné suite à ces propositions dans la perspective du prochain sommet UE-Union africaine qui se tiendra à Bruxelles en octobre 2020.

      La réunion ministérielle Union africaine-UE qui se tiendra les 4 et 5 mai à Kigali sera une autre occasion de débattre en profondeur de la communication à un niveau plus formel avec la partie africaine.

      Le sommet UE-Union africaine d’octobre 2020 devrait être le point culminant au cours duquel nous espérons nous accorder sur une approche commune avec nos partenaires africains pour s’attaquer aux priorités communes, ce qui est notre objectif.

      5. La nouvelle stratégie va-t-elle remplacer la stratégie commune Afrique-UE définie en 2007 ?

      La stratégie commune Afrique-UE de 2007 a marqué une étape importante dans la relation entre l’UE et l’Afrique. Toutefois, à cette période, le monde était différent et la réalité de notre partenariat avec l’Afrique s’inscrivait dans un autre contexte mondial. En 2020, soit 13 ans plus tard, de nouvelles opportunités et de nouveaux défis se présentent, tels le changement climatique, la transformation numérique, les inégalités, les pressions démographiques et la gouvernance mondiale. L’Afrique est un continent en plein essor, qui a vu ces dernières années certains de ses pays afficher les taux de croissances les plus rapides au niveau mondial, et elle attire l’attention de plusieurs autres acteurs. Nous vivons dans un environnement mondial concurrentiel dans lequel les biens publics mondiaux sont menacés. Nous devons nous adapter à ces nouvelles réalités et renouveler notre partenariat avec l’Afrique.

      Aujourd’hui, l’UE propose les priorités envisageables pour ce nouveau partenariat. L’UE continuera de dialoguer avec les partenaires africains en vue de définir avec eux nos priorités stratégiques communes pour les années à venir.

      6. En quoi cette stratégie est-elle compatible avec les objectifs plus larges de la Commission européenne, tels que le pacte vert pour l’Europe et la priorité accordée au numérique ?

      La Commission européenne entend conduire la transition vers une planète saine et un nouveau monde numérique. Le dialogue de l’UE avec l’Afrique prend en compte ces ambitions dans ces deux domaines.

      Pour atteindre les objectifs de développement durable, l’UE et l’Afrique doivent choisir un avenir à faible intensité de carbone, efficace dans l’utilisation des ressources et résilient face au changement climatique, conformément à l’accord de Paris.

      La Commission européenne est déterminée à faire de l’Europe le premier continent neutre sur le plan climatique au monde ; dans le cadre de son action extérieure, elle propose de coopérer avec l’Afrique afin de maximiser les bienfaits de la transition écologique et de réduire autant que possible les menaces pesant sur l’environnement. Cela englobera chaque aspect de l’économie circulaire et de chaînes de valeur et de systèmes alimentaires durables, à travers la promotion des énergies renouvelables, la réduction des émissions, la protection de la biodiversité et des écosystèmes et une progression vers des modèles d’urbanisation verts et durables.

      Les pays africains sont particulièrement vulnérables face au changement climatique, car celui-ci risque de compromettre les progrès en cours en matière de développement durable.

      De même, la Commission européenne s’est engagée à créer une Europe adaptée à l’ère numérique ; dans le cadre de son action extérieure, elle propose de coopérer avec l’Afrique afin de promouvoir et de valoriser la transformation numérique en Afrique et de garantir l’accès à des services numériques sûrs et abordables.

      Selon les estimations, une augmentation de 10 % de la couverture numérique pourrait augmenter le PIB de l’Afrique de plus de 1 %. Avec les investissements, les infrastructures et le cadre réglementaire appropriés, le passage au numérique a le pouvoir de transformer les économies et les sociétés en Afrique. En outre, l’interdépendance des deux continents sous-tend que le dialogue de l’UE avec l’Afrique est dicté tant par ses valeurs que par ses intérêts.

      7. Quels liens économiques existent entre l’Europe et l’Afrique ?

      L’UE est le principal partenaire de l’Afrique en matière d’échanges et d’investissements, et le principal soutien de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), avec la mobilisation prévue de 72,5 millions d’euros d’ici la fin de 2020.

      En 2018, le total des échanges de biens entre les 27 États membres de l’UE et l’Afrique s’élevait à 235 milliards d’euros, soit 32 % des échanges totaux de l’Afrique. À titre de comparaison, ce total s’élève à 125 milliards d’euros pour la Chine (17 %) et à 46 milliards d’euros pour les États-Unis (6 %).

      En 2017, le stock d’investissements directs étrangers des 27 États membres de l’UE en Afrique s’élevait à 222 milliards d’euros, soit plus de cinq fois les stocks des États-Unis (42 milliards d’euros) ou de la Chine (38 milliards d’euros).

      8. Quelle est l’ampleur de l’aide humanitaire et de l’aide au développement fournies par l’UE en Afrique ?

      L’UE et ses États membres sont le principal fournisseur d’aide publique au développement (APD) en faveur de l’Afrique. En 2018, l’UE et ses 27 États membres ont octroyé 19,6 milliards d’euros, soit 46 % du total reçu par l’Afrique.

      En outre, l’UE, conjointement avec ses États membres, est le principal donateur d’aide humanitaire en Afrique. Depuis 2014, la Commission européenne a elle-même alloué plus de 3,5 milliards d’euros à l’aide humanitaire déployée en Afrique.

      L’UE négocie actuellement son futur budget à long terme. Selon les propositions de la Commission européenne, le nouvel instrument de financement extérieur de l’UE pour la période 2021-2027 aura une portée mondiale, mais plus de 60 % des fonds disponibles profiteront à l’Afrique.

      9. Que fait l’UE pour stimuler les investissements et la création d’emplois en Afrique ?

      L’Afrique est un continent où les possibilités de croissance sont de plus en plus nombreuses, avec une main-d’œuvre jeune et innovante et des niveaux de croissance économique élevés. L’UE est le plus grand partenaire commercial et d’investissement de l’Afrique.

      Nous entendons coopérer avec l’Afrique afin de :

      – stimuler les échanges commerciaux et les investissements durables en Afrique ;

      – promouvoir des réformes qui améliorent l’environnement des entreprises et le climat d’investissement ;

      – améliorer l’accès à une éducation de qualité, aux compétences, à la recherche, à l’innovation, à la santé et aux droits sociaux ;

      – favoriser l’intégration économique régionale et continentale.

      Il est possible d’y parvenir en s’appuyant sur les travaux menés dans le cadre de l’Alliance Afrique-Europe pour un investissement et des emplois durables, lancée en 2018 dans le but de créer 10 millions d’emplois en cinq ans, de stimuler l’investissement et de promouvoir le développement durable. Avec le plan d’investissement extérieur de l’UE, qui est un élément clé de l’Alliance, l’UE a déjà alloué 4,6 milliards d’euros de fonds pour des financements mixtes et des garanties depuis 2018. Ces fonds devraient permettre de mobiliser 47 milliards d’euros d’investissements publics et privés. En outre, depuis 2018, l’UE a également fourni près de 1,4 milliard d’euros à l’Afrique pour qu’elle renforce l’environnement des entreprises et le climat d’investissement.

      L’UE propose de faire de l’Alliance un pilier central des relations économiques entre les deux continents.

      10. L’UE accordera-t-elle la priorité aux échanges commerciaux, aux investissements et à la croissance économique aux dépens des droits de l’homme ? Comment la stratégie va-t-elle promouvoir le respect des droits de l’homme ?

      Le respect des droits de l’homme demeure au cœur de la coopération au développement de l’UE et occupe donc une place fondamentale dans la proposition de nouvelle stratégie.

      Le respect des droits de l’homme universels - politiques, civils, économiques, sociaux ou culturels - restera une caractéristique essentielle de notre partenariat.

      Dans le cadre du partenariat pour la paix et la gouvernance, l’UE s’emploiera à unir ses forces à celles des partenaires africains afin de promouvoir le plein respect des droits de l’homme, en agissant à tous les niveaux. Par exemple, l’UE continuera de soutenir les défenseurs des droits de l’homme et les initiatives visant à renforcer les organisations de la société civile. Une approche plus stratégique et structurée des dialogues politiques sur les droits de l’homme menés avec les pays africains sera également adoptée, en complémentarité avec les consultations régulières avec les organisations régionales africaines et le dialogue bien établi sur les droits de l’homme entre l’UE et l’UA.

      Le développement, c’est-à-dire la croissance économique, ne peut être durable que s’il repose sur les fondements du respect des droits de l’homme.

      11. Que fait l’UE pour promouvoir la paix et la stabilité en Afrique ?

      La paix et la sécurité ne sont pas seulement un besoin fondamental pour tous, elles constituent également une condition préalable au développement économique et social.

      La paix, la sécurité, la bonne gouvernance et la prospérité économique en Afrique sont également essentielles pour la propre sécurité et prospérité de l’UE.

      L’UE est déjà active dans ce domaine en Afrique. Elle fournit actuellement des conseils et des formations à plus de 30 000 membres des personnels militaires, policiers et judiciaires africains dans le cadre de 10 missions relevant de la politique de sécurité et de défense commune. En outre, l’UE a fourni 3,5 milliards d’euros par l’intermédiaire de la facilité de soutien à la paix pour l’Afrique depuis sa création en 2004, dont 2,4 milliards d’euros depuis 2014, afin de contribuer aux opérations militaires et de paix menées par l’Union africaine.

      Par ailleurs, plus d’un million de personnes en Afrique subsaharienne ont bénéficié depuis 2014 de programmes soutenus par l’UE en faveur de la consolidation de la paix après un conflit et de la prévention des conflits.

      Dans le cadre des propositions formulées dans la stratégie, l’UE adaptera et approfondira son soutien aux efforts de paix africains au moyen d’une coopération plus structurée et stratégique, en mettant particulièrement l’accent sur les régions connaissant les tensions et les vulnérabilités les plus fortes. L’UE propose de soutenir les capacités africaines en matière de défense et de sécurité, notamment au moyen de la facilité européenne pour la paix et de ses missions de la PSDC, et de se concentrer sur une approche intégrée des conflits et des crises, en agissant à tous les stades du cycle des conflits. Cela suppose de déployer des efforts de prévention, de résolution et de stabilisation au moyen d’actions bien ciblées sur le plan humanitaire, du développement, de la paix et de la sécurité.

      La résilience devrait en particulier être au cœur des efforts consentis par l’Afrique et l’UE pour faire face aux conflits et fragilités qui perdurent, sachant que la résilience, la paix, la sécurité et la gouvernance sont étroitement liées. L’UE propose, dans la stratégie, de soutenir les efforts déployés par nos partenaires africains pour s’attaquer à l’ensemble des défis et accroître leur résilience globale.

      12. Comment l’UE coopérera-t-elle avec l’Afrique en matière de migration et de mobilité ?

      L’évolution démographique, l’aspiration à bénéficier d’opportunités économiques, les conflits et crises actuels et l’impact du changement climatique auront pour conséquence que les niveaux de migration et de déplacement forcé continueront d’engendrer des défis et des opportunités aussi bien pour l’Europe que pour l’Afrique.

      La migration restera l’une des priorités de notre partenariat. Une migration et une mobilité bien maîtrisées peuvent avoir un effet positif sur les pays d’origine, de transit et de destination et profiter aux sociétés de nos deux continents.

      Depuis 2015, les pays de l’UE et les pays africains ont mis en place, dans le cadre du dialogue et de la coopération relevant des processus de La Valette, de Rabat et de Khartoum, une approche commune de la gestion des aspects extérieurs de la migration et de la mobilité, qui a démontré qu’ensemble nous pouvons sauver et protéger des vies, venir en aide aux personnes dans le besoin et démanteler le terrible modèle économique des passeurs et des trafiquants.

      L’UE coopérera avec l’Afrique sur une approche équilibrée, cohérente et globale de la migration et de la mobilité, guidée par les principes de solidarité, de partenariat et de responsabilité partagée et fondée sur le respect des droits de l’homme et du droit international. Tant les possibilités de migration légale que l’amélioration de la coopération en matière de retour et de réadmission feront l’objet des discussions sur l’approche à suivre.

      L’UE promeut le dialogue entre les continents sur la mobilité et la migration et continuera à renforcer la coopération trilatérale entre l’Union africaine, les Nations unies et l’UE.

      13. Comment les négociations avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique seront-elles prises en compte ?

      L’UE et le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) devraient conclure un nouvel accord de partenariat pour remplacer l’accord de Cotonou, qui expirera à la fin de 2020. Le futur accord ACP-UE englobe un accord de base commun, ainsi que trois partenariats spécifiques adaptés à chaque région, dont un pour les relations de l’UE avec les pays d’Afrique subsaharienne qui sont parties au groupe des États ACP. Cela permettra de créer un nouveau cadre juridique pour les relations entre l’UE et les pays ACP.

      L’UE a également conclu des accords d’association distincts avec quatre pays d’Afrique du Nord.

      Les relations globales entre l’UE et l’UA sont définies par les sommets conjoints, qui ont lieu tous les trois ans, et par les réunions ministérielles régulières, qui donnent une direction politique à la relation entre les deux continents.

      https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/QANDA_20_375

  • Does sustainable development have an elephant in the room ?

    The inherently unequal relationship between the developed and developing world is hindering sustainable development.

    This week, the 74th session of the United Nations General Assembly (UNGA) has begun deliberating on its resolutions. Sustainable development is high on the agenda. This year UNGA has had a record number of high-level meetings - most of them either on or related to the topic.

    At the centre of the UN 2030 Agenda for Sustainable Development are the many disparities between the developed and developing world, including the unequal consumption and use of natural resources; the impacts of climate change and environmental degradation; economic sovereignty and opportunities; and the unequal power in international organisations and decision-making.

    Still, according to UN Secretary-General Antonio Guterres’ recent progress report on the Sustainable Development Goals, disparities between the developed and developing world continue to grow.

    CO2 emissions are on a trajectory towards disastrous tipping points and global material consumption is projected to more than double by 2060. In the last 20 years, climate-related disasters have led to a 150 percent increase in economic losses and claimed an estimated 1.3 million lives, the great majority of them in the developing world. Climate change-driven conflicts and migration are on the rise, too.

    The UN 2030 Agenda for Sustainable Development is clear that moving towards sustainability requires the broadest possible international cooperation, an ethic of global citizenship and shared responsibility. Crucially, this includes decreasing international disparities between developed and developing countries, such as in international decision-making, control and use of natural resources and unsustainable patterns of consumption and production.

    However, there is an elephant in the room of sustainable development. Namely, the very relationship between the developed and developing world of domination and subordination and its historical roots in colonialism.

    Today’s unsustainability is shaped by a history that includes the control and use of natural resources and cheap labour for the benefit and consumption of European and European colonial-settler states. It is a history where a bottom line of maximising profit and economic growth included colonisation of foreign lands and peoples, a transformation of landscapes and societies across the world, enslavement, genocides, wars and systemic racial discrimination.

    Over centuries, an international order was established dominated by European colonial and colonial-settler states populated by a majority of European descendants. That is to say, largely today’s developed world.

    Although the inherently unequal relationship between the developed and developing world and its colonial history is not addressed by the Sustainable Development Goals - it is no secret to the UN.

    For example, according to the most comprehensive universal human rights instrument against racial discrimination - the declaration and programme of action of the 2001 Third World Conference against Racism in Durban, South Africa - the effects and persistence of colonial structures and practices are among the factors contributing to lasting social and economic inequalities in many parts of the world today.

    During the early 1970s, developing nations - many of them recently independent - passed resolutions in the UNGA to establish a new international economic order. They demanded self determination over their economy and natural resources as well as equity in determining the laws, rules and regulations of the global economy.

    The explicit objective was to address international inequities in the wake of European colonialism. Developed countries with the power to actualise such a new international economic order were not interested and nothing much became of it.

    Nonetheless, the call for a new international economic order resonated in the 1986 UN Declaration on the Right to Development. Among other things, it calls on states to eliminate the massive violations of human rights resulting from colonialism, neo-colonialism, all forms of racism and racial discrimination.

    In recent years, there has again been a growing call by developing countries in the UNGA for a new equitable and democratic international economic order. But this time too, developing countries with the power to make that call a reality have opposed it.

    Last year a resolution was passed in the UNGA towards a new international economic order. It emphasises that development within countries needs to be supported by a favourable international economic order. Among other things, it calls for increased coordination of international economic policy in order to avoid it having a particularly negative impact on developing countries.

    An overwhelming majority of 133 of the 193 UN member states voted for the resolution. All developed countries voted against it.

    Another resolution that was passed in the UNGA last year promoted a democratic and equitable international order. It, too, calls for an international economic order based on equal participation in the decision-making process, interdependence and solidarity, in addition to transparent, democratic and accountable international institutions with full and equal participation.

    One-hundred-and-thirty-one of the 193 members of the UNGA voted for the resolution. All developed countries voted against it.

    It is well known by the UN that much of the racial discrimination in European countries and European settler colonies such as the US, Colombia and South Africa reflect colonial history. Across the Americas, the most racially discriminated against are people of colour and among them especially indigenous people and people of African descent. In the European Union too, people of colour are especially discriminated against, not least people of African descent.

    Since little more than a decade ago, there is a UN Permanent Forum, Declaration and Expert Mechanism on the rights of indigenous peoples. As a result of the ongoing UN International Decade for People of African Descent 2015-2024, last year the General Assembly passed a resolution to establish a UN Permanent Forum and Declaration for people of African descent.

    One-hundred-and-twenty member states voted in favour of the resolution. Only 11 states voted against it. Among them were the US, the UK and France. All developed countries either voted against or abstained from voting on the resolution.

    This year the UN Special Rapporteur on Racism, Tendayi Achiume, has submitted a report to the General Assembly on the human rights obligations of member states in relation to reparations for racial discrimination rooted in enslavement and colonialism. It is the first UN report on the topic. According to it, reparations for enslavement and colonialism include not only justice and accountability for historic wrongs, but also the eradication of persisting structures of racial inequality, subordination and discrimination that were built during enslavement and colonialism.

    It is a view of reparations that includes the pursuit of a just and equitable international order.

    This year the UNGA will also deliberate on a resolution for how to organise the new permanent Forum for People of African Descent.

    When will the developed world recognise and address the elephant in the room? Maybe when there is a real shift towards sustainable development.

    https://www.aljazeera.com/indepth/opinion/sustainable-development-elephant-room-191009072428736.html
    #développement_durable #colonialisme #subordination #domination #inégalités #SDGs #développement #ressources_naturelles #extractivisme #Nord-Sud #2030_Agenda_for_Sustainable_Development
    #politics_of_development #responsabiité #éthique #coopération_internationale #production #consommation #mondialisation #globalisation #géographie_politique #colonisation #accaparement_des_terres #terres #discrimination_raciale #génocide #esclavage_moderne #continuum_colonial #colonialisme_européen #ordre_économique #droits_humains #racisme #néo-colonialisme #économie #participation #solidarité #interdépendance

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  • État d’alerte pour l’eau en Israël et chez ses voisins

    « Le lac de Tibériade, au nord-est d’Israël, est la seule étendue
    d’eau douce dans ce pays situé en plein désert. Ce lac d’une
    importance capitale, cité abondamment dans la Bible, approvisionnait
    jusqu’à récemment en eau potable tout l’État hébreu et certains de ses voisins. Cette époque est révolue : le niveau du lac a tellement
    baissé — parfois sous la « ligne rouge » indiquant un seuil critique —
    que le gouvernement a dû fermer les valves.

    Presque du jour au lendemain, Israël et ses voisins se sont trouvés à
    risque de manquer d’eau potable à cause de changements climatiques fulgurants. Les réserves souterraines se sont taries sous l’effet d’intenses périodes de sécheresse et d’une croissance démographique soutenue.

    La crise a été si brutale que le gouvernement israélien a dû mettre en
    place un plan d’urgence, au tournant des années 2000, pour puiser et dessaler l’eau de la mer Méditerranée. Sans cet apport massif venu de la mer, l’État hébreu et ses voisins palestiniens et jordaniens —
    branchés sur le réseau d’aqueduc israélien — n’auraient tout
    simplement plus d’eau potable, confirment des experts.

    La quête de l’or blanc ne fait que commencer dans cette région parmi
    les plus arides du monde : la population augmente à un rythme effréné, tandis que les sources d’eau se tarissent. »

    (…)

    Lire la suite :

    https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/570256/etat-d-alerte-pour-l-eau

    • Un complément, pour signaler la source libanaise, que le Liban ne peut exploiter pleinement, à cause de, je cite le doux #euphémisme de l’IFPO, la « puissance de dissuasion israélienne« (au lieu de « les agissements criminels impunis de l’état sioniste »)

      Atlas du Liban - Les eaux de la discorde - Presses de l’Ifpo
      https://books.openedition.org/ifpo/10917

      Malgré sa situation en amont du bassin versant, le Liban n’utilise qu’une très faible quantité de ses eaux. En effet, jusqu’en 2000, les sources du Hasbani et du Wazzani étaient situées dans la zone occupée par Israël au sud du pays.

      Depuis le retrait israélien, quelques projets ont certes été engagés côté libanais (une station de pompage sur le Wazzani notamment), mais ils ont fait l’objet de menaces de bombardement de la part du gouvernement israélien. Seule l’adduction d’eau potable vers quelques municipalités a été tacitement autorisée par Israël, et le développement de l’irrigation dans la zone reste pour l’instant peu probable. La puissance de dissuasion israélienne sur cet espace, associée à l’occupation continue des fermes de Chebaa et du Golan syrien, assure donc à l’État hébreu le contrôle des principales sources du Haut‑Jourdain.

      #vitrine_de_la_jungle

    • #Palestine #Eau

      Les 3 articles, pour vous éviter de cliquer (semi #paywall) :

      État d’alerte pour l’eau en Israël et chez ses voisins
      Marco Fortier, Le Devoir, le 6 janvier 2020
      https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/570256/etat-d-alerte-pour-l-eau

      Le lac de Tibériade, au nord-est d’Israël, est la seule étendue d’eau douce dans ce pays situé en plein désert. Ce lac d’une importance capitale, cité abondamment dans la Bible, approvisionnait jusqu’à récemment en eau potable tout l’État hébreu et certains de ses voisins. Cette époque est révolue : le niveau du lac a tellement baissé — parfois sous la « ligne rouge » indiquant un seuil critique — que le gouvernement a dû fermer les valves.

      Presque du jour au lendemain, Israël et ses voisins se sont trouvés à risque de manquer d’eau potable à cause de changements climatiques fulgurants. Les réserves souterraines se sont taries sous l’effet d’intenses périodes de sécheresse et d’une croissance démographique soutenue.

      La crise a été si brutale que le gouvernement israélien a dû mettre en place un plan d’urgence, au tournant des années 2000, pour puiser et dessaler l’eau de la mer Méditerranée. Sans cet apport massif venu de la mer, l’État hébreu et ses voisins palestiniens et jordaniens — branchés sur le réseau d’aqueduc israélien — n’auraient tout simplement plus d’eau potable, confirment des experts.

      La quête de l’or blanc ne fait que commencer dans cette région parmi les plus arides du monde : la population augmente à un rythme effréné, tandis que les sources d’eau se tarissent.

      « La météo est devenue folle. Vous avez vu ce qui s’est passé en Europe [l’été dernier], il a fait 43 degrés à Paris, à Londres et à Berlin. Nos experts nous disent que les changements climatiques sont déjà là et que notre région souffrira davantage dans un avenir prévisible. On ne peut plus se fier à la pluie [pour renouveler les sources d’eau] depuis les graves sécheresses du début des années 2000 », dit Yechezkel Lifshitz, directeur général adjoint des infrastructures et de l’eau au ministère de l’Énergie.

      Les périodes de sécheresse risquent de se multiplier et de durer plus longtemps dans la prochaine décennie, prévoit le ministère israélien de l’Environnement. L’évaporation de l’eau de surface s’accélère sous l’effet de la hausse des températures. L’eau salée contamine aussi les réserves souterraines près de la Méditerranée en raison de l’érosion des côtes, qui prend de l’ampleur à cause de la montée du niveau de la mer.

      Prières pour la pluie

      Devant ce tarissement soudain de l’apport naturel en eau douce, le ministère a construit à gros prix, entre les années 2005 et 2016, cinq usines de dessalement le long de la Méditerranée. Pas moins de 80 % de l’eau potable en Israël provient désormais de la mer — une proportion inégalée dans le monde.

      « La crise climatique a frappé fort et vite. Sans les usines de désalinisation, on aurait vécu une catastrophe : on manquerait d’eau courante », dit David Katz, professeur au Département de géographie de l’Université d’Haïfa, au nord de Tel-Aviv, et spécialiste de la gestion de l’eau au Moyen-Orient.

      La pénurie se fait néanmoins sentir du côté palestinien, dans les territoires occupés militairement par Israël. L’approvisionnement en eau potable est aléatoire. Et les agriculteurs palestiniens prient pour un hiver pluvieux qui viendrait remplir les réservoirs de fortune aménagés un peu partout dans la vallée du Jourdain. En attendant, l’inquiétude et la colère grondent en Cisjordanie (voir texte à paraître demain à ce sujet).

      L’hiver dernier a vu naître l’espoir, avec les précipitations les plus abondantes en cinq ans. Le lac de Tibériade (aussi appelé mer de Galilée en anglais et lac Kinneret en hébreu) est revenu à un niveau acceptable. Les pluies sont toutefois devenues l’exception plutôt que la règle dans la région : les deux tiers d’Israël reçoivent moins de 200 millimètres de précipitations par année, et la moitié du pays en reçoit moins de 100 millimètres (Montréal a reçu précisément cette quantité en deux heures lors du déluge du 14 juillet 1987 !).

      Prévoyant le pire, le ministère de l’Énergie a entrepris de presque doubler la capacité de dessaler l’eau de mer d’ici 2030. Deux nouvelles usines sont déjà prévues, à Sorek, près de Tel-Aviv (ce sera la plus grande du monde, à côté d’une usine existante), et dans le nord-ouest du pays, en Galilée.

      Devant l’ampleur de la crise, l’État hébreu a même annoncé un projet d’ingénierie unique au monde : une partie de l’eau de mer désalinisée servira à remplir le lac de Tibériade. Un pipeline de 90 kilomètres est en construction vers le lac mythique où Jésus est réputé avoir marché sur l’eau. L’État hébreu ne croit toutefois pas aux miracles pour sauver le seul lac du pays, considéré comme un véritable trésor national.

      « Le niveau du lac diminue même si on n’y puise presque plus d’eau ! Ça démontre clairement l’ampleur des changements climatiques », dit Yechezkel Lifshitz, du ministère de l’Énergie.

      Sécurité nationale

      Le gouvernement a entrepris de sauver le lac de Tibériade pour des raisons stratégiques, explique M. Lifshitz. L’État a besoin de cet immense réservoir naturel pour pallier des défaillances des usines de dessalement ou des attaques contre le système d’approvisionnement en eau — sabotage, attaques informatiques, au missile ou à l’explosif, tremblement de terre ou tsunami.

      Au-delà des considérations géostratégiques, l’État hébreu a le devoir moral de protéger le seul lac du pays, fait valoir Yechezkel Lifshitz. C’est un lieu historique, culturel, naturel et touristique crucial.

      Pour les mêmes raisons, Israël et la Jordanie élaborent des plans communs pour sauver la mer Morte, qui porte bien son nom : le niveau de ce vaste plan d’eau salée baisse d’un mètre par année depuis 30 ans. Quand on arrive par la route 90 qui longe la frontière avec la Jordanie, le spectacle est saisissant. On dirait une cuvette géante qui se vide. Des touristes japonais se prennent en photo devant un panneau indiquant : « Le point le plus bas sur Terre, -430 mètres. »

      Il fait 41 degrés Celsius sous un soleil de plomb en cet après-midi du mois d’août. On aperçoit au loin le « fleuve » Jourdain, qui alimentait jadis la mer Morte. Le mot « fleuve » n’a pas le même sens que chez nous. Oubliez le majestueux Saint-Laurent, le Jourdain n’est plus qu’un semblant de ruisseau à moitié vide. Un barrage a été construit à la sortie du lac de Tibériade, ce qui a asséché le pauvre Jourdain. Près de là, le lieu où Jésus a été baptisé par Jean le Baptiste est fermé aux visiteurs. On raconte qu’il serait ardu de faire un baptême aujourd’hui dans ce lieu saint transformé par la sécheresse.

      Pipelines en vue

      Pour sauver la mer Morte, qui se trouve à cheval sur la frontière entre Israël et la Jordanie, les deux pays travaillent sur deux possibles projets de pipeline, explique le géographe David Katz, de l’Université d’Haïfa.

      Le premier, surnommé « Red-Dead », remplirait la mer Morte à partir de la mer Rouge, au sud. La Jordanie construirait une usine de désalinisation pour produire de l’eau potable à Aqaba, sur la rive de la mer Rouge. L’eau salée rejetée par le processus de désalinisation serait acheminée par pipeline vers la mer Morte, au nord.

      Une solution moins coûteuse consisterait à aménager un pipeline « Med-Dead » qui alimenterait la mer Morte à partir d’une usine de désalinisation située près de la Méditerranée, en Israël.

      Israël fournit de l’eau potable à la Jordanie en vertu de l’accord de paix de 1994 entre les deux pays. L’État hébreu vend de plus grandes quantités d’eau que ce qui est prévu dans l’accord, mais cela reste nettement insuffisant, notamment à cause de la croissance démographique dans la région. Israël prévoit d’alimenter en eau 16 millions de ses citoyens en 2050, comparativement à 9 millions à l’heure actuelle. L’arrivée de centaines de milliers de réfugiés syriens en Jordanie — et d’environ un million de juifs d’origine russe en Israël une décennie plus tôt — a fait augmenter la demande en eau potable.

      Tout un défi, au moment où les sources se tarissent. Le pays a ainsi cessé au cours des derniers mois de puiser de l’eau dans sept sources importantes, explique Yechezkel Lifshitz, du ministère de l’Énergie. Il est même question de remplir ces sources avec de l’eau de mer désalinisée en cas de besoin.

      Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat–Le Devoir.

      Israël en bref :
      Capitale : Tel-Aviv
      Population : 8,7 millions
      Enjeu : L’État d’Israël, les territoires qu’il occupe et ses voisins sont dépendants de l’eau de mer dessalée afin d’alimenter villes et agriculteurs. Les changements climatiques amplifient cette dépendance, et il y a un risque de manquer d’eau potable.
      ================================================
      En Palestine, l’eau sous occupation militaire
      Marco Fortier, Le Devoir, le 7 janvier 2020
      https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/570289/l-eau-sous-occupation-militaire

      Le village d’Al-Auja était autrefois le grenier de la Palestine. Oranges, citrons, tomates et concombres abondaient dans cette région jadis irriguée par une source abondante. Les changements climatiques ont toutefois bouleversé la Palestine depuis deux décennies. Les champs d’Al-Auja ont été désertés. Il n’y a plus grand-chose qui pousse dans ces terres pierreuses.

      À la limite du village, une plantation de bananes détonne au milieu d’une terre aride. Un couple et son fils s’activent parmi les bananiers, sous un soleil de plomb. Il fait 41 degrés Celsius. « C’est la première fois depuis des années qu’on réussit à faire pousser des bananes. C’est une culture qui nécessite beaucoup d’eau, mais de l’eau, on en manque terriblement », dit Taghrid Naji, 49 ans, mère de sept enfants et agricultrice.

      Elle, son mari, Abdullah, et leur fils de 10 ans, Mosa, nous reçoivent dans leur champ. L’hiver dernier a été pluvieux — une exception, après cinq années de sécheresse record —, ce qui a permis aux agriculteurs du village de remplir les étangs qu’ils ont aménagés un peu partout dans la région.

      Abdullah a bricolé un système de pompes et de tuyaux rouillés qui crache un filet d’eau sablonneuse. « C’est de l’eau dégueulasse, qu’il faut filtrer, mais c’est de l’eau », explique l’agriculteur.

      La récolte de bananes s’annonce bonne, mais le couple ne se fait pas d’illusions. Il semble loin, le temps où le village exportait ses agrumes, ses melons d’eau et ses légumes jusque dans les pays du golfe Persique. Les agriculteurs palestiniens se sont tournés vers la culture de dattiers et de palmiers, qui nécessitent très peu d’eau. De nos jours, seul un hiver pluvieux peut mener à la culture de bananes ou d’agrumes dans la vallée du Jourdain. Et les hivers pluvieux se font rares.

      La faute des militaires

      La sécheresse est bien réelle, mais elle n’explique pas à elle seule la pénurie d’eau. Quand on leur demande la raison du manque d’eau, les Palestiniens parlent tous de l’occupation militaire de leur territoire par Israël. « Notre problème, c’est Israël, pas les changements climatiques », affirme sans détour Deeb Abdelghafour, directeur général à l’Autorité palestinienne de l’eau. On le rencontre à son bureau de Ramallah, capitale de la Cisjordanie.

      Comme à peu près tous les enjeux dans cette région trouble du monde, le partage des ressources en eau est d’une complexité extrême. Les réserves d’eau de la région prennent leur source au Liban et en Syrie, passent sous la Cisjordanie et débouchent en Israël. La gestion de ces aquifères a fait l’objet d’une entente en vertu des accords d’Oslo, au début des années 1990. Cette entente devait encadrer la gestion commune de l’eau par Israël et la Palestine pour une durée de cinq ans, mais n’a jamais été renégociée. La population a augmenté. Le climat s’est déréglé. L’eau devient plus rare. Et la colère monte en Palestine.

      « On est pris depuis plus de 20 ans avec un accord qui nous empêche d’exploiter nos ressources. Il est temps de dire assez ! », lance Deeb Abdelghafour.
      Photo : Jacques Nadeau Le Devoir Une Palestinienne évoque avec découragement les difficultés de cultiver des fines herbes dans les collines au nord-est de Ramallah.

      Les deux parties ont un droit de regard sur les projets de l’autre. Avant de creuser une station de pompage, tant Israël que la Palestine doivent obtenir la permission de l’autre. Le problème, c’est que ça ne se passe pas tout à fait ainsi, affirme le gestionnaire palestinien.

      « En réalité, Israël fait à peu près tout ce qu’il veut et bloque la plupart de nos requêtes », affirme Deeb Abdelghafour. Il rappelle que 61 % du territoire de la Cisjordanie se trouve en zone C — sous contrôle israélien — en vertu des accords d’Oslo.

      Le gestionnaire palestinien montre une carte de la Cisjordanie accrochée au mur de son bureau : « On sait exactement où pomper pour trouver de l’eau, dit-il. C’est là, là et là. Mais quand on demande un permis à Israël pour pomper notre eau, on se fait répondre que c’est impossible, que c’est une zone militaire interdite ou que c’est une zone protégée contre l’exploitation des ressources. »

      Résultat : les Palestiniens ont creusé des dizaines et des dizaines de puits illégaux, dénonce l’État israélien. Deeb Abdelghafour admet que c’est « vrai à 100 % ». « Il y a des puits illégaux, mais c’est à cause d’Israël : ils nous empêchent de creuser ! »

      Deux poids, deux mesures

      Les stations de pompage palestiniennes, légales ou illégales, sont généralement en mauvais état, paralysées par des bris mécaniques (à cause du manque de pièces de rechange), situées dans une zone où l’on trouve peu d’eau, ou simplement trop peu profondes pour atteindre la nappe phréatique, explique-t-il. C’est la triste réalité en Palestine : faute d’argent, les infrastructures tombent en décrépitude.

      Dans le village d’Al-Auja, une station de pompage financée par l’aide internationale a été construite il y a cinq ans, mais elle ne fonctionne pas. Les résidents du village sont frustrés. Ils ne se gênent pas pour critiquer l’Autorité palestinienne. « Il y a de la turbidité dans l’eau. On a besoin d’un filtre qu’on doit importer de l’étranger. On prévoit de lancer l’appel d’offres prochainement. On a un autre problème majeur : on n’a pas le personnel qualifié pour faire fonctionner la station de pompage », explique Deeb Abdelghafour, de l’Autorité palestinienne.

      Tout un contraste avec les puits creusés par Israël un peu partout en Cisjordanie pour approvisionner les colonies juives. À Al-Auja, les résidents notent que la demi-douzaine de colonies israéliennes du voisinage ont assez d’eau pour cultiver leurs champs. La multiplication des puits israéliens a contribué à tarir les sources de la Palestine, dont celle qui a fait la renommée d’Al-Auja, remarque Jihad Shabanat, ingénieur hydraulique pour la municipalité.

      Il vient d’une famille d’agriculteurs qui a cessé de cultiver ses terres, faute d’irrigation. Deux de ses frères ont fait comme des dizaines de Palestiniens : ils sont allés travailler dans les champs des colonies israéliennes. « C’est frustrant, dit-il. On n’a pas assez d’eau pour cultiver nos terres, alors on doit travailler pour les Israéliens qui occupent notre territoire et qui, eux, ne manquent pas d’eau. Tu peux imaginer comment on se sent. »

      La souveraineté d’abord

      Autre source de frustration, les Palestiniens dépendent presque entièrement de Mekorot, le distributeur national israélien, pour leur approvisionnement en eau potable. L’État juif a beau fournir plus d’eau que ce qui est prévu par les accords d’Oslo, tout le monde convient, des deux côtés du « mur de séparation », que c’est insuffisant pour répondre à la demande. Les municipalités palestiniennes — et les Palestiniens eux-mêmes — ont appris à stocker l’eau potable pour pallier l’approvisionnement sporadique du réseau israélien.

      « L’entente est jugée insuffisante pour les besoins des Palestiniens, entre autres à cause de la croissance de la population. Par habitant, les Palestiniens obtiennent environ le quart de ce qui est alloué aux Israéliens », explique David Katz, professeur de géographie à l’Université d’Haïfa.

      L’occupation militaire de la Palestine par Israël vient brouiller les efforts de coopération entre les deux nations, souligne le professeur. L’État juif est prêt à vendre davantage d’eau potable aux Palestiniens, mais ceux-ci refusent : ils réclament d’abord la souveraineté sur l’eau qui se trouve dans leur sol, pour répondre eux-mêmes à leurs besoins.

      Les Palestiniens rechignent à participer à des projets communs de dessalement de l’eau de mer avec Israël pour les mêmes raisons. Cette coopération avec les responsables de l’occupation illégale serait considérée comme une forme de renoncement à la souveraineté palestinienne.

      Les eaux usées restent non traitées en territoire palestinien pour des raisons similaires. « Israël a proposé l’aménagement d’usines régionales de traitement des eaux usées. Les Palestiniens disent qu’ils ne veulent pas d’usines qui serviraient les colonies, parce qu’ils font valoir que les colonies sont illégales. Il n’y a rien qui se construit, et les égouts polluent les aquifères », résume David Katz.

      Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat–Le Devoir.
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      Là où « chaque goutte compte »
      Marco Fortier, Le Devoir, le 8 janvier 2020
      https://www.ledevoir.com/monde/moyen-orient/570340/au-pays-ou-chaque-goutte-compte

      Soucieux de limiter l’immigration juive en Palestine, les Britanniques préviennent en 1939 que les maigres réserves d’eau de la région peuvent suffire à deux millions de personnes tout au plus. La population de la Palestine sous mandat britannique (l’équivalent d’Israël, la Cisjordanie et Gaza) était alors estimée à 834 000 personnes.

      On connaît la suite : 80 ans plus tard, l’État hébreu alimente en eau potable près de 13 millions de personnes (8,7 millions en Israël, plus de 4 millions en Palestine), en plus de distribuer de grandes quantités d’eau en Jordanie en vertu de l’accord de paix de 1994. Mais Israël a dû prendre les grands moyens pour faire mentir les Britanniques. La quête de l’eau et la préservation de cette ressource plus précieuse que le pétrole sont depuis toujours une priorité nationale.

      « L’histoire d’Israël est une histoire de gestion de l’eau. Ce pays souffre depuis ses débuts de manque d’eau et de périodes de sécheresse », dit Yossi Yacooby, chef de cabinet du président-directeur général de Mekorot, la société nationale de l’eau en Israël. Il nous accueille à son bureau, au centre de Tel-Aviv, en nous offrant un pichet d’eau fraîche : « C’est de l’eau du robinet », précise-t-il en souriant.

      Le défi du climat

      Comme l’a rapporté Le Devoir, la croissance démographique et les changements climatiques compliquent l’approvisionnement en eau en Israël et ailleurs au Moyen-Orient. L’État hébreu a dû construire en toute hâte cinq usines de dessalement de l’eau de mer, entre les années 2005 et 2016. Sans cet apport d’immenses quantités d’eau potable, il n’y aurait plus d’eau courante dans cette région parmi les plus arides de la planète. Les deux tiers du pays sont en plein désert.

      Ironiquement, la ville côtière de Tel-Aviv a été le théâtre d’un véritable déluge au cours des dernières heures. Les experts ont attribué ces pluies d’une rare intensité aux changements climatiques. Pourtant, le bouleversement du climat mène habituellement à la sécheresse dans cette partie du monde.

      « Avec les changements climatiques, on se prépare au pire, mais c’est ce qu’on a toujours fait. C’est pour ça qu’on est un peu en avance sur les pays qui commencent à considérer ça comme un problème », dit Shmuel Assouline, directeur des relations internationales au Centre Volcani, le laboratoire de recherche du ministère israélien de l’Agriculture.

      L’eau a rapidement été nationalisée après l’indépendance du pays en 1948. Toutes les formes d’eau sont tarifées — pour l’agriculture, l’industrie et la consommation des ménages. L’eau n’est jamais gratuite en Israël. Et un des premiers grands projets d’infrastructures de l’État naissant a été l’Aqueduc national, qui relie depuis 1964 le nord du pays, traditionnellement plus riche en eau, au sud désertique.

      Plus important encore, devant la rareté des réserves d’eau, le gouvernement israélien a pris une décision radicale : investir massivement dans le recyclage de ses eaux usées pour les réutiliser en agriculture. Selon le ministère de l’Énergie, le pays réutilise pas moins de 86 % de ses eaux usées (de pluie et d’égouts) — le taux le plus élevé du monde, loin devant l’Espagne, qui réutilise 17 % de ses eaux usées.

      Plus de 60 % de l’agriculture est issue de l’eau recyclée, selon Shmuel Assouline. Deux réseaux d’aqueduc distincts traversent le pays pour éviter que l’eau potable entre en contact avec l’eau vouée à l’agriculture, qui est de moindre qualité.

      Goutte à goutte

      En plein désert du Néguev, près de la frontière avec l’Égypte, un aqueduc de couleur rose longe la route 2357. « Danger, eau d’égout recyclée. Interdit d’en boire !!! » indique un autocollant apposé sur le tuyau.

      Une oasis apparaît tout à coup dans l’immensité aride. Un village verdoyant bordé d’arbres et de fleurs. Une fontaine trône en face des bureaux de la municipalité. Et tout autour du village, des champs cultivés s’étirent au loin dans la plaine.

      Cette éclosion de verdure au milieu du désert n’est pas le fruit du hasard. Tout ce qui pousse ici a été irrigué. Et nous sommes un peu dans la Mecque de l’irrigation : c’est ici, au kibboutz Hatzerim, qu’a été inventée en 1965 l’irrigation au goutte à goutte — une technique qui a révolutionné l’agriculture en milieu aride.

      Avec les changements climatiques, on se prépare au pire, mais c’est ce qu’on a toujours fait
      — Shmuel Assouline

      Netafim, l’entreprise qui a fait breveter le « goutteur », est aujourd’hui milliardaire, avec 4300 employés dans 110 pays. La Mexicaine Mexichem a acquis en 2017 80 % des parts de l’entreprise au coût de 1,5 milliard $ US. Le siège social de Netafim est ici, au kibboutz Hatzerim. La multinationale est le principal employeur du village de 1000 âmes.

      « L’irrigation au goutte à goutte a été inventée par accident », raconte Natan Barak, cadre de haut rang chez Netafim, en nous faisant visiter les champs de jojoba qui entourent le kibboutz. Un chapeau de paille le protège du soleil qui frappe fort, en cette fin d’avant-midi.

      Au milieu des années 1960, les résidants du kibboutz ont vu grandir avec stupéfaction un « arbre miraculeux » dans cette terre désertique. Ils se sont rendu compte qu’un vieux tuyau laissait fuir des gouttes d’eau près des racines de l’arbre.. Le « goutteur » était né. Aujourd’hui, en Israël, en Palestine et dans pratiquement tous les pays où l’eau devient rare, l’agriculture se fait au goutte à goutte.Cette technique requiert une fraction de l’eau consommée par l’irrigation traditionnelle, explique Shmuel Assouline, du ministère de l’Agriculture.

      Industrie de l’avenir

      Les chercheurs du Centre Volcani, dans une vaste plaine en banlieue de Tel-Aviv, développent désormais ce qu’ils appellent « l’agriculture de précision » : ils recourent à des données obtenues par satellite ou par drone pour connaître la couverture végétale, le type de sol, la quantité d’eau souterraine…

      Des capteurs à distance permettent de détecter les fuites d’eau, les tuyaux bouchés et même les mauvaises herbes. Le système émet des herbicides uniquement là où il le faut, et ferme automatiquement le tuyau en cas de fuite d’eau, explique Shmuel Assouline.

      Les chercheurs israéliens ont aussi développé des plantes tolérantes à la sécheresse, à la salinité et à la chaleur. La simple installation de filets au-dessus des cultures réduit l’effet du vent ainsi que l’évaporation, ce qui permet d’économiser de grandes quantités d’eau.

      L’eau a donné naissance à une véritable industrie qui regroupe 300 entreprises dans l’État hébreu, souligne Aviv Berkovich, gestionnaire à l’Institut d’exportation d’Israël. Le traitement des eaux usées et la détection des fuites, par exemple, représentent un marché d’avenir à cause des changements climatiques et de la croissance démographique. « À peu près 30 % de l’eau potable produite dans le monde est perdue à cause des fuites dans les aqueducs. Ça n’a aucun sens. Même les pays riches vont réaliser que l’eau est une ressource précieuse dont il faut prendre soin », dit-il.

      Contrer le gaspillage

      Malgré les prouesses techniques, l’approvisionnement en eau reste plus fragile que jamais en Israël et dans tout le Proche et le Moyen-Orient, prévient David Katz, professeur au Département de géographie de l’Université de Haïfa. Après une enquête nationale sur la gestion de l’eau potable et la construction en toute hâte de cinq usines de dessalement de l’eau de mer, le gouvernement israélien a clamé il y a cinq ans que « la crise de l’eau est réglée ». Ce fut une erreur magistrale, estime le professeur Katz.

      « Quand les gestionnaires de l’eau disent qu’il n’y a plus de pénurie, c’est de la foutaise ! », lance cet économiste spécialisé en gestion de l’eau.

      « Nous sommes des meneurs en dessalinisation, en traitement des eaux d’égout, en détection des fuites. Tout cela est vrai. Mais nos aquifères sont épuisés, nos rivières sont asséchées, nos milieux humides ont été détruits et le niveau de notre unique lac est constamment sous la ligne rouge qu’il est censé ne jamais atteindre », ajoute David Katz.

      Durant la première décennie du millénaire, le gouvernement a mis en place des campagnes très efficaces pour économiser l’eau. Les tarifs ont doublé entre les années 2000 et 2010. La consommation des aqueducs municipaux a diminué de 20 % entre 2007 et 2009, souligne David Katz.

      Des campagnes publicitaires de choc ont rappelé aux citoyens que « chaque goutte compte ». Après cinq années de sécheresse record, les ménages ont reçu en mai 2018 une alerte du ministère de l’Énergie : « Économisez l’eau, réduisez votre temps de douche de deux minutes ! » Les enfants apprennent dès la maternelle à fermer le robinet pendant qu’ils se lavent les mains. En arrivant en Israël, les visiteurs étrangers sont frappés par l’accumulation de poussière sur les voitures. Ici, on ne gaspille pas l’eau pour nettoyer un tas de tôle.

      Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir