• Quoi ? Rien sur la #critical_mass sur seenthis ?

    La Critical Mass de #Genève fête ses 20 ans !

    Depuis bientôt 20 ans, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, tous les derniers vendredis du mois se déroule à Genève un événement à nul autre pareil. Pour dénoncer l’emprise du trafic motorisé sur l’#espace_public, des gens à #vélos se donnent rendez-vous ce jour-là à 18h30 au pont des Bergues, point de départ de la critical mass. Regard croisé d’Alain et Eddie (prénoms d’emprunt) sur cette coïncidence cycliste et cyclique qui va bien au-delà d’une simple balade à vélo.


    https://renverse.co/home/chroot_ml/ml-geneve/ml-geneve/public_html/local/cache-gd2/00/6990edb887ff96b80aa6217bd31f42.jpg?1557935250

    #vélo #vélos #vendredi #vendredis

    En France, je dirais qu’on appelle cela #Vélorution...
    Ici à #Grenoble : https://www.le-tamis.info/evenement/velorution-grenobloise

    La Vélorution est une #manifestation à #bicyclette, ouverte à toutes et tous avec les idées de chacun et chacune. Sachant que l’un des moyens les plus efficaces de diminuer les risques en vélo est d’atteindre une #masse_critique de cyclistes, nous proposons de se réunir tous les derniers vendredi du mois pour une #déambulation_militante dans les rues de Grenoble et alentours.

    Les vélorutions se distinguent des véloparades par leur aspect plus revendicatif et politique. Nous revendiquons le #droit_de_circuler_en_sécurité (augmentation du nombre de cyclistes, limitation du trafic motorisé, création d’infrastructures, etc. ).


    #revendications

    ping @carfree

  • Between throwing rocks and a hard place : FPI and the Jakarta riots
    https://www.cetri.be/Between-throwing-rocks-and-a-hard

    Many of the questions surrounding who was responsible for the violence that erupted in Jakarta on 21–22 May will likely never be answered. Prevailing theories suggest roles for a mix of interests and actors, involving paid thugs, religious extremists, opportunists and mysterious gunmen. But there is little clarity on which, if any, of the gaggle of contesting elites may have “masterminded” the unrest, or what precisely they sought to gain from it. In this respect there are strong resonances (...)

    #Southern_Social_Movements_Newswire

    / #Le_Sud_en_mouvement, #Indonésie, #Election, #Religion, #New_Mandala, Revendications (...)

    #Revendications_identitaires

  • Modi Won Power, Not the Battle of Ideas
    https://www.cetri.be/Modi-Won-Power-Not-the-Battle-of

    The Hindu nationalists were victorious. What does that say about India ? Prime Minister Narendra Modi of India has led his Hindu nationalist Bharatiya Janata Party to a major victory in the country’s general elections, winning more than 300 of the 543 parliamentary seats and five more years to run the country. This is an impressive achievement, but how has Mr. Modi been able to do it ? And why has the Indian National Congress, the old national party, been restricted to a mere 52 seats ? In (...)

    #Le_Sud_en_mouvement

    / #Le_Sud_en_mouvement, #Inde, #Election, #Mouvements_réactionnaires, #Revendications_identitaires, Other (...)

    #Other_news

  • #Maurice_Alcindor - #Sékirité_sociale

    https://www.youtube.com/watch?v=tqdUmSduSRk


    #sécurité_sociale #Martinique #Etat_providence #musique #chanson #musique_et_politique

    Chanson entendu dans l’émission Juke-Box sur France culture ce soir, le 02.03.2019 :
    1967-1974 : les cadences troubles des #Antilles_françaises

    En #Martinique comme en #Guadeloupe, la musique avait toujours accompagné l’histoire et les luttes d’émancipations collectives : depuis le #Gwo-ka entonné par les esclaves dans les #plantations de café ou de sucre, le #quadrille que l’on jouait aux maîtres ou la festive biguine apparue fin XIXème et qui restera longtemps l’une des danses les plus populaires des Antilles françaises.

    Devenus départements français en 1946, Guadeloupe et Martinique restent pourtant sur leur faim : l’intégration à la République n’a pas entraîné de réelle décolonisation économique, aucune industrie n’est venue pallier la fermeture des usines sucrières (dont le modèle est en crise) et dans les années 1960, des discriminations persistent à travers certains bars réservés aux blancs ou l’interdiction du créole dans certaines cours d’école.

    Tandis que s’ouvrent à Pointe-à-Pitre les studios d’Henri Debs où s’enregistre la crème de l’époque dans les styles les plus divers, certains musiciens comme #Guy_Conquette décident d’utiliser la musique comme vecteur de #revendication_politique, ressuscitant pour l’occasion l’esprit « marron » et le #gwoka qui s’en allaient mourir d’oubli. Misère économique, chômage de masse parmi la jeunesse, mal logement et malnutrition, les raisons de la colère fermentent et aboutissent à la dramatique répression des manifestations de Pointe-à-Pitre, en mai 1967.

    https://www.franceculture.fr/emissions/juke-box/1967-1974-les-cadences-troubles-des-antilles-francaises

    ping @sinehebdo

  • Plongée au cœur du Facebook des « gilets jaunes »
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/01/30/plongee-au-c-ur-du-facebook-des-gilets-jaunes_5416440_4355770.html

    C’est une France qui ne manifeste pas spécialement de pensée raciste, homophobe ou antisémite, et se réclame plus volontiers de Coluche que de n’importe quel parti politique. C’est une France qui nourrit un sentiment de défiance, voire de ressentiment profond pour les « élites » de tous bords. C’est une France qui se sent vulnérable et injustement traitée, que ce soit par les forces de l’ordre, Emmanuel Macron ou les chaînes d’information. Et qui verse facilement dans un sentiment de persécution et dans une certaine forme de complotisme.

    Pour tenter de saisir la pensée des « gilets jaunes », nous avons réuni et analysé les deux cents publications les plus partagées au sein des différents groupes Facebook de la mouvance, depuis sa naissance jusqu’au 22 janvier.

    Au total, ces publications ont été partagées près de 6,9 millions de fois. La plus populaire d’entre elles a réuni à elle seule 340 000 partages et présente, ironiquement, une image qui aurait été « censurée par Facebook », selon l’auteur du message. L’intérêt de ce corpus est qu’il donne une vision des sujets qui rassemblent le plus d’internautes qui se revendiquent « gilets jaunes » en ligne, et permet d’appréhender les idées qui font consensus dans le mouvement.

    #Facebook #Gilets_jaunes

    • MÉTHODOLOGIE
      Pour réaliser cette étude, nous avons répertorié les 200 publications les plus partagées sur Facebook dans un ensemble de 204 groupes de « gilets jaunes » entre début octobre et le 22 janvier, à l’aide de l’outil d’analyse Crowdtangle. Nous les avons ensuite consultées une par une, afin d’en étudier le fond comme la forme. Lorsque cela été possible, nous avons évalué la véracité des faits qui y sont présentés.
      Les données utilisées dans le cadre de cet article sont consultables ici.
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      Après analyse, quatre grandes thématiques se dégagent de ce grand déversoir de frustrations. Elles se répondent, parfois se chevauchent, et souvent s’alimentent les unes les autres. Sans grande surprise, viennent d’abord les messages sur la mobilisation en elle-même et les instantanés de manifestations.

      Les #violences_policières sont vite devenues un sujet majeur au sein du mouvement
      Mais juste derrière, vient ce qui est rapidement devenu le grand sujet de discussion : la dénonciation de la #répression du mouvement, qu’elle s’appuie sur des faits avérés ou fantasmés. Dans ce contexte, le discours anti-élite et les #revendications précises de la mouvance sont finalement relégués au second plan.

      La répression du mouvement, sujet majeur de partage chez les "gilets jaunes"

      Parmi un ensemble de 200 messages publiés dans plus de 200 #groupes_Facebook avant le 22 janvier 2019.
      (graphique sous €)
      Autre élément intéressant dont nous avons pu mesurer l’ampleur : 35 de ces 200 messages n’étaient plus en ligne le 23 janvier, soit environ un sur cinq. Il s’agit de messages qui ont pu être modérés par les groupes Facebook en question, supprimés par leurs auteurs ou retirés par la plate-forme lorsqu’ils contrevenaient à ses conditions d’utilisation.

      La mobilisation jaune : fierté et #solidarité
      Il existe un très fort sentiment d’appartenance à la cause « jaune », qui se confond souvent avec une représentation idéalisée du #peuple. La part principale des posts les plus populaires porte sur la dimension massive de leur propre mouvement, soit pour l’alimenter, soit pour s’en féliciter, soit pour le relancer.

      Cela passe tout d’abord par des messages d’organisation, souvent rudimentaires. Ici, des #appels à bloquer un sous-traitant de la Bourse de Paris ou le marché de Rungis. Là, des appels à la solidarité, souvent lancés en direction des routiers, des motards, des chômeurs ou de figures du mouvement. A noter que si la volonté de paralyser le pays est explicite, les appels à la violence ne sont pas populaires à l’échelle du mouvement, d’autant qu’au fil des semaines, on a pu constater une #modération des propos à caractère violent, raciste ou conspirationniste. En 200 messages, nous n’avons ainsi recensé, encore en ligne à ce jour, qu’une seule glorification des violences contre les forces de l’ordre, et une invitation à mettre le « bordel » lors de la Saint-Sylvestre.


      La vidéo montrant la banda des « gilets jaunes » interprétant « Dans les yeux d’Emilie », au péage de l’autoroute A 64, à Pau (Pyrénées-Atlantiques), postée le 24 novembre. SAISIE D’ECRAN /FACEBOOK
      A travers leurs groupes, les sympathisants témoignent surtout avec enthousiasme du sentiment de faire corps, de faire masse. Photos de foule en jaune, appels à se compter, chansons ou clips louant le mouvement, partage de chiffres flatteurs des mobilisations, vidéos et photos de manifestants à l’étranger illustrent cette « fierté jaune », dont la mise en scène emprunte aussi bien à l’iconographie des révolutions françaises qu’à la musique populaire – de la guinguette au rap.

      La « répression » : entre violences avérées et théories du complot

      Dans cet imaginaire, face au mouvement populaire et pacifique des « gilets jaunes » se dresse une « forteresse d’Etat » qui tenterait d’écraser la révolte comme dans les pires dictatures. Et ce, avec la complicité des médias. C’est en tout cas ce que décrivent les nombreux messages fustigeant les méthodes employées par le gouvernement depuis le 17 novembre.

      Les « gilets jaunes » considèrent cette #violence_d’Etat comme injustifiée. Ils expliquent les débordements du mouvement par des théories aux accents conspirationnistes. Les dégradations lors de certaines manifestations ? Forcément la faute à des policiers déguisés en casseurs pour décrédibiliser le mouvement – une théorie qui n’a pas été avérée à ce jour. Des voitures saccagées à Paris ? De faux véhicules, sans immatriculation. Une mobilisation qui recule au fil des semaines ? La faute à de prétendus [ben voyons : contrôles des accès à l’Idf et aux villes et arrestations massives] barrages sur l’autoroute qui auraient empêché les manifestants de se rendre aux rassemblements.

      « On n’a plus le droit de reculer, maintenant »
      Parallèlement, dès les premiers rassemblements, la « jaunosphère » relaie massivement les photos et vidéos de ses « frères » aux visages tuméfiés, d’une femme âgée au bord de l’évanouissement ou de policiers frappant un « gilet jaune » par surprise. Dès le 29 novembre, un mot d’ordre soude la foule numérique :
      « On a plus le droit de reculer maintenant, pour tous ces gens décédés, blessés gravement, tabassés gratuitement… »
      Il est toujours délicat d’interpréter ces scènes, puisqu’il s’agit souvent de courts extraits, voire d’instantanés de situations beaucoup plus complexes, quand ce ne sont pas des clichés des blessures des contestataires a posteriori. Un constat d’ensemble s’impose tout de même : la quasi-totalité des images de personnes blessées que nous avons analysées nous sont apparues soit authentiques, soit invérifiables. Deux exceptions tout de même :
      la rumeur – infondée – d’un homme tué en direct à la télévision ;
      une vidéo qui compile des violences policières, mais remontait en réalité aux manifestations contre la loi travail en 2016.

      L’abondance des exemples entretient un #sentiment_d’injustice et de persécution, probant dans les commentaires. Face à ce qui est perçu comme un abus de pouvoir de la part des forces de l’ordre, les « gilets jaunes » partagent deux types de message, l’un faisant l’apologie de jets de cocktails molotov contre la police en Corse (un seul post de ce type, mais partagé près de 50 000 fois) ; l’autre suggérant le recours à des bombes de peinture, jugé plus ludique et plus pacifique (trois posts similaires, pour 105 000 partages au total).

      On trouve également des hommages appuyés aux « gilets jaunes » considérés comme « martyrisés » par le pouvoir. C’est le cas très médiatisé de Christophe Dettinger, le boxeur accusé d’avoir frappé des policiers lors de l’acte VIII du mouvement à Paris, présenté comme un héros ayant défendu des manifestants vulnérables. Ou de celui moins connu d’un Narbonnais condamné à un an de prison.


      Critique des #élites : Macron et le train de vie des #élus dans le collimateur
      Il y a les « gilets jaunes » d’un côté, et de l’autre eux, les nantis, les élus, les #médias, pour lesquels les membres de ces communautés nourrissent un profond ressentiment. Une personnalité concentre leur animosité : Emmanuel Macron. Le président de la République est la cible de nombreuses critiques et mises en scènes, dont certaines ordurières. On lui reproche, pêle-mêle, un exercice jugé monarchique du pouvoir, sa politique économique libérale, ses liens avec la finance… Sans oublier la hausse des prix des carburants : plusieurs photomontages le présentent ainsi comme « Miss Taxes 2018 » et appellent à sa démission.


      Mais au-delà du président, ce sont tous les élus qui sont visés. Trop rémunérés, pas assez actifs, déconnectés de la #vie_quotidienne des Français… Notre échantillon des coups de gueule des « gilets jaunes » est un bon condensé des procès faits aux représentants politiques. Certains sont fondés sur des faits – comme les avantages accordés aux députés français – ; d’autres, sur des rumeurs ou de fausses informations – comme l’affirmation selon laquelle ces mêmes députés seraient deux fois mieux payés que leurs homologues allemands ou britanniques.

      Les médias ne sont pas épargnés, à commencer par BFM-TV, qui fait l’objet d’une poignée de publications virulentes l’accusant de manipulation des chiffres ou des images. Mais ils sont souvent critiqués au détour d’une dénonciation plus large, comme des complices ou des idiots utiles du système.

      A la marge, une troisième catégorie plus étonnante apparaît : le showbiz, auquel les « gilets jaunes » reprochent de s’être détourné des #classes_populaires. Outre Franck Dubosc, deux posts très plébiscités accusent Les Enfoirés d’avoir tourné le dos aux plus démunis en ne soutenant pas les « gilets jaunes ». « Coluche aurait eu comme nous honte de vous », y lit-on. A l’inverse, ils ont été nombreux à faire circuler une chanson antipolitique de Patrick Sébastien (Ah si tu pouvais fermer ta gueule) et un sketch des Guignols de l’info sur les bénéfices de Total.

      Les revendications : #automobile, #justice sociale et #RIC

      Trois grands thèmes ressortent de notre analyse : un premier, historique, sur le traitement réservé aux automobilistes (péages, carburant, radars…), qui a été le ciment de la mobilisation à ses débuts. Un second, la #précarité, qui s’est ajouté dans un second temps. Puis un troisième, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), qui s’est imposé progressivement dans les débats.

      Ainsi, dès le 28 novembre, un message posté par une internaute récolte près de 40 000 partages. Il liste six exigences : le retour de l’impôt sur la fortune, la suppression de la hausse de la CSG pour les retraités et les handicapés, la revalorisation du smic, l’annulation de la hausse du prix du carburant, la baisse des charges pour les petits commerçants et les artisans, et la réduction du nombre des élus et de leur train de vie.


      Ce message du 28 novembre, posté par une internaute, récolte près de 40 000 partages.

      Les « gilets jaunes » sont-ils « apolitiques », comme ils aiment à le clamer ? A parcourir leurs groupes Facebook, une chose est sûre : les discours et argumentaires des partis politiques traditionnels n’y tiennent qu’une place marginale, voire anecdotique. Sur deux cents messages, seuls trois relaient ainsi directement une personnalité politique : il s’agit de Marine Le Pen (RN), pour une vidéo par ailleurs mensongère sur le pacte de Marrakech, et de la députée de La France insoumise Caroline Fiat, qui apparaît deux fois pour ses prises de position en faveur des « gilets jaunes ».

      A l’inverse, bon nombre de thématiques chères à l’#extrême_droite ne sont peu ou pas abordées, à commencer par l’immigration. Tout comme la sortie de l’Union européenne, la pénalisation de l’interruption volontaire de grossesse ou l’abrogation de la loi sur le mariage pour tous.
      Si des sites et des figures de l’extrême droite ont parfois réussi à surfer sur le mouvement, c’est d’abord en dehors des communautés de « gilets jaunes ». La « pensée jaune » est sans doute elle aussi une « pensée complexe ».

    • Methodologie biaisée : 200 publies les plus partagées indiquent juste le (s) dénominateur(s) commun(s) entre plein de pensées différentes, pas la tendance politique. D’ailleurs la manière d’éluder la teneur des 35 (c’est beaucoup) publications supprimées est assez significative !

    • Gilets jaunes : à Commercy, « l’AG des AG » remporte un succès d’affluence, Lucie Delaporte
      https://www.mediapart.fr/journal/france/270119/gilets-jaunes-commercy-l-ag-des-ag-remporte-un-succes-daffluence?onglet=fu

      Dans la commune de la Meuse, 75 délégations de gilets jaunes se sont retrouvées ce week-end pour débattre des suites à donner au mouvement. Au menu, échanges d’expérience et débats animés sur une possible structuration du mouvement.

      « Commercy, capitale des gilets jaunes ! » La formule, lancée par un participant dans la liesse qui caractérise depuis le début de la journée les quelque 300 représentants qui ont répondu à l’appel de cette petite ville de la Meuse, enthousiasme un moment. Venues de toute la France, près de 75 délégations ont envoyé à Commercy des représentants pour participer à l’#assemblée générale des assemblées générales des gilets jaunes, créées un peu partout sur le territoire ces dernières semaines (lire notre reportage sur l’expérience menée à Commercy depuis le début du mouvement).

      « On est dans une volonté de mise en commun des idées », précise Steven, un représentant du groupe de Commercy, avant de s’exclamer : « C’est extraordinaire ce qui se passe ici ! » Le succès dépasse manifestement les organisateurs : « On ne s’attendait pas du tout à ça, on est ravis », assure Claude, qui a largement contribué à l’organisation de ce week-end, mais qui tient d’emblée à préciser que l’AG de Commercy « ne va pas prétendre représenter tous les gilets jaunes de France. On va être humbles. Il s’agit de s’engager dans un processus démocratique par le bas ».

      La question, lancinante, de la légitimité de cette assemblée, de ceux qui s’expriment, traversera d’ailleurs tous les débats de ce mouvement si attaché à son horizontalité.

      À partir de neuf heures du matin, commencent à se rassembler dans la salle des fêtes de petits groupes venus de tout l’Hexagone et parfois même d’un peu plus loin. Un journaliste grec, qui échange avec un couple de Suisses, a fait le déplacement parce que « le monde entier regarde ce mouvement ».

      Rico et Chantal arrivent de l’Ariège, du Mas-d’Azil. Ils ont été mandatés par leur AG pour venir les représenter à Commercy. « On a été tirés au sort », précise Chantal, sémillante septuagénaire, qui depuis des semaines multiplie les actions dans son coin de l’Ariège certes reculé, mais « où existe un tissu associatif très vivant ». « Faut la voir bloquer des camions à quatre heures du matin ! », affirme Rico, la quarantaine, admiratif.

      « Macron peut lâcher sur les 80 km, on n’en a rien à faire. Son grand débat, c’est de l’enfumage ! Ce qu’on veut, c’est la #justice_sociale. On en a marre de bosser comme des cons pour rien avoir à la fin », résume Chantal, au diapason d’une assemblée remontée à bloc et persuadée que le mouvement des gilets jaunes, loin de s’essouffler, ne fait que commencer.

      La plupart des participants disent être venus à Commercy pour échanger leurs expériences, prendre des contacts, mais aussi se redonner de la force. « C’est important de discuter, de créer des liens. Et puis il faut qu’on s’organise face à la #répression », estime Stéphane, qui vit à Saillans dans la Drôme. « Moi je viens prendre un max de contacts pour échanger, parce qu’avec une grosse manif par semaine on a un peu la tête dans le guidon et on a du mal à prendre du recul », affirme Christophe, qui arrive de Montpellier.

      Adel, qui vient lui de Rungis, attend de voir « quelles suites va prendre le mouvement ». « En Île-de-France, on est un peu en retard, mais par contre ça continue à grandir », assure-t-il.

      La nécessité de mieux se coordonner, de mieux s’organiser est largement partagée. Tout comme l’inquiétude liée à la structuration d’un mouvement spontané et initié par la base. Dans la salle, si chacun met de côté son parcours politique, le refus de toute organisation bureaucratique du mouvement fait l’unanimité.

      Dans cette assemblée nettement marquée à gauche, et bien que chacun tienne à mettre de côté son éventuel parcours militant, on sent les militants échaudés par leurs expériences d’organisation pyramidale.

      Pour Younès, qui a été mandaté par son AG de Grenoble, c’est la grande force des gilets jaunes, qui rassemblent « des gens sans arrière-pensée politique, qui essaient de s’organiser en sachant que le pouvoir ne doit pas être accaparé par quelques-uns. Ils sont très vigilants sur cette question, ils ne veulent surtout pas d’un #leader qui a la science infuse ».

      Ici, la question d’une liste gilets jaunes aux européennes ne fait même pas débat. « On dénonce un système politique, c’est pas pour rentrer dedans ! », résume Anne, qui arrive de Nancy et pense comme la majorité des participants interrogés que cette initiative ne vise qu’à affaiblir le mouvement, autant que le « grand débat » organisé par Macron, unanimement rejeté.

      Vers 13 heures, la longue présentation des différentes délégations débute avec cette consigne, rappelée par Claude : « Ne pas être trop long, ne pas jouer les grandes gueules. »

      De Dijon à Poitiers en passant par Lorient ou Nice, avec une forte présence de groupes franciliens, les différents représentants détaillent la situation de leur côté. Et témoignent de la grande diversité du mouvement. Un représentant de l’AG de Saint-Nazaire raconte que les gilets jaunes occupent là-bas un bâtiment vide, rebaptisé « maison du peuple ». « On fait une assemblée générale par jour », explique-t-il, précisant que les gilets jaunes sont aussi très mobilisés « sur le ralentissement de l’activité portuaire » (lire notre reportage sur place, et le blog de ce groupe, hébergé sur Mediapart).

      Venu du Vigan, petit village du Gard, Kevin affirme que le mouvement y reste fort : « Pour un village de 3 000 habitants, on a entre 60 et 80 personnes à chaque assemblée. » Des « commissions thématiques » y ont été mises en place « sur la question de l’autonomie alimentaire de la vallée, par exemple », précise-t-il.

      « Le problème, c’est la coordination de toutes les actions »

      Patrick, de Paris, rappelle que la question qui revient le plus dans les allées du marché de la place de La Réunion, dans le XXe, est celle du #logement, des #loyers trop chers, quand Louise explique qu’elle s’exprime ici au nom du groupe des #femmes gilets jaunes en Île-de-France, un groupe créé « pour porter les revendications spécifiques des femmes isolées dans les gilets jaunes. Parce que plus prolo que le prolo, il y a la femme du prolo », lance-t-elle.

      À Horbourg-Wihr, petite commune d’Alsace, le mandaté décrit, de son côté, la présence bienvenue des motards dans le mouvement : « Je peux vous dire que lorsqu’ils sont là, c’est assez impressionnant », se réjouit-il.

      Un représentant de Dijon explique, lui, que si dans sa ville la mobilisation reste importante, « le problème, c’est la coordination de toutes les actions. Il y a beaucoup de groupes qui agissent chacun de leur côté », déplore-t-il. « J’ai vu qu’il y avait par exemple beaucoup de gens qui faisaient des tracts super. Ce serait bien si on pouvait les partager pour ne pas réinventer l’eau chaude chacun de notre côté », lance un représentant de Besançon.

      Beaucoup disent ce jour-là leur préoccupation d’élargir le mouvement, notamment en s’arrimant aux combats des salariés dans les entreprises. « Au départ, on s’est retrouvés par l’association des VTC, raconte Adel, mandaté par l’AG de Rungis. Une petite famille s’est créée. Aujourd’hui, on soutient les salariés de Geodis et on soutient naturellement tous les #salariés_en_lutte. »

      Faut-il appeler à la #grève générale le 5 février, comme y appellent notamment la CGT et La France insoumise ? La question est âprement débattue, tout comme celle de la place à donner aux #syndicats dans le mouvement. Certains refusent, par principe, de s’associer à un mot d’ordre syndical alors que les syndicats sont restés largement en dehors du mouvement.

      Quelles #revendications mettre en avant ? Le débat s’anime entre ceux qui estiment qu’il est trop tôt pour arrêter un socle détaillé et ceux qui jugent important d’acter les grandes tendances autour de la justice fiscale et sociale ou les exigences démocratiques.

      « Il faut mettre en avant des revendications unificatrices », avance un participant, quand un autre propose de « se mettre d’accord sur les grands points pour nous permettre de massifier le mouvement ». « Ou alors on se met d’accord sur ce qu’on ne veut plus, parce qu’être trop précis dans les revendications, cela peut diviser », suggère un autre.

      La discussion, alors que la soirée avance et que la nuit est tombée depuis longtemps, finit par patiner un peu. « J’ai l’impression qu’on est à Nuit debout, là », s’agace à nos côtés un jeune homme barbu.

      Quelqu’un s’inquiète : « On ne va pas ressortir de ce week-end sans un écrit, quand même ! » « Les gens ne sont pas venus ici pour du beurre, nous confie Patrick, de Paris. En tout cas, cela présage un débat extrêmement compliqué sur la structuration du mouvement ! », pronostique-t-il.

      L’idée de rédiger un texte commun le lendemain matin est finalement actée.

      En fin de soirée, sur la position à tenir face à l’#extrême_droite, la discussion s’affole et la sérénité joyeuse qui a marqué l’essentiel de la journée disparaît quelques minutes. Alors qu’au cours de la journée, de nombreux participants ont demandé qu’une position claire soit prise contre toute forme de #xénophobie, #sexisme ou #homophobie, les avis divergent sur la manière de se démarquer de l’extrême droite.

      « On nous a assez traités de fachos. Il faut dire que ces gens-là n’ont rien à voir avec nous », estime une participante, qui propose que l’AG condamne explicitement les violences commises le jour même par des groupuscules d’extrême droite.

      « On est censés être apartisans », souligne un jeune homme, qui se dit gêné par l’idée de cibler, plus ou moins explicitement, le Rassemblement national. « C’est pas un parti politique, l’extrême droite ! », lui rétorque celle qui a fait la proposition. « Ben si ! », se voit-elle répondre.

      Alors que la fatigue se fait sentir, Claude qui joue ce soir-là les monsieur Loyal reprend le micro pour aborder le dernier point à l’ordre du jour : « Comment on s’organise pour rester le plus démocratique possible ? »
      Faut-il demander que tous les #mandats des représentants soient impératifs ? Sans pouvoir décisionnel ? Plusieurs interventions défendent l’idée de ne surtout pas imposer un carcan national aux #assemblées_locales. « Les assemblées locales doivent être souveraines », juge une participante.

      Une chose est sûre : « La #démocratie, c’est super difficile, on le constate encore aujourd’hui », conclut Claude du haut de sa longue expérience militante.

  • Les vertus de l’inexplicable – à propos des « gilets jaunes » | AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/opinion/2019/01/08/vertus-de-linexplicable-a-propos-gilets-jaunes

    par Jacques Rancière

    Les révoltes n’ont pas de raisons. En revanche, elles ont une logique. Et celle-ci consiste précisément à briser les cadres au sein desquels sont normalement perçues les raisons de l’ordre et du désordre et les personnes aptes à en juger. Ces cadres, ce sont d’abord des usages de l’espace et du temps. Significativement ces « apolitiques » dont on a souligné l’extrême diversité idéologique ont repris la forme d’action des jeunesses indignées du mouvement des places, une forme que les étudiants en révolte avaient eux-mêmes empruntée aux ouvriers en grève : l’occupation.

    l y a là assurément bien des raisons de souffrir. Mais souffrir est une chose, ne plus souffrir en est une tout autre. C’est même le contraire. Or les motifs de souffrance que l’on énumère pour expliquer la révolte sont exactement semblables à ceux par lesquels on expliquerait son absence : des individus soumis à de telles conditions d’existence n’ont en effet normalement pas le temps ni l’énergie pour se révolter.

    Il faudrait parfois prendre les choses à l’envers : partir précisément du fait que ceux qui se révoltent n’ont pas plus raisons de le faire que de ne pas le faire – et souvent même un peu moins. Et à partir de là, s’interroger non sur les raisons qui permettent de mettre de l’ordre dans ce désordre mais plutôt sur ce que ce désordre nous dit sur l’ordre dominant des choses et sur l’ordre des explications qui normalement l’accompagne.

    Plus que tous ceux des années récentes, le mouvement des gilets jaunes est le fait de gens qui normalement ne bougent pas : pas des représentants de classes sociales définies ou de catégories connues pour leurs traditions de lutte. Des hommes et femmes d’âge moyen, semblables à ceux que nous croisons tous les jours dans les rues ou sur les routes, sur les chantiers et les parkings, portant pour seul signe distinctif un accessoire que tout automobiliste est tenu de posséder. Ils se sont mis en marche pour la plus terre-à-terre des préoccupations, le prix de l’essence : symbole de cette masse vouée à la consommation qui soulève le cœur des intellectuels distingués ; symbole aussi de cette normalité sur laquelle repose le sommeil tranquille de nos gouvernants : cette majorité silencieuse, faite de purs individus éparpillés, sans forme d’expression collective, sans autre « voix » que celle que comptent périodiquement les sondages d’opinion et les résultats électoraux.

    Occuper, c’est aussi créer un temps spécifique : un temps ralenti au regard de l’activité habituelle, et donc un temps de mise à distance de l’ordre habituel des choses ; un temps accéléré, au contraire, par la dynamique d’une activité qui oblige à répondre sans cesse à des échéances pour lesquelles on n’est pas préparé. Cette double altération du temps change les vitesses normales de la pensée et de l’action. Elle transforme en même temps la visibilité des choses et le sens du possible. Ce qui était objet de souffrance prend une autre visibilité, celle de l’injustice.

    Il est vrai que cette « volonté » peut prendre elle-même la forme d’une revendication : le fameux référendum d’initiative citoyenne. Mais la formule de la revendication raisonnable cache en fait l’opposition radicale entre deux idées de la démocratie : d’un côté la conception oligarchique régnante : le décompte des voix pour et des voix contre en réponse à une question posée. De l’autre, sa conception démocratique : l’action collective qui déclare et vérifie la capacité de n’importe qui à formuler les questions elles-mêmes. Car la démocratie n’est pas le choix majoritaire des individus. C’est l’action qui met en œuvre la capacité de n’importe qui, la capacité de ceux qui n’ont aucune « compétence » pour légiférer et gouverner.

    #Gilets_jaunes #Démocratie

    • Expliquer les « gilets jaunes » ? Qu’entend-on par expliquer ? Donner les raisons pour lesquelles advient ce qu’on n’attendait pas ? Celles-ci, de fait, manquent rarement. Et pour expliquer le mouvement des « gilets jaunes », elles viennent à foison : la vie dans des zones périphériques abandonnées par les transports et les services publics comme par les commerces de proximité, la fatigue de longs trajets quotidiens, la précarité de l’emploi, les salaires insuffisants ou les pensions indécentes, l’existence à crédit, les fins de mois difficiles…

      Il y a là assurément bien des raisons de souffrir. Mais souffrir est une chose, ne plus souffrir en est une tout autre. C’est même le contraire. Or les motifs de souffrance que l’on énumère pour expliquer la révolte sont exactement semblables à ceux par lesquels on expliquerait son absence : des #individus soumis à de telles conditions d’existence n’ont en effet normalement pas le temps ni l’énergie pour se révolter.

      L’explication des raisons pour lesquelles les gens bougent est identique à celle des raisons pour lesquelles ils ne bougent pas. Ce n’est pas une simple inconséquence. C’est la logique même de la #raison_explicatrice. Son rôle est de prouver qu’un mouvement qui a surpris toutes les attentes n’a pas d’autres raisons que celles qui nourrissent l’ordre normal des choses, qu’il s’explique par les raisons mêmes de l’immobilité. Elle est de prouver qu’il ne s’est rien passé qui ne soit déjà connu, d’où l’on tire, si l’on a le cœur à droite, la conclusion que ce mouvement n’avait pas de raison d’être, ou, si l’on a le cœur à gauche, qu’il est tout à fait justifié mais que, malheureusement, il a été mené au mauvais moment et de la mauvaise façon par des gens qui n’étaient pas les bons. L’essentiel est que le monde reste divisé en deux : il y a les gens qui ne savent pas pourquoi ils bougent et les gens qui le savent pour eux.
      Il faudrait parfois prendre les choses à l’envers : partir précisément du fait que ceux qui se révoltent n’ont pas plus raisons de le faire que de ne pas le faire – et souvent même un peu moins. Et à partir de là, s’interroger non sur les raisons qui permettent de mettre de l’ordre dans ce désordre mais plutôt sur ce que ce désordre nous dit sur l’ordre dominant des choses et sur l’ordre des explications qui normalement l’accompagne.
      Plus que tous ceux des années récentes, le mouvement des gilets jaunes est le fait de gens qui normalement ne bougent pas : pas des représentants de classes sociales définies ou de catégories connues pour leurs traditions de lutte. Des hommes et femmes d’âge moyen, semblables à ceux que nous croisons tous les jours dans les rues ou sur les routes, sur les chantiers et les parkings, portant pour seul signe distinctif un accessoire que tout automobiliste est tenu de posséder. Ils se sont mis en marche pour la plus terre-à-terre des préoccupations, le prix de l’essence : symbole de cette masse vouée à la consommation qui soulève le cœur des intellectuels distingués ; symbole aussi de cette normalité sur laquelle repose le sommeil tranquille de nos gouvernants : cette majorité silencieuse, faite de purs individus éparpillés, sans forme d’expression collective, sans autre « voix » que celle que comptent périodiquement les sondages d’opinion et les résultats électoraux.

      Les #révoltes n’ont pas de raisons. En revanche, elles ont une logique. Et celle-ci consiste précisément à briser les cadres au sein desquels sont normalement perçues les raisons de l’ordre et du désordre et les personnes aptes à en juger. Ces cadres, ce sont d’abord des #usages de l’espace et du temps. Significativement ces « apolitiques » dont on a souligné l’extrême diversité idéologique ont repris la forme d’action des jeunesses indignées du mouvement des places, une forme que les étudiants en révolte avaient eux-mêmes empruntée aux ouvriers en grève : l’#occupation.
      Occuper, c’est choisir pour se manifester comme collectivité en lutte un lieu ordinaire dont on détourne l’affectation normale : production, circulation ou autre. Les « gilets jaunes » ont choisi ces #ronds-points, ces non-lieux autour desquels des automobilistes anonymes tournent tous les jours. Ils y ont installé matériel de propagande et baraquements de fortune comme l’avaient fait ces dix dernières années les anonymes rassemblés sur les places occupées.
      Occuper, c’est aussi créer un #temps_spécifique : un temps ralenti au regard de l’activité habituelle, et donc un temps de mise à distance de l’ordre habituel des choses ; un temps accéléré, au contraire, par la dynamique d’une activité qui oblige à répondre sans cesse à des échéances pour lesquelles on n’est pas préparé. Cette double altération du temps change les vitesses normales de la pensée et de l’action. Elle transforme en même temps la visibilité des choses et le sens du possible. Ce qui était objet de souffrance prend une autre visibilité, celle de l’#injustice. Le refus d’une taxe devient le sentiment de l’injustice fiscale puis le sentiment de l’injustice globale d’un ordre du monde. Quand un collectif d’égaux interrompt la marche normale du temps et commence à tirer sur un fil particulier – taxe sur l’essence, aujourd’hui, sélection universitaire, réforme des pensions ou du code du travail, hier – c’est tout le tissu serré des inégalités structurant l’ordre global d’un monde gouverné par la loi du profit qui commence à se dérouler.

      Ce n’est plus alors une demande qui demande satisfaction. Ce sont deux mondes qui s’opposent. Mais cette opposition de mondes creuse l’écart entre ce qui est demandé et la logique même du mouvement. Le négociable devient #non_négociable. Pour négocier on envoie des #représentants. Or les « gilets jaunes », issus de ce pays profond qu’on nous dit volontiers sensible aux sirènes autoritaires du « populisme », ont repris cette revendication d’horizontalité radicale que l’on croit propre aux jeunes anarchistes romantiques des mouvements Occupy ou des ZAD. Entre les égaux assemblés et les gestionnaires du pouvoir oligarchique, il n’y a pas de négociation. Cela veut dire que la #revendication triomphe par la seule peur des seconds mais aussi que sa victoire la montre dérisoire par rapport à ce que la révolte « veut » par son développement immanent : la fin du pouvoir des « représentants », de ceux qui pensent et agissent pour les autres.
      Il est vrai que cette « volonté » peut prendre elle-même la forme d’une revendication : le fameux référendum d’initiative citoyenne. Mais la formule de la revendication raisonnable cache en fait l’opposition radicale entre deux idées de la démocratie : d’un côté la conception oligarchique régnante : le décompte des voix pour et des voix contre en réponse à une question posée. De l’autre, sa conception démocratique : l’#action_collective qui déclare et vérifie la capacité de n’importe qui à formuler les questions elles-mêmes. Car la démocratie n’est pas le choix majoritaire des individus. C’est l’action qui met en œuvre la capacité de n’importe qui, la capacité de ceux qui n’ont aucune « compétence » pour légiférer et gouverner.

      Entre le pouvoir des égaux et celui des gens « compétents » pour gouverner, il peut toujours y avoir des affrontements, des négociations et des compromis. Mais derrière ceux-ci, il reste l’abîme du rapport non négociable entre la #logique_de_l’égalité et celle de l’inégalité. C’est pourquoi les révoltes restent toujours au milieu du chemin, pour le grand déplaisir et la grande satisfaction des savants qui les déclarent vouées à l’échec parce que dépourvues de « stratégie ». Mais une stratégie n’est qu’une manière de régler les coups à l’intérieur d’un monde donné. Aucune n’enseigne à combler le fossé entre deux mondes. « Nous irons jusqu’au bout », dit-on à chaque fois. Mais ce bout du chemin n’est identifiable à aucun but déterminé, surtout depuis que les États dits communistes ont noyé dans le sang et la boue l’espérance révolutionnaire. C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre le slogan de 1968 : « Ce n’est qu’un début, continuons le combat. » Les commencements n’atteignent pas leur fin. Ils restent en chemin. Cela veut dire aussi qu’ils n’en finissent pas de recommencer, quitte à changer d’acteurs. C’est le réalisme – inexplicable – de la révolte, celui qui demande l’impossible. Car le possible lui est déjà pris. C’est la formule même du pouvoir : no alternative .

      #égalité #égaux

  • Ce que Marx dirait des gilets jaunes - Didier LAPEYRONNIE, Sociologue - 27 décembre 2018
    https://www.liberation.fr/debats/2018/12/27/ce-que-marx-dirait-des-gilets-jaunes_1699758

    Les gilets jaunes s’inscrivent dans une longue tradition de #mouvements_populaires, tels qu’on les connaît depuis le People Party, les Narodniki ou les paysans parcellaires du XIXe siècle. Des « moments du peuple » qui n’annoncent rien mais exacerbent l’urgence à retrouver les chemins de la #lutte_des_classes.

    Tribune. Les gilets jaunes sont un objet non identifié. Leur mouvement n’a pas de précédent récent. S’il est original en France, il est d’une grande banalité dans la période actuelle et s’inscrit dans une tradition vieille de plus de deux siècles de mouvements qui surgissent dans des conjonctures mêlant des changements économiques brutaux à l’effondrement du système politique.

    Le mouvement uni deux symboles. Le gilet jaune, tenue de ceux qui sont au bord de la route, les perdants de l’#économie globalisée. Immobilisés, ils bloquent les ronds-points et détruisent les accès payants. Les invisibles deviennent visibles. Le drapeau français ensuite, qui flotte sur les ronds-points, est brandi dans les manifestations, porté sur le gilet, auquel s’ajoute la Marseillaise, chantée sans arrêt, y compris devant les cordons de police. Le gilet et le drapeau symbolisent les six caractéristiques du mouvement.

    1. Ils définissent le « #peuple » auquel se réfèrent les manifestants, peuple très divers mais uni par une même expérience des difficultés sociales.

    2. Face à l’#injustice, l’indignation est moins sociale que morale. Elle fabrique un peuple « en colère » comme beaucoup l’écrivent sur leur gilet : leur situation est due à la trahison des élites « corrompues » qui se « gavent » et sont prêtes à « vendre » le pays. Le « peuple » veut procéder à l’exclusion de l’#élite et la punir.

    3. Le rejet moral débouche sur l’appel à une souveraineté populaire directe qui se fait entendre de plus en plus fort au fur et à mesure que le mouvement dure, se traduisant par une hostilité aux corps intermédiaires et aux #médias et surtout aux parlementaires. Ni de droite, ni de gauche, l’essentiel est le face-à-face direct avec le Président dont on appelle à la démission.

    4. Le mouvement est incapable de se structurer, de se donner des porte-parole ou d’accepter une négociation : ce serait trahison et corruption. Entre l’injustice ressentie et l’appel au peuple, il n’y a pas de cadre politique permettant de s’organiser ou de construire des #revendications agrégeant les multiples demandes. Peu substantiel, le mouvement est facilement manipulable par des #idéologies plus consistantes, ouvert aux rumeurs et sensible aux théories « complotistes ».

    5. L’ensemble prend la forme d’une volonté de revenir dans le passé, non dans une logique réactionnaire, mais pour y retrouver les équilibres sociaux et politiques assurant un avenir plus juste pour les « petits », leur permettant de reprendre la route.

    6. Entre l’appel au peuple et les demandes diverses, il n’y a rien d’autre que des sentiments de la colère et un immense ressentiment. La violence en est l’aboutissement : elle maintient l’intégrité du mouvement. Elle est un court-circuit : elle fait entrer au cœur du système ceux qui sont #dehors. Elle est la seule #stratégie politique possible « pour se faire entendre ».

    Les gilets jaunes s’inscrivent dans la longue tradition des mouvements populaires, tels qu’on les connaît depuis le People Party ou les Narodniki au XIXe siècle jusqu’au Tea Party. Ils en sont un avatar presque ordinaire. Ils diffèrent sur une dimension : ces mouvements ont été teintés d’une forte #xénophobie, parfois de #racisme, mêlés à l’hostilité aux #pauvres qui bénéficient d’#aides_sociales. Ces thèmes ont été présents, mais ils sont restés mineurs.

    La crise de la représentation

    Marx a fait l’analyse la plus solide de ces mouvements, les expliquant par l’association des changements économiques, des difficultés sociales et de la crise de la représentation. Il n’y a presque rien à changer à son analyse. En 1848, les paysans parcellaires étaient confrontés à de profonds changements économiques mettant en cause leur existence. Comme les gilets jaunes manifestant dans Paris en petits groupes dispersés, leur #isolement ne leur permettait pas de se constituer comme une catégorie unie apte à se défendre. Leurs intérêts les opposaient aux autres groupes sociaux, mais les conditions de leur existence les séparaient les uns des autres. Il n’existait pas de #liens entre eux, aucune organisation, aucune #identité. Incapables de se représenter, ils devaient être représentés, écrit Marx, et ils attendaient des représentants et de l’Etat qu’ils les protègent contre les autres classes et surtout contre les changements, afin de leur redonner leur « splendeur d’antan ». Leur influence trouvait son expression dans la « subordination de la société au pouvoir exécutif », au politique. Marx était violemment hostile à ce type de mouvement, rejetant son #économie_morale et la volonté de « retour en arrière » comme l’appel au peuple et la #philosophie_de_la_misère.

    Il y voyait le vecteur de la prise de pouvoir de Bonaparte, le principal soutien d’un #régime_autoritaire et fort et une forme de révolte « primitive », marquant la fin d’un monde tout en faisant obstacle à une nouvelle lutte de classes. Comme les paysans parcellaires, les gilets jaunes sont le produit de la désintégration sociale et de l’injustice brutale produites par des changements économiques qui les laissent à l’écart et du vide dans lequel l’effondrement du système politique les a placés, en particulier la disparition de la Gauche dont il ne subsiste plus que des fragments caricaturaux. Ils sont le produit d’un « moment », moment du « peuple », inauguré lors de la dernière élection présidentielle, et qui peut durer de longues décennies comme nous le rappellent les paysans parcellaires dont la participation au #plébiscite a précipité l’effondrement de la démocratie : il a fallu attendre près d’un demi-siècle pour que les luttes des classes s’affirment par la construction d’un mouvement ouvrier et d’une Gauche politique. Les gilets jaunes n’annoncent rien mais leur mouvement populaire exacerbe l’urgence qu’il y a aujourd’hui de sortir de ce « moment du peuple » en refondant la démocratie représentative en retrouvant les chemins de la lutte des classes.

    Que les #précaires puissent guère tabler sur la grande usine comme lieu d’agrégation n’en fait pas pour autant des paysans parcellaires. Le sociologue enrégimente Marx pour mieux s’autoriser de « leçons de l’histoire ».

    #histoire #analyse #débat

  • « Le mouvement des “gilets jaunes” n’est pas un rassemblement aux revendications hétéroclites », Jean-Yves Dormagen et Geoffrey Pion
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/27/le-mouvement-des-gilets-jaunes-n-est-pas-un-rassemblement-aux-revendications

    D’après une étude de terrain réalisée à Dieppe, les deux chercheurs Jean-Yves Dormagen et Geoffrey Pion estiment, dans une tribune au « Monde », qu’il existe un socle de #revendications sociales et politiques parmi les militants.

    Tribune. Dieppe (Seine-Maritime), 30 000 habitants, premier port pour la coquille Saint-Jacques en Normandie, se trouve être un bastion du mouvement des « #gilets_jaunes ». Un des tout premiers groupes Facebook appelant à la manifestation du 17 novembre y a été créé. Il comptait près de 16 000 membres à sa fermeture, le 25 novembre.
    Ici, le mouvement a été immédiatement d’une ampleur exceptionnelle : le 17 novembre, plus de 1 000 personnes garnissaient la dizaine de ronds-points bloqués à l’entrée de la ville (dont 405 sur le rond-point d’Auchan, selon un comptage policier) et sur les départementales en direction d’Abbeville, de Beauvais, de Rouen et de Fécamp. Nous avons voulu profiter d’une présence sur le terrain pour évaluer et mesurer dès le départ ce qui se passait sous nos yeux.

    Rapidement, les chiffres proposés par le ministère de l’intérieur nous ont paru bien faibles. On citait des chiffres concernant le nombre de manifestants relevés à une heure H. Mais contrairement à ce que nous observions directement au quotidien sur le terrain, rien ne rendait compte de l’important roulement des « gilets jaunes » sur les #ronds-points, ni de la solidarité active de la population envers le mouvement – en lui apportant bois, nourriture et encouragements – comme du soutien passif que manifestaient de très nombreux automobilistes en mettant leur gilet jaune sur le pare-brise.

    Etonnant soutien populaire
    Nous nous sommes alors donné les moyens de mesurer précisément ces différentes formes de soutien. Les 26 et 27 novembre par exemple, nous avons réalisé un comptage à partir de 900 véhicules passant sur le rond-point d’Intermarché à Rouxmesnil-Bouteilles : 44 % d’entre eux arboraient un gilet jaune. Un nouveau comptage portant sur 3 291 véhicules était réalisé dans une cinquantaine de quartiers dieppois et de villages alentour, les 2 et 3 décembre : 38 % des véhicules ont alors le gilet jaune sur le pare-brise.

    Cette #solidarité n’a pas cessé de s’afficher depuis, comme en attestent les 32 % de gilets jaunes toujours présents sur les pare-brises des véhicules dieppois le 19 décembre. Le succès des pétitions contre l’augmentation des taxes débuté le 26 novembre à Arques-la-Bataille apportait une autre confirmation de cet étonnant soutien #populaire. En moins d’une semaine, les autres ronds-points l’avaient reprise et près de 14 000 personnes l’avaient déjà signée.

    Nous avons mené une étude systématique de ces signatures, pour ne pas en rester à de simples impressions qui se révèlent parfois trompeuses. Il ressort de l’analyse spatiale des signataires que 22 % des Dieppois et 15 % des Dieppoises ont signé cette pétition. Ce soutien d’un niveau très inhabituel se révèle maximal chez les 18-39 ans (24 %) et décroît l’âge avançant.

    Face à la nécessité de se structurer, de trouver un mode démocratique de désignation de #messagers et de hiérarchisation des revendications, des « gilets jaunes » nous ont alors sollicités pour les aider à mettre en place une consultation citoyenne. Celle-ci est réalisée le 9 décembre par des questionnaires-papier sur les quatre ronds-points toujours occupés à Dieppe (Arques-la-Bataille, Leclerc Rouxmesnil-Bouteilles, Euro Channel Neuville-lès-Dieppe et Auchan Dieppe).

    Plusieurs dizaines de « gilets jaunes » proposent durant toute la journée aux automobilistes et aux piétons de remplir ce questionnaire, dans leur voiture ou dans les abris de fortune construits sur les ronds-points. Le succès, là encore, dépasse les attentes et face à la volonté de répondre de nombreuses personnes, des questionnaires devront être réimprimés tout au long de la journée.

    Un premier mouvement social pour 54 %
    Nous avons analysé ces questionnaires qui représentent un matériel de première main tout à fait inédit sur les « gilets jaunes » eux-mêmes. Nous nous concentrerons ici sur les 822 répondants (sur 1 549) qui déclarent avoir participé « au moins une fois » à un rassemblement sur un rond-point depuis le 17 novembre. Parmi ces 822 « gilets jaunes » « actifs », 58 % sont des hommes et 42 % des femmes. Les 25-54 ans en représentent 60 %, quand les très jeunes adultes (18-24 ans) comptent pour 10 % et les plus de 65 ans, 9 %. Les salariés forment le gros des « gilets jaunes » (61 %) suivis par les #retraités (16 %), les #travailleurs_indépendants (6 %) et les #chômeurs (6 %) [là encore, l’hybride "chômeur en activité à temps réduit" semble passer à la trappe, misère de la #sociologie, ndc] .

    Il s’agit de leur première participation à un mouvement social pour 54 % d’entre eux. Ce qui montre à quel point ce mouvement rassemble des citoyens peu habitués à l’#action_collective et souvent éloignés de la politique. Un noyau dur de quasiment 14 % de « gilets jaunes » est présent presque tous les jours, soutenus par plus de 40 % qui sont présents régulièrement. Les 46 % restant ont fait acte de présence au moins une fois.

    Le soutien au mouvement, la détermination à durer dans le temps, donc à s’organiser et à se trouver démocratiquement des porte-parole fait l’objet d’un puissant consensus. C’est là un point très important qui démontre que le mouvement des « gilets jaunes » n’est pas vécu par ses principaux protagonistes comme un simple mouvement revendicatif et ponctuel : 91 % des « gilets jaunes » souhaitent s’organiser en un mouvement structuré et durable et 80 % pensent même qu’ils doivent se doter de messagers/porte-parole démocratiquement élus pour les représenter.

    « Très mauvaise » opinion du gouvernement
    Contrairement à une idée reçue qui a beaucoup circulé, le mouvement des « gilets jaunes » n’est pas un rassemblement hétérogène réunissant des revendications hétéroclites. Bien au contraire, ce mouvement s’organise autour d’un socle de revendications sociales et politiques qui font la quasi-unanimité parmi les participants actifs. La consultation organisée à Dieppe et alentour le confirme. Treize revendications ont été soumises à l’avis des « gilets jaunes » dieppois pour mieux déterminer leurs priorités.

    Le rétablissement de l’ISF, la revalorisation du smic, l’annulation de l’augmentation du prix du carburant, l’augmentation des retraites, la baisse des impôts directs, l’augmentation des impôts pour les plus grosses entreprises, le maintien et le soutien des petits commerces locaux, la réforme des rémunérations des élus et l’interdiction des délocalisations d’entreprises sont plébiscitées par plus de 90 % des « gilets jaunes » comme « prioritaires » ou « très prioritaires ».

    Enfin, le rejet du gouvernement et du chef de l’Etat contribue lui aussi à cimenter le mouvement : 77 % des « gilets jaunes » dieppois ont une « très mauvaise » opinion du gouvernement et plus des deux tiers d’entre eux jugent comme « très prioritaire » la démission ou la destitution du président de la République. Ce qui confirme encore une fois combien ce mouvement mêle indissociablement dimension sociale et dimension politique. D’ailleurs aujourd’hui, c’est le « RIC » – le référendum d’initiative citoyenne – qui a remplacé la suppression des taxes sur le diesel comme revendication prioritaire des « gilets jaunes » présents sur les ronds-points.

    Cette monographie du mouvement des « gilets jaunes », dans une ville typique de la France périphérique, montre son ampleur à l’échelle locale, la profondeur du soutien populaire dont il bénéficie, son homogénéité, et surtout – ce qui est peut-être le plus important – sa volonté de se structurer et de durer au-delà des premières revendications conjoncturelles qui lui ont permis d’émerger.

  • « Le mouvement des “#gilets_jaunes” est avant tout une demande de revalorisation du #travail », Yann Le Lann, sociologue, propos recueillis par Sylvia Zappi
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/24/le-mouvement-des-gilets-jaunes-est-avant-tout-une-demande-de-revalorisation-

    Le sociologue Yann Le Lann (université de Lille) a coordonné une enquête d’un mois sur le mouvement de protestation. Il revient pour « Le Monde » sur les enseignements de l’étude.

    Yann Le Lann est maître de conférences en sociologie à l’université de Lille. Spécialiste du travail, il a coordonné l’#enquête du collectif Quantité critique, composé de chercheurs et de doctorants de Lille et de Sciences Po Paris, qui a analysé le mouvement des « gilets jaunes » durant un mois. Le sociologue estime que l’identité du mouvement est centrée sur la reconnaissance du travail.

    Quel est le profil des gilets jaunes que vous avez interrogé ?
    Ce qui resort de nos questionnaires recoupe les informations déjà publiées sur ce mouvement : ce sont les #classes_populaires, employés et ouvriers, qui sont présentes sur les barrages. On y retrouve aussi beaucoup de #femmes qui ont pris une place importante dans le mouvement, souvent en position pivot : c’est à elles qu’on fait confiance pour gérer des caisses de solidarité ou mener des actions. On trouve aussi une part importante de #retraités. Tous nos questionnaires montrent qu’on a affaire à des personnes aux revenus inférieurs à 1 600 euros mensuels, voire très souvent juste au niveau du SMIC.

    Ce mouvement est passé d’une revendication contre les taxes sur les carburants à une demande de hausse des salaires. Vous expliquez que c’est une bascule très signifiante. Pourquoi ?
    Parce que c’est important pour comprendre le décalage entre la première perception de cette mobilisation et sa réalité politique, ce qui a donné lieu à un malentendu sur ce mouvement. Les premiers temps, les chaînes d’information l’ont présenté comme l’expression d’un ras-le-bol des territoires périurbains braqués contre la taxe sur les carburants. Le mouvement a eu l’intelligence de subvertir cette audience pour déplacer la revendication vers des enjeux de #salaire et de #retraite qui sont devenus le cœur de leur plate-forme.
    A nos yeux, c’est donc la question de la reconnaissance du travail qui est en jeu. Ceux qui se mobilisent sont des salariés qui n’ont pas les moyens de se mettre en grève. Parce que leur budget est trop contraint ou parce qu’ils n’ont pas les ressources politiques autour d’eux pour porter une revendication salariale auprès de leur patron. Ou parce qu’ils ont déjà fait l’expérience d’une négociation salariale qui a échoué.

    Et pourtant, les « gilets jaunes » sont passés à une plate-forme revendicative beaucoup plus large…
    Oui, parce que l’écho médiatique leur a permis de se faire entendre sur d’autres enjeux. Mais la question centrale demeure celle du travail. Comme, pour eux, le canal classique de la revendication collective, organisée sur les lieux de travail, est bouché, ça a débordé ailleurs : ils ont en quelque sorte contourné cette impossibilité en s’organisant en dehors des heures de travail, sur des barrages et des places, en occupant l’espace public. Du coup, ce n’est pas le patron qui est interpellé mais l’#Etat, qui est jugé comme ayant une responsabilité en matière salariale et se retrouve à devoir gérer ces #revendications. C’est tout à fait nouveau et c’est un défi pour lui.

    N’est-ce pas une remise en cause des syndicats ?
    C’est un coup de semonce. Les « gilets jaunes » sont très loin des organisations syndicales. Ceux que nous avons interrogés portent un regard très varié sur leur action ; nous avons tenté de les répartir en trois groupes. Le premier, très largement majoritaire, regroupe tous ceux qui n’ont aucun contact avec les #syndicats. Cela concerne les nombreux salariés des petites et moyennes entreprises (PME) ou des très petites entreprises (TPE) dans lesquelles il n’y a pas de structuration de la négociation collective.
    Ensuite, il y a ceux qui ont été en contact avec des syndicats, ont tenté de négocier des hausses de salaire et de meilleures conditions de travail, et n’ont pas obtenu gain de cause. Ils en ressentent une forme d’amertume. Le troisième profil, minoritaire, correspond à des personnes plus politisées qui veulent qu’il y ait convergence de luttes avec d’autres secteurs professionnels emmenés par les syndicats.

    Quel est le positionnement politique des « gilets jaunes » de votre échantillon ?
    On a trois blocs quasi égaux de 20 % entre les #abstentionnistes et #votes_blancs, les électeurs de Jean-Luc #Mélenchon et ceux de Marine #Le_Pen. On a vu se confirmer une polarité au sein du mouvement entre la gauche radicale et l’#extrême_droite, avec, au milieu, une zone grise difficile à cerner. Mais le sentiment que le gouvernement ne respecte plus la souveraineté populaire, qu’il est en rupture avec les intérêts du peuple, unifie ces trois pôles. D’une manière générale, nous avons perçu une défiance totale vis-à-vis de tous ceux qui ont été aux affaires depuis quarante ans.

    [comme souvent, ici "le travail" est un vocable qui unifie tout et exempte d’une analyse concrète de ses modalités, on remarquera que stage, chômage, en activité à temps réduit ou pas, AAH, etc ne sont pas cités parmi les variables prises en compte, ndc]

    Comment cela se traduit-il en matière de valeurs politiques ?
    Il y a indéniablement, parmi les « gilets jaunes », une part importante qui ressent une vraie crainte à l’égard de la crise migratoire et qui, lorsqu’on l’interroge sur l’#immigration, porte des idées xénophobes ou #racistes. Ainsi, 48 % des personnes que nous avons interrogées estiment qu’en matière d’emploi, « on devrait donner la priorité à un Français sur un immigré en situation régulière ».
    Malgré cela, le mouvement s’est politisé sur des slogans qui empruntent aux valeurs de la gauche. Car les porte-parole des ronds-points ont privilégié les mots d’ordre qui permettaient de fédérer. Ce sont les revendications sur les salaires, les retraites, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), qui se sont avérées les plus consensuelles et ont permis au mouvement de durer. Les « gilets jaunes » ont eu cette intelligence collective d’orienter leur parole publique vers le social et d’éviter de faire caractériser leur mobilisation comme un mouvement de « petits blancs » récupérable par l’extrême droite.

    Votre constat ne contredit-il pas les observations des chercheurs de Bordeaux dont « Le Monde » a publié les résultats ?
    Non, ils sont complémentaires. Il y a deux niveaux de pensée : les valeurs que l’on n’assume pas dans le face-à-face avec un enquêteur, et celles que l’on affirme seul en répondant à un questionnaire en ligne. Ces deux types d’enquête donnent des résultats souvent très différents.
    Nous avons mesuré qu’une partie des « gilets jaunes » est très sensible aux thèses présentant l’immigration comme un danger mais qu’ils ne les défendent pas à l’intérieur du mouvement. Les slogans xénophobes sont demeurés minoritaires. Ce sont la critique du gouvernement et la dénonciation d’une politique économique du pays qui ont soudé tout le monde.

    On a senti une lutte d’influence entre deux ailes du mouvement, les « mélenchonistes » et les sympathisants de Marine Le Pen. L’avez-vous perçue ?
    Cette opposition existe à l’évidence mais elle demeure difficile à capter parce qu’il y a très peu de militants organisés . Cela reste sourd, latent, entre des petits noyaux qui veulent que le mouvement s’organise autour des enjeux de démocratie et de justice sociale, et des tentatives de récupération de l’extrême droite sur les questions identitaires. Cette dernière a cependant échoué à l’intérieur du mouvement : j’ai le sentiment que le pôle abstentionniste des « gilets jaunes » n’est pas en train de basculer dans les bras de Marine Le Pen.

    Le fait que la revendication de hausse du #smic ait été autant centrale en est le signe. Tout comme la réaction massive contre les violences policières vécues sur les barrages et dans les manifestations du 1er décembre. Ce qui ne dit pas pour autant que le Rassemblement national ne puisse pas gagner, auprès d’une partie des Français, la bataille sur le sens du mouvement, alors qu’il n’est pas arrivé à imposer ses thèses à l’intérieur.

    #xénophobie #bataille_idéologique

  • Un #droit_à_la_mobilité soutenable pour tous ?

    Le mouvement des #gilets_jaunes porte de nombreuses #revendications parfois contradictoires, allant de moins d’impôts à plus de services publics. Il donne lieu à autant d’interprétations quant à ses causes : inégalités sociales, faillite des corps intermédiaires, crise de la représentation démocratique. Mais c’est une question de mobilité durable qui en est le déclencheur. Nous vous proposons un décryptage en carte, à paraître dans le prochain numéro de la revue (numéro 7, janvier-février 2019).

    https://www.horizonspublics.fr/territoires/un-droit-la-mobilite-soutenable-pour-tous
    #mobilité #mobilité_durable #cartographie #visualisation #inégalités #France

  • Une situation excellente ? Plate forme d’enquêtes militantes
    http://www.platenqmil.com/blog/2018/12/06/une-situation-excellente

    Vu les événements des derniers jours et ceux qui s’annoncent dans les jours à venir, il est possible que la situation soit excellente (1). Le pouvoir exprimé par les #Gilets_Jaunes a en effet provoqué une crise profonde au sein du gouvernement. Beaucoup de choses restent incertaines, le mouvement est trop récent, trop mouvant et contient trop d’éléments nouveaux pour tirer des conclusions, mais les gilets jaunes sont en train de produire un bouleversement d’ampleur, dans lequel toutes nos forces ont leur mot à dire.
     
    Le samedi 1er décembre a marqué une nouvelle étape de la mobilisation. Alors que l’exécutif faisait le pari d’un affaiblissement, les gilets jaunes ont remonté d’un cran le niveau de la confrontation, déjà bien élevé les semaines précédentes. La manifestation parisienne s’est transformée en une offensive telle qu’on n’en a pas connu depuis bien longtemps. Non seulement les gilets-jaunes étaient plus nombreux, mais ils et elles ont déployé une inventivité particulièrement efficace face à l’encadrement policier. La #révolte débordait de toute part et les techniques répressives habituelles – lacrymogènes, grenades, nasses, matraques ou canons à eaux – ne pouvaient pas y faire grand-chose. Des comités d’action s’improvisaient entre deux boutiques de luxe, on traversait des avenues bordées de sapins de Noël enflammés et des tags recouvraient la Place Vendôme. L’attention a tendance à se focaliser sur Paris, mais les récits qui émergent dans d’autres villes, voire des villages, montrent que le phénomène est bien plus large. Si on peut y voir une continuité avec les formes de réappropriations de la violence dans les cortèges, notamment depuis 2016, il faut reconnaitre qu’un cap a été franchi.
     
    Plus surprenant encore, le début de semaine qui a suivi donne l’impression que le ton est donné et qu’il peut porter plus loin encore. La réaction immédiate et puissante des lycéen.es est de ce point de vue exemplaire. Ils et elles ont repris leur lutte contre la réforme du bac et la sélection en donnant aux blocages l’intensité de l’époque gilet-jauné. Dans les facs, les AG font le plein contre l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant·es étrangers. Et on peut espérer que les #occupations qui se mettent en place s’inspirent elles aussi du climat pour prendre une forme moins autocentrée que ce qu’on a pu connaitre dans la première moitié de l’année. Les ambulancier·es ont carrément envahi la place de la Concorde alors que celle-ci se remettait à peine des émeutes du week-end. Dans le #syndicalisme de combat, des appels à prendre part à la manifestation commencent à voir le jour. En Ile de France, les cheminot·es et les postier·es ont déjà donné le ton, suivis par des secteurs moins attendus comme les cimentiers du Groupe Lafarge, ou par les camarades de Geodis Gennevilliers. Les fédérations trainent un peu, comme à leur habitude, mais certaines appellent à la grève, voire au blocage pour la CGT transport, à partir de lundi.


     
    Au-delà des #luttes les plus visibles, tout un ensemble de micro-évènements échangés de bouche à oreille laissent à penser qu’un parfum de révolution traine dans l’air. Selon les écoles – et sans que ce soit contradictoire – on peut y voir le résultat d’un processus de subjectivisation en pleine émergence ou bien l’ouverture d’une forme de légitimité à passer à l’acte. Dans les deux cas, l’effet produit peut être considérable au-delà d’une temporalité courte. Si le mouvement continue de se renforcer, on voit mal comment des réformes comme celle des #retraites ou de l’#assurance_chômage pourraient être mises sur la table, comme c’était prévu, au début de l’année prochaine. Pour le moment, Macron et son gouvernement continuent dans le cynisme absolu au service des plus riches. Ils se sont contentés de lâcher une ridicule suspension des taxes carburant pour l’année 2019, chiffrée à 4 milliards, ce qui représente une offrande de 6 centimes pour le diesel et de 3 centimes pour l’essence. Super ! Comment peuvent-ils croire qu’un truc aussi insignifiant pourrait faire taire des gilets-jaunes qui depuis vingt jours passent leur semaine sur des ronds-points et leur samedi face aux flics ? Sans compter que la veille, mardi 05 décembre, l’assemblée venait de valider un cadeau dix fois plus gros pour les patrons : une transformation du CICE en baisse des cotisations sociales pour un coût de 40 milliards sur l’année 2018. Un énorme foutage de gueule.
     

     
    On entend souvent que les gilets-jaunes ont bougé, mais on peut aussi penser que c’est nous-mêmes qui avons fait bouger nos #cadres_d’analyse de la situation, après reconnaissance des effets engendrés. Aux premiers jours, on était un peu étonnés que les gilets-jaunes carburent au prix de l’essence. Et pourtant, la taxe carbone, au même titre que la TVA, sont bien des #impôts_non_redistributifs, dont les riches s’acquittent aisément alors que d’autres galèrent. La thématique demeure trop restreinte mais elle a vite été débordée, sur la question des #services_publics ou du retour de l’#ISF (3) par exemple. Et elle peut encore déborder au-delà, jusqu’à rejoindre des enjeux qui nous sont plus familiers. Sur la question des #salaires tout d’abord, qui semble difficilement évitable quand on parle de difficulté à finir le mois. Sur la misère du #travail aussi, qui occupe une place de choix dans le pourrissement de nos quotidiens. Sur les violences policières bien sûr, qui ont viré au défoulement généralisé ces derniers jours. Finalement, depuis le début du mouvement, les #revendications portées partent principalement des #conditions_matérielles_d’existence et c’est leur force. Difficiles à synthétiser, mais englobant tous les aspects, elles pourraient être réunies sous une formule qu’on a beaucoup entendue et qui à le mérite de percuter : « On n’en veut plus de cette vie de merde ».

    Tout ça reste largement imprévisible et des zones d’ombres persistent. Des courants #citoyennistes, #légalistes et #nationalistes traversent bien certains esprits embrumés et nécessitent de poser des #clivages nets. (...)

    #lycéens


    • Les Gilets jaunes s’inscrivent ainsi dans cette lignée de mouvements interclassistes, pas uniquement ouvriers, qui s’élèvent contre une situation de vie chère vécue comme injuste. Au XVIIIe siècle, la plupart des émeutes prérévolutionnaires avaient cette motivation : contre la faim, contre l’impôt injuste. Au XIXe siècle également, il y a eu de très nombreuses révoltes populaires dénonçant les inégalités.

      Deuxième continuité, dans toutes les périodes, la révolte s’est heurtée au discours de mépris social des élites. Le recours notamment au terme de « jacqueries » pour déconsidérer un mouvement. Les dominants refusent de reconnaître la capacité de politisation des acteurs révoltés. De la Révolution française jusqu’à nos jours, c’est le propre des pouvoirs libéraux que de nier cette question sociale… qui finit par s’imposer par la force, faute d’être entendue.

      Même si le contexte diffère, la question sociale s’invite régulièrement dans l’Histoire. Alors que le discours dominant ne pose les problèmes que de manière gestionnaire, économique, ce qui monte, c’est le social. Comment on vit, comment on s’en sort. Avec les Gilets jaunes, ce n’est pas tant la question écologique que l’injustice sociale qui a éveillé la colère. J’ai vu un tag qui disait : « L’écologie c’est la guerre aux pauvres ». Dans un monde néolibéral, quand les mesures sont injustement réparties, c’est vrai.

      Dans une interview au journal « Libération », l’historien Gérard Noiriel parle de l’aveuglement social de l’élite : « Pour Macron, les classes populaires n’existent pas », explique-t-il. Qu’en pensez-vous ?

      Je suis d’accord. Tout se passe comme si le gouvernement avait oublié que des gens vivaient dans des situations difficiles et précaires. C’est lié à un problème de représentativité du monde politique : il n’y a presque plus de députés issus des classes populaires. Mais c’est aussi dû au fait que les classes populaires ne font plus peur. Or, on est obligé de faire attention à ceux qui nous font peur. Au XIXe siècle, il y avait un mépris social réel, avec les mêmes procédés de délégitimation. Mais la peur sociale faisait qu’on ne pouvait pas nier leur existence. Avec les émeutes des derniers week-ends, le pouvoir commence à avoir peur, et cela peut changer la donne.

      Mathilde Larrère est maître de conférence en histoire contemporaine, spécialiste de la citoyenneté, des révolutions, et du maintien de l’ordre.

  • affordance.info : Après avoir Liké, les gilets jaunes vont-ils voter ?
    https://www.affordance.info/mon_weblog/2018/12/les-gilets-jaunes-vont-ils-voter.html
    https://www.affordance.info/.a/6a00d8341c622e53ef022ad3a51481200d-600wi

    On a donc, une nouvelle fois un assez gros problème qui se profile à l’horizon pour autant que l’on soit attaché à une version républicaine de la démocratie. Parce que quelle que soit l’issue du mouvement des Gilets Jaunes et indépendamment de sa temporalité propre, il est absolument évident que les prochaines élections en France vont se jouer sur la cinquantaine de thèmes qui sont présentés ici. En commençant par ceux liés au pouvoir d’achat.

    Quelle que soit l’issue du mouvement, la base de donnée « opinion » qui restera aux mains de Facebook est une bombe démocratique à retardement ... Et nous n’avons à ce jour absolument aucune garantie qu’elle ne soit pas vendue à la découpe au(x) plus offrant(s).

    Pour autant que l’hypothèse sociologique ramenant l’essentiel du mouvement des gilets jaunes aux classes populaires et aux professions intermédiaires soit valide (et je pense qu’elle l’est comme expliqué entre autres par ici), la suite est parfaitement connue, elle est même déjà écrite.

    Le discrédit actuel des partis politiques « non radicaux » étant ce qu’il est, l’espoir de ne pas voir la France basculer sous présidence FN ne repose plus que sur le nombre de faux pas ou d’erreurs de communication que feront les leaders de ce parti fasciste et sur le charisme d’huître de leurs potentiels alliés. La seule alternative possible étant aujourd’hui à chercher du côté de la France Insoumise, à la seule condition que son leader charismatique parvienne à redescendre un peu sur terre.

    Dans mon dernier article sur le sujet je concluais en soulignant la forme « d’émancipation paradoxale » que produisait Facebook en permettant aux Gilets Jaunes d’accéder à un espace, discursif, médiatique, organisationnel et situationnel dont ces gens-là se retrouvaient privés depuis l’effondrement des corps intermédiaires supposés les représenter.

    • Quand on ne fait pas partie du groupe la partie « à propos » affiche 1,7 millions de membres. Et quand on le rejoint, la même partie « à propos » rajoute un million au compteur. La preuve avec les copies d’écran ci-dessous.

      Vue sans être membre du groupe

      Vue en étant membre du groupe. + 1 million :-)

      Assez ahurissant non ? C’est pas la 1ère fois que Facebook bidouille les chiffres ceci dit, mais là ... M’enfin, c’est le risque quand on est l’organisateur et en même temps la #police ;-)
      (...)
      Ajoutez à cela le fait que voilà des décennies que l’action politique a privé et amputé les #classes_populaires et intermédiaires d’un peu de leur #pouvoir_d'achat [hum hum toi aussi faudrait que tu redescendes sur terre ! ndc] et de beaucoup de leur dignité. (...)

      Ces informations, Facebook est en capacité de les « vendre », à tel ou tel parti politique dans le cadre de n’importe quelle élection. Pour être précis - c’est important - il ne « vendra » pas « le nom de Untel qui a liké telle proposition » mais il permettra à tel annonceur agissant pour tel parti politique ou tel lobby, d’afficher la bonne publicité ou le bon argument au bon moment sur le bon profil pour le convaincre que son candidat soutient cette idée.

      #Facebook #gilets_jaunes #revendications #abstention #vote #data #démocratie

  • Les Gilets Jaunes, l’économie morale et le pouvoir | Samuel Hayat -
    https://samuelhayat.wordpress.com/2018/12/05/les-gilets-jaunes-leconomie-morale-et-le-pouvoir

    (...)Difficile de ne pas être saisi par le mouvement en cours. Tout y est déconcertant, y compris pour qui se fait profession de chercher et d’enseigner la science politique : ses acteurs et actrices, ses modes d’action, ses revendications. Certaines de nos croyances les mieux établies sont mises en cause, notamment celles qui tiennent aux conditions de possibilité et de félicité des #mouvements_sociaux. D’où sinon la nécessité, du moins l’envie, de mettre à plat quelques réflexions issues de la libre comparaison entre ce que l’on peut voir du mouvement et des connaissances portant sur de tout autres sujets. A côté des recherches sur le mouvement en cours, espérons que l’éclairage indirect que donne la confrontation à d’autres terrains pourra dire quelque chose de différent sur ce qui a lieu.

    La situation

    Les images rapportées par les médias comme les déambulations personnelles pendant les événements du 1er décembre ont donné à voir un Paris jamais vu, ni en 1995, ni en 2006, ni 2016, trois moments pourtant où l’espace-temps habituel des mobilisations parisiennes s’était trouvé profondément déformé. Certains ont pu parler d’émeutes ou de situation insurrectionnelle. C’est possible, et pourtant rien ne ressemble à ce qui a pu avoir lieu durant les insurrections de 1830, 1832, 1848 ou 1871. Toutes ces insurrections avaient lieu au quartier, mettant en jeu des sociabilités locales, un tissu relationnel dense permettant aux solidarités populaires de se déployer. Mais le 1er décembre, le feu a pris au cœur du Paris bourgeois, dans ce nord-ouest parisien qui n’avait jusqu’ici jamais été vraiment le théâtre de telles opérations. Loin d’être menées par des forces locales, érigeant des barricades pour délimiter un espace d’autonomie, ces actions ont été le fait de petits groupes mobiles, habitant souvent ailleurs.

    Évidemment, les sociabilités locales jouent dans la formation de ces groupes. Il suffit de regarder ailleurs qu’à Paris pour voir la réappropriation collective d’un territoire, la formation de liens durables… Mais le 1er décembre, ces solidarités se sont déplacées dans un espace de manifestation lui-même plutôt habituel : les lieux du pouvoir national. On est là dans un registre tout à fait moderne, n’en déplaise à ceux qui parlent de jacqueries : c’est bien d’un mouvement national et autonome dont il s’agit, pour reprendre les catégories clés par lesquelles Charles Tilly qualifie le répertoire d’action typique de la modernité. Mais les règles de la manifestation, fixées de longue date (on situe généralement leur formalisation en 1909[3]), sont ignorées : pas de cortège, pas de responsables légaux, pas de parcours négocié, pas de service d’ordre, pas de tracts, de banderoles, d’autocollants, mais des myriades de slogans personnels inscrits au dos d’un gilet jaune.

    Toute la pratique du #maintien_de_l’ordre en est bouleversée, et on a pu voir combien les professionnels de la répression, malgré leur nombre, leur armement, leur entraînement, s’étaient trouvés débordés, incapables d’assurer même leur propre sécurité, sans parler de celle des biens et des personnes. On peut penser que les forces de l’ordre ne vont pas accepter longtemps de se faire ainsi malmener, et les violences policières, déjà très nombreuses, risquent d’encore s’amplifier [comme le confirme déjà des lynchages policiers le 1/12 et les innombrables tirs #policiers qui ont mutilés au moins quatre #lycéens ce derniers jours, ndc] , comme les appels à l’extension de l’usage de la force, voire à l’état d’urgence. Cet échec du maintien de l’ordre physique est allé de pair avec un échec encore plus complet du maintien de l’ordre symbolique : un président en déplacement pour un sommet international, un gouvernement inaudible (la rançon à payer pour un pouvoir personnel s’étant entouré de courtisans médiocres pour qu’aucune ombre n’en affaiblisse l’éclat), le pseudo-parti au pouvoir (LREM) occupé le même jour à élire un nouveau délégué général, comme si de rien n’était. (...)

    Les #revendications, justement, méritent qu’on s’y attarde. On en sait peu sur la manière dont elle a été composée, mais une liste de 42 revendications a été diffusée et largement reprise, tant dans les groupes que par les médias. Ces revendications possèdent quelques traits remarquables qui ont déjà été relevés : elles sont majoritairement centrées sur les #conditions_de_vie, bien au-delà de la seule question du prix de l’essence ; elles contiennent des prises de position contre la libre circulation des #migrants ; elles proposent des changements institutionnels qui renforcent le contrôle citoyen sur les élu.e.s, dont la rémunération se trouverait d’ailleurs ramenée au #salaire_médian. Cette liste a été qualifiée de « magma de revendications hétéroclite ». Il me semble au contraire qu’elle est profondément cohérente, et que ce qui lui donne sa cohérence est aussi ce qui a permis à la mobilisation des gilets jaunes de prendre et de durer : elle s’ancre dans ce que l’on peut appeler l’#économie_morale des #classes_populaires.

    L’économie morale des #Gilets_Jaunes

    Le concept d’économie morale est bien connu des chercheur.e.s en sciences sociales. Il a été développé par l’historien E. P. Thompson pour désigner un phénomène fondamental dans les mobilisations populaires au XVIIIe siècle : celles-ci faisaient appel à des conceptions largement partagées sur ce que devait être un bon fonctionnement, au sens moral, de l’économie. Tout se passait comme s’il allait de soi que certaines règles devaient être respectées : le prix des marchandises ne devait pas être excessif par rapport à leur coût de production, des normes de réciprocité plutôt que le jeu du marché devaient régler les échanges, etc. Et lorsque ces normes non écrites se trouvaient bafouées ou menacées par l’extension des règles du marché, le peuple se sentait tout à fait dans son droit en se révoltant, souvent à l’initiative de #femmes, d’ailleurs. Leur mobile était bien économique, mais pas au sens habituel : ils n’étaient pas mus par des intérêts matériels au sens strict, mais par des revendications morales sur le fonctionnement de l’économie.

  • BALLAST | Théo Roumier : « On a les moyens de défaire Macron »
    https://www.revue-ballast.fr/roumier

    Macron, Thatcher à la française ? Il s’inscrit en réalité dans le sale #travail de ses prédécesseurs. Mais en mode bulldozer. Il cherche à accroître la #domination du #capital dans le rapport capital/travail, une démarche initiée au moment du tournant de la rigueur sous Mitterrand, en 1983. Mais n’enterrons pas les résistances sociales ! La grève cheminote aujourd’hui, celle d’Air France, des salarié.e.s de McDo, du nettoyage… Macron finira par payer le prix de sa politique antisociale. Il faut l’avoir en tête : on a les ressources et les moyens de défaire Macron et son monde. Sa légitimité est très relative, avec un socle absolument pas majoritaire au regard du taux d’abstention très élevé — de surcroît, il a été élu face à Marine Le Pen. Il incarne et est seulement représentatif d’une caste de cadres sup’ techno et des professions libérales — en résumé, des traders aux avocats… à l’exception des camarades du Syndicat des avocats de France et du Syndicat de la magistrature, que je salue ! (rires) Sur cette base sociale, on peut le défaire. Mais il faut que le #mouvement social et ouvrier reprenne confiance en ses capacités. Rappelons-nous qu’avant Mai 68, un éditorial célèbre du Monde titrait « La France s’ennuie ». Cela dépendra de la capacité du monde syndical à se dépasser stratégiquement en incarnant autre chose, tant d’un point de vue théorique que… sportif. (rires) Il a à assumer la place qu’il tient aujourd’hui dans le tissu social français comme principal opérateur d’actions collectives. À cette condition, il pourra ouvrir bien des possibles et des futurs.

    « Le "dialogue social", c’est le patronat qui impose son agenda, ses thèmes, son calendrier, son idéologie. »

    Il faut, au préalable, rompre avec cette idée de « dialogue social » : elle ne rime plus à rien, si ce n’est à faire baisser le niveau de #revendication avec une déperdition d’énergie de syndicalistes dans des salons plutôt que dans la construction de solidarités et de résistances collectives. Le dialogue social, c’est le patronat qui impose son agenda, ses thèmes, son calendrier, son idéologie… Avec pour conséquences concrètes des cadeaux insensés du pouvoir, comme les milliards d’euros du CICE. On s’est fait assez arnaquer. Il faut revenir à une politique de classe du #syndicalisme en s’appuyant sur des modes d’action et des pratiques pensées collectivement. Cela entraînera certainement des recompositions syndicales. Le second impératif est d’en finir avec le débouché politique institutionnel des luttes : on ne va pas rejouer 1981, qui clôt le cycle de 1968, avec des luttes se coupant elles-mêmes les ailes en attendant l’action de futurs et bien improbables « camarades ministres ». Le projet de transformation sociale, c’est au mouvement social de l’incarner. De la Grèce de Tsípras au Venezuela de Chávez, on le voit : dans les institutions, ça finit en cul de sac.

  • 1er jour de grève à la Sncf | L’Actualité des Luttes
    https://actualitedesluttes.info/?p=3265

    Dans l’émission de ce jour, on vous emmène à l’Assemblée générale des cheminot-e-s qui se tenait Gare du Nord ce 3 avril, au premier jour de ce mouvement de grève contre le projet de réforme. Et nous poursuivons par la manifestation qui se tenait le même jour entre Gare de l’Est et Gare Saint-Lazare. Durée : 1h. Source : Fréquence Paris Plurielle

    http://actualitedesluttes.info/wp-content/uploads/2018/04/180404.mp3

    • Cette #bande_dessinée casse les idées reçues sur le « statut privilégié » des cheminots et explique leurs réelles #revendications

      Ultra-privillégiés, les #cheminots ? Des enfants gâtés de la république, qui en demandent toujours plus malgré la sécurité de l’emploi, et leurs 3 jours de congés payés supplémentaires ? Vous êtes sûr ? Si l’énervement qui peut vous habiter lorsque vous voyez votre train annulé ou votre voiture bloquée par une manif est compréhensible, le statut des cheminots est loin d’être aussi idyllique que certains ne semblent l’imaginer.

      Suppression massive d’emplois, destruction programmée du service public, transformation de la SNCF en société anonyme, abandon du statut de cheminot à l’embauche : les cheminots ont leurs raisons d’être en colère, et outre la dégradation de leurs #conditions_de_travail, les usagers du rail sont également concernés. C’est pour lutter contre les préjugés, les fantasmes qui nourrissent souvent le clivage entre travailleurs du privé et du public, que la dessinatrice Emma a publié une bande dessinée intitulée « Les preneurs d’otages ».


      https://www.demotivateur.fr/article/les-cheminots-sont-ils-aussi-privilegies-que-vous-le-pensez-une-bande-d

  • I pay for your story
    https://www.arte.tv/fr/videos/060199-000-A/i-pay-for-your-story


    A voir !

    À Utica, ville sinistrée du nord-est des États-Unis, le documentariste Lech Kowalski propose aux habitants de payer pour écouter leur histoire. Avant Trump, un portrait poignant de l’Amérique des marges, entre tragédie et survie.

    Lech Kowalski - Wikipedia
    https://en.wikipedia.org/wiki/Lech_Kowalski

    Lech Kowalski is an American film director of Polish descent. He was born in 1951 in London to Polish parents.

    His most notable film is the documentary, D.O.A., subtitled A Rite of Passage, which chronicled the burgeoning UK punk scene at the tail-end of the 1970s, and included footage of the Sex Pistols’ abortive 1978 American tour.

    #film #documentaire

  • Révolte en Iran : un fil d’actus fourni (que je ne saurais ni compléter ni critiquer), avec des #vidéos et articles
    https://twitter.com/contre_capital/status/946656455565955072

    La « ville sainte » de #Qom est également touchée maintenant par la contestation et les slogans anticléricaux contre l’ayatollah #Khamenei. (...)
    La révolte s’étend à toutes les villes aujourd’hui, même petites : #Gorgan, #Kerman, #Saveh, #Khorramabad, #Malayer, #Abhar, ... A #Tabriz où hier la foule a chassé un membre du clergé la police est partout. A #Shiraz le bâtiment du séminaire de théologie a été incendié.

    #révolte #manifestations #théocratie #Iran

    • Iran : la contestation s’étend à tout le pays, Jean-Pierre Perrin, Mediapart

      Après un défilé jeudi à Machhad, les manifestations, les premières depuis 2009, s’étendent à tout l’Iran. Les protestataires dénoncent la vie chère et la dictature. Pour la première fois, le nom du Chah a été scandé. Au moins deux personnes ont été tuées.

      Même à Qom, des centaines de manifestants ont crié vendredi des slogans violemment hostiles au régime. Cité sainte s’il en est, avec ses dizaines d’écoles théologiques, ses milliers de religieux et depuis laquelle l’ayatollah Khomeiny avait commencé sa fronde – devenue révolution – contre le régime du Chah, elle est de loin la moins remuante des villes iraniennes. Pourtant, d’après les images diffusées sur les réseaux sociaux, on y a scandé les mêmes slogans qu’à Rasht (nord), Kermanshah (ouest), Ispahan (centre) ou Machhad (nord-est) : « Mort au dictateur » ou « Libérez les prisonniers politiques ». Certains s’adressaient même directement au Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei : « Seyyed Ali devrait avoir honte et quitter seul le pays. »

      Depuis jeudi et à la surprise de tous les observateurs, l’Iran est en effet en proie à des manifestations, qui ont fini par atteindre Téhéran. Limitées dans chaque agglomération à quelques centaines de personnes, elles se sont néanmoins étendues à une large partie du pays – plus d’une vingtaine de villes sont concernées. « Signal d’alarme pour tout le monde », écrivait samedi le quotidien réformateur Armani. Dès vendredi matin, le président Hassan Rohani avait réuni son cabinet pour examiner la situation. Samedi, de nouveaux défilés antigouvernementaux se sont déroulés à Kermanshah ou à Shahr-e Kord (ouest). Samedi soir, deux manifestants ont été tués à Doroud, dans le sud-ouest du pays, a fait savoir le vice-gouverneur de la province du Lorestan.

      À Téhéran, des centaines de personnes avaient manifesté ce même jour dans le quartier de l’université, avant d’être dispersées par la police anti-émeute largement déployée. Dans la nuit de samedi à dimanche, Internet a été coupé sur les téléphones portables des Iraniens. Sur Twitter, le ministre des télécommunications, Mohammad-Javad Azari Jahormi, a accusé Telegram, suivi en Iran par 57 millions d’utilisateurs, d’encourager le « soulèvement armé ». De leur côté, les pasdaran (gardiens de la révolution) ont mis en garde dans un communiqué contre une « nouvelle sédition », reprenant le mot utilisé pour désigner les manifestations de 2009.

      Mais il n’y a, semble-t-il, pas eu de manipulation du régime dans les autres mouvements de protestation. À la différence des grandes manifestations de 2009, qui étaient d’emblée politiques, dénonçaient la réélection truquée de Mahmoud Ahmadinejad et exigeaient davantage de démocratie, ceux-ci portent d’abord des revendications matérielles concernant la vie de tous les jours. Mais, comme à Machhad, ils ont pris très vite une connotation anti-régime, voire anti-religieuse. « Mollahs, quittez l’Iran », a-t-on pu entendre dans cette ville phare du chiisme. « Liberté, indépendance et république d’Iran », ont scandé, de leur côté, les manifestants de Khorramabad (ouest de l’Iran). Ailleurs, on a pu entendre « Lâchez la Syrie ! Pensez à nous », en référence aux dépenses considérables engagées par Téhéran pour soutenir Bachar al-Assad. Plus étonnant encore a été la référence au Chah dont le nom n’avait jamais été scandé en public depuis le renversement de la monarchie en 1979. Double surprise puisqu’il ne s’agit pas de Mohammed-Reza Pahlavi, le dernier Chah renversé par Khomeiny cette même année, mais de Reza, son père, qui avait mis au pas les religieux à la différence de son fils, plus accommodant avec eux. « Béni sois-tu, Reza Chah », ont crié les contestataires de Qom. Un autre slogan, plus significatif, entendu dans d’autres villes : « Un pays sans Chah est un pays sans ordre [essab kitab – littéralement, sans livre de comptes]. »

      Les derniers rassemblements de grande ampleur en Iran remontaient à cette époque. Ils visaient à protester contre les fraudes ayant permis la réélection du président sortant, Mahmoud Ahmadinejad. Les manifestations de ces derniers jours sont bien différentes. Elles sont d’abord en réaction contre la vie chère – même si Rohani a fait tomber l’inflation de 40 à 8 % –, la faillite de plusieurs pseudo établissements de prêts qui a lésé d’innombrables petits épargnants, la baisse des retraites, le chômage qui atteint 28,8 % (chiffre officiel) chez les jeunes et la corruption devenue phénoménale au point que même le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, s’en est indigné, il y a quelques jours, à la surprise générale.

      C’est à Machhad, la grande cité sainte au nord-est de l’Iran et la seconde ville du pays par sa population, que la première manifestation, jeudi, a commencé, aux cris de « Marg Bar Rohani » (« Mort à Rohani »). Si l’on en croit l’opposant iranien Hassan Shariat-Madari, fils du défunt grand ayatollah Sayyed Kacem Shariat-Madari, ce sont les bassidji (miliciens) qui l’avaient organisée en manipulant les protestataires. Leur but était de fragiliser le président iranien et de démontrer l’échec de sa politique de réintégration de l’Iran au sein de la communauté internationale.

      Ville religieuse s’il en est, du fait du tombeau de l’imam Reza, avec un establishment religieux très lié aux factions des « oussoulgarayan » (principalistes ou fondamentalistes), qui en ont fait un foyer d’opposition à Rohani, elle a en réalité voté massivement pour ce dernier aux présidentielles du mois de mai et pour ses partisans aux municipales. D’où le calcul des bassidji d’organiser une manifestation dans une ville où il est supposé être populaire. Un calcul qui s’est avéré totalement désastreux, selon l’opposant interrogé samedi sur la chaîne iranienne Kayhan de Londres, puisque les slogans ont bien vite été détournés par les protestataires pour viser le régime tout entier. « Mort à Rohani » est ainsi vite devenu « mort à la dictature », sans doute en référence à Ali Khamenei. En outre, la manifestation a trouvé dès le lendemain des échos dans plusieurs autres villes iraniennes. D’où la colère des partisans de Rohani, en particulier de son vice-président, Eshaq Jahangiri : « Quand un mouvement social et politique est lancé dans la rue, ceux qui l’ont déclenché ne seront plus forcément capables de le contrôler par la suite. Ceux qui sont derrière ces événements se brûleront les doigts », a-t-il déclaré à l’agence Irna.

      Une radicalité bien différente du mouvement de 2009

      Différence aussi notable avec les manifestions de 2009, ce ne sont plus cette fois les classes moyennes et les étudiants qui défilent mais, comme on peut le voir sur les vidéos, les classes populaires, la frange inférieure de la classe moyenne, les ouvriers, les petits retraités. C’est-à-dire l’ancienne base révolutionnaire du régime, les mostazafin (les déshérités), comme les appelait Khomeiny qui voyait en eux « la torche » de la révolution islamique. « Ce sont tous ceux qui n’ont plus rien à perdre », résume le spécialiste de l’Iran Clément Therme, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques, à Londres. Jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas réprimé aussi violemment les manifestions qu’en 2009. Il y a eu certes des centaines d’arrestations – plus d’une cinquantaine à Machhad – et des matraquages, en particulier des étudiants de Téhéran qui ont rejoint le mouvement, mais la priorité a plutôt été d’organiser d’immenses contre-manifestations dans un millier de villes et localités.

      « Les manifestations contre le régime ont des raisons à la fois immédiates et structurelles, souligne le même chercheur. Les raisons immédiates, ce sont les hausses de prix, par exemple les œufs qui ont augmenté de 40 %, les difficultés de la vie quotidienne. D’une manière générale, il y a une grande déception par rapport à l’accord sur le nucléaire qui n’a pas conduit à ce que les Iraniens espéraient, en priorité des améliorations dans leur vie. » « Les secondes raisons, ajoute-t-il, sont structurelles, comme la corruption et la mauvaise gestion en particulier des ressources et de la redistribution de la rente pétrolière, des problèmes auxquels le régime est incapable d’apporter un remède. Celui-ci apparaît comme une caste de privilégiés qui bénéficie de cette rente et ne fait rien pour organiser sa redistribution. D’où un sentiment d’injustice immense. Le solution Rohani, en fait, ne fonctionne pas : il y a une contradiction entre le néolibéralisme promu par la faction élue et le clientélisme du régime que l’on peut voir à l’œuvre notamment dans les manifestations massives pro-régime. »

      C’est donc plus par ces manifestations en sa faveur – elles ont lieu chaque année à la même période en souvenir de sa victoire sur la « sédition » de 2009 – que le pouvoir cherche à allumer des contre-feux. « Il est d’ailleurs peu pertinent, estime Clément Therme, de présenter ces deux manifestations en parallèle : d’un côté, nous avons des partisans amenés en bus par l’État et de l’autre des gens qui risquent leur vie pour demander la redistribution de la rente, la fin de l’injustice économique et celle de la corruption d’un régime en place depuis 38 ans. »

      Ce qui frappe d’emblée, c’est à quel point l’actuel mouvement de protestation, qui ne semble disposer ni d’une organisation ni d’un encadrement, a pu faire tache d’huile en si peu de temps et gagner une bonne partie de l’Iran. Ce qui surprend aussi, ce sont les slogans faisant le lien entre la situation économique à l’intérieur de l’Iran et les guerres régionales menées par le régime à l’extérieur, notamment en Syrie. Un tel rapprochement a fait grincer les dents des proches du pouvoir. « Dans une foule de plusieurs centaines de personnes, un groupe n’excédant pas 50 personnes a crié des slogans déviants et affreux tels que “Quittons la Palestine”, “Ni Gaza, ni Liban, je ne donnerai ma vie que pour l’Iran” », s’est ainsi indigné l’ayatollah Ahmad Alamolhoda, un proche du Guide suprême, en réclamant davantage de fermeté contre les manifestants de Machhad.

      Pour Clément Therme, « les Iraniens ne souhaitent plus d’une part, que la rente pétrolière soit distribuée à l’extérieur, dans les pays voisins, aux clients de la République islamique mais à l’intérieur du pays ; et d’autre part, que la priorité soit donnée au développement socioéconomique de l’Iran et non pas à l’idéal révolutionnaire même si, comme le montrent les contre-manifestations, certains y adhèrent encore ».

      Est-ce pour autant une véritable menace pour le régime ? Pas pour le moment. Mais d’ores et déjà des tabous sont tombés : appel sans précédent au retour de la dynastie des Pahlavi, attaques directes contre le Guide suprême… soit une radicalité dont le mouvement de 2009 ne témoignait guère. Pour le président Rohani, déjà engagé dans un dur bras de fer avec les « principalistes », c’est une mauvaise passe dont il devrait sortir très affaibli. En particulier si la répression s’intensifie, ce qui le mettrait en contradiction avec ses promesses de campagne en faveur de davantage de liberté. Comme on pouvait le craindre, Donald Trump et les dirigeants israéliens se sont dépêchés d’acclamer les manifestants. Comme alliés, le régime islamique ne pouvait rêver mieux.

      #classes_populaires #revendications_matérielles

    • « Le peuple mendie, les mollahs vivent comme des dieux. »
      "A bas Khamenei", « honte à toi Khamenei, dégage du pays »

      Et ça juste au moment où intervient un assouplissement du port obligatoire du voile
      https://www.algeriepatriotique.com/2017/12/30/voile-plus-obligatoire-iran

      ...la police iranienne préfère adopter une approche souple pour convaincre les gens de respecter les préceptes de la religion. Cette approche, a expliqué M. Rahimi, selon le quotidien Shargh qui rapporte l’information, consiste à abandonner le châtiment et à privilégier l’éducation. Certains médias soutiennent que les femmes ne seront plus tenues de porter le voile si tel était leur volonté.

      Une réforme sociétale (comme on s’est accoutumé à le dire) qui n’a pas empêché que les « conditions matérielles » et la « vie quotidienne » soit critiquées et fassent prendre la rue.