• RSA : « Vivre avec 600 euros n’étant pas une contrainte suffisante, il faudra désormais être stagiaire d’Etat pour les percevoir »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/03/rsa-vivre-avec-600-euros-n-etant-pas-une-contrainte-suffisante-il-faudra-des

    Raphaël Amselem, chargé d’études pour GenerationLibre, spécialiste des finances publiques, et Lucien Guyon, journaliste chez « Blast », dénoncent, dans une tribune au « Monde », la notion de devoir que le gouvernement veut associer au RSA, qui constitue un droit à la dignité humaine et ne saurait par conséquent souffrir de contrepartie.

    Le revenu de solidarité active (RSA) porte un nom bien administratif pour désigner une aide essentielle, allouée aux personnes sans moyens, afin qu’elles puissent se vêtir, un peu, se nourrir, comme elles peuvent, et se loger, difficilement. Autrement dit, il reconnaît par une maigre compensation financière que le corps social doit s’assurer de la dignité de chacun de ses membres.

    Le gouvernement discute actuellement d’un projet de loi qui devrait conditionner le versement du RSA à un « accompagnement intensif » de quinze à vingt heures par semaine composé, pour le dire simplement, de réunions et d’observations en entreprise. Partant du principe que la dignité se mesure au mérite, le gouvernement choisit, dans le cas d’une telle loi, d’ indexer le droit de survivre à une activité factice, non rémunérée et déléguant toujours davantage le destin des pauvres aux mécanismes iniques de l’administration.

    Vivre avec 600 euros n’étant pas une contrainte suffisante, il faudra désormais être stagiaire d’Etat pour les percevoir. Le droit à la dignité consacre, sans dérogations, que l’être humain, au moment où il est, ne peut être privé de subsistance. L’acquisition du savoir, la vie intime, l’éducation, le travail, la famille, la santé, autrement dit tout rapport au monde, se constituent à travers la reconnaissance de l’Autre. L’homme est social d’emblée. La dignité, conçue dans ce cadre, institue un réseau de respect dont il convient de garantir les conditions d’existence.

    Chaque membre du corps social doit voir sa subsistance garantie

    Paul Ricœur (1913-2005) a écrit dans l’introduction aux Fondements philosophiques des droits de l’homme (1988) : « A toute époque et dans toute culture, une plainte, un cri, un proverbe, une chanson, un conte, un traité de sagesse ont dit le message : si le concept de droits de l’homme n’est pas universel, il n’y en a pas moins, chez tous les hommes, dans toutes les cultures, le besoin, l’attente, le sens de ces droits. L’exigence a toujours été que “quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain”. »

    Le droit à la dignité prend ainsi sa source dans l’impératif du soin de l’altérité. L’individualité, en ce sens, n’est rendue possible que par l’obligation de reconnaître à l’autre ce que lui-même me reconnaît. Cette correspondance, au fondement de toute civilité, passe par l’observation et la pratique d’un principe simple : chaque membre du corps social doit voir sa subsistance garantie.

    Le RSA coûte 15 milliards d’euros, 6 % du budget de la Sécurité sociale. Ce poste de dépenses, c’est 600 euros par personne. Et si tant est que l’argument financier soit central dans ce débat, l’économiste Marc de Basquiat notait qu’une telle réforme pourrait induire la création de 50 000 postes, soit un coût supplémentaire de 1 milliard d’euros. La jargonnante prosodie qui accompagne ce projet, traversée par les « dispositifs personnalisés », les « parcours de réinsertion », la « socialisation par le travail », noie sa violence dans un langage technique informe.

    Un régime individuel réglementé à outrance

    Le ministre du travail, Olivier Dussopt, disait, le 23 mai 2023, sur Franceinfo, que les allocataires déclinant les offres d’accompagnement seraient « suspendus ». Ce qui signifie, pour le dire sans politesse lexicale, que des humains se verront retirer leur unique ressource à la discrétion d’une instance administrative. Le reste de ce programme punitif prend les allures d’un régime individuel – encore un – réglementé à outrance.

    Miracle d’inventivité, le gouvernement a inventé le service national universel (SNU) du pauvre ! Qui touchera le RSA sera désormais administré comme un irresponsable a priori, incapable de s’émanciper d’une situation de dénuement sans l’aide éclairée d’un corps technocratique soi-disant à sa mesure, à sa portée, et capable de qualifier le bon, le juste et le souhaitable pour lui.

    Puis, nous la connaissons déjà bien, l’administration française ! Il faut imaginer l’ordinaire allocataire du RSA – 600 euros, pour le redire – à qui on demande de se déplacer à 10 kilomètres de chez lui, pour s’immerger dans une « journée entreprise » censée modifier le cours de son existence ! Il y verra ce qu’est le vrai monde, où des gens missionnent d’autres gens, où des personnes écrivent des notes, où des comptables comptent, où des patrons patronnent, où des livreurs livrent : une révolution !

    La violence sociale va de pair avec la violence administrative

    Des perspectives à venir pour celui qui pensait qu’être comptable, ça n’était pas compter, qu’être patron, ça n’était pas diriger, et qu’être livreur, ça n’était pas livrer. Ce déboussolement organisé aura sans doute une influence vivifiante dans son « parcours de réinsertion », de sorte qu’il se lèvera, le lendemain, en se disant : « C’est donc ça, une épiphanie ! »

    C’est ce manque éclatant de confiance dans la part de la société civile la plus démunie, au point d’en faire l’objet d’un contrôle bureaucratique, qui scandalise, alors que les plus pauvres sont souvent les « premiers de cordée » devant les retors de l’administration, ses impondérables lourdeurs, ses voies labyrinthiques (parfois impénétrables) et son formalisme excessif. Un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA renoncent ainsi à le réclamer.

    La violence sociale va de pair avec la violence administrative. L’assurance du droit à la dignité est consubstantielle à la philosophie libérale. De John Locke (1632-1704) à Raymond Aron (1905-1983), de Cesare Beccaria (1738-1794) à John Rawls (1921-2002), les principes du libéralisme politique ont été exposés en ces termes : l’Etat n’a pas un droit sur les individus équivalent aux droits qu’il assure.

    Ce mythe qui prétend que tout droit serait la conversion d’un devoir amène de graves fautes politiques. La garantie des droits fondamentaux doit être gratuite, spontanée, pour elle-même, par elle-même, et au fondement de l’action publique. Nul ne saurait être redevable en dignité. Une mesure qui conditionne la survie est une mesure qui oublie que des gens survivent.

    Rafaël Amselem (chargé d’études au sein du club de réflexions libéral GenerationLibre) et Lucien Guyon(journaliste pour le site de presse en ligne et la Web-TV « Blast »)

    #guerre_aux_pauvres #droits_fondamentaux #RSA #travail #accompagnement_intensif #mérite #contrepartie #contrainte #sanction #droit_au_revenu #revenu_minimum #contrôle #violence_sociale #violence_administrative

    • RSA : « Et si le gouvernement prenait vraiment les choses au sérieux ? », Jean-Claude Barbier
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/01/rsa-et-si-le-gouvernement-prenait-vraiment-les-choses-au-serieux_6175733_323
      La querelle sur l’activité obligatoire des allocataires des minima sociaux date d’avant le RMI de 1988, ancêtre du RSA, rappelle dans une tribune au « Monde » le sociologue Jean-Claude Barbier.

      Quelles sont les différentes options qui pourraient tracer les pistes d’une possible réforme du revenu de solidarité active (RSA), voulue par le gouvernement ? Elles sont au nombre de quatre et sont bien antérieures à la réforme envisagée aujourd’hui. Il y a d’abord ce que l’on peut qualifier de « méthode Raymond Barre ». Elle remonte à l’époque où l’ancien premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing et candidat à l’élection présidentielle de 1988 demandait l’assistance « absolue » uniquement pour les vieillards et les personnes handicapées ne pouvant pas du tout travailler.

      Puis il y a la « méthode Nixon », étendue par Clinton en 1996 : obliger pour une allocation de misère – pas même un emploi – à travailler dans les parcs publics. Elle a été surnommée « workfare ». Ensuite, l’insertion, originalité française, la « méthode Jean-Michel Belorgey » (du nom du député socialiste auteur et pilote de la loi revenu minimum d’insertion (RMI) promulguée le 1er décembre 1988), qui combine allocation et accompagnement effectif des personnes par les travailleurs sociaux.

      Laissons de côté l’actuelle tentation démagogique qui agite aujourd’hui les députés Renaissance et LR comme elle agita Clinton, et intéressons-nous à la quatrième solution, celle de la « dignité humaine » (Menschenwürde), principe constitutionnel allemand. La Cour de Karlsruhe a en effet exigé en 2019 du gouvernement fédéral qu’il respecte le minimum d’existence (digne) fixé par la Constitution en euros, applicable même après d’éventuelles diminutions pour sanctions.

      Rompre avec « l’esprit de radinerie »

      Si un gouvernement français prenait vraiment les choses au sérieux, il devrait d’abord rompre avec « l’esprit de radinerie » qui marque l’assistance aux pauvres depuis son invention en Angleterre élisabéthaine au XVIe siècle. Jamais depuis cette époque les gouvernements n’ont accordé un financement suffisant pour aider les personnes pauvres à sortir de la misère.

      Si en effet les sommes dépensées paraissent énormes, elles ne représentent, y compris l’indemnisation du chômage, que 8 % des dépenses de protection sociale, contre 80 % pour la santé et les retraites. Près des deux tiers de ceux et celles qui perçoivent les minima sociaux sont en dessous du seuil de pauvreté en France (y compris les enfants).
      Une réponse sérieuse devrait donc être celle d’un financement décent mais conséquent, et d’une action d’accompagnement elle aussi conséquente, comme elle existe par exemple au Danemark (à l’exception des immigrants désormais discriminés dans ce pays). Le RMI n’a jamais bien fonctionné en termes de suivi efficace pour le retour ou l’accès à un emploi.

      Renforcer les sanctions reste une mesure marginale

      En 2022, la Cour des comptes a noté que les dépenses des départements ne sont compensées en longue durée qu’à près de 60 %, ce qui veut dire qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens de financer l’insertion. Au Danemark, les collectivités territoriales lèvent leurs propres impôts, et sont au contraire suffisamment dotées.
      Mieux, elles sont engagées à gérer efficacement leurs dépenses par des contrats avec l’Etat central qui les incitent à bien le faire. Il est tout à fait possible de dépenser à la fois à bon escient et avec rigueur. Et cela serait une belle réforme à entreprendre pour le ministre français des finances…

      Car renforcer les sanctions reste une mesure marginale ou inopérante. Les économistes savent que les sanctions sont d’une efficacité toute relative : elles motivent à la recherche d’emploi quand approche la fin du droit à l’indemnisation, mais elles incitent à prendre des emplois médiocres.

      Trouver des emplois de qualité et non des ombres d’emploi

      En outre, elles peuvent aussi inciter au non-recours (« Droits et devoirs du RSA : l’impact des contrôles sur la participation des bénéficiaires », Sylvain Chareyron, Rémi Le Gall, Yannick L’Horty, Revue économique n °5/73, 2022). Or, le non-recours au RSA est évalué à un tiers des personnes éligibles. Le problème à résoudre est par conséquent de placer en emploi ou en formation pendant plusieurs mois des centaines de milliers de personnes en difficulté.

      Il s’agit de trouver des emplois de qualité et non des ombres d’emploi, comme le redoute l’ancien commissaire au RSA Martin Hirsch. Les personnes pauvres craignent en effet des emplois de seconde zone, selon l’avis du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale https://www.cnle.gouv.fr/l-avis-accompagnement-vers-l-1672.html (CNLE) sur l’accompagnement et l’insertion.

      Dans le rapport qui envisage la réforme du RSA, l’administration annonce l’objectif d’un conseiller Pôle emploi et d’un travailleur social pour 50 personnes, afin d’obtenir un « accompagnement global » adéquat pour des candidats très éloignés de l’emploi. Or, le régime normal, dit « de suivi », à Pôle emploi est de un pour 363, le régime « guidé » de un pour 211) et régime « renforcé » de un pour 97, selon les chiffres de la Cour des comptes. Un pas immense reste à franchir.

      Le service de l’emploi et de l’insertion est en outre confronté à trois populations hétérogènes : les jeunes ayant de grosses difficultés (à qui Le RSA est refusé, jusqu’à l’âge arbitraire de 25 ans), les chômeurs et les titulaires des minima sociaux, et parmi eux ceux qui ont des problèmes de santé (et ils sont nombreux). Chacun de ces groupes a besoin de services adaptés, qui ne peuvent être automatisés.

      L’essence de l’esprit de solidarité

      Par exemple, il faut des allocations aux jeunes sans emploi ni formation : ils sont plus d’un million, mais moins de 300 000 ont droit au soutien d’un contrat engagement jeune. L’idée d’un accompagnement renforcé accordé à un million de titulaires du RSA (avec un conseiller pour 50 allocataires) coûterait annuellement de 1,4 milliard d’euros, affirme l’IFRAP, un groupe de réflexion ultra-libéral.

      Or, la qualité de l’accompagnement conditionne la réussite : c’est précisément son absence qui explique les mauvais résultats de l’insertion, comme l’affirme la Cour des comptes à juste titre. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Danemark dépense trois fois plus proportionnellement que la France pour les « mesures actives » de l’emploi (c’est-à-dire les mesures de formation, d’accompagnement, d’insertion…. hors allocations), ce qui explique leur succès relatif dans notre pays.

      Or le Danemark est, comme la France, critiqué comme champion européen des dépenses sociales. Mais il n’y a rien sans rien ! Et de toute façon, l’insertion sociale et professionnelle est sans cesse à remettre sur l’ouvrage, avec des taux d’accès à l’emploi souvent décevants. Il ne faut pourtant pas renoncer, car il s’agit ici de l’essence de l’esprit de solidarité.

      Jean-Claude Barbier(sociologue CNRS au Centre d’économie de la Sorbonne /Paris 1 Panthéon Sorbonne)*

    • La réforme du RSA suscite inquiétudes et scepticisme
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/05/04/la-reforme-du-rsa-suscite-inquietudes-et-scepticisme_6172003_823448.html

      Le gouvernement s’inspire notamment du contrat d’engagement jeune (#CEJ), mis en place en mars 2022. Un dispositif réservé aux 16-25 ans et aux moins de 30 ans en situation de handicap qui ne sont ni en études, ni en activité, ni en formation, et qui peinent à accéder à un emploi durable. Ces derniers s’inscrivent dans un parcours d’accompagnement de quinze à vingt heures hebdomadaires en échange d’une #allocation de 530 euros.

      Voilà le tarif : 530e par mois
      Toujours aussi drôle de voir les articles de gauche, et les critiques libérales (comme ci-dessus) qui disent 600 euros pour le RSA individuel alors que dans les faits c’est 534,82 (dans plus de 90% des cas, et ce depuis 1988, un « forfait logement » de 12% est retranché du montant maximum théorique).

      edit trouvé le reste dont

      (...)Des mesures coercitives qui suscitent, là encore, le scepticisme. « Les sanctions annoncées posent une vraie question opérationnelle, considère Antoine Foucher, du cabinet Quintet. Comment va-t-on, même partiellement, même provisoirement, diminuer le RSA des allocataires récalcitrants ? » Ces derniers « sont déjà très contrôlés, avec pas mal de sanctions », ajoute Michaël Zemmour, qui cite notamment « la mise sous surveillance » de leurs comptes en banque.

      Discours « démagogiques »
      Si les collectivités locales expriment ces craintes c’est aussi parce qu’elles pensent qu’une sorte de double discours existe au sein du gouvernement. « Nous sommes rassurés sur les conditions de l’expérimentation, mais inquiets concernant le contenu de la loi », lance Bruno Bernard. Le président écologiste de la métropole de Lyon dénonce les discours « démagogiques » du président de la République et du ministre des comptes publics, Gabriel Attal. Lors d’un déplacement dans l’Hérault, le 25 avril, ce dernier a opposé « les classes moyennes », « ceux qui comptent pour l’essentiel sur leur travail pour vivre, pas sur les aides sociales ni sur un gros patrimoine », aux opposants à la réforme des retraites qui accueillent les déplacements de ministres avec des casseroles.

      Cette opposition entre les actifs et ceux qui bénéficient des minima sociaux avait déjà utilisée par Emmanuel Macron, lors de son entretien télévisé, le 22 mars. « Beaucoup de travailleurs disent “vous nous demandez des efforts mais il y a des gens qui ne travaillent jamais” », avait déclaré le locataire de l’Elysée pour justifier le conditionnement du RSA. (...)

      Une rhétorique qui trouve un écho dans la population et qui peut en partie expliquer la difficulté que peuvent avoir les opposants à mobiliser largement. « L’idée s’est imposée dans l’opinion publique [que nous fabriquons] qu’il y a trop de gens qui vivent de la solidarité nationale, analyse le directeur général délégué d’Ipsos, Brice Teinturier. Une forme de consensus sur le sujet s’est installé, donc une telle réforme du RSA ne sera pas vraiment contestée par les Français. » Un climat politique issu de vingt ans de discours sur le supposé « assistanat » auquel vient s’ajouter un contexte économique favorable.
      Compte tenu des difficultés de recrutements rencontrées par les employeurs dans de très nombreux secteurs, ceux qui ne travaillent pas sont considérés comme profitant du système. Plusieurs études montrent qu’il y a surtout beaucoup de personnes qui peuvent prétendre au RSA et qui n’en bénéficient pas. « En 2018, un tiers (34 %) des foyers éligibles au RSA serait non recourant chaque trimestre, et un sur cinq (20 %) le serait de façon pérenne trois trimestres consécutifs », rappelle la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
      Dans son entretien avec les lecteurs du Parisien, le 23 avril, Emmanuel Macron s’appuie pourtant sur ceux qui « abusent » du RSA pour défendre la réforme. Un sentiment renforcé par la sensation qu’ont les actifs, et surtout les travailleurs dit de première et deuxième lignes, que leur travail est dévalorisé et ne paie pas assez. « La précarisation du monde du travail renforce le ressentiment de ceux qui ont l’impression de se lever tôt pour un travail difficile et mal payé envers ceux qui bénéficient des minima sociaux sans travailler », signale Brice Teinturier.

      https://justpaste.it/5oq7c

    • Cela me fait penser à ce passage du Capital de Marx, chapitre 27 – L’expropriation de la population campagnarde – évoquant « la loi sur les pauvres » au XVIe siècle.

      Le protestantisme est essentiellement une religion bourgeoise. Pour en faite ressortir « l’esprit » un seul exemple suffira. C’était encore au temps d’Élisabeth : quelques propriétaires fonciers et quelques riches fermiers de l’Angleterre méridionale se réunirent en conciliabule pour approfondir la loi sur les pauvres récemment promulguée. Puis ils résumèrent le résultat de leurs études communes dans un écrit,contenant dix questions raisonnées, qu’ils soumirent ensuite à l’avis d’un célèbre jurisconsulte d’alors, le sergent Snigge, élevé au rang de juge sous le règne de Jacques-Ier. En voici un extrait :

      « Neuvième question : Quelques-uns des riches fermiers de la paroisse ont projeté un plan fort sage au moyen duquel on peut éviter toute espèce de trouble dans l’exécution de la loi. Ils proposent de faire bâtir dans la paroisse une prison. Tout pauvre qui ne voudra pas s’y laisser enfermer se verra refuser l’assistance. On fera ensuite savoir dans les environs que, si quelque individu désire louer les pauvres de cette paroisse, il aura à remettre, à un terme fixé d’avance, des propositions cachetées indiquant le plus bas prix auquel il voudra nous en débarrasser. Les auteurs de ce plan supposent qu’il y a dans les comtés voisins des gens qui n’ont aucune envie de travailler, et qui sont sans fortune ou sans crédit pour se procurer soit ferme, soit vaisseau, afin de pouvoir vivre sans travail. Ces gens-là seraient tout disposés à faire à la paroisse des propositions très-avantageuses. Si çà et là des pauvres venaient à mourir sous la garde du contractant, la faute en retomberait sur lui, la paroisse ayant rempli à l’égard de ces pauvres tous ses devoirs. Nous craignons pourtant que la loi dont il s’agit ne permette pas des mesures de prudence de ce genre. Mais il vous faut savoir que le reste des freeholders (francs tenanciers) de ce comté et des comtés voisins se joindra à nous pour engager leurs représentants à la chambre des communes à proposer une loi qui permette d’emprisonner les pauvres et de les contraindre au travail, afin que tout individu qui se refuse à l’emprisonnement perde son droit à l’assistance. Ceci, nous l’espérons, va empêcher les misérables d ’avoir besoin d’être assistés . (a) »

      (a) R. Blakey : The History of political, literature from the earliest times. Lond., 1855, vol. II, p. 83, 84

    • oui, si ce n’est qu’on est passé des #workhouse à la « société de travail » (comme Jospin l’a excellemment formulé en 1998) sur un soubassement matériel et social tout autre que les dimensions communautaires détruites par la dynamique du capital : le salaire et le salaire social (j’entends par là autre chose que Friot ; toutes les formes de salaire socialisé, hors emploi, dont le RSA). là l’enjeu du contrôle, c’est de déterminer par la loi, la jurisprudence, les pratiques de guichet, les gesticulations agressives, etc., l’étiage de la disponibilité à l’emploi (la conditionnalité de fait), quitte à multiplier les simulacres (plutôt que les murs) où s’épuise le temps des prolos (la disponibilité à l’emploi avec ses jeux imposés, du théâtre)

      des éléments sur ce théâtre, d’il y a 12 ans (...)
      https://seenthis.net/messages/46203

    • là l’enjeu du contrôle, c’est de déterminer par la loi, la jurisprudence, les pratiques de guichet, les gesticulations agressives, etc., l’étiage de la disponibilité à l’emploi (la conditionnalité de fait), quitte à multiplier les simulacres (plutôt que les murs) où s’épuise le temps des prolos (la disponibilité à l’emploi avec ses jeux imposés, du théâtre)

      Effectivement, « de l’autre côté » des allocataires du RSA on trouve des personnes qui occupent des emplois d’insertion, qui ne correspondent à guère autre chose que des missions de contrôle social et de gestion administrative de la précarité (dont un certain nombre sont d’ailleurs d’anciens « bénéficiaires » du RSA).

      C’est à ce genre d’aberration auquel conduit la défense aveugle des emplois pour les emplois, au lieu de celle des ressources. J’utilise à dessein le mot « ressources » pour évoquer - indépendamment des différentes formes qu’elles peuvent prendre (salaire, minima, pension de retraite, revenu, apprentis, stage, emplois aidés, etc.) - l’accès inconditionnel à des moyens d’existence qui ne soient jamais inférieurs au SMIC (même si le SMIC est un salaire bas, ce sera toujours mieux que ce que donne la liste des emplois bilboques).

      Quand à savoir s’il s’agit ou d’un « salaire socialisé » ou d’un « revenu garanti », à la limite, cela ne me semble pas vraiment déterminant (ce genre de questions aurait même plutôt tendance à me gonfler). Si on trouve un autre mot que « ressources » qui exprime le même sens que celui que je viens de proposer, je suis preneur.

      L’autre raison pour laquelle, de façon plus générale, je pense qu’il est essentiel de déconnecter la question des emplois et d’insister sur celle des ressources dans la lutte sociale (notamment dans la lutte syndicale - ce qui n’est vraiment pas gagné) c’est qu’à cause de la « défenses de l’emploi » on en vient à justifier le développement des pires aberrations industrielles qui nous conduisent droit dans le mur sur le plan social, politique et écologique.

      Il faut arrêter de justifier les choix politiques et sociaux sur les emplois mais, par contre, la défense des fondamentaux de la justice économique doit rester une priorité afin qu’aucune décision économique ou politique (plan sociaux, taxe carbone, etc.) se fasse au détriment des conditions d’existence matérielles de la classe ouvrière (pour faire simple).

      Et puis, après, vient la question du travail, mais là, de mon point de vue, c’est encore une autre problématique.

    • RSA : « La règle des 15 à 20 heures d’activité obligatoires est irréalisable, et le pouvoir le sait très bien », Yves Faucoup, Ancien directeur d’un centre de formation de travailleurs sociaux à Toulouse
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/26/rsa-la-regle-des-15-a-20-heures-d-activite-obligatoires-est-irrealisable-et-

      Ancien cadre dans le travail social, Yves Faucoup dénonce, dans une tribune au « Monde », la réforme du revenu de solidarité active projetée par le gouvernement au nom d’une « mise au travail » dont il ne donne pas les moyens.

      France Travail, remplaçant de Pôle emploi, aura entre autres pour mission de veiller à ce que les attributaires du revenu de solidarité active (RSA) soient inscrits au chômage et établissent un contrat d’engagement.
      A terme, il s’agirait officiellement d’imposer quinze à vingt heures hebdomadaires d’activité à celles et ceux qui perçoivent le RSA. Certains commentateurs considèrent que le président de la République et la première ministre se seraient partagé les rôles : à lui la version dure, de droite, à la Sarkozy (« droits et devoirs »), à elle la version plus humaine, de gauche (« accompagnement et insertion »).
      Depuis bientôt trente-cinq ans (loi sur le revenu minimum d’insertion, décembre 1988), le principe du revenu minimum consiste en France à garantir à une personne sans ressources une allocation différentielle de faible niveau. Elle est fixée en effet à la moitié du seuil de pauvreté pour une personne seule, soit 534 euros mensuels (et non pas 608 euros comme si souvent colporté, en oubliant de déduire le forfait logement).

      Un accompagnement social et professionnel
      Il s’agit de lui permettre de survivre, bien loin des « moyens convenables d’existence » prévus par la Constitution ! Il n’a jamais été non plus expliqué clairement pourquoi le RSA est fixé à 60 % de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA ou minimum vieillesse), autres minima sociaux.
      En contrepartie de cette allocation, un engagement d’activité (emploi, bénévolat, formation, création d’entreprise, soins) est signé par la personne en fonction de sa situation (car elle n’est pas toujours en capacité physique ou psychique d’assumer un travail). Cet engagement suppose un accompagnement social et professionnel. C’est du moins ce qu’indiquent les textes en vigueur depuis trente-cinq ans, sauf que les sommes qui y sont consacrées sont passées de 20 % du montant des allocations dans les années 1990 à 7 % aujourd’hui.

      Le RSA mis en avant par Nicolas Sarkozy avait pour but, tout comme la réforme annoncée par Emmanuel Macron, de « mettre les gens au travail », un discours autoritaire destiné à siphonner des voix à droite. Mais cela a été un fiasco, à part le renforcement de l’implication de Pôle emploi. En réalité, la mise en œuvre du RSA a entraîné des pertes majeures pour l’efficacité des accompagnements.
      L’intéressement à une reprise d’activité existait déjà, il aurait suffi de l’améliorer. Le RSA activité a été une erreur : les ayants droit ne l’ont pas ou peu demandé, redoutant la stigmatisation du minimum social entretenue par les idéologues de la droite dure, à l’instar de Laurent Wauquiez. Il a d’ailleurs été remplacé plus efficacement par la prime d’activité, ce que de nombreux spécialistes de la question réclamaient depuis longtemps.

      Le risque de l’affichage
      Le débat public sur le RSA est simpliste, parce qu’il entend régler le problème selon le principe des vases communicants : il y a des emplois non pourvus, donc ils peuvent être attribués à des gens au RSA. Alors que tous les professionnels du secteur savent que si l’on veut être efficace, il faut des moyens en matière d’accompagnement.
      Si le chef de l’Etat en était persuadé, il n’aurait pas attendu six ans pour se préoccuper de l’efficacité du dispositif – ce qui ne laisse d’ailleurs rien augurer de bon sur la mise en œuvre effective de la réforme. Car le risque est de rester dans l’affichage : non seulement pour passer le plus vite possible à autre chose après la promulgation de la loi sur les retraites, mais aussi pour faire de la communication politique à destination d’une classe moyenne prétendument excédée en se servant de la précarité. Comme Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2012 dans sa lettre aux Français : « Nous avons consacré des milliards à maintenir des gens dans l’assistanat (…), nous l’avons payé d’une défaite financière. »
      En coulisse, les professionnels de l’accompagnement social suivent vaguement ces débats avec un triste sourire : ils savent que le rapport du haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, Thibaut Guilluy, n’a pas fait l’objet d’une véritable concertation (une seule réunion pour toute l’Occitanie) ; et si beaucoup de ses propositions sont intéressantes, elles sont présentées à tort comme des innovations alors qu’elles n’inventent rien. Les nombreuses pistes existent déjà, elles sont appliquées, tentées ou explorées sur les territoires où les autorités départementales ont mis le paquet, et bien moins là où les moyens manquent.
      Négocié et non imposé
      Elisabeth Borne, en déplacement sur l’île de La Réunion, a parlé de « sanctions » si les attributaires du RSA ne respectent pas l’engagement. Juste pour montrer ses muscles, car la suspension du revenu minimum existe depuis toujours, si la personne ne prend pas contact avec le service d’accompagnement ou ne respecte pas l’engagement qu’elle a pris.

      Sauf que la première ministre a ajouté que dans la mesure où « on aura accompli, de notre côté, notre part de responsabilité », la sanction tombera si le bénéficiaire du RSA, lui, ne suit pas « le parcours qu’on lui a proposé ». Or jusqu’à ce jour, il est entendu, et d’ailleurs bien plus efficace, que le parcours soit négocié avec l’intéressé et non imposé. Il y a là un risque énorme d’un dispositif autoritaire voué à l’échec, car les professionnels de l’accompagnement résisteront et les allocataires aussi.

      1,8 million de foyers perçoivent le RSA : la règle des quinze à vingt heures d’activité obligatoires est irréalisable, et le pouvoir le sait très bien. S’il l’agite comme un hochet dans l’espoir d’en tirer profit auprès de « ceux qui travaillent », il ne semble pas qu’il ait l’intention de l’inscrire précisément dans la loi.
      Ce recul est plutôt une bonne chose, mais qu’en sera-t-il des promesses qu’il a faites sur les moyens d’accompagnement social et professionnel et de formation, indispensables pour aider vraiment les citoyens qui galèrent à tenter d’accéder à une véritable insertion ?

  • Les propos de Gérald Darmanin sur Giorgia Meloni provoquent une nouvelle crise franco-italienne sur la question de l’immigration
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/05/les-propos-de-gerald-darmanin-sur-giorgia-meloni-provoquent-une-nouvelle-cri

    « Meloni, c’est comme Le Pen, elle se fait élire sur “vous allez voir ce que vous allez voir” et puis ce que l’on voit, c’est que ça ne s’arrête pas et que ça s’amplifie », a également déclaré M. Darmanin, les considérations de politique intérieure prenant ainsi le pas à nouveau sur les relations diplomatiques entre les deux pays. Côté français, les parallèles entre Marine Le Pen et Giorgia Meloni semblent dominer les préoccupations d’un exécutif professant face à l’extrême droite un discours de fermeté sur le dossier migratoire.

    On en est au stade où on se brouille avec la néo-fasciste italienne, parce que notre ministre de l’intérieur trouve qu’elle n’est pas assez fasciste. Alors qu’avec lui, vous allez voir comment ça va te me ratonner efficace…

  • Droit du travail : un chauffeur Uber requalifié en « salarié »
    http://www.bonnes-nouvelles.be/site/index.php?iddet=2849&id_surf=&idcat=305&quellePage=999&surf_lang=fr

    Je me sens comme un esclave : je travaille de longues heures chaque jour, sous les ordres d’une application, mais je n’ai pas de quoi me payer un salaire à la fin du mois. » Guillaume* est chauffeur indépendant, ou « limousine » comme on dit chez Bruxelles Mobilité, où il a obtenu sa licence il y a un peu plus de deux ans. Depuis novembre 2018, il « collabore » avec Uber, qui organise le transport rémunéré de citadins dans la capitale et un peu partout dans le monde. À ce stade, il n’a « plus rien à (...)

    #Uber #procès #législation #conducteur·trice·s #GigEconomy #travail

    • Je me sens comme un esclave : je travaille de longues heures chaque jour, sous les ordres d’une application, mais je n’ai pas de quoi me payer un salaire à la fin du mois. »

      Guillaume* est chauffeur indépendant, ou « limousine » comme on dit chez Bruxelles Mobilité, où il a obtenu sa licence il y a un peu plus de deux ans. Depuis novembre 2018, il « collabore » avec Uber, qui organise le transport rémunéré de citadins dans la capitale et un peu partout dans le monde. À ce stade, il n’a « plus rien à perdre », nous explique-t-il. « Mais peut-être, quelque chose à gagner ». À savoir : devenir salarié de la multinationale.

      Début juillet, Guillaume a introduit une demande de qualification de sa relation avec la plateforme d’origine américaine auprès de la Commission administrative de règlement de la relation de travail (CRT). Quand la nature de votre relation avec votre donneur d’ordre ou votre employeur vous apparaît comme suspecte, cet organe est là pour analyser votre cas et décider, si au regard de la législation locale, vous êtes salarié ou indépendant.

      « Je ne gagne pas ma vie décemment »

      Guillaume, sur papier, appartient à la seconde catégorie de travailleurs (les deux seules existant en droit du travail belge). Il a enregistré une société en personne physique, son véhicule lui appartient, il a obtenu seul les autorisations nécessaires pour exercer son métier. « Avec Uber, je ne connais que les inconvénients de ce statut, en aucun cas les avantages. Je ne gagne de toute façon pas ma vie décemment, donc j’ai décidé d’aller jusqu’au bout », poursuit le trentenaire.

      Une démarche concluante puisque Le Soir a appris que la CRT lui avait donné raison à travers une décision longue de 12 pages rendue le 26 octobre dernier : Uber est bien, selon la Commission qui dépend du SPF Sécurité sociale, l’employeur de Guillaume. Précisément, la CRT conclut après un examen approfondi que « les modalités d’exécution de la relation de travail sont incompatibles avec la qualification de #travail_indépendant ».

      Pour aboutir à cette conclusion – la question est épineuse et fait débat dans bon nombre de pays européens ainsi qu’aux États-Unis (lire ci-contre) –, plusieurs éléments contractuels ont été analysés. Notamment ceux qui concernent la #liberté_d’organisation_du_travail et d’organisation du #temps_de_travail de Guillaume, deux démarches inhérentes au #statut_d’indépendant. Deux leitmotivs aussi utilisés par Uber depuis son lancement : l’entreprise estime, en effet, que la #flexibilité de ses chauffeurs ainsi que leur #liberté de prester quand ils le souhaitent et pour qui ils le souhaitent est à la base de sa « philosophie ».

      « Je ne peux pas refuser une course »

      « La réalité est bien différente », détaille Guillaume. « Uber capte quasi tout le marché à Bruxelles et, si je suis connecté à l’#application, je n’ai pas le #droit_de_refuser une course. Si je le fais, Uber abaisse ma “#cotation”. Si je le fais trois fois de suite, Uber me vire », détaille Guillaume. Qui précise qu’il lui est également impossible de jongler entre plusieurs plateformes. « Si je suis sur deux applications et que j’accepte une course pour un autre opérateur et qu’Uber me demande d’être disponible, je suis obligé de refuser la course. Au final, comme expliqué, cela me porte préjudice. »

      Guillaume, en outre, ne connaît pas son itinéraire avant d’accepter de prendre en charge un client. « On peut m’envoyer à 10 kilomètres. Soit un long trajet non rémunéré pour un trajet payé de 1.500 mètres. » S’il choisit de dévier du chemin imposé par la plateforme, par bon sens ou à la demande d’un client pressé, le chauffeur se dit également régulièrement pénalisé. Chez Uber, le client est roi. Quand ce dernier commande une course, l’application lui précise une fourchette de #prix. « Évidemment, si je prends le ring pour aller jusqu’à l’aéroport, le prix de la course augmente car le trajet est plus long, mais le client peut très facilement réclamer à Uber la différence tarifaire. Même s’il m’a demandé d’aller au plus vite. » Dans ce cas de figure, la différence en euros est immédiatement déduite de la #rémunération de Guillaume.

      La CRT estime que le chauffeur ne peut pas influer sur la manière dont Uber organise un #trajet, qu’il « n’a aucune marge de manœuvre quant à la façon dont la prestation est exercée. (…) En cas de non-respect de l’#itinéraire, si le prix de la course ne correspond pas à l’estimation, il peut être ajusté a posteriori par Uber, le passager peut alors obtenir un remboursement mais le chauffeur ne sera payé que sur base du prix annoncé à ce dernier. (…) A aucun moment, un dialogue direct entre le chauffeur et le passager n’est possible. (…) De telles modalités obligent le chauffeur à fournir une prestation totalement standardisée. »

      Un chantier dans le « pipe » du gouvernement

      Guillaume n’est pas naïf, ses représentants qui l’ont accompagné dans la démarche administrative – le syndicat CSC via sa branche dédiée aux indépendants #United_Freelancers et le collectif du secteur des taxis – ne le sont pas non plus. Il sait que l’avis de la CRT est « non contraignant » pour Uber mais qu’elle a de lourdes implications pour son cas personnel. À moins d’être requalifié comme « salarié » par l’entreprise elle-même (un recommandé a été envoyé à ce titre aux différentes filiales impliquées en Belgique), il ne peut désormais plus travailler pour Uber.

      De son côté, Uber explique qu’il « n’a pas encore pas encore reçu le point de la vue de la CRT » mais qu’il « estime que la justice bruxelloise a déjà tranché en 2019 le fait que ses chauffeurs étaient indépendants » (un procès a opposé l’entreprise au secteur des #taxis et lui a donné raison, mais ce dernier a fait appel et le jugement n’a pas encore été rendu). La société américaine pourrait d’ailleurs attaquer la décision en justice. L’anglaise #Deliveroo avait opté pour cette démarche en 2018 après que le même organe a acté en 2018 qu’un de ses #coursiers indépendants était en réalité salarié de la plateforme (l’audience aura lieu en septembre de cette année).

      « Notre priorité est de faire réagir les autorités. Uber, comme d’autres plateformes, doit occuper ses travailleurs selon une qualification conforme à la réalité du travail. Soit les #prestataires sont véritablement indépendants et devraient, dès lors, pouvoir fixer leurs prix, leurs conditions d’intervention, choisir leurs clients, organiser leur service comme ils l’entendent… Soit Uber continue à organiser le service, à fixer les prix et les règles, à surveiller et contrôler les chauffeurs, et ceux-ci sont alors des travailleurs salariés », cadrent Martin Willems, qui dirige United Freelancers et Lorenzo Marredda, secrétaire exécutif de la CSC Transcom.

      Au cabinet du ministre en charge du Travail Pierre-Yves Dermagne (PS), on confirme avoir déjà analysé les conclusions de la CRT et la volonté de débuter rapidement un chantier sur le sujet avec les partenaires sociaux. « Nous allons nous attaquer à la problématique des #faux_indépendants des #plateformes_numériques, comme décidé dans l’accord de gouvernement. L’idée est bien d’adapter la loi de 2006 sur la nature des #relations_de_travail. Cela pourrait passer par une évaluation des critères nécessaires à l’exercice d’une #activité_indépendante, par un renforcement des critères également. Mais il s’agit évidemment d’une matière qui doit être concertée », précise Nicolas Gillard, porte-parole.

      * Le prénom est d’emprunt, les décisions de la CRT sont anonymisées quand elles sont publiées.

      Des pratiques désormais similaires chez les taxis

      A.C.

      Selon le collectif des Travailleurs du taxi et la #CSC-Transcom, les problèmes constatés chez Uber sont actuellement également une réalité chez d’autres acteurs du secteur, en l’occurrence les #centrales_de_taxis. « Les taxis indépendants sont très dépendants des centrales. Et depuis leur #numérisation, il y a vraiment un glissement des pratiques. Les chauffeurs de taxi indépendants ne savent pas non plus où on les envoie avant d’accepter une course », explique Michaël Zylberberg, président du collectif. « La dernière version de l’application #Taxis_Verts est un clone de celle d’Uber. Au début, il y a cette idée de #concurrence_déloyale mais, comme le problème n’a pas été réglé, les centrales tendent à copier les mauvaises habitudes des plateformes. Cela est très inquiétant pour les travailleurs, qui perdent progressivement leur #autonomie », ajoute Lorenzo Marredda, secrétaire exécutif de la CSC-Transcom.

      Des décisions dans d’autres pays

      Mis en ligne le 13/01/2021 à 05:00

      Par A.C.

      Lors de son introduction en Bourse en 2019, Uber expliquait collaborer avec 3 millions de chauffeurs indépendants dans le monde. Fatalement, face à une telle masse de main-d’œuvre, qui se plaint souvent de #conditions_de_travail et de #rémunération indécentes, procès et interventions des législateurs ponctuent régulièrement l’actualité de l’entreprise. Ces derniers mois, trois décisions retiennent particulièrement l’attention.

      En #Suisse

      Plusieurs cantons sont en plein bras de fer avec la plateforme américaine. A #Genève et à #Zurich, les chauffeurs Uber sont désormais considérés comme des salariés. Les caisses d’#assurances_sociales réclament des sommes très importantes à l’entreprise, qui refuse jusqu’à présent de payer les #cotisations_sociales employeurs réclamées.

      En #France

      La# Cour_de_cassation a confirmé en mars dernier que le lien entre un conducteur et l’entreprise est bien un « #contrat_de_travail ». Les arguments utilisés se rapprochent de ceux de la CRT : la plus haute juridiction du pays a jugé que « le chauffeur qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». Une #jurisprudence qui permet d’appuyer les demandes de #requalification des chauffeurs indépendants de l’Hexagone.

      En #Californie

      Une loi contraint, depuis le 1er janvier 2020, Uber et #Lyft à salarier ses collaborateurs. Les deux entreprises refusant de s’y plier ont investi environ 200 millions de dollars pour mener un référendum citoyen sur la question qu’ils ont remporté en novembre dernier, avec un texte baptisé « #proposition_22 ». Qui introduit pour les dizaines de milliers de chauffeurs concernés un #revenu_minimum_garanti et une contribution à l’#assurance_santé.

      #néo-esclavage #ordres #Bruxelles_Mobilité #sous-traitance #travailleur_indépendant #salariat #salaire #Commission_administrative_de_règlement_de_la_relation_de_travail (#CRT) #Belgique #droit_du_travail

  • #Pauvreté en #France. Les jeunes et l’#Outre-mer en première ligne

    Le #rapport publié par l’#Observatoire_des_inégalités montre que 5,3 millions de Français vivent sous le seuil de 885 € par mois. Et la #crise_sanitaire, prévient l’organisme, va aggraver la situation.

    L’observatoire des inégalités, un organisme indépendant fondé à Tours en 2003, surveille en permanence les données statistiques du pays et s’intéresse aux « grandes évolutions structurelles ». La deuxième édition (2020-2021) du rapport bi-annuel sur la pauvreté en France qu’il publie ce jeudi 26 novembre dresse un constat alarmant, en particulier pour la jeunesse et les territoires d’Outre-mer. Dans un contexte marqué par l’épidémie de Covid-19, dont les conséquences échappent encore à ce diagnostic.

    « En 2020, la récession atteindra des niveaux inégalés depuis la dernière guerre mondiale. Nous allons en payer les dégâts avec une progression attendue dévastatrice du chômage », prévient Louis Maurin, directeur de l’Observatoire. Quel sera son impact : « 500 000 personnes pauvres de plus ? Un million ? On n’en sait rien » dit-il, alors que la majorité des données exploitées ont été collectées avant 2020. Et que les effets de la crise sanitaire « ne pourront se mesurer qu’en 2022 ».

    5,3 millions de pauvres en France

    Le pays compte 5,3 millions de pauvres « si l’on prend en compte le seuil de 50 % du niveau de vie médian (1 770 € par mois) », retenu par l’observatoire. C’est 8,3 % de la population totale. « La pauvreté est plus répandue qu’il y a 15 ans, la hausse s’est faite entre 2002 et 2012, avec 1,3 million supplémentaire (+ 35 %) », détaille Anne Brunner, codirectrice du rapport.Au total 6,3 millions de personnes vivent avec au maximum 934 € par mois pour une personne seule. Ce qui correspond au seuil des 10 % les plus pauvres. Et en moyenne ce dixième dispose de seulement 735 €.

    Les Français sans activité plus exposés

    Près de la moitié des personnes pauvres sont inactives, à la retraite ou au foyer. L’autre est composée de salariés, d’étudiants. Un chômeur sur quatre vit sous le seuil de pauvreté. La moitié des personnes pauvres vit en couple, un quart seules, un autre quart au sein de familles monoparentales.

    Lors d’une séparation, une famille sur cinq bascule dans la pauvreté. Le taux de pauvreté des femmes est légèrement supérieur à celui des hommes 52,7 % contre 47,3 % : un « reflet du poids financier des enfants sur leur niveau de vie », indique l’observatoire. Les immigrés seraient trois fois plus exposés, selon les dernières données disponibles datant de 2015.

    Les enfants et les jeunes plus touchés

    En France, un enfant sur dix grandit dans une famille pauvre. La moitié des pauvres ont moins de 30 ans, 20 % sont étudiants, un tiers sont des enfants et des adolescents. Les 18-29 ans sont les plus touchés. « Cette tranche d’âge est vulnérable à la crise économique qui suit la crise sanitaire », appuie Louis Maurin, directeur de l’Observatoire.

    Les Outre-mer en tête des territoires les plus pauvres

    Les données de l’Insee, publiées au cours de l’été et mentionnée par le rapport sont édifiantes. À Mayotte, 77 % de la population se situe sous le seuil de 60 % du niveau de vie médian ; 53 % en Guyane. À la Réunion, un quart des habitants vivent avec moins de 867 € par mois. Et en Martinique, les 10 % les plus pauvres vivent avec moins de 630 € mensuels.

    Parmi les villes qui comptent plus de 20 000 habitants, cinq communes de la Réunion en tête classement des vingt villes où le taux de pauvreté est le plus élevé. Devant Grigny (Essonne) et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qui affichent des taux de 45 % et 46 %.

    Un #revenu_minimum unique pour lutter contre la pauvreté

    C’est ce que suggère de créer l’Observatoire des inégalités pour « sortir les plus démunis de la pauvreté ». Sept milliards d’euros « hors crise sanitaire, soit l’équivalent de baisse d’impôts accordée aux plus aisés en 2017 », suffiraient pour « que chaque français puisse bénéficier de 900 € par mois pour vivre. »

    Car si en France, pays d’Europe affichant l’un des taux de pauvreté les plus bas derrière la Finlande, « le modèle social protège », les jeunes de moins de 25 ans ne disposent d’aucune aide. « On est à un moment où il faut absolument que les plus favorisés aident davantage ceux qui le sont moins », plaident les auteurs du rapport.

    https://www.ouest-france.fr/societe/pauvrete/pauvrete-en-france-les-jeunes-et-l-outre-mer-en-premiere-ligne-7063848
    #statistiques #chiffres #seuil_de_pauvreté #pauvres #rdb #revenu_de_base #2020

  • Il est urgent d’ouvrir le revenu minimum aux jeunes
    https://www.inegalites.fr/Il-est-urgent-d-ouvrir-le-revenu-minimum-aux-jeunes

    Ensuite, on craint que le RSA fasse des jeunes des « assistés ». Avec 500 euros par mois, ils pourraient soi-disant se passer de chercher du travail. Or différentes études ont montré que la mise en place d’un revenu minimum n’affecte pas la recherche d’emploi des jeunes [3]. Les travaux de l’économiste Esther Duflo sur la pauvreté ont établi que cette critique de l’assistanat, envers les plus pauvres en général, n’était pas fondée empiriquement. Surtout, elle explique qu’il est possible de lier plus étroitement le bénéfice d’un revenu minimum aux dispositifs d’accompagnement vers l’emploi ou la formation, comme c’est le cas dans les pays nordiques. Il existe en France une « garantie jeunes » qui permet d’accompagner les jeunes en situation de vulnérabilité dans leur insertion professionnelle, mais elle est attribuée dans des conditions draconiennes.

    Pour lutter efficacement contre la pauvreté des jeunes, il est temps de leur accorder le droit à un minimum social [4]. Cette option est largement à la portée des finances publiques de notre pays. L’Inspection générale des affaires sociales, reprenant une étude du ministère des Solidarités a, par exemple, estimé le coût de l’ouverture du RSA aux 18-25 ans (non étudiants) à un montant situé entre 1,5 et 3 milliards d’euros [5]. À titre de comparaison, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), dont l’effet est très réduit, a coûté 21 milliards en 2018, et le « plan jeunes » présenté le 23 juillet dernier, 6,5 milliards. C’est donc une réforme dont la mise en œuvre ne dépend en fin de compte que d’une volonté politique suffisante, et dont les effets seraient considérables en termes de réduction de la pauvreté [6].

  • Avis sur la création d’un Revenu universel d’activité (RUA) | CNCDH
    https://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-la-creation-dun-revenu-universel-dactivite-rua

    La CNCDH appelle à la reprise des concertations autour du #RUA et formule des recommandations pour que le dispositif permette réellement de sortir des personnes de la pauvreté et de retrouver une vie digne.

    L’avis sur la création d’un revenu universel d’activité alerte sur l’urgence de garantir le droit à la vie dans la dignité, alors que la crise sanitaire exacerbe la pauvreté qui sévit en France. Si la réforme des minima sociaux est bienvenue, elle doit être retravaillée pour satisfaire aux objectifs d’amélioration de l’accès aux droits sociaux et de simplification du système de prestations sociales. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) rappelle notamment que, contrairement à ce que sous-tend en l’état la réforme, l’accès aux prestations sociales ne doit pas être conditionné à la réalisation de « devoirs » . Elle recommande donc la reprise des concertations et insiste sur l’importance de revaloriser les prestations sociales et d’inclure les 18-25 ans et les étrangers en situation régulière parmi les bénéficiaires, afin de garantir le droit à un niveau de vie suffisant consacré par le Préambule de 1946.

    #revenu_minimum #conditionnalité #droits_sociaux

  • Pour une protection des travailleurs et des travailleuses qui survivent à la crise
    Yanick Noiseux et Laurence Hamel-Roy, Le Devoir, le 4 avril 2020
    https://www.ledevoir.com/opinion/idees/576446/pour-une-protection-des-travailleurs-et-des-travailleuses-qui-survive-a-la

    La pandémie actuelle est un puissant révélateur de la précarisation des marchés du travail et de l’exploitation outrancière des travailleurs et des travailleuses pauvres « devenus » essentiels en temps de crise. Pour comprendre comment nous en sommes venus à devoir inventer à la va-vite des programmes de soutien, on ne peut faire abstraction des ravages d’une politique d’emploi centrée sur la mise en compétition de tous contre tous et le transfert des risques économiques vers les individus.

    Quarante ans après le virage néolibéral, c’est plus de 40 % des personnes qui en sont réduites à des statuts d’emploi atypiques et précaires (à temps partiel, à contrat, sur appel, placés par des agences de placement, etc.), les rendant facilement éjectables, comme le montre la rapidité fulgurante des mises à pied récentes. Quant aux prestations de chômage qui pourraient tout de même les protéger, ce n’est désormais que quatre travailleurs sur dix qui y ont accès « en temps normal » ; encore moins dans le cas des femmes. Triste, enfin, est de constater l’ironie de la situation des personnes seules prestataires de l’aide sociale devant survivre avec 655 $ par mois, alors qu’on avance désormais que 2000 $ par mois — le montant de la prestation d’urgence annoncée — est un « strict minimum ». Avec un filet social conséquent et une sécurité d’emploi digne de ce nom, nous n’aurions pas à créer autant de nouveaux programmes d’aide en catastrophe.

    La PCU (Prestation canadienne d’urgence) annoncée dans la confusion témoigne bien du bourbier dans lequel on se retrouve. Même imposable, cette prestation sera, c’est écrit dans le ciel, inéquitable et discriminatoire, comme plusieurs l’ont déjà dénoncé. Avec un site web à mettre sur pied en sept jours et des millions de dossiers à traiter, la PCU est aussi un fiasco bureaucratique annoncé. Certainement plus juste aurait été de rendre cette prestation universelle en proposant un revenu minimum garanti temporaire et en s’appuyant sur une structure d’imposition très progressive allant jusqu’à imposer à 100 % la prestation d’urgence des très riches.

    Pour régler ces iniquités, Legault nous demande « de lui faire confiance ». Les propositions invoquées timidement depuis laissent néanmoins deviner un scénario de solutions bricolées « à la pièce », avec ses effets collatéraux. Annoncé in extremis après une levée de boucliers, le rehaussement du salaire des préposées aux bénéficiaires dans les résidences privées pour personnes âgées est non seulement insuffisant, mais il est aussi potentiellement dangereux. Il ne porte le salaire horaire qu’aux environs de 17$, ne comblera pas complètement la différence par rapport aux salaires dans le public et, surtout, laisse en plan, les travailleuses offrant des services à domicile. À court terme, ces écarts laissent craindre des mouvements de personnel d’un secteur à l’autre avec ses effets délétères en matière de continuité de soins.

    Il y a urgence d’agir, mais aussi de le faire de façon systémique et cohérente. Majoritairement des femmes, les personnes qui travaillent à bas salaires, notamment dans les épiceries, la restauration, les pharmacies, mais aussi ceux et celles qui portent le secteur communautaire sous-financé à bout de bras doivent tout autant pouvoir accéder à de meilleures conditions de travail.

    Visons donc 20 $ — minimalement — pour tous et toutes, et pas de manière temporaire. Et à ceux et celles qui avancent que cette augmentation du salaire minimum donnera le coup de grâce aux PME, les sommes colossales expédiées à tous vents par le gouvernement fédéral selon le principe très critiquable du helicopter money montrent bien qu’il est à la fois possible de hausser le salaire minimum et de soutenir, en même temps, les entreprises. Alors que ce dernier profite de l’éclipse médiatique pour avancer 15 milliards de dollars à l’industrie pétrolière, il y aurait lieu de profiter de l’occasion pour cibler d’abord les secteurs qui produisent et distribuent des biens et des services essentiels (que la crise permet assez bien d’identifier par ailleurs). Quant au premier ministre Legault, il refuse de hausser rapidement et durablement le salaire minimum et se limite à proposer une prime temporaire de 400 $ pour les travailleurs et travailleuses au bas de l’échelle. Pour se justifier, il s’empresse de revenir à la sempiternelle logique comptable — le salaire minimum devant, selon lui, se situer à 50 % du salaire médian — que la classe dirigeante semble pourtant avoir abandonné en un tour de main depuis le début de la crise. Ce manque d’ouverture montre que nous sommes loin de la coupe aux lèvres.

    Pour ceux et celles qui en ont le luxe, cette crise est déjà l’occasion de repenser à nos habitudes de vie. En matière de rapport à la consommation, certes, mais plus fondamentalement à la place qu’occupe le travail dans notre existence. À prendre la mesure de son utilité — ou non — et à comprendre comment il en vient à prendre le pas sur des aspirations à une vie moins folle, plus sereine, plus conviviale. Cette crise doit enfin nous inviter, comme le souhaite la philosophe Dominique Méda, « à revoir l’échelle de la reconnaissance sociale et de la rémunération des métiers ».

    Ce moment de réflexion collective pourrait laisser poindre un vent d’optimisme pour la suite des choses. Mais l’obstination de nos gouvernements à ne pas prendre au sérieux la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les travailleurs et les travailleuses pauvres — et plus largement l’ensemble des personnes auxquelles s’attaque le virus du capitalisme — montre bien qu’il faut d’ores et déjà rester vigilant. Et s’organiser dès maintenant.

    #coronavirus #travail #précarité #Québec #salaire_minimum #revenu_minimum_garanti #prestation_sociale

    Voir compile des effets délétères indirects de la pandémie :
    https://seenthis.net/messages/832147

  • « Un revenu de base en Inde », Thomas Piketty
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/13/thomas-piketty-un-revenu-de-base-en-inde_5449649_3232.html

    Chronique. Le plus grand vote de l’histoire du monde vient de commencer en Inde : plus de 900 millions d’électeurs. On dit souvent que l’Inde a appris l’art de la démocratie parlementaire au contact des Britanniques. L’affirmation n’est pas entièrement fausse, à condition, toutefois, d’ajouter que l’Inde a porté cet art à une échelle inconnue avant elle, au sein d’une communauté politique de 1,3 milliard d’habitants, traversée par d’immenses clivages socioculturels et linguistiques, ce qui est autrement plus compliqué.

    Pendant ce temps, le Royaume-Uni a bien du mal à le rester. Après l’Irlande au début du XXe siècle, il n’est pas impossible que ce soit au tour de l’Ecosse de quitter le Royaume et son Parlement en ce début de XXIe siècle. Quant à l’Union européenne et ses 500 millions d’habitants, elle ne parvient toujours pas à mettre en place des règles démocratiques permettant d’adopter le moindre impôt en commun, et continue d’accorder des droits de veto à des grands-duchés rassemblant à peine 0,1 % de ses citoyens. Plutôt que d’expliquer doctement que rien dans ce beau système ne peut être changé, les responsables européens seraient bien inspirés de regarder du côté de l’Union indienne et de son modèle de République fédérale et parlementaire.

    Evidemment, tout n’est pas rose pour autant dans la plus grande démocratie du monde. Le développement du pays est miné par d’énormes inégalités et une pauvreté qui diminue trop lentement. L’une des principales innovations de la campagne qui s’achève est la proposition faite par le Parti du Congrès d’introduire un système de revenu de base : le NYAY (nyuntam aay yojana, « revenu minimum garanti »). Le montant annoncé est de 6 000 roupies par mois et par ménage, soit l’équivalent d’environ 250 euros en parité de pouvoir d’achat (3 fois moins au taux de change courant), ce qui n’est pas rien en Inde (où le revenu médian ne dépasse pas 400 euros par ménage). Ce système concernerait les 20 % des Indiens les plus pauvres. Le coût serait significatif (un peu plus de 1 % du PIB), sans être rédhibitoire.

    Mesures sociales, éducatives et fiscales

    Comme toujours avec les propositions de ce type, il est important de ne pas s’en tenir là et de ne pas prendre le revenu de base pour une solution miracle ou un solde de tout compte. Pour mettre en place une répartition juste des richesses et un modèle de développement durable et équitable, il faut s’appuyer sur tout un ensemble de mesures sociales, éducatives et fiscales, dont le revenu de base n’est qu’un élément. Comme l’ont montré Nitin Bharti et Lucas Chancel, les dépenses publiques de santé ont stagné à 1,3 % du PIB entre 2009-2013 et 2014-2018, et l’investissement éducatif a même baissé, passant de 3,1 % à 2,6 %. Un équilibre complexe reste à trouver entre la réduction de la pauvreté monétaire et ces investissements sociaux, qui conditionnent le rattrapage de l’Inde sur la Chine, qui a su mobiliser des ressources plus importantes pour élever le niveau de formation et de santé de l’ensemble de la population.

    Il reste que la proposition du Congrès a le mérite de mettre l’accent sur les questions de redistribution et d’aller au-delà des mécanismes de quotas et de « réservations », qui ont certes permis à une fraction des basses castes d’accéder à l’université, à l’emploi public et aux fonctions électives, mais qui ne suffisent pas. La plus grande limite de la proposition est que le Congrès a choisi de rester discret sur le financement. C’est dommage, car cela aurait été l’occasion de réhabiliter le rôle de l’impôt progressif, et de tourner définitivement la page de son moment néolibéral des années 1980 et 1990.

    Surtout, cela lui aurait permis de se rapprocher plus explicitement de la nouvelle alliance entre les partis socialistes et de basses castes (SP, BSP), qui proposent la création d’un impôt fédéral de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 25 millions de roupies (1 million d’euros en parité de pouvoir d’achat), ce qui rapporterait l’équivalent des sommes requises pour le NYAY, et de renforcer la progressivité de l’impôt fédéral sur le revenu. Au fond, le véritable enjeu de cette élection est la constitution en Inde d’une coalition de gauche, à la fois égalitaire et multiculturelle, seule à même de battre le nationalisme hindou pro-business et antimusulmans du BJP.

    Big business

    Il n’est pas sûr que cela soit suffisant cette fois. Ancien parti hégémonique venu du centre, le Congrès est toujours dirigé par le très peu populaire Rahul Gandhi (issu de la lignée Nehru-Gandhi), alors que le BJP a eu l’intelligence de se donner pour la première fois, avec Modi, un dirigeant aux origines modestes. Le Congrès craint d’être débordé et de perdre la direction du gouvernement s’il se lance dans une coalition trop explicite avec les partis situés à sa gauche.

    Par ailleurs, Modi bénéficie du financement du big business indien, dans un pays qui brille par une absence criante de régulation en ce domaine. Il a en outre habilement exploité l’attentat de Pulwama, au Jammu-et-Cachemire, et les raids aériens qui ont suivi pour faire vibrer les sentiments anti-Pakistan et accuser le Congrès et les partis de gauche de connivence avec l’islam intégriste (cela n’arrive pas qu’en France), dans ce qui risque de rester comme le tournant dans la campagne. En tout état de cause, les graines semées reprendront leur cours, en lien avec les transformations politico-idéologiques en mouvement dans le reste du monde. Les décisions débattues en Inde nous concerneront tous de plus en plus. En cela, cette élection indienne est bien une élection d’importance mondiale.

    Un parti gouvernemental qui promet un revenu de base pour essayer de ne pas perdre les élections, voilà qui n’est pas français.

    #Inde #revenu_minimum_garanti #revenu_de_base

  • Le #Cese propose un « pacte démocratique »
    https://www.banquedesterritoires.fr/le-cese-propose-un-pacte-democratique

    Dans un avis adopté le 12 mars 2019, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) propose de mettre en place un « pacte démocratique » pour réviser les processus d’élaboration des décisions publiques en France, en donnant plus de place à la #participation des citoyens.

    #démocratie #intérêt_général #subsidiarité #revenu_minimum #minima_sociaux #inégalités_sociales #éducation #mixité_sociale #services_publics #santé #industrie

    L’avis du Cese : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2019-03/2019_06_fractures_transitions.pdf

  • World Development Report 2019: The Changing Nature of Work
    http://www.worldbank.org/en/publication/wdr2019

    jungle.world - Ungerechtigkeit 4.0
    https://jungle.world/artikel/2018/41/ungerechtigkeit-40?page=all

    11.10.2018 -
    Der Weltentwicklungsbericht der Weltbank beschäftigt sich mit der Frage, wie die Digitalisierung soziale Gerechtigkeit verändert

    Ungerechtigkeit 4.0

    Die Digitalisierung betrifft alle Lebensbereiche. Wie sie sich auf soziale Gerechtigkeit auswirkt, wird derzeit viel diskutiert. Auch die Weltbank befasst sich in ihrem Bericht für das Jahr 2019 damit. Ihre Analyse stammt allerdings aus der vordigitalen Zeit.

    Von Christopher Wimmer

    Von der Arbeitswelt über das Privat­leben und die Freizeitgestaltung bis zur Politik – die Digitalisierung hat die bis vor wenigen Jahrzehnten bestehenden Verhältnisse grundlegend verändert. Sie hat neue Lebenssituationen geschaffen, deren Konsequenzen für die Arbeit, das Gemeinwohl und das Leben der Einzelnen nur teilweise voraus­gesehen werden können.

    Mit dem Thema Digitalisierung befasst sich derzeit auch die Weltbank, die gerade ihren Weltentwicklungsbericht für das Jahr 2019 vorbereitet. In ihren jährlich erscheinenden Berichten behandelt die Weltbank immer verschiedene Themen. Der Band für 2019 soll im Oktober unter dem Titel »The Changing Nature of Work« erscheinen und sich mit dem Wesen und der Zukunft der Arbeit beschäftigen. Der Entwurf ist im Netz frei zugänglich und wird Woche für Woche aktualisiert. Darin werden zwei Themen verbunden, die bisher selten zusammen diskutiert wurden: Di­gitalisierung und Ungleichheit. Die Digitalisierung hat den Verfassern zu­folge das Potential, soziale Ungleichheit zu verschärfen.

    Über die Frage, ob die Digitalisierung eine große Chance oder ein großes Ri­siko für die Gesellschaft ist, ist auch die Meinung der deutschen Bevölkerung gespalten. Dem Ifo-Bildungsbarometer 2017 zufolge stimmten 50 Prozent der Befragten der Aussage zu, dass die Digitalisierung insgesamt zu größerer so­zialer Ungleichheit in Deutschland führen werde, 46 Prozent stimmen dem nicht zu. Die einen befürchten, dass die Digitalisierung zu massiven Arbeitsplatzverlusten führt und somit die Ungleichheit verschärft, die anderen hoffen auf neue Jobperspektiven in der digitalen Welt.

    Die Autorinnen und Autoren unter der Leitung des Ökonomen und ehemaligen bulgarischen ­Finanzministers Simeon Djankov regen dazu an, den Kündigungsschutz zu lockern und Unternehmen generell von ihrer sozialen Verantwortung zu befreien. Mindestlöhne sollen gesenkt werden.

    In den vergangenen Jahren sind die Reallöhne in Deutschland, nach einer längeren Phase der Stagnation, leicht gestiegen. Anders als in anderen west­lichen Ländern sind viele neue industrielle Jobs entstanden, in denen relativ hohe Löhne gezahlt werden.

    Und doch sind stabile Wachstumsraten und Rekordbeschäftigung keine Garanten für soziale Gerechtigkeit. Der Anteil der Menschen, die als armutsgefährdet gelten, ist zuletzt wieder angestiegen. Leiharbeit, Werkverträge, Minijobs und befristete Arbeitsverhältnisse prägen die Arbeitswelt – fast 40 Prozent der Beschäftigten in Deutschland arbeiten inzwischen in derlei prekären Arbeitsverhältnissen. Für sie bedeutet dies häufig: niedrige Löhne, geringe soziale Absicherung und permanente Angst vor dem Verlust des Arbeitsplatzes. Besonders jüngere Beschäftigte sind davon betroffen.

    Rechte, die sich Lohnabhängige in den vergangenen Jahrzehnten gewerkschaftlich erkämpften, werden durch neue Arbeitsverhältnisse der Gig-Ökonomie unterminiert, bei der kleine Aufträge kurzfristig an unabhängige Freiberufler oder geringfügig Beschäftigte vergeben werden. Kündigungsschutz, Krankenversicherung und Urlaubsanspruch gelten dort nur selten. Die Digitalisierung der Arbeitswelt verstärkt diese Prozesse. Mittlerweile geht es auch nicht mehr nur um die industrielle Produktion.

    Weitere Branchen werden umstrukturiert. Der Zeitungs- und Büchermarkt, der Börsenhandel, die Versicherungsbranche, Immobilien- und Stellenbörsen, das Militär – diese und weitere Bereiche sind ebenfalls von gewaltigen Transformationen betroffen.

    Die Weltbank stellt fest: Die großen digitalen Unternehmen beschäftigen vergleichsweise wenige Mitarbeiter, vernichten aber Tausende Jobs in der Industrie, im Handel und Dienstleistungssektor. Ein Beispiel hierfür sei der Fahrdienstleister Uber. Durch die Möglichkeit, Menschen privat im Auto mitzunehmen, wird das organisierte Taxigewerbe unter Druck gesetzt. Waren gewisse Mindesteinkommen und Sicherheiten für die regulären Taxifahrer gegeben, fallen bei Uber alle Formen der gewerkschaftlichen Organisierung und Versicherungen komplett weg. Das Ergebnis ist die Prekarisierung der gesamten Branche.

    Die unregulierte, digitale Variante des Taxigewerbes steht also nicht für die inklusiv und sozial gerecht erscheinende sharing economy, sondern bedeutet unterm Strich: Vereinzelung und direkte Ausbeutung, also Kapitalismus in Reinform.

    Doch es gibt auch eine positive Erzählung über die Digitalisierung. Zahlreiche Verlautbarungen aus Wirtschaft und Politik preisen sie als Garant für zukünftigen Wohlstand. Vom Bundeswirtschaftsministerium über die Unternehmensplattform »Industrie 4.0« bis hin zu Beratungsfirmen wie McKinsey sind sich alle einig, dass Phänomene wie Big Data, Internet der Dinge und künstliche Intelligenz nicht nur für Wachstum sorgen werden, sondern auch zu sozialer Gerechtigkeit beitragen können. Gab es früher enorme Hürden, die die Existenz kleiner Produzenten be- und verhinderten, können sich Menschen nun über Marktplätze wie Ebay selbständig machen oder Geld neben dem Job hinzuverdienen. Ebenso verhält es sich mit Uber oder Airbnb – Geld kann hier relativ leicht verdient werden.

    Doch ein Blick auf wissenschaftliche Szenarien macht skeptisch, ob diese Gerechtigkeitsversprechungen der Digitalisierung wirklich einzuhalten sind. Digitale Innovationen werden sich anders auswirken als vorherige technologische Entwicklungen. Ihre atem­beraubende Geschwindigkeit tangiert auch die Arbeitsplatzsicherheit. Verschiedene Studien sagen voraus, dass allein in den nächsten zwei Jahrzehnten zwischen zwölf und 40 Prozent der Arbeitsplätze in Deutschland verloren gehen könnten – die neu entstandenen Jobs bereits eingerechnet.

    Von der Digitalisierung sind mittlerweile alle Berufsgruppen betroffen. Die Technologie selbstfahrender Autos ersetzt zumindest potentiell die Busfahrer, Drohnen die Postbeamtinnen, intelligente Systeme die Buchhalterin und schlussendlich können auch Wissensarbeiter ersetzt werden – künstliche Intelligenz an Stelle von Professoren.

    Die Weltbank geht in ihrem Bericht darauf ein und fordert Maßnahmen, um wachsender Ungleichheit vorzubeugen: »Als erste Priorität sind umfangreiche Investitionen in das Humankapital während des gesamten Lebens einer Person von entscheidender Bedeutung. Wenn die Arbeiter gegenüber Maschinen konkurrenzfähig bleiben sollen, müssen sie in der Lage sein, ständig neue Fähigkeiten zu trainieren oder von Anfang an besser ausgebildet sein«, heißt es darin.

    Doch was passiert mit all denen, die nicht mithalten können? Die Jobs, die mit der Digitalisierung entstehen, werden nur zu einem kleinen Teil gut bezahlt sein. Der kleinen Gruppe von Programmierern oder IT-Ingenieurinnen wird die große Mehrheit der Beschäftigten bei Lieferketten, in Lagerhallen oder als Gelegenheits-, Crowd- und Clickarbeiterinnen gegenüberstehen – im Niedriglohnsektor.

    All das wird dazu führen, dass die soziale Ungleichheit weiter anwächst. Die Vorschläge der Weltbank scheinen in dieser Hinsicht wenig aussichtsreich zu sein. So regen die Autorinnen und Autoren unter der Leitung des Ökonomen und ehemaligen bulgarischen ­Finanzministers Simeon Djankov dazu an, den Kündigungsschutz zu lockern und Unternehmen generell von ihrer sozialen Verantwortung zu befreien. Mindestlöhne sollen gesenkt werden.

    An deren Stelle solle laut Weltbank ein bedingungsloses Grundeinkommen und bessere private Vorsorge treten. Dies soll durch höhere Steuern finanziert werden, die dem Entwurf zufolge aber hauptsächlich Geringverdienende und Ärmere belasten würden.

    Mit diesen Mitteln wird man dazu beitragen, dass sich einige wenige – die die Macht über Roboter und Algorithmen haben – zu Lasten der großen Mehrheit bereichern. Riesige Mengen Kapital sammeln sich bereits bei wenigen Firmen an, die große Plattformen und Programme entwickeln.

    Der digitalisierte Klassenkampf scheint derzeit eindeutig auszufallen. Er betrifft aber nicht nur die Arbeitswelt, sondern die gesamte Gesellschaft, denn diese Firmen akkumulieren nicht nur große wirtschaftliche, sondern auch gesellschaftliche Macht: Sie verfügen über das Wissen, die Daten und die medialen Räume, mit denen in Gesellschaft und Politik Diskussionen geführt und Entscheidungen getroffen werden. Kämpfe um soziale Gerechtigkeit im digitalen Kapitalismus werden dadurch umso schwerer – aber auch umso wichtiger.

    #Uber #Taxi #BEG #Arbeit #Arbeitslosigkeit #Digitalisierung #Prekasisierung #Plattformkapitalismus #Weltbank

  • La noyade d’Archimède Le Devoir - Jean-François Nadeau 20 Novembre 2017 _
    http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/513405/la-noyade-d-archimede

    Au fond, nous en sommes encore à croire qu’en plongeant quiconque dans un bain de misère on l’aidera à remonter à la surface, selon une sorte de principe d’Archimède social dont la pratique n’a pourtant conduit qu’à d’effroyables noyades.

    Au temps où il m’enseignait à l’Université Laval, le ministre François Blais posait en arbitre de la pauvreté. Le principe d’un revenu de base inconditionnel versé à tous, il l’agitait telle une idée capable d’aider l’humanité de la main blanche de la science, mais tout en se gardant de s’approcher de la réalité. Cette capacité à ne cavaler que dans les champs glacés d’une égalité théorique avait déjà quelque chose d’inquiétant.
     
    En plaçant les inégalités sociales en apesanteur, en les masquant derrière un voile, il réglait en quelque sorte à l’aveugle le sort du monde en d’impeccables équations vidées d’émotions, mais néanmoins chargées d’enjeux idéologiques. Comme si cette pensée n’était pas déjà suffisamment suspecte, il a fallu que ce professeur attache le train de sa pensée à un des gouvernements les plus antisociaux de toute l’histoire du Québec.
     
    Ce gouvernement a fini par confier l’examen des velléités de François Blais à trois économistes. Ils viennent de publier leur rapport. À la plus grande déception du ministre, ils ont constaté que l’application pratique d’un revenu minimum garanti s’avère irréaliste. Or c’est une chose que de le l’affirmer, mais c’en est une autre de constater que ces économistes préfèrent par ailleurs miser sur des mesures vouées à forcer les individus à travailler plutôt que de travailler à changer les conditions sociales qui prédisposent à la pauvreté. Ce rapport propose au bout du compte, comme bien d’autres du genre, de « récompenser l’effort en favorisant les initiatives entreprises par les individus pour intégrer le marché du travail et s’y maintenir ».
     
    La dynamique de délitement social qui préside au chômage et à la pauvreté est chez nous sans cesse réduite à une simple affaire de volonté individuelle, que l’on peut stimuler par des bonbons ou des punitions. Encore récemment, s’ils n’acceptaient pas de se soumettre à sa volonté, le ministre jugeait raisonnable d’amputer jusqu’à 224 $ de la maigre allocation mensuelle de 628 $ des indigents dont il a la responsabilité.
     
    Dans ce système qui assure sans faillir sa reproduction, la pauvreté n’est que rarement considérée comme un résidu de l’enrichissement de quelques-uns. On en arrive alors à faire passer pour une vertu la volonté d’un entrepreneur de faire porter à des itinérants, comme ce sera bientôt le cas à Montréal, semble-t-il, une puce qui gère leurs achats et leur argent, afin de s’éviter de détourner le regard des problèmes sociaux globaux.
     
    Au XVIe siècle, à l’époque de la grande expansion économique de l’Europe, puis au XIXe siècle des usines, la misère a progressé à grande vitesse. On prit le parti de l’étouffer. Faute de résultat, on tenta de la soulager quelque peu, souvent dans un esprit religieux, tout en ne renonçant pas pour autant à la réprimer.
     
    En 1530, sous le règne d’Henri VIII, les gens incapables de travailler doivent obtenir un permis pour obtenir la charité. Ceux d’entre eux qui sont jugés assez bien portants pour travailler et qui, pour des raisons que l’on ne s’efforce pas de comprendre, n’y parviennent pas sont soumis au fouet, puis à l’emprisonnement. L’idée est de les « remettre au travail » à tout prix, tout en fermant les yeux sur les conditions qui font qu’ils en sont privés. Comme ces mesures sont jugées trop douces et surtout sans effet, les peines sont durcies. En plus d’être fouetté, jusqu’au ruissellement du sang, il fallut désormais qu’une oreille de ces malheureux soit coupée.
     
    Sous Édouard VI, les individus considérés capables de travailler mais qui n’ont pas de travail sont soumis à l’esclavage par la force. Toujours en Angleterre, en 1572, on réitère l’usage du fouet pour les sans-travail. On les stigmatise davantage grâce à une marque au fer rouge que l’on applique sur l’oreille. Durant ce règne, on pend en moyenne 400 personnes par année parce qu’elles ne travaillent pas.
     
    En Espagne, c’est à peu près la même chose. Un citoyen peut s’emparer d’un démuni et le forcer à travailler à son profit pendant un mois entier sans le rémunérer. À Tolède, on les ampute des deux oreilles pour bien fixer le déshonneur qu’ils ont d’être à jamais les laissés-pour-compte de leur société.
     
    À Paris, on condamne les gueux à descendre dans les entrailles des égouts pour en écoper la merde et ses jus gras. Sous le règne de Louis XIV, le roi Soleil, ce sera le fouet et les cales sombres des galères. Sur les rives du Saint-Laurent comme ailleurs en Amérique, au temps pas si lointain des disettes, des maladies et de l’immigration de malheureux privés de tout comme les Irlandais, l’activité de la police consiste à réprimer les pauvres tandis que de bonnes âmes se félicitent de leur jeter quelques miettes de pain.
     
    Sitôt ce rapport d’experts déposé mardi dernier sous le nez du ministre dépité, le Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec et le Front commun des personnes assistées sociales du Québec se demandaient publiquement pourquoi, derrière ces parades, l’aide sociale est de moins en moins garantie et pourquoi les contraintes pour le soutien des plus démunis ne cessent d’augmenter.
     
    Au fond, nous en sommes encore à croire qu’en plongeant quiconque dans un bain de misère on l’aidera à remonter à la surface, selon une sorte de principe d’Archimède social dont la pratique n’a pourtant conduit qu’à d’effroyables noyades.

    #inégalités_sociales #revenu_de_base #Quebec #revenu_minimum #antisocial #pauvreté #marché_du_travail #indigents #misère #Angleterre #sans-travail #Espagne #laissés-pour-compte #France #sans-abris

  • Au Québec un ancien partisan du revenu garanti en charge des mesures du workfare. Le savant et le politique | Le Devoir
    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/462188/francois-blais-et-le-workfare-le-savant-et-le-politique

    L’ex-ministre de l’Éducation François Blais, renvoyé à ses premières amours de l’Emploi par le premier ministre, était, lorsqu’à l’université, un contempteur des mesures de type « workfare ». Celles-ci se trouvent pourtant au coeur du projet de loi 70 dont il est désormais responsable. À l’époque, il avait de bons arguments… Notamment qu’elles étaient incompatibles avec son utopie politique, le revenu minimum garanti.

    Le passage de l’université à la politique est rarement facile. François Blais a eu une transition particulièrement ardue. (...)
    Le voilà de retour à Emploi et Solidarité sociale. Il devient donc responsable du projet de loi 70, « Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi », déposée par son prédécesseur Sam Hamad. Comment favoriser l’intégration en emploi ? En instaurant le Programme objectif emploi (POE), qui comprend la définition de plans personnalisés. Ceux-ci spécifieront que le participant, bénéficiaire de l’aide sociale, « est tenu d’accepter tout #emploi_convenable qui lui est offert » (83.4). Cela lui vaudra une « allocation de participation ».
     Que signifie « convenable » ? À quelle distance du lieu de résidence du bénéficiaire l’emploi convenable peut-il être ? Rien n’est précisé ici. Le ministre pourra, « par règlement », « définir ce que constitue un emploi convenable et prévoir les cas et conditions permettant de le refuser ». (...)
     
     

    Carotte et bâton : on est en plein « workfare », une expression qui désigne, de « manière plutôt péjorative, les mesures de soutien du revenu conditionnelles à une quelconque forme de travail ». Or, comme le faisait remarquer le critique Dave Turcotte, de l’opposition officielle, mercredi, M. Blais estimait en 2001 que ces politiques ne faisaient rien pour aider les personnes pauvres. Au contraire, écrivait-il : « Elles les forcent à occuper un travail qu’ils ne désirent pas et dans des conditions d’employabilité inférieures à celles des autres travailleurs, ce qui les enferme définitivement dans des statuts de citoyens de second rang. »
     
    De même, dans son livre Un revenu garanti pour tous (Boréal, 2001), il n’avait pas de mots assez durs pour les dénoncer. Il les estimait « coûteuses et inefficaces du point de vue de la réinsertion au #travail » ; elles créeraient même des « injustices graves en mettant à la disposition d’#employeurs une main-d’oeuvre soumise, bon marché et dépourvue des #droits minimaux que l’on accorde normalement aux autres travailleurs ». Au XIXe siècle, en Angleterre, on créa des workhouses, qui devinrent rapidement des lieux de recrutement et d’exploitation des pauvres, rappelait le professeur Blais. « Ne sommes-nous pas en train de commettre les mêmes erreurs et les mêmes injustices près de deux siècles plus tard ? » s’interrogeait-il.
     M. Blais est-il toujours d’accord avec ses propres critiques du « workfare » de 2001 ? (...)
     
    Les mesures de type « #workfare » sont du reste à l’opposé de l’« utopie réaliste » dont François Blais est un spécialiste universitaire reconnu : le revenu garanti, une piste que le premier ministre lui a demandé solennellement, le 28 janvier, d’explorer, afin d’améliorer « nos outils de soutien du revenu ». Il devra donc choisir entre le projet de loi 70 et des formules de #revenu_minimum garanti, dont on commencera d’ailleurs à faire l’essai, de manière expérimentale, aux Pays-Bas et en Finlande à partir de 2017

  • Christophe, allocataire du RSA : « Le système D occupe une grande partie de mon temps » | La-Croix.com - France
    http://www.la-croix.com/Actualite/France/Christophe-allocataire-du-RSA-Le-systeme-D-occupe-une-grande-partie-de-mon

    Les spécialistes de la lutte contre l’exclusion [ONPES] se penchent sur la notion de « #revenu_minimum décent », à l’occasion d’un colloque organisé sur ce thème, mardi 13 octobre, à Paris.

    Métallier de formation, ­Christophe vit du revenu de solidarité active (#RSA) depuis dix mois. Une fois payé le loyer de son appartement lillois, qu’il partage avec un autre jeune, il lui reste une centaine d’euros pour vivre. Pour la nourriture, le choix est vite fait : c’est « hard discount » ou rien. « Je suis obligé d’acheter des produits de mauvaise qualité car ils sont moins chers. »

    Christophe récupère les invendus d’une boutique de produits bio juste en face de chez lui : la poubelle regorge de marchandises arrivées à la date ­limite de péremption qui constituent la base de son alimentation. Il passe beaucoup de temps à cuisiner pour tirer parti de ces victuailles récupérées.

    Lorsqu’il doit acheter un bien d’équipement, c’est forcément de l’#occasion. « Il faut toujours trouver des #combines. Ce système D occupe une grande place de mon quotidien au détriment de la recherche d’emploi. » Pour les soins, la CMU couvre les dépenses. Mais ­Christophe ne dispose pas de mutuelle. Donc le remplacement des lunettes attendra encore un peu…

    « JE FAIS BEAUCOUP MOINS D’ACTIVITÉS COLLECTIVES »

    C’est surtout dans les loisirs que Christophe ressent le manque d’argent. Plus aucune sortie cinéma. « Au restaurant quand les amis décident de partager la note à la fin du repas, je me retrouve dans une situation délicate. Pour éviter ce genre de désagrément, j’ai tendance à me rapprocher de personnes qui ont le même niveau de vie que moi. »

    Pour ses déplacements, Christophe a abandonné le train, trop onéreux, au profit du bus ou du covoiturage. « Et quand je suis vraiment à sec, je fais du stop ! », explique le jeune homme qui, pour les vacances, s’arrange pour loger chez des amis.

    Sportif, Christophe a renoncé aux cours de yoga qu’il appréciait. « Or c’est là qu’on socialise. Depuis que je suis au RSA, je fais beaucoup moins d’#activités_collectives. Et à la longue, je me renferme un peu sur ma situation », avoue ce célibataire.

    Ce qu’il faut pour vivre décemment. 1 400 € pour un actif seul, 3 300 € pour un couple avec deux enfants : une première étude calcule le « revenu minimum » nécessaire pour échapper à l’exclusion en France.
    http://www.la-croix.com/Actualite/France/Ce-qu-il-faut-pour-vivre-decemment-2015-10-12-1367633

    Le RSA c’est la pauvreté et l’#isolement, deux formes de #contrôle qui agissent comme police du social avant même que les contrôleurs effectuent leur tâche.

  • Microsoft Word - MoU annotated by YV.docx - mou-annotated-by-yv.pdf
    https://varoufakis.files.wordpress.com/2015/08/mou-annotated-by-yv.pdf

    Le troisième mémorandum commenté par Y. Varoufakis - très long et très intéressant. Outre l’augmentation de la TVA, la baisse des retraites, les privatisations des services, électricité, eau, transports, etc, les expulsions facilitées de logement et liquidations de commerces endettés sur ordre des banques, on y trouve un #revenu_minimum_garanti sur le modèle néo-libéral (destiné à remplacer par une allocation très basse les allocations déjà disparues ou en voie de disparition).

    – roll out a basic social safety net in the form of a Guaranteed Minimum
    Income (GMI) [which would be great, except that not one fresh euro will be
    made available for the GMI program whose funding will be siphoned off
    existing benefits provided by the Greek state, e.g. child benefit }

    –{Independance of the tax administration and the statistical office from political interference was also our government’s policy. Except that we were
    equally keen to ensure the tax authorities’ independence from
    corporate interests and ELSTAT’s independence from the troika. And we proposed to do this by placing both independent authorities under the purview of Parliament. This MoU foreshadows that Parliament will have a cosmetic role
    – that the real bosses of tax administrators and ELSTAT are the Euro Working Group, i.e. the troika, Eurostat, and the local vested interests who are mostly responsible behind corruption and rent seeking.}

    – Success will require the sustained implementation of agreed policies over many years.[i.e. the Greek Parliament’s sovereignty is rescinded while it remains insolvent, which will be a long, long time as long as the Eurogroup refuses to discuss serious debt relief.]

    – Furthermore, as a prior action the Government will adopt legislation to:
    • raise revenues :
    a) gradually abolish the refund of excise tax on diesel oil for farmers in two equal steps in October 2015 and October 2016
    [i.e. do untold damage to the primary sector which had a chance of
    becoming an engine of growth through proper marketing of the
    Mediterranean diet, niche organics etc.];
    b) increase the tonnage tax
    [i.e. ensuring that most Greek shipping shifts to nearby Cyrpus].

    – The authorities will take actions to launch the 2015 ENFIA exercise in
    order to issue bills in October 2015 with the final instalment due in February 2016
    [i.e. perpetuating an indefensible property tax that falls on everyone independently of their income in a country were 2 million unemployed or inactive people still own some small property. The perpetuation of ENFIA, and the glee with which the troika sees the issuance of bills in October, will most certainly turn the population against this MoU and make its implementation impossible}

    – a second-phase of pension reforms
    [i.e. cuts to existing pensions, as opposed to mere restrictions in early retirements]

    – phasing out the preferential tax treatment of farmers in the income tax code, with rates set at 20% in the 2016 exercise and 26% in the 2017exercise
    [adding to the pain of the diesel oil tax rate and creating new vistas of glory for tax evasion in Greece’s countryside]

    – better target eligibility to halve heating oil subsidies expenditure in the budget
    2016
    [that is, let more families freeze in the coming winter]

    – clarify that the VAT island discounts will be fully eliminated by end-2016 and define the transitional arrangements
    [The determination with which the troika persecutes Aegean islanders, demanding that their VAT discount is removed, is impressing. Especially given that this type of discount applies fully in every remote island grouping in the European Union; e.g. the Canaries, several islands in the Baltics, etc.

    – In view of any revision of the zonal property values, adjust the property tax
    rates if necessary to safeguard the 2016 property tax revenues at least
    2.65 billion €
    [i.e. make sure that properties which lost much of their value due to the recession are still taxed as a percentage of the old, defunct value - a clear directive to pursue unfair tax policies !]

    – the gradual phasing out the solidarity grant (EKAS) for all pensioners by
    end-December 2019, starting with the top 20% of beneficiaries in March 2016
    [This is noteworthy for its callousness. EKAS is a small contribution to pensioners on extremely low pensions, well below the poverty level. To phase EKAS out, without any serious provision for its replacement, is an attack on decency.]

    Etc, etc. (la suite est pire)

    #revenu_garanti #austérité #mémorandum #Grèce

  • This City Eliminated Poverty, And Nearly Everyone Forgot About It
    http://www.huffingtonpost.com/2014/12/30/city-eliminated-poverty-mincome_n_6392126.html

    Between 1974 and 1979, residents of a small Manitoba city were selected to be subjects in a project that ensured basic annual incomes for everyone. For five years, monthly checks were delivered to the poorest residents of Dauphin, Manitoba –- no strings attached.

    And for five years, poverty was completely eliminated.

    The program was dubbed “Mincome” — a neologism of “minimum income” — and it was the first of its kind in North America. It stood out from similar American projects at the time because it didn’t shut out seniors and the disabled from qualification.

    The project’s original intent was to evaluate if giving checks to the working poor, enough to top-up their incomes to a living wage, would kill people’s motivation to work. It didn’t.

    But the Conservative government that took power provincially in 1977 — and federally in 1979 — had no interest in implementing the project more widely. Researchers were told to pack up the project’s records into 1,800 boxes and place them in storage.

    A final report was never released.

    The True Costs of Corporate Welfare
    http://www.truth-out.org/opinion/item/28293-the-true-costs-of-corporate-welfare

    Welfare programs in the United States include programs like the Women, Infants and Children program (WIC) and food stamps.

    And, as Lou Colagiovanni over at Examiner.com points out, in 2012, a married person with one child making $50,000 per year paid just over $36 in taxes for “food and nutrition assistance” programs like food stamps and WIC.

    That’s just 10 cents per day!

    While conservatives will never admit it, welfare is a mind-bogglingly small expense and a very small piece of the pie.

    On the other hand, the nation’s biggest welfare recipients - rich people and big corporations - are making out like bandits, because the welfare they take isn’t for food or housing - it’s to increase their profits and wealth.

    As Paul Bucheit points out over at Common Dreams, the average US family pays a staggering $6,000 each year in subsidies to big business.

    Think about that for a second.

    Each year, you’re forking over around $6,000 of your hard-earned money to big banks, fossil fuel giants and massive transnational corporations that already rake in billions and billions of dollars in profits.

    But you don’t see conservatives arguing against that.

    (...)

    If we’re serious about going after “welfare queens” in the US, to use Ronald Reagan’s phrase, then let’s start by going after the corporations and industries that use the Walmart business model of paying such low wages that their employees qualify for welfare benefits.

    #subvention #revenu_minimum

  • Produire autrement et partager le #travail pour en finir avec le chômage - Reporterre
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/86297840733

    « [Plutôt que le revenu minimum d’existence] Je préfère de loin une solution qui me paraît plus exigeante et qui conjuguerait le partage du travail, un revenu maximum empêchant un petit groupe d’accaparer et de privatiser des ressources collectives, et une protection sociale généreuse, qui serait largement déconnectée du travail et détachée du mythe de la productivité individuelle du travail. »

    Dominique Méda.

    #revenu_minimum_d'existence

  • Fascinating story: A Town without Poverty and with better Well-being and Health | Economic Sociology and Political Economy
    http://economicsociology.org/2014/04/07/fascinating-story-a-town-without-poverty-and-with-better-well-bei

    Dans les années 1970, pendant quatre ans, les familles de Dauphin, une petite ville rurale du Canada, se sont vues accorder un #revenu_minimum par les gouvernements fédéral et provincial. Contrairement à une protection sociale classique, réservée à certains ayant droit, cette expérimentation, intitulée Mincome, était ouvert à tous. Mincome offrait donc stabilité et prévisibilité, trait particulièrement important pour une ville tributaire de l’agriculture comptant beaucoup d’indépendants. (…) Pendant quatre ans, à Dauphin, toute personne vivant sous le seuil de pauvreté pouvait recevoir des chèques mensuels (1200 $ ou plus, selon les caractéristiques de la famille) pour accroître ses revenus, sans condition. (…)
    Pour compléter l’expérience, une armée de chercheurs fut envoyée à Dauphin pour enquêter auprès des bénéficiaires. Une enquête fut également menée sur les habitants des villes rurales des environs, pour que les données puissent être comparées à celles de Dauphin. Mais quand le gouvernement interrompit le programme en 1978, il fit entreposer les 2000 cartons de données sans se donner la peine de les analyser. (…) Après une bataille de cinq ans, en 2009, Evelyn Forget, de l’Université de Manitoba, eut accès à ces cartons. (…)
    Initialement, le programme #Mincome était conçu comme une expérience relative au marché du travail. Le gouvernement voulait savoir ce qui se passerait si on accordait à tous un #revenu_garanti, et plus particulièrement, il voulait savoir si les gens continueraient à travailler. Il se trouve que oui. (…)
    Seuls deux segments de la population active de Dauphin travaillèrent moins suite à la mise en place de Mincome : les mères d’un nouveau-né, et les adolescents. Les premières arrêtèrent de travailler parce qu’elles voulaient rester à la maison plus longtemps avec leur bébé, les seconds parce que la nécessité de soutenir leur famille s’allégeait. Ils purent passer plus de temps à l’école, et furent plus nombreux à décrocher un diplôme. Ceux qui continuèrent à travailler eurent davantage la possibilité de choisir leur emploi. (…)
    Forget a [également] découvert que Mincome a eu un effet significatif sur le bien-être. Pendant la durée du programme, les consultations à l’hôpital diminuèrent de 8,5 %. Il y eut moins de consultations pour accident du travail, moins de recours aux urgences pour accident de la route ou violence conjugale, moins de consultations pour trouble mental. L’implication des amis et des voisins dans le projet peut avoir mené à des changements dans les attitudes et les comportements sociaux, susceptibles d’influencer les comportements individuels y compris dans les familles ne recevant pas ce complément de revenu.

    Le rapport d’Evelyn Forget : http://public.econ.duke.edu/~erw/197/forget-cea%20%282%29.pdf