• #Recherche : les tours de #passe-passe d’#Emmanuel_Macron

    Le chef de l’Etat s’est targué d’un #bilan flatteur en matière d’investissement pour le monde de la recherche, en omettant des #indicateurs inquiétants et des promesses non tenues, tout en vantant une #concurrence délétère.

    Devant un parterre de plusieurs centaines de scientifiques, le 7 décembre, à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, était à l’aise, volontaire, et « en compagnonnage » avec la communauté académique, comme il l’a confessé. Mais c’est moins en passionné de science qu’en magicien qu’il s’est en fait comporté, escamotant ce qui ne rentrait pas dans son cadre, multipliant les tours de passe-passe, sortant quelques lapins du chapeau, pour aboutir à transformer les flatteries adressées à son auditoire en cinglantes critiques. Au point de faire « oublier » un autre discours célèbre, celui de Nicolas Sarkozy en janvier 2009, qui avait lâché : « Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu’un chercheur britannique. (…) Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé… »

    Premier tour de magie classique, celui de l’embellissement du bilan. Comme une baguette magique, son arrivée en 2017 aurait mis fin à des années de « #désinvestissement_massif ». Sauf que cela ne se voit pas dans le critère habituel de la part du PIB consacrée en recherche et développement (R&D), qui est restée stable depuis le début du premier quinquennat, à 2,2 %. Les estimations indiquent même une baisse à 2,18 % pour 2022.

    Cela ne se voit pas non plus dans la part des #publications nationales dans le total mondial, dont il a rappelé qu’elle a baissé, sans dire qu’elle continue de le faire malgré ses efforts. Même les annexes au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que cela va continuer. Pire, côté bilan, compte tenu de l’inflation, la « magique » #loi_de_programmation_de_la_recherche de 2020 donne en fait des #moyens en baisse aux #laboratoires l’an prochain.

    Avec plus de « réussite », le président de la République a littéralement fait disparaître du paysage 7 milliards d’euros. Il s’agit de l’enveloppe, dont se prive volontairement l’Etat chaque année, pour soutenir la recherche et développement des entreprises – le #crédit_d’impôt_recherche – sans résultat macroéconomique. La part des dépenses de #R&D des #entreprises ne suit pas la progression du crédit d’impôt recherche. Mais il n’est toujours pas question d’interroger l’#efficacité du dispositif, absent de l’allocution, comme celle des mesures sur l’#innovation, le 11 décembre à Toulouse.

    Autre rituel classique des discours, faire oublier les précédents. Le chef de l’Etat l’a tenté à deux reprises sur des thèmes centraux de son argumentaire : l’#évaluation et la #simplification. Dans son allocution de 2023, il regrette qu’en France « on ne tire toujours pas assez conséquence des évaluations », quand en novembre 2019, pour les 80 ans du CNRS, il critiquait « un système mou sans conséquence ». Entre ces deux temps forts, il a nommé à la tête de l’agence chargée des évaluations son propre conseiller recherche, #Thierry_Coulhon, qui n’a donc pas réussi à « durcir » l’évaluation, mais a été nommé à la tête du comité exécutif de l’Institut polytechnique de Paris.

    Il y a quatre ans, Emmanuel Macron promettait également la « simplification », et obtenu… le contraire. Les choses ont empiré, au point qu’un rapport publié en novembre du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur enjoint au CNRS de lancer une « opération commando » pour régler des #problèmes_administratifs, qu’un médaillé d’argent, ulcéré, renvoie sa médaille, et que le conseil scientifique du #CNRS dénonce les « #entraves_administratives ».

    #Violence_symbolique

    L’#échec de la #promesse de simplifier pointe aussi lorsqu’on fait les comptes des « #annonces » concernant le « #pilotage » du système. Emmanuel Macron a prévu pas moins de cinq pilotes dans l’avion : lui-même, assisté d’un « #conseil_présidentiel_de_la_science » ; le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le « ministère bis » qu’est le secrétariat général à l’investissement, qui distribue des milliards jusqu’en 2030 sur des thématiques pour la plupart décidées à l’Elysée ; auxquels s’ajoutent les organismes de recherche qui doivent se transformer en « #agences_de_programmes » et définir aussi des stratégies.

    Au passage, simplification oblige sans doute, le thème « climat, biodiversité et société durable » est confié au CNRS « en lien naturellement avec l’#Ifremer [Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer] pour les océans, avec l’#IRD [Institut de recherche pour le développement] pour le développement durable » ; enfin, dernier pilote, les #universités, qui localement géreront les personnels employés souvent par d’autres acteurs.

    Finalement, le principal escamotage du magicien élyséen consiste à avoir parlé pendant une heure de recherche, mais pas de celles et ceux qui la font. Ah si, il a beaucoup été question des « meilleurs », des « gens très bons », « des équipes d’excellence » . Les autres apprécieront. Le Président promet même de « laisser toute la #liberté_académique aux meilleurs », sous-entendant que ceux qui ne sont pas meilleurs n’auront pas cette liberté.

    Cette #invisibilisation et cette #privation_de_droits d’une bonne partie des personnels fonctionnaires sont d’une rare violence symbolique pour des gens qui, comme dans d’autres services publics, aspirent à bien faire leur métier et avoir les moyens de l’exercer. Ces derniers savent aussi, parfois dans leur chair, quels effets délétères peuvent avoir ces obsessions pour la #compétition permanente aux postes et aux moyens. Et accessoirement combien elle est source de la #complexité que le chef de l’Etat voudrait simplifier.

    La « #révolution », terme employé dans ce discours, serait évidemment moins d’accélérer dans cette direction que d’interroger ce système dont on attend encore les preuves de l’#efficacité, autrement que par les témoignages de ceux qui en bénéficient.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/recherche-les-tours-de-passe-passe-du-president-macron_6207095_3232.html
    #ESR #Macron #France #université #facs

  • « Toni Negri aura été un lecteur et continuateur de Karl Marx, dans une étonnante combinaison de littéralité et de liberté », Etienne Balibar
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/19/l-hommage-d-etienne-balibar-a-toni-negri-il-aura-ete-un-lecteur-et-continuat

    Ce qui d’abord frappait chez lui, en plus de sa silhouette incroyablement juvénile à tout âge, c’était un sourire unique, tantôt carnassier, tantôt ironique ou plein d’affection. Il m’avait saisi dès notre première rencontre, à la sortie d’un séminaire du Collège international de philosophie. Lui, échappé d’Italie à la faveur d’une élection qui le tirait momentanément de prison. Nous, abattus par l’essor du reaganisme et du thatchérisme, qui fracassait les illusions nées de la victoire socialiste de 1981. Que faire dans cette débâcle ? Mais la révolution !, nous expliqua Toni, rayonnant d’optimisme : elle s’avance à travers d’innombrables mouvements sociaux plus inventifs les uns que les autres. Je ne suis pas sûr de l’avoir vraiment cru, mais j’en suis sorti, débarrassé de mes humeurs noires et conquis pour toujours.

    Je n’avais pas suivi le fameux séminaire sur les Grundrisse de Karl Marx [manuscrits de 1857-1858, considérés comme un sommet de son œuvre économique avant Le Capital], organisé en 1978 à l’Ecole normale supérieure par Yann Moulier-Boutang, qu’on m’avait dit fascinant autant qu’ésotérique. Et j’ignorais presque tout de « l’operaismo », [d’« operaio » , « ouvrier » en italien] dont il était l’une des têtes pensantes.

    Pour moi, Negri était ce théoricien et praticien de « l’autonomie ouvrière », dont l’Etat italien, gangrené par la collusion de l’armée et des services secrets américains, avait essayé de faire le cerveau du terrorisme d’extrême gauche ; une accusation qui s’effondra comme château de cartes, mais qui l’envoya pour des années derrière les barreaux. Avant et après ce séjour, entouré de camarades aux vies assagies et aux passions intactes, il fut le pilier de cette Italie française, image inversée de la France italienne que nous avions rêvé d’instaurer avant 1968. Prises ensemble, autour de quelques revues et séminaires, elles allaient lancer une nouvelle saison philosophique et politique. Par ses provocations et ses études, Negri en serait l’inspirateur.

    Liberté et émancipation du travail

    Je ne donnerai que quelques repères elliptiques, en choisissant les références selon mes affinités. Spinoza, évidemment. Après le coup de tonnerre de L’Anomalie sauvage (PUF, 1982 pour l’édition française, précédée des préfaces de Gilles Deleuze, Pierre Macherey et Alexandre Matheron) viendront encore d’autres essais, inspirés par ces mots : « Le reste manque », inscrits par l’éditeur sur la page blanche du Traité politique (Le Livre de Poche, 2002) qu’avait interrompu la mort en 1677 du solitaire de La Haye.

    Ce reste, contrairement à d’autres, Negri n’a pas cherché à le reconstituer, mais à l’inventer, suivant le fil d’une théorie de la puissance de la multitude, qui fusionne la métaphysique du désir et la politique démocratique, contre toute conception transcendantale du pouvoir, issue de la collusion entre le droit et l’Etat. Spinoza, l’anti-Hobbes, l’anti-Rousseau, l’anti-Hegel. Le frère des insurgés napolitains dont il avait un jour emprunté la figure. On n’a plus cessé de discuter pour et contre ce « Spinoza subversif », qui marque de son empreinte la grande « Spinoza-Renaissance » contemporaine.

    Passons alors à la problématique de la liberté et de l’émancipation du travail, qui repart de Spinoza pour converger avec Foucault, mais aussi Deleuze, en raison du profond vitalisme à l’œuvre dans l’opposition de la « biopolitique » des individus et du « biopouvoir » des institutions. Elle réinscrit au sein même de l’idée de pouvoir l’opposition naguère établie entre celui-ci et la puissance, et autorise à reprendre, comme l’essence même du processus révolutionnaire, la vieille thématique léniniste du « double pouvoir », mais en la déplaçant d’une opposition Etat-parti à une opposition Etat-mouvement.

    Or les fondements en sont déjà dans son livre de 1992 Le Pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité (traduction française au PUF, 1997). C’est pour moi l’un des grands essais de philosophie politique du dernier demi-siècle, dialoguant avec Schmitt, Arendt, les juristes républicains, sur la base d’une généalogie qui remonte à Machiavel et à Harrington. Tout « pouvoir constitué » procède d’une insurrection qu’il cherche à terminer pour domestiquer la multitude et se trouve corrélativement en butte à l’excès du pouvoir constituant sur les formes d’organisation même révolutionnaires qu’il se donne.

    Un communisme de l’amour

    Revenons donc à Marx pour conclure. D’un bout à l’autre, Negri aura été son lecteur et son continuateur, dans une étonnante combinaison de littéralité et de liberté. Marx au-delà de Marx (Bourgois, 1979), cela veut dire : emmener Marx au-delà de lui-même, et non pas le « réfuter ». C’était déjà le sens des analyses de la « forme-Etat », aux temps de l’opéraïsme militant. C’est celui de la géniale extrapolation des analyses des Grundrisse sur le machinisme industriel (le « general intellect »), qui prennent toute leur signification à l’époque de la révolution informatique et du « capitalisme cognitif », dont elles permettent de saisir l’ambivalence au point de vue des mutations du travail social. Combat permanent entre « travail mort » et « travail vivant ».

    Et c’est, bien sûr, le sens de la grande trilogie coécrite avec Michael Hardt : Empire (Exils, 2000), Multitude (La Découverte, 2004), Commonwealth (Stock, 2012), plus tard suivis par Assembly (Oxford University Press, 2017, non traduit), dans laquelle, contre la tradition du socialisme « scientifique » et sa problématique de la transition, se construit la thèse aux accents franciscains et lucrétiens d’un communisme de l’amour. Celui-ci est déjà là, non pas dans les « pores » de la société capitaliste, comme l’avait écrit Marx repris par Althusser, mais dans les résistances créatrices à la propriété exclusive et à l’état de guerre généralisé du capitalisme mondialisé. Il s’incarne dans des révoltes et des expérimentations toujours renaissantes, avec les nouveaux « communs » qu’elles font exister.

    Toujours, donc, ce fameux optimisme de l’intelligence, dont on comprend maintenant qu’il n’a rien à voir avec l’illusion d’un sens garanti de l’histoire, mais conditionne l’articulation productive entre connaissance et imagination, les « deux sources » de la politique. Toni Negri nous lègue aujourd’hui la force de son désir et de ses concepts. Sans oublier son sourire.

    Merci, Étienne Balibar

    (et du coup, #toctoc @rezo )

    d’autres fragments d’un tombeau pour Toni Negri
    https://seenthis.net/messages/1032212

    #Toni_Negri #Étienne_Balibar #opéraïsme #forme_État #révolution #autonomie #double_pouvoir #État #mouvement #general_intellect #travail_vivant #communisme

    • Antonio Negri, lecteur de Spinoza Pour une « désutopie », Christian Descamps, 28 janvier 1983
      https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/01/28/antonio-negri-lecteur-de-spinoza-pour-une-desutopie_3078936_1819218.html

      Parlons aujourd’hui de l’homme, « la plus calamiteuse et frêle de toutes les créatures », disait Montaigne, et aussi « la plus orgueilleuse ».D’un livre de Francis Jacques, Christian Delacampagne retient cette idée fondamentale que la personne ne peut se constituer que par le dialogue avec l’Autre. Déjà Spinoza, comme le montre Christian Descamps à propos d’un ouvrage d’Antonio Negri, ne concevait le bonheur que s’articulant à celui des autres. Tandis que Patrice Leclercq résume le cheminement de l’attitude inverse : cet orgueil que le Christ a voulu abolir et qui continue d’exercer partout ses ravages.

      « SPINOZA est tellement crucial pour la philosophie moderne qu’on peut dire qu’on a le choix entre le spinozisme ou pas de philosophie du tout. » Que Hegel, qui ne l’aime guère, soit amené à ce constat, bouleverse Toni Negri. Ce professeur de Padoue, théoricien de l’autonomie ouvrière, avait écrit un Descartes politique. Le présent ouvrage est d’une autre nature. Il fut conçu en prison d’où - depuis 1979 - son auteur attend d’être jugé en compagnie des inculpés du « procès du 7 avril ». Mais ce grand livre érudit n’est aucunement une œuvre de circonstance, même si on peut supposer que la force, la joie spinozistes ont réconforté le prisonnier.

      La Hollande du dix-septième siècle, cette Italie du Nord, est un pays en rupture qui perpétue les expériences révolutionnaires de la Renaissance. Là, #Spinoza, l’exclu de sa communauté, réalise un véritable coup de force ontologique : il joue la puissance contre le pouvoir. S’invente alors une philosophie de la plénitude, de la multiplicité, de la liberté qui, sans partir de la réduction des appétits, parie sur l’épanouissement. Le penseur artisan - qui refuse les pensions - réfléchit dans un temps de crise. La Maison d’Orange prône une politique guerrière, un État centralisé ; le parti républicain, qu’anime Jean De Witt, préférerait une politique de paix, une organisation libérale. Pourtant l’intolérance, le bellicisme, l’amour de la servitude, sont vivaces ; et quand notre philosophe hautain et solitaire clame, au nom de la raison, son entreprise de démystification, le tollé est général. Jamais - sauf peut-être contre les Épicuriens - la hargne ne fut aussi forte. Le front est au complet : orthodoxes juifs, protestants, catholiques, cartésiens, tous participent au concours d’anathème.

      Negri interroge cette unanimité. Savante et tranchée, la métaphysique spinoziste avait osé articuler -comme le souligne Deleuze à qui l’auteur doit beaucoup (1), - une libération concrète, une politique de la multitude, une pensée sans ordre antérieur à l’agir. Spinoza proposait de rompre avec la vieille idée de l’appropriation liée à la médiation d’un pouvoir. Dans ses ateliers nomades, le philosophe du « Dieu ou la Nature » élabore une conception de la puissance de l’Être.Mine de rien, ses bombes douces font exploser la transcendance, la hiérarchie. A un horizon de pensée centré sur le marché, aux philosophies politiques du pouvoir et de la suggestion, l’auteur de l’Éthique oppose, méticuleusement, des concepts qui rendent possible une existence consciente du collectif. Mon bonheur, mon entendement, mes désirs, peuvent - si j’ai de la nature une connaissance suffisante - s’articuler à ceux des autres. La guerre de tous contre tous n’est pas inéluctable, j’ai mieux à faire qu’à devenir un loup...

      De fait si l’Être est puissance, je suis capable d’y puiser la force d’échapper à la médiation politique de ceux qui parlent à ma place, à la conscience malheureuse des arrière-mondes, aux sanglots du négatif. Partir de la puissance de la vie, réconcilier passion et raison, c’est militer contre la haine et le remords. Pratique, cette métaphysique se fait aussi politique. Le Tractatus theologico-politicus insiste sur l’activité.

      Certes - et honnêtement Negri le souligne, - il arrive que Spinoza se replie. Devant les coups de boutoir de l’histoire concrète il accepte - un moment - des positions oligarchiques... Ici l’auteur reprend l’hypothèse de deux Spinoza dont il fait les axes de notre univers. Le premier, baigné de la lumière de Rembrandt, se meut au sein de la révolution scientifique, de la Renaissance, du génie de son temps. L’autre propose une philosophie de notre avenir, de notre crise. Car de « démon » qui ferraille contre le fanatisme et la superstition, contre les asiles d’ignorance, s’appuie sur le désir, cet « appétit conscient de lui-même ». Avec des lunettes d’analyste aussi bien rangées que ses instruments, il enseigne la désutopie. Pas de programme, de glande pinéale : un projet de déplacement mille fois plus fort. Sortir de l’ignorance, jouer l’Être contre le moralisme de devoir être, ce n’est pas rêver d’âge d’or. Il s’agit, au contraire, de s’appuyer effectivement sur les désirs, les appétits. Difficile 7 Oui, car « nous ne pouvons reconnaître aucune différence entre les désirs qui proviennent de la raison et ceux que d’autres causes engendrent en nous ».

      Pourtant la violence immédiate peut s’éclairer d’un ordre, fait de degrés successifs de perfection, tissé dans l’Être. Une liberté joyeuse est possible qui tire sa force du droit et non pas de la loi, de la puissance et non pas du pouvoir. Aux figures de l’antagonisme, aux réconciliations molles de la dialectique, on peut opposer l’autonomie, la constitution de l’être ensemble. La puissance est possibilité de liberté, d’expansion des corps, recherche de la meilleure constitution. Question d’aujourd’hui, d’un dix-septième siècle encore vivant. Negri souligne : « Spinoza n’annonce pas la philosophie des Lumières, il la vit et la déploie intégralement. »

      –------------------------
      (1) L’Anomalie sauvage est précédée de préfaces de Gilles Deleuze, Pierre Macherey et Alexandre Matheron.

      * L’Anomalie sauvage, d’Antonio Negri. PUF, 350 pages, 145 F.

      [cette typo sans relief est celle du journal]

      #philosophie #politique #passion #raison #puissance #pouvoir #droit #loi

  • Les motivations du jihad
    https://laviedesidees.fr/Montassir-Sakhi-revolution-djihad

    Pourquoi 5000 Européens ont-ils rejoint le jihad en Syrie ? Les volontaires partis entre 2011 et 2014 manifestaient une forme de solidarité religieuse et une aspiration révolutionnaire, qui furent par la suite instrumentalisées par Daech. À propos de : Montassir Sakhi, La #révolution et le djihad. Syrie, France, Belgique, La Découverte

    #International #terrorisme #Jihadism
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202312_jihad.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231218_jihad.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231218_jihad.docx

  • Angela Davis, activiste américaine : « Les révolutions ne se produisent pas d’un coup de baguette magique »

    Récit d’une "vie de lutte, l’histoire d’une « personne ordinaire » devenue une icône."

    Ce printemps, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a décidé de changer le nom du lycée Angela-Davis à Saint-Denis en lycée Rosa-Parks. Vous étiez trop radicale, selon elle. Que pensez-vous de cette décision ?

    Ce matin, j’ai participé à une réunion avec des enseignants et des élèves de ce lycée. Je leur ai dit que les gens de droite qui ont insisté pour remplacer mon nom par celui de Rosa Parks ne savent pas qui est Rosa Parks. Donner à un lycée son nom pour tenter d’offrir un symbole moins radical est assez amusant ! Je ne me mettrais certainement pas en opposition avec Rosa Parks, qui est l’une de mes héroïnes. Sa vie a été beaucoup plus révolutionnaire que ce que la plupart des gens en savent et davantage que la mienne. Je suis donc parfaitement d’accord pour que ce lycée porte son nom.

    Etes-vous toujours révolutionnaire ?

    Je pense que nous avons changé notre conception de la révolution, de ce qu’elle implique. Les révolutions ne se produisent pas d’un coup de baguette magique. Les révolutions ont un mouvement, une histoire. Je peux dire que oui, nous nous battons pour poursuivre une trajectoire révolutionnaire, face à tous ceux qui, en face, essaient désespérément d’empêcher cette trajectoire de se poursuivre.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/17/angela-davis-activiste-americaine-les-revolutions-ne-se-produisent-pas-d-un-

    https://archive.is/7r6UT

    #révolution

  • Dominique Bernard, Samuel Paty... et Agnès Lassalle ? - Par Alizée Vincent | Arrêt sur images
    https://www.arretsurimages.net/chroniques/les-enerve-es/dominique-bernard-samuel-paty-et-agnes-lassalle
    https://api.arretsurimages.net/api/public/media/vignette-lassalle/action/show?format=thumbnail&t=2023-10-16T17:25:03+02:00

    Et si c’était aussi ça, en fait, le sujet ? Si c’est ça, le sujet, alors Agnès Lassalle fait partie de l’équation à résoudre. Une équation qui ne se résume pas au terrorisme, mais qui questionne : comment protéger l’école ? Et pas seulement sur le plan sécuritaire. C’était le souhait des syndicats, au moment de la mort de la professeure : ""Aucun personnel ne devrait être mis en danger pour le simple fait d’enseigner"", écrivaient-ils dans un communiqué. C’est désormais le souhait des collègues d’Agnès Lassalle, d’après Vincent Dewitte. « On sait très bien que le contexte n’est pas le même, résume-t-il, mais c’est quand même la mort d’un enseignant au sein de l’école. L’école est encore frappée. L’école va mal. Et ça, on en parle moins que le terrorisme ».

    • Autant que j’admire l’engagement pour leurs élëves de beaucoup d’enseignants, autant que je respecte leur travail souvent difficle, autant il ne faut pas oublier que l’école est une institution de dressage coercitif au même titre que la police, l’armée et les hôpitaux.

      Les enseignants et soignants font partie des armées de l’état capitaliste. Les enseignants tombés dans le cadre de l’exercice de leur métier sont ses sous-officiers morts dans les tranchées de la guerre contre le peuple.

      Ivan Illich a proposé la déscolarisation de la société. Son approche est malheusement toujours d’actualité. La seule mesure d’auto-défense efficace à long terme pour enseignants et élèves est la révolte contre l’école répressive et la libération du joug capitaliste.

      Un tel mouvement verra des succès étonnants et provoquera en même temps des victimes à cause de la libération de ses chaînes de la bête humaine.

      Face à la menace de mort la #révolution. C’est une histoire qui marche.

      #école #oppression #assassinats

  • Tirer des leçons de l’échec de la « #révolution » par les urnes au #Chili (1970-1973)
    https://www.frustrationmagazine.fr/chili

    On l’a dit dans notre article bilan de la lutte contre la réforme des retraites à partir des réflexions de Juan Chingo : la pensée stratégique est de plus en plus absente au sein du camp anticapitaliste. C’est comme si, après trente ans de néolibéralisme, la mémoire des luttes avait été effacée. La stratégie consistant […]

    #Décrypter_-_International #On_a_vu,_lu,_joué

  • A propos du #Chiapas et de la #révolution_zapatiste

    Chiapas : 30 ans après le soulèvement armé
    https://lundi.am/30-ans-5863

    Le Sous-Commandant Insurgé Moisés, chef militaire de l’EZLN, dans un communiqué attendu, sombre, ébouriffant, dresse le tableau des dynamiques actuelles au Chiapas [1]

    ...
    . Les narcos se font la guerre, dirigent les principales villes et noyautent des pans entiers de l’industrie touristique. Les autorités officielles sont parties prenantes de ces offensives, la police et l’armée – sous couvert de « pacification » - se déploient comme force d’occupation et de contrôle des exilé.e.s venu.e.s d’Amérique Centrale.

    Mais le répertoire de Moisés n’est pas celui de la dénonciation, ni de l’indignation. Il informe, et il prend acte. Cesser de s’offusquer dans les termes du pouvoir, mais savoir se mouvoir face à lui, et s’organiser en conséquence : voilà peut-être une des clés de la longévité.

    https://seenthis.net/messages/1031402
    https://seenthis.net/messages/1027305
    https://seenthis.net/messages/1024967
    https://seenthis.net/messages/956155
    https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2023/12/01/neuvieme-partie-la-nouvelle-structure-de-lautonomie-zapatis
    https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2023/12/05/dixieme-partie-a-propos-des-pyramides-et-de-leurs-usages-et

  • L’instituteur autour de la Révolution
    https://laviedesidees.fr/Simien-maitre-ecole-village-temps-Lumieres-Revolution

    La période révolutionnaire est souvent associée aux idéaux politiques et éducatifs qui devaient structurer plus tard le système éducatif contemporain. Mais comment faisait-on #école à la fin du XVIIIe siècle, juste après et juste avant la chute de l’Ancien Régime ? À propos de : Côme Simien, Le maître d’école du village au temps des Lumières et de la Révolution, CTHS

    #Histoire #Révolution_française
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231013_instituteur_revolution.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231013_instituteur_revolution.pdf

  • Jean Vioulac, « Une spirale d’auto-destruction », 2022

    https://legrandcontinent.eu/fr/2022/06/25/une-spirale-dauto-destruction

    Pour être invisible et insensible, cette puissance de production se manifeste cependant : dans l’échange de ses produits. L’échange opère en effet la réduction des qualités particulières concrètes de produits différents à une quantité universelle abstraite et homogène, il met entre parenthèses l’utilité des produits, qui définit tel objet par son rapport à tel besoin de tel sujet, au profit d’une valeur qui vaut pour tous, il manifeste ainsi ce que Marx nomme « objectivité-de-valeur » (Wertgegenständlichkeit), précisant dès les premières pages du Capital que, « à l’opposé complet de l’épaisse objectivité sensible des denrées matérielles, il n’entre pas le moindre atome de matière naturelle dans leur objectivité-de-valeur ». (...)

    En tant qu’entité formelle et idéelle, en tant que pure abstraction, la valeur est évanescente et insaisissable, et même fantomatique : elle est, dit Marx, « l’objectivité spectrale » (gespenstige Gegenständlichkeit) de l’objet : elle ne devient tangible et disponible que dans la monnaie, qui matérialise son universalité abstraite dans un petit objet particulier et concret. Si donc la puissance d’abstraction se manifeste dans la valeur, elle s’autonomise dans la monnaie, qui cristallise ainsi l’essence de la communauté dans un objet aussitôt devenu fétiche.

    (...)

    Le marxisme a ainsi le plus souvent réduit le capitalisme à la domination de la bourgeoisie. Il suffit certes d’ouvrir les yeux pour constater que l’économie contemporaine est caractérisée par une exploitation massive et qu’elle instaure des inégalités sociales obscènes au sommet desquelles se reproduit une caste prédatrice irresponsable bénéficiant de tous les privilèges de l’impunité (...) Mais précisément : les rapports sociaux d’exploitation sont aussi anciens que l’Histoire elle-même : ils datent de la Révolution néolithique (...)
    La révolution théorique opérée par Marx découvre ainsi dans la monnaie un concept ontologique fondamental : c’est sur ces bases qu’il convient d’analyser la Révolution industrielle, caractérisée par un renversement total du statut de la monnaie, qui n’est plus moyen de l’échange mais son principe et sa fin. L’originalité de l’économie industrielle est en effet de produire directement pour le marché, c’est-à-dire pour vendre et pour l’argent qui sera retiré de la vente : le processus est initié par une quantité de valeur, cette quantité de valeur est investie, cet investissement n’est qu’un moyen destiné à accroître sa quantité. Quand la valeur est principe et fin du processus, quand elle « se prend comme point de départ en tant que sujet actif (als dem aktiven Subjekt) et se rapporte à elle-même comme valeur s’augmentant elle-même », elle est Capital, et c’est l’acquis décisif du travail de Marx, qui définit le Capital comme « valeur se valorisant elle-même ». La question « Qu’est-ce que le Capital ? » reçoit ainsi une réponse claire : le Capital est « l’autovalorisation de la valeur » (die Selbstverwertung des Werts), processus d’auto-accroissement d’une quantité abstraite, qui à ce titre ne connaît aucune limite et s’élargit constamment en spirale.

    Le marxisme a ainsi le plus souvent réduit le capitalisme à la domination de la bourgeoisie. Il suffit certes d’ouvrir les yeux pour constater que l’économie contemporaine est caractérisée par une exploitation massive et qu’elle instaure des inégalités sociales obscènes au sommet desquelles se reproduit une caste prédatrice irresponsable bénéficiant de tous les privilèges de l’impunité (...) Mais précisément : les rapports sociaux d’exploitation sont aussi anciens que l’Histoire elle-même : ils datent de la Révolution néolithique ; traiter les problèmes de l’exploitation ou des inégalités sociales aujourd’hui, c’est aborder des problèmes qui se posaient tel quels dans la France de Philippe Auguste et la Rome de Tibère, ou dans l’Égypte de Khéops quand la monnaie n’existait même pas, c’est n’aborder ni la question du Capital ni celle de la Révolution industrielle.

    Or si celle-ci est authentiquement révolutionnaire, c’est qu’elle inaugure un nouveau régime ontologique en instituant un nouveau fondement : non pas une classe sociale d’hommes en chair et en os, mais l’entité idéelle et abstraite, formelle et numérique de la valeur.

    (...)

    L’unité du capitalisme, du mathématisme et du machinisme est devenu manifeste à la fin du XXe siècle avec l’avènement de l’informatique par laquelle le code (abstrait) acquiert le pouvoir de piloter des dispositifs (concrets) en même temps qu’il fournit à ces dispositifs leur autonomie de fonctionnement : ce qui a conduit à la mise en place d’une Machinerie planétaire interconnectée et autorégulée entièrement déterminée par le numérique, à laquelle sont délégués sans cesse plus de tâche et de fonctions — de mémoire, de calcul, de surveillance, d’organisation, d’anticipation, de décision —, qui déploie une puissance toujours plus grande d’abstraction, de dématérialisation, de formalisation, d’informatisation et de numérisation, où la monnaie elle-même a rompu avec la matérialité pour devenir numérique, jeu d’écriture informatique qui procure à l’idéalité de la valeur le mode d’être qui lui est adéquat, et qui soumet les sociétés à une régulation algorithmique qui tend à disqualifier la juridiction politique.

    Notre époque est ainsi caractérisée par la domination de l’Universel-Abstrait sur les particularités concrètes, de l’idéalité formelle sur la réalité matérielle, de l’objectivité pure sur les sujets en chair et en os. C’est précisément en quoi il y a authentique Révolution, qui destitue la communauté des sujets de son statut de fondement pour l’assujettir à un système des objets lui-même fondé sur l’idéalité pure autofondée de la valeur : en régime capitaliste, constate Marx, « le rapport du sujet et de l’objet est inversé », le capitalisme se définit par « l’inversion du sujet et de l’objet », et c’est cette inversion qui définit la Révolution industrielle. Le capitalisme n’est plus fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme mais sur l’aliénation de la subjectivité dans l’objectivité, aliénation réelle qui transfère l’essence originairement subjective de l’homme dans le système des objets, et procure à l’objet le statut de sujet : le capitalisme se caractérise, conclut Marx, par « la subjectivisation des choses et la chosification des sujets. »

    Le problème du capitalisme n’est donc pas du tout celui de la domination de la bourgeoisie. Serait-ce le cas qu’il n’y aurait pas lieu de s’alarmer, il n’y aurait là rien de nouveau puisque la société de classes et les rapports sociaux d’exploitation apparaissent avec la Révolution néolithique et ont caractérisé toutes les sociétés historiques depuis lors. De ce point de vue, il y a même du progrès : la domination des bourgeois est largement préférable à celle des curés et des ayatollahs, l’actualité récente le montre tragiquement, elle montre aussi tout le prix qu’il faut accorder aux “libertés bourgeoises” et aux institutions qui nous les garantissent. Le problème du capitalisme est celui de l’avènement de « l’instance de domination » (das Übergreifende) qu’est l’unité numérique autonomisée, devenue seul gouvernail et principe universel de gouvernement : en grec κυϐέρνησις, mot à partir duquel Norbert Wiener a créé à la fin des années 1940 le concept de cybernétique. Il est possible de définir le régime ontologique inauguré par la Révolution industrielle par la cybernétique, compris comme hégémonie totalitaire du numérique, qui rompt avec l’objectivisme — où tout est objet pour un sujet — au profit d’un numérisme — où tout est data pour un calcul — : ainsi l’anthropogenèse caractéristique de la Préhistoire et l’anthropisation caractéristique de l’Histoire sont-elles dépassées par un processus de cybernétisation qui laisse pressentit l’avènement de celui que Henri Lefebvre dans les années 1960 avait nommé le cybernanthrope.

    Un tel événement reste inaccessible au grossier bon sens, inaccessible également aux sciences positives, il ne peut être saisi que par la philosophie. (...)

    (...) En tant qu’il a pour finalité l’abstraction, le capitalisme n’est pas un mode de production : c’est un mode de destruction, dans une spirale dont chaque nouvelle rotation élargit le champ de dévastation. Il ne produit qu’une chose : l’entité abstraite de la valeur, tout le reste est moyen, destiné à être englouti dans la cornue du marché pour en retirer le même sublimé identique ; tout produit concret est voué à l’obsolescence, toute marchandise est déchet en sursis. Dès 1867 Marx caractérisait le capitalisme par un « processus de destruction » (Zerstörungsprozeß), thèse alors inaudible dans un contexte dominé par l’idéologie bourgeoise du progrès qui ne fut jamais qu’une sécularisation de la doctrine théologique de la providence, mais l’Histoire depuis lors n’a fait que confirmer : inauguré par la Première Guerre mondiale, mobilisation totale pour la destruction totale qui a imposé à des millions d’hommes de se sacrifier pour rien et pour rien d’autre que ce rien, le XXe siècle a déchaîné une logique destructrice qui en ce début de XXIe siècle entame sa phase finale : le Global Assessment Report 2022 publié le 26 avril dernier par le Bureau des Nations Unies pour la Réduction des Risques de Catastrophe affirme que « l’humanité est entrée dans une spirale d’auto-destruction » (a spiral of self-destruction).

    (...)

    Mais si la spirale d’autodestruction qui menace aujourd’hui l’humanité n’est autre que le plein déploiement de la spirale d’autovalorisation qui définit le Capital, alors la Révolution destinée à nous en sauver est celle que Marx a voulu préparer. Le capitalisme est authentiquement révolutionnaire en ce qu’il inverse les rapports des sujets et des objets, du concret et de l’abstrait, et destitue la communauté de son statut de fondement pour la soumettre à l’objectivité dont il déchaîne la puissance d’abstraction : d’où la nécessité d’une autre Révolution destinée à destituer le Capital de son statut de sujet pour instituer la communauté humaine en fondement réel. Et conscient de l’être : avec la Révolution néolithique la communauté humaine s’institue en fondement, sans jamais se savoir comme telle puisqu’elle a d’emblée saisi sa propre puissance comme une entité étrangère qu’elle a nommé Dieu et à laquelle elle s’est soumise. Notre époque est alors crise en ce qu’elle nous place face à l’alternative : passer de l’aliénation formelle à l’Un (la religion) à l’aliénation réelle (la cybernétique), ou bien surmonter définitivement toute aliénation pour ouvrir au « vrai royaume de la liberté » (das wahre Reich der Freiheit).

    C’est ainsi que se définit la Révolution communiste, qui n’est autre que la réappropriation par la communauté des sujets de son essence aliénée dans l’objectivité. Elle ne saurait donc se réduire au remplacement de la bourgeoisie par le prolétariat comme classe dominante : le danger est inhérent à un dispositif machinique planétaire dont la logique est celle de la destruction, que ce dispositif soit géré par les uns ou par les autres ne changerait rien à sa destructivité, ce dispositif n’est de toute façon et par principe géré que par des technocrates qui ne sont pas ses maîtres mais ses servants. Marx répète ainsi que bourgeois et prolétaires sont pareillement aliénés, pareillement soumis au Capital qui est l’unique « sujet dominant » (übergreifende Subjekt) : l’enjeu de la Révolution n’est pas de libérer le prolétariat de la domination de la bourgoisie, mais de libérer la communauté humaine tout entière de son assujettissement cybernétique à la Machinerie capitaliste et sa spirale de destruction. La bourgeoisie n’occupe aucune position de maîtrise : tout au contraire, selon une formule frappante du Manifeste du parti communiste, elle « ressemble au sorcier qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a invoquées », elle est « l’agent veule et sans résistance » du Capital. C’est alors précisément ce qui la distingue du prolétariat. Si bourgeois et prolétaires sont pareillement soumis au Capital, cette soumission prend en effet deux formes opposées : les bourgeois jouissent de leur aliénation, les prolétaires en souffrent, la prolétarisation crée alors une classe lucide sur les dangers du capitalisme qui a toutes les raisons de le renverser, alors que la condition des bourgeois les installe dans la suffisance et le déni, et la volonté de ne rien changer. La différence essentielle entre bourgeois et prolétaires n’est pas celle qui existe entre maîtres et serviteurs, mais celle qu’il y a entre collabos et résistants, deux rapports antagoniques à une même puissance de domination.

    D’où la légitimité et la nécessité des luttes sociales qui résistent pied à pied aux mesures collaborationnistes de ceux qui œuvrent à la croissance et ne sont en cela rien d’autres que les fonctionnaires de la destruction : mais la Résistance n’est pas la Révolution. Les stratégies qui en sont restées au niveau étroit des rapports de classes sans prendre en vue le fonctionnement du dispositif dont ces classes ne sont que des fonctions n’ont jamais déclenché aucune Révolution : elles ont déclenché des guerres civiles et mis en œuvre des politiques d’Épuration, et ce sans rien changer en quoi que ce soit à la logique destructive d’un dispositif industriel dont elles n’ont fait que déchaîner la puissance — caractéristique du bolchevisme dans tous ses avatars, qui tout au long du XXe siècle a fait de la Révolution une force supplétive de la destruction. Tragédie du destin de Marx, et tragédie inévitable : le niveau d’analyse du Capital, comparable à celui du Sophiste, de la Critique de la raison pure et de la Phénoménologie de l’Esprit, le destine à des universitaires, à ceux qu’Antonio Gramsci nommait les « fonctionnaires de la superstructure », qui ne peuvent qu’y opposer une fin de non recevoir, son propos, la critique radicale et le renversement de cette superstructure, le destine à des exploités que leur exploitation a dépossédé des moyens de le lire. Aporie de la philosophie aujourd’hui : l’événement en cours est d’une complexité inouïe, la philosophie est nécessaire pour le penser, mais elle ne peut alors que proposer des analyses âpres, difficiles et complexes, qui, réduites à des idées simples, ne peuvent que conduire à des catastrophes.

    Il faut alors — à l’heure où l’on écrit ces lignes — prendre acte de l’échec de la Révolution. Marx au XIXe siècle avait vu au cœur du capitalisme une spirale de paupérisation et de prolétarisation dont la logique devait produire une masse toujours plus grande de résistants, menant ainsi le système au point de bascule où se produit le « renversement historique » (die geschichtliche Umkehr) qui définit la Révolution : le prolétariat avait ainsi pour mission de se constituer en communauté et de s’instituer en sujet en lieu et place du Capital. Mais le XXe siècle s’est inauguré en juillet 1914 par le renoncement de l’Internationale à imposer la paix par l’union européenne des travailleurs qui les a réduit au rang de matière première d’un processus de destruction caractérisé par la production d’une masse toujours plus grande de cadavres, de mutilés et de traumatisés, il s’est continué avec la société de consommation qui a permis d’éradiquer toute opposition au capitalisme par la production d’une masse toujours plus grande de consommateurs, lesquels, bien loin d’être résistants, se font militants du consumérisme, il s’est poursuivi avec la société du spectacle, production d’une masse toujours plus grande de spectateurs captivés et ainsi maintenus en captivité. Marx fondait son espoir révolutionnaire sur une spirale de désaliénation : c’est l’inverse qui s’est produit ; la puissance d’aliénation que le dispositif déploie par l’intermédiaire de ses écrans est même parvenu à numériser la socialité même et remodèle sous nos yeux des générations sur laquelle les institutions éducatives n’ont plus aucune prise. Bien loin d’être révolutionnaire, l’antagonisme au dispositif capitaliste prend alors aujourd’hui dans les populations exploitées la forme réactionnaire d’un retour à la théologie politique médiévale : refuge dans la fantasmagorie religieuse par quoi l’aliénation réelle à l’Un est catastrophiquement redoublée par l’aliénation formelle, volonté fanatique d’illusion et de soumission qui est pure et simple capitulation. La « spirale d’auto-destruction » tourne à plein régime cependant, il fait chaud et de plus en plus chaud, le désert croît, l’air est irrespirable, les forêts sont en flammes et les vivants agonisent : le point de bascule imminent aujourd’hui n’est pas celui qui enclencherait la Révolution, c’est le tipping point par lequel les climatologues désignent l’emballement irrémédiable du système climatique mondial. Mais il y a bien là auto-destruction, et c’est ce que le concept d’Anthropocène nous impose d’assumer : cette puissance du négatif, c’est la nôtre, à nous, les néguanthropes, la catastrophe en cours n’est pas hétérogène, elle est le déchaînement illimité d’une négativité qui nous définit en notre essence, négativité que l’alchimie de la Révolution aurait eu pour mission de transmuer en liberté. La lucidité conduit ainsi en dernière instance à concevoir l’apparition même de l’homme au sein de la nature comme déferlement anarchique d’une puissance de négation, un accident, un déraillement, une aberration : une catastrophe. Une telle lucidité paraît monstrueuse, impossible, insoutenable, elle fut celle de Paul Valéry, qui dans une conférence intitulée Le Bilan de l’intelligence avait envisagé cette hypothèse dès 1935 : « Toute l’histoire humaine, en tant qu’elle manifeste la pensée, n’aura peut-être été que l’effet d’une sorte de crise, d’une poussée aberrante, comparable à quelqu’une de ces brusques variations qui s’observent dans la nature et qui disparaissent aussi bizarrement qu’elles sont venues. Il y a eu des espèces instables, et des monstruosités de dimensions, de puissances, de complication, qui n’ont pas duré. Qui sait si toute notre culture n’est pas une hypertrophie, un écart, un développement insoutenable, qu’une ou deux centaines de siècles auront suffit pour épuiser ? »

    #révolution #monnaie

    • Un texte plus court de Vioulac vient de paraître sur lundimatin, abordant la question de la révolution fasciste à la fin (mais ne fait que l’effleurer, dommage)

      https://lundi.am/Revolution-et-Destruction-l-obstacle-fasciste

      Voilà la partie concernant le fascisme :

      Pasolini définit alors le capitalisme comme un totalitarisme, et le consumérisme comme un fascisme.

      Le fascisme se caractérise par la fusion des hommes dans une masse indifférenciée, leur réduction à leurs instincts et à leur pulsionnalité, pour ensuite mobiliser et utiliser cette puissance. Les fascismes militaristes des années 1920-1930 définissaient la masse sur des bases nationales, ethniques ou raciales, la fanatisaient par le culte du chef, et mobilisaient sa puissance dans un cadre militaire. Mais il y a aussi un fascisme consumériste qui consiste à fondre les hommes dans une masse de consommateurs, à les réduire à leurs pulsions d’achat et à leur convoitise, à les fanatiser par le fétichisme des marques, ou d’équipes sportives, puis à mobiliser cette masse par la propagande publicitaire pour écluser la surproduction. Le consommariat est l’armée des fantassins de la consommation.

      Parler de fascisme aujourd’hui, c’est donc d’abord constater que le fascisme domine, sous la forme d’un fascisme bovin, ou porcin (« vivre et penser comme des porcs », disait Gilles Châtelet), celui des troupeaux de consommateurs, de spectateurs, de cybernautes et de touristes, fascisme certes pacifique, mais qui supprime la ressource révolutionnaire qu’était pour Marx la croissance du prolétariat : le consommariat est caractérisé par la servitude volontaire et l’aliénation volontaire, et par la passivité du spectateur connecté H24 au dispositif cybernétique.

      La question serait alors d’identifier des processus révolutionnaires au sein de ces sociétés massifiées. Mais, parmi ceux qui s’opposent à la domination du capitalisme, les mouvements dominants à l’échelle mondiale prennent eux-mêmes aujourd’hui des formes fascisantes, caractérisées par la volonté de refonder les peuples sur des bases nationales ou ethniques, dans le fantasme d’un retour à l’État-nation moderne, voire de les refonder sur des bases religieuses, dans le fantasme d’un retour à la théologie politique médiévale. Le fascisme est ainsi le principal obstacle à la révolution qu’appelle notre temps.

      Le fascisme n’est pas un simple phénomène historique daté. Il est lié à la révolution industrielle, définie par la mobilisation totale des hommes et des peuples au service du dispositif de production, et leur massification, qui les réduit au rang de ressource au même titre que n’importe quel cheptel bovin. Le nazisme a mené à son terme cette biologisation des peuples, constitués en masse organique dont il s’agissait de déchaîner la puissance, mais la généralisation de ce que Foucault a appelé le « bio-pouvoir » montre que cette grégarisation des peuples est un mouvement de fond.

      La révolution capitaliste est inversion, l’humanité n’est plus « maître et possesseur de la nature », elle n’est plus que matière première d’un dispositif qui la naturalise et finalement la réduit au rang de ressource naturelle parmi d’autres. Le concept d’Anthropocène qui s’est imposé depuis une vingtaine d’années est la reconnaissance de ce nouveau statut : l’Anthropocène désigne l’époque en laquelle l’humanité est elle-même devenue une force géologique. La révolution est urgente, mais elle ne relève en rien de ce qui s’est appelé ou prétendu tel dans les siècles passés, parce qu’elle ne relève plus, ou en tout cas plus seulement, d’une politique : il ne s’agit plus d’assumer, à l’échelle des temps historiques, la responsabilité de la vie collective d’un peuple, mais, à l’échelle des temps géologiques, d’assumer le devenir du système-terre, et d’être ainsi « chargé de l’humanité, des animaux même » (Rimbaud).

      Personne ne peut prétendre aujourd’hui savoir exactement comment une telle révolution peut advenir. Il y a néanmoins une certitude : ça urge.

      #révolution #fascisme

  • Durchhalteprosa vom 21. November 2023 von Götz Eisenberg
    https://durchhalteprosa.de/2023/11/21/86-antisemitismus-das-geruecht-ueber-die-juden
    J’apprends que le parti Die Linke dit byebye au drapeau rouge. Désormais il sera blanc.


    Cette Photo montre l’ancien logo au drapeau rouge.

    von Götz Eisenberg
    ...
    In der Süddeutschen Zeitung lese ich am selben Morgen, dass die Führungsriege der in letzter Zeit arg gebeutelten Linkspartei den Mitgliedern zur Beginn des am Wochenende in Augsburg stattfindenden Parteitags ein neues Logo präsentieren wird. Man hofft, damit das Zeichen für einen Neubeginn zu setzen. Der einzige Unterschied besteht darin, dass der kleine Keil über dem „I“, der bislang rot war und nach links wies, nun weiß ist und nach rechts oben zeigt.

    .
    Voilà le nouveau styleguide du parti

    Erscheinungsbild : DIE LINKE.
    https://www.die-linke.de/partei/ueber-uns/erscheinungsbild

    https://lissi.die-linke.de

    Ich bin Lissi, das Designsystem für Die Linke

    Bref, le noir a disparu, et n’est employé que pour le texte ; il n’y a plus que deux couleurs, par contre il y a un nouveau canon de couleurs à utiliser pour des thèmes prédéfinis.

    #Die_Linke #design #corporate_identity

    • Et la référence à Clara Zetkin a elle aussi disparu. Je me souviens que, au cours d’un voyage en RDA dans les années 80, cette dame était bien à l’honneur.

      Clara Zetkin , née Clara Eißner le 5 juillet 1857 à Wiederau, en royaume de Saxe, et morte à Arkhangelskoïe, près de Moscou, le 20 juin 1933, est une enseignante, journaliste et femme politique marxiste allemande, figure historique du féminisme, plus précisément du féminisme socialiste.
      Après avoir été membre jusqu’en 1917 de l’aile gauche du SPD, elle rejoint l’USPD (pacifistes) pour se retrouver dans le courant révolutionnaire que constitue la Ligue spartakiste. Ce courant donne naissance pendant la révolution allemande au Parti communiste d’Allemagne (KPD), dont Clara Zetkin est députée au Reichstag durant la république de Weimar, de 1920 à 1933. Elle est à l’origine de la journée internationale des droits des femmes.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Clara_Zetkin

      #révolutions_prolétariennes #communisme (éradication du)

    • On a purgé Berlin du souvenir de Clara Zetkin. Il faut se rendre à Birkenwerder pour retrouver ses traces.

      https://www.berlin.de/museum/brandenburg/4421799-3130530-museum-clara-zetkin-in-birkenwerder.html

      Im Obergeschoss des ehemaligen Wohnhauses von Clara Zetkin in Birkenwerder befindet sich das Clara-Zetkin-Museum, das persönliche Gegenstände der Politikerin zeigt.

      Das Clara-Zetkin-Museum im ehemaligen Wohnhaus der sozialdemokratischen Politikerin und Frauenrechtlerin widmet sich ihrem Leben und Werk. Zetkin lebte in dem Gebäude in Birkenwerder von 1929 bis 1932, bevor sie ein Jahr vor ihrem Tod in die Sowjetunion übersiedelte. Heute ist es eine Gedenkstätte, in der neben dem Museum auch die Gemeindebibliothek und ein Geschichtsstübchen im Keller untergebracht sind.
      Geschichte des Clara-Zetkin-Hauses

      Ursprünglich wurde das Gebäude, in dem Clara Zetkin lebte, 1912 für den Maler Karl Drabig erbaut. Zetkins jüngerer Sohn Konstantin erwarb es 1929 für seine Mutter, die schon seit längerem nach einer Unterkunft nahe der Hauptstadt suchte. Nachdem die Politikerin das Haus drei Jahre später wieder verließ, um in die Sowjetunion umzusiedeln, beschlagnahmte die Gestapo 1933 Bücher und Druckschriften, die sie zurückgelassen hatte. Das Gebäude ging in den Besitz des Staates Preußen über. 1949 übergab es die DDR zurück an den älteren Sohn Maxim Zetkin. Auf dessen Initiative hin wurde das Haus 1957 anlässlich des 100. Geburtstags von Clara Zetkin zur Gedenktstätte.

      Adresse
      Summter Straße 4
      416547 Birkenwerder
      Zum Stadtplan
      Internetadresse
      fv-clara-zetkin-gedenkstaette.de
      Öffnungszeiten
      Besuch nur auf Anfrage
      Eintritt
      Kostenlos

  • Caricatural, ultra-politisé : le grand n’importe quoi du nouveau #musée_d'Histoire de #Lyon

    Nous avons visité la nouvelle #exposition_permanente du #musée niché dans le vieux Lyon : un parcours déroutant, regorgeant de lacunes, défendant une vision de l’#histoire_engagée et surtout trompeuse.

    Le jour de notre visite, un dossier de presse le martèle, en #écriture_inclusive : le nouveau parcours du musée d’Histoire de Lyon, qui achevait samedi 2 décembre une réorganisation commencée en 2019, a été « co-construit », aussi bien avec des « expert.es » que des témoins et… « témouines », citoyens anonymes de Lyon. Une des conceptrices du musée le détaille : « On est allé en ville, on a posé des questions aux passants, à des jeunes qui faisaient du skate pour leur demander leur récit de la ville ». Un postulat de départ qui fait sourire autant qu’il inquiète et augure du sentiment qu’on éprouvera pendant toute la visite.

    Celle-ci tient par-dessus tout à s’éloigner de la si décriée approche chronologique. Une première salle « questionne » donc la ville, exposant pêle-mêle des objets touristiques ou sportifs récents (maillot de foot), sans enseignement apparent. Il faudra s’y faire : l’histoire n’est pas vraiment au centre du musée d’histoire. La fondation de la ville est évoquée au détour d’un panneau sur lequel un Lyonnais de l’Antiquité exhibe sa… Rolex. Une farce assumée par le musée, dont les guides nous préviennent que les anachronismes fleuriront tout au long des salles. On se mettrait à rire si le musée n’était pas destiné aux enfants aussi bien qu’aux adultes, avec la confusion que ces erreurs assumées entraîneront chez les premiers.
    L’homme blanc quasi absent de... l’industrie lyonnaise

    Les salles, justement, sont magnifiques dans cet hôtel de Gadagne, bâti au XVIe siècle. Mais l’architecture des lieux ne semble pas devoir nous intéresser : un tout petit cartel pour présenter une cheminée monumentale, puis plus rien. Les objets historiques sont rares et s’effacent au profit de montages photographiques et de récits (tous en écriture inclusive bien sûr) de quatre personnages fictifs censés raconter la ville : trois femmes nées à différents siècles, et Saïd, ouvrier devenu bénévole associatif. À l’étage suivant, une pirogue-vivier datée de 1540 trône quand même, dans une ambiance bleutée : c’est la partie consacrée au Rhône et à la Saône. Quelques (beaux) tableaux figurant des scènes de vie des deux fleuves sont exposés... à quelques centimètres du sol : cette seconde partie est dédiée aux enfants de cinq ans et l’on apprend que deux groupes de maternelle ont été consultés pour la concevoir. Des jeux ont été élaborés avec eux, « sans mauvaise réponse pour ne pas être moralisateurs » et parce que le musée est un avant tout un lieu d’amusement. Nous commençons à le croire.

    La suite de l’exposition permanente, qui aborde le sujet de l’industrie lyonnaise, prend toutefois un tour nettement plus désagréable, voire odieux. Voyons bien ce que nous voyons : une absence quasi totale de référence aux ouvriers masculins et blancs. Un métier à tisser inanimé constitue la seule preuve tangible de l’existence des canuts et une salopette vide accrochée au mur figure le prolétariat du XXe siècle. Une véritable provocation car les ouvrières sont elles bien mises en avant, et surtout les travailleurs immigrés. Le directeur, Xavier de La Selle, avait prévenu : « Le concept de Lyonnais de souche n’a aucun sens. » Un visiteur manquant de recul sortira de cette pièce convaincu que la ville n’a été construite que par le travail de femmes et de maghrébins. Le prisme social de l’histoire aurait pu présenter ici un réel intérêt : il est manipulé pour servir une vision politique qu’on ne peut qualifier autrement que de délirante.

    Et nous ne sommes pas au bout de ce délire : la dernière partie, celle qui vient d’être révélée au public, porte sur les « engagements » des Lyonnais. On entre ici dans un bric-à-brac stupéfiant, synthèse gauchiste assumée faisant de l’histoire politique de Lyon une sorte de grande convergence des luttes. Sur les murs et dans les vitrines, des nuages de mots à peu près tous synonymes de rébellion, des pancartes féministes, un haut-parleur, et même un objet sordide : un fait-tout utilisé par une avorteuse locale, célèbre semble-t-il, qui y stérilisait ses ustensiles médicaux mais y cuisait aussi ses pâtes. Le père Delorme, prêtre connu pour avoir organisé en 1983 une grande marche contre le racisme, est abondamment glorifié. Rappelons qu’en matière de religion, le musée ne nous a toujours pas expliqué pourquoi et quand fut construite la basilique de Fourvière ! L’autre référence au catholicisme dans la ville est celle du Sac de Lyon par les calvinistes, une œuvre de bois peint de 1565 décrivant des scènes de pillage, un bûcher d’objets liturgiques, des moines chassés. Son intérêt historique est toutefois anéanti par le commentaire de notre guide, qui n’y voit « pas du tout une scène violente ».

    Désacralisation du savoir

    À ce stade, le musée d’Histoire de Lyon réussit son pari : il n’est plus qu’un divertissement. On aborde une salle qui couvre à rebours la crise algérienne, la Seconde Guerre mondiale et enfin la Révolution. Cette dernière ne fait l’objet que d’un panneau succinct. Le musée est-il ennuyé de devoir évoquer plus en détail les tendances contre-révolutionnaires de Lyon ? À propos de Joseph Chalier, qui avait mis en place une dictature sanguinaire dans la ville avant d’être renversé par le peuple en 1793, un commentaire : « Certains l’ont considéré comme un martyr de la liberté. » L’homme avait commandé la première guillotine à Lyon et préconisait de l’installer sur le pont Morand afin que « les têtes tombent directement dans le Rhône »... Le principal historien consulté sur cette époque, Paul Chopelin, est entre autres fonctions président de la Société des études robespierristes. Enfin, une galerie des grandes figures de l’histoire lyonnaise conclut ce drôle de parcours. Miracle : il s’y trouve presque autant de femmes que d’hommes. Quitte à ce que la première conseillère municipale féminine y tienne la même place qu’Édouard Herriot, maire pendant près d’un demi-siècle. Pas de portrait de Raymond Barre en revanche, mais une lettre anonyme fièrement disposée, le qualifiant de « peu regretté [maire], qui de toute sa carrière s’est bien peu occupé du sort de ceux que son système économique met de côté ».

    Tirons un bilan positif : il n’est pas donné à tout amateur d’histoire d’expérimenter une telle distorsion, une telle désacralisation du savoir. Aux inventions « pédagogiques » en vogue, pour certaines réussies mais souvent inutiles, le musée d’histoire de Lyon ajoute un militantisme qui laisse pantois, et ignore des pans entiers de l’histoire lyonnaise, ne faisant qu’effleurer le reste. L’équipe du musée est certes enthousiaste, convaincue de bien faire, mais s’est méprise sur la notion d’engagement. Plus qu’une déception, pour une structure qui emploie 50 personnes (et exploite aussi un musée de la marionnette et de guignol, peut-être moins amusant) avec un budget annuel d’environ 3 millions d’euros. Son projet scientifique et culturel, validé par l’État, bénéficie du plein soutien de l’actuelle mairie : le maire Grégory Doucet (EELV) se dit ainsi « admiratif du travail colossal » des équipes du musée d’une ville « profondément humaine, tissée par les lumières du monde ». Un tissu, oui, mais pas vraiment de lumière.

    https://www.lefigaro.fr/histoire/mensonger-ultra-politise-le-grand-n-importe-quoi-du-nouveau-musee-d-histoir

    Mots-clé tirés de l’article et de la vidéo :
    #wokisme #woke #révolution_culturelle_woke #intersectionnalité #affaire_de_Grenoble #militantisme #militants_extrémistes #ségrégationnisme #séparatisme #pride_radicale #non-mixité #genre #panique_morale #anti-wokisme #universalisme #universités #culture #films #imaginaire #civilisation_occidentale #industrie_lyonnaise #woke-washing #engagement #père_Delorme #1983 #Marche_pour_l'égalité_et_contre_le_racisme #planning_familial #catholicisme #racisme_systémique #Sac_de_Lyon #divertissement #Joseph_Chalier #histoire #Paul_Chopelin #militantisme

    Les invité·es :

    1. #Nora_Bussigny, autrice de ce #livre :
    Les Nouveaux Inquisiteurs


    https://www.albin-michel.fr/les-nouveaux-inquisiteurs-9782226476951

    2. #Pierre_Valentin, auteur de ce livre :
    L’#idéologie_woke. Anatomie du wokisme


    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

    3. #Samuel_Fitoussi :
    https://www.wikiberal.org/wiki/Samuel_Fitoussi
    (et je découvre au même temps « wikilibéral »)
    –-> qui parle notamment du film #Barbie (min 18’30)

    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

  • Une relecture de #Antonio_Gramsci pour lutter contre la subversion de l’idéologie capitaliste à l’encontre de nos sociétés.

    Qu’est-ce que la notion d’hégémonie pour Antonio Gramsci ? - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2023/11/30/quest-ce-que-la-notion-dhegemonie-pour-antonio-gramsci

    La constitution de l’hégémonie bourgeoise

    L’enquête historique de Gramsci sur la constitution de l’hégémonie bourgeoise est une des spécificités de sa réflexion sur l’hégémonie. Bien des évolutions dans les usages et les significations qu’il imprime à la notion dans les Cahiers viennent de sa réflexion sur la façon dont la constitution d’une nouvelle conception du monde propre à la bourgeoisie est devenue dominante avant les révolutions modernes et a été l’une des principales conditions de possibilité de la Révolution française. Cette réflexion lui vient notamment de la lecture d’un ouvrage, Aux origines de l’esprit bourgeois en France, qu’il lit dès sa parution en 1927 chez Gallimard, alors qu’il est emprisonné à Milan dans l’attente de son procès – il n’a pas encore le droit d’écrire mais il lit abondamment et commence à élaborer un programme d’études. Comme en témoignent plusieurs lettres, il est très admiratif de ce livre de Bernard Groethuysen, philosophe et historien allemand installé en France, et il entend développer quelque chose de semblable pour l’Italie, sous la forme de ce qu’il appelle par ailleurs une histoire des intellectuels. Gramsci en vient ainsi à donner un sens plus large à l’hégémonie : elle est désormais ce qui fait société, ce qui conduit à la diffusion et au partage de valeurs qui, bien qu’émanant d’une classe précise, tendent à une forme d’universalité. Elle est en ce sens le propre de la société civile plutôt que de la société politique, selon la division qu’il établit à partir de 1931 entre les deux parties de l’État « dans sa signification intégrale » (« État = société civile + société politique, c’est-à-dire hégémonie cuirassée de coercition »). Partis, journaux, clubs, écoles, églises etc. sont autant d’appareils d’hégémonie indispensables au fonctionnement de l’État.

    - Lénine et l’hégémonie du prolétariat
    - Direction et domination
    - Guerre de position et hégémonie
    - La constitution de l’hégémonie bourgeoise
    - Hégémonie et démocratie

    https://justpaste.it/8hg4s

    #hégémonie #guerre_de_position #communisme #révolutions_prolétariennes

  • L’Inexploré - Pierre Legendre
    https://www.youtube.com/watch?v=8zkdFbCeRLU

    Pierre Legendre, à l’écart du brouhaha médiatique et des idéologies à la mode, a tracé patiemment, sur plus de soixante ans, le chemin de l’anthropologie dogmatique. Il est revenu, en la maison qui l’a accueilli dans ses premières années d’étude des manuscrits médiévaux, l’École des chartes, pour livrer « à la jeunesse désireuse des lois » le suc de son labeur.

    Dans le droit fil de « De la Société comme texte » (2001) et en résonance avec ses conférences données au Japon en 2004 « Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident », dans un style dépouillé, Pierre Legendre découvre ce qui fait tenir debout, enlacés, l’humain et la société. Quel meilleur guide que Piero della Francesca pour ouvrir nos yeux à l’invisible ?

    https://arsdogmatica.com

    #chrétienté #anthropologie_dogmatique #langue #institution #civilisation #montage #scène #individu #personne #fiction #Piero_della_Francesca #principe_de_réalité #religion #ritualité #pacte_dogmatique #faille_institutionnelle #modernité #droit_naturel #droit_romain #occident #papauté #activisme_juridique #contrat #protestantisme #universalisme_politique #impératif_libéral #révolution_protestante #révolutions #Europe #narration_totémique #chorégraphie #logiques_contraires #tiers-terme

  • Faut-il abolir l’Etat, cet horizon indépassable de nos imaginaires politiques ?
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/faut-il-abolir-l-etat-cet-horizon-indepassable-de-nos-imaginaires-politiques

    (...) un pan des sciences sociales, à la croisée de l’anthropologie, de l’archéologie, de l’histoire et de la philosophie politique, se penche sur le sujet. « Nous vivons un moment de questionnement sur l’Etat, dans un contexte d’hégémonie du néolibéralisme », observe le sociologue Christian Laval, coauteur en 2020 de Dominer. Enquête sur la souveraineté de l’Etat en Occident (La Découverte) avec le philosophe Pierre Dardot. « L’Etat apparaît aujourd’hui comme une institution incapable de répondre aux problèmes : les aspirations démocratiques, le terrorisme, les inégalités et, avant tout, la crise écologique », tranche le philosophe Edouard Jourdain.

    Les sciences sociales cogitent donc pour sortir de l’impasse politique. Mais aussi académique, signale l’anthropologue Philippe Descola : « L’Etat est devenu un horizon intellectuel indépassable. La réflexion contemporaine est très pauvre, car elle s’inscrit dans la double filiation du libéralisme et du socialisme, qui ont en commun de séparer radicalement les humains et le reste du monde. »

    Cette cécité destructrice, James Scott la retrace dans L’Œil de l’Etat (La Découverte), ouvrage publié en 1998 mais seulement traduit en 2021. Le professeur émérite de science politique et d’anthropologie à l’université Yale y explore l’obsession des Etats modernes à rationaliser et à contrôler le territoire et les individus dont il a la charge. De l’état civil aux standards métriques, de l’imposition de cadastres à celle des langues, James Scott appréhende l’action de l’Etat comme une simplification du réel par la force « afin de lui donner une forme plus lisible et plus commode à administrer ». L’anthropologue se penche en particulier sur les expériences de modernisations brutales au XXe siècle, comme la collectivisation soviétique, les réformes agraires dans les pays du Sud et la villagisation forcée en Tanzanie. Ces expériences portent toutes, à ses yeux, la trace d’une idéologie « haut-moderniste », qui a pour effet d’anéantir un tissu de savoirs vernaculaires constitué à travers les siècles.

    Libérer l’imaginaire

    « Des génocides à la colonisation, l’Etat moderne, malgré certains progrès, a un bilan politique et humain accablant », juge Jean-François Bayart, qui a publié en 2022 L’Energie de l’Etat. Pour une sociologie historique et comparée du politique (La Découverte), aboutissement de cinquante ans de recherche sur le sujet. Le politiste, spécialiste de l’Etat en Afrique, y formule une « critique politique de la formation de l’Etat » en l’analysant comme le produit d’une opération historique : il dénonce, à l’instar de James Scott, l’abstraction comme vecteur de sa domination. L’émergence de la « raison d’#Etat », qui autorise la violence physique, marque à ses yeux le premier maillon d’une chaîne d’abstractions : le peuple, dont on postule qu’il forme une nation ; le territoire, découpé par des délimitations imaginaires ; et le marché, dont le professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève fait le « fruit de la territorialisation de l’Etat ».

    [...]

    Contre les courants de gauche y voyant un rempart face au #capitalisme, ces auteurs soutiennent que cette « idéologie souverainiste (…) empêche de dépasser le moment néolibéral de la politique mondiale », car elle alimente le #nationalisme et se méprend sur l’hybridation déjà opérée entre néolibéralisme, identitarisme et protectionnisme de Recep Tayyip Erdogan, Narendra Modi et Donald Trump. Penser « une organisation politique du monde au-delà de la souveraineté de l’Etat » réclame d’en faire l’archéologie. Dominer s’y attaque en revenant au néolithique, période s’étalant d’environ – 9500 à – 2300 avant J.-C. ayant vu l’apparition de l’agriculture et des premières civilisations, dans laquelle ils perçoivent l’émergence d’une première « souveraineté non étatique, sans pouvoir exécutif centralisé ». Dans cette trajectoire plurimillénaire, Pierre Dardot et Christian Laval identifient un tournant majeur en Occident : la souveraineté y aurait émergé au milieu du Moyen Age comme « une invention tardive de l’Eglise », sous l’effet d’un processus qualifié de « révolution papale ».

    https://archive.is/aDtUS

    #révolution_papale #souverainisme

  • Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »

    Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.

    Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.

    Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).

    Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?

    Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.

    En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?

    « Israël mène une #guerre_totale à une population civile »

    Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.

    Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?

    La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.

    Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.

    L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».

    Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie

    Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.

    Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.

    Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?

    C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.

    Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.

    La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.

    « Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »

    À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.

    Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?

    Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.

    « Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »

    Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.

    Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?

    Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.

    https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
    #agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie

    • La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine

      Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.

      https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
      #livre

  • Henry Laurens : « On est sur la voie d’un processus de destruction de masse » à Gaza, entretien avec Rachida El Azzouzi (19 novembre 2023).

    Pour l’historien, spécialiste de la Palestine, professeur au collège de France, « l’effondrement des conditions sanitaires et l’absence de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse » dans la bande de Gaza.

    L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du #Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du #monde_arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard).
    Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. »

    Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ?

    Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le #génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la #CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques.

    La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le #Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la #guerre_froide.

    Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations.

    Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’#extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire.

    On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes.

    L’inconvénient de cette #logique_judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. 

    Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de #Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts.

    Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. 

    La solution à deux États n’est plus possible.

    La crainte d’une seconde « #Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les #Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ?

    La Nakba peut être considérée comme un #nettoyage_ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’#intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une #expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières.

    Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba.

    Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ?

    En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence.

    Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ?

    Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur.

    Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le #conflit_israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ?

    La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements.

    Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ?

    La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des #colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en #Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons.

    C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette #décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

    Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis.

    Qu’entendez-vous par là ?

    Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer.

    Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ?
     
    Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la #colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique.

    Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la #haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens.

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre.

    Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ?

    Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise.

    Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des #symboles_religieux, mais qui sont aussi des #symboles_nationaux, aussi bien pour les #juifs que pour les #musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu.

    De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur.

    Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ?

    Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’#Occident dans la région et conserve le #discours_colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes.

    Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. 

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La #confiscation des #terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950.

    Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le #Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé.

    Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ?

    Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie.

    Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ».

    Israël depuis sa fondation n’a pas de #frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes.

    Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP), faire l’#État_palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime.

    Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant.

    Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…

    Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé #terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël…

    Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. 

    Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté.

    La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens.

    D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’#autorité_palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? 

    Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les #Frères_musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du #Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un #sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. 

    Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. 

    Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ?

    Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer.

    Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ?

    En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent.

    Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ?

    En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. 

    Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ?

    Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un #conflit_israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle.

    Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le #problème_arabe est en train de redevenir une #question_juive.

    Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? 

    La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains…

    La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant.

    Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ?

    C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs.

    Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ?
     
    Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza

    #discours_génocidaire #religion (s) #sionisme

  • Avant-propos d’Agustín Guillamón à son livre : Barcelone mai 1937

    Ce livre donne une nouvelle vision, inédite, des événements de mai 1937, très originale et totalement différente de celle que propose, jusqu’à ce jour, l’historiographie académique. Il se base, et c’est ce qui le caractérise avant tout, sur un travail rigoureux de recherche dans les archives et sur les entretiens avec plusieurs des protagonistes de ces journées.

    Ce n’est pas un « livre de livres », ces habituels bouquins indigestes faits d’extraits et de données repris dans d’autres ouvrages et que nous proposent les maisons d’édition commerciales. Il s’agit ici du récit complet des faits qui se sont produits au cours des journées du 3 au 7 mai 1937, faits racontés du point de vue des insurgés qui en furent les protagonistes.

    Nombreuses sont les nouveautés, totalement inconnues avant la publication de ce livre, et qui à partir de maintenant seront reproduites et irrémédiablement mal comprises dans le petit monde plagiaire du copier-coller universitaire.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/11/21/avant-propos-dagustin-guillamon-a-son-livre-ba

    #histoire #revolution #barcelone

  • Arbeiterklasse: »Wir leben in einem Ausnahmezustand«
    https://www.jungewelt.de/artikel/463462.arbeiterklasse-wir-leben-in-einem-ausnahmezustand.html

    18.11.2023 von Dieter Reinisch - Über die Ursachen des Ukraine-Kriegs, die Möglichkeiten eines Auswegs und den Zustand der Meinungsfreiheit. Ein Gespräch mit Raúl Sánchez Cedillo

    In Ihrem Buch schreiben Sie, dass der Ukraine-Krieg eine lange Vorgeschichte hat und weder im Februar 2022 noch 2014 begonnen hat. Was ist die Vorgeschichte?

    Die Ukraine war immer schon eine ungelöste Frage in Europa, das zieht sich seit Jahrhunderten, aber wurde besonders akut nach dem Ersten Weltkrieg. Schon vor dem Ende des Zweiten Weltkriegs gab es fünf Kriege in dem Land: Die Rumänen, Griechen, Deutschen, Bolschewiki und viele andere waren in Kämpfe involviert. Der Kampf für die Unabhängigkeit wurde von Beginn an von diesem Umfeld geprägt. Der Krieg gegen die Sowjetunion (der russische Bürgerkrieg, jW) war damals bereits im Entstehen, und ukrainische Nationalisten nahmen daran teil. Sie nahmen auch daran teil, nachdem die deutsche Wehrmacht einmarschiert war, und diese Episode macht die ganze Sache sehr problematisch und ist daher sehr wichtig für das Verständnis des ukrainischen Nationalismus nach dem Zusammenbruch der Sowjetunion 1989 und 1991.

    Was meinen Sie damit?

    Die Idee des ukrainischen Nationalismus entstand bereits in der Habsburger Monarchie, als die Ungarn, Tschechen und andere Nationalitäten auch Rechte forderten. Er war aber nicht erfolgreich, und das führte zu sehr problematischen Ressentiments und vor allem Antisemitismus. Nach dem Ersten Weltkrieg war die Ukraine in einer schwachen Situation. Die Sowjets waren in der Donbassregion gut etabliert, aber nicht im Westen, der Region Galizien. Daher gab es Widerstände gegen die Sowjets. Der Charakter dieses Widerstands war rechts. Und dann kam 1932 die Hungersnot. Als dann die Naziinvasion mittels der »Operation Barbarossa« begann, gab es einen großen Drang von seiten der Organisation Ukrainischer Nationalisten (OUN), mit den Nazis zu kollaborieren.

    Wie ging es dann nach dem Ende der Sowjetunion weiter?

    Auch die Phase nach 1989 konnte diese Probleme nicht lösen. Es entstand ein Land, das zwischen Osten und Westen gespalten war. Die wirtschaftliche Schocktherapie etablierte eine nicht geeinte Oligarchie. In Russland konnte durch den Nationalismus von Putin und seinem Krieg gegen Tschetschenien die Oligarchie geeint werden. In der Ukraine wurde das nicht geschafft, und so blieb die Spaltung bestehen. Die Ukraine blieb also sehr vulnerabel und konnte weder westlicher noch russischer Manipulation standhalten.

    Diese Kräfte waren bereits 2004 während der sogenannten Orangen Revolution im Spiel. Besonders sichtbar wurden sie dann mit dem Aufstand am Maidan 2014. Das war ein populärer Volksaufstand gegen die prorussischen Oligarchen um die Partei der Regionen. Bereits da ist aber die Spaltung zwischen prowestlichen demokratischen und rechtsextremen, reaktionären Elementen sichtbar. Sieger dieser Auseinandersetzungen war der »Rechte Sektor«.

    Zugleich entstand der Bürgerkrieg, in dem sich beide Seiten vorgeworfen haben, Faschisten zu sein. Dieser Bürgerkrieg diente zur Vorbereitung des Kriegs ab 2022. Doch niemanden hat es interessiert. In Westeuropa hat das niemand beachtet.

    Welchen Charakter hat dieser Krieg?

    Er hat drei Dimensionen. Erstens, die nationale Befreiung der Ukraine. Zweitens, der innerimperialistische Krieg zwischen dem neoimperialistischen Russland und dem transatlantischen Imperialismus. Drittens, die systemische Krise der westlichen Hegemonie durch den Wettbewerb mit China. Diese drei Dimensionen zusammen führen dazu, dass es keinen Frieden, aber auch keinen Sieg am Schlachtfeld geben kann. Die Ukraine wird diesen Krieg nicht gewinnen, und auch Russland kann militärisch nicht gewinnen.

    Der Krieg kann noch lange dauern. Ich weiß nicht, wann und ob er enden wird. Er wird sich hinziehen, und die Ukraine wird zerstört. Es ist gut möglich, dass das Land die größten Zerstörungen in seiner Geschichte erleben wird, vielleicht sogar mehr als im Ersten und im Zweiten Weltkrieg. Der Oberbefehlshaber der ukrainischen Armee sagt nun, dass es ein Grabenkampf wie damals im Ersten Weltkrieg sei. Das ist eine klare Botschaft: Wir brauchen mehr Waffen, weil wir nicht vorankommen. Von einigen Seiten gibt es daher die Rufe, vielleicht doch zu einem Waffenstillstand zu gelangen, aber das wird nicht erfolgreich sein.

    Wir erkennen mit dem neuerlichen Beginn der Kämpfe in Palästina, dass das Schlachtfeld ein globales wird, zumindest aber ein transkontinentales. Das ist die schreckliche Situation, in der wir uns derzeit befinden.

    Vor allem seit 2014 sind Sie in engem und ständigen Kontakt mit ukrainischen Aktivisten.

    Ich treffe sie sehr oft bei politischen Zusammenkünften vor allem in Südeuropa. Ich kann mich erinnern, es gab eine große Konferenz im Reina-Sofia-Museum in Madrid, als Russland die Krim einverleibte. Spanische Politiker und Aktivisten aus der Ukraine waren da, und so war es eine Möglichkeit, den Euromaidan zu problematisieren. Ich kannte die Aktivisten, und ich persönlich stand dem Euromaidan damals durchaus positiv gegenüber. Da war eine Bewegung, die gegen eine autoritäre Regierung auftrat und als Gegner einige extreme Rechte hatte. Es hing aber alles an der Frage: Wer wird gewinnen? Und manche (in der ukrainischen Linken, jW) verstanden das nicht. Da war Wassil Tscherepanin, der heutige Direktor der Kiew Biennale, und heute ist er völlig im Selenskij-Lager. Damals kannte Selenskij jeder nur als Schauspieler.

    2016 wurde Wassil von diesen Leuten (aus dem Umfeld von Selenskij, jW) fast getötet. Es gab einen Anschlag auf ihn. Irgendwie haben wir den Kontakt verloren. Zu dieser Zeit gingen viele andere Sachen vor sich, wie »Brexit« und Syriza in Griechenland, und in Spanien lag der Fokus von uns Aktivisten einfach woanders, obwohl ich versuchte, die Situation zu verfolgen. Es kam dann in diesen Jahren zu einer Umgruppierung, und die Leute, die sich damals politisch gegenübergestanden haben, haben sich zu einer Art nationalen Front zusammengeschlossen, die aus den Rechtsextremen und den prowestlichen Demokraten besteht.

    Das macht die ganze ukrainische Sache aus der Perspektive der antisystemischen Bewegungen in Europa so schwierig. Wir waren in der Vergangenheit gewöhnt daran, die NATO zu bekämpfen. Wir haben heute die Situation, dass wir gleichfalls den NATO-Imperialismus und den Neoimperialismus von Russland bekämpfen müssen, und dann sagen mir meine Genossen in der Ukraine: Wir müssen gemeinsam mit den Faschisten von »Asow« kämpfen. Das sind Leute, die Nazikollaborateure rehabilitieren möchten und Naziverbrecher als Nationalhelden feiern, die Hunderttausende Bolschewiki, Juden und Russen in den zwei Jahren, als Bandera mit den Nazis zusammenarbeitete, ermordet haben.

    Das ist die schlimme Lage, in die wir heute geworfen sind. Ich nenne es »Campismus«: Entweder du bist im NATO-Lager oder im russischen Lager. Daher ist die Lage vielleicht fataler als im Ersten Weltkrieg.

    Aber nicht nur in der Ukraine, auch in vielen westeuropäischen Ländern verhalten sich linke Aktivisten ähnlich. Es wirkt fast so, als wäre die prinzipielle Ablehnung imperialistischer Kriege in der europäischen Linken verlorengegangen. Manche, etwa in der Partei Die Linke, gehen sogar so weit und fordern Waffenlieferungen an die Ukraine.

    Ich möchte hier zwischen der deutschen Linken und den Grünen und den vergleichbaren Parteien in Spanien unterscheiden. Was die Grünen in Deutschland sind, wäre in Spanien etwa Sumar und Politiker wie Ada Colau. Die sind in privaten Gesprächen sehr klar links und lehnen den Krieg ab. Aber die Realpolitik von ihnen sieht anders aus, da sie sagen, dass die spanische Wirtschaft von den Unterstützungen der EU-Kommission abhängt. Die Geldtöpfe in Brüssel seien so wichtig, und daher meinen sie: Konzentrieren wir uns auf Innenpolitik, und sagen wir in anderen Fragen nur ein Minimum. Konzentrieren wir uns darauf, was wirklich wichtig ist. Dann würde man Brüssel weiterhin zufriedenstellen.

    Podemos ist anders. Sie waren von Beginn an gegen diese Politik. Podemos war von Beginn an gegen Waffenlieferungen, denn Russland kann von der Ukraine nicht militärisch besiegt werden. Hier steht der Ukraine eine Atommacht gegenüber, und wenn die in eine existentielle Krise schlittert, wird Putin natürlich alles daransetzen, seinen Hintern zu retten. Es geht also in Richtung einer Katastrophe. Nach zwei Jahren Vertreibungen von Millionen von Menschen und mehr als hunderttausend toten Soldaten insgesamt sind beide Seiten immer noch genau dort wie im Februar 2022.

    In Ihrem Buch schreiben Sie, dass eine neue emanzipatorische Politik notwendig ist. Wie kann das erreicht werden, in der schwierigen Situation, in der die Linke derzeit ist, wie Sie es darlegen.

    In Europa sind Kriegsregime entstanden. Die Kriege werden aber außerhalb der eigenen Grenzen geführt: in der Ukraine, Afrika und Palästina. Zugleich wird im Inneren die Demokratie abgebaut. Das ist nicht so dahingesagt, sondern passiert ganz konkret mit der Einschränkung der Versammlungsfreiheit in den letzten Wochen. Es ist Interesse da, politisch aktiv zu sein, aber die Atmosphäre ist vergiftet. Wir leben in einem Ausnahmezustand. Es ist gefährlich, seine Meinung zu äußern.

    Schauen wir uns die Reden von Robert Habeck an, in denen er zuletzt immer wieder ein falsches Verständnis von Antisemitismus gezeigt und dann auch noch dazu Antisemitismus direkt mit subalternen Subjekten in Verbindung gesetzt hat: Araber, Türken, Kurden – nur weil sie propalästinensisch und muslimisch sind. Dadurch schaffen die liberalen Politiker in Europa die Bedingungen für Diktaturen im Namen des Kampfs gegen die Diktatur. Sie bewerben protofaschistische Tendenzen, und dadurch sind diese Politiker unsere Hauptfeinde. Es ist ein Ausdruck der Krise des nordischen Kapitalismus, der nicht mit den ökologischen Limitierungen kapitalistischer Entwicklung zurechtkommt.

    Was ist demzufolge zu tun?

    Wir müssen der Krise des Kapitalismus – deren Ausdruck diese Kriege sind – dringend etwas Positives entgegensetzen: eine Synthese aus den unterschiedlichen Strömungen. Ich glaube, konstituierende Republiken in Europa zu schaffen wäre eine Möglichkeit. Die Zusammenführung von Revolten, Protesten und Klassenkämpfen, die neue Zusammensetzung der Arbeiterklasse, die in Europa nicht mehr weiß, männlich und industriell repräsentiert ist. Die neue Arbeiterklasse ist weiblich, transsexuell, prekär, informell. Die muss mit der weißen Arbeiterklasse in den Kämpfen gegen alle Formen der Ausbeutung in jedem Bereich des Lebens verbunden werden. Klassenkampf ist nicht nur für Löhne, sondern auch Rechte, Räume und Institutionen.

    Ich glaube, eine kommunistische Entwicklung sollte das sozialistische Stadium abwerfen. Der Übergang zum Sozialismus bedeutet ein Erstarken des Staats an der Stelle von Demokratie. Ich glaube aber, dass die neue Struktur der Arbeit und die neuen gesellschaftlichen Bedingungen es erlauben, einen schwachen Staat und eine neue Verteilungsdemokratie zu etablieren. Diese wäre in der Lage, sich zu verteidigen, die Produktion zu regeln und finanzielle Transaktionen zu kontrollieren. Ich stelle mir eine gemeinsame Produktionsweise basierend auf den Kommunen vor. Die wichtigste Aufgabe der Produktion und Reproduktion muss das Leben selbst sein: die Erhaltung von Leben und Ökosystemen über Generationen hinweg. Bildung, Gesundheit, ökologische Veränderung, globale Gerechtigkeit, Energiewirtschaft, niedriges Wachstum, usw. Es bedeutet aber auch Enteignung von Kapital. Der Klassenkampfcharakter darf nicht vernachlässigt werden.

    Wir müssen die Enteigner enteignen, bevor jeder stirbt. Aber zugleich bedeutet das nicht, dass wir zurück zum alten sozialistischen Bild eines produktivistisch hochstilisierten Modells kommen, das uns alle zurück in die Fabrik schickt. Es muss statt dessen eine subalterne, ökologische, feministische, aber auch humane Produktionsweise sein. Wir sind in der Lage, eine Produktionsweise zu etablieren, die das Leben in den Mittelpunkt stellt und ganz einfach ausgedrückt ein gutes Leben ermöglicht, so wie es die ecuadorianischen und bolivarischen Verfassungen vorzeigen. Das Ziel der Politik muss ein gutes Leben für jeden sein. Ich glaube, das sollte der Inhalt jeder kommunistischen Politik heute sein.

    Und wie kommt man dahin?

    Das kann nur erreicht werden, wenn es zumindest ein transeuropäisches Projekt ist. Aber es muss auch ein nichtweißes Projekt sein, denn es muss verstehen, dass wir in einer globalen Gesellschaft leben. Der Krieg hat bereits begonnen, und überall wächst der Einfluss von faschistischen Kräften. Die alten, progressiven und sozialdemokratischen Kräfte sind bereit, mit der extremen Rechten auf EU-Ebene zu koalieren, das wird sich nach den EU-Wahlen 2024 zeigen. In dieser Situation brauchen wir ein neues Projekt, dass Hoffnung gibt und Interesse und Wünsche schaffen kann. Wir werden nichts erreichen, wenn wir um das kleinste Übel kämpfen, in anderen Worten: wenn wir einfach dafür kämpfen, den bestehenden Mist zu konservieren.

    Die Menschen im globalen Süden haben bereits verloren. Die können nicht, wie es bei uns Grüne und Progressive sagen, die Ausuferungen des Systems minimieren, damit es nicht zu einem »autoritären Wandel« kommt. Die Migranten in unserer Gesellschaft leiden unter den Entwicklungen im globalen Süden. Diese Menschen können sich nicht mit irgendwelchen Projekten identifizieren, die das Bestehende erhalten wollen.

    Im Buch fordern Sie einen »konstituierenden Frieden«. Was meinen Sie damit?

    Es hängt mit dem zusammen, was ich gerade gesagt habe: Im Krieg kann es keine Demokratie geben. Aber Frieden ist nicht genug, sondern nur die Speerspitze unserer Forderungen, die eine konstituierende Plattform schaffen. Auch bei den Bolschewiki war es so. Ihre Forderung war Frieden und Brot. Solche Forderungen brauchen wir auch, ich denke an ein globales bedingungsloses Grundeinkommen, Reisefreiheit für die Arbeiterklasse und die subalterne Klasse. Dafür bedarf es eine Wiederaneignung der Produktionsmittel, um eine kommunenbasierende Produktionsweise aufzubauen.

    Um das zu erreichen, braucht es aber eine neue Koalition, ein neues politisches Subjekt, das nur aus den Kämpfen heraus entstehen kann. Taktische Plattformen sind keine Lösung. Die Grünen in Deutschland sagen, wenn die AfD und die Neonazis geschlagen sind, dann leben wir im Paradies. Das ist völliger Blödsinn. Das Problem ist, dass die Demokratien oligarchisch geworden sind und einen großen Teil der nichtweißen, aber auch der weißen Bevölkerung ausschließen. Das ist die neue Verfassung der liberalen Demokratie. Das ist nicht temporär, sondern der neue Charakter des Kapitalismus. Die großen liberalen Errungenschaften des Kapitalismus von 1945 bis zum Maastricht-Europa sind vorbei. Die Demokratie ist verfault. Ich glaube, dagegen ist der »konstituierende Frieden« eine Losung, um eine Diskussion anzustoßen, um neue Wege zu finden, jenseits der etablierten Parteien, Institutionen und Strukturen.

    ___

    Leserbrief von Istvan Hidy aus Stuttgart (19. November 2023 um 22:09 Uhr)

    Was bedeutet der Begriff »Ukraine« im einführenden Satz des Artikels? Zitat: »Die Ukraine war immer schon eine ungelöste Frage in Europa, das zieht sich seit Jahrhunderten, aber wurde besonders akut nach dem Ersten Weltkrieg.« Welche Bedeutung gibt der Autor dem Begriff »die Ukraine«? Bezieht er sich auf das Grenzgebiet als Begriff an sich? Die Verwendung und Formulierung seiner Aussage sind problematisch, da sie suggerieren, dass es seit Jahrhunderten eine »Ukraine« geben sollte, was historisch nicht korrekt ist! Erst nach der Oktoberrevolution von 1917 erklärte die Zentralna Rada, ein ukrainisches politisches Organ, die Unabhängigkeit der Ukrainischen Volksrepublik. Es stimmt, jedoch ohne kulturellen, traditionellen und festen territorialen Umfang! Während ihrer kurzen Existenz (1917–21) kämpfte die junge Ukrainische Volksrepublik schon gegen verschiedene Gegner, darunter die Rote Armee, die Weiße Armee und Polen. Die territoriale Ausdehnung der Ukrainischen Volksrepublik variierte schon auch erheblich während ihrer kurzen Existenz und umfasste im Allgemeinen nur die mittleren Gebiete der heutigen Ukraine. Gleichzeitig wurde Westukraine, einschließlich Galizien, von Polen annektiert. Letztendlich wurde sie von den Bolschewiki besiegt, und die Ukraine wurde Teil der Sowjetunion. Es ist wichtig festzustellen, dass die Grenzen der Ukraine, wie sie 1991, nach der Auflösung der Sowjetunion entstanden sind, historisch niemals existierten und auch in Zukunft höchstwahrscheinlich nicht wieder auftauchen werden.

    Leserbrief von Onlineabonnent/in Joachim S. aus Berlin (18. November 2023 um 10:07 Uhr)

    Liest man dieses Interview genauer, fasst es fast genau all jene »allmenschlichen« Illusionen zusammen, gegen die die jW seit Jahr und Tag anschreibt. Die Klassen sind verschwunden und damit auch die geopolitische Komponente des Kampfes des Kapitals mit ihnen. Imaginäre Kräfte bewegen die Welt und moralisierende Kräfte werden sie verändern. Damit sind wir wieder auf dem Erkenntnisstand des frühen Christentums von vor zweitausend Jahren. Natürlich darf ein »linker spanischer Philosoph« so denken. Sehr hilfreich ist das allerdings nicht. Ganz im Gegenteil.

    #Ukraine #histoire #impérialisme #révolution_mondiale #antiracisme

  • Comment les arbres ont conquis les villes

    Nécessaires pour embellir et rafraîchir les villes, les arbres n’ont pas toujours été intégrés à l’urbanisme, explique l’historienne #Andrée_Corvol. Les révolutions sociales ont permis leur essor.

    Depuis son appartement en banlieue parisienne, l’auteur de cet article contemple tous les jours un univers essentiellement minéral, composé de grandes tours d’habitation et de quelques bâtiments publics. Parmi ces blocs de béton se distinguent quelques arbres, essentiellement des marronniers, qui apportent une touche de vert bienvenue dans ce monde gris et marron et, l’été, une fraîcheur indispensable dans cet îlot de chaleur urbaine. Aussi rares et chétifs soient-ils, ces arbres parviennent à rendre supportable la vie dans un quartier densément peuplé, d’où toute nature a disparu depuis l’industrialisation de la ville au XIXe siècle.

    Ces marronniers s’inscrivent dans une longue lignée d’#arbres_urbains, retracée par l’historienne Andrée Corvol, spécialiste du végétal, dans L’Arbre dans la cité (éd. Le Pommier). Depuis son apparition systématique dans les villes françaises à l’orée du XVIIe siècle, l’arbre a toujours tenu le même rôle : rendre humainement vivables des villes de plus en plus denses, à mesure que les campagnes et les espaces naturels s’en éloignaient.

    Si la prose touffue d’Andrée Corvol tend, telle la sylve, à s’égarer en branches et rameaux, on peut néanmoins résumer à grands traits cette intégration du végétal au panel des outils d’aménagement à destination des autorités locales en France. Car c’est bien d’un outil qu’il s’agit, et ce, dès l’époque moderne.

    Alors que la ville française médiévale comportait peu d’arbres — sinon quelques-uns sur le parvis de l’église et d’autres sur les remparts, pour gêner les tirs adverses en cas de siège —, les autorités municipales des XVIIe et XVIIIe siècles confrontées à l’essor démographique de leurs villes respectives décidèrent de les doter de nouveaux quartiers végétalisés.

    Outre le sentiment de #fraîcheur que procuraient ces arbres — ormes, noyers et tilleuls pour la plupart —, les #plantations_urbaines offraient aux citadins un espace de #loisirs, des #promenades en famille jusqu’au #sport, en particulier le jeu de paume pratiqué à l’#ombre des cours et des mails, à l’instar de ceux structurant le centre-ville d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
    Embellir... et maîtriser l’étalement urbain

    À l’ère de l’#industrialisation et de l’#exode_rural vers la ville, les métropoles du XIXe siècle reprirent ces principes en les systématisant. Pour verdir les nouveaux boulevards qu’il perçait au beau milieu de la capitale, Georges-Eugène Haussmann, préfet de Paris sous Napoléon III, réorganisa le service des Promenades — ancêtre des Jardins — pour favoriser des plantations homogènes, après des décennies d’essais erratiques et désordonnés, peuplant ainsi la métropole de platanes et #marronniers. Comme souvent, les capitales régionales imitèrent l’exemple parisien et se dotèrent à leur tour d’avenues et cours végétalisés.

    Mais le tournant eut cependant lieu entre 1919 et 1924, avec l’adoption des #lois dites « #Cornudet ». À la différence des initiatives municipales antérieures, ces textes législatifs, les premiers en matière d’urbanisme en France, proposaient un encadrement national à travers un #Plan_d’aménagement_d’embellissement_et_d’extension (#PAEE) obligatoire pour les villes de plus de 10 000 habitants.

    Comme le résume Andrée Corvol, ces lois répondaient à la contradiction engendrée par la croissance urbaine : « Laisser les cités se densifier, c’était condamner leur #verdure intramuros. Laisser les cités s’étaler, c’était la réduire extramuros. » En somme, le PAEE envisageait la maîtrise d’un étalement urbain anarchique à travers une #végétalisation programmée des nouveaux quartiers et non ajoutée après coup de manière à les embellir.

    Au demeurant, le PAEE n’empêcha pas la construction à la va-vite, tout au long des Trente Glorieuses, d’ensembles minéraux destinés à reloger en urgence les déplacés de la Seconde Guerre mondiale. Le végétal servait alors à procurer bien-être et bien-vivre à des citadins toujours plus nombreux, en leur camouflant les désagréments des villes industrielles. Ainsi, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le parc des Chanteraines et ses 82 hectares dissimulent aux promeneurs les usines de béton qu’on verrait autrement depuis les immeubles d’habitation.

    L’arbre source de #conflits

    Toutefois, l’adoption des arbres en ville ne se fit pas sans heurts. Au contraire, la plantation, l’emplacement ou le type d’essence nourrirent durant quatre siècles un ensemble de contestations qui se déployèrent autour des arbres, pris comme emblèmes ou point de départ d’un conflit.

    Andrée Corvol parvient de la sorte à brosser une surprenante histoire de la #Révolution_française à travers ses arbres fétiches : aux « #arbres_de_mai » plantés spontanément en 1789 par des villageois enthousiastes succédèrent l’année suivante les arbres de la Fédération, impulsés par le marquis de La Fayette et les partisans de la monarchie constitutionnelle, puis, en 1792, les arbres de la liberté, destinés à enraciner, de manière physique et symbolique, la nouvelle République.

    Au cours de la période révolutionnaire, les arbres subirent tout autant que les humains les brusques changements de pouvoir. Ainsi, les peupliers plantés par les jacobins, qui rapprochaient naïvement populus et « petit peuple », furent souvent pris pour cible par les opposants à la Terreur, qui manifestaient au travers d’écorces mutilées ou brisées leur dissidence. Face à pareil conflit, le Directoire, le Consulat puis le Premier Empire tentèrent de finir la Révolution en aménageant des promenades urbaines pour calmer les esprits en offrant de nouveaux espaces de détente.

    Ces conflits politiques se doublaient en outre de conflits de classe. Dans le Paris haussmannien, les quartiers cossus réservaient « leurs » arbres aux nourrices et en chassaient les vagabonds, tandis que les quartiers ouvriers les gardaient pour leurs familles, au détriment des jeunes. En somme, « l’arbre était au centre de revendications territoriales. Il en supportait les conséquences sociétales, tout comme l’arbre de la liberté, les conséquences politiques ».

    Les investisseurs ont droit de vie ou de mort

    À ces combats s’ajoute une question cruciale : qui paye les plantations ? Les différents régimes issus de la Révolution, optimistes, crurent fidéliser les citoyens à leur cause en leur faisant financer eux-mêmes les nouvelles plantations urbaines. Peine perdue : versatile, seule une fraction de citoyens payait — et encore lorsque les fonctionnaires les y pressaient. Le volontarisme citoyen ne fonctionne qu’en de rares occasions et sur des points bien précis. En décembre 1999, une souscription populaire à la suite des tempêtes Lothar et Martin permit certes de financer la replantation des jardins du château de Versailles, mais les 2 millions d’arbres brisés en Seine-et-Marne ne connurent pas autant de succès.

    Au XIXe et XXe siècles, ce furent donc surtout les municipalités qui payèrent les plantations et leur entretien. Mais, hormis Paris et quelques grandes villes, beaucoup d’entre elles, par manque de fonds, privilégièrent des essences communes et connues de tous — le chêne, le marronnier, le platane, etc. — au détriment d’une réelle biodiversité végétale.

    En tant qu’investisseurs, les édiles se réservaient aussi le droit d’abattre les arbres lorsqu’ils les jugeaient vétustes ou faisant obstacle à de nouveaux projets d’aménagement, quitte à s’aliéner une partie de leurs administrés, témoin la bataille qui opposa plusieurs semaines en 2018 les habitants de la Plaine à la municipalité marseillaise.

    Ce dernier exemple illustre le peu de poids des arbres en ville. À peine mieux traités que du mobilier urbain par les services d’aménagement, ils furent forcés de s’acclimater, en dépit de leur métabolisme lent, au rythme de la ville moderne : tramway, métro, grands boulevards, éclairage nocturne, etc. Et, lorsqu’ils dérangeaient, on les abattait froidement.

    On mesure l’ampleur du désastre aux quelques chiffres que consigne l’historienne : si, en 1895, le réseau routier national français comptait 3 millions d’arbres, soit 49 % des routes plantées, un siècle plus tard il n’en dénombrait plus que 250 000, soit 12 % des routes. En cause : le caractère accidentogène des arbres en bord de route… Quelques défenseurs des arbres émergèrent bel et bien dès le milieu du XIXe siècle, mais se consacrèrent pour l’essentiel aux massifs forestiers ou aux trognes des campagnes en voie de disparition, rarement aux plantations urbaines, trop évanescentes.

    L’ouvrage achevé, une question se pose, à laquelle Corvol ne répond pas : qu’est-ce qu’une ville végétale digne de ce nom ? Si, comme le montre l’historienne, l’arbre a certes gagné sa place en ville, il s’agit d’une place strictement utilitaire, où la folie créatrice du sauvage n’a pas lieu d’être.

    https://reporterre.net/Comment-les-arbres-ont-conquis-les-villes

    #arbres #villes #urbanisme #urban_matter #végétation

    • L’arbre dans la cité : histoire d’une conquête (XVIIe-XXIe siècle)

      Autrefois, l’arbre en ville était cantonné aux enclos vivriers, il n’ombrageait pas nos routes ni nos fleuves et nos canaux. Vivant plutôt à la campagne, il procurait bois, fruits, fibres et feuilles. Aujourd’hui, le végétal entre en force dans nos cités par trop minérales ; il améliore nos conditions de vie, protège le sol, régule la température, purifie l’air et atténue les bruits.
      Comment l’arbre a-t-il conquis le pavé ? Cette histoire, moins utilitaire et monolithique qu’il n’y paraît, croise en fait celle de la modernité, et mérite d’être racontée. Car, bien avant la révolution industrielle et son introduction dans la cité pour assainir l’air, l’arbre s’y est fait une place dès la Révolution, comme symbole de la liberté.
      Récupéré dans le champ politique, il a depuis servi à commémorer un événement, à symboliser l’autorité, à améliorer l’aménagement urbain ou encore à satisfaire le besoin de nature des administrés. Ce faisant, il a suscité à la fois colères et affections. Une histoire qui est ainsi celle des hommes, de leurs revendications et de leurs aspirations. Mort ou vif, l’arbre fait partie du roman national.

      https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782746527393-l-arbre-dans-la-cite-histoire-d-une-conquete-xviie-x
      #livre

  • Walter Benjamin à propos de Baudelaire et Blanqui
    https://www.textlog.de/benjamin/abhandlungen/passagen/baudelaire/j-62-1-allegorie-flaneur

    Die Figur Baudelaires ist in seinen Ruhm eingegangen. Seine Geschichte ist für die kleinbürgerliche Masse der Leser eine image d’Epinal, der bebilderte »Lebenslauf eines Wollüstlings«. Dieses Bild hat zu Baudelaires Ruhm viel beigetragen – sowenig alle, die es verbreiteten zu seinen Freunden gehören mochten. Über dieses Bild legt sich ein anderes, das weniger in die Breite aber nachhaltiger in die Zeit gewirkt hat: auf ihm erscheint Baudelaire als Träger einer aesthetischen Passion.
    ...
    Ein blanquischer Blick auf den Erdball: »Je contemple d’en haut le globe en sa rondeur, | Et je n’y cherche plus l’abri d’une cahute.« (le goût du néant) Der Dichter hat seine Wohnung im Weltraum aufgeschlagen – man kann auch sagen, im Abgrunde.
    ...
    Die sadistische Phantasie neigt zu maschinellen Konstruktionen. Vielleicht sieht Baudelaire, wenn er von der »élégance sans nom de l’humaine armature« spricht, im Skelett eine Art von Maschinerie. Deutlicher heißt es in le vin de l’assassin: »Cette crapule invulnérable | Comme les machines de fer | Jamais, ni l’été ni l’hiver, | N’a connu l’amour véritable.« Und schlagend: »Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde!« (Tu mettrais l’univers) [J 71, 1]
    ...
    Wenn der Crépuscule du matin mit dem Zapfenstreich im Hofe der Kasernen einsetzt, so muß man sich vergegenwärtigen, daß unter Napoleon III aus leicht ersichtlichen Gründen das Innere der Stadt mit Kasernen belegt gewesen ist. [J 71, 4]

    Lächeln und Schluchzen sind, als Wolkenform des Menschengesichts, eine unüberbietbare Bekundung seiner Spiritualität. [J 71, 5]

    Im Rêve parisien erscheinen die Produktivkräfte stillgelegt. Die Landschaft dieses Traums ist die blendende Luftspiegelung der stumpfen und trostlosen, die in de profundis clamavi zum Universum wird. »Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois, | Et les six autres mois la nuit couvre la terre; | C’est un pays plus nu que la terre polaire; | – Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!« [J 71, 6]

    Die Phantasmagorie des rêve parisien erinnert an die der Weltausstellungen, in der die Bourgeoisie der Ordnung des Eigentums und der Produktion ihr »Verweile doch, du bist so schön« zuruft. [J 71, 7]
    ...
    »Der 15. Mai« [1848] »hatte bekanntlich kein anderes Resultat als Blanqui und Genossen, das heißt die wirklichen Führer der proletarischen Partei, die revolutionären Kommunisten, für die ganze Dauer des Zyklus … vom öffentlichen Schauplatz zu entfernen.« Marx: Der achtzehnte Brumaire ed Rjazanov p 28 [J 73, 3]

    #histoire #révolution #poésie #philosophie

  • China : Totale Kontrolle ? Die Wahrheit über das Sozialkreditpunktesystem
    https://www.berliner-zeitung.de/politik-gesellschaft/china-totale-kontrolle-die-wahrheit-ueber-das-sozialkreditpunktesys
    Cet article décrit pouquoi le système de crédit social n’est pas très différent de la surveillance des entreprises et citoyens qui se pratique en France et en Allemagne.

    Sa critique systématique devrait commencer par sa description et l’élaboration d’éléments de critique de tout système de surveillance. Cet article propose quelques éléments pour y arriver.

    D’un point de vue anarchiste les sociétés capitalistes modernes (dont la Chine) ont établi un système de corruption morale totalitaire défendu par ses sbires humains et robots. Ils agissent dans le cadre d’un système d’exploitation stable garantissant la domination et les richesses des classes au pouvoir.

    Leurs efforts ne sauront prévenir des événements comme la Commune de Paris de 1871, la révolution d’octobre, la chute de la dynastie Pahlavi en 1979 ou la dissolution de la république allemande DDR en 1989/1890. Chaque révolution est le résultat des antagonismes propres à la la société en place. Les révolutions populaire ne sont jamais l’oeuvre des révolutionnaires surveillés et persécutés mais le résultat de catastrophes nationales et de mouvement politiques.

    Le succès des communistes chinois était possible à cause de l’absence d’état chinois et de l’affaiblissement des leur ennemis pricipaux le Japon et le Guomindang corrompu jusqu’à la moelle. Cette expérience historique est une des raisons pour les idées sur la relation entre l’état, le parti communiste et les citoyens.

    Le plus important danger pour les révolutions naissantes n’est pas la surveillance par des institutionnes impuissantes face aux mouvements populaires mais la communication militaire permettant aux élites de commander des interventions armées contre le peuple. La surveillance individuelle n’occupe qu’un rôle tactique soumis aux stratégies. Au centre des stratégies se trouvent le contrôle des ressources matérielles, des armes, de l’idéologie et de la communicationet.

    L’obsession de la surveillance est un dada des classes moyennes qui ont besoin d’une explication simple pour le sentiment de danger et de menace qui ne les quitte jamais. Leur positions sont constamment mises en question et par le prolétariat qu"ils exploitent et par les grands capitalistes qui les écrasent par leur puissance économique.

    Les petits bourgeois sont favorables à la surveillance des pauvres et défendent leur propre exemption de la surveillance générale sous prétexte du droit à la vie privée et au secret d’affaires. La surveillance chinoise leur fait peur car elle vise leur propre classe.

    11.11.2023 von Frank Sieren| 05:02 Uhr - Im Westen missverstanden, in China zur Kontrolle geschätzt. Experten sagen: Das Social-Scoring-System existiert nicht so, wie sich der Westen dies vorstellt.

    Wenn vom Sozialkreditsystem in China die Rede ist, schrillen im Westen sofort die Alarmglocken. George Orwell steht in der Tür und beflügelt Fantasien. Doch die chinesische Realität ist komplizierter. In China ist Überwachung allgegenwärtig, und dennoch ist das Sozialkreditsystem nicht das, was viele westliche Beobachter fürchten.

    Auch westliche Studien belegen inzwischen: Bei Chinas Sozialkreditsystem geht es größtenteils um die Bewertung der Transparenz von Firmen (70 Prozent), also um eine Art Schufa, kaum jedoch um die politische Kontrolle von Individuen (zehn Prozent). Nun kann man mit großer Berechtigung feststellen, dass auch diese zehn Prozent schon zu viel sind. Richtig ist allerdings auch, dass erstens diese Form der Überwachung eine Ausnahme und nicht die Regel ist, und zweitens, dass auch in Deutschland Individuen unter bestimmten Voraussetzungen überwacht werden, wie im Verfassungsschutzbericht nachzulesen. Allerdings haben die Überwachten sehr viel mehr Rechte als in China.

    „Der Westen hat das Sozialpunktesystem falsch verstanden“, fasst die amerikanische MIT Technology Revue, eine der führenden wissenschaftlich basierten Tech-Zeitschriften, die Untersuchungen zusammen. „Das entsetzliche System existiert nicht, und die Zentralregierung scheint auch kein großes Interesse zu haben, es einzuführen.“ Das kann sich jederzeit ändern, dennoch ist es sinnvoll, sich zunächst anzuschauen, was gegenwärtig da ist.

    Schamwand an der Ampel? Nicht durchgesetzt

    Das Sozialpunktesystem ist im Versuchsstadium stecken geblieben. Es wurde 2014 eingeführt und sollte innerhalb von sechs Jahren aufgebaut sein. Es sollte die Datenspuren, die Menschen und Firmen hinterlassen, daraufhin untersuchen, ob sie verlässlich sind und sich an die Gesetze halten. In Ansätzen wurde auch überlegt, ob man „korrektes“ politisches Verhalten mit Punkten belohnt und Fehlverhalten entsprechend bestraft. Allerdings stand die Regelung der wirtschaftlichen Beziehungen immer im Vordergrund.

    So will die chinesische Regierung Wildwüchse in den Bereichen der boomenden Marktwirtschaft bekämpfen, die in Richtung Manchester-Kapitalismus driften. Sie will Unternehmen, Banken und Bürgern damit ein Instrument an die Hand geben, mit dem sich beurteilen lässt, ob der Wirtschaftspartner verlässlich ist. Bevor man ein Geschäft mit einem Unternehmen macht, soll es möglich sein, herauszufinden, ob die Partner seriös sind. Aber auch Konsumenten, die eine Reise buchen, können so überprüfen, ob die Reiseplattform verlässlich ist. Das ist der Vorteil.

    Die Nachteile liegen aber auch auf der Hand. Das System, das Transparenz schaffen soll, kann benutzt werden, um herauszufinden, ob jemand politisch konform ist oder nicht. Ein negatives Ranking kann Einschränkungen in allen möglichen Bereichen nach sich ziehen, zum Beispiel Reisemöglichkeiten einschränken. Ein positives die Karriere fördern oder auch nur für eine schnellere Kreditvergabe sorgen. Die Übergänge sind leider fließend.

    Über 70 Kleinversuche gab es bisher, bestimmte Aspekte eines solchen Punktesystems im Alltag zu testen, die teils im Sande verlaufen sind. Es wurde an Ampeln eine „Schamwand“ errichtet, für jene, die bei Rot über die Ampel gelaufen sind: Sie wurden über Gesichtserkennung erfasst und ihre Gesichter und Namen groß auf einer Leinwand gezeigt. Durchgesetzt hat sich das nicht.

    WeChat-Daten? Ja, zum Geldverdienen

    Auch Privatunternehmen unterstützen die Ziele des Staates. Das Sesame-Credit-System von Ant Financial, einer Tochterfirma des von Jack Ma gegründeten Onlinekonzerns Alibaba, ist das bekannteste. Dort wird allerdings – ähnlich wie bei der deutschen Schufa – vor allem die jeweilige Kreditwürdigkeit bewertet. Ein ähnliches System nutzt Tencent Credit, ein Tochterunternehmen von Tencent, dem Gaming- und Social-Media-Konzern aus dem südchinesischen Shenzhen, der WeChat erfunden hat, die umfassendste Social-Media-App weltweit. Auch WeChat ist eine sehr ambivalente Innovation. Die App managt praktisch den gesamten Alltag, aber sie sammelt auch alle Daten, die Menschen dabei erzeugen. Die wiederum können missbraucht werden.

    Allerdings interessiert sich Tencent nicht für die politische Überwachung, sondern vor allem dafür, wie man mit den Daten mehr Geld verdienen kann. Und das wiederum stößt dem Staat auf. Er möchte, weil er andere Ziele hat, diese Form der Kontrolle nicht der Privatwirtschaft überlassen.
    Riesige Datenmenge von 1,4 Milliarden Menschen

    Die Kommunistische Partei möchte nicht nur über diese Daten verfügen. In dem Fall wäre es einfach (und zum Teil geschieht dies ja schon) die Unternehmen zu zwingen, ihre Daten dem Staat zu überlassen. Der Staat will jedoch weitergehen: Er möchte mitentscheiden, wie die Daten erfasst werden und welche Daten das sind. Deshalb sollte ein zentralisiertes System aufgebaut werden.

    Doch zunächst passierte wenig. Das lag nicht nur am politischen Willen, sondern auch an technischen Hürden. Die Covid-Apps haben gezeigt, wie schwierig die Umsetzung eines zentralen Überwachungssystems ist. Die Datenmengen sind einfach zu groß. Es wimmelte in China nur so vor regionalen Apps, die meisten davon hielten Belastungen nicht stand. Und die Apps schaffen es nicht, sich zu koordinieren. Das heillose Durcheinander führte dazu, dass man immer wieder auch grundlegende Daten wie Passnummer oder Telefonnummer neu eingeben musste. Was man nie vergessen darf, sobald es um China geht: Die Daten von 1,4 Milliarden Menschen lassen sich nicht so einfach messen und nur sehr aufwendig und teuer verwalten.

    Zudem: Auch in China regelt ein der europäischen Datenschutzgrundverordnung sehr ähnliches sogenanntes Datenschutzgesetz, wer wann und wo darauf zugreifen darf. Die Chinesen haben das Gesetz von den Europäern übernommen. Und in Deutschland wiederum finden sich wesentliche Grunddaten über die Bürger im Steuersystem.

    Sozialkreditsystem: Ziele falsch eingeschätzt

    Im Dezember vergangenen Jahres wurde der The National Social Credit Information Basic Catalog aktualisiert. Doch darin geht es nur um Maßnahmen zur Förderung des Konsums und der wirtschaftlichen Aktivität. Je mehr die Marktteilnehmer sich gegenseitig trauen könnten, desto aktiver sind sie, so die zentrale These, und desto besser für die chinesische Wirtschaft. „Es hat sich nicht viel geändert“, sagt Jeremy Daum, der an der Yale University chinesisches Recht lehrt. Es gehe vor allem um Kreditwürdigkeit und Sozialverhalten, um Umweltschutz, Korruptionsabwehr, irreführende Werbung, Produktpiraterie oder um Krankenhäuser, die die Versicherung betrogen haben. Davon betroffen seien also vornehmlich Institutionen und Unternehmen.

    Zu elf Themen sollen Daten gesammelt werden, darunter grundlegende Personaldaten wie die Passnummer, die in China ein ganzes Leben gleich bleibt und um die sich alles dreht, dann die Strafregistereinträge, verwaltungstechnische Einträge, Lizenzen, Bußgelder, Auszeichnungen, Inspektionsergebnisse. Aber auch professionelle Informationen wie akademische oder technische Titel, Qualifikationen, Informationen, ob die Unternehmen vertrauenswürdig sind und nicht schon auf schwarzen Listen stehen.

    Die britische Beratungsfirma Dezan Shira & Associates – sie gehört der Devonshire-Ellis-Industriellenfamilie, die im Schiffsbau (Queen Mary, Britannica) groß geworden ist – hat 20 Büros in Asien, darunter auch in China. Sie stellt fest: „Das Social Credit System wird von ausländischen Beobachtern missverstanden. Seine Ziele werden falsch eingeschätzt, seine Möglichkeiten überschätzt.“ Die Systeme, die benutzt würden, seien sehr unübersichtlich, weil sie nicht einheitlich geregelt sind, sondern „nicht nur von Provinz zu Provinz, sondern sogar von Stadt zu Stadt variieren“.

    Die chinesische Regierung ist zwar dabei, die Systeme zu vereinheitlichen. Dennoch fasst auch die MIT Technology Revue zusammen: „Es gibt kein zentrales Kreditpunktesystem für Individuen“ und „die chinesische Regierung hat nie davon gesprochen, dass sie ein solches System anstrebt“. Das Ergebnis der sonstigen Datenerfassung sei im Übrigen für jeden Chinesen transparent auf der Plattform Credit China einzusehen.

    Im Frühjahr dieses Jahres hat die Regierung das Sozialkreditsystem auch auf den akademischen Bereich ausgeweitet. Wer abschreibt, Wissen klaut oder sich sonst mit fremden Federn schmückt, muss mit Strafpunkten rechnen.

    Dass die Etablierung eines nationalen Social-Credit-Systems nicht vorankommt, liegt nicht etwa daran, dass es von der Bevölkerung nicht gewollt wäre. Eine repräsentative Studie der Freien Universität Berlin zeigt: 80 Prozent von 2000 überregional befragten Chinesen sind bereit, ihre privaten Daten preiszugeben, damit das soziale und wirtschaftliche Leben stabiler, verlässlicher und risikoärmer wird. Ein erstaunliches Ergebnis: Je gebildeter, desto größer die Zustimmung. Die Nachteile waren den Befragten nicht so wichtig.

    Woran liegt das? Die Älteren haben noch das Chaos der Kulturrevolution erlebt, die Jüngeren die Korruption und die Intransparenz während des historisch einmaligen Wirtschaftsbooms. Stabilität ist ihnen derzeit wichtiger als Datenschutz. Aber das muss nicht immer so bleiben. Das Datenschutzbewusstsein wächst, Peking muss sich also mit der Umsetzung beeilen. Gerade weil der Schritt von einer zentralisierten, KI-basierten Schufa zum Orwell’schen Konsumenten ohne politischen Spielraum nur ein kleiner ist, wird die Toleranz der chinesischen Bevölkerung dafür mit den Jahren sicherlich nicht größer. Die Einstellung zum Datenschutz hat also auch mit zeitgeschichtlichen Erfahrungen zu tun. Das gilt nicht nur im Verhältnis Europas zu China, sondern ist auch innerhalb Europas so.

    Unter den zehn Städten mit den meisten Überwachungskameras weltweit sind neun chinesische Städte und eine europäische Stadt: London. Die Menschen dort haben nach den vielen Erfahrungen mit dem Terror der IRA und islamistischer Gewalttäter so große Angst vor Terroranschlägen, dass ihnen die Kameras als das kleinere Übel erscheinen. In Berlin wäre das undenkbar. Dort überwiegt die historische Erfahrung der Überwachung im Dritten Reich und in der DDR. Das bedeutet jedoch: Wie die Balance zwischen Überwachung und Datenschutz aussieht, lässt sich nicht für alle Länder oder Großstädte gleich entscheiden.

    „Beim Datenschutz in China geht es zunächst einmal nicht so sehr um den generellen Schutz der Privatsphäre, sondern darum, den Konsum sicherer zu machen“, stellt Mathias Schroeder von der Pekinger Kanzlei Ding, Schroeder & Partner fest, die auf Mergers & Acquisitions und Investitionsrecht spezialisiert ist. Schroeder wurde in den 1970er-Jahren als Drilling in Peking geboren, seine Eltern waren zu der Zeit dort ostdeutsche Diplomaten. Der Datenschutz werde von Konsumenten getrieben, die Angst hätten, beim Einkaufen oder bei Geschäften generell über den Tisch gezogen zu werden, fasst Schroeder den Trend zusammen.

    Datenschutzgesetz? Ja, aber der Staat darf alles

    Beim Datenschutz ist die Besorgnis der Chinesen so groß, dass China 2021 das europäische Datenschutzgesetz weitgehend übernimmt. Das Personal Data Protection Law (PDPL) mit siebzig Paragrafen hat sich fast völlig an der Datenschutz-Grundverordnung (General Data Protection Regulation) der EU orientiert. Die Definition von „persönlichen Daten“ und „Verarbeitung“ sind im chinesischen Gesetzentwurf fast genauso weit ausgelegt wie im europäischen. Dazu gehört zum Beispiel auch, dass Organisationen und Personen, die mit chinesischen Daten arbeiten, ebenfalls unter dieses Gesetz fallen.

    Das chinesische Gesetz schützt allerdings eher davor, dass Firmen Missbrauch mit Daten betreiben. Dafür sind harte Strafen vorgesehen, die bis zu 7,4 Millionen US-Dollar reichen oder gar einem Abzug in Höhe von fünf Prozent des unternehmerischen Jahresgewinns. Der Staat hingegen darf noch alles. Allerdings ist damit der Datenschutzgeist aus der Flasche. Es wird spannend sein, wie sich das wachsende Datenschutzbewusstsein der Chinesen auf der einen Seite und der zunehmende Kontrollwunsch in der Kommunistischen Partei vereinbaren lassen.

    Frank Sieren ist einer der führenden deutschen China-Kenner. Er berichtet seit 1994 aus Peking und ist damit der deutsche Journalist, der am längsten in China lebt. Sein jüngstes Buch „China to Go – 100 innovative Trends und erhellende Einblicke“ erschien 2023 im Penguin Verlag, 320 Seiten, 24 Euro. Sie können sich über Linkedin mit ihm vernetzen und ihn so kontaktieren.

    #Chine #crédit_social #surveillance #capitalisme #exploitation #révolution

  • Henri (Enric) Mèlich (1925-2021)
    https://www.partage-noir.fr/henri-enric-melich-1925-2021

    Henri (Enric) Mèlich est né le 5 novembre 1925 en Catalogne, à Espugues de Llobregat, près de Barcelone, dans une famille libertaire. Il est encore enfant à la fin de la guerre et lors de la « Retirada » il suit ses parents en France, dans le Lot et Garonne, puis en avril 1939 à Quillan dans l’Aude chez une tante mariée avec un français. Il commence à travailler avec son père sur plusieurs chantiers de bucheronnage. Contrairement à son frère ainé (anarchiste pacifiste), il s’engage en (...) Partages

    / Henri (Enric) Mèlich, #CNT, Révolution espagnole (1936-1939), #CRAS_Toulouse

    #Partages_ #Henri_Enric_Mèlich #Révolution_espagnole_1936-1939_
    https://cras31.info/IMG/pdf/dossiers-noirs-dune-certaine-resistance.pdf
    https://editionsacratie.com/a-chacun-son-exil-itineraire-dun-militant-libertaire-espagnol
    http://www.autrefutur.net/Henri-Melich-1925-2021
    https://www.partage-noir.fr/IMG/pdf/dossiers-noirs-dune-certaine-resistance.pdf

  • Un cas d’école de génocide | Raz Segal
    https://cabrioles.substack.com/p/un-cas-decole-de-genocide-raz-segal

    · Note de Cabrioles : Nous aurions aimé ces denières semaines trouver les forces nécessaires pour visibiliser la situation palestinienne tout en réalisant un dossier sur la pandémie dans le contexte colonial palestinien.

    Nous aurions sûrement traduit des articles de The Pandemic and #Palestine_, le numéro du _Journal of Palestine Studies de 2020 dédié à la #pandémie. Peut-être des extraits de l’interview que sa coordinatrice Danya Qato avait donné à nos camarades de Death Panel. Fouiller dans les articles de Nadia Naser-Najjab qui a donné une conférence The Darkest Side of #Covid-19 in Palestine et publiera en 2024 un livre intitulé Covid-19 in Palestine, The Settler Colonial Context. Enfin nous vous aurions invité à relire l’interview de Danya Cato traduite en 2020 dans À l’encontre et cet article d’ACTA paru en avril 2020 : Le peuple palestinien entre pandémie, harcèlement colonial et autodéfense sanitaire.

    Mais ces forces nous font pour le moment défaut. Pour autant nous ne pouvons nous taire sur ce qui se passe au Moyen Orient ces dernières semaines. Notre voix est faible, mais dans ces moments d’effondrement général il semblerait que chaque voix compte. La pandémie de Covid-19 nous a mis face à deux phénomènes majeurs : la production industrielle de l’insensibilisation à la mort de masse et la complaisance abyssale de la #gauche avec l’#antisémitisme.

    Le premier a de multiples racines dont les principales sont le #colonialisme et le #racisme meurtrier qui structurent le #capitalisme_racial et ses ressorts eugénistes. Racisme, #validisme et #eugénisme sont historiquement inextricables. Les plus de 300 morts par jour de novembre 2020 à avril 2021, et les dizaines de milliers qui ont précédées et suivies, ont pu être d’autant plus facilement acceptées et oubliées qu’elles touchaient d’abord les #classes_populaires racisées, et que depuis des années nous avions été habitué·es au décompte des morts dans la #méditerranée de personnes en exil. En les déshumanisant, en en faisant un rebut.

    Le second phénomène, l’antisémitisme au sein de la gauche, nourrit les rapprochements et dangers les plus corrosifs à force d’être nié par celle-ci. Nous avons vu de larges pans de la gauche et des mouvements #révolutionnaires défilés aux côté d’antisémites assumés, prendre leur défense, relativiser le génocide des Juifves d’Europe. Nous avons vu nombres de camarades se rapprocher de formations fascisantes en suivant cette voie. À travers l’antisémitisme la #déshumanisation des Juifves opère en en faisant non un rebut mais un groupe prétendument homogène qui détiendrait le pouvoir, suscitant des affects de haine d’autant plus féroces.

    Ces deux phénomènes ont explosé ces dernières semaines. À l’#animalisation des palestinien·nes en vue de leur #nettoyage_ethnique est venue répondre la culpabisation par association de toute la #population_israélienne, si ce n’est de tous les Juifves de la terre, aux massacres perpétués par le gouvernement d’#extrême-droite de l’État d’#Israël et les forces capitaliste occidentales.

    La projet de #colonisation de la Palestine est né des menées impérialistes de l’#occident capitaliste et de l’antisémitisme meurtrier de l’#Europe. Ils ne pourront être affrontés séparément. Les forces fascisantes internationales qui prétendent désormais sauver le capitalisme des désastres qu’il a produit par un #nationalisme et un #suprémacisme débridé, se nourrissent de l’intensification de tous les racismes - #islamophobie, antisémitisme, #négrophobie, #antitsiganisme, #sinophobie…- en vue de capturer les colères et de désigner comme surplus sacrifiables des parts de plus en plus larges de la population.

    En #France l’extrême-droite joue habilement de l’islamophobie et de l’antisémitisme structurels, présents jusque dans les rangs de la gauche radical, en potentialisant leurs effets par un jeu de miroirs explosif.

    Face à cela il nous faut un front uni qui refuse la déshumanisations des morts et des #otages israelien·nes tout en attaquant le #système_colonial qui domine et massacrent les palestinien·nes. Il nous faudra également comprendre l’instrumentalisation historique des Juifves et de l’antisémitisme par l’#impérialisme_occidental dans la mise en place de ce système.

    Nous n’avons pas trouvé les forces pour faire ce dossier. Nous republions donc ce texte important de l’historien israélien Raz Segal paru il y a maintenant deux semaines dans la revue Jewish Current. Deux semaines qui semblent aujourd’hui une éternité. Il nous faut nous organiser pour combattre de front la montée incendiaire de l’antisémitisme et de l’islamophobie. Et faire entendre haut et fort :

    Un #génocide est en cours en Palestine.
    Tout doit être fait pour y mettre un terme.