• La #WBS me permet de visualiser en détail ce que nous allons livrer. C’est une décomposition hiérarchique du #projet en #livrables tangibles. Exemple dans le déploiement d’un #ERP pour la gestion multi-sites d’une #industrie, je commence toujours par identifier les blocs fonctionnels à mettre en place — gestion des #achats, #comptabilité, gestion des #stocks, #production, #RH etc. Chacun de ces blocs devient un nœud de la WBS.
    https://michelcampillo.com/blog/2981.html

  • #Frontex, agent intouchable du #renseignement_migratoire

    L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, est devenue, en vingt ans [1], le bras armé des politiques sécuritaires de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. Initialement créée pour coordonner le contrôle des #frontières, organiser les #expulsions et produire des « #analyses_de_risques » des mouvements de populations, Frontex a élargi son champ d’intervention bien au-delà des questions migratoires.

    Nonobstant des enquêtes institutionnelles et journalistiques ayant démontré que ses officiers s’étaient rendus coupables de graves #violations_de_droits, tout semble organisé pour que la responsabilité de l’agence Frontex ne soit ni engagée ni reconnue. En sus de ses traditionnelles activités de #surveillance et de #contrôle des frontières prévues dans le règlement (UE) 2019/1896, l’agence tentaculaire dotée de moyens exponentiels est devenue tout à la fois agent du renseignement, négociateur, influenceur et membre d’un réseau de dissuasion violente, que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter.

    Produire de l’information, qu’importe sa véracité

    Comme pour tout bon agent du renseignement, recueillir et exploiter des informations relevant de la vie privée est un axe essentiel du travail de Frontex. Elle collecte ces #données par le biais des États membres, d’agences européennes et d’organisations partenaires, mais aussi dans le cadre de ses propres opérations (maritimes, aériennes, terrestres). Elle est présente aux #frontières_maritimes (Méditerranée centrale et Manche), ainsi qu’aux #frontières_terrestres et aériennes de plusieurs pays (#Albanie, #Géorgie, #Monténégro, #Serbie, #Macédoine_du_Nord, #Moldavie, #Ukraine). Elle a progressivement élargi ses activités vers la zone #pré-frontière de l’UE et ouvert des bureaux #satellites temporaires dans des pays tiers du voisinage méridional et en #Afrique_de_l’Ouest [2].

    Quantité d’informations sont susceptibles d’être enregistrées : certaines sont générales, telles les routes migratoires empruntées, les dates de franchissement de frontière, les listes de passagers ou le pays de provenance ; d’autres, plus spécifiques, sont relatives aux #données_biographiques, aux incidents au cours d’opérations, jusqu’au lieu où se cachent les personnes au moment du contrôle. Les données recueillies nourrissent divers fichiers, parmi lesquels celui d’#Eurosur, instrument de surveillance et d’échange d’informations entre Frontex et les États membres, ou le #Joint_Operation_Reporting_Application (#Jora). Elles donnent aussi – et surtout – lieu à la production de #rapports_analytiques, avec une photographie de la situation aux frontières, supposés permettre de déterminer le niveau de « #risques » de déplacements vers le continent européen.

    Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) estime que, malgré les moyens déployés, les « analyses de risques » produites par l’agence sont fondées sur des informations peu fiables, obtenues lors d’entretiens menés sans le consentement des migrant·es ni protection de leur identité [3]. Il a également émis des réserves quant à la sécurisation des données et l’ampleur de la collecte.

    L’#opacité des activités de Frontex inquiète aussi le Médiateur européen, qui a traité plusieurs plaintes concernant l’impossibilité d’accéder à des documents et informations. Il faut préciser que l’agence est très réticente à fournir les informations demandées, y compris à ses propres contrôleurs, chargés depuis 2019 d’évaluer en permanence le respect des droits fondamentaux dans ses activités opérationnelles [4].

    Frontex reconnaît elle-même que ses chiffres comportent des #erreurs : alors qu’elle communique chaque année sur le nombre de franchissements de frontières non autorisés, elle admet qu’« il n’existe aucun dispositif permettant d’établir le nombre exact de personnes ayant franchi les frontières [5] ». Mais pour elle, il s’agit presque d’une question secondaire : selon sa directrice adjointe, Aija Kaljana, « il est essentiel de devenir une organisation axée sur le #renseignement, car les ressources humaines et techniques sont limitées [6] ». L’ambition de Frontex est donc de passer d’une agence du contrôle migratoire à un #service_de_renseignement.

    Travailler en synergie, y compris hors du champ migratoire

    L’agence, au cœur d’un vaste réseau d’échanges de données, coopère avec de nombreux services, civils ou militaires, ayant des objets aussi variés que la pêche, la lutte contre le #narcotrafic ou la #sécurité_aérienne [7]. Frontex a créé, en 2018, la #Maritime_Intelligence_Community–Risk_Analysis_Network (#MIC-RAN), soit une communauté du #renseignement_maritime et un réseau d’analyse des risques, pour collecter des données et diffuser des rapports sur les #menaces_maritimes (i.e. l’appropriation illégale des zones maritimes, les conséquences du réchauffement climatique, les « usages illégaux » de la mer). Autre illustration de la diversité de ses collaborations : l’agence négocie des accords avec des sociétés d’affrètement comme #EASP_Air, #DEA_Aviation ou #Airbus [8] qui fournissent des #aéronefs, le personnel pour les exploiter et l’infrastructure technique pour la transmission des données enregistrées, en temps réel, au siège à Varsovie [9]. Elle capte également des données depuis l’espace, car elle a conclu un contrat avec #Unseenlabs, une entreprise française spécialisée dans la surveillance maritime par radiofréquence depuis l’espace, ou se sert des satellites du programme #Copernicus d’observation de la Terre qui sont utilisés pour la sécurité, la protection civile, la gestion de l’environnement et la recherche sur le changement climatique [10].

    Engagée dans des projets de recherche et développement, l’agence finance ceux qui se focalisent sur le matériel de surveillance [11]. Elle a étroitement suivi les avancées du programme #ITFlows, un outil de prédiction des flux migratoires à partir de techniques d’analyse automatisée de données, en y contribuant activement via la fourniture d’informations récoltées dans le cadre de ses missions [12]. Dans le même registre, elle a organisé avec des garde-côtes italiens, début 2025, un atelier international intitulé Évolution des garde-côtes : l’#intelligence_artificielle et les systèmes sans pilote améliorent les opérations de recherche et de sauvetage. Vaste programme à l’heure où le recours à l’intelligence artificielle (#IA) pose de sérieuses questions éthiques [13].

    Au-delà des frontières de l’Europe, Frontex multiplie des #campagnes qui sont de véritables opérations de séduction, afin de s’assurer du concours des États tiers pour empêcher les départs depuis les pays d’origine. Ainsi est-elle à l’initiative du projet #Africa–Frontex_Intelligence_Community (#Afic) dans huit pays africains (#Côte_d’Ivoire, #Gambie, #Ghana, #Mauritanie, #Niger, #Nigeria, #Sénégal et #Togo), officiellement lancé pour « collecter et analyser des données sur la #criminalité_transfrontalière et soutenir les autorités impliquées dans la #gestion_des_frontières ». Frontex a également organisé des séances opérationnelles de #sensibilisation à la lutte contre la #fraude_documentaire et la fraude à l’identité en #Albanie, #Bosnie-Herzégovine, #Égypte, #Géorgie, #Moldavie, #Macédoine_du_Nord, #Serbie et en #Tunisie.

    Comme pour conforter sa place centrale dans le réseau d’information qui surveille tout et constamment, c’est avec les services de répression, tels l’#Office_européen_de_police (#Europol) et l’#Organisation_internationale_de_police_criminelle (#Interpol), que l’agence a intensifié ses relations. Depuis 2008, Frontex signe des accords de coopération et des plans d’action conjoints avec Europol pour partager avec cette agence les informations qu’elle recueille, singulièrement via Eurosur, à des fins de lutte contre la criminalité ou le terrorisme. Sur le terrain, cette entente s’est notamment matérialisée durant des opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune (opérations #Sophia et #Jot_Mare en 2015). Plus surprenant : en 2024, Frontex a codirigé une opération internationale visant à lutter contre la #contrebande_de_drogue par voie maritime en fournissant un soutien technique et opérationnel [14] ; elle est aussi intervenue pour des opérations de soutien pendant les #Jeux_olympiques en France [15], pendant la compétition de l’Euro en Allemagne, ou encore durant la guerre en Ukraine... Elle outrepasse ainsi sa mission initiale et s’érige comme un organe de « super-contrôle ».

    De son côté, Interpol travaille avec l’UE et Frontex dans le domaine de la sécurisation des frontières, sous forme de collaborations techniques, de #formations et de projets de recherche communs. Frontex a élaboré un manuel de référence contenant des alertes de falsification et des cartes de contrôle rapide servant d’aides visuelles à la décision lors de la vérification de documents. Ce dispositif est désormais au cœur du système de bibliothèque électronique de documents #Frontex-Interpol (#Fields). Les #bases_de_données d’une agence de surveillance des frontières et celles d’une organisation de lutte contre la criminalité sont dès lors interconnectées.

    Une agence opaque et délétère qui influence les législations

    Plusieurs enquêtes documentées décrivent les actes illicites commis par l’agence sur ses terrains d’intervention. Il n’est plus à démontrer qu’elle s’est rendue complice ou coupable, à de nombreuses reprises, de #refoulements (#push-backs) en Grèce, pourtant interdits par le droit international. Des refoulements qui sont recensés dans sa base de données #Jora comme de simples opérations de « #prévention_de_départs [16] ». Des pratiques similaires ont été dénoncées à la frontière bulgare, où des violences ont été commises par des garde-frontières participant aux opérations de Frontex [17]. À #Chypre, de nombreux ressortissant·es syrien·nes ont été illégalement enfermé·es et d’autres ont été expulsé·es vers la Syrie, sous les yeux d’officiers de Frontex [18]. Des pratiques épinglées par l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), qui a émis des doutes sur « la capacité de l’agence FRONTEX à […] veiller au respect et à la protection des droits fondamentaux dans toutes ses activités aux frontières extérieures ».

    L’agence va jusqu’à fabriquer de fausses informations lorsqu’elle prétend sauver des vies en mer, alors qu’elle transmet la position des embarcations en détresse aux #garde-côtes_libyens, dont les comportements violents envers les personnes migrantes sont notoires [19]. Il lui arrive aussi d’interrompre la prise de vue aérienne au-dessus de la mer Méditerranée pour ne pas avoir à référer d’abandon de personnes en mer [20]. En 2023, un navire où s’entassaient près de 200 migrants au large des côtes italiennes (Crotone) ne présentait, selon le rapport d’incident de Frontex, « pas d’intérêt particulier ». La même année, Frontex a omis d’envoyer un signal de détresse lors du naufrage de l’Adriana (Pylos), provoqué par une manœuvre des garde-côtes grecs [21]. Faut-il le rappeler, alerter les secours relève pourtant d’une obligation internationale de droit maritime. La multiplication des cas de refoulements ou le silence gardé à la vue d’embarcations en détresse contribuent à abaisser les standards de protection. L’agence fait en outre croire qu’elle s’intéresse au sort des personnes expulsées, voire améliore leur situation, lorsqu’elle met en avant les effets bénéfiques qu’aurait eu le retour dans le pays d’origine [22]. La violation des #droits_fondamentaux se banalise et, dans un contexte d’impunité généralisée, est traitée en matière migratoire comme un dommage collatéral.

    Malgré ces multiples mises en cause, Frontex exerce une influence croissante sur les instances politiques et les législations européennes. Ses « analyses de risques » sont l’unique source d’information de la Commission européenne, et l’image construite d’une perpétuelle « #crise aux frontières » qu’elles donnent à voir sert à justifier l’augmentation des contrôles et des mesures sécuritaires. Depuis des années, l’agence véhicule une image négative de la migration en la présentant comme une menace dont il faudrait se protéger.

    Cette image trouve sa traduction dans les réformes législatives. L’insistance de Frontex à alerter, dans ses rapports d’activité, sur « les #mouvements_secondaires […] à grande échelle » ou sur la persistance de la #pression_migratoire a sans nul doute contribué à l’adoption, en 2024, du #pacte_européen_sur_la_migration_et_l’asile. Un pacte dans la mise en œuvre duquel Frontex détient un rôle clé, avec, notamment, les nouvelles attributions qui lui sont confiées aussi bien lors des procédures frontalières (« #filtrage ») que dans l’organisation des #expulsions. Onze États sont en train de s’équiper d’un système informatique numérisé de gestion des retours sur le modèle du #Return_Case_Management_System (#Recamas) mis au point par Frontex.

    La réforme du règlement #Eurodac ouvre une nouvelle brèche en permettant à l’agence de consulter le #répertoire_central_des_rapports_et_statistiques (#CRRS) et d’avoir accès aux #statistiques de l’agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (#EU-Lisa).

    Enfin, la #réforme en cours des directives « Facilitation » et « Retour » risque de renforcer les pouvoirs de l’agence, en augmentant – encore – son #budget et en l’autorisant à transférer à des pays tiers des données relatives à des ressortissants aux fins de #réadmission.

    Une agence peu fiable, mais intouchable

    Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 74 352 personnes ont trouvé la mort depuis 2014 en tentant de franchir les frontières [23]. En dehors du champ de la migration, l’acteur, personne physique ou morale, qui serait impliqué dans une telle hécatombe serait poursuivi et jugé, voire condamné. Malgré les preuves tangibles de la #responsabilité de Frontex, comme de l’UE et de ses États membres, dans ces drames, aucun d’entre eux n’a jamais été inquiété. Bien au contraire, la Commission européenne confirme son agenda politique basé sur la mise à l’écart des personnes exilées en donnant à l’agence un rôle de premier plan dans les politiques migratoires européennes et en proposant de tripler ses effectifs. Les États s’appuient toujours plus sur Frontex : en 2024, la #Belgique a adopté une loi pour permettre le déploiement d’officiers de l’agence sur son territoire afin de soutenir la police fédérale dans l’exécution des expulsions. Le #Royaume-Uni a signé un accord de coopération avec Frontex sur divers aspects de la gestion des frontières, comme la surveillance et l’évaluation des risques, l’échange d’informations, le renforcement des capacités et le partage d’expertise. Dans ces conditions, pourquoi l’agence intouchable s’arrêterait-elle là, même coupable du pire ? La meilleure défense étant l’attaque, la criminalisation des solidarités et la décrédibilisation de celles et ceux qui dénoncent ses actions – à l’image de la campagne Abolish Frontex accusée de « discours haineux » – sont érigées en stratégie de dissuasion. De même, celles et ceux qui pallient l’action défaillante des États, comme les ONG de sauvetage en mer, sont assimilées à des réseaux de passeurs. Une #rhétorique qui ressemble à s’y méprendre à celle des partis populistes.

    https://migreurop.org/article3472.html
    #migrations #réfugiés #directive_retour #directive_facilitation

    ping @karine4 @reka

  • Des colonisations

    Qu’est ce que la #colonisation ? Comment fait-on l’histoire de la colonisation aujourd’hui ? Une fois par mois, Des Colonisations, un podcast produit pour Spectre et animé par des jeunes historiennes et historiens, propose de raconter l’histoire des femmes et des hommes en situation coloniale, Vous entendrez chercheurs, chercheuses, archivistes, enseignants ou enseignantes, et sans doute d’autres, présenter leurs travaux et leurs questionnements sur l’histoire de la colonisation. L’objectif de ce podcast, c’est de restituer cette #histoire dans sa diversité, en montrant en quoi la colonisation a été une entreprise de #domination. C’est aussi faire de comprendre comment et pourquoi la colonisation et la #décolonisation ont en partie façonné le monde dans lequel nous vivons. Ce podcast est réalisé par de jeunes historiens et historiennes membres du #Groupe_de_recherche_sur_les_ordres_coloniaux.

    La musique du générique a été créée par Jivago.
    L’image qui illustre ce podcast a été réalisée à partir d’une photograhie prise en 1992 à San Cristobal de las Casas (Chiapas, Mexique) par Roger Mazariegos, et représente le déboulonnage de la statue du conquistador Diego de Mazariegos y Porres par des paysans et des militants zapatistes.

    https://spectremedia.org/des-colonisations

    #podcast #audio
    ping @cede @karine4

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    Des épisodes sur :
    #alcool #statues #esclavage #métissage #enfants_métisses #rhum

  • « #Gaza n’est pas une tragédie sans responsables » le dernier #rapport de #Francesca_Albanese

    « Aucun État ne peut se dire attaché au #droit_international tout en armant ou protégeant un régime génocidaire. »

    Les précédents rapports d’Albanese, “Anatomie d’un génocide” (https://documents.un.org/doc/undoc/gen/g24/046/12/pdf/g2404612.pdf), “L’effacement colonial par le génocide” (https://docs.un.org/fr/A/79/384) (2024) et “D’une économie d’occupation à une économie de génocide” (https://docs.un.org/fr/A/HRC/59/23) (2025) ont documenté le #génocide commis par #Israël à Gaza, son origine et ses fondations. “Le génocide de Gaza : un #crime_collectif” (https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/hrbodies/hrcouncil/coiopt/a-80-492-advance-unedited-version.pdf), paru le 20 octobre dernier, se concentre sur la #complicité_internationale qui le caractérise.

    « Encadrée par des discours coloniaux qui déshumanisent les Palestiniens, cette atrocité diffusée en direct a été facilitée par le soutien direct, l’aide matérielle, la protection diplomatique et, dans certains cas, la participation active d’États tiers. Elle a mis en évidence un fossé sans précédent entre les peuples et leurs gouvernements, trahissant la confiance sur laquelle reposent la paix et la sécurité mondiales. Le monde se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins entre l’effondrement de l’état de droit international et l’espoir d’un renouveau. Ce renouveau n’est possible que si la complicité est combattue, les responsabilités assumées et la justice respectée. »
    Les 4 composants de la complicité

    Albanese identifie quatre axes dans lesquels cette complicité s’est matérialisée : politique et diplomatique, militaire, humanitaire, et économique.

    Dans le premier domaine, elle démontre que les États ont systématiquement adopté la rhétorique et les éléments de langages israéliens, qualifiant les israélien-nes de « civils » et d’« otages », tandis que les Palestinien-nes étaient présenté-es comme des « terroristes du Hamas », des cibles « légitimes » ou « collatérales », des « boucliers humains » ou des « prisonnier-es » légalement détenu-es.

    Elle identifie également ces éléments de langage dans les négociations de paix, quand les pays comme la France ont appelé à des « pauses humanitaires » plutôt que d’exiger un cessez-le-feu permanent, offrant une couverture politique à la poursuite de la guerre et banalisant les violations du droit par Israël.

    Sur le volet militaire, Albanese rappelle que le Traité sur le commerce des armes (TCA) impose de ne pas commercer avec des Pays soupçonnés de génocide. La France est entre autres pointée du doigt pour n’avoir pas cessé ses exportations et avoir permis le transit par ses ports de cargaisons d’armes à destination d’Israël. Albanese dénonce également que de nombreux soldat-es servant en Israël ont une double nationalité et qu’il appartient à leurs pays de les juger. La France en fait partie.

    Le rapport poursuit en dénonçant la militarisation et l’instrumentalisation de l’aide humanitaire, à travers le blocus total de Gaza. Albanese dénonce le retrait de financements de la part de nombreux pays, dont la France, à l’UNRWA, sur la base d’allégations israéliennes qui n’ont pas été démontrées, et ont par la suite été invalidées par des observateur-ices de l’ONU.

    Le volet concernant l’aide humanitaire dénonce aussi la création de la Gaza Humanitairian Foundation par les État-Unis, qui a participé au déplacement contraint de nombreux-ses Palestinien-nes affamé-es et a été le théatre du meurtres d’au moins 2 100 d’entre elles et eux.

    Dans le dernier volet, concernant l’aspect économique, Albanese rappelle qu’Israël est profondément dépendant de ses accords commerciaux, et que le maintien par les pays concernés de tels accords « malgré l’illégalité de l’occupation [israélienne] et ses violations systématiques des droits humains et du droit humanitaire – qui ont désormais atteint le stade du génocide – légitiment et soutiennent le régime d’apartheid israélien. »

    Elle souligne, entre autres, que la France a augmenté ses transactions avec Israël plutôt que de les restreindre, avec 75 millions de dollars supplémentaires d’échanges. Le rapport pointe aussi la nécessité d’un embargo sur les armes et sur l’énergie, pointant l’implication de la France dont les ports sont utilisés pour le transit d’armes, de pétrole et de gaz destiné à Israël.
    « Il faut désormais rendre justice »

    « À ce stade critique, il est impératif que les États tiers suspendent et réexaminent immédiatement toutes leurs relations militaires, diplomatiques et économiques avec Israël, car tout engagement de ce type pourrait constituer un moyen d’aider, d’assister ou de participer directement à des actes illégaux, notamment des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides », affirme le rapport.

    Albanese rappelle les recommandations figurant déjà dans les rapports précédents : mesures coercitives contre Israël, embargo sur les armes et le commerce avec Israël, refus de passage aux navires/aéronefs israéliens, poursuite des auteurs et complices du génocide.

    Elle appelle les pays à faire pression sur Israël pour un cessez-le-feu permanent et un retrait complet de ses troupes de Gaza, une levée du blocus et la réouverture de la frontière avec l’Égypte, de l’aéroport international et du port de Gaza.

    « Le monde entier a les yeux rivés sur Gaza et toute la Palestine. Les États doivent assumer leurs responsabilités. Ce n’est qu’en respectant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, si ouvertement bafoué par le génocide en cours, que les structures coercitives mondiales durables pourront être démantelées. Aucun État ne peut prétendre adhérer de manière crédible au droit international tout en armant, soutenant ou protégeant un régime génocidaire. Tout soutien militaire et politique doit être suspendu ; la diplomatie doit servir à prévenir les crimes plutôt qu’à les justifier. La complicité dans le génocide doit cesser. »

    https://ujfp.org/gaza-nest-pas-une-tragedie-sans-responsables-le-dernier-rapport-de-francesca-a
    #déshumanisation #complicité #Palestine #atrocité #soutien #aide_matérielle #protection_diplomatique #responsabilité #justice #rhétorique #discours #mots #vocabulaire #langage #commerce_d'armes #armes #aide_humanitaire #UNRWA #Gaza_Humanitairian_Foundation #accords_commerciaux #économie #crimes_de_guerre #crimes_contre_l'humanité #autodétermination

  • Et si l’immigration était un #projet_de_société positif et accueillant ?

    Le #Québec peut être cette nation qui sait conjuguer son désir d’affirmation tout en ouvrant les bras.

    Dans un contexte mondial où l’on assiste à la montée des mouvements antidroits et des pratiques autoritaires, dont le principal « #ennemi » est les personnes migrantes, la joute oratoire sur l’immigration à laquelle nous assistons à #Québec a de quoi nous inquiéter.

    Le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) nous dit en substance que l’immigration est une #menace, et qu’il y en a trop. Une partie de l’opposition surenchérit. Ce faisant, on induit la population en erreur avec toutes sortes de #chiffres douteux, faisant monter un sentiment anti-immigrant empreint de #préjugés, discriminatoire. Cela nourrit un #climat_social polarisé et délétère.

    Plusieurs commentateurs ont critiqué l’escalade du #discours_anti-immigrants entre la CAQ et le Parti québécois (PQ). Il est important de comprendre qu’il s’agit là d’un #discours qui s’inscrit dans une logique portée par les #mouvements_antidroits, dont font aussi partie les mouvances identitaires. Alors à qui profite ce discours, et à quels desseins ? Cela ressemble à une #politisation opportuniste et électoraliste de l’immigration.

    Ces jours-ci se tiennent des consultations sur la planification de l’immigration au Québec. Le gouvernement a déjà annoncé son intention de réduire considérablement le nombre d’immigrants temporaires et permanents. De nombreux intervenants seront entendus jusqu’au 30 octobre. Plusieurs représentent des secteurs économiques qui emploient des travailleuses et des travailleurs étrangers. Il y a donc fort à parier que ces intervenants plaideront l’importance de maintenir un bon niveau d’immigration, notamment temporaire, pour assurer des besoins immédiats en main-d’œuvre.

    Amnistie ne se prononce pas sur le nombre de personnes immigrantes qu’un État souhaite accueillir. Toutefois, nous rappelons que pour tout programme d’immigration, les États, dans ce cas-ci le Québec, ont l’obligation de le déployer en tout respect et en toute protection des droits de ces personnes, et en respect du #droit_international.

    Ce qui inquiète Amnistie, c’est donc la #rhétorique_négative à l’égard de l’#immigration mise de l’avant pour justifier sa réduction, la façon dont c’est fait et les effets sur les personnes concernées. Nous sommes également inquiets de la tendance privilégiant une #immigration_temporaire au détriment de l’#immigration_permanente qui s’est accentuée ces dernières années.

    La CAQ promet depuis son élection en 2018 une réduction importante du nombre de personnes immigrantes au Québec. Cependant, pour répondre aux demandes des employeurs, le gouvernement n’aura eu de cesse de faire appel à un nombre accru de migrants temporaires, grossissant ainsi le bassin d’une population vulnérable.

    Les élus — de la CAQ et du PQ, principalement — déplorent souvent la forte augmentation du nombre de résidents non permanents, laissant entendre qu’il s’agirait d’un phénomène subi par le Québec et imposé par le fédéral. Or, c’est le #Programme_des_travailleurs_étrangers_temporaires (#PTET), sur lequel Québec a le plein contrôle, qui a connu l’augmentation la plus forte depuis 2018, soit 651 %.

    Cette augmentation record montre notre dépendance à l’égard de la main-d’œuvre temporaire pour des besoins permanents dans nombre de secteurs économiques. Les #employeurs comme le gouvernement doivent donc se demander si c’est vraiment d’une immigration temporaire dont ils ont besoin et qu’ont-ils à gagner à ce que ces personnes demeurent prisonnières d’un statut précaire ? Est-il plus pratique d’avoir recours à une immigration temporaire plus malléable, et en quelque sorte jetable ? Le projet est-il de bâtir une société basée sur un #marché_du_travail à deux vitesses, où certaines personnes ne peuvent se prévaloir de tous leurs droits en raison de leur statut migratoire précaire ?

    Les personnes migrantes travaillant au Québec dans le cadre du PTET sont précarisées en raison de leur #statut et des conditions inhérentes à leur #permis_de_travail fermé, qui les lie à un seul employeur. C’est ce qu’a confirmé l’enquête d’Amnistie internationale publiée en début d’année, qui conclut que la conception même du PTET exposait les travailleuses et travailleurs migrants à l’#exploitation et à une #discrimination systémique, ce qui place le #Canada et le Québec en situation de violation de leurs obligations internationales en matière de protection des droits de la personne.

    Lors de son passage au Canada en 2024, le rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, Tomoya Obokata, avait d’ailleurs dénoncé le PTET, qui, selon lui, alimente des « formes contemporaines d’esclavage ».

    À cela, ni le gouvernement ni aucun autre parti n’a réagi ni proposé de rectifier la situation. Comme si ces personnes ne comptaient pas ou n’étaient pas des êtres humains à part entière ?

    Tous les partis semblent préférer discourir sur la « #capacité_d’accueil », chacun y allant de son chiffre « magique ». Cela fait des années que la notion de « capacité d’accueil » est utilisée pour laisser entendre une limite objective dans la société et dans l’infrastructure sociale du Québec en matière d’immigration. Les personnes migrantes sont ainsi blâmées pour les manquements des politiques gouvernementales des dernières décennies dans nos services sociaux, la crise du logement et — pourquoi pas — le déclin du français. Ce discours favorise la #discrimination, présentant l’immigration comme un défi à craindre et à contenir plutôt que comme une #richesse dont la société québécoise tire de grands bénéfices.

    Lors des consultations sur la planification de l’immigration en 2023, plusieurs intervenants, dont Amnistie internationale, ont critiqué le discours négatif entourant la notion de « capacité d’accueil » et son absence d’assise scientifique. Le professeur sociologue-démographe Victor Piché, de l’Université Laval, proposait alors de parler de « #volonté_d’accueil » : si on augmente cette dernière, on augmente notre « capacité d’accueil », disait-il en résumé.

    Le Québec a la « #capacité_d’accueillir » une vision positive de l’immigration, où chaque personne peut jouir pleinement de ses droits et contribuer à enrichir sa société d’accueil. Le Québec peut être cette nation qui sait conjuguer son désir d’affirmation tout en ouvrant les bras pour accueillir des personnes venues de tous les horizons, avec toute l’humanité qu’on lui connaît.

    https://www.ledevoir.com/opinion/idees/926868/si-immigration-etait-projet-societe-positif-accueillant
    #discours #narration #migrations #temporaire #main-d’oeuvre #travail #économie #précarisation #vulnérabilité #vulnérabilisation

    ping @karine4

  • Sexualité : voici combien de fois par semaine les femmes se masturbent en moyenne selon une étude
    https://www.modesettravaux.fr/viepratique/couple/sexualite-voici-combien-de-fois-par-semaine-les-femmes-se-masturbent-

    Le Sexreport 2023 d’Amorelie, sondage mené auprès de 1 000 Français âgés de 18 à 65 ans, met en lumière un véritable fossé masturbatoire entre hommes et femmes — autant sur le plan de la fréquence que sur celui des pratiques et des déclencheurs de plaisir.

    Les hommes se masturbent en moyenne tous les 3 jours

    Les femmes le font tous les 8 jours

    Un tiers des femmes ne se masturbent jamais

    Seulement 12 % des hommes sont dans ce cas

  • Common Prayer
    https://commonprayer.net

    Andy Raine of the Northumbria Community has written, “Do not hurry as you walk with grief; it does not help the journey. Walk slowly, pausing often: do not hurry as you walk with grief. Be not disturbed by memories that come unbidden. Swiftly forgive; and let Christ speak for you unspoken words. Unfinished conversation will be resolved in him. Be not disturbed. Be gentle with the one who walks with grief. If it is you, be gentle with yourself. Swiftly forgive; walk slowly, pausing often. Take time, be gentle as you walk with grief.”

    Lord, as the seasons turn, creation teaches us of grief, patience, and renewal. Make us good students of these rhythms that we might not hurry the work of grief but receive the gift of your presence in our time of need. Amen.

    #grief #prayer #rhythmsoflife

  • NRW: Linke in allen 53 kreisfreien Städten und Kreistagen
    https://www.nd-aktuell.de/artikel/1194060.kommunalwahlen-nrw-linke-in-allen-kreisfreien-staedten-und-kreist

    Neben den großen Parteien und den vielen lokalen Wahlzusammenschlüssen, war es für die NRW-Linke noch nicht so leicht, mit ihren Botschaften durchzudringen. Foto: dpa/Oliver Berg

    En Rhénanie-du-Nord-Westphalie le parti de gauche Die Linke a réussi son entrée dans tius les parlements municipaux.

    15.9.2025 von: David Bieber - Die Partei hat ihr bei Kommunalwahlen bestes Ergebnis erzielt. Landessprecher Sascha H. Wagner über Gründe und Potenziale

    Sind die 5,6 Prozent für die Linke bei den Kommunalwahlen in NRW eine Bestätigung für den seit dem Jahreswechsel stabilen Erfolg in ganz Deutschland?

    Na, zumindest ist es das historisch beste Ergebnis in Nordrhein-Westfalen bei Kommunalwahlen, und zu den Landtagswahlen werden wir ja derzeit zwischen sechs und acht Prozent in den Umfragen gelistet. Darauf können wir aufbauen.

    Dennoch haben sich viele Genossen bestimmt mehr ausgerechnet, gerade im Revier. Sie nicht?

    Also da sind schon sehr gute Ergebnisse dabei. Man darf nicht verkennen, dass wir auf der kommunalen Ebene immer auch viele Klein- und Kleinstparteien sowie Wählervereinigungen haben, an die wir auch traditionell abgeben. Bei Landtags- und Bundestagswahlen sieht das schon wieder ganz anders aus. Wir haben also überhaupt keinen Grund, traurig oder enttäuscht zu sein. Wir sind in allen 53 kreisfreien Städten und Kreistagen vertreten. Das ist ein enormer Erfolg.

    Was ist jetzt konkret zu tun, da die Linke flächendeckend in die Kreistage und Stadträte einziehen kann? Das Ergebnis ist sicher ein wichtiger Baustein, um in Zukunft mehr zu bewegen in NRW?

    Ja, selbstverständlich. Mit dem Ergebnis ist uns viel Verantwortung übertragen worden. Es bedeutet auch, dass wir unseren Kurs mit einer engagierten und glaubwürdigen Sozialpolitik fortsetzen müssen. Die Herausforderungen in NRW sind gewaltig bei den kommenden Transformationsprozessen. Man denke nur an den Stahl und ThyssenKrupp. Dem müssen wir uns stellen.

    Insbesondere im Ruhrgebiet ist der eigentliche Gewinner die AfD, die zum Beispiel in Duisburg und Gelsenkirchen in die OB-Stichwahl kommt. Wie ordnen Sie das Abschneiden der Rechten ein?

    Es bewahrheitet sich, was wir seit Langem prognostiziert haben. Der Verfall der Infrastruktur, der Ausverkauf der öffentlichen Daseinsvorsorge rächt sich gerade in der alten Herzkammer der Sozialdemokratie massiv. Auf Landesebene ist die SPD zu einem Totalausfall geworden und kaum mehr wahrnehmbar, hinzu kommt die desaströse finanzielle Lage der Städte und Gemeinden. Das ist der Nährboden für Braun-Blau. Die Menschen haben das Gefühl des Staatsversagens, und die großen Parteien ziehen keinerlei Konsequenzen daraus. Das ist verheerend. Auch das Infrastruktur-Sondervermögen der Bundesregierung wird auf kommunaler Ebene weitgehend verpuffen. Das wird ein böses Erwachen geben, wenn diese Erkenntnis in den Rathäusern ankommt.

    Angesichts der Tatsache, dass es in vielen Städten zu einer Stichwahl um den Chef-Posten im Rathaus kommt, bleibt zu fragen, wieso da nie ein linker Politiker steht. Die politische Gemengelage ist doch so fragmentiert, dass ein charismatischer Linker bestimmt gute Chancen hätte, oder?

    Naja, bisher zeigt sich ein flächendeckendes Bild, das man hier doch eher Kandidat*innen in Stichwahlen sehen wird, die schon länger im Amt sind bzw. aus den großen Parteien kommen. Für uns sind aber solche Kandidaturen grundsätzlich ein wichtiger Beitrag im Wahlkampf, weil wir damit unsere Positionen auf den Podien ausführlich darstellen können. Und dafür gilt es, allen ein großes Dankeschön zu sagen. Unsere Kandidat*innen für die Rathausspitzen haben einen tollen Job gemacht.

    Sascha H. Wagner ist Ko-Landessprecher der Linken in NRW und seit Mai Mitglied des Bundestages.

    Kommunalwahl NRW: Antifa in die Stadtteilparlamente!
    https://www.nd-aktuell.de/artikel/1194041.nordrhein-westfalen-kommunalwahl-nrw-antifa-in-die-stadtteilparla

    15.9.2025 von Sebastian Weiermann
    - In vielen armen Kommunen hat die AfD starke Ergebnisse erzielt.

    Die »Blaue Welle« ist ausgeblieben. Bei den Kommunalwahlen in NRW konnte die AfD keine Rathäuser im Ruhrgebiet erobern, wie im Vorfeld der Wahlen oft geunkt wurde. 14,5 Prozent stehen am Ende landesweit auf der Habenseite für die extrem rechte Partei. Beinahe eine Verdreifachung im Vergleich zum letzten Kommunalergebnis im Jahr 2020. Aber auch knapp zwei Prozent weniger als bei der Bundestagswahl und knapp zehn weniger als in aktuellen bundesweiten Umfragen. Ein Grund für das rheinische »Et hätt noch emmer joot jejange.«
    (Es ist bisher noch immer gut gegangen) ist das nicht. Die AfD hat fast 15 Prozent geholt, obwohl sie bei zahlreichen Wahlen in kleineren Orten gar nicht angetreten ist und auf einen großen Wahlkampf mit viel Parteiprominenz und bekannten Kandidat*innen verzichtet hat. In Gelsenkirchen etwa steht nun ein weitgehend unbekannter, im Wahlkampf wenig engagierter AfD-Politiker in der Stichwahl. Auch in Duisburg und Hagen hat die Partei es in die Stichwahl geschafft. Wo die AfD auf dem Stimmzettel steht, wird sie auch gewählt. Ohne eigene politische Leistungen zu erbringen. Das ist eine Erkenntnis aus der Wahl.

    Die AfD weiß um ihre kommunale Schwäche und will sich professionalisieren und verankern. Ein Weg dazu führt über die Bezirksvertretungen in den Großstädten. In manchem Stadtteilparlament von armen Großstädten ist die Partei jetzt die stärkste Kraft. Das wird sie nutzen wollen. Antifaschist*innen in den Vertretungen müssen in den kommenden Jahren dafür kämpfen, dass es gerade dort an der kommunalen Basis nicht zu einer Normalisierung der extrem rechten Partei kommt. Schon in den ersten Sitzungen wird es darum gehen, blaue Bezirksbürgermeister*innen in Städten wie Essen, Hagen, Gelsenkirchen und Wuppertal zu verhindern. Gelingt das nicht, wird die »blaue Welle« auch in Nordrhein-Westfalen größer und hat das Zeug, nicht nur die SPD aus den Rathäusern zu spülen.

    #Allemagne #Rhénanie-du-Nord-Westphalie #élections #municipalités #gauche #politique

  • Grèce : les corps de deux migrants noyés ont été découverts sur une plage de Rhodes - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/66674/grece--les-corps-de-deux-migrants-noyes-ont-ete-decouverts-sur-une-pla

    Grèce : les corps de deux migrants noyés ont été découverts sur une plage de Rhodes
    Par FRANCE 24 Publié le : 01/09/2025
    Les corps de deux migrants ont été trouvés samedi sur une plage de l’île grecque de Rhodes, en mer Égée, ont indiqué les gardes-côtes grecs. Une cinquantaine d’exilés, partis de Turquie, ont également été découverts par la police grecque sur l’île. Découverte macabre sur l’île de Rhodes, en mer Égée. Les corps de deux migrants, un homme et une jeune fille, ont été trouvés, samedi 30 août, sur une plage de cette île toute proche de la Turquie, a appris l’Agence France Presse auprès des garde-côtes grecs. Ils faisaient partie d’un groupe de 12 migrants, partis de Turquie à bord d’un canot pneumatique et que les passeurs ont abandonné en mer, non loin de la côte de l’île grecque, selon le site d’information Rodiaki.
    Les deux corps ont été découverts sur la plage de Mavros Kavos. Les dix autres migrants ont réussi à gagner la terre ferme et trois ont été interpellés. Par ailleurs, 38 autres migrants ont été découverts par la police dans la région de Gennadi, sur l’île de Rhodes. De son côté, la plateforme de détresse Alarm phone avait identifié le 30 août un groupe de 45 personnes qui avaient échoué dans le sud de Rhodes, près de Gennadi, après le naufrage de leur embarcation. Il pourrait s’agir du même groupe de personnes. Les naufrages sont fréquents lors de ces traversées périlleuses entre les côtes turques et les îles grecques voisines. Le 18 août dernier, au moins quatre personnes sont mortes suite au naufrage d’une embarcation pneumatique qui tentait de rallier la Grèce depuis la Turquie. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 1 000 migrants ont disparu ou ont été repêchés morts en Méditerranée en 2025.
    Les nombreuses arrivées de migrants sur les îles grecques de la mer Égée s’accompagnent ces dernières semaines d’une hausse des refoulements - des pratiques illégales, souvent documentées par les garde-côtes turcs. Le 29 juillet, 34 migrants ont ainsi été interceptés via deux opérations de sauvetage distinctes, l’une au large des côtes du district de Kuşadası à Aydın, l’autre plus au sud, au large des côtes du district de Marmaris. Bien que la pratique des refoulements soit illégale, la Grèce en a fait une « norme », comme l’a constaté MSF. L’agence européenne de surveillance des frontières Frontex avait même ouvert une enquête sur le sujet en avril dernier.

    #Covid-19#migrant#migration#grece#rhode#turquie#meregee#routemigratoire#mortalite#sante#migrationirreguliere#refoulement

  • A #Borgo_Mezzanone, in ascolto di chi ci vive, oltre la retorica del “ghetto”

    Nel foggiano lo sfruttamento lavorativo alimenta l’insediamento informale, vera e propria cittadella che ospita fino a quattromila persone nei periodi di picco. Intanto i 53 milioni di euro del Pnrr destinati all’area sono andati perduti.

    Il sole batte forte sulla pista di Borgo Mezzanone ma nonostante gli oltre 40 gradi un gruppetto di persone gioca a pallone tra container, baracche e casette in mattoni. Autocostruzioni, sorte a partire dal 2019, quando l’allora ministro dell’Interno Matteo Salvini pensò bene di risolvere “il problema ghetti” a colpi di ruspa, demolendo quasi un quarto delle baracche. L’effetto è stato l’opposto e questo insediamento informale, nato intorno a un aeroporto militare dismesso e adibito nel 2005 a Centro di accoglienza per richiedenti asilo (Cara) ha vissuto una nuova stagione, segnando sempre più il passo verso una cittadella stabile: una specie di periferia senza servizi del vicino Borgo Mezzanone, borghetto agricolo frazione di Manfredonia ma a soli dieci chilometri da Foggia.

    Durante il picco della raccolta del pomodoro si arriva a una presenza stimata di tre-quattromila persone, ma i numeri durante il resto dell’anno non sono molto inferiori anche grazie alla continuità che offre il lavoro in agricoltura. Bas è stanco di giocare a pallone, si allontana dagli altri per prendere un po’ d’ombra sotto la lamiera di una delle botteghe del ghetto. In questo caso la parola “ghetto” sembra appropriata. Da una parte non esistono leggi specifiche che confinano e costringono a vivere in questi luoghi, allo stesso tempo però appare evidente che la mancanza di documenti o l’impossibilità di affittare una casa in città in qualche modo limita la scelta a posti come questo, dove abitare e trovare lavoro passando spesso per le maglie del caporalato.

    “Volevo una vita migliore di questa, un posto in cui stare bene, lavarmi, essere pulito. Non è quello che speravo, ma l’ho costruito io”, racconta Bas, che vive qui da oltre dieci anni, dopo aver lavorato inizialmente alle giostre per poi scegliere l’agricoltura. Prima di arrivare dal Senegal ai campi della Capitanata (la pianura intorno a Foggia) ha fatto l’Università, e ci tiene a precisarlo. “La vita è una curva, sali lentamente ma quando arrivi sopra basta un attimo e cadi di nuovo in basso. L’importante è non perdersi mai d’animo. Conosci Victor Hugo e ‘Les misérables’? Quanti anni ha fatto in prigione Jean Valjean prima di uscire e diventare l’uomo più ricco di tutti? Non esiste niente di impossibile”.

    Tra una parola e l’altra prende una bibita. È estate e con l’energia elettrica che arriva ogni giorno è più facile avere a disposizione qualcosa di fresco da bere, mentre d’inverno l’elettricità arriva solo a zone alterne. Per l’acqua invece bisogna sempre aspettare che vengano a riempire le cisterne all’ingresso, oppure prendere l’automobile e farsi un chilometro per arrivare alla fontanella di Piazza Madonna del Grano, di fronte alla chiesa del paese. Malgrado la vicinanza al paesino non ci sono servizi a Borgo Mezzanone, come non c’è un medico, tolta la presenza sporadica di volontari e organizzazioni internazionali.

    La discussione viene interrotta da un ragazzo intento a portare la sua motoretta da uno dei meccanici del campo. Qui si ripara tutto o lo si riconverte in altro, cosa abbastanza nota anche ai tanti italiani che ci lasciano le auto da rottamare. È solo una delle diverse attività di “economia della sopravvivenza” del ghetto, insieme a negozi di alimentari o vestiti, localini e ristoranti. Ci passa anche qualche venditore ambulante che si occupa di vendita di pentolame e oggettistica. “Il legame quasi indissolubile e naturale tra gli insediamenti informali e lo sfruttamento lavorativo è il vero nodo da sciogliere -spiega l’avvocato Stefano Campese, specialista in diritto dell’immigrazione, per anni coordinatore pugliese del progetto Presidio della Caritas-. In questa zona la particolarità del caporalato è di essere fortemente collegato alla questione della presenza degli insediamenti informali, in cui c’è necessariamente manodopera a basso costo”. Spesso questi sono degli hub nei quali si va a finire anche quando il proprio percorso è iniziato da altre parti, durante la stagione ci sono sempre opportunità di lavoro e si arriva grazie alla propria rete di riferimento già presente nel campo. Ma trovare un’occupazione non è l’unico criterio.

    “C’è gente che sta qui da anni, magari perché non è mai uscita oppure ha un interesse ulteriore a rimanerci essendo coinvolta nella dinamica dello sfruttamento lavorativo oppure, ad esempio, gestisce il mercatino all’interno dell’insediamento informale”. La maggior parte delle persone che vivono qui sono lavoratori agricoli, non solo stagionali, ma la situazione è fluida. In una cittadella serve di tutto, anche un posto dove sedersi e parlare, come i tavolini del ristorante di Hasan, uno dei vecchi del campo.

    “Quando sono arrivato io, qui non c’era quasi nulla, solo qualche baracca”, racconta dopo aver preparato il caffè. Era il 2007 quando “sbarcava” a Milano dal Togo e in due settimane era a Borgo Mezzanone per fare richiesta d’asilo presso il Cara. Da allora è ancora qui e vive grazie alla sua piccola attività che con tenacia ha tirato su pezzo dopo pezzo. “Ho aperto nel 2016, ho dovuto ricostruire due volte dopo gli incendi, ma oggi ho cinquanta persone a mangiare. È tutta roba che ho recuperato, tranne il frigo che ho comprato. Anche se guadagno qualche centesimo, ringraziando dio va bene, qui ho tutti i miei fratelli e tanti amici italiani ed europei che mi vengono a trovare”. È ora di andare a riempire le taniche per innaffiare i due alberi che si trovano dietro la moschea e la chiesa pentecostale, operazione di cui si occupa lui. Piccoli tentativi di rendere più vivibile un posto a tratti infernale ma pur sempre la casa di qualche migliaio di persone, tra cui quegli abitanti del ghetto che c’entrano poco con l’agricoltura ma sono essenziali al funzionamento di questa comunità.

    Mentre il ristorante di Hasan continua per la sua strada, il Cara è passato attraverso il Protocollo d’intesa per la riconversione di Borgo Mezzanone in foresteria regionale, promosso nel 2021 dalla prefettura di Foggia, dalla Regione Puglia e dal ministero dell’Interno. Un finanziamento di circa 3,5 milioni di euro che ha portato finora alla realizzazione di 100 container per 400 posti, mentre l’obiettivo era quello di ospitare fino a 1.300 persone. Un intervento in fieri che ha solo spostato alcuni abitanti del ghetto di qualche centinaio di metri in una zona recintata e maggiormente controllata. La Regione Puglia ha cercato a più riprese di dare vita a delle progettualità di lungo periodo in tutta la zona.

    In questa cornice gli oltre 53 milioni di euro di fondi Piano nazionale di ripresa e resilienza (Pnrr), destinati al Comune di Manfredonia e ora irrimediabilmente perduti, a meno di giravolte istituzionali al momento non previste, sono solo l’ultimo tassello. ll progetto presenta infatti problematiche tecnico-gestionali di governance e non garantisce il rispetto della nuova scadenza della Commissione europea di giugno/agosto 2026. Prevedeva il recupero e la realizzazione di opere di urbanizzazione, la ristrutturazione e costruzione di edifici residenziali e di strutture abitative leggere e rimovibili. Ma senza affrontare le cause, che vanno dallo stretto legame tra caporalato e insediamenti informali, così come tra impellenza di rinnovare il permesso di soggiorno e necessità di avere una qualche forma di contratto, l’insediamento informale si autoriproduce. Alla fine appare evidente come non vi sia una soluzione buona per tutti, il ghetto è un caleidoscopio di vite e problemi diversi, una lente attraverso cui leggere questa società.

    “Io sto qui perché è comodo per il lavoro, conosco tante aziende e vengo pagato bene -racconta Dolo, un uomo burkinabé che vive ormai da tanti anni a Borgo Mezzanone-. Oggi mi sono svegliato alle quattro del mattino per andare a lavorare alle cinque, sono tornato dopo le sette di sera. Non mi lamento, se domani non voglio andare a lavorare nessuno mi obbliga. Posso restare qui, ci sono bar, ristoranti, negozi, ho gli amici, se sto male qualcuno mi può aiutare. Al Cara invece che cosa hanno fatto? Belli i container nuovi, ma quando hai finito di lavorare intorno a te non c’è niente. Qua posso avere una vita. Manca l’acqua, per la corrente bisogna arrangiarsi e non passa mai la polizia. Mi chiedo: è un pezzo d’Italia oppure no? Questo è quello che critico di più, se già venisse la polizia staremmo tutti più tranquilli”.

    Per trovare una soluzione al dilemma, fuoriuscita dal ghetto per combattere il caporalato o combattere il caporalato per uscire dal ghetto, bisognerebbe partire dall’ascolto dei problemi di chi ci vive. Le idee non mancano.

    https://altreconomia.it/a-borgo-mezzanone-in-ascolto-di-chi-ci-vive-oltre-la-retorica-del-ghett

    #rhétorique #discours #Italie #Pouilles #habitat #Pnrr #baraccopoli #auto-construction #agriculture #travail_agricole #caporalato #logement #eau #électricité #recyclage #réusage #économie_de_survie #exploitation #campement #économie #restaurant #amitié #containers #Manfredonia #permis_de_séjour #Cara

  • From borders to workplaces: How Europe is reinventing immigration control

    European governments are shifting from border enforcement to workplace restrictions. New research shows Austria, Germany, Ireland, and the UK now use job tests, wage thresholds, and employer lock-ins to limit migrant competition.

    When immigration makes the news in Europe, the focus is usually on borders. In the UK, headlines dwell on “small boats,” while across the EU, the debate often centers on asylum seekers crossing frontiers. Yet a quieter change has been unfolding — not at the border, but in the workplace.

    A recent study published by the London School of Economics titled The return of the state: how European governments regulate labour market competition from migrant workers shows how Austria, Germany, Ireland, and the United Kingdom have steadily tightened the rules that govern how migrants present in the country access jobs. Instead of relying only on border control, governments are introducing restrictions that decide who can be hired, on what terms, and at what pay.

    What restrictions look like

    The study identifies three main types of barriers that now shape the employment of migrants after they have entered the country:

    – Job vacancy tests — employers must first prove that no local worker is available before hiring someone from abroad.
    – Pay and qualification thresholds — migrants are often required to meet higher-than-average wages or education levels to ensure they do not undercut local labor.
    – Employer lock-in periods — many new arrivals are tied to one employer for at least a year before they can switch jobs.

    Asylum seekers face additional rules, such as waiting months before being permitted to work.

    Four countries, four paths — but converging outcomes

    Despite their different histories, the four countries studied ended up with strikingly similar systems.

    - Austria launched the Red-White-Red Card in 2004, combining vacancy checks with salary thresholds and binding skilled workers to one employer for at least a year.
    - Germany replaced its Aliens Law with a new residency framework in 2005 and later introduced the EU Blue Card, imposing wage floors and job tests, with skilled workers locked into their first employer for two years.

    https://gw.infomigrants.net/media/resize/my_image_big/bcf3ba967c141fec0d6161d9f4a5cd2fcef1f780.webp

    - Ireland, once a country of emigration, imposed some of the strictest conditions: eight weeks of job advertising before a migrant can be hired, steep salary thresholds of 32,000-64,000 euros, and one-year employer ties.
    - The United Kingdom introduced a points-based visa system in 2008. Employers provided only statements that no locals were available, but workers remained tied to their sponsors. Salary thresholds applied, and the highly skilled Tier 1 visa was closed in 2011.

    By 2020, Austria and Ireland — which had few restrictions in the 1990s — had caught up with Germany and the UK. Even highly skilled workers, once thought to be exempt, were now subject to vacancy tests and salary floors.

    Beyond economic models and EU rules

    These changes challenge two common explanations.

    One argument, rooted in the “Varieties of Capitalism” framework, suggested liberal market economies like the UK and Ireland would stay more open, while coordinated economies like Austria and Germany would be more protective. In reality, all four converged on the same restrictive path.

    Another view is that the European Union drives migration policy. While Brussels has set minimum standards — such as waiting times for asylum seekers — most workplace restrictions were designed and enforced nationally.

    Instead, domestic politics mattered most. The EU’s enlargement in 2004 and 2007 sparked concern about job competition. In response, governments introduced stricter rules on access to employment, particularly in lower-skilled sectors.

    Attracting skilled labor from abroad

    While tightening access to jobs for migrants inside the country, European governments are, however, also launching schemes to draw in top talent.

    In the United Kingdom, the number of authorized sponsors for the skilled worker visa reached 110,500 in 2024 — reflecting continued demand — while the government is drafting reforms to attract high-ability professionals in artificial intelligence, life sciences, clean energy, and biosciences, as outlined in its upcoming immigration white paper.

    Germany has launched the new Opportunity Card, a points-based scheme that allows people to come and look for jobs in shortage sectors, with particular outreach to workers from India and African countries such as Kenya.

    Ireland continues to issue employment permits targeted at critical skills in areas such as IT and finance, while Austria promotes its Red-White-Red Card, a points-based system that gives preference to highly qualified migrants in shortage professions.
    The wider European tension

    The national policies examined by the LSE study mirror a broader contradiction across Europe: economies face growing labor shortages, but political debates continue to cast immigration as a problem to be “solved.”

    Last week the European Central Bank President Christine Lagarde noted that foreign-born workers make up only nine percent of the EU workforce but have accounted for half of all job growth since 2022. From hospitals to building sites, many industries depend on them.

    Yet anti-immigrant parties and populist rhetoric have raised the political stakes. In Germany, officials warn of looming labor shortages while asylum seekers face new restrictions. In the UK, the Labour government has pledged tougher visa salary rules despite warnings from employers that cuts in foreign recruitment will cripple care, construction, and hospitality.

    Governments often reach for workplace restrictions because they are politically useful. They are less visible than border fences, but they allow leaders to claim they are protecting local workers while still supplying some labor to employers.

    Economic consequences of protectionism

    The study cautions that this approach carries significant economic risks. By limiting migrant access to jobs, governments risk worsening shortages in care work, construction, agriculture, and other key industries.

    Strict wage thresholds and job tests also reduce flexibility, the study points out. Workers cannot easily move into roles where demand is greatest, slowing economic responsiveness. Over time, these barriers threaten growth, undermine competitiveness, and intensify the problems of aging populations.

    Employers may benefit in the short term when migrants are tied to contracts, but the wider economy loses out on the mobility and dynamism that come with a flexible labor force.

    From borders to labor markets

    The study concludes that Europe has shifted from controlling migration mainly at the border to managing it inside the labor market. This represents a new kind of protectionism: instead of shutting the door, states regulate the terms of entry into jobs.

    Politically, these measures are attractive because they offer an “easy win.” Governments can say they are shielding local workers without sparking business opposition. Employers often tolerate the extra bureaucracy, and some even welcome the stability of tied contracts. But migrants face reduced rights, limited freedom, and weaker bargaining power.

    The bigger lesson is that far from losing control to global markets or EU institutions, national governments remain firmly in charge. They are actively reshaping migration to balance economic needs, political pressures, and worker protection.

    Ever changing rules

    Europe’s migration debate is no longer just about who crosses its borders. Increasingly, it is about what kind of work migrants are allowed to do once they arrive, and under what terms.

    The shared path taken by Austria, Germany, Ireland, and the UK underscores this shift. States are using employment rules to manage migration in ways that are less visible but just as powerful as border controls. Europe may still look like a fortress, but it is one with many gates — and the rules governing those gates are being quietly rewritten.

    https://www.infomigrants.net/en/post/66644/from-borders-to-workplaces-how-europe-is-reinventing-immigration-contr

    #mobile_borders #hostile_environment #environnement_hostile #travail #migrations #contrôles_migratoires #frontières #lieu_de_travail #Allemagne #Autriche #marché_du_travail #restrictions #asile #demandeurs_d'asile #préférence_nationale #Rot-Weiß-Rot_Karte #Rot-Weiss-Rot_Karte #main_d'oeuvre #discours #rhétorique #statistiques #chiffres #protectionnisme #risque_économique #salaires

    ping @reka @karine4 @_kg_

    • The return of the state: how European governments regulate labour market competition from migrant workers

      What is the role of the market economy and of the European Union in shaping policies that limit migrants’ access to the labour market? While much of the existing research has examined the development of border policies in Europe, less attention has been given to post-entry measures regulating the employment of Third Country Nationals. We examine the role of different market economies and the European Union in devising lesser-known measures that target migrant labour market competition. Focusing on the period from 1990 to 2020, we analyse four case studies: Austria, Germany, Ireland, and the United Kingdom. We hypothesize that these migrant labour market competition measures (MCM) have emerged in ways that challenge both the marketization of migration thesis and predictions from theories of EU immigration policymaking and varieties of capitalism (VoC). While the European Union’s influence partially explains the adoption of some selective policies, the emergence of MCM transcends the VoC framework. Furthermore, contrary to marketization claims, states have sought to address labour market concerns about competition from migrants by adopting selective, rather than indiscriminate, regulatory approaches. We argue that the interplay between selectivity and measures restricting migrant labour market competition has become central to understanding how states regulate migration in the European Union.

      https://comparativemigrationstudies.springeropen.com/articles/10.1186/s40878-025-00433-3#Sec4

  • La #migration est un #fait_social_total

    Parti pris · Omniprésente dans le paysage audiovisuel et les discours politiques, la question de l’immigration est sans conteste l’#obsession du #complexe_politico-médiatique français. Mais les deux visions principales qui s’affrontent – à #droite et à #gauche – pêchent considérablement par #distorsion et #omissions et peinent à embrasser la #dimension_globale de ce fait social.

    Si l’entrée de l’immigration dans le #débat_public fut progressive, on peut considérer comme un premier tournant les #agressions_racistes de #1973 et leur #médiatisation. En effet, le sujet va gagner en #visibilité à partir de ces événements et de leurs conséquences politiques, bien avant, comme on peut le lire parfois, la percée du #Front_national, au milieu des années 1980, et son affrontement avec les mouvements antiracistes.

    L’occasion est alors donnée aux immigrés de se présenter à la société française et de raconter leurs #conditions_de_travail et de vie. C’est aussi une opportunité, pour la société française, de débattre d’un sujet qui ne quittera plus les champs médiatique et politique, au point d’éclipser toutes les autres préoccupations citoyennes et même de les absorber, puisque le traitement qui en est fait suggère insidieusement sa responsabilité dans tous les #problèmes_sociaux.

    Si l’on peut penser que la surreprésentation de la question de l’immigration est imputable aux exigences et aux intérêts propres au secteur des médias, au vu de l’appétence de ces derniers pour les polémiques, on est bien en peine de justifier son #omniprésence dans le #discours_politique qui en a fait un #enjeu_électoral majeur. Cette évolution du #débat, en ampleur et en intensité, s’est accompagnée d’une #polarisation de plus en plus marquée et de la résurgence d’un #racisme_décomplexé, qui dénonce l’immigration comme un #poids pour le pays d’accueil et n’est contré que par une #rhétorique utilitariste qui associe immigration et #bénéfices_économiques.

    « #Grand_remplacement », « #invasion_migratoire » et « #submersion_migratoire »

    Porté par la droite et l’#extrême_droite, mais pas seulement, ce discours raciste développe l’idée que l’immigration représente non seulement une #charge_sociale, mais aussi une #menace_identitaire et sécuritaire pour les Français. Les immigrés sont ici présentés comme des individus #indésirables et en surnombre – on parle de « grand remplacement », d’« invasion migratoire » et de « submersion migratoire » – qui menaceraient la #sécurité et l’#identité nationales. L’argumentaire principal mobilisé pour défendre cette thèse est l’#incompatibilité des caractéristiques culturelles et religieuses des populations immigrées avec les valeurs de la #République, avec une focalisation sur l’#islam. Ce discours prône ouvertement l’arrêt des flux migratoires et même la possibilité du retour dans le pays d’origine. Sauf que…

    Lorsqu’il s’agissait de répondre à un besoin de #main-d’œuvre et d’abaisser les #coûts_du_travail, la droite, de connivence avec le #patronat, était favorable à l’immigration, notamment dans les années 1960, lorsque les constructeurs automobiles et les patrons des mines recrutaient massivement dans les pays du Maghreb. Ou encore au début des années 2000, lorsque le discours gouvernemental a fait de « l’#immigration_choisie » un leitmotiv. Aujourd’hui encore, cette pratique est maintenue et « protégée » parce que voulue par les élites économiques, bien que décriée sur les plateaux télévisés.

    De l’autre côté du spectre politique, l’argument utilitaire est mobilisé pour défendre les populations immigrées. Il est de plus en plus porté par la gauche, qui aime à rappeler la contribution des étrangers pendant la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale ainsi que dans les #mines, les #usines et sur les grands #chantiers portés par le développement de l’#industrialisation, et qui souligne aujourd’hui le rôle des #médecins_étrangers dans le maintien du système de #santé_publique. Discours utilitariste donc (qui s’appuie sur les résultats de recherches en sciences économiques et en démographie conduites notamment par l’OCDE, la Banque mondiale et le FMI) mais qui est présenté comme humaniste par ses tenants, qui mettent en avant la #solidarité avec les immigrés et défendent une politique de #régularisation des #sans-papiers.

    Justifier le jeu du #capitalisme

    Ce discours est apprécié par la population concernée et il est souvent et naïvement repris par elle, puisqu’elle y trouve une justification à sa présence, au point de faire son totem de cette phrase qu’on entend souvent dans les bouches d’immigrés : « On travaille. » Mais la gauche dénie ici le fait que l’importation de populations étrangères dévalue les #classes_populaires (son principal électorat), qui se sont d’ailleurs progressivement détournées d’elle. En effet, valoriser la #participation des immigrés revient à justifier le jeu du capitalisme, qui utilise la #concurrence entre travailleurs et l’importation de main-d’œuvre pour casser les grèves, baisser les #salaires et ne pas améliorer les conditions de travail.

    Autrement dit, lorsqu’une partie de la gauche renonce à sa position historique sur la #régulation de l’immigration, elle protège ce que #Karl_Marx qualifie de « secret grâce auquel la classe capitaliste maintient son #pouvoir ». Elle devient dès lors ce que le sociologue #Ramón_Grosfoguel appelle une #gauche_impérialiste, dans le sens où « elle construit un #projet_politique où elle ne demande qu’à améliorer sa situation à l’intérieur des murs [frontières], à l’intérieur des espaces impérialistes, sans les remettre en cause, sans problématiser la #domination que ce #système-monde exerce sur les habitants à l’extérieur des murs [frontières]… Elle ne remet pas en question les #structures_de_pouvoir qui produisent le #pillage et l’#appauvrissement de la grande majorité de la population mondiale, qui vit juste à l’extérieur des murs et est soumise aux formes les plus despotiques, les plus appauvries et les plus violentes de l’accumulation du capital ». Pire, dans une démarche paternaliste, elle appelle à renforcer l’#aide_publique_au_développement au lieu de militer pour la #désimpérialisation.

    Dans les deux discours présentés ci-dessus, il y a des omissions et des distorsions si considérables qu’elles altèrent complètement l’appréhension du sujet de l’immigration. Il s’agit également de discours prisonniers de leurs points de vue et de leurs antagonismes réciproques, jusqu’à donner parfois l’impression qu’ils se définissent non pas en fonction des besoins de la réalité et des idées qu’ils défendent mais bien en réaction l’un à l’autre. À cela s’ajoute le fait que l’immigré est systématiquement abordé comme #objet et non comme #sujet, ce qui contribue à normaliser une #pensée_impérialiste qui ne participe qu’à stigmatiser les populations immigrées et à les dépouiller de leur #agentivité.

    Les trois quarts des migrations africaines sont intracontinentales

    Il s’agit d’un double phénomène : émigration-immigration. Toute étude ou tout discours qui ferait l’économie de l’un se condamnerait à l’incompréhension de l’autre, car l’un et l’autre sont les deux faces d’une même pièce. On comprend donc qu’une réflexion sur les conséquences de l’#immigration dans les pays d’arrivée doit nécessairement et impérativement s’accompagner d’une réflexion sur les #causes de l’#émigration dans les pays de départ.

    Une mise en perspective plus large permettra donc de montrer que les migrations ne concernent pas seulement les pays occidentaux – il s’agit d’un phénomène mondial –, voire qu’ils ne sont concernés que dans une moindre mesure, puisque les trois quarts des migrations africaines, par exemple, sont intracontinentales. Cela permettra également de jeter la lumière sur les problèmes réels ou supposés qui poussent des personnes du Sud à affluer en masse vers le Nord (pauvreté, conflits armés, accroissement démographique…), ainsi que sur les problèmes réels ou supposés qui poussent l’Occident à recruter des étrangers (déclin démographique, pénurie de main-d’œuvre, déserts médicaux…).

    Cette approche, qu’on pourrait qualifier de globale, est cruciale, parce qu’elle permet de démontrer combien une réflexion intramuros est vouée à l’échec, la seule manière de comprendre et de gérer la question migratoire étant d’établir un dialogue bilatéral, qui implique non seulement les pays d’émigration et les pays d’immigration mais aussi les populations migrantes et les sociétés d’accueil.

    L’immigration en #France est liée à l’#histoire_coloniale

    Il est aussi nécessaire de prendre en considération le rôle de l’histoire coloniale (esclavage, mobilisation militaire forcée et recrutement de travailleurs dans les colonies) dans la création des schémas migratoires ainsi que les rapports de force qui existent entre pays anciennement colonisateurs et pays anciennement colonisés. En effet, l’histoire de l’immigration en France est fondamentalement liée à l’histoire coloniale qui l’a créée, ce qui implique que, pour comprendre les migrations aujourd’hui volontaires, il est essentiel de revenir sur les #migrations_forcées dans les anciennes colonies, puisqu’elles ont des trajectoires identiques mais surtout qu’elles obéissent d’abord et avant tout aux besoins des pays occidentaux.

    Qualifiée comme telle – parce que c’est ce qu’on veut voir en elle, ce qu’on aimerait qu’elle soit et qu’elle le demeure –, l’#immigration_de_travail est une expression qui porte en elle un refus : regarder l’immigré autrement que comme un agent au service du capital, un corps au service des possédants. Or l’immigré est une personne, qui vient avec son histoire, sa religion, sa langue, sa façon d’être au monde, ses représentations et ses croyances, bref sa #culture. Il vient également avec ses besoins et ses aspirations : se marier, se perpétuer et vivre auprès de sa famille. Pourtant, et alors que, comme l’écrit le sociologue et non moins émigré-immigré #Sayad_Abdelmalek, « la chose était prévisible dès le premier acte d’immigration », tout semble se réaliser, du moins dans un premier temps, dans une logique du #provisoire.

    Ce sont là les #illusions qui accompagnent le phénomène migratoire, très bien expliquées par Abdelmalek Sayad. « L’image de l’émigration comme “#rotation” continuelle exerce sur chacun un fort pouvoir de séduction : la société d’accueil a la conviction de pouvoir disposer éternellement de #travailleurs […] sans avoir pour autant à payer (ou fort peu) en problèmes sociaux ; la société d’origine croit pouvoir se procurer de la sorte et indéfiniment les ressources monétaires dont elle a besoin, sans qu’il résulte pour elle la moindre altération ; les émigrés sont persuadés de s’acquitter de leurs obligations à l’égard de leur groupe […] sans avoir pour cela le sentiment de se renier. »

    L’illusion du provisoire

    C’est cette triple fonction des illusions qui maintient la notion de provisoire et lui donne une place centrale dans les #imaginaires de chacun, malgré sa mise en défaut par la réalité. C’est-à-dire, même après que le turnover a été révolu, que les séjours de travail se sont allongés jusqu’à devenir quasi permanents (transformant radicalement les rapports aux groupes d’appartenance et au #pays_natal), que les profils et les trajectoires migratoires se sont complexifiés, et que l’immigration de travail s’est transformée en #immigration_familiale, puis en #immigration_de_peuplement. La notion de provisoire est une consolation pour l’émigré face à sa désertion, pour la société d’origine face à sa désintégration et pour la société d’accueil dans son rêve de purification.

    La #délocalisation d’une partie de la société vers un autre pays, comme l’entretien de relations sociales et affectives entre ceux qui partent vivre à l’étranger et ceux qui restent dans le pays natal, semble créer une route qui grandit en même temps que la communauté d’expatriés. L’existence d’une solidarité intracommunautaire semble également faciliter, quand elle ne l’encourage pas directement, le passage à l’acte. En effet, l’idée de trouver des compatriotes ou même des membres du cercle familial (qui peuvent aider financièrement et psychologiquement) rassure le candidat à l’émigration sur la faisabilité de son #projet_migratoire et elle atténue sa peur de la #solitude et de l’#isolement. C’est ce qui explique le fait qu’on retrouve dans des villes et des quartiers à fortes densités immigrantes toute une communauté d’immigrés souvent originaires d’une même région et ayant parfois des liens de parenté.

    Les coûts importants des procédures administratives pour les demandes de visa et le pourcentage très élevé de refus dans certains pays (plus de 50 % en Algérie) rendent la voie légale souvent inaccessible. Le recours à la #clandestinité devient une possibilité de dépasser ces #blocages. En effet, traverser la Méditerranée dans une embarcation et franchir la frontière illégalement est une option choisie par des milliers de personnes chaque année, malgré les #risques et malgré les actions de prévention et de lutte contre la migration illégale.

    Maintenir coûte que coûte une #hiérarchie_sociale

    Ce qu’on peut relever du débat tel qu’il se présente aujourd’hui autour de la migration, c’est qu’elle est posée comme problème pour certaines populations et pas pour d’autres. Par exemple, en France ou en Allemagne, les réfugiés syriens ou afghans ne sont pas perçus comme les réfugiés ukrainiens. Le #traitement_médiatique qui leur est réservé n’est pas le même, pas plus que les dispositions prises pour leur #accueil et leur #insertion.

    Cet exemple permet d’inscrire la question dans le tableau plus large de la migration des pays du Sud vers les pays du Nord. Cette migration a ses spécificités et ses problématiques propres et elle ne saurait être confondue avec les mobilités intra-européennes ou euro-australo-américaines, par exemple, qui ne sont pas source de tensions, les populations qui en sont issues étant considérées comme assimilables, sinon semblables. Il n’en a pas toujours été ainsi. On se souvient du racisme envers les Bretons à Paris, des Britanniques envers les Irlandais, des Français envers les Italiens, les Espagnols, les Portugais…

    Ainsi posée, c’est la question du #racisme qui émerge comme point nodal de la migration, considérée par les uns comme phénomène social et par les autres comme problème social. Cette discrimination, qui a longtemps trouvé sa justification dans la #théorie_des_races et l’#infériorité_biologique supposée des uns par rapport aux autres, est remplacée, depuis la Seconde Guerre mondiale, par un #racisme_culturel, c’est-à-dire par un ensemble de pratiques et de discours dans lesquels la culture de certains groupes sociaux (généralement racisés) est essentialisée et infériorisée, l’objectif étant toujours le même : maintenir coûte que coûte une hiérarchie sociale.

    Faire l’impasse sur le #système-monde

    Penser l’État-nation dans un contexte d’#interdépendance_internationale est une ineptie, tout comme l’est le fait de chercher à préserver les intérêts d’un État ou à établir un #ordre_national plus juste dans un monde ravagé par les injustices, où l’on assiste au pillage des richesses humaines et naturelles par des multinationales occidentales ; un monde où rien ne protège les plus démunis de la prédation des États les plus puissants, qui se maintiennent par une #force_de_travail bon marché et des #matières_premières bradées. En effet, dans ce marché international qu’est devenu le monde et qui est régi par les intérêts économiques du capital et ses injonctions, le racisme apparaît comme une condition essentielle pour conserver une main-d’œuvre privée de droits, une force de travail à bas coût, non seulement dans les périphéries mais aussi au cœur des puissances économiques.

    Le racisme fonctionne donc selon des besoins cycliques. D’une part, il permet d’offrir des compétences à la demande et une main-d’œuvre bon marché dans les périodes de croissance, et, d’autre part, il permet d’exclure certaines populations du marché du travail dans les périodes de crise. Pour que cette mécanique puisse se perpétuer, les discriminations doivent persister, les frontières se renforcer et les populations « déplaçables » se résigner à leur #instrumentalisation. C’est ainsi que la splendide forteresse (le #centre) se protège contre les populations issues des #périphéries. C’est à ces conditions que peut se maintenir indéfiniment cet #ordre inique à l’échelle mondiale et c’est à ce niveau que doit s’inscrire la lutte pour la #justice_sociale.

    Ainsi déployée, la question migratoire déborde complètement celle des attitudes individuelles ou collectives vis-à-vis des immigrés, tout comme elle ne saurait être attribuée aux seuls faits politique ou économique, puisqu’elle est un fait social total, et que toute tentative de la saisir par un seul bout est vouée à l’échec. Il faut donc réinventer le débat, lui donner l’ampleur qu’il mérite et mettre à jour le lien direct qui lie les migrations avec les #guerres menées en Afrique et au Moyen-Orient, avec l’#extractivisme effréné et l’#exploitation irresponsable des #ressources des pays du Sud. Ce faisant, la question migratoire reprendra la place qui est la sienne au cœur de la lutte anti-impérialiste.

    https://afriquexxi.info/Migration-fait-social-total
    #utilitarisme #humanitarisme #paternalisme #diaspora #approche_globale #voies_légales #Etat-nation #nationalisme #nationalisme_méthodologique #périphérie #anti-impérialisme
    ping @reka @karine4 @_kg_ @isskein

    • ❝Lundi 7 juillet 2025

      Nous n’avons jamais autant pris la parole, mais sait-on encore se parler ? À l’heure des réseaux, du bruit, des bulles et des certitudes, le dialogue vacille. Comment redonner souffle à une parole vivante, habitée, réellement partagée ?

      Avec

      Gérald Garutti , dramaturge et metteur en scène, fondateur du Centre des Arts de la Parole
      Clément Viktorovitch , docteur en science politique, maître de conférences en rhétorique à Sciences Po et streamer sur Twitch

      Dans un monde saturé de mots, quelque chose se tait. Ce n’est pas l’opinion qui manque, ni la parole, omniprésente, continue, souvent bruyante. Ce qui vacille, c’est la capacité à faire de cette parole un lien, un lieu d’échange plutôt que d’affrontement. Le débat public s’épuise en duels stériles ; les conversations cèdent la place aux invectives ; l’écoute, rare, devient presque subversive. On parle à tort et à travers, mais on ne s’adresse plus vraiment à personne.

      Dans cette cacophonie, les conditions mêmes du dialogue semblent avoir été oubliées : le silence qui permet d’entendre, le cadre qui rend possible la confiance, le temps qu’il faut pour formuler, chercher, répondre. Trop souvent, il ne s’agit plus de comprendre, mais de vaincre. Et cette perte n’est pas seulement culturelle, elle est aussi politique. Car une société qui ne sait plus se parler est une société qui cesse peu à peu de faire corps.

      Comment reconstruire des espaces, où la parole soit à nouveau partagée, habitée, entendue ? Le dramaturge et metteur en scène, Gérald Garutti, fondateur du Centre des arts de la parole, et Clément Viktorovitch, docteur en science politique enseignant la rhétorique à Sciences Po, apportent leur éclairage.

      Une parole dégradée à l’ère de la post-vérité

      Le constat est sans appel, pour Clément Viktorovitch : « Je crois qu’il ne fait pas de doute que la parole politique a saccagé les mots, et ce, depuis maintenant une dizaine d’années. » L’année 2016 marque un tournant, pour le docteur en science politique, avec la première élection de Donald Trump aux États-Unis et le référendum du Brexit en Grande-Bretagne. « Ces deux campagnes ont été marquées par une démultiplication du mensonge. » Certes, le personnel politique a de tout temps usé de ce subterfuge, mais ce qui change, pour Clément Viktorovitch, c’est que la parole mensongère s’énonce droit dans les yeux, comme une « commodité ».

      Gérald Garutti constate que la parole est réduite à sa force d’impact, « pour frapper, pour cogner ». « C’est bien le sens des punchlines, des vannes, des machines à clash qui font du cash sur Internet », remarque le dramaturge, qui a le sens de la formule. Il en déplore le corollaire, à savoir que la parole ne fasse plus lien. « Or, je pense que la parole est moins une expression, qu’une relation. »

      Pour une éducation populaire de la parole

      À l’heure où la parole est saccagée dans les discours politiques et sur les réseaux sociaux, à l’heure où les mots ont perdu leur sens, Clément Viktorovitch et Gérald Garutti entrevoient des solutions. Toux deux défendent l’idée d’une éducation populaire de la parole.

      Pour Clément Viktorovitch, auteur du Pouvoir rhétorique. Apprendre à convaincre et à décrypter les discours (Seuil, 2021), enseigner l’art de la rhétorique est un enjeu d’égalité, pour que chacune et chacun ait les moyens de faire entendre sa voix. Il défend également une éthique de la discussion, qui devrait gouverner toute argumentation : "Tout en ayant des convictions, on accepte l’éventualité, fut-elle infime, de pouvoir être convaincu par l’autre, fut-ce partiellement."

      Quant à Gérald Garutti, il propose d’apprendre dès le plus jeune âge les « arts de la parole », c’est-à-dire la création (le théâtre, le récit et la poésie), la transmission (l’éloquence et la conférence), et l’interaction (le dialogue et le débat), afin que les possibilités humaines se déploient. Il plaide aussi pour une véritable écoute entre les individus :"Dans ce qu’on appelle la prise de parole en public, on ne parle jamais d’écoute. Or, on sait qu’au théâtre, la première qualité de l’acteur, c’est l’écoute." Dès lors, pour le fondateur et directeur du Centre de l’Art de la Parole, la parole doit être un lieu de rencontre.

      Pour aller plus loin :

      – L’ouvrage Il faut voir comme on se parle. Manifeste pour les arts de la parole de Gérald Garutti, Actes Sud, 2023
      http://actes-sud.fr/il-faut-voir-comme-se-parle

      - Le Centre des arts de la parole fondé par Gérald Garutti
      https://centredesartsdelaparole.fr

      – Le seul en scène de Clément Viktorovitch, L’art de ne pas dire, en tournée dans toute la France à partir de septembre (date parisienne au Dôme de Paris le 24 mars 2026)

      – L’ouvrage L’art de ne pas dire de Clément Viktorovitch et Ferdinand Barbet, Seuil, 2024
      https://www.seuil.com/ouvrage/l-art-de-ne-pas-dire-clement-viktorovitch/9782021566000

      – L’ouvrage Le Pouvoir rhétorique. Apprendre à convaincre et à décrypter les discours de Clément Viktorovitch, Seuil, 2021

      Extraits sonores de l’émission :

      – La philosophe Cynthia Fleury lors du lancement des États généraux de la parole à la Gaîté Lyrique le 17 octobre 2024
      – La philosophe et philologue Barbara Cassin à propos du logos

      À lire aussi
      - La post-vérité : un phénomène irréversible ?
      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-le-samedi/la-post-verite-un-phenomene-irreversible-9951394

  • Why is everyone in Berlin so sick this year?
    https://www.the-berliner.com/english-news-berlin/why-is-everyone-so-sick-2025-flu-bronchitis-influenza

    Photo: IMAGO / Sabine Gudath

    C’était horrible.

    3.6.2025 - Sick leave in Berlin jumped 33% in early 2025, as compared to the previous year, driven by flu and respiratory illnesses.

    The statistics are in, and they show that staff are out sick in record numbers. The first three months of 2025 have seen a significant spike in employee sick days across both Berlin and Brandenburg, according to data from the DAK health insurance company. The main causes are bronchitis, influenza, among other respiratory illnesses.

    In Berlin, there were 156 days of absence recorded per 100 employees—a 33% increase on the same period last year. In Brandenburg, the number was even higher, at 199 days per 100 employees.

    According to the Robert Koch Institute, the figures were influenced by a severe flu wave that swept the country at the beginning of the year. In general, significantly more people are suffering from acute respiratory illnesses in 2025.

    Respiratory illnesses including bronchitis and influenza were the leading cause of sick leave in Berlin, followed by mental illnesses such as depression. Musculoskeletal problems, such as back pain, came in third.

    #Berlin #épidémie #rhume

    • C’est à cause du confinement, on n’a plus d’immunité. C’est à cause des vaccins, on n’a plus d’immunité. C’est à cause du graphène, on n’a plus d’immunité. C’est à cause des chemtrails. Ou de la terre qu’on prétend qu’elle est pas plate, alors on prend les mauvaises décisions.

  • Les #parcs africains ou l’histoire d’un #colonialisme_vert

    Derrière le mythe d’une Afrique #sauvage et fascinante se cache une histoire méconnue : celle de la mise sous cloche de la #nature au mépris des populations, orchestrée par des experts occidentaux. L’historien #Guillaume_Blanc raconte.

    Vous avez longuement enquêté sur les politiques de #protection_de_la_nature mises en place en #Afrique depuis la fin du XIXe siècle. Comment, dans l’esprit des experts occidentaux de la conservation de la nature, a germé cette idée que le continent africain constituait le dernier éden sauvage de la planète, qu’il s’agissait de préserver à tout prix ?

    Guillaume Blanc1 Mon enquête historique s’appuie en effet sur plus de 130 000 pages de documents issus de 8 fonds d’archives répartis entre l’Europe et l’Afrique. Pour comprendre ce mythe de la nature sauvage, il faut se mettre à la place des #botanistes et des #forestiers qui partent tenter l’aventure dans les #colonies à la fin du XIXe siècle, et laissent derrière eux une Europe radicalement transformée par l’industrialisation et l’urbanisation. En arrivant en Afrique, ils sont persuadés d’y retrouver la nature qu’ils ont perdue chez eux.

    Cette vision est en outre soutenue par un ensemble d’œuvres relayées par la grande presse. C’est par exemple #Winston_Churchill qui, en 1907, publie Mon voyage en Afrique, dans lequel il décrit le continent africain comme un « vaste jardin naturel » malheureusement peuplé d’« êtres malhabiles ». Dans les années 1930, c’est ensuite #Ernest_Hemingway qui évoque, dans Les Neiges du Kilimandjaro, un continent où les #big_five – ces mammifères emblématiques de l’Afrique que sont le #lion, le #léopard, l’#éléphant, le #rhinocéros noir et le #buffle – régneraient en maîtres. Depuis, le #mythe de cette Afrique édénique a perduré à travers les reportages du #National_Geographic et de la BBC ou, plus récemment, avec la sortie du célèbre film d’animation #Le_Roi_Lion.

    Qui sont les principaux acteurs des politiques de protection de la nature en Afrique, depuis les premières réserves de faune sauvage jusqu’à la création des parcs nationaux ?
    G. B. En Afrique, la création des #réserves_de_chasse à la fin du XIXe siècle par les colonisateurs européens vise surtout à protéger le commerce des troupeaux d’éléphants, déjà largement décimés par la #chasse. À partir des années 1940, ces #réserves deviennent ensuite des espaces dédiés presque exclusivement à la contemplation de la #faune_sauvage – une évolution qui témoigne d’une prise de conscience de l’opinion publique, qui considère comme immoral le massacre de la grande #faune.

    Les principaux acteurs de cette transformation sont des écologues administrateurs, à l’image de #Julian_Huxley, le tout premier directeur de l’#Unesco, nommé en 1946. On peut également citer #Edgar_Worthington, qui fut directeur scientifique adjoint du #Nature_Conservancy (une orga­ni­sa­tion gouvernementale britannique), ou l’ornithologue #Edward_Max_Nicholson, l’un des fondateurs du #World_Wildlife_Fund, le fameux #WWF. À partir des années 1950, ces scientifiques issus de l’administration impériale britannique vont s’efforcer de mettre la #science au service du gouvernement, de la nature et des hommes.

    À l’époque coloniale, la nature africaine semble toutefois moins menacée qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’y a-t-il pas comme une forme de contradiction de la part des experts de la conservation à vouloir présenter ce continent comme le dernier éden sauvage sur Terre et, dans le même temps, à alerter sur le risque d’extinction de certaines espèces ?
    G. B. Si on prend l’exemple des éléphants, ce sont tout de même 65 000 animaux qui sont abattus chaque année à la fin du XIXe siècle en Afrique de l’Est pour alimenter le commerce de l’#ivoire. À cette époque, les administrateurs coloniaux sont pourtant incapables de réaliser que le massacre auquel ils assistent relève de leur propre responsabilité. Car, tout autour des espaces de protection qu’ils mettent en place pour protéger la nature, la destruction des #ressources_naturelles se poursuit – ce sont les #plantations de #cacao en #Côte_d’Ivoire qui empiètent toujours plus sur la #forêt_tropicale, ou le développement à grande échelle de la culture du #café en #Tanzanie et au #Kenya.

    À mesure que ce #capitalisme_extractiviste s’intensifie, la protection de la faune et de la flore se renforce via la multiplication des #zones_protégées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ceux qui entendent préserver la nature en établissant des réserves de chasse, puis des parcs nationaux, sont aussi ceux qui la détruisent en dehors de ces espaces de protection.

    Une initiative baptisée « #Projet_spécial_africain » illustre bien cette vision de la nature africaine. En quoi consiste cette grande #mission_écologique, largement promue par les experts internationaux de la conservation ?
    G. B. Le Projet spécial africain est lancé à Varsovie en 1960 par l’#Union_internationale_pour_la_conservation_de_la_nature (#UICN), sous l’égide des Nations unies. En septembre 1961, une grande conférence internationale est organisée à Arusha, en Tanzanie, afin de promouvoir les programmes de conservation auprès des dirigeants africains arrivés au pouvoir après les indépendances. Elle réunit une centaine d’experts occidentaux ainsi qu’une trentaine de dirigeants africains.

    D’un commun accord, ces derniers déclarent vouloir poursuivre les efforts accomplis par les colons européens dans les parcs nationaux africains qui ont vu le jour depuis la fin des années 1920. Pour, je cite, « aider les gouvernements africains à s’aider eux-mêmes », des experts internationaux sont alors envoyés en Afrique. Le Projet spécial africain, qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 1970, prend donc la forme d’une alliance entre les dirigeants africains et les experts internationaux.

    Dans le livre que vous avez publié il y a peu, La Nature des hommes, vous rappelez que les institutions internationales ont fortement incité les pays africains à exclure leurs populations des territoires de ce qui allait devenir les parcs nationaux…
    G. B. Parmi les institutions impliquées, il y a, d’un côté, les agences des Nations unies comme l’Unesco et la FAO, mais aussi des organisations non gouvernementales comme l’UICN, le WWF ou la Fauna & Flora International (FFI). Ces deux grandes catégories d’institutions ont tout d’abord servi de machine à reconvertir les administrateurs coloniaux en experts internationaux de la conservation. Ce sont elles qui vont ensuite imposer les mesures conservationnistes à l’intérieur des parcs.

    La FAO va, par exemple, conditionner son aide au Kenya, à l’Éthiopie ou à la Tanzanie pour l’achat de matériel agricole à l’acceptation des règles édictées par l’Unesco – à savoir que soient expulsées les populations qui vivent dans les parcs pour préserver les grands mammifères. C’est donc un véritable système international qui se met en place, dans lequel les agences des Nations unies vont avoir recours à des experts qu’elles vont mandater auprès de l’UICN, du WWF ou de la #FFI.

    Dans les années qui suivent la #décolonisation, les dirigeants africains participent eux aussi à cette #mythification d’un continent foisonnant de vie, car préservé des activités humaines. Quelle est leur part de responsabilité dans la construction de cet #imaginaire ?
    G. B. S’ils n’ont pas choisi ce cadre culturel imposé par les experts internationaux de la conservation, selon lequel l’Afrique serait le dernier refuge mondial de la faune sauvage, ils savent en revanche le mettre au service de leurs propres intérêts. Au #Congo, rebaptisé Zaïre en 1971 par le président Mobutu, ce dernier explique lors d’une conférence de l’UICN qui se tient à Kinshasa que son pays a créé bien plus de parcs que le colonisateur belge qui l’a précédé.

    En 1970, soit près de 10 ans après son indépendance, la Tanzanie a de son côté quadruplé son budget dédié aux parcs nationaux, sous l’impulsion de son Premier ministre #Julius_Nyerere, bien conscient que le parc national représente une véritable #opportunité_économique. Si Julius Nyerere n’envisage pas de « passer (s)es vacances à regarder des crocodiles barboter dans l’eau », comme il l’explique lui-même dans la presse tanzanienne, il assure que les Occidentaux sont prêts à dépenser des millions de dollars pour observer la faune exceptionnelle de son pays. Julius Nyerere entend alors faire de la nature la plus grande ressource économique de la Tanzanie.

    Certains responsables politiques africains mettent aussi à profit le statut de parc national pour contrôler une partie de leur population…
    G. B. Pour une nation comme l’Éthiopie d’#Hailé_Sélassié, la mise en parc de la nature donne la #légitimité et les moyens financiers pour aller planter le drapeau national dans des territoires qui échappent à son contrôle. Lorsque l’UICN et le WWF suggèrent à l’empereur d’Éthiopie de mettre en parc différentes régions de son pays, il choisit ainsi le #Simien, dans le Nord, une zone de maquis contestant le pouvoir central d’Addis-Abeba, l’#Awash, dans l’Est, qui regroupe des semi-nomades vivant avec leurs propres organisations politiques, et la #vallée_de_l’Omo, dans le Sud, où des populations circulent librement entre l’Éthiopie et le Kenya sans reconnaître les frontières nationales.

    En Afrique, la mise sous protection de la nature sauvage se traduit souvent par l’#expulsion des peuples qui vivent dans les zones visées. Quelles sont les conséquences pour ces hommes et ces femmes ?
    G. B. Ce #déplacement_forcé s’apparente à un véritable tremblement de terre, pour reprendre l’expression du sociologue américain Michael Cernes, qui a suivi les projets de #déplacement_de_populations menés par les Nations unies. Pour les personnes concernées, c’est la double peine, puisqu’en étant expulsées, elles sont directement impactées par la création des parcs nationaux, sans en tirer ensuite le moindre bénéfice. Une fois réinstallées, elles perdent en effet leurs réseaux d’entraide pour l’alimentation et les échanges socio-économiques.

    Sur le plan environnemental, c’est aussi une catastrophe pour le territoire d’accueil de ces expulsés. Car, là où la terre était en mesure de supporter une certaine densité de bétail et un certain niveau d’extraction des ressources naturelles, la #surpopulation et la #surexploitation de l’#environnement dont parlent les experts de la conservation deviennent réalité. Dans une étude publiée en 20012, deux chercheurs américain et mozambicain ont tenté d’évaluer le nombre de ces expulsés pour l’ensemble des parcs nationaux d’Afrique. En tenant compte des lacunes statistiques des archives historiques à ce sujet, les chercheurs ont estimé qu’entre 1 et 14 millions de personnes avaient été contraintes de quitter ces espaces de conservation au cours du XXe siècle.

    Depuis la fin des années 1990, les politiques globales de la #conservation_de_la_nature s’efforcent d’associer les populations qui vivent dans ou à côté des #aires_protégées. Comment se matérialise cette nouvelle philosophie de la conservation pour les populations ?
    G. B. Cette nouvelle doctrine se traduit de différentes manières. Si l’on prend l’exemple de l’#Ouganda, la population va désormais pouvoir bénéficier des revenus du #tourisme lié aux parcs nationaux. Mais ceux qui tirent réellement profit de cette ouverture des politiques globales de conservation sont souvent des citadins qui acceptent de devenir entrepreneurs ou guides touristiques. Les habitants des parcs n’ont pour leur part aucun droit de regard sur la gestion de ces espaces protégés et continuent de s’y opposer, parfois avec virulence.

    En associant les populations qui vivent dans ou à proximité des parcs à la gestion de la grande faune qu’ils abritent, la conservation communautaire les incite à attribuer une valeur monétaire à ces animaux. C’est ce qui s’est produit en #Namibie. Plus un mammifère est prisé des touristes, comme l’éléphant ou le lion, plus sa valeur pécuniaire augmente et, avec elle, le niveau de protection que lui accorde la population. Mais quid d’une pandémie comme le Covid-19, provoquant l’arrêt de toute activité touristique pendant deux ans ? Eh bien, la faune n’est plus protégée, puisqu’elle n’a plus aucune valeur. Parce qu’il nie la singularité des sociétés auxquelles il prétend vouloir s’adapter, le modèle de la #conservation_communautaire, qui prétend associer les #populations_locales, se révèle donc souvent inefficace.

    Des mesures destinées à exclure les humains des espaces naturels protégés continuent-elles d’être prises par certains gouvernements africains ?
    G. B. De telles décisions restent malheureusement d’actualité. Les travaux de l’association Survival International l’ont très bien documenté au #Cameroun, en #République_démocratique_du_Congo ou en Tanzanie. En Éthiopie, dans le #parc_du_Simien, où je me suis rendu à plusieurs reprises, les dernières #expulsions datent de 2016. Cette année-là, plus de 2 500 villageois ont été expulsés de force à 35 km du parc. Dans les années 2010, le géographe américain Roderick Neumann a pour sa part recensé jusqu’à 800 #meurtres liés à la politique de « #shoot_on_sight (tir à vue) » appliquée dans plusieurs parcs nationaux d’Afrique de l’Est. Selon cette doctrine, toute personne qui se trouve à l’intérieur du parc est soupçonnée de #braconnage et peut donc être abattue par les éco-gardes. Dans des pays où le braconnage n’est pourtant pas passible de peine de mort, de simples chasseurs de petit gibier sont ainsi exécutés sans sommation.

    En Europe, les règles de fonctionnement des parcs nationaux diffèrent de celles qui s’appliquent aux espaces de protection africains. Si on prend l’exemple du parc national des Cévennes, l’agriculture traditionnelle et le pastoralisme n’y sont pas prohibés, mais valorisés en tant qu’éléments de la culture locale. Comment expliquer ce « deux poids, deux mesures » dans la façon d’appréhender les espaces de protection de la nature en Europe et en Afrique ?
    G. B. Le parc national des Cévennes, créé en 1970, abrite plus de 70 % du site des Causses et Cévennes, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis 2011. Or la valeur universelle exceptionnelle qui conditionne un tel classement est, selon l’Unesco, « l’agropastoralisme, une tradition qui a façonné le paysage cévenol ». C’est d’ailleurs à l’appui de cet argumentaire que l’État français alloue des subventions au parc pour que la transhumance des bergers s’effectue à pied et non pas en camions, ou bien encore qu’il finance la rénovation des toitures et des murs de bergeries à partir de matériaux dits « traditionnels ».

    En revanche, dans le parc éthiopien du Simien, la valeur universelle exceptionnelle qui a justifié le classement de ce territoire par l’Unesco est « ses #paysages spectaculaires ». Mais si les #montagnes du Simien ont été classées « en péril3 » et les populations qui y vivaient ont été expulsées, c’est, selon les archives de cette même organisation internationale, parce que « l’#agropastoralisme menace la valeur du bien ».

    À travers ces deux exemples, on comprend que l’appréciation des rapports homme-nature n’est pas univoque en matière de conservation : il y a une lecture selon laquelle, en Europe, l’homme façonne la nature, et une lecture selon laquelle, en Afrique, il la dégrade. En vertu de ce dualisme, les activités agropastorales relèvent ainsi d’une #tradition à protéger en Europe, et d’une pratique destructrice à éliminer en Afrique.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/parcs-Afrique-colonialisme-histoire-nature-faune
    #colonialisme #animaux #ingénierie_démographique

    • La nature des hommes. Une mission écologique pour « sauver » l’Afrique

      Pendant la colonisation, pour sauver en Afrique la nature déjà disparue en Europe, les colons créent des parcs en expulsant brutalement ceux qui cultivent la terre. Et au lendemain des indépendances, avec l’Unesco ou le WWF, les dirigeants africains « protègent » la même nature, une nature que le monde entier veut vierge, sauvage, sans hommes.
      Les suites de cette histoire sont connues : des millions de paysans africains expulsés et violentés, aujourd’hui encore. Mais comment a-t-elle pu advenir ? Qui a bien pu organiser cette continuité entre le temps des colonies et le temps des indépendances ? Guillaume Blanc répond à ces questions en plongeant le lecteur au cœur d’une étrange mission écologique mondiale, lancée en 1961 : le « Projet spécial africain ».
      L’auteur raconte l’histoire de ce Projet, mais, plutôt que de suivre un seul fil narratif, il redonne vie à quatre mondes, que l’on découvre l’un après l’autre : le monde des experts-gentlemen qui pensent l’Afrique comme le dernier refuge naturel du monde ; celui des colons d’Afrique de l’Est qui se reconvertissent en experts internationaux ; celui des dirigeants africains qui entendent contrôler leurs peuples tout en satisfaisant les exigences de leurs partenaires occidentaux ; celui, enfin, de paysans auxquels il est demandé de s’adapter ou de disparaître. Ces hommes ne parlent pas de la même nature, mais, pas à pas, leurs mondes se rapprochent, et ils se rencontrent, pour de bon. Ici naît la violence. Car c’est la nature des hommes que d’échanger, pour le meilleur et pour le pire.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_nature_des_hommes-9782348081750
      #livre

  • Mettre un terme au génocide en cours ou le voir mettre fin à la vie à Gaza : des experts de l’ONU affirment que les États sont confrontés à un choix décisif (07 mai 2025)

    https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2025/05/end-unfolding-genocide-or-watch-it-end-life-gaza-un-experts-say-states-face

    [Texte intégral :]

    GENÈVE – Les atrocités croissantes à Gaza représentent un tournant moral à prendre d’urgence et les États doivent agir maintenant pour mettre fin à la violence, sans quoi ils seront témoins de l’anéantissement de la population palestinienne de Gaza, une issue qui aurait des conséquences irréversibles pour notre humanité commune et l’ordre multilatéral, ont averti aujourd’hui des experts de l’ONU, qui ont exigé une intervention internationale immédiate.

    « Alors que les États débattent de la terminologie (s’agit-il ou non d’un génocide ?), Israël poursuit sa destruction implacable de la vie à Gaza, par des attaques terrestres, aériennes et maritimes, déplaçant et massacrant en toute impunité la population restante », ont déclaré les experts.

    « Personne n’est épargné, que ce soient les enfants, les personnes handicapées, les mères allaitantes, les journalistes, les professionnels de la santé, les travailleurs humanitaires ou les otages. Depuis la rupture du cessez-le-feu, Israël a tué des centaines de Palestiniens, souvent quotidiennement, le pire ayant eu lieu le 18 mars 2025, date à laquelle 600 victimes ont été dénombrées en 24 heures, dont 400 enfants. »

    « Il s’agit de l’une des manifestations les plus ostentatoires et les plus #impitoyables de la profanation de la vie et de la dignité humaines », ont affirmé les experts.

    Cette agression a transformé Gaza en un paysage de désolation, où près de la moitié des victimes sont des enfants et où des milliers de personnes sont encore déplacées. Le groupe d’experts a recensé plus de 52 535 morts, dont 70 % sont des femmes et des enfants, et 118 491 blessés en date du 4 mai 2025.

    Depuis mars 2025, date qui coïncide avec la fin du cessez-le-feu, Israël a rétabli un blocus encore plus strict sur Gaza, enfermant de fait sa population dans la misère, la faim et la maladie. « Sous les bombardements constants, au milieu de logements en ruines, de rues transformées en zones de terreur et d’un paysage dévasté, 2,1 millions de survivants sont confrontés à une crise humanitaire extrêmement grave », ont déclaré les experts. « La nourriture et l’eau sont coupées depuis des mois, provoquant la famine, la déshydratation et des maladies, ce qui entraînera de nouveaux décès qui deviendront la réalité quotidienne pour beaucoup, en particulier les plus vulnérables. »

    Au milieu de ce carnage, les déclarations israéliennes qui oscillent entre le blocage pur et simple de l’aide et les déblocages dépendant d’autres objectifs stratégiques, témoignent d’une intention claire de faire de la #famine une arme de guerre, et de faire régner l’incertitude chez la population face à ses besoins fondamentaux, ce qui augmente le risque de traumatisme et de problèmes de santé mentale, ont-ils averti.

    « Non seulement l’acheminement de l’aide humanitaire est l’une des obligations les plus importantes d’Israël en tant que puissance occupante, mais l’épuisement délibéré des produits de première nécessité, la destruction des ressources naturelles et la volonté calculée de conduire Gaza au bord de l’effondrement corroborent sa responsabilité criminelle », ont déclaré les experts.

    « Ces actes, outre le fait qu’ils constituent des #crimes internationaux graves, s’inscrivent dans des schémas alarmants et avérés de conduite #génocidaire. »

    Les experts ont appelé les États à dépasser la #rhétorique et à prendre des mesures concrètes pour mettre fin immédiatement au carnage et faire en sorte que les auteurs de ces actes répondent de leurs actes.

    « Le monde entier est attentif. Les États Membres respecteront-ils leurs obligations et interviendront-ils pour mettre fin aux massacres, à la faim, aux maladies et aux autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés chaque jour en toute impunité ? »

    Les normes internationales ont été établies précisément pour prévenir de telles horreurs. Pourtant, alors que des millions de personnes manifestent dans le monde entier pour la justice et l’humanité, leurs appels sont étouffés. Cette situation envoie un message funeste : les #vies palestiniennes sont superflues et le droit international, s’il n’est pas appliqué, ne veut rien dire », ont indiqué les experts.

    Ils ont rappelé que le droit des Palestiniens à l’autodétermination est irrévocable. « Les États doivent agir rapidement pour mettre fin au génocide en cours, démanteler l’apartheid et garantir un avenir dans lequel les Palestiniens et les Israéliens coexisteront dans la liberté et la dignité.

    « Les #mandats d’arrêt de la CIJ contre les dirigeants israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité nécessitent une action et un respect immédiats. L’avis consultatif de la #CIJ impose la fin de l’occupation prolongée et l’Assemblée générale a fixé la date limite au 17 septembre 2025 », ont spécifié les experts.

    Ils ont par ailleurs averti qu’en continuant à soutenir Israël matériellement ou politiquement, notamment par des transferts d’armes et la fourniture de services militaires et de sécurité privés, les États risquaient de se rendre #complices d’un génocide et d’autres crimes internationaux graves.

    Le choix est grave : rester passifs et assister au massacre d’innocents ou participer à l’élaboration d’une résolution juste. La #conscience mondiale se réveille. Si elle s’affirme, malgré le gouffre moral dans lequel nous nous enfonçons, la justice finira par #triompher », ont-ils déclaré.

  • Grèce : abandonnés par leur passeur, des migrants font naufrage en mer Égée, un mort - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/63562/grece--abandonnes-par-leur-passeur-des-migrants-font-naufrage-en-mer-e

    Grèce : abandonnés par leur passeur, des migrants font naufrage en mer Égée, un mort
    Par La rédaction Publié le : 24/03/2025
    Un homme a été repêché inconscient samedi soir au large de l’îlot de Farmakonissi, en mer Égée. Quatre personnes ont également été hospitalisées. Les autres migrants secourus, tous Afghans, ont été transférés dans le centre d’accueil de Leros. Selon les témoignages des rescapés, leur passeur les a abandonnés au large avant de rebrousser chemin vers la Turquie.
    La police portuaire grecque a annoncé dimanche 23 mars avoir trouvé un migrant mort au large de l’îlot de Farmakonissi en mer Egée. Les autorités ont aussi secouru dix-huit personnes abandonnées par leur passeur en provenance des côtes proches turques."L’homme a été repêché inconscient samedi soir au large de Farmakonissi tandis que trois enfants, accompagnés d’une personne du groupe, ont dû être transférés à Athènes où ils ont été hospitalisés", a indiqué à l’AFP une responsable du bureau de presse des gardes-côtes sans donner plus de détails."Le reste des rescapés, 14 Afghans au total, ont été transférés sains et saufs dans le camp d’accueil de Leros", une île proche, selon cette responsable.
    Selon les témoignages des rescapés, leur passeur les a abandonnés samedi soir au large des côtes d’Agathonissi avant de rebrousser chemin vers la Turquie. Les gardes-côtes effectuent des recherches depuis samedi soir pour s’assurer qu’il n’y a pas de personnes portées disparues parmi le groupe de migrants.
    Plus de 2 000 morts en 2024
    Situées aux confins du sud-est de l’Europe, en Méditerranée orientale, les îles grecques sont un passage habituel pour migrants et demandeurs d’asile en provenance surtout de l’Asie et du Moyen-Orient et à destination de l’Europe occidentale.Les victimes sont fréquentes lors de cette traversée périlleuse comme sur l’ensemble de la Méditerranée, l’une de principales routes migratoires où 2 452 décès ont été documentés en 2024, selon l’ONU.Sept personnes sont mortes au large des côtes ouest de la Turquie, ont annoncé le 17 janvier 2025 les autorités turques. Les victimes sont tombées à l’eau alors que les gardes-côtes turcs tentaient d’intercepter leur embarcation pneumatique. Deux semaines avant ce drame, huit personnes avaient trouvé la mort dans un autre naufrage au large de Rhodes. Vingt-six avaient alors été secourues par les autorités grecques.Le 14 décembre 2024, cinq migrants ont péri dans le naufrage de leur embarcation au large de la Crète, ont annoncé les gardes-côtes grecs. Une quarantaine de personnes seraient aussi portées disparues. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 62 000 migrants sont arrivés en Grèce (par terre et mer) sur l’ensemble de l’année 2024.

    #Covid-19#migrant#migration#grece#turquie#mediterranee#afghanistan#routemigratoire#mortalite#leros#rhodes#meregee#sante

  • La guerre à l’#accès_aux_droits des étrangers

    Pour les avocats spécialisés en #droit_des_étrangers, la tâche est ardue. Ils occupent une position dominée dans leur champ, les lois évoluent très vite, et une nouvelle forme de #violence se fait jour, y compris contre les magistrats : des campagnes diffamatoires par des médias d’extrême droite – jusqu’à rendre publics les noms des « coupables de l’invasion migratoire ».
    Le gouvernement Bayrou, dans une continuité incrémentale avec l’orientation répressive déjà actée par les gouvernements Attal puis Barnier, est entré dans une #guerre ouverte contre les étrangers.

    L’arsenal lexical et juridique déployé en témoigne : de la #rhétorique de la « #submersion » à l’enterrement du #droit_du_sol à #Mayotte, en passant par la restriction drastique des conditions pour l’#admission_exceptionnelle_auséjour, l’attitude belliqueuse de l’exécutif et de ses alliés dans l’hémicycle n’a de cesse de s’affirmer et de s’assumer, quitte à remettre en cause l’#État_de_droit qui, selon Bruno Retailleau, ne serait désormais ni « intangible, ni sacré ».

    Il faut dire aussi que le vent xénophobe qui souffle sur l’Europe ne fait qu’encourager ces choix nationaux décomplexés : le Nouveau Pacte européen sur l’asile et l’immigration, adopté au printemps 2024 et dont le Plan français de mise en œuvre n’a pas été rendu public malgré les diverses sollicitations associatives, a déjà entériné le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, la banalisation de l’#enfermement et du #fichage des étrangers[1],dans un souci de résister « aux situations de #crise et de #force_majeure ».

    C’est donc dans ce contexte politique hostile, caractérisé entre autres par une effervescence législative remarquable qui les oblige à se former constamment, que les avocats exercent leur métier. Ainsi, défendre les droits des personnes étrangères est difficile, d’abord et avant tout parce qu’ils en ont de moins en moins.

    Deuxièmement, les conditions pour exercer le métier afin de défendre ce qui reste de ces #droits peuvent être difficiles, notamment à cause des contraintes multiples d’ordre économique, symbolique ou encore procédural. Tout d’abord, ces professionnels savent qu’ils pratiquent un droit doublement « des pauvres » : d’une part, cette matière est plutôt dépréciée par une grande partie des collègues et magistrats, car souvent perçue comme un droit politique et de second rang, donnant lieu à des contentieux « de masse » répétitifs et donc inintéressants (on aurait plutôt envie de dire « déshumanisants ») ; d’autre part, ces mêmes clients ont souvent réellement des difficultés financières, ce qui explique que la rémunération de leur avocat passe fréquemment par l’#Aide_Juridictionnelle (AJ), dont le montant est loin d’évoluer suivant le taux d’inflation.

    Concernant les obstacles d’ordre procédural, la liste est longue. Que ce soit pour contester une décision d’éloignement du territoire ou une expulsion de terrain devenu lieu de vie informel, le travail de l’avocat doit se faire vite. Souvent, il ne peut être réalisé dans les temps que grâce aux collaborations avec des bénévoles associatifs déjà débordés et à bout de souffle, mais proches des situations de terrain, et donc seuls à même de collecter les nombreuses pièces à déposer pour la demande de l’AJ ou encore pour apporter les preuves des violences subies par les justiciables lors d’évacuations ou d’interpellations musclées. Pour gagner ? Pas autant de fois qu’espéré : les décisions de #justice décevantes sont légion, soit parce qu’elles interviennent ex post, lorsque la #réparation du tort n’est plus possible, soit parce qu’elles entérinent l’#impunité des responsables d’abus, soit parce que, même lorsqu’elles donnent raison aux plaignants, elles ne sont pas exécutées par les préfectures, ou encore elles ont peu de pouvoir dissuasif sur des pratiques policières ou administratives récidivantes.

    Enfin, même lorsque des droits des étrangers existent toujours sur le papier, en faire jouir les titulaires est un parcours du combattant : l’exemple de la #dématérialisation des services publics est un exemple flagrant. Assurément, Franz Kafka en aurait été très inspiré : toutes les démarches liées au #droit_au_séjour des étrangers doivent désormais se faire en ligne, alors que dans certaines préfectures l’impossibilité de prendre un rendez-vous en des temps compatibles avec le renouvellement du #titre_de_séjour fait plonger dans l’#irrégularité beaucoup de personnes parfois durablement installées et insérées professionnellement en France.

    Même la Défenseure des droits, dans un rapport rendu public le 11 décembre 2024, a épinglé l’#Administration_numérique_des_étrangers_en_France (#ANEF) en pointant du doigt sa #responsabilité en matière d’« #atteintes_massives » aux droits des usagers. Parmi ces derniers, les étrangers sont de plus en plus nombreux à faire appel à des avocats censés demander justice en cas de risque ou de perte du droit au séjour à la suite des couacs divers en #préfecture, dans sa version numérique ou non, comme dans le cas des « #refus_de_guichet ». Et encore une fois, pour les avocats il s’agit d’intenter des #procédures_d’urgence (les #référés), qui engorgent la #justice_administrative à cause de dysfonctionnements généralisés dont les responsables sont pourtant les guichets de ce qui reste du #service_public.

    Ces dysfonctionnements sont au cœur d’une stratégie sournoise et très efficace de #fabrication_de_sans-papiers, et les craintes des personnes étrangères sont d’ailleurs bien fondées : avec l’entrée en vigueur de la nouvelle #loi_immigration, dite Darmanin, les refus ou pertes de titre de séjours sont assorties d’obligations de quitter le territoire français (#OQTF), avec, à la clé, le risque d’enfermement en #Centre_de_Rétention_Administrative (#CRA) et d’#éloignement_du_territoire.

    Au vu du nombre grandissant d’étrangers déjà en situation irrégulière ou craignant de le devenir, des nouvelles entreprises privées y ont vu un marché lucratif : elles vendent en effet à ces clients potentiels des démarches censées faciliter leur #régularisation ou encore l’accès à la nationalité française. À coup de pubs sur les réseaux sociaux et dans le métro, puis de slogans aguicheurs (« Devenez citoyen français et démarrez une nouvelle vie ! ») et de visuels bleu-blanc-rouges, ces entreprises facturent des prestations de préparation de dossier à plusieurs centaines voire milliers d’euros, sans toutefois vérifier systématiquement l’éligibilité de la personne au titre demandé et donc sans même garantir le dépôt effectif du dossier[2].Qui sont donc ces magiciens autoproclamés des procédures, qui se font payer à prix d’or ? Les équipes sont présentées sur les sites de ces entreprises comme étant composées d’« experts spécialisés en démarches administratives », et encore de « conseillers dévoués ». Si l’accompagnement d’un avocat est nécessaire ou souhaité, mieux vaut aller voir ailleurs avant d’avoir signé le premier chèque…

    Les temps sont donc troubles. Et ils le sont aussi parce que les vrais professionnels du droit, celles et ceux qui ne cessent de se mettre à jour des derniers changements législatifs ou procéduraux, et de travailler en essayant de tenir les délais de plus en plus serrés de la justice (au rabais) des étrangers, sont ouvertement menacés.

    Le cas du hors-série n° 1 du magazine Frontières est exemplaire d’une attitude fascisante et décomplexée, déterminée à jeter le discrédit sur les avocats, les #magistrats et les #auxiliaires_de_justice (accompagnés bien sûr des ONG, associations, et universitaires « woke »), coupables de défendre les droits de celles et ceux que la fachosphère voudrait bien rayer de la catégorie de justiciables : les #étrangers. Discrédit qui devient #menace et #mise_en_danger, lorsque les noms, les prénoms, la fonction et le lieu d’exercice de ces maîtres à abattre sont rendus publics : en effet, ces supposés coupables du « #chaos_migratoire » sont explicitement identifiés dans ces pages. Plus précisément, plusieurs dizaines d’« #avocats_militants », profitant des dossiers de l’aide juridictionnelle pour « passer des vacances au soleil toute l’année », sont nommément pris à parti. Les magistrats ne sont pas épargnés dans cette cabale, et le magazine les épingle également.

    Plusieurs sonnettes d’alarme ont été tirées, du Conseil des barreaux européens (CCBE) au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTA) : cette dernière instance relevant du Conseil d’État, généralement très discrète, s’est exprimée publiquement le 11 février dernier pour dénoncer sans ambiguïté les injures et menaces proférées nominativement à l’encontre d’avocats et #juges, ainsi que la mise en cause de l’#indépendance et de l’#impartialité de la justice administrative, estimant que « toutes les suites pénales susceptibles d’être engagées doivent l’être ». La matière pour le faire ne semble pas manquer, et des #plaintes avec constitution de partie civile ont déjà été déposées par le passé par des magistrats, donnant lieu à des contentieux pénaux dont certains sont encore en cours. Mais face à la montée des récriminations violentes contre les juges « rouges », plusieurs juridictions s’organisent pour attribuer la #protection_fonctionnelle à leur personnel.
    Et ce n’est pas bon signe.

    Malgré le soutien de #Gérald_Darmanin aux magistrats menacés, dans ses nouvelles fonctions de Ministre de la Justice, son homologue de l’Intérieur a repris un vieux cheval de bataille qui revient à fustiger la supposée « #confiscation_du_pouvoir_normatif » par les juridictions européennes ou nationales : en défendant la légitimité du #non-respect_du_droit lorsqu’il est considéré incompatible avec les principes nationaux, une brèche de plus a été ouverte par #Bruno_Retailleau pour qui « on doit changer la loi. Aujourd’hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française ».

    En réalité, Gérald Darmanin doit en partager le raisonnement, puisque, lorsqu’il était lui-même à l’Intérieur, il avait osé autoriser l’expulsion d’un ressortissant Ouzbèke soupçonné de radicalisation malgré la décision contraire de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), pour ensuite être débouté par le juge des référés du Conseil d’État qui avait enjoint sa réadmission. Ce #contrôle_juridictionnel est considéré par un nombre croissant d’élus, et d’internautes violents, comme excessif et nuisible à l’efficacité du maintien de l’ordre. De là à traiter les avocats et magistrats « fautifs » de trop brider les ambitions sécuritaires du gouvernement comme des ennemis intérieurs, il n’y a qu’un pas.

    Les plus optimistes pourront toujours considérer le #Conseil_Constitutionnel comme le dernier rempart vis-à-vis des risques d’ingérence de l’exécutif sur le judiciaire. Mais que peut-on attendre de cette institution et de son #impartialité, lorsque l’on sait que les « Sages » sont souvent d’anciens professionnels de la politique, peu ou pas formés au droit, dont #Richard_Ferrand, à peine nommé, est un exemple parfait ?

    L’histoire nous le dira. En attendant, il serait opportun de penser à faire front.

    https://aoc.media/analyse/2025/03/16/la-guerre-a-lacces-aux-droits-des-etrangers
    #mots #vocabulaire #terminologie #Etat_de_droit #xénophobie #contrôles_frontaliers #avocats #juges_rouges
    ping @reka @isskein @karine4

  • L’Union européenne épinglée pour sa politique de « #dissuasion_mortelle » en matière d’immigration et d’asile

    Pour l’association #Human_Rights_Watch, qui vient de publier son #rapport annuel, le monde a échoué à faire respecter les droits humains en 2024. Y compris les démocraties.

    Le ton de Tirana Hassan est cinglant quand elle introduit le rapport annuel de l’association Human Rights Watch (HRW), dont elle est la directrice exécutive. « Les gouvernements du monde entier sont appelés à démontrer leur engagement en faveur des droits humains, de la démocratie et de l’action humanitaire. Nombreux sont ceux qui ont échoué à ce test. » Le verdict, sans appel, est annoncé d’emblée pour la centaine de pays analysés dans le compte rendu de 500 pages paru ce jeudi.

    « Les démocraties libérales ne sont pas toujours des défenseurs fiables des #droits_humains » (Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch)

    Les pays européens n’y échappent pas (la Belgique non plus, bien qu’aucun chapitre ne lui soit dédié). En effet, « l’année écoulée a une fois de plus mis en lumière une réalité souvent ignorée, poursuit Tirana Hassan. Les démocraties libérales ne sont pas toujours des défenseurs fiables des droits humains, que ce soit dans leur pays ou à l’étranger. » Beaucoup d’États membres sont pointés durement dans le rapport : France, Allemagne, Italie, Espagne, Grèce, Hongrie, Pologne…

    Une grande partie du chapitre sur l’#Union_européenne (#UE) se penche sur sa #politique_migratoire. « Il existe un fossé entre la #rhétorique de l’Union européenne sur les droits humains et les lois et #pratiques souvent inadéquates, et parfois abusives, des États membres », peut-on lire dans le rapport. L’année 2024 a en effet été marquée par l’entrée en vigueur du #Pacte_sur_la_migration_et_l'asile, qui sera pleinement applicable à partir de juin 2026. #HRW cible, entre autres, le mécanisme de #relocalisation – ou #délocalisation – dans un pays tiers des migrants pour soulager un État membre sous pression.

    #Traitement_inhumain des migrants

    Pour l’association, une telle mesure « encourage les États membres à renvoyer les personnes vers des pays de transit situés en dehors de l’UE, où elles risquent d’être victimes d’abus ou d’être refoulées en chaîne ». Le rapport explique que des « atrocités [sont] commises à grande échelle contre les migrants en Libye » (détentions arbitraires, torture, travail forcé), que les enfants réfugiés n’ont pas accès aux écoles publiques en Égypte et que des « expulsions collectives illégales et abusives de centaines de migrants » sont opérées par la Tunisie aux frontières algériennes et libyennes.

    HRW accuse l’UE de s’être « largement abstenue de dénoncer les violations des droits des migrants dans [ces] pays avec lesquels elle a conclu [des] #partenariats » pour contrôler le flux des migrants. Le tout avec la #complicité de #Frontex, l’Agence européenne de surveillance des frontières, qui est également épinglée dans le rapport. Cette dernière s’est félicitée mardi d’avoir enregistré une baisse de 38 % des franchissements irréguliers des frontières en 2024 (soit 239 000 entrées, le niveau le plus bas depuis 2021) « malgré une pression migratoire persistante ». HRW estime que c’est « avec le soutien des avions de Frontex » que l’Italie et Malte (pour ne citer que ces deux pays) ont réussi, en coopérant avec les forces libyennes, à intercepter et renvoyer des bateaux de migrants. En d’autres termes, à mettre en place une stratégie de #refoulement illégal, car contraire au droit international et à la convention de Genève relative au statut des réfugiés.

    « Dissuasion mortelle »

    Benjamin Ward, directeur européen de HRW, estime que « les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés sont confrontés à la #violence […] et même à la #mort en raison de l’accent mis par l’UE sur les politiques de dissuasion et d’#externalisation ». Le rapport dénonce une politique migratoire européenne « de plus en plus axée sur la dissuasion mortelle ». L’association s’inquiète du manque d’enquêtes appropriées et indépendantes sur la #non-assistance aux migrants en détresse, les #mauvais_traitements et les #abus constatés en #Méditerranée. Elle dénonce par exemple le verdict d’un tribunal grec qui, en mai dernier, a acquitté, pour défaut de compétence, neuf personnes accusées d’avoir provoqué en 2023 le naufrage d’un navire transportant 750 migrants, qui a pourtant fait des centaines de morts.

    Le 7 janvier, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné pour la première fois la Grèce à indemniser une demandeuse d’asile d’un refoulement illégal vers la Turquie

    Notons néanmoins que le 7 janvier, la #Cour_européenne_des_droits_de_l'Homme (#CEDH), elle, a condamné pour la première fois la Grèce à indemniser d’une somme de 20 000 euros une demandeuse d’asile d’un refoulement illégal vers la Turquie. La Hongrie a également été condamnée par la CEDH en juin, souligne le rapport. Elle était accusée d’avoir illégalement détenu et affamé des demandeurs d’asile, dont un enfant de cinq ans, en 2017 et 2019, dans la zone de transit mise en place à la frontière serbe. La #Cour_de_justice_de_l'Union européenne, pour sa part, l’a condamnée à payer une amende de 200 millions d’euros pour les restrictions qu’elle continue d’imposer au droit d’asile, devenu pratiquement impossible à obtenir à cause d’une loi de 2020.

    La #justice, solide rempart

    Les tribunaux italiens, eux aussi, remettent en question la gestion migratoire de Rome, qui externalise le contrôle des migrations vers la #Libye. HRW évoque par exemple la condamnation de deux capitaines, l’un par la Cour de cassation italienne (la plus haute juridiction pénale), l’autre par un tribunal civil de Rome, pour avoir chacun renvoyé une centaine de personnes en Libye. L’un d’eux doit, avec les autorités italiennes, octroyer une indemnisation financière aux victimes qui avaient porté l’affaire en justice.

    Les Nations unies se sont assurés que l’Italie va évacuer 1 500 personnes depuis la Libye d’ici à 2026

    Des juges italiens ont également estimé illégale la détention de deux groupes d’hommes secourus en mer par l’Italie et envoyés en Albanie. Depuis, ces hommes ont été transférés en Italie. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) s’est également assurée que l’Italie va évacuer ou réinstaller 1 500 personnes, cette fois-ci depuis la Libye, d’ici à 2026.

    Protection des droits ici et ailleurs

    La justice ne laisse donc pas tout passer. Mais est-elle suffisante toute seule ? « Les dirigeants de l’UE doivent abandonner ces stratégies néfastes […] et créer des itinéraires sûrs et légaux pour les personnes en quête d’asile et de sécurité, insiste Benjamin Ward. À l’heure où une grande partie du monde est en crise, la nécessité d’un leadership fondé sur les droits humains en Europe est plus grande que jamais. »

    « Lorsque les droits sont protégés, l’humanité s’épanouit » (Tirana Hassan, directrice exécutive de Human Rights Watch)

    Face à ce constat affligeant, Iskra Kirova, directrice du plaidoyer auprès de la division européenne de HRW, appelle les citoyens européens à se rappeler de leurs valeurs, « à savoir la protection des droits humains et le #droit_international. Il existe de nombreuses informations erronées sur les personnes migrantes, colportées à des fins politiques pour susciter de la #peur. Nous ne devons pas nous laisser induire en erreur. Les personnes qui méritent une protection devraient se voir offrir cette option. C’est la seule chose humaine à faire. Je pense que la plupart des Européens seront d’accord avec cela ».

    Tirana Hassan conclut le message de HRW en affirmant que « la tâche qui nous attend est claire : les gouvernements ont la responsabilité de s’opposer aux efforts qui font reculer [les droits humains]. Lorsque les droits sont protégés, l’humanité s’épanouit ».

    https://www.lalibre.be/international/europe/2025/01/16/lunion-europeenne-epinglee-pour-sa-politique-de-dissuasion-mortelle-en-matie
    #dissuasion #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #migrations #réfugiés #frontières #dissuasion_meurtrière

    ping @karine4

    • Union européenne. Événements de 2024

      Il existe un fossé entre le discours de l’Union européenne sur les droits humains et les lois et pratiques souvent inadéquates et parfois abusives de ses États membres. Ce fossé est particulièrement marqué s’agissant de politiques de migration et d’asile, de lutte contre le racisme et de protection de l’État de droit.
      Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

      La politique de l’UE en matière de migration et d’asile se concentre de plus en plus sur une dissuasion meurtrière, comme l’illustrent en 2024 de nouvelles règles qui portent gravement atteinte aux droits des migrants et des demandeurs d’asile arrivant aux frontières de l’UE ainsi que des mesures pour intensifier la délocalisation des responsabilités vers des pays extérieurs à l’UE.

      Le Pacte de l’UE sur la migration et l’asile, adopté en mai, comprend des dispositions qui, une fois mises en œuvre, restreindront considérablement les droits. Les nouvelles règles rendront plus difficile le dépôt d’une demande d’asile et permettront aux gouvernements de prendre plus facilement des décisions hâtives sur les demandes d’asile. Elles augmenteront également le nombre de personnes détenues aux frontières de l’UE. Les pays de l’UE pourront refuser le droit de demander l’asile dans des situations vaguement définies d’« afflux massif » ou d’« instrumentalisation » de la migration par des pays tiers. Ces changements encouragent les États membres de l’UE à renvoyer les personnes vers des pays de transit situés hors de l’UE, où elles risquent d’être victimes d’abus ou de refoulements en chaîne. Le pacte ne contribue guère à améliorer le partage des responsabilités entre les pays de l’UE. En octobre, 17 États membres de l’UE ont signé un document informel appelant à une nouvelle proposition législative visant à accroître les retours.

      En 2024, l’UE a annoncé de nouveaux partenariats migratoires avec l’Égypte et la Mauritanie et a augmenté le financement de la gestion des frontières pour ces deux pays ainsi que pour le Liban, faisant suite à un accord avec la Tunisie en 2023 et à un soutien continu au contrôle des migrations pour les autorités libyennes et marocaines, sans véritables garanties en matière de droits humains. L’UE a poursuivi ces partenariats malgré les atrocités généralisées contre les migrants et les réfugiés en Libye, ainsi que les abus et le manque de protection auxquels sont confrontés les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés au Liban, en Tunisie, en Égypte, en Mauritanie, et au Maroc. L’UE a largement omis de dénoncer les violations des droits des migrants dans les pays avec lesquels elle a conclu de tels partenariats.

      L’Italie et Malte, avec l’appui des avions de Frontex, ont continué de faciliter les interceptions d’embarcations transportant des migrants et des réfugiés par les forces libyennes, et leur renvoi, au risque de graves abus. Avec le soutien de la Commission européenne, la Tunisie a déclaré en juin une zone de Recherche et de Sauvetage, qui risque d’accroître les interceptions et les renvois vers des zones d’abus en Tunisie au lieu d’améliorer la protection de la vie et la sécurité en mer.

      L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a constaté que les violations généralisées des droits aux frontières de l’UE (absence d’assistance aux migrants en détresse, mauvais traitements et abus) ne font pas l’objet d’enquêtes appropriées. L’agence a appelé à une surveillance rigoureuse aux frontières et à des mécanismes de responsabilisation plus solides. La Médiatrice européenne a déclaré que Frontex avait besoin de directives claires pour évaluer les urgences maritimes et émettre des appels de détresse pour les bateaux en difficulté, et elle a appelé à la création d’une commission d’enquête indépendante sur les décès en mer Méditerranée. En octobre, des dirigeants de l’UE ont exprimé leur soutien à la Pologne après qu’elle a annoncé qu’elle suspendrait l’accès à l’asile à la frontière biélorusse, une décision qui pourrait enfreindre le droit international et européen.

      De nombreux pays de l’UE ont exprimé leur intérêt pour des mesures visant à délocaliser la responsabilité des demandeurs d’asile ou ont approuvé ces mesures. En octobre et novembre, l’Italie a transféré les deux premiers groupes vers l’Albanie dans le cadre d’un accord en vertu duquel les hommes originaires de pays considérés comme « sûrs » et secourus ou interceptés en mer par l’Italie sont emmenés en Albanie pour le traitement de leurs demandes d’asile. L’avenir de cet accord est incertain après qu’un tribunal italien a ordonné la libération des deux groupes parce que leurs pays d’origine ne peuvent pas être catégoriquement considérés comme sûrs et a renvoyé la question à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La CJUE avait statué début octobre qu’un pays ne peut pas être considéré comme sûr s’il existe des exceptions.

      En septembre, le commissaire allemand aux migrations a suggéré que l’Allemagne pourrait envoyer certaines personnes au Rwanda, tandis que le ministre danois de l’immigration s’est rendu en Australie et à Nauru, également en septembre, pour en savoir plus sur la politique australienne abusive de traitement des demandes d’asile « offshore ». En mai, 15 États membres de l’UE ont demandé à la Commission européenne d’étudier les moyens de transférer le traitement des demandes d’asile hors de l’UE, notamment en facilitant l’envoi de personnes vers des « pays tiers sûrs ».

      Les statistiques révèlent un changement des routes migratoires, avec une augmentation significative des arrivées aux îles Canaries espagnoles ainsi qu’aux frontières terrestres de l’est de l’UE et une baisse des traversées en Méditerranée et dans les Balkans occidentaux. Au cours des neuf premiers mois de 2024, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a recensé au moins 1 452 personnes qui ont disparu ou sont décédées en mer Méditerranée et plus de 700 sur la route de l’Atlantique vers les Canaries.
      Discrimination et intolérance

      En 2024, les gouvernements européens ont exprimé leur inquiétude face à la montée des partis d’extrême droite — bien que les partis traditionnels ont imité leurs politiques et leur discours— ainsi qu’à l’augmentation des niveaux de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée. L’environnement politique à l’approche des élections européennes de juin a vu une banalisation accrue des propos racistes, islamophobes, anti-migrants et d’extrême droite.

      Cela s’est produit alors que les conséquences de l’attaque menée par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et les hostilités qui ont suivi entre Israël et les forces armées palestiniennes ont conduit à une « montée alarmante » en Europe de la haine contre les Juifs et contre les Musulmans et les personnes perçues comme telles.

      En juillet, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) a publié sa troisième enquête sur la discrimination et les crimes haineux contre les Juifs dans l’UE, qui date d’avant le 7 octobre. Elle illustre les expériences et les perceptions des personnes juives concernant les « niveaux élevés d’antisémitisme » en Europe.

      En octobre, la FRA a publié « Être musulman dans l’UE », un rapport basé sur une enquête menée dans 13 pays de l’UE auprès des musulmans sur leur expérience de discrimination, notamment de crimes haineux et de mauvais traitements infligés par la police. Près de la moitié des personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes de racisme.

      En 2024, le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et sa Commission européenne contre le racisme et l’intolérance ont ajouté leur voix aux préoccupations internationales concernant la montée de la haine antisémite et antimusulmane. En octobre, le Conseil de l’UE a adopté une déclaration sur la promotion de la vie juive et la lutte contre l’antisémitisme, soulignant l’importance de l’éducation et de la protection des victimes de toutes les formes d’antisémitisme, de racisme et d’autres formes de haine.

      Le rapport annuel 2024 de la FRA a constaté que l’intolérance générale « s’accroît dans toute l’Europe, touchant de nombreux groupes, notamment les musulmans, les personnes d’origine africaine, les Roms et les migrants », notant que « la désinformation et les plateformes en ligne ont amplifié les comportements racistes et la polarisation des attitudes. » Une enquête de la FRA a révélé qu’une personne LGBT sur trois a indiqué avoir été victime de discrimination, tandis qu’ILGA-Europe a noté une hausse des discours anti-LGBT à l’approche des élections à travers l’Europe.

      L’UE continue de manquer d’une stratégie spécifique en matière d’égalité des âges pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge.

      En mars, le Conseil de l’Europe, qui regroupe tous les États de l’UE, a adopté une Stratégie pour l’égalité des genres pour 2024-2029, portant notamment sur la violence à l’égard des femmes et des filles, l’égalité d’accès à la justice et leur participation à la vie politique, publique, sociale et économique.

      En mai, l’Union européenne a adopté une directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Cette directive prévoit des mesures visant à prévenir, protéger et améliorer l’accès à la justice des victimes de violences faites aux femmes, mais elle n’adopte pas de définition du viol fondée sur le consentement au niveau de l’Union européenne. Elle ne reconnaît pas non plus la stérilisation forcée comme un crime. La stérilisation forcée touche de manière disproportionnée les femmes et les filles handicapées et reste légale dans au moins 12 États membres de l’UE, dont la Bulgarie, le Danemark et le Portugal.

      En mai, le Conseil de l’Union européenne a adopté une nouvelle directive établissant des normes minimales pour améliorer la mise en œuvre par les États membres des lois anti-discrimination nationales et européennes.

      En septembre, la Commission européenne a présenté son rapport sur la mise en œuvre du Plan d’action de l’UE contre le racisme 2020-2025. Selon la Commission, 11 États membres de l’UE ont adopté des plans d’action nationaux spécifiques contre le racisme, mais des défis subsistent même dans ces États en raison du manque de fonds affectés à la mise en œuvre et de l’absence de ventilation des données par origine raciale et ethnique permettant d’éclairer les politiques.

      En juillet, Ursula von der Leyen, présidente reconduite de la Commission européenne, a annoncé qu’une nouvelle stratégie de lutte contre le racisme serait élaborée pour le mandat 2024-2029 de la Commission. En septembre, elle a également annoncé que les travaux sur l’égalité et la non-discrimination seraient intégrés au mandat du Commissaire chargé de la préparation et de la gestion des crises — un recul étant donné que l’égalité bénéficiait auparavant d’un commissaire dédié. En décembre, Ursula von der Leyen a reclassé les coordinateurs sur l’antisémitisme et la haine antimusulmane, en leur donnant un accès direct au bureau du président de la Commission, mais a négligé de faire de même pour le coordinateur de la lutte contre le racisme.
      Pauvreté et inégalité

      Les données de l’UE de juin 2024 ont montré que 94,6 millions de personnes (21,4 % de la population) étaient « menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale » en 2023, dont 29,3 millions ont connu de graves privations matérielles ou sociales. Les femmes restent touchées de manière disproportionnée.

      Les taux de pauvreté et d’exclusion sociale en Roumanie et en Bulgarie, les deux États de l’UE les plus touchés, ont dépassé 30 %, et ces taux sont restés supérieurs à 25 % en Grèce, en Espagne et en Lettonie, les trois autres États les plus touchés.

      En août, alors que les prix de l’énergie ont chuté, atténuant ainsi la crise du coût de la vie, l’inflation moyenne à l’échelle de l’UE est tombée à 2,2 %.

      Les gouvernements européens et les autorités intergouvernementales ont réitéré publiquement leur engagement en faveur d’une meilleure mise en œuvre et réalisation des « droits sociaux », notamment les droits protégés par la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe dans la déclaration de Vilnius en février, et les questions relevant du Socle européen des droits sociaux de l’UE dans la déclaration de La Hulpe en avril.

      Les résultats d’une enquête menée à l’échelle de l’UE et publiée en avril ont montré que 88 % des Européens considèrent que les droits sociaux, tels qu’un niveau de vie, des conditions de travail et des soins de santé adéquats, sont importants.

      En janvier, la Commission européenne a publié son cadre de suivi de la Garantie européenne pour l’enfance. Cet instrument politique européen de 2021, axé sur la lutte contre la pauvreté infantile, exige des États qu’ils garantissent d’ici 2030 un accès gratuit à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance, à un repas sain gratuit chaque jour d’école, aux soins de santé et au logement pour tous les enfants confrontés à l’exclusion sociale ou à d’autres désavantages. Les organisations de défense des droits de l’enfant ont attiré l’attention sur l’ampleur du défi, ont noté une mise en œuvre et un suivi inégaux des plans nationaux par les gouvernements et ont appelé à une meilleure collecte de données.

      Une évaluation commandée par l’UNICEF en 2024 portant sur deux décennies de stratégies européennes d’inclusion des Roms et de droits de l’enfant a appelé les autorités de l’UE et les gouvernements nationaux à adapter la Garantie européenne pour l’enfance afin d’inclure des mesures urgentes et ciblées pour lutter contre la pauvreté des enfants roms.

      Un rapport de 2024 de la Commission européenne et du Comité de la protection sociale, un organe consultatif de l’UE, a attiré l’attention sur l’écart persistant entre les pensions de retraite des hommes et des femmes (26 % d’écart entre les revenus de retraite des hommes et des femmes en 2022), résultant des inégalités de rémunération et d’emploi, et du fait que les femmes sont plus susceptibles d’interrompre leur carrière ou de travailler à temps partiel, notamment pour s’occuper de leurs proches. Les organisations de la société civile ont appelé à des systèmes de crédits de retraite plus uniformes pour remédier aux disparités, attirant particulièrement l’attention sur les niveaux élevés de pauvreté chez les femmes de plus de 75 ans.

      En juillet, la Directive européenne sur le devoir de diligence des entreprises en matière de développement durable est entrée en vigueur, obligeant les grandes entreprises à prévenir les violations des droits humains et à y remédier dans leurs chaînes d’approvisionnement. En décembre, l’UE a publié une loi interdisant la vente dans l’UE de produits fabriqués par le travail forcé.
      État de droit

      Les institutions de l’Union européenne ont continué de se concentrer sur l’État de droit et les institutions démocratiques dans les États membres, notamment par la création d’un nouveau poste de Commissaire à la démocratie, à la justice et à l’État de droit, mais les mesures concrètes visant à répondre aux préoccupations les plus graves n’ont pas été à la hauteur.

      La Hongrie continue d’être soumise à un examen au titre de l’article 7 du Traité sur l’Union européenne (TEU), l’instrument du traité de l’UE qui permet de traiter les violations graves de l’État de droit par le dialogue et d’éventuelles sanctions. Le Conseil de l’UE a tenu sa septième audition sur la Hongrie, mais malgré des « insuffisances graves persistantes » dans la plupart des domaines soulevés dans l’action du Parlement européen de 2018 qui a déclenché la procédure, les États membres de l’UE n’ont pas émis de recommandations au gouvernement hongrois ni organisé de vote sur la question de savoir si la Hongrie risquait de violer gravement les valeurs de l’UE.

      En mars, le Parlement européen a intenté une action contre la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne, lui demandant de contrôler la légalité de la décision de la Commission de décembre 2023, selon laquelle la Hongrie avait satisfait aux critères liés à l’indépendance de la justice et pouvait accéder à 10,2 milliards d’euros de fonds de cohésion de l’UE. La CJUE n’avait pas encore statué au moment de la rédaction du présent rapport.

      En février, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction et en octobre elle a renvoyé la Hongrie devant la CJUE au sujet de sa loi sur la défense de la souveraineté nationale (voir le chapitre sur la Hongrie) pour violation du droit de l’UE.

      La Commission européenne et plusieurs États membres ont annoncé en juillet un boycott partiel de la présidence hongroise du Conseil en raison du voyage du Premier ministre Viktor Orbán à Moscou pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine, suspect faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international de la CPI.

      En mai, la Commission européenne a décidé de mettre fin à la procédure de l’article 7 contre la Pologne, bien que son gouvernement nouvellement élu n’ait pas mis en œuvre toutes les réformes nécessaires. Cette décision précipitée s’appuyait principalement sur les « engagements » du gouvernement polonais, arrivé au pouvoir en décembre 2023.

      Dans une première résolution sur l’État de droit en Grèce, adoptée en février, le Parlement européen a fait part de ses inquiétudes concernant la liberté de la presse, les poursuites judiciaires abusives et la surveillance des journalistes, le traitement à l’encontre des migrants et les attaques contre les défenseurs des droits humains. La résolution demandait à la Commission d’évaluer le respect par la Grèce de ses obligations en matière de droits fondamentaux pour accéder aux fonds de l’UE.

      Le rapport annuel 2024 de l’UE sur l’État de droit a souligné le rôle essentiel des organisations de la société civile, mais n’a pas identifié l’intimidation et l’ingérence dans leur travail en France, en Grèce, en Italie, en Hongrie, en Allemagne et ailleurs comme une menace majeure. Dans un contexte de preuves croissantes de restrictions de l’espace civique, les autorités de certains pays européens semblent également restreindre de manière disproportionnée la liberté d’expression et de réunion des manifestants propalestiniens et des manifestants pour le climat.

      Les risques de stigmatisation des organisations de la société civile financées par des fonds étrangers se sont accrus avec l’adoption de nouvelles lois de type « influence étrangère » dans certains États membres de l’UE et alors que l’UE continuait de débattre d’une proposition de directive sur la transparence de la représentation d’intérêts pour le compte de pays tiers. Un avis rendu en septembre par des experts de l’ONU a déclaré que la directive de l’UE pourrait avoir un effet dissuasif sur la société civile et restreindre indûment les libertés d’expression, de réunion et d’association protégées par le droit international des droits humains.

      La loi européenne sur l’IA a été approuvée en mai 2024 et marque une avancée majeure dans la réglementation de l’IA et des technologies associées. Elle prévoit notamment l’interdiction de la notation sociale, des limitations sur les technologies de surveillance biométrique à distance et l’obligation d’évaluer les risques pour les droits humains en cas d’utilisations « à haut risque ». Cependant, elle comporte également d’importantes lacunes en matière de sécurité nationale, de maintien de l’ordre et de contrôle des frontières, et accorde la priorité aux risques de responsabilité des entreprises par rapport aux risques pour les droits humains. De nombreux membres du Parlement européen ont déclaré avoir été la cible de logiciels espions en 2024. L’UE n’a pas encore pris de mesures pour maitriser le développement, la vente et l’utilisation de cette technologie.

      https://www.hrw.org/fr/world-report/2025/country-chapters/european-union

  • Le costume neuf du président Bardella
    https://laviedesidees.fr/Le-costume-neuf-du-president-Bardella

    Dans son autobiographie politique, le président du RN joue la carte de la modération. Sa stratégie vise un double (é)lectorat : les nouveaux, qu’une #violence affichée arrêterait, et les traditionnels soutiens de l’extrême droite, capables de lire entre les lignes.

    #Société #propagande #extrême_droite #rhétorique
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250107_bardella.pdf

  • La France accueille-t-elle vraiment beaucoup de migrants ?

    L’extrême droite a fait de l’#immigration son cheval de bataille au point où la thématique a irrigué dans la société française. Pourtant, la France ne joue qu’un rôle timide dans le système migratoire contemporain.

    La migration internationale peut être définie a minima comme le changement (de lieu ou de pays) de résidence principale.

    L’information sur les phénomènes migratoires internationaux est plus complexe à saisir qu’il n’y paraît. Elle concerne, d’une part, les déplacements observés entre des pays (les migrations proprement dites) et d’autre part, le nombre de personnes qui ont changé de pays de résidence entre deux dates (les migrants). Ces deux informations sont fondamentalement différentes puisqu’un seul migrant peut avoir effectué plusieurs migrations au cours d’une période donnée.

    Les phénomènes migratoires sont observés selon trois points de vue :

    - depuis les pays de départ (l’émigration)

    – dans les pays d’arrivée ou de résidence (l’immigration)

    - en termes de flux (migratoires ou de migrants) entre les pays de départ et d’arrivée.

    Des données complexes

    Les données collectées sont archivées dans des tableaux qui ne sont pas parfaits, pour plusieurs raisons. La mesure des phénomènes migratoires est généralement lacunaire, car les tableaux ne retiennent qu’une seule migration par personne et par période. Elle est par ailleurs imparfaite, car elle est soumise à la déclaration des États, lesquels disposent de leurs propres définitions et dispositifs de collecte qui ne sont pas toujours équivalents entre eux.

    Pour autant, des données nationales portant sur le nombre d’immigrés (et d’émigrés) par pays sont régulièrement harmonisées et consolidées au niveau mondial par différents organismes faisant autorité. C’est le cas de l’organisation internationale des Nations unies dont la division Population produit régulièrement une base de données intitulée « International migrant stock » (stock ou effectif international de migrants). Cette base se présente sous la forme d’un tableau à double entrée qui croise les pays (groupes de pays et régions du monde) de départ avec ceux d’arrivée. Sur chacune des cellules issues du croisement est porté un nombre de migrants observé à une date donnée. Ce tableau est complexe : il est décomposable en sous-tableaux portant sur le nombre de migrants par pays (ou groupes de pays), selon leur genre, à différentes dates.

    Des cartes trompeuses

    Pour mieux (se) représenter les données de tableaux d’une telle complexité, certains acteurs en proposent, à juste titre, une application cartographique.

    Le problème est que nombre de cartographies qui en découlent ne décrivent pas fidèlement la répartition des migrants internationaux et/ou leurs migrations. La complexité des données impose en effet d’enchaîner plusieurs opérations de sélection ou de filtrage de l’information à cartographier, sans compter leur stylisation graphique, pour aboutir à une image fidèle de la réalité des données.

    Le fait que nombre de cartes dédiées aux migrations internationales soient tronquées (par exemple : limitées aux flux dirigés vers l’Europe, est loin d’être anodin, encore moins dans le contexte politique actuel. Cette manière de faire pose un réel problème de société, car les cartes correspondantes véhiculent une information erronée sur l’ampleur des migrations, sur leur temporalité et leur étendue géographique. De surcroit, elles ne portent jamais sur l’émigration.

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    Comme l’ont souligné le géographe Rodrigo Bueno Lacy et l’économiste Henk van Houtum, un nombre croissant d’acteurs, notamment des autorités politiques, font un usage cartographique fallacieux de cette information sensible.

    Au-delà des procédés de représentation cartographique proprement dits, les cartes de flux d’immigration diffusées auprès du grand public présentent souvent trois grands écueils :

    - elles ne représentent habituellement que certains pays d’accueil – généralement ceux de l’Europe de Schengen, comme si l’Europe était seule au monde

    - elles ne montrent que certains types d’immigrants – plutôt des hommes provenant d’Afrique sub-saharienne ou de Syrie

    - elles oublient de mentionner qu’elles décrivent la stratification des migrations passées et non les mouvements observés au cours de l’année. Par conséquent, les effectifs dits de migrants, qui sont en réalité ceux des personnes étrangères et immigrées observées dans un pays, correspondent à un cumul. Ils ne décrivent pas un instantané de leur nombre, en un lieu et à un moment donné.

    Pour illustrer cette différence entre un effectif et un mouvement migratoire, prenons l’exemple de la France. En 2019, on dénombre en France 8,4 millions de personnes immigrées, ce qui correspond à un effectif cumulé au cours du temps. Pour la seule année 2020, l’Insee mentionne un flux d’immigration (entrant) de 218 000 personnes et un flux d’émigration (sortant) de 58 000 personnes, soit un bilan migratoire net de + 160 000 personnes en France.
    Un outil pour permettre une représentation honnête des données

    Pour permettre d’examiner les migrations de manière honnête, en essayant d’objectiver la réalité, nous avons construit #MigrExplorer, une famille d’outils cartographiques permettant une exploration des données de l’ONU précitées, suivant différents paramètres : le genre, la date d’observation, l’immigration, l’émigration, le pays ou la région du monde.

    MigrExplorer est composée de plusieurs applications qui permettent de montrer des singularités du phénomène migratoire et de répondre factuellement à de multiples questions, du type :

    – Quelle est la répartition mondiale des personnes étrangères, en termes d’immigration et en termes d’émigration ?

    - Quelle est la place de la France dans l’accueil des personnes de nationalité étrangère ?

    - Dans quels pays les personnes de nationalité française sont-elles installées ?

    Des pays d’émigration qui ne sont pas ceux qu’on imagine

    D’après les données de l’ONU, à l’échelle mondiale, il convient de noter que la part de personnes étrangères dans la population totale, celles qualifiées de « migrants » n’a pas évolué de manière significative depuis une dizaine d’années : elle est en effet passée de 3,2 % en 2010 à 3,5 % en 2019, soit 0,3 % d’augmentation en neuf ans.

    La planche ci-dessous décrit l’immigration et l’émigration cumulées par pays en 1990, en 2015 (au moment de la crise des politiques migratoires européennes) et en 2019 (juste avant la pandémie de Covid-19). Les cartes formant cette petite collection sont strictement comparables d’une année à l’autre.

    Concernant l’émigration (cartes de gauche), en 1990, ce sont les ressortissants de la Fédération de Russie qui résident le plus à l’étranger, suivis de ceux de l’Afghanistan et de l’Inde. La situation diffère légèrement en 2015, avec l’Inde qui occupe la 1re place, suivie du Mexique puis de la Fédération de Russie. En 2019, l’Inde et le Mexique sont toujours les deux premiers pays d’émigration, mais ils sont suivis par la Chine, la Fédération de Russie et le Bangladesh, à la 5e position.

    Le premier pays africain, l’Égypte, occupe la 19e place mondiale en termes d’émission de migrant·e·s au niveau mondial et ces personnes s’installent de manière préférentielle dans des pays non européens.

    Les Égyptiens qui résident à l’étranger sont surtout installés dans leur voisinage : en Arabie saoudite (938 649), aux Émirats arabes unis (886 291) et au Koweït (410 831). Il faut attendre le 14e pays d’accueil pour trouver un territoire européen : la France avec 34 064 Égyptiens (27 fois moins qu’en Arabie saoudite).

    Du point de vue de l’immigration (cartes de droite), les États-Unis d’Amérique occupent de loin le premier rang de l’accueil de populations étrangères. Ils sont suivis par la Fédération de Russie en 1990 et en 2015. L’Allemagne est le premier pays européen à se distinguer, elle apparaît en 2019 en seconde position, suivie par l’Arabie saoudite, la Fédération de Russie et le Royaume-Uni qui occupe la 5e place.

    La France, en tant que 7e pays le plus riche du monde, arrive en 6e position pour l’accueil de populations étrangères en 2019.
    D’où proviennent les immigrés présents en France ?

    En France, l’immigration contemporaine provient principalement des pays du Maghreb et de l’Europe méditerranéenne : l’Algérie arrive en effet en première position avec 1 575 528 personnes (effectif cumulé). Elle est suivie du Maroc (1 020 162) et du Portugal (687 530), puis de la Tunisie (427 897) et de l’Italie (343 255).

    L’immigration française actuelle ne concerne donc pas à proprement parler les ressortissants des pays de l’Afrique subsaharienne qui sont aujourd’hui largement stigmatisés dans les médias et dans les familles politiques de l’extrême droite. Le premier pays d’Afrique subsaharienne arrive en douzième position. Il s’agit de Madagascar, avec 132 574 Malgaches résidant en France. Vient ensuite le Sénégal, en treizième position, avec 129 790 personnes résidant en France.

    Quant à l’émigration française, elle concerne en premier lieu l’Espagne (209 344), la Belgique (194 862) et les États-Unis d’Amérique (189 395).

    D’après l’Insee, le solde migratoire net de la France est stable entre 1975 et 1999 (date du dernier recensement exhaustif de la population), à + 65 000 personnes en moyenne par an, avant de connaître une hausse jusqu’en 2018.

    Rappelons en conclusion que la France contemporaine présente effectivement une figure cosmopolite : des recherches récentes de l’INED montrent que 40 % de la population actuelle a « un lien direct avec l’immigration parce qu’elle est immigrée ou a un parent ou grand-parent immigré ».

    Cet état de fait témoigne de la tradition française d’accueil de populations étrangères et cela, depuis plusieurs siècles. Le nouveau parcours permanent du Musée national de l’Histoire de l’Immigration illustre cette ancienneté de l’immigration française au travers de la série de cartes que nous avons réalisé.

    https://images.theconversation.com/files/605026/original/file-20240704-17-bnlej0.pngSi la couverture française mondiale en termes d’immigration apparaît trop large aux yeux de l’extrême droite, que celle-ci se remémore l’étendue de l’empire colonial français qui était, elle, maximale en 1931, il y a encore moins d’un siècle. Si la France est à géométrie variable, depuis plusieurs siècles, elle n’a cessé de se rétrécir ces dernières décennies, notamment au gré des décolonisations : va-t-elle faire le choix de s’enfermer (sur) elle-même ?

    https://theconversation.com/la-france-accueille-t-elle-vraiment-beaucoup-de-migrants-232954
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  • Grèce : huit morts dans un naufrage au large de Rhodes - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/61852/grece--huit-morts-dans-un-naufrage-au-large-de-rhodes

    Grèce : huit morts dans un naufrage au large de Rhodes
    Par La rédaction Publié le : 20/12/2024
    Au moins huit migrants sont morts dans un naufrage au large de l’île grecque de Rhodes, ont annoncé vendredi les gardes-côtes. Ce nouveau drame intervient moins d’une semaine après un autre drame près de la Crète où cinq exilés ont péri noyés et une quarantaine de personnes ont disparu.
    Au moins huit morts. C’est le bilan d’un nouveau naufrage survenu dans la matinée de vendredi 20 décembre au large de l’île grecque de Rhodes, ont indiqué les autorités locales. Un canot de migrants a chaviré à cinq miles (neuf kilomètres) de la plage d’Afantou, alors qu’il tentait de prendre la fuite, précisent les gardes-côtes dans un communiqué.
    L’embarcation a été repérée par les autorités portuaires au moment où le passeur tentait de débarquer les exilés. Le conducteur du bateau aurait « perdu le contrôle » alors qu’il tentait d’échapper à un navire de patrouille grec. L’embarcation a heurté le bateau des gardes-côtes, ce qui a entraîné la chute des passagers, peut-on lire dans le document. Dix-huit exilés, dont certains blessés, ont pu être secourus, et huit cadavres récupérés.
    Les recherches se sont poursuivies vendredi matin en mer pour retrouver d’éventuels survivants et disparus. Le conducteur du canot a été interpellé, il s’agirait d’un ressortissant turc, selon les premières informations. Ce nouveau drame intervient moins d’une semaine après un autre accident au large de la Grèce. Samedi 14 décembre, cinq migrants ont péri noyés près de la Crète et une quarantaine d’autres sont toujours portés disparus. Trente-neuf personnes, tous des hommes, de la même embarcation ont été secourues.
    La Grèce a enregistré cette année une augmentation de 25% du nombre d’arrivées de personnes fuyant les guerres et la pauvreté, selon le ministère des Migrations. Depuis janvier, Gavdos et la Crète sont devenues un nouveau point d’entrée en Europe pour les migrants partis des côtes libyennes, plus précisément de la ville de Tobrouk, distante de 180 km. « Ces départs sont de plus en plus fréquents », avait déjà commenté l’été dernier Federico Soda, chef de mission en Libye auprès de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à InfoMigrants. « C’est moins risqué pour eux de prendre la mer rapidement après être arrivés dans le pays, sans aller jusque dans l’ouest ». Traverser la Libye sur une telle distance exposerait les migrants à des risques d’arrestations, de violences ou encore de détentions.

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