• Berliner Gebietsreform 1938
    https://de.m.wikipedia.org/wiki/Verwaltungsgeschichte_Berlins


    Grenzänderungen der Berliner Bezirke zum 1. April 1938

    Aus heutiger Sicht zeigt die Karte einen Bezirk zuviel, dafür fehlen ein bzw. zwei neue im Osten der Stadt.

    Mit Wirkung zum 1. April 1938 wurden zahlreiche Begradigungen der Bezirksgrenzen sowie einige größere Gebietsänderungen vorgenommen. Dabei kamen unter anderem

    – die Siedlung #Eichkamp vom Bezirk Wilmersdorf zum Bezirk #Charlottenburg
    – der westliche Teil von #Ruhleben vom Bezirk Charlottenburg zum Bezirk #Spandau
    - der nördlich des #Berlin-Spandauer_Schifffahrtskanal s gelegene Teil der #Jungfernheide vom Bezirk Charlottenburg zu den Bezirken #Reinickendorf und #Wedding
    - #Martinikenfelde vom Bezirk Charlottenburg zum Bezirk #Tiergarten
    – das Gebiet um den #Wittenbergplatz und den #Nollendorfplatz vom Bezirk Charlottenburg zum Bezirk #Schöneberg
    – das Gebiet südlich der #Kurfürstenstraße vom Bezirk #Tiergarten zum Bezirk Schöneberg
    – ein großer Teil des #Grunewald s vom Bezirk #Wilmersdorf zum Bezirk #Zehlendorf
    – ein Teil von #Dahlem vom Bezirk Zehlendorf zum Bezirk Wilmersdorf
    - der östliche Rand des Bezirks Zehlendorf (in Dahlem nur ein schmaler Streifen, sich in Richtung Süden verbreiternd bis hin zu einem größeren Gebiet im Südosten) zum Bezirk #Steglitz
    - #Späthsfelde vom Bezirk #Neukölln zum Bezirk #Treptow
    – Bohnsdorf vom Bezirk Köpenick zum Bezirk Treptow
    #Oberschöneweide und die #Wuhlheide vom Bezirk #Treptow zum Bezirk #Köpenick
    - die westlich der #Ringbahn gelegenen Gebiete von #Boxhagen-Rummelsburg und #Friedrichsberg vom Bezirk #Lichtenberg zum Bezirk #Friedrichshain, damals #Horst-Wessel-Stadt.
    - #Wilhelmsruh vom Bezirk #Reinickendorf zum Bezirk #Pankow
    - das Gebiet um die #Wollankstraße westlich der Berliner #Nordbahn vom Bezirk Pankow zum Bezirk #Wedding.

    Bereits in den Jahren 1928 und 1937 war es zu Verschiebungen zwischen Schöneberg und Tempelhof gekommen.

    Unmittelbar nach Ende des Zweiten Weltkriegs machte die sowjetische Militärverwaltung aus heute unbekannten Gründen #Friedenau zwischen dem 29. April und dem 30. Juni 1945 zum 21. Bezirk mit Willy Pölchen (KPD) als Bezirksbürgermeister; danach wurde Friedenau wieder wie vorher ein Ortsteil von Schöneberg. Entsprechend bestand in der Zeit das #Amtsgericht_Friedenau.

    #Berlin #Geschichte #Verwaltung #Bezirke #Nazis

  • Le #débit des #rivières se transforme complètement dans tous les pays de l’hémisphère Nord

    Le réchauffement climatique n’a pas seulement des conséquences sur les températures, les précipitations et la fonte des glaciers. Il modifie également le débit des rivières, selon une nouvelle étude publiée dans la revue Science. La différence de débit entre l’#hiver et le #printemps est de moins en moins grande, ce qui risque d’affecter tout l’écosystème.

    Une équipe d’hydrologues anglais a analysé le débit des rivières dans environ 10 000 stations réparties sur l’ensemble du monde au cours des 35 dernières années (https://www.science.org/doi/10.1126/science.adi9501). Ils ont découvert que toutes les régions de l’#hémisphère_Nord étaient concernées par un changement au #niveau_du_débit des #fleuves et rivières. Les débits affichent en effet une tendance à la baisse au printemps et une tendance à la hausse l’hiver, une situation complètement inversée par rapport au cycle naturel sur :

    - 40 % des stations d’Amérique du Nord ;
    – 32 % des stations de Sibérie du Sud ;
    – 19 % des stations du nord de l’Europe.

    Ces mesures prennent en compte les débits naturels, et ont exclu les débits modifiés par des barrages ou autres aménagements qui fausseraient les résultats. L’hémisphère Sud semble bien moins touché par ces changements de débits, à l’exception du sud-est du Brésil qui affiche des extrêmes encore plus marqués entre l’hiver et le printemps.

    En cause, la fonte précoce des neige et la croissance en avance des végétaux

    D’où vient cette évolution étonnante dans l’hémisphère Nord ? Principalement de la #fonte_des_glaces en #Arctique, précisent les chercheurs, et de la #fonte_des_neiges plus précoce en fin d’hiver, qui augmentent les débits l’hiver. Le décalage de la saison de croissance des plantes joue aussi un rôle : la hausse des #températures permet aux plantes de pousser plus tôt dans la saison et d’absorber plus de précipitations, ce qui contribue à la réduction du débit des rivières. C’est donc la variation naturelle des rivières au cours des #saisons qui est chamboulée. Les conséquences sur la biodiversité qui dépend de ces rivières n’ont pas encore été évaluées et cela fera l’objet d’études futures.

    https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-debit-rivieres-transforme-completement-tou
    #climat #changement_climatique #chiffres #statistiques

  • #Route_des_Balkans : les migrants noyés dans la Drina

    Des dizaines de migrants en route vers l’Union européenne meurent noyés chaque année dans les eaux froides de la #rivière #Drina entre la #Serbie et la #Bosnie et sont enterrés anonymement dans les cimetières voisins, où des activistes bénévoles tentent de leur donner une sépulture digne et de retrouver leurs proches sans nouvelles.

    https://www.arte.tv/fr/videos/119298-000-A/route-des-balkans-les-migrants-noyes-dans-la-drina
    #Bosnie-Herzégovine #cimetière #mourir_aux_frontières #vidéo #reportage #morts_aux_frontières #Balkans #noyade #migrations #réfugiés #frontières #cimetière #Nihad_Suljic #Vidak_Simic #Bijeljina #anonymat #identification #autopsie #ADN #DNA

  • Des juives orthodoxes américaines prônent une grève du sexe pour protester contre un refus de guet Jackie Hajdenberg Time of israel

    Ce mouvement de protestation utilise les rites juifs de pureté conjugale comme un moyen de pression en soutien à Malky Berkowitz à qui le mari refuse le divorce depuis 4 ans

    Les partisanes de Malky Berkowitz disent qu’elles lancent une "grève du mikvé" - une forme de protestation qui s’appuie sur les rituels juifs de pureté sexuelle comme moyen de pression pour que le mari de Malky lui accorde le divorce.

    JTA – Pour aider l’une d’entre des leurs à obtenir un divorce religieux de son mari après quatre ans d’efforts, des militantes orthodoxes juives se sont engagées à ne plus avoir de relations sexuelles avec leurs maris et ont intensifié leur campagne publique.


    Les partisanes de Malky Berkowitz, 29 ans, ont entamé ce qu’elles appellent une « grève du mikvé « , une forme de protestation qui utilise les rituels juifs de pureté conjugale comme moyen de pression. La grève commence vendredi soir et pourrait se prolonger.

    Selon la loi juive traditionnelle, les femmes mariées doivent s’immerger dans un mikvé , ou bain rituel, après leurs menstruations, avant de pouvoir avoir des relations sexuelles avec leur mari – ce que beaucoup font le soir même. Certaines autorités affirment que la loi juive, ou halakha , attache une importance particulière au rapport conjugal qui suit l’immersion.

    Pour Adina Sash, qui défend les intérêts des femmes juives dont les maris séparés refusent de divorcer selon la loi rituelle, cela fait des rapports sexuels après le mikvé un moyen de protestation tout à fait indiqué.

    Depuis sept semaines, Sash – une militante féministe orthodoxe de Brooklyn connue sous le nom de Flatbush Girl sur Instagram – dirige une équipe d’activistes, d’avocats et de leaders communautaires qui travaillent tous pour aider Berkowitz à obtenir un « guet »  , ou acte de divorce juif. Le mari de Berkowitz, Volvy, refuse de lui donner le guet nécessaire pour finaliser leur divorce, ce qui en fait ce que l’on appelle une «  agouna »  , ou « femme enchaînée », et selon la loi juive, une femme qui ne peut pas se remarier.

    Sash estime que les femmes orthodoxes devraient normaliser les dispositions légales juives relatives au divorce avant de se marier, afin d’éviter de se voir un jour refuser le divorce, ce qui est généralement considéré comme une forme de maltraitance.

    « Je vous invite à nous rejoindre dans cette grève du mikvé et à ne pas avoir de relations sexuelles les nuits de mikvé ou de mitzvah , les vendredis soirs, jusqu’à ce que Malky soit libre, afin de témoigner de votre compassion pour Malky », a-t-elle déclaré en s’adressant à ses consœurs orthodoxes (la tradition juive encourage les couples mariés à avoir des relations sexuelles le shabbat, connu pour cette raison sous le nom de « nuit de mitzvah  » dans le monde orthodoxe).

    Elle a expliqué que l’objectif était d’encourager les hommes de la communauté à défendre la cause de Berkowitz.

    « Lorsque votre mari vous demandera ‘Pourquoi ?’, répondez ‘Jusqu’à ce que Malky soit libéré, la prochaine aguna  pourrait être moi’. Appelez votre rabbin et trouvez un moyen de contribuer à la libération de Malky », a-t-elle ajouté.

    Cet événement fait écho à la grève du sexe de « Lysistrata », la comédie grecque d’Aristophane dans laquelle les femmes d’Athènes s’abstiennent de coucher avec leurs maris afin de mettre fin à la guerre du Péloponnèse.

    Dans les communautés contemporaines, les grèves du sexe ont également été utilisées avec succès pour provoquer des changements, comme la fin de la guerre civile au Libéria en 2003 grâce à la participation des femmes du pays. Leymah Gdowbee, organisatrice de la grève du sexe au Liberia, a reçu le prix Nobel de la paix pour ses efforts.

    Des femmes orthodoxes auraient organisé des manifestations similaires à petite échelle dans le passé, comme au Canada il y a plusieurs décennies. Mais plus récemment, les protestations au nom des agunot ont pris la forme de manifestations publiques, de pressions sur les rabbins et, de plus en plus, de campagnes sur les réseaux sociaux telles que celles menées par Sash.

    À la question de savoir si Malky Berkowitz avait une opinion sur la grève, Sash a répondu : « Malky n’a rien dit ».

    L’ORA, l’Organisation pour la Résolution des agunot , basée à New York, a été créée en 2002 dans le but précis de faciliter les divorces juifs, et l’organisation propose également des accords prénuptiaux halakhiques qui imposent une pénalité en cas de refus tout en respectant la loi juive. Un représentant de l’ORA n’a pas répondu aux demandes de commentaires de la JTA sur la grève du sexe.

    De nombreux followers de Sash ont exprimé leur approbation de son appel à la grève, qu’elle a officiellement annoncé sur les réseaux sociaux jeudi après-midi.

    « Malky en vaut la peine », a commenté l’une d’entre elles. « Chaque aguna  avant elle en vaut la peine. Chaque femme que nous pouvons aider à éviter de devenir une aguna  en vaut la peine. »

    En réponse à un message contraire, une autre femme a indiqué : « Ce n’est pas une question de punir les femmes ». Et d’ajouter : « Une grève du sexe bien menée ferait réfléchir certains hommes de pouvoir ».

    Mais les détracteurs de la grève – y compris ceux qui conviennent que le problème du refus du guet doit être abordé – disent qu’elle pourrait interférer avec le shalom bayit , ou la paix au foyer, une valeur juive souvent citée, et pourrait perturber des relations par ailleurs saines.

    Le rabbin David Bashevkin, créateur du podcast orthodoxe populaire 18Forty, a déclaré lundi sur X : « On ne guérit pas une relation bancale en créant d’autres relations bancales. L’utilisation de l’intimité comme levier de protestation sociale est peu judicieuse et même carrément dangereuse. Ce qu’il faut, c’est d’avantage de familles saines. D’avantage de relations saines. »

    « Il s’agit d’une question communautaire qui nécessite une coordination et une implication communautaires », a-t-il ajouté.

    Certaines féministes orthodoxes qui ont fait pression au nom des agunot se disent pourtant gênées par l’idée de cette grève. Daphne Lazar Price, directrice exécutive de l’Alliance féministe juive orthodoxe, a déclaré à la JTA qu’elle s’élevait souvent contre la « militarisation de la halakha » et qu’elle considérait la grève du mikvé comme un autre exemple de cette militarisation.

    « Le contrôle coercitif fondé sur la religion est moralement répréhensible et ne devrait jamais être toléré », a-t-elle écrit dans un courriel adressé à la JTA. « Les femmes ne devraient pas avoir besoin de menacer leur mari de ne pas avoir de relations sexuelles pour attirer l’attention des hommes – ni pour convaincre les hommes de se conduire comme des alliés des femmes et du système halakhique qu’ils prétendent tant chérir. L’utilisation du sexe comme forme de coercition est également très problématique ».

    Elle suggère par ailleurs que la grève pourrait créer une opportunité pour les autorités juridiques juives de se souvenir des autres tactiques dont elles disposent pour faire pression sur les hommes qui refusent de divorcer de leur femme – et notamment celle « d’interdire aux maris récalcitrants l’accès à toutes les institutions et entreprises religieuses et communautaires juives, ainsi qu’aux domiciles privés, jusqu’à ce qu’il donne un guet« .

    Sash a attribué les réactions négatives à la grève à un double standard « misogyne » entre le refus d’une demande de divorce et le refus d’une relation sexuelle.

    « S’ils refusent de donner le guet, alors nous refuserons d’avoir des relations sexuelles », a déclaré Sash.

    « Ils nous disent : ‘Comment pouvez-vous refuser le sexe ? Vous transformez votre corps en instrument de guerre ! Comment pouvez-vous refuser le sexe ? Vous transformez l’intimité en instrument de guerre’. Mais la véritable question est ‘comment pouvez-vous refuser le divorce ?’ Vous transformez la procédure de divorce en instrument de guerre. Vous maintenez une femme dans l’incertitude ».

    Malky et Volvy Berkowitz se sont mariés en 2016. Lors de leur mariage, Malky portait un dek tichel , ou voile de mariée opaque, qu’elle a décrit dans un texte partagé avec la JTA comme un « bandeau ».

    « A part les moments où Volvy m’a donné une bague kdishen [sic] et m’a mise enceinte deux fois, nous n’avons jamais eu aucune connexion », a-t-elle écrit. « Au revoir Volvy, je ne t’ai jamais connu et je ne te connaîtrai jamais. »

    #israel #divorce #femmes #religions #rituels #maltraitance #Lysistrata #mikvé #pureté_sexuelle #menstruations #rapport_conjugal #femmes_enchaînées #eau #contrôle_coercitif

    Source : https://fr.timesofisrael.com/des-orthodoxes-americaines-pronent-une-greve-du-sexe-pour-proteste

  • Quels #impôts les #milliardaires paient-ils ?
    (publié juin 2023)

    A l’aide de données administratives inédites, reliant les déclarations de revenus des particuliers aux #déclarations_fiscales des entreprises en #France en 2016, les auteurs mesurent les #taux_d’imposition directe effectifs des ménages situés au sommet de la distribution des revenus. Cette nouvelle mesure, distincte du traditionnel revenu fiscal de référence en ce qu’elle intègre notamment les revenus non distribués des sociétés détenues par ces ménages, les amène à interroger la réalité de la progressivité de l’impôt.


    Enseignements clés

    - Le taux d’imposition effectif des ménages français apparaît en 2016 progressif jusqu’à des niveaux élevés de revenu. Il atteint 46 % pour les foyers appartenant aux 0,1 % les plus riches.
    - Le taux d’imposition effectif devient régressif au sommet de la distribution, passant de 46 % pour les 0,1 % les plus riches, à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches.
    – Pour les « milliardaires », l’impôt sur le revenu ou l’ISF ne représentent qu’une fraction négligeable de leurs revenus globaux, alors que l’impôt sur les sociétés est le principal impôt acquitté.
    - Le taux plus faible d’imposition des plus hauts revenus s’explique par le fait que l’imposition des bénéfices des sociétés est plus faible que l’imposition des revenus personnels.

    https://www.ipp.eu/publication/16253

    #riches #fisc #fiscalité

    • The billionaire’s guide to doing taxes

      Do you want to pay less taxes? Great. Step one, be a rich person. Then, buy a yacht. Or a sports team. Give a lot to charity. Lose some money in the stock market. Above all, make sure most of your money exists in the form of assets, not cash — stocks, real estate, a Dutch master painting, fine jewelry, or whatever else strikes your fancy.

      They say that money is a universal language, but it speaks at different volumes. When you have a fathomless bounty of wealth, money doesn’t quite register as an expense until you add a lot of zeros to the end — so spending a lot to save a lot is a no brainer. It’s why the mega-rich often hire expensive tax lawyers, wealth managers, or even set up a whole office dedicated to tax strategy. “It’s not just preparing the return,” says Paul Wieseneck, a tax accountant and director of the Fuoco Group. “There’s so much more involved in planning, in accumulating, offsetting, and trying to mitigate the taxes as best as possible.”

      For the rich, taxes aren’t a springtime affair with a quick visit to H&R Block, but a year-round endeavor.

      How much tax a wealthy person owes in a given year is a complex tapestry threaded with exemptions, deductions, credits, and obscure loopholes you’ve never heard of. The ideal is to owe zilch. If that sounds impossible to achieve, just look at the leaked tax returns of the wealthiest Americans that nonprofit news site ProPublica analyzed in 2021: Over several years, billionaires Elon Musk, Jeff Bezos, and Michael Bloomberg, among others, paid no federal income taxes at all.

      How do they do it? Here are some basic rules they live by.
      Don’t take a paycheck

      If your income is earned through wages paid to you by an employer, chances are your taxes are on the simpler side of the spectrum. Not as simple as it is for wage earners in other countries, where the government simply tells you how much you owe, but getting a paycheck from your boss means your taxes are automatically withheld each pay period. Filing your tax return might be as easy as filling out one form.

      You can pick and choose which deductions to take (like for student loan interest, or for having a home office), but the vast majority of households take the simpler standard deduction, which this year erases $14,600 from your tax bill. For tax year 2024, you’ll pay a 37 percent tax on any income you rake in over $609,350. That sounds like it would add up to a sizable amount for multimillionaires and billionaires — unless that income is just a minuscule share of their increasing wealth.

      Jeff Bezos, when he was still Amazon CEO, had a base salary of around $80,000 a year. Elon Musk doesn’t take a salary at all at Tesla. Apple CEO Tim Cook does get a $3 million salary, but it’s a small slice of the $63 million he received overall last year. Most wealthy entrepreneurs are paid in bountiful stock rewards; Musk is currently fighting to keep his record-breaking Tesla pay package, made up of a bunch of stock options and now valued at almost $56 billion. ProPublica found that, because their income fell below the threshold, at least 18 billionaires got a Covid-19 stimulus check.

      Paul Kiel, a ProPublica reporter who was an integral part of the newsroom’s billionaire tax return stories, says the income versus wealth divide was crucial in helping the public understand how differently the wealthy operate. “If you can avoid income as it’s defined in our system, and still get richer, that’s the best route,” he tells Vox.

      Stocks aren’t taxed until they’re sold — and even then, what’s taxed is the profit on the sale, called a capital gains tax. Billionaires (usually) don’t sell valuable stock. So how do they afford the daily expenses of life, whether it’s a new pleasure boat or a social media company? They borrow against their stock. This revolving door of credit allows them to buy what they want without incurring a capital gains tax. Though the “buy, borrow, die” strategy isn’t quite as sweet right now because interest rates are high, a Wall Street Journal piece from 2021 notes that those with $100 million or more could get interest rates as low as 0.87 percent at Merrill Lynch. The taxable value of a stock also resets when it’s passed on to an heir, so that if a wealthy scion chooses to sell their inherited stock, they’d only pay a tax on the increase in value since the original owner’s death.
      Plan on losing money

      If you do, regrettably, have to sell assets, fret not: just lose a lot of money, too, and pile on the offsets. “We do what’s called tax-loss harvesting,” says Wieseneck, using a simple example to illustrate. Say someone owns Pepsi stock, and it tanks. They sell at a loss, but then buy about the same amount of Coca Cola stock. The Pepsi loss can erase some (or even all, if you play your cards right) of the taxes owed on the gains made on Coca Cola stock.

      “During the year we try to accumulate losses,” says Wieseneck. “At the end of the year, if I know you have a capital gain on a sale of a property or a house or another investment, I’ll accumulate some losses for you that can offset [it].” Capital losses don’t also have to be applied in the same year — if you know you’ll be selling more assets next year, you can bank them for later.

      It’s illegal to quickly sell and then buy the same stock again — a practice called a “wash sale” — just to save on taxes, but the key word is “same.” Public companies often offer different classes of stock that essentially trade the same, and it’s not hard to trade similar-enough stocks back and forth. Exchange-traded funds (ETFs), for example, are like buckets containing a mix of stocks that can themselves be traded like a stock. A few different ETFs might perform roughly the same on the stock market; a person could sell one ETF and quickly buy another while avoiding the “do not sell and buy the same stock within 30 days” rule.
      Play tax rate arbitrage

      Another tool in the tax shrinking arsenal: leveraging the differences in tax rates, which vary based on the type of asset and how long someone owned it. Long-term gains — assets held for longer than a year — from the sale of stocks and bonds are taxed at rates as low as zero percent and as high as 25 percent. Short-term gains, meanwhile, can face a tax as high as 37 percent. Collectibles, which include art, antiques, cards, comic books, and more, have a max rate of 28 percent.

      The basic strategy here is to always get the lowest tax rate possible for your gains. A favorite tactic of billionaire investor Jeff Yass, according to reporting from ProPublica, is to place bets both for and against large companies, trying to amass a bunch of short-term losses on one end and long-term gains, which already enjoy a lower tax rate, on the other.

      Another kind of magic trick is to place high-tax income into lower-tax or no-tax wrappers, which can include things like tax-advantaged retirement accounts. One example is what’s called the private placement life insurance policy, a niche product that only the very wealthiest of the wealthy use. It can cost millions of dollars to set up, so it’s not worth it unless you’re rich, but the premiums a policyholder pays into the policy can be invested in high-growth investment options, such as hedge funds. The money you’d get back if you decide to cancel the policy isn’t taxed, but it’s not even necessary to take the money out. You can borrow money from the policy at low interest rates, and its benefits pass on tax-free to beneficiaries upon the original holder’s death. It’s insurance, says Michael Kosnitzky, co-chair of the law firm Pillsbury Winthrop Shaw Pittman’s Private Client & Family Office practice group, “but it also holds investment assets and, like any permanent insurance policy, the cash surrender value grows tax free.”

      A recent report from Sen. Ron Wyden (D-OR), the chair of the Senate Committee on Finance, laid out how big the scheme had gotten, currently sheltering at least $40 billion. The report found that the average net worth of people with such life insurance policies was over $100 million.
      Business or pleasure?

      When you’re very rich, it’s important to treat everything as a business expense. Private jets are expensive luxuries, but the cost can be fully tax deductible if the plane is mostly being used for business — and what counts as “mostly business” isn’t clear cut. Maybe you take a trip on your jet partly to take a business meeting, but also to spend a few relaxing days in a beautiful getaway spot. Private jet owners often set up LLCs and rent out their planes when they’re not personally using them to take advantage of the tax deduction, reported ProPublica.

      In fact, many expensive hobbies of the ultra-rich coincidentally turn into business expenses — yachts, racehorses, golf courses, and more. They’re often run very professionally, says Kiel, “but never quite seem to make a profit.”

      “Generally you’re not supposed to write stuff off that’s a hobby,” he continues. “But the wealthier you are, the more your hobbies appear to be businesses or are operated like businesses.”

      Despite the ubiquity of this practice, there’s risk to it, especially as the IRS ramps up audits of tax write-offs for private jets. If the wealthy are going to buy exorbitantly expensive yachts and claim it’s being used for a business, says Kosnitzky, “you’d better be on very solid ground.”
      Philanthropy pays

      Charity is a time-worn way the ultra-rich reduce their taxes — and it has the added bonus of putting a nice luster on their reputation. Many charitable organizations set up by billionaires are tax-exempt, and charitable donations are tax deductible. You can completely control when to make a donation, and of what size, depending on how much taxable income you have in a given year; it’s a nimble method of offsetting taxes.

      But the worthiness of charitable deductions can be questionable, because they’re “very, very loosely regulated,” says Kiel. The donations themselves can range from buying mosquito nets to prevent malaria to “paying for your kid’s private school.” Recall, for example, that former President Donald Trump once used money from his foundation to buy a painting of himself. Often, the wealthy can pour money into foundations and funds with philanthropic aims without actually distributing that money to anyone. One popular charitable medium today is called a donor-advised fund. Rich people put their money into these funds, and “advisers” who manage the account eventually give away the money — eventually being the key word. Even if the money hasn’t gone to a good cause yet, donors can take the tax deduction right away.

      In other cases, what raises eyebrows is whether an ostensibly charitable organization actually serves a public good. These charities get tax-exempt status because they’re supposed to have a “pro-social” purpose, says Daniel Reck, an economics professor at the University of Maryland who recently co-authored a paper analyzing tax evasion among the ultra-rich. Some billionaires claim their foundations qualify because they’re opening up a historical mansion or private art collection to the public. In fact, there are many examples of tax-exempt organizations not holding up their end of the bargain. As ProPublica reported, the historic landmark Carolands Chateau enjoys tax benefits but is open to the public just two hours per week. A private art gallery established by the late billionaire Sheldon Solow only recently became open to visitors, despite some of the art being held in a tax-exempt foundation.

      Also crucial to utilizing charity as a tax avoidance strategy is pumping up the value of your generosity. “You donate some fancy piece of fine art to a museum, you get an assessment for the art, it’s much more than you could actually ever sell it for,” explains Reck. “You get a big tax write-off.” It’s not just fine art, either — one popular form of overvaluation (until Congress passed a bill putting an end to it last year) involved inflating the value of land. Called a “syndicated conservation easement,” it took advantage of an incentive for environmental conservation, in which landowners who agree not to develop their land would get a tax break proportional to the fair market value of the land. “The game is that people just massively, ludicrously inflate these fair market values,” says Reck. In the syndicated version of this tax break, a group of investors buys land, gets an overvalued assessment on it, and shares the tax write-off between themselves. “Now there are a bunch of court cases about it,” Reck says.
      The gray area and the illegal stuff

      Some of the above tactics occupy an ambiguous, blurry zone of legality — it might be okay or not on a case-by-case basis. Some wealthy people may be alright with the risk, but Kosnitzky notes that it isn’t wise to play the “audit lottery” — there’s also reputational risk to consider. For those determined to take an “aggressive” tax position, a lot of documentation and even having their lawyer prepare a memo defending their tax strategy may be necessary. They might still end up paying a penalty and owing taxes, but exactly how much is up for negotiation.

      The paper Reck co-authored found that sophisticated tax evasion methods used by the very wealthy, including evasion through pass-through businesses or offshore accounts, often goes undetected by random audits. This suggests that current estimates of the “tax gap,” or the difference between taxes paid to the IRS and the amount it’s actually owed, is very likely an undercount.

      The difference between avoidance (legal) and evasion (illegal) is hard to untangle at times because wealthy people will dispute their audit, deploying brilliant tax lawyers to argue that the government is mistaken. These battles can take years to settle. It’s not just that the IRS needs a bigger budget to do all the audits it wants to — it did get extra funding in the Inflation Reduction Act — but that auditing a wealthy taxpayer is costlier, and much more time-consuming, than auditing a poor one. The structures of the well-off’s businesses are often extremely complex, too, which also makes auditing them more expensive.

      Reck noted that rich people dispute a greater share of the tax that the IRS says they should pay after an audit. In the middle of the income distribution, about 10 percent of the auditor’s recommended adjustment is disputed, says Reck. Among people with the highest income, however, the disputed share exceeds 50 percent. “That suggests that the taxpayer and their advisers, at least, believe that they’re either in some gray area or were allowed to do what they did.”

      “We’ve talked to a lot of former IRS agents, and they would often hear the line that for wealthy taxpayers, their tax return is like an opening offer,” says Kiel.

      How the very rich lose money, overvalue art, buy very expensive life insurance, and somehow profit.

      https://www.vox.com/money/2024/3/13/24086102/billionaires-wealthy-tax-avoidance-loopholes
      #philantropie

      via @freakonometrics

  • France : #Tricastin : 4 fois trop d’#hydrocarbures dans l’eau

    Publié le 22 février 2024, un très discret et très succin communiqué d’#EDF annonce sans le dire une #pollution du #Rhône. Un dépassement des concentrations en hydrocarbures dans les rejets de la #centrale_nucléaire du Tricastin (#Drôme) a été mesuré il y a 2 mois. L’industriel ne précise pas l’origine de cette pollution qui est pourtant révélatrice de dysfonctionnements sur le site.

    "Défaut ponctuel d’exploitation", c’est l’explication "la plus probable" selon EDF. L’industriel semble accorder bien peu d’importance au fait d’avoir très largement dépassé ses autorisations de #rejets dans l’environnement. En effet, un taux de 46.6 mg/l a été mesuré fin décembre 2023 dans les rejets de l’installation, alors que la limite est fixée à 10 mg/l. Plus de 4 fois la concentration maximale autorisée.

    Les eaux provenant des zones industrielles du site (comme la salle des machines par exemple) sont susceptibles d’être polluées par des hydrocarbures (#huiles, #pétrole et #dérivés). Elles passent par un système appelé #déshuileur : par un procédé de décantation dans des bassins, les hydrocarbures - qui restent en surface - sont séparés de l’eau avant qu’elle ne soit rejetée dans le milieu naturel (en l’occurrence le Rhône pour la centrale du Tricastin). Quand EDF parle de mesure en sortie de déshuileur, c’est donc bien après le procédé de (soi-disant) dépollution et avant le rejet dans l’environnement. Mais pour qui ne connaît pas le fonctionnement des installations, il n’est pas évident de saisir qu’il s’agit bien d’une pollution.

    Malgré le peu de lignes accordées à la description des faits, EDF prend soin de préciser dans son communiqué qu’il n’y a aucun impact pour l’environnement. Pourtant, ponctuel ou pas, tout déversement de produit chimique dans la nature est une pollution, une altération du milieu naturel qui vient s’ajouter à tous les précédents. Peut-être pour appuyer un peu plus sur le caractère "sans gravité", EDF annonce que les faits sont classés au plus bas niveau de l’échelle INES [1], l’échelle des incidents nucléaires. Sans préciser qu’elle est utilisée uniquement pour les faits qui impliquent de la radioactivité. Ce qui n’est pas le cas de cette pollution chimique. Il est donc normal que l’incident en question ne soit pas classé sur l’échelle INES : il n’a rien à y faire. Ce qui ne veut pas dire qu’il est sans gravité ou sans conséquences.

    Outre le communiqué laconique de l’industriel et son annonce plus que tardive (2 mois après les faits), outre l’art du discourt qui élude toute mention de pollution et ne favorise pas - loin de là - une compréhension des faits, la fréquence des mesures et la surveillance des installations posent questions.

    Que des mesures ne soient faites qu’une fois par mois, est-ce suffisant quand il s’agit de surveiller ce qui est déversé dans l’environnement ? Comment l’exploitant peut-il détecter - et encore mieux, stopper - des rejets qui ne respectent pas les limites fixées pour leurs teneurs en substances chimiques ? Comment, avec un prélèvement tous les 30 jours, détecter des dysfonctionnements du système de dépollution des eaux et réagir à temps pour épargner l’environnement ?
    Surveiller de près le fonctionnement du dispositif anti-pollution, l’entretenir et le nettoyer régulièrement pourrait éventuellement venir contre-carrer des prélèvements et des analyses trop peu fréquents. De même, débusquer les fuites d’huiles et agir dès que l’une d’elle est détectée pourrait aussi renforcer la prévention et la lutte contre les pollutions générées par le site industriel. En d’autres termes, surveiller plus et mieux les équipements pour éviter et résoudre au plus tôt les "défauts d’exploitation". Mais manifestement, ce n’est pas comme ça marche à la centrale EDF du Tricastin.

    Cet incident, déclaré aux autorités car significatif pour l’environnement [2], montre très clairement que le fonctionnement de l’installation et l’organisation d’EDF ne permettent pas de prévenir les pollutions ni de préserver le milieu naturel. Et malheureusement, le cas du Tricastin n’est pas isolé, pour preuve les nombreuses déclarations de dépassement des limites autorisées dans les rejets liquides des centrales nucléaires (voir notre cartEau). EDF est loin, très loin de se donner les moyens de limiter la casse environnementale produite par son activité industrielle.
    Ce que dit EDF :

    Evénements significatifs de décembre 2023

    Publié le 22/02/2024

    Les évènements significatifs suivants ont été déclarés au niveau 0 en dessous de l’échelle INES à l’Autorité de sûreté nucléaire. Ils n’ont eu aucune conséquence sur la sûreté des installations ou sur l’environnement.

    29 décembre 2023, événement significatif environnement

    Conformément à la réglementation, les équipes réalisent un prélèvement mensuel afin d’analyser la quantité d’hydrocarbures en sortie du déshuileur. Le résultat est de 46,6 mg/l pour une limite autorisée de 10 mg/l. Les analyses effectuées en janvier 2024 ne montrent pas de dépassement. Un défaut ponctuel d’exploitation est la cause la plus probable.

    https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-du-tricastin/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-du-tricastin/evenements-significatifs-de-decembre-2023

    [1] INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES

    [2] Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

    https://www.sortirdunucleaire.org/France-Tricastin-4-fois-trop-d-hydrocarbures-dans-l-eau

    #rivière #nucléaire #pollution_de_l'eau

  • #Baptiste_Morizot - La Manufacture d’idées 2023 - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=XIAtKdX7_jc

    Rencontre avec le philosophe Baptiste Morizot autour de son ouvrage « #L'inexploré », un livre conçu comme une carte nous invitant à retrouver le goût de l’exploration, en déroutant cette notion de son orientation moderne vers les étoiles pour la réincurver vers la #Terre et vers ce qui nous relie à nos #milieux_de_vie (modérateur : Rémi Noyon, L’Obs).
    @La Manufacture d’idées

  • La Regione Lombardia e il rischio di un nuovo “saccheggio” dei fiumi

    La Giunta Fontana a metà febbraio ha disposto l’estrazione di sabbia e ghiaia dall’alveo di diversi fiumi, tra cui l’#Adda e il #Mera, e torrenti. Con la scusa di rimuovere materiali in eccesso e prevenire esondazioni dà il la a nuove concessioni per cavare. Un errore, denuncia il Centro italiano per la riqualificazione fluviale.

    “Siamo di fronte all’ennesimo episodio di saccheggio dei fiumi: quello approvato da Regione Lombardia è in realtà un ingiustificato programma di ‘disalveo’”, denuncia Andrea Goltara, direttore del Centro italiano per la riqualificazione fluviale (Cirf) commentando la delibera con cui la giunta regionale ha approvato, a metà febbraio, a un “programma di regimazione idraulica mediante escavazione di materiali litoidi” per l’anno 2024. “Il susseguirsi di più eventi di piena negli ultimi anni ha determinato la formazione di accumuli significativi di materiale litoide in alveo, tali da rendere necessaria la loro rimozione mediante un Programma di interventi di regimazione idraulica mediante escavazione di materiali litoidi”, si legge nel testo del documento.

    In altre parole, Regione Lombardia rilascerà delle concessioni per l’estrazione di sabbia e ghiaia dai letti di una dozzina tra torrenti e fiumi, a partire dall’Adda e dal Mera, giustificando questo intervento con la necessità di rimuovere l’eccessiva quantità di materiali che si è depositata in alcuni punti degli alvei a causa degli eventi alluvionali estremi degli ultimi anni.

    Il programma verrà attuato, prosegue la delibera, “mediante il rilascio di concessioni per l’asportazione del materiale eccedente secondo un progetto definitivo/esecutivo, approvato dall’Ufficio Territoriale Regionale competente per la gestione del corso d’acqua”. Tra quelli in elenco figurano appunto corsi d’acqua importanti come l’Adda (dove sono previsti nove interventi, l’#Oglio e il Mera (cinque gli interventi previsti); ma anche torrenti come il #Federia nel Comune di #Livigno, il #Mallero a #Chiesa_Valmalenco in provincia di #Sondrio o il #Tidone in provincia di Pavia e il torrente #Re in #Valle_Sabbia (BS).

    “La motivazione indicata da Regione Lombardia è la riduzione del rischio di possibili esondazioni a causa degli accumuli di sedimenti -spiega ad Altreconomia Andrea Goltara, direttore del Centro italiano per la riqualificazione fluviale (Cirf) -. Tuttavia, né la delibera né i suoi allegati contengono dati, risultati di modellazioni o alcuna valutazione che giustifichino la necessità di questo tipo di intervento per ridurre il rischio. Anche le immagini contenute nei documenti mostrano perlopiù normali forme e processi fluviali”.

    Interventi di questo tipo, che si limitano ad estrarre materiali dagli alvei, continua Goltara, risultano ancora più anacronistici se si pensa che dal 2015 è entrato in vigore per le Autorità di bacino distrettuali e le Regioni l’obbligo di elaborare i #Programmi_di_gestione_dei_sedimenti (#Pgs): strumenti conoscitivi, gestionale e di gestione dei sedimenti relativi all’assetto morfologico dei corsi d’acqua finalizzati a mitigare il rischio alluvioni, oltre che a tutelare e migliorare lo stato morfologico ed ecologico dei corsi d’acqua.

    “Non dovrebbe più essere possibile realizzare estesi interventi di questo tipo, in assenza di dimostrate situazioni di emergenza e senza un piano che definisca per ogni corso d’acqua stato di fatto, obiettivi e azioni conseguenti, come previsto dal Pgs”, sottolinea il direttore del Cirf. Anche l’obbligo di intervenire per ridurre i rischi, previsto dalla Direttiva alluvioni dell’Unione europea, non chiede di “regimare” i corsi d’acqua. “Non siamo più negli anni Sessanta -conclude-. Inoltre, è importante ricordare che la Lombardia, in ottemperanza con quanto previsto dalla Direttiva acque, è tra le poche ad aver realizzato una classificazione idro-morfologica dei propri fiumi e torrenti. Viene da chiedersi se e come vengano utilizzate queste informazioni”.

    https://altreconomia.it/la-regione-lombardia-e-il-rischio-di-un-nuovo-saccheggio-dei-fiumi

    #Italie #Lombardie #rivières #sable #extractivisme

  • trouve ça drôle : dans son pénultième dazibao elle évoquait King Crimson et en fait elle n’a même pas eu besoin de le réécouter pour avoir « Epitaph » en tête et le fredonner toute la journée :

    « The wall on which the prophets wrote
    Is cracking at the seams.
    Upon the instruments of death
    The sunlight brightly gleams.
    When every man is torn apart
    With nightmares and with dreams,
    Will no one lay the laurel wreath
    As silence drowns the screams. »

    … et plus loin :

    « Confusion will be my epitaph
    As I crawl a cracked and broken path. »

    Incroyab’, non ? Quel visionnaire ce roi Crimson ! Ça date d’il y a cinquante-cinq ans et pourtant on croirait toujours entendre un très actuel bulletin d’informations internationales — suivi du bilan de santé de la Garreau.

    #RienNAChangéDepuisLePléistocène.

  • Rotta balcanica: i sogni spezzati nella Drina
    https://www.balcanicaucaso.org/aree/Bosnia-Erzegovina/Rotta-balcanica-i-sogni-spezzati-nella-Drina-229948

    Nelle acque del fiume Drina, in Bosnia Erzegovina, decine di migranti sono morti nel tentativo di avvicinarsi al sogno di una vita migliore in quell’Europa che li respinge. Volontari del Soccorso alpino di Bijeljina e attivisti sono impegnati nel difficile recupero dei corpi

    • Rotta balcanica : i sogni spezzati nella Drina

      Nelle acque del fiume Drina, in Bosnia Erzegovina, decine di migranti sono morti nel tentativo di avvicinarsi al sogno di una vita migliore in quell’Europa che li respinge. Volontari del Soccorso alpino di Bijeljina e attivisti sono impegnati nel difficile recupero dei corpi.

      “Finora non mi è mai capitato di sognare uno dei corpi ritrovati, non ho mai avuto incubi. Proprio mai. Credo sia una questione di approccio. Soltanto chi non ha la coscienza pulita fa incubi”, afferma Nenad Jovanović, 37 anni, membro della squadra del Soccorso alpino di Bijeljina.

      Negli ultimi sei anni, Jovanović ha partecipato alle operazioni di recupero di oltre cinquanta corpi di migranti nell’area che si estende dal villaggio di Branjevo alla foce del fiume Drina [nella Bosnia orientale], tutti di età inferiore ai quarant’anni, annegati nel tentativo di entrare in Bosnia Erzegovina dalla Serbia, per poi proseguire il loro viaggio verso altri paesi europei, in cerca di un posto sicuro per sé e per i propri familiari.

      “Ogni volta che scoppia un nuovo conflitto in Medio Oriente, in Afghanistan, Iraq o altrove, assistiamo ad un aumento degli arrivi di migranti in cerca di salvezza nei paesi dell’Unione europea. Purtroppo, per alcuni di loro la Drina si rivela un ostacolo insormontabile. Il loro è un destino doloroso che può capitare a chiunque”, spiega Nenad Jovanović.

      Durante le operazioni di recupero dei corpi, Jovanović più volte è stato costretto a gettarsi nel fiume in piena, rischiando la propria vita.

      “Recentemente abbiamo recuperato il corpo di un uomo proveniente dall’Afghanistan. Era in acqua da circa un anno. I pescatori che per primi lo avevano notato non erano nemmeno sicuri che si trattasse di un corpo umano. Potete immaginare lo stato in cui si trovava”, afferma Jovanović.

      Un suo collega, Miroslav Vujanović, si sofferma sull’aspetto umano del lavoro del soccorritore. “A prescindere dallo stato di decomposizione, cerchiamo in tutti in modi possibili di recuperare il corpo nelle condizioni in cui lo troviamo. Nulla deve essere perso, nemmeno i vestiti. Perché siamo tutti esseri umani. Nel momento del recupero di un corpo magari non pensi alla sua identità, cerchi di fare il tuo lavoro in modo professionale e basta. Poi però quando torni a casa e vedi tua moglie e i figli, inizi a chiederti chi fosse quell’uomo e se anche lui avesse una famiglia. È del tutto normale riflettere su queste cose. Sono però pensieri intimi, che tendiamo a tenere dentro”.

      I volontari del Soccorso alpino di Bijeljina hanno partecipato anche alle operazioni di ricerca e assistenza alle popolazioni colpite dal terremoto nella regione di Banovina (in Croazia) nel 2020 e alle vittime del terremoto che l’anno scorso ha devastato la Turchia. In tutte queste operazioni sono stati costretti ad utilizzare le attrezzature prese in prestito o noleggiate, perché le autorità locali non rispettano gli accordi di cooperazione stipulati con altri paesi. Del resto, la Bosnia Erzegovina è il paese delle assurdità. Lo confermano anche i nostri interlocutori, aggiungendo che a volte si sentono incompresi anche dai loro familiari.

      “Mia moglie spesso si chiede come io possa fare questo lavoro. Oppure invito ospiti a casa per la celebrazione del santo della famiglia, e proprio quando stiamo per tagliare il pane tradizionale, mi chiama la polizia dicendo di aver trovato un cadavere nella Drina. Quindi, mi scuso con gli ospiti, chiedo loro di rimanere e vado a fare il mio lavoro. Non è un lavoro facile, ma per me la più grande soddisfazione è sapere che quel corpo recuperato sarà sepolto degnamente e che la famiglia della vittima, straziata dalla sofferenza, finalmente troverà pace”, spiega Nenad Jovanović.

      Recentemente, Jovanović, insieme ai suoi colleghi Miroslav Vujanović e Safet Omerbegić, ha partecipato ad una cerimonia di commemorazione in memoria dei migranti scomparsi e morti ai confini d’Europa. In quell’occasione sono state inaugurate le lapidi delle tombe dei sedici migranti sepolti nel nuovo cimitero di Bijeljina, situato nel quartiere di Hase. Trattandosi di corpi non identificati, ciascuna delle lastre in marmo nero reca incise, a caratteri dorati, la sigla N.N e l’anno della morte.

      Nel cimitero è stato piantato anche un filare di alberi in memoria delle vittime e sono state collocate due targhe commemorative con la scritta: “Non dimenticheremo mai voi e i vostri sogni spezzati nella Drina”. L’iniziativa è stata realizzata grazie al sostegno dell’associazione austriaca «SOS Balkanroute» e di Nihad Suljić, attivista di Tuzla, che da anni fornisce assistenza concreta ai rifugiati e partecipa alle procedure di identificazione e sepoltura dei morti.

      “Per noi è un grande onore e privilegio sostenere simili progetti. Si tratta di un’iniziativa pionieristica che può fungere da modello per l’intera regione. Per quanto possa sembrare paradossale, siamo contenti che queste persone, a differenza di tante altre, abbiano almeno una tomba. Abbiamo voluto che le loro tombe fossero dignitose e che non venissero lasciate al degrado, come accaduto recentemente a Zvornik”, sottolinea Petar Rosandić dell’associazione SOS Balkanroute.

      Rosandić spiega che la sistemazione delle tombe dei migranti nei cimiteri di Bijeljina e Zvornik è frutto di un’iniziativa di cooperazione transfrontaliera a cui hanno partecipato anche le comunità religiose di Vienna. Queste comunità, che durante la Seconda guerra mondiale erano impegnate nel salvataggio degli ebrei, oggi partecipano a diversi progetti a sostegno dei migranti lungo le frontiere esterne dell’UE.

      “Sulle lastre c’è scritto che si tratta di persone non identificate, ma noi sappiano che in ogni tomba giace il corpo di un giovane uomo i cui sogni si sono spezzati nella Drina. Ognuno di loro aveva una famiglia, un passato, i propri desideri e le proprie aspirazioni. Il loro unico peccato, secondo gli standard europei, era quello di avere un passaporto sbagliato, quindi sono stati costretti a intraprendere strade pericolose per raggiungere i luoghi dove speravano di trovare serenità e un futuro migliore”, afferma l’attivista Nihad Suljić.

      Suljić poi spiega che nel prossimo periodo i ricercatori e gli attivisti si impegneranno al massimo per instaurare una collaborazione con diverse istituzioni e organizzazioni. L’obiettivo è quello di identificare le persone sepolte in modo da restituire loro un’identità e permettere alle loro famiglie di avviare un processo di lutto.

      “Questi monumenti neri sono le colonne della vergogna dell’Unione europea – commenta Suljić - non è stata la Drina a uccidere queste persone, bensì la politica delle frontiere chiuse. Se avessero avuto un altro modo per raggiungere un posto sicuro dove costruire una vita migliore, sicuramente non sarebbero andati in cerca di pace attraversando mari, fiumi e fili spinati. Le loro tombe testimonieranno per sempre la vergogna e il regime criminale dell’UE”.

      Suljić ha invitato i cittadini dell’UE che hanno partecipato alla cerimonia di commemorazione a Bijeljina a chiamare i governi dei loro paesi ad assumersi la propria responsabilità.

      “Non abbiamo bisogno di donazioni né di corone di fiori. Vi invito però a inviare un messaggio ai vostri governi, a tutti i responsabili dell’attuazione di queste politiche, per spiegare loro le conseguenze delle frontiere chiuse, frontiere che uccidono gli esseri umani, ma anche i valori europei”.

      Dalla chiusura del corridoio sicuro lungo la rotta balcanica [nel 2015], nell’area di Bijeljina, Zvornik e Bratunac sono stati ritrovati circa sessanta corpi di migranti annegati nel fiume Drina. Stando ai dati raccolti da un gruppo di attivisti e ricercatori, nel periodo compreso tra gennaio 2014 e dicembre 2023 lungo il tratto della rotta balcanica che include sei paesi (Macedonia del Nord, Kosovo, Serbia, Bosnia Erzegovina, Croazia e Slovenia) hanno perso la vita 346 persone in movimento. Trattandosi di dati reperiti da fonti pubbliche, i ricercatori sottolineano che il numero effettivo di vittime con ogni probabilità è molto più alto. In molti casi, la tragica sorte dei migranti è direttamente legata ai respingimenti effettuati dalle autorità locali e dai membri dell’agenzia Frontex.

      “La morte alle frontiere è ormai parte integrante di un regime di controllo che alcuni autori definiscono un crimine in tempo di pace, una forma di violenza amministrativa e istituzionale finalizzata a mantenere in vita un determinato ordine sociale. Molte persone morte ai confini restano invisibili, come sono invisibili anche le persone scomparse. I decessi e le sparizioni spesso non vengono denunciati, e alcuni corpi non vengono mai ritrovati”, spiega Marijana Hameršak, ricercatrice dell’Istituto di etnologia e studi sul folklore di Zagabria, responsabile di un progetto sui meccanismi di gestione dei flussi migratori alle periferie dell’UE.

      In assenza di un database regionale e di iniziative di cooperazione transfrontaliera, sono i volontari e gli attivisti a portare avanti le azioni di ricerca di persone scomparse e i tentativi di identificazione dei corpi. Al termine della cerimonia di commemorazione, a Bijeljina si è tenuta una conferenza per discutere di questo tema.

      “Molte famiglie non sanno a chi rivolgersi, non hanno mai ricevuto indicazioni chiare. Finora le istituzioni non hanno mai voluto impegnarsi su questo fronte. Spero che a breve ognuno si assuma la propria responsabilità e faccia il proprio lavoro, perché non è normale che noi, attivisti e volontari, portiamo avanti questo processo”, denuncia Nihad Suljić.

      A dare un contributo fondamentale è anche Vidak Simić, patologo ed esperto forense di Bijeljina. Dal 2016 Simić ha eseguito l’autopsia e prelevato un campione di DNA di circa quaranta corpi di migranti, per la maggior parte rinvenuti nel fiume Drina.

      “Questa vicenda mi opprime, non mi sento bene perché non riesco a portare a termine il mio lavoro. Credo profondamente nel giuramento di Ippocrate e lo rispetto. Le leggi e altre norme mi obbligano a conservare i campioni per sei mesi, ho deciso però di conservarli per tutto il tempo necessario, in attesa che il sistema venga cambiato. La mia idea è di raccogliere tutti questi campioni, creare profili genetici individuali, pubblicarli su un sito appositamente creato in modo da aiutare le famiglie – in Afghanistan, Pakistan, Algeria, Marocco e in altri paesi – che cercano i loro cari scomparsi.

      Lo auspicano anche il padre, la madre, la sorella e i fratelli di Aziz Alimi, vent’anni, proveniente dall’Afghanistan, che nel settembre dello scorso anno, nel tentativo di raggiungere la Bosnia Erzegovina dalla Serbia, aveva deciso di attraversare la Drina a nuoto con altri tre ragazzi. Poco dopo la sua scomparsa, nello stesso luogo da dove Aziz per l’ultima volta aveva contattato uno dei suoi fratelli, è stato ritrovato un corpo.

      Dal momento che non è stato possibile identificare il corpo per via del pessimo stato in cui si trovava, i familiari di Aziz, che nel frattempo hanno trovato rifugio in Iran, hanno inviato un campione del suo DNA in Bosnia Erzegovina. Ripongono fiducia nelle istituzioni e nei cittadini bosniaco-erzegovesi per garantire ad Aziz almeno una sepoltura dignitosa.

      Ai presenti alla conferenza di Bijeljina si è rivolta anche la sorella di Aziz, Zahra Alimi, intervenuta con un videomessaggio. “Non abbiamo parenti in Europa che possano aiutarci e davvero non sappiamo cosa fare. Per favore aiutateci, nostro padre è affetto da un tumore e nostra madre ha sofferto molto dopo aver appreso la triste notizia [della scomparsa di Aziz]. Possiamo contare solo su di voi”.

      https://www.balcanicaucaso.org/aree/Bosnia-Erzegovina/Rotta-balcanica-i-sogni-spezzati-nella-Drina-229948
      #route_des_Balkans #Balkans #rivière #Bosnie-Hezégovine #migrations #réfugiés #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #Bijeljina #Branjevo #Nenad_Jovanović #Nenad_Jovanovic #Serbie #frontières #commémoration #mémoire #cimetière #tombes #SOS_Balkanroute #Nihad_Suljić #Nihad_Suljic #dignité #monument #responsabilité

  • Comment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « #patois »

    Les manifestations récentes par lesquelles le monde agricole français a fait entendre ses protestations et ses revendications ont, une fois de plus, fait apparaître des différences profondes, voire des fractures, entre le monde rural et le monde urbain et plus encore entre des images valorisantes de l’urbanité et dévalorisantes de la ruralité.

    La France moderne a été construite depuis Paris, lieu de la puissance politique, en développant un sentiment de supériorité de la capitale sur « la province » (le singulier est significatif) et des villes (supposées modernes) sur les campagnes (supposées arriérées). Au lieu d’être fédérale, vu sa diversité, « la France est un pays dont l’unité a été construite à coups de cravache […] par l’autorité de l’État central », selon Jean Viard.

    Les normes sociales valorisées ont donc été celles, urbaines, de la ville-capitale érigée en phare de l’État hypercentralisé. On le voit, par exemple, dans le fait qu’en français le mot urbain a le double sens « de la ville » et « poli, courtois » et que le mot paysan a le double sens de « rural, agricole » et « rustre, grossier ». Ce mode de relation est clairement confirmé par une analyse sociolinguistique plus large, comme on va le voir ci-après. En effet, la sociolinguistique a pour but d’étudier principalement deux choses : les effets de l’organisation d’une société sur les langues qu’on y parle et ce que la place faite aux langues révèle de l’organisation de cette société.
    Paris, ses bourgeois et leur langue érigés en modèle

    C’est en effet la langue de la capitale qui a été imposée notamment à partir de la Révolution française à l’ensemble des populations progressivement rattachées à la France. Elle est considérée comme la langue « normale » en France. Et c’est le français des classes supérieures parisiennes qui a été prescrit comme modèle d’expression. Ainsi le grammairien Vaugelas définissait-il ce « bon français » en 1647 :

    « La façon de parler de la plus saine partie de la Cour […] Quand je dis la cour, j’y comprends les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le prince réside. »

    La prétendue supériorité universelle du français, par opposition à toutes les autres langues et d’autant plus aux « patois régionaux », affirmée dès 1784 par le pamphlétaire Rivarol, est régulièrement reprise dans les discours étatiques jusqu’à aujourd’hui, par exemple par le président de la République lui-même lorsqu’il inaugure une cité qui cultive les mythes sur la langue française.

    Tout au long du XIXe siècle, la construction de la nation française passe par cette vision de la langue française, que l’école de la IIIe République (1870-1940) est chargée de mettre en œuvre de façon particulièrement offensive.

    En 1951, le phonéticien Pierre Fouché poursuit cette vision suprémaciste de la langue de Paris et de ses classes dominantes en établissant pour l’enseignement une norme de prononciation du français sur le modèle d’une « conversation soignée chez des Parisiens cultivés ».
    Les « patois pauvres et corrompus » des campagnes « provinciales »

    Quant aux autres langues de France, comme on les appelle depuis 1999, elles ont, à l’inverse, été disqualifiées par le nom de « patois » au départ méprisant, par l’association au seul monde rural et à une arriération prétendue. L’origine du mot « patois » est discutée, mais il est très probable qu’il vienne du verbe « patoiller » qui veut dire soit « marcher dans la boue, barboter, patauger », soit « gesticuler, parler en faisant des signes avec les mains ». Dans les deux cas, c’est un terme péjoratif à l’origine.

    Or, tout ceci est doublement faux : ces langues étaient aussi celles des villes (à Marseille par exemple le provençal était la langue générale jusque dans les années 1920) et d’intellectuels (Frédéric Mistral, licencié en droit, a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre toute en provençal).

    Mais les préjugés sont fondés sur un aveuglement pour ne voir que ce que l’on veut voir. Ainsi, on lit dans l’Encyclopédie (1765) :

    « Patois : Langage corrompu tel qu’il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois gascon, le patois provençal, etc. On ne parle la langue que dans la capitale. »

    Le Dictionnaire de Furetière (1690) précisait :

    « Langage corrompu et grossier tel que celui du menu peuple, des paysans, et des enfants qui ne savent pas encore bien prononcer. »

    À la création de la 1ere République française, ses responsables considéraient ainsi que dans les provinces on parlait « ces jargons barbares et ces idiomes grossiers » à « éradiquer » (Rapport Barrère, publié en 1794). Pourquoi ? Parce que « nous n’avons plus de provinces et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms » dont « deux idiomes très dégénérés » et parce que « l’homme des campagnes, peu accoutumé à généraliser ses idées, manquera toujours de termes abstraits » à cause de cette « inévitable pauvreté de langage, qui resserre l’esprit » disait le Rapport Grégoire (publié en 1794). Il ajoutait « les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d’idiome pauvre », ne mesurant pas le racisme linguistique de son propos.

    Le mépris des provinciaux, des ruraux et de leurs langues, alimentés par ces préjugés conjugués, a été sans borne. Il a culminé au XIXe siècle sous la forme d’un véritable racisme, dont celui contre les Bretons ou les Méridionaux, bien attesté.

    À l’époque l’étude scientifique des langues n’existait pas encore. La sociolinguistique, qui se développe à partir des années 1950-1970, a montré par la suite que toutes les langues sont égales (y compris celles dites « patois ») : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.

    Hélas, comme on l’observe trop souvent et encore plus à l’époque des « fake news », les connaissances scientifiques ont du mal à remplacer les croyances répandues dans l’opinion publique. C’est d’autant plus le cas quand il s’agit de langues en France, pays où a été instaurée une véritable religion nationale de la langue française accompagnée d’une sorte d’excommunication des autres langues.

    En conséquence, cette conception est encore présente de nos jours. Le Trésor de la Langue française (CNRS) la décrit ainsi :

    « Patois : Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales. Système linguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable […]. Langage obscur et inintelligible. Synonymes : baragouin, charabia, jargon. »

    Le « plouc » et son parler aussi méprisés l’un que l’autre

    Aujourd’hui encore, le stéréotype du « plouc » est fortement voire principalement constitué de caractéristiques linguistiques (“phrase, accent, prononciation, langue”), comme le montre l’étude de Corentin Roquebert, qui conclut :

    « On peut relever l’association forte entre des catégories et des objets plus ou moins valorisés socialement, ce qui favorise l’expression d’un jugement social positif ou négatif sur une population : le beauf comme personnage raciste et sexiste, le hipster branché et cool qui n’aime pas le mainstream, la prononciation et l’accent du plouc. »

    Les préjugés glottophobes contre des « patois » supposés employés (uniquement) par des « paysans » sont toujours là. Et même quand les « paysans » et autres « provinciaux » ont finalement adopté le français, bon gré mal gré, on continue à stigmatiser les traces de leurs “patois” dans leurs façons de parler français : mots locaux, expressions, tournures, et surtout accent…

    Le pseudo raisonnement, fondé sur des préjugés, est circulaire : les « patois » ne sont pas de vraies langues puisqu’ils sont parlés par des « paysans »/les « paysans » sont des rustres puisqu’ils parlent « patois ». Les deux stéréotypes négatifs projetés simultanément sur les « paysans » et sur les « patois » (ou les « accents » qu’il en reste), associés les uns aux autres, se renforcent réciproquement et produisent un mépris de classe renforcé.

    https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leu

    #mépris #France #fracture #rural #urbain #villes #campagnes #ruralité #dévalorisation #province #ville-capitale #centralisme #sociolinguistique #langue #bon_français #patois_régionaux #langues_régionales #Rivarol #mythe #nation #Etat-nation #Pierre_Fouché #préjugés #aveuglement #racisme_linguistique #préjugés #racisme #hiérarchisation #plouc #accents #mépris_de_classe

    • Le rapport de domination, en France, entre la capitale et le reste du pays est un fait difficilement contestable. Comme l’indique ce texte, cela se voit notamment par l’obligation, dictée par le pouvoir central d’État, établi à Paris, d’adopter sur tout le territoire la même langue. Pour autant, cet héritage centralisateur ne me semble pas être la seule explication dans la construction d’une idéologie de classe méprisante à l’encontre du monde paysan.

      On pourrait croire, en lisant ce texte, que le pays se résumait à un clivage entre Paris et « la province », cette dernière étant assimilée au « monde paysan », or le pays a compté quand même nombres de grandes villes sur le territoire, qui ont constitué autant de métropoles locales dont l’importance dans le développement du capitalisme en France a été tout aussi déterminante que celle de Paris. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui, le concept politique de « métropole » fait vibrer nombre de représentants de la classe dominante en Europe, y compris en France (et en Île-de-France).

      Témoignage personnel anecdotique : une partie de ma famille est nantaise et j’ai été frappé de constater à quel point les expressions de mépris anti-paysan, quasi-raciste, revenaient dans les propos de mes oncles et tantes. Cela dépasse de loin ce que j’ai entendu, en comparaison, à Paris, en tous cas, pour cette génération-là.

  • La biblioteca dei libri che nessuno legge
    https://www.meltingpot.org/2024/02/la-biblioteca-dei-libri-che-nessuno-legge

    Il cuore di Pristina è la grande biblioteca nazionale. La più grande di tutto il #Kosovo. L’edificio realizzato in epoca sovietica dall’architetto croato Andrija Mutnjaković, uno dei massimi esponenti di quello stile chiamato “Brutalismo”, in realtà è molto funzionale allo studio e alla conservazione dei libri. La struttura architettonica richiama alla mente le celle di un alveare, incastonate una sull’altra senza seguire simmetrie. Senza dubbio, è l’edificio più iconico di tutta Pristina, come la torre Eiffel per Parigi o il Tower Bridge per Londra. La biblioteca è, o meglio era, anche il cuore culturale del Kosovo con il suo (...)

    #Reportage_e_inchieste #Diritti_umani #Riccardo_Bottazzo

  • Quand le #comité_d’éthique du #CNRS se penche sur l’#engagement_public des chercheurs et chercheuses

    #Neutralité ? #Intégrité ? #Transparence ?

    Le Comité d’éthique du CNRS rappelle qu’il n’y a pas d’#incompatibilité de principe, plaide pour un « guide pratique de l’engagement » et place la direction de l’institution scientifique devant les mêmes obligations que les chercheurs.

    Avec la crise climatique, la pandémie de covid-19, l’accroissement des inégalités, le développement de l’intelligence artificielle ou les technologies de surveillance, la question de l’#engagement public des chercheurs est d’autant plus visible que les réseaux sociaux leur permettent une communication directe.

    Cette question dans les débats de société n’est pas nouvelle. De l’appel d’#Albert_Einstein, en novembre 1945, à la création d’un « #gouvernement_du_monde » pour réagir aux dangers de la #bombe_atomique à l’alerte lancée par #Irène_Frachon concernant le #Médiator, en passant par celle lancée sur les dangers des grands modèles de langage par #Timnit_Gebru et ses collègues, les chercheurs et chercheuses s’engagent régulièrement et créent même des sujets de #débats_publics.

    Une question renouvelée dans un monde incertain

    Le #comité_d'éthique_du_CNRS (#COMETS) ne fait pas semblant de le découvrir. Mais, selon lui, « face aux nombreux défis auxquels notre société est confrontée, la question de l’engagement public des chercheurs s’est renouvelée ». Il s’est donc auto-saisi pour « fournir aux chercheurs des clés de compréhension et des repères éthiques concernant l’engagement public » et vient de publier son #rapport sur le sujet [PDF].

    Il faut dire que les deux premières années du Covid-19 ont laissé des traces dans la communauté scientifique sur ces questions de prises de paroles des chercheurs. Le COMETS avait d’ailleurs publié en mai 2021 un avis accusant Didier Raoult alors que la direction du Centre avait rappelé tardivement à l’ordre, en août de la même année, et sans le nommer, le sociologue et directeur de recherche au CNRS Laurent Mucchielli, qui appelait notamment à suspendre la campagne de vaccination.

    Le COMETS relève que les chercheurs s’engagent selon des modalités variées, « de la signature de tribunes à la contribution aux travaux d’ONG ou de think tanks en passant par le soutien à des actions en justice ou l’écriture de billets de blog ». Il souligne aussi que les #réseaux_sociaux ont « sensiblement renforcé l’exposition publique des chercheurs engagés ».

    La présidente du comité d’éthique, Christine Noiville, égrène sur le site du CNRS, les « interrogations profondes » que ces engagements soulèvent :

    « S’engager publiquement, n’est-ce pas contraire à l’exigence d’#objectivité de la recherche ? N’est-ce pas risquer de la « politiser » ou de l’« idéologiser » ? S’engager ne risque-t-il pas de fragiliser la #crédibilité du chercheur, de mettre à mal sa réputation, sa carrière ? Est-on en droit de s’engager ? Pourrait-il même s’agir d’un devoir, comme certains collègues ou journalistes pourraient le laisser entendre ? »

    Pas d’incompatibilité de principe

    Le comité d’éthique aborde les inquiétudes que suscite cet engagement public des chercheurs et pose franchement la question de savoir s’il serait « une atteinte à la #neutralité_scientifique ? ». Faudrait-il laisser de côté ses opinions et valeurs pour « faire de la « bonne » science et produire des connaissances objectives » ?

    Le COMETS explique, en s’appuyant sur les travaux de l’anthropologue #Sarah_Carvallo, que ce concept de neutralité est « devenu central au XXe siècle, pour les sciences de la nature mais également pour les sciences sociales », notamment avec les philosophes des sciences #Hans_Reichenbach et #Karl_Popper, ainsi que le sociologue #Max_Weber dont le concept de « #neutralité_axiologique » – c’est-à-dire une neutralité comme valeur fondamentale – voudrait que le « savant » « tienne ses #convictions_politiques à distance de son enseignement et ne les impose pas subrepticement ».

    Mais le comité explique aussi, que depuis Reichenbach, Popper et Weber, la recherche a avancé. Citant le livre d’#Hilary_Putnam, « The Collapse of the Fact/Value Dichotomy and Other Essays », le COMETS explique que les chercheurs ont montré que « toute #science s’inscrit dans un #contexte_social et se nourrit donc de #valeurs multiples ».

    Le comité explique que le monde de la recherche est actuellement traversé de valeurs (citant le respect de la dignité humaine, le devoir envers les animaux, la préservation de l’environnement, la science ouverte) et que le chercheur « porte lui aussi nécessairement des valeurs sociales et culturelles dont il lui est impossible de se débarrasser totalement dans son travail de recherche ».

    Le COMETS préfère donc insister sur les « notions de #fiabilité, de #quête_d’objectivité, d’#intégrité et de #rigueur de la #démarche_scientifique, et de transparence sur les valeurs » que sur celle de la neutralité. « Dans le respect de ces conditions, il n’y a aucune incompatibilité avec l’engagement public du chercheur », assure-t-il.

    Liberté de s’engager... ou non

    Il rappelle aussi que les chercheurs ont une large #liberté_d'expression assurée par le code de l’éducation tout en n’étant pas exemptés des limites de droit commun (diffamation, racisme, sexisme, injure ...). Mais cette liberté doit s’appliquer à double sens : le chercheur est libre de s’engager ou non. Elle est aussi à prendre à titre individuel, insiste le COMETS : la démarche collective via les laboratoires, sociétés savantes et autres n’est pas la seule possible, même si donner une assise collective « présente de nombreux avantages (réflexion partagée, portée du message délivré, moindre exposition du chercheur, etc.) ».

    Le comité insiste par contre sur le fait que, lorsque le chercheur s’engage, il doit « prendre conscience qu’il met en jeu sa #responsabilité, non seulement juridique mais aussi morale, en raison du crédit que lui confère son statut et le savoir approfondi qu’il implique ».

    Il appuie aussi sur le fait que sa position privilégiée « crédite sa parole d’un poids particulier. Il doit mettre ce crédit au service de la collectivité et ne pas en abuser ».

    Des #devoirs lors de la #prise_de_parole

    Outre le respect de la loi, le COMETS considère, dans ce cadre, que les chercheurs et chercheuses ont des devoirs vis-à-vis du public. Notamment, ils doivent s’efforcer de mettre en contexte le cadre dans lequel ils parlent. S’agit-il d’une prise de parole en nom propre ? Le thème est-il dans le domaine de compétence du chercheur ? Est-il spécialiste ? A-t-il des liens d’intérêts ? Quelles valeurs sous-tendent son propos ? Le #degré_de_certitude doit aussi être abordé. Le Comité exprime néanmoins sa compréhension de la difficulté pratique que cela implique, vu les limites de temps de paroles dans les médias.

    Une autre obligation qui devrait s’appliquer à tout engagement de chercheurs selon le COMETS, et pas des moindres, est de l’asseoir sur des savoirs « robustes » et le faire « reposer sur une démarche scientifique rigoureuse ».

    Proposition de co-construction d’un guide

    Le COMETS recommande, dans ce cadre, au CNRS d’ « élaborer avec les personnels de la recherche un guide de l’engagement public » ainsi que des formations. Il propose aussi d’envisager que ce guide soit élaboré avec d’autres organismes de recherche.

    La direction du CNRS à sa place

    Le Comité d’éthique considère en revanche que « le CNRS ne devrait ni inciter, ni condamner a priori l’engagement des chercheurs, ni opérer une quelconque police des engagements », que ce soit dans l’évaluation des travaux de recherche ou dans d’éventuelles controverses provoquées par un engagement public.

    « La direction du CNRS n’a pas vocation à s’immiscer dans ces questions qui relèvent au premier chef du débat scientifique entre pairs », affirme-t-il. La place du CNRS est d’intervenir en cas de problème d’#intégrité_scientifique ou de #déontologie, mais aussi de #soutien aux chercheurs engagés « qui font l’objet d’#attaques personnelles ou de #procès_bâillons », selon lui.

    Le comité aborde aussi le cas dans lequel un chercheur mènerait des actions de #désobéissance_civile, sujet pour le moins d’actualité. Il considère que le CNRS ne doit ni « se substituer aux institutions de police et de justice », ni condamner par avance ce mode d’engagement, « ni le sanctionner en lieu et place de l’institution judiciaire ». Une #sanction_disciplinaire peut, par contre, être envisagée « éventuellement », « en cas de décision pénale définitive à l’encontre d’un chercheur ».

    Enfin, le Comité place la direction du CNRS devant les mêmes droits et obligations que les chercheurs dans son engagement vis-à-vis du public. Si le CNRS « prenait publiquement des positions normatives sur des sujets de société, le COMETS considère qu’il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent, etc. Cette prise de position de l’institution devrait pouvoir être discutée sur la base d’un débat contradictoire au sein de l’institution ».

    https://next.ink/985/quand-comite-dethique-cnrs-se-penche-sur-engagement-public-chercheurs-et-cherc

    • Avis du COMETS « Entre liberté et responsabilité : l’engagement public des chercheurs et chercheuses »

      Que des personnels de recherche s’engagent publiquement en prenant position dans la sphère publique sur divers enjeux moraux, politiques ou sociaux ne constitue pas une réalité nouvelle. Aujourd’hui toutefois, face aux nombreux défis auxquels notre société est confrontée, la question de l’engagement public des chercheurs s’est renouvelée. Nombre d’entre eux s’investissent pour soutenir des causes ou prendre position sur des enjeux de société – lutte contre les pandémies, dégradation de l’environnement, essor des technologies de surveillance, etc. – selon des modalités variées, de la signature de tribunes à la contribution aux travaux d’ONG ou de think tanks en passant par le soutien à des actions en justice ou l’écriture de billets de blog. Par ailleurs, le développement des médias et des réseaux sociaux a sensiblement renforcé l’exposition publique des chercheurs engagés.

      Dans le même temps, de forts questionnements s’expriment dans le monde de la recherche. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les modalités de l’engagement public, son opportunité et son principe même. Ils se demandent si et comment s’engager publiquement sans mettre en risque leur réputation et les valeurs partagées par leurs communautés de recherche, sans déroger à la neutralité traditionnellement attendue des chercheurs, sans perdre en impartialité et en crédibilité. Ce débat, qui anime de longue date les sciences sociales, irrigue désormais l’ensemble de la communauté scientifique.

      C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent avis. Fruit d’une auto-saisine du COMETS, il entend fournir aux chercheurs des clés de compréhension et des repères éthiques concernant l’engagement public.

      Le COMETS rappelle d’abord qu’il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre, d’un côté, l’engagement public du chercheur et, de l’autre, les normes attribuées ou effectivement applicables à l’activité de recherche. C’est notamment le cas de la notion de « neutralité » de la science, souvent considérée comme une condition indispensable de production de connaissances objectives et fiables. Si on ne peut qu’adhérer au souci de distinguer les faits scientifiques des opinions, il est illusoire de penser que le chercheur puisse se débarrasser totalement de ses valeurs : toute science est une entreprise humaine, inscrite dans un contexte social et, ce faisant, nourrie de valeurs. L’enjeu premier n’est donc pas d’attendre du chercheur qu’il en soit dépourvu mais qu’il les explicite et qu’il respecte les exigences d’intégrité et de rigueur qui doivent caractériser la démarche scientifique.

      Si diverses normes applicables à la recherche publique affirment une obligation de neutralité à la charge du chercheur, cette obligation ne fait en réalité pas obstacle, sur le principe, à la liberté et à l’esprit critique indissociables du travail de recherche, ni à l’implication du chercheur dans des débats de société auxquels, en tant que détenteur d’un savoir spécialisé, il a potentiellement une contribution utile à apporter.

      Le COMETS estime que l’engagement public doit être compris comme une liberté individuelle et ce, dans un double sens :

      -- d’une part, chaque chercheur doit rester libre de s’engager ou non ; qu’il choisisse de ne pas prendre position dans la sphère publique ne constitue en rien un manquement à une obligation professionnelle ou morale qui lui incomberait ;

      -- d’autre part, le chercheur qui s’engage n’a pas nécessairement à solliciter le soutien de communautés plus larges (laboratoire, société savante, etc.), même si le COMETS considère que donner une assise collective à une démarche d’engagement présente de nombreux avantages (réflexion partagée, portée du message délivré, moindre exposition du chercheur, etc.).

      S’il constitue une liberté, l’engagement nécessite également pour le chercheur de prendre conscience qu’il met en jeu sa responsabilité, non seulement juridique mais aussi morale, en raison du crédit que lui confère son statut et le savoir approfondi qu’il implique. En effet, en s’engageant publiquement, le chercheur met potentiellement en jeu non seulement sa réputation académique et sa carrière, mais aussi l’image de son institution, celle de la recherche et, plus généralement, la qualité du débat public auquel il contribue ou qu’il entend susciter. Le chercheur dispose d’une position privilégiée qui crédite sa parole d’un poids particulier. Il doit mettre ce crédit au service de la collectivité et ne pas en abuser. Le COMETS rappelle dès lors que tout engagement public doit se faire dans le respect de devoirs.

      Ces devoirs concernent en premier lieu la manière dont le chercheur s’exprime publiquement. Dans le sillage de son avis 42 rendu à l’occasion de la crise du COVID-19, le COMETS rappelle que le chercheur doit s’exprimer non seulement en respectant les règles de droit (lois mémorielles, lois condamnant la diffamation, l’injure, etc.) mais aussi en offrant à son auditoire la possibilité de mettre son discours en contexte, au minimum pour ne pas être induit en erreur. A cet effet, le chercheur doit prendre soin de :

      situer son propos : parle-t-il en son nom propre, au nom de sa communauté de recherche, de son organisme de rattachement ? Quel est son domaine de compétence ? Est-il spécialiste de la question sur laquelle il prend position ? Quels sont ses éventuels liens d’intérêts (avec telle entreprise, association, etc.) ? Quelles valeurs sous-tendent son propos ? ;
      mettre son propos en perspective : quel est le statut des résultats scientifiques sur lesquels il s’appuie ? Des incertitudes demeurent-elles ? Existe-t-il des controverses ?

      Le COMETS a conscience de la difficulté pratique à mettre en œuvre certaines de ces normes (temps de parole limité dans les médias, espace réduit des tribunes écrites, etc.). Leur respect constitue toutefois un objectif vers lequel le chercheur doit systématiquement tendre. Ce dernier doit également réfléchir, avant de s’exprimer publiquement, à ce qui fonde sa légitimité à le faire.

      En second lieu, les savoirs sur lesquels le chercheur assoit son engagement doivent être robustes et reposer sur une démarche scientifique rigoureuse. Engagé ou non, il doit obéir aux exigences classiques d’intégrité et de rigueur applicables à la production de connaissances fiables – description du protocole de recherche, référencement des sources, mise à disposition des résultats bruts, révision par les pairs, etc. Le COMETS rappelle que ces devoirs sont le corollaire nécessaire de la liberté de la recherche, qui est une liberté professionnelle, et que rien, pas même la défense d’une cause, aussi noble soit-elle, ne justifie de transiger avec ces règles et de s’accommoder de savoirs fragiles. Loin d’empêcher le chercheur d’affirmer une thèse avec force dans l’espace public, ces devoirs constituent au contraire un soutien indispensable à l’engagement public auquel, sinon, il peut lui être facilement reproché d’être militant.

      Afin de munir ceux qui souhaitent s’engager de repères et d’outils concrets, le COMETS invite le CNRS à élaborer avec les personnels de la recherche un guide de l’engagement public. Si de nombreux textes existent d’ores et déjà qui énoncent les droits et devoirs des chercheurs – statut du chercheur, chartes de déontologie, avis du COMETS, etc. –, ils sont éparpillés, parfois difficiles à interpréter (sur l’obligation de neutralité notamment) ou complexes à mettre en œuvre (déclaration des liens d’intérêt dans les médias, etc.). Un guide de l’engagement public devrait permettre de donner un contenu lisible, concret et réaliste à ces normes apparemment simples mais en réalité difficiles à comprendre ou à appliquer.

      Le COMETS recommande au CNRS d’envisager l’élaboration d’un tel guide avec d’autres organismes de recherche qui réfléchissent actuellement à la question. Le guide devrait par ailleurs être accompagné d’actions sensibilisant les chercheurs aux enjeux et techniques de l’engagement public (dont des formations à la prise de parole dans les médias).

      Le COMETS s’est enfin interrogé sur le positionnement plus général du CNRS à l’égard de l’engagement public.

      Le COMETS considère que de manière générale, le CNRS ne devrait ni inciter, ni condamner a priori l’engagement des chercheurs, ni opérer une quelconque police des engagements. En pratique :

      – dans l’évaluation de leurs travaux de recherche, les chercheurs ne devraient pas pâtir de leur engagement public. L’évaluation de l’activité de recherche d’un chercheur ne devrait porter que sur ses travaux de recherche et pas sur ses engagements publics éventuels ;

      – lorsque l’engagement public conduit à des controverses, la direction du CNRS n’a pas vocation à s’immiscer dans ces questions qui relèvent au premier chef du débat scientifique entre pairs ;

      – le CNRS doit en revanche intervenir au cas où un chercheur contreviendrait à l’intégrité ou à la déontologie (au minimum, les référents concernés devraient alors être saisis) ou en cas de violation des limites légales à la liberté d’expression (lois mémorielles, lois réprimant la diffamation, etc.) ; de même, l’institution devrait intervenir pour soutenir les chercheurs engagés qui font l’objet d’attaques personnelles ou de procès bâillons.

      – au cas où un chercheur mènerait des actions de désobéissance civile, le CNRS ne devrait pas se substituer aux institutions de police et de justice. Il ne devrait pas condamner ex ante ce mode d’engagement, ni le sanctionner en lieu et place de l’institution judiciaire. A posteriori, en cas de décision pénale définitive à l’encontre d’un chercheur, le CNRS peut éventuellement considérer que son intervention est requise et prendre une sanction.

      Plus généralement, le COMETS encourage le CNRS à protéger et à favoriser la liberté d’expression de son personnel. Il est en effet de la responsabilité des institutions et des communautés de recherche de soutenir la confrontation constructive des idées, fondée sur la liberté d’expression.

      Si le CNRS venait à décider de s’engager en tant qu’institution, c’est-à-dire s’il prenait publiquement des positions normatives sur des sujets de société, le COMETS considère qu’il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent, etc. Cette prise de position de l’institution devrait pouvoir être discutée sur la base d’un débat contradictoire au sein de l’institution.

      Pour télécharger l’avis :
      https://comite-ethique.cnrs.fr/wp-content/uploads/2023/09/AVIS-2023-44.pdf

      https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-du-comets-entre-liberte-et-responsabilite-engagement-public

      #avis

  • Eight #AFIC risk analysis cells set a benchmark in Africa

    This week, Frontex together with the European Commission and representatives from eight African countries forming part of the #Africa-Frontex_Intelligence_Community (AFIC) met in Dakar, Senegal, to wrap up the European Union-funded project on “Strengthening of AFIC as an instrument to fight serious cross-border crimes affecting Africa and the EU”.

    Launched in 2017 and funded by the European Commission, the project aimed to enhance the capacity and capability of AFIC countries to work jointly on identifying key threats impacting border management in Africa.

    After years of hard work and despite the challenges caused by the COVID-19 pandemic, Frontex has completed its latest project and is proud to announce the handover of equipment to trained border police analysts who are carrying out their tasks in the risk analysis cells of eight AFIC countries: Côte d’Ivoire, The Gambia, Ghana, Mauritania, Niger, Nigeria, Senegal and Togo.

    The role of the cells, which are run by local analysts trained by Frontex, is to collect and analyse data on cross-border crime and support authorities involved in border management.

    Frontex delivered a comprehensive risk analysis solution that meets the needs of the eight African border management authorities and enhances the safety and security of borders.

    The handover of the equipment marks the end of the project and the beginning of an intensive cooperation between the AFIC countries. Frontex stays committed and ready to continue to support the RACs by organising joint activities - such as workshops, trainings, plenary meetings – together with the AFIC partner countries, aiming at further developing AFIC risk analysis capacities.

    The AFIC project in numbers:

    – Establishment of eight risk analysis cells in Niger, Ghana, Gambia, Senegal, Nigeria, Ivory Coast, Togo and Mauritania;
    - 14 training sessions for analysts from African countries;
    - 10 regional workshops in Gambia, Ghana, Italy, Niger, Senegal, Nigeria, Kenya, Poland and Ivory Coast;
    - 17 joint analytical field visits in the EU and Africa.

    About AFIC

    The Africa-Frontex Intelligence Community was launched in 2010 to promote regular exchanges on migrant smuggling and other border security threats affecting African countries and the EU. It brings together Frontex analysts with those of partner African border authorities. A central element of the network are risk analysis cells, run by local analysts trained by Frontex. There are currently eight cells operating in Côte d’Ivoire, The Gambia, Ghana, Mauritania, Niger, Nigeria, Senegal and Togo.

    https://www.frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/eight-afic-risk-analysis-cells-set-a-benchmark-in-africa-uwxHJU

    #Frontex #Afrique #externalisation #migrations #réfugiés #frontières #EU #UE #Union_européenne #coopération #équipement #risk_analysis #Côte_d'Ivoire #Gambie #Ghana #Mauritanie #Niger #Nigeria #Sénégal #Togo #données #border_management #contrôles_frontaliers #RACs #training #risk_analysis_cells #formation #gardes-côtes

  • Stonebreakers
    https://resistenzeincirenaica.com/2024/01/17/5056

    Come ogni anno #La_Federazione delle Resistenze ha in serbo una serie di eventi per la ricorrenza del 19 febbraio / Yekatit 12, il giorno in cui si ricordano le vittime del colonialismo Italiano. Vi terremo aggiornati, ma intanto vi segnaliamo un primo appuntamento di avvicinamento alla data. Lunedì 22 gennaio la storica Mariana E.... Continua a leggere

    ##RIC #odonomastica #Urbanistica


    https://2.gravatar.com/avatar/23d8725e29be63f3a62790eb4565ea03f3a92a9974406a2d1b3243402663959c?s=96&d=

  • #Université, service public ou secteur productif ?

    L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.

    L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).

    Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.

    La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.

    Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.

    Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État

    Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.

    À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
    L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche

    La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).

    Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).

    Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.

    C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.

    Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.

    La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.

    La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.

    La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :

    "Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."

    La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).

    Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).

    On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).

    Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste

    L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.

    La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.

    C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.

    La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.

    C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.

    Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.

    Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.

    Un régime face à ses contradictions

    Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.

    Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels

    Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.

    La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.

    La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.

    Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.

    Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs

    Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.

    La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.

    Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.

    Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.

    Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire

    En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.

    Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.

    La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.

    Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).

    Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.

    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
    #ESR #facs #souffrance

  • « Dans la nuit du dortoir, lorsque la Main Réglementaire a muselé ma serrante pour douze heures, je m’éveille, je me retourne, je serre le drap autour de mon cou ; et, le nez contre la peinture grise et rafraîchissante du mur, je laisse gargouiller en moi d’énormes rigolades. Un joyeux assaut de petites folies grimpe à mon chevet et s’éparpille en gammes explosives.
    Chut : attendre un peu, modérer l’élan de mes doigts lorsque passe une silhouette de chance. Écraser. »

    #rire #masturbation ? #sexualité

  • Une organisation en #souffrance

    Les Français seraient-ils retors à l’effort, comme le laissent entendre les mesures visant à stigmatiser les chômeurs ? Et si le nombre de #démissions, les chiffres des #accidents et des #arrêts_de_travail étaient plutôt le signe de #conditions_de_travail délétères.

    Jeté dans une #concurrence accrue du fait d’un #management personnalisé, évalué et soumis à la culture froide du chiffre, des baisses budgétaires, le travailleur du XXIe siècle est placé sous une #pression inédite...

    L’étude de 2019 de la Darès (Ministère du Travail) nous apprend que 37% des travailleurs.ses interrogés se disent incapables de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Que l’on soit hôtesse de caisse (Laurence) ou magistrat (Jean-Pierre), tous témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’impact que ces dégradations peuvent avoir sur notre #santé comme l’explique le psychanalyste Christophe Dejours : “Il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la #santé_mentale. Grâce au travail, votre #identité s’accroît, votre #amour_de_soi s’accroît, votre santé mentale s’accroît, votre #résistance à la maladie s’accroît. C’est extraordinaire la santé par le travail. Mais si on vous empêche de faire du travail de qualité, alors là, la chose risque de très mal tourner.”

    Pourtant, la #quête_de_sens est plus que jamais au cœur des revendications, particulièrement chez les jeunes. Aussi, plutôt que de parler de la semaine de quatre jours ou de développer une sociabilité contrainte au travail, ne serait-il pas temps d’améliorer son #organisation, d’investir dans les métiers du « soin » afin de renforcer le #lien_social ?

    Enfin, la crise environnementale n’est-elle pas l’occasion de réinventer le travail, loin du cycle infernal production/ consommation comme le pense la sociologue Dominique Méda : “Je crois beaucoup à la reconversion écologique. Il faut prendre au sérieux la contrainte écologique comme moyen à la fois de créer des emplois, comme le montrent les études, mais aussi une possibilité de changer radicalement le travail en profondeur.”

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/une-organisation-en-souffrance-5912905

    #travail #audio #sens #reconnaissance #podcast #déshumanisation #grande_distribution #supermarchés #Carrefour #salariat #accidents_du_travail # location-gérance #jours_de_carence #délai_de_carence #financiarisation #traçabilité #performance #néo-taylorisme #taylorisme_numérique #contrôle #don #satisfaction #modernisation #mai_68 #individualisation #personnalisation #narcissisation #collectif #entraide #épanouissement #marges_de_manoeuvre #intensification_du_travail #efficacité #rentabilité #pression #sous-traitance #intensité_du_travail #santé_au_travail #santé #épidémie #anxiété #dépression #santé_publique #absentéisme #dégradation_des_conditions_de_travail #sommeil #identité #amour_de_soi #santé_par_le_travail #tournant_gestionnaire #gouvernance_de_l'entreprise #direction_d'entreprise #direction #règles #lois #gestionnaires #ignorance #objectifs_quantitatifs #objectifs #performance #mesurage #évaluation #traçabilité #quantification #quantitatif #qualitatif #politique_du_chiffre #flux #justice #charge_de_travail

    25’40 : #Jean-Pierre_Bandiera, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes :

    « On finit par oublier ce qu’on a appris à l’école nationale de la magistrature, c’est-à-dire la motivation d’un jugement... On finit par procéder par affirmation, ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps. On a des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction de toute une série d’éléments qui sont pourtant importants : s’attarder sur les faits ou les expliquer de façon complète. On se contente d’une qualification développée : Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait 3 véhicules, 4 téléviseurs au préjudice de Madame Durant lors d’un cambriolage » mais on n’est pas du tout en mesure après de préciser que Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durant ou qu’il ne connaissait absolument pas Madame Durant. Fixer les conditions dans lesquelles ce délit a été commis de manière ensuite à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge ! Il faut avoir à chaque fois qu’il nous est demandé la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu. C’est très important. On finit par mettre des tarifs. Quelle horreur pour un juge ! On finit par oublier la quintessence de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur de faits, la victime, et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine, c’est aussi le devenir de l’auteur de cette infraction de manière à éviter la récidive, prévoir sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle du juge, ce qui, de plus en plus, est ratatiné à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins tarifées. Et ça c’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, c’est quelque chose qui me posait de véritables problèmes d’éthique, parce que je ne pensais pas ce rôle du juge comme celui-là. Du coup, la qualité de la justice finit par souffrir, incontestablement. C’est une évolution constante qui est le fruit d’une volonté politique qui, elle aussi, a été constante, de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle devait disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’ai jamais été interrompue. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. La France est donc ??? pénultième au niveau européen sur les moyens budgétaires consacrés à sa justice. Le Tribunal de Nîme comporte 13 procureurs, la moyenne européenne nécessiterait qu’ils soient 63, je dis bien 63 pour 13. Il y a 39 juges au Tribunal de Nîmes, pour arriver dans la moyenne européenne il en faudrait 93. Et de mémoire il y a 125 greffiers et il en faudrait 350 je crois pour être dans la moyenne. Il y avait au début de ma carrière à Nîmes 1 juge des Libertés et de la détention, il y en a aujourd’hui 2. On a multiplié les chiffres du JLD par 10. Cela pose un problème moral et un problème éthique. Un problème moral parce qu’on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. Un problème éthique parce qu’on finit par prendre un certain nombre de recul par rapport aux valeurs que l’on a pourtant porté haut lorsqu’on a débuté cette carrière. De sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps et au final un certain découragement me guettaient et m’ont parfois atteint ; mes périodes de vacances étant véritablement chaque année un moment où la décompression s’imposait sinon je n’aurais pas pu continuer dans ces conditions-là. Ce sont des heures de travail qui sont très très chargés et qui contribuent aussi à cette fatigue aujourd’hui au travail qui a entraîné aussi beaucoup de burn-out chez quelques collègues et puis même, semble-t-il, certains sont arrivés à des extrémités funestes puisqu’on a eu quelques collègues qui se sont suicidés quasiment sur place, vraisemblablement en grande partie parce que... il y avait probablement des problèmes personnels, mais aussi vraisemblablement des problèmes professionnels. Le sentiment que je vous livre aujourd’hui est un sentiment un peu partagé par la plupart de mes collègues. Après la réaction par rapport à cette situation elle peut être une réaction combative à travers des engagements syndicaux pour essayer de parvenir à faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres. Ces engagements syndicaux peuvent permettre cela. D’autres ont plus ou moins rapidement baissé les bras et se sont satisfaits de cette situation à défaut de pouvoir la modifier. Je ne regrette rien, je suis parti serein avec le sentiment du devoir accompli, même si je constate que en fermant la porte du tribunal derrière moi je laisse une institution judiciaire qui est bien mal en point."

    Min. 33’15, #Christophe_Dejours, psychanaliste :

    « Mais quand il fait cela, qu’il sabote la qualité de son travail, qu’il bâcle son travail de juge, tout cela, c’est un ensemble de trahisons. Premièrement, il trahi des collègues, parce que comme il réussi à faire ce qu’on lui demande en termes de quantité... on sait très bien que le chef va se servir du fait qu’il y en a un qui arrive pour dire aux autres : ’Vous devez faire la même chose. Si vous ne le faites pas, l’évaluation dont vous allez bénéficier sera mauvaise pour vous, et votre carrière... vous voulez la mutation ? Vous ne l’aurez pas !’ Vous trahissez les collègues. Vous trahissez les règles de métier, vous trahissez le justiciable, vous trahissez les avocats, vous leur couper la parole parce que vous n’avez pas le temps : ’Maître, je suis désolé, il faut qu’on avance.’ Vous maltraitez les avocats, ce qui pose des problèmes aujourd’hui assez compliqués entre avocats et magistrats. Les relations se détériorent. Vous maltraitez le justiciable. Si vous allez trop vite... l’application des peines dans les prisons... Quand vous êtes juges des enfants, il faut écouter les enfants, ça prend du temps ! Mais non, ’va vite’. Vous vous rendez compte ? C’est la maltraitance des justiciables sous l’effet d’une justice comme ça. A la fin vous trahissez la justice, et comme vous faites mal votre travail, vous trahissez l’Etat de droit. A force de trahir tous ces gens qui sont... parce que c’est des gens très mobilisés... on ne devient pas magistrat comme ça, il faut passer des concours... c’est le concours le plus difficile des concours de la fonction publique, c’est plus difficile que l’ENA l’Ecole nationale de magistrature... C’est des gens hyper engagés, hyper réglo, qui ont un sens de la justice, et vous leur faites faire quoi ? Le contraire. C’est ça la dégradation de la qualité. Donc ça conduit, à un moment donné, à la trahison de soi. Ça, ça s’appelle la souffrance éthique. C’est-à-dire, elle commence à partir du moment où j’accepte d’apporter mon concours à des actes ou à des pratiques que le sens moral réprouve. Aujourd’hui c’est le cas dans la justice, c’est le cas dans les hôpitaux, c’est le cas dans les universités, c’est le cas dans les centres de recherche. Partout dans le secteur public, où la question éthique est décisive sur la qualité du service public, vous avez des gens qui trahissent tout ça, et qui entrent dans le domaine de la souffrance éthique. Des gens souffrent dans leur travail, sauf que cette souffrance, au lieu d’être transformée en plaisir, elle s’aggrave. Les gens vont de plus en plus mal parce que le travail leur renvoie d’eux-mêmes une image lamentable. Le résultat c’est que cette trahison de soi quelques fois ça se transforme en haine de soi. Et c’est comme ça qu’à un moment donné les gens se suicident. C’est comme ça que vous avez des médecins des hôpitaux, professeurs de médecine de Paris qui sautent par la fenêtre. Il y a eu le procès Mégnien, au mois de juin. Il a sauté du 5ème étage de Georges-Pompidou. Il est mort. Comment on en arrive là ? C’est parce que les gens ont eu la possibilité de réussir un travail, de faire une oeuvre, et tout à coup on leur casse le truc. Et là vous cassez une vie. C’est pour cela que les gens se disent : ’Ce n’est pas possible, c’est tout ce que j’ai mis de moi-même, tous ces gens avec qui j’ai bossé, maintenant il faut que ça soit moi qui donne le noms des gens qu’on va virer. Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas possible.’ Vous les obligez à faire l’inverse de ce qu’ils croient juste, de ce qu’ils croient bien. Cette organisation du travail, elle cultive ce qu’il y a de plus mauvais dans l’être humain. »

    #suicide #trahison #souffrance_éthique

    • Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail #jusqu’à_la_retraite ?

      En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des #risques_professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’#insoutenabillité du travail.

      Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.

      Une organisation du travail qui favorise l’#autonomie, la participation des salariés et limite l’#intensité_du_travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.

      https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quels-facteurs-influencent-la-capacite-des-salaries-faire-
      #statistiques #chiffres

  • Non Monsieur Macron, l’antisémitisme n’est pas la cause du massacre du 7 octobre - UJFP
    https://ujfp.org/non-monsieur-macron-lantisemitisme-nest-pas-la-cause-du-massacre-du-7-octobre

    Depuis le 7 octobre un génocide est en cours à Gaza. Malgré des médias aux ordres, il n’est plus possible de nier la réalité : plus de 30000 mort.es dont une grande majorité de femmes et d’enfants, 90% de la population déplacée de force et régulièrement bombardée, des habitations pulvérisées, la famine organisée, des familles ciblées et exterminées.

    La Cour Internationale de Justice a confirmé qu’il y a une tentative de génocide. Monsieur Macron n’a rien dit sur ce qui se passe à Gaza. Il n’a rien vu, il ignore que ce n’est pas seulement la population palestinienne qui est assassinée, c’est aussi le Droit international.

    Il a sciemment fait une confusion majeure : les victimes de l’attaque du 7 octobre n’ont pas été tué.es en tant que juifs/ves. Pour leur malheur hélas, elles ont été tuées en tant que membres d’un État colonial et désormais fasciste, qui enferme depuis 16 ans plus de deux millions de personnes dans un ghetto dont il a construit les murs. Seize ans dans la plus parfaite illégalité et avec la complicité des nations dites civilisées ! Seize ans sans discontinuer jusqu’à la brèche du 7 octobre.


    Toutes les vies ont la même valeur et parler des victimes israéliennes du 7 octobre sans un mot pour les milliers de victimes palestiniennes d’aujourd’hui et de demain est d’une indécence absolue.

  • #Risques_industriels : la #Cour_des_comptes au renfort d’#Amaris
    https://www.banquedesterritoires.fr/risques-industriels-la-cour-des-comptes-au-renfort-damaris

    Il y a peu, l’association Amaris déplorait que les pouvoirs publics n’aient pas tiré le bilan de la loi dite Bachelot relative à la prévention des risques technologiques et naturels, adoptée il y a 20 ans (voir notre article du 20 septembre 2023). L’association vient de recevoir un renfort de poids : celui de la Cour des comptes. En conclusion du rapport(https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-01/20240201-S2023-1508-ICPE-industrielles.pdf) qu’elle vient de consacrer à la gestion des installations classées pour la protection l’environnement (#ICPE) dans le domaine industriel, […] si elle constate que la grande majorité des PPRT a été approuvée, la rue Cambon relève comme Amaris que "beaucoup de questions demeurent sans réponse : de nombreux #logements resteront exposés […] et la mise en #sécurité des entreprises riveraines et des bâtiments publics n’est pas suivie". Elle ajoute que les ouvrages d’infrastructures de transports de matières dangereuses sont ignorés. Pour y remédier, elle recommande de prévoir des mesures de protection foncière et des travaux pour les "zones d’effets létaux" qui y sont liées, mais aussi de modifier la législation pour généraliser la mise en place de commissions consultatives analogues aux commissions de suivi de site des ICPE.

    Sont insuffisamment pris en compte également selon elle, des risques dont l’acuité va pourtant croissant, comme les "NaTechs" (#accidents_technologiques dus à un événement naturel) ou les #cyberattaques. C’est encore le cas des risques chroniques. Elle juge ainsi que "les impacts sanitaires et environnementaux de la #pollution des sols et #nappes_phréatiques ne sont pas assez étudiés", alors que nombre de ces derniers sont "durablement pollués". Elle souligne en outre que "la volonté de simplifier et d’accélérer les procédures afin de faciliter les implantations industrielles a conduit à restreindre le champ de l’obligation de l’étude d’impact et à rendre facultative la consultation du comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologique" (#Coderst – via la loi Asap — https://www.banquedesterritoires.fr/simplification-tout-ce-que-les-collectivites-peuvent-retenir-de — et son décret d’application — https://www.banquedesterritoires.fr/simplification-des-procedures-environnementales-le-decret-asap-), et que la loi pour l’industrie verte (https://www.banquedesterritoires.fr/industrie-verte-le-projet-de-loi-adopte-par-le-parlement) introduit de nouvelles mesures de #simplification. Elle déplore encore que nombre de « #polluants_émergents » (au regard de leur prise en compte, et pas de leur existence) ne sont toujours pas réglementés, leur encadrement se heurtant souvent à l’absence de valeurs toxicologiques de référence.

    De manière générale, la Cour dénonce l’insuffisance des moyens accordés. Pour elle, c’est notamment le cas des moyens alloués au recensement des sites pollués – et à leur# dépollution (mais le fonds vert est salué). Cela l’est également singulièrement des moyens de #police_environnementale de l’inspection des installées classées, fortement sollicités par l’essor des éoliennes terrestres et des méthaniseurs, mais aussi par l’application du règlement européen REACH et l’instruction des projets soutenues par le plan France 2030 (voir notre article du 22 juin 2023).

    […] Côté #sanctions, ce n’est guère mieux : "Les suites administratives demeurent peu dissuasives à l’exception des astreintes", les plafonds n’étant ni proportionnels aux capacités financières des contrevenants, ni à l’enrichissement qu’ils sont susceptibles de tirer de la situation de non-conformité.

    […] En dépit des efforts conduits en la matière – notamment le lancement du plan d’actions "Tous résilients face aux risques" –, la rue Cambon juge que "l’information institutionnelle sur les risques majeurs peine à atteindre ses cibles". Elle relève que "les organismes de concertation mis en place sont souvent critiqués pour leur fonctionnement vertical" et que "nombre de secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles ne sont plus actifs depuis plusieurs années". Elle estime également que "la culture de sécurité reste inégale parmi les élus, y compris parmi ceux des #collectivités accueillant des ICPE à hauts risques" et que "les collectivités s’estiment peu éclairées sur les risques chroniques et leurs effets sur l’environnement et la santé".

  • Cadences, sous-traitance, pression… quand le travail tue

    « Morts au travail : l’hécatombe. » Deux personnes meurent chaque jour, en moyenne, dans un accident dans le cadre de leur emploi. Ce chiffre, sous estimé, qui n’intègre pas les suicides ou les maladies, illustre un problème systémique

    « J’ai appris la mort de mon frère sur Facebook : la radio locale avait publié un article disant qu’un homme d’une trentaine d’années était décédé près de la carrière, raconte Candice Carton. J’ai eu un mauvais pressentiment, j’ai appelé la gendarmerie, c’était bien lui… L’entreprise a attendu le lendemain pour joindre notre mère. » Son frère Cédric aurait été frappé par une pierre à la suite d’un tir de mine le 28 juillet 2021, dans une carrière à Wallers-en-Fagne (Nord). Il travaillait depuis dix-sept ans pour le Comptoir des calcaires et matériaux, filiale du groupe Colas.

    Deux ans et demi plus tard, rien ne permet de certifier les causes de la mort du mécanicien-soudeur de 41 ans. D’abord close, l’enquête de gendarmerie a été rouverte en septembre 2023 à la suite des conclusions de l’inspection du travail, qui a pointé la dizaine d’infractions dont est responsable l’entreprise. Cédric Carton n’avait pas le boîtier pour les travailleurs isolés, qui déclenche une alarme en cas de chute. « Ils l’ont retrouvé deux heures après, se souvient sa sœur. Le directeur de la carrière m’a dit que mon frère était en sécurité, et qu’il avait fait un malaise… alors qu’il avait un trou béant de 20 centimètres de profondeur de la gorge au thorax. » En quête de réponses, elle a voulu déposer plainte deux fois, chacune des deux refusée, multiplié les courriers au procureur, pris deux avocats… Sans avoir le fin mot de cette triste histoire.

    Que s’est-il passé ? Est-ce la « faute à pas de chance », les « risques du métier » ? Qui est responsable ? Chaque année, des centaines de familles sont confrontées à ces questions après la mort d’un proche dans un accident du travail (AT), c’est-à-dire survenu « par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause ».

    « Un chauffeur routier a été retrouvé mort dans son camion », « Un ouvrier de 44 ans a été électrocuté », « Un homme meurt écrasé par une branche d’arbre », « Deux ouvriers roumains, un père et son fils, trouvent la mort sur un chantier à Istres [Bouches-du-Rhône] »… Le compte X de Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géographie, qui recense depuis 2019 les accidents dramatiques à partir des coupures de presse locale, illustre l’ampleur du phénomène. Vingt-huit ont été comptabilisés depuis janvier.

    En 2022, selon les derniers chiffres connus, 738 décès ont été recensés parmi les AT reconnus. Soit deux morts par jour. Un chiffre en hausse de 14 % sur un an, mais stable par rapport à 2019. Et, depuis une quinzaine d’années, il ne baisse plus. A cela s’ajoutent 286 accidents de trajet mortels (survenus entre le domicile et le lieu de travail) et 203 décès consécutifs à une maladie professionnelle.

    Et encore, ces statistiques sont loin de cerner l’ampleur du problème. La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne couvre que les salariés du régime général et n’intègre donc ni la fonction publique, ni les agriculteurs, ni les marins-pêcheurs, la majorité des chefs d’entreprise ou les autoentrepreneurs. C’est ainsi qu’en 2022 la Mutualité sociale agricole (MSA) a dénombré 151 accidents mortels dans le secteur des travaux agricoles, 20 % de plus qu’en 2019.

    Pour disposer de chiffres plus complets, il faut se tourner vers la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares). Problème : sa dernière étude porte sur 2019… A cette époque, elle dénombrait 790 AT mortels chez les salariés affiliés au régime général ou à la MSA et les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

    Le secteur de la construction est celui où la fréquence des accidents mortels est la plus importante (le triple de la moyenne). Arrivent ensuite l’agriculture, la sylviculture et la pêche, le travail du bois et les transports-entreposage. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes sont des hommes, et les ouvriers ont cinq fois plus de risques de perdre la vie que les cadres.

    Les accidents mortels sont deux fois plus fréquents chez les intérimaires. (...)
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/06/cadences-sous-traitance-pression-quand-le-travail-tue_6214988_3234.html

    https://justpaste.it/2ozrb

    #travail #accidents_du_travail #le_travail_tue

    • Accidents du travail : la lenteur de la justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’employeur
      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/morts-au-travail-la-douloureuse-lenteur-de-la-justice_6215011_1698637.html

      Les familles de victimes d’accidents mortels doivent parfois attendre des années avant de voir le bout de procédures judiciaires complexes.

      Pour ceux qui ont perdu un proche à la suite d’un accident du travail, la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur est essentielle. Mais les procédures, d’ordre pénal ou civil, tournent parfois au parcours du combattant, voire s’étirent sur des années, ajoutant à la douleur des familles. Fabienne Bérard, du collectif Familles : stop à la mort au travail, cite l’exemple de Fanny Maquin, qui a perdu son mari cordiste, Vincent, il y a douze ans. Et qui n’est toujours pas passée en justice pour être indemnisée. « Comme souvent, il y a eu un grand nombre de renvois d’audience, explique-t-elle. L’avocat adverse met en avant que, depuis ce temps, elle a reconstruit une cellule familiale et que le préjudice ne peut pas être établi de la même manière… »

      Tout accident du travail mortel est suivi d’une enquête de l’inspection du travail (qui doit intervenir dans les douze heures), et de la gendarmerie ou de la police. Depuis 2019, les deux institutions peuvent mener une enquête en commun, mais c’est encore rare. Et souvent, l’enquête de l’inspection dure plusieurs mois, parce que les effectifs manquent pour mener à bien les constats immédiats, les auditions des témoins ou encore solliciter des documents auprès de l’entreprise.

      Ces investigations permettent de déterminer si la responsabilité pénale de l’employeur est engagée. Si les règles de santé et sécurité n’ont pas été respectées, l’inspection du travail en avise le procureur, qui est le seul à pouvoir ouvrir une procédure. « Dès lors, le parquet a trois possibilités, explique l’avocat Ralph Blindauer, qui accompagne souvent des familles. Soit l’affaire est classée sans suite, soit une information judiciaire avec juge d’instruction est ouverte, car le cas est jugé complexe, soit, le plus couramment, une ou plusieurs personnes sont citées à comparaître devant le tribunal correctionnel. »

      Un montant négligeable

      En cas de poursuite au pénal, l’employeur est fréquemment condamné pour homicide involontaire en tant que personne morale – ce qui est peu satisfaisant pour les victimes, et peu dissuasif. L’amende est en effet de 375 000 euros maximum, un montant négligeable pour un grand groupe. L’employeur est plus rarement condamné en tant que personne physique, car il est difficile d’identifier le responsable de la sécurité – la peine encourue est alors l’emprisonnement.

      Dans le cas d’une procédure au civil, la reconnaissance d’une « faute inexcusable » de l’employeur permet aux ayants droit (conjoints, enfants ou ascendants) d’obtenir la majoration de leur rente, ainsi que l’indemnisation de leur préjudice moral. La faute est caractérisée lorsque l’entreprise a exposé son salarié à un danger dont il avait, ou aurait dû, avoir conscience et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

      « Le nœud du sujet, c’est la conscience du danger, en particulier lors d’un malaise mortel, explique Morane Keim-Bagot, professeure de droit à l’université de Strasbourg. Les employeurs remettent en question le caractère professionnel de l’accident, en démontrant qu’il y a une cause étrangère exclusive. » Certains prétendent ainsi que la victime souffrait d’un problème cardiaque décelé au moment de l’autopsie, de surpoids, de stress ou de tabagisme.

      « Si vous tombez sur un inspecteur surchargé, un parquet qui s’y attelle moyennement, des gendarmes non spécialisés et débordés, les procédures durent facilement des années, sans compter les renvois d’audience fréquents, conclut Me Blindauer. La longueur très variable de ces affaires illustre aussi le manque de moyens de la #justice. »

      #responsabilité_de_l’employeur #inspection_du_travail #responsabilité_pénale

    • Entre déni des entreprises et manque de données, l’invisibilisation des suicides liés au travail

      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/entre-deni-des-entreprises-et-manque-de-donnees-l-invisibilisation-des-suici

      Le manque de prise en compte du mal-être au travail renforce les risques d’accidents dramatiques.
      Par Anne Rodier

      « La dernière conversation que j’ai eue avec mon mari [Jean-Lou Cordelle] samedi 4 juin [2022] vers 22 heures concernait les dossiers en cours à son travail. Le lendemain matin, mon fils découvrait son père au bout d’une corde pendu dans le jardin », témoigne Christelle Cordelle dans la lettre adressée aux représentants du personnel d’Orange pour leur donner des précisions sur l’état psychologique de son mari avant son suicide, à l’âge de 51 ans, après des mois de surcharge de travail, d’alertes vaines à la hiérarchie et à la médecine du travail.

      Son acte, finalement reconnu comme « accident de service » – c’est ainsi que sont nommés les accidents du travail (#AT) des fonctionnaires –, n’est pas recensé dans le bilan annuel de la Sécurité sociale. Celui-ci ne tient pas, en effet, compte de la fonction publique, invisibilisant les actes désespérés des infirmières, des professeurs ou encore des policiers.

      L’Assurance-maladie parle d’une quarantaine de suicides-accidents du travail par an. Un chiffre stable, représentant 5 % du total des accidents du travail mortels, mais qui serait nettement sous-évalué. C’est entre vingt et trente fois plus, affirme l’Association d’aide aux victimes et aux organismes confrontés aux suicides et dépressions professionnelles (ASD-pro), qui l’évalue plutôt entre 800 et 1 300 chaque année, sur la base d’une étude épidémiologique sur les causes du suicide au travail réalisée fin 2021 par Santé publique France. https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=Suicide%20et%20activité%20professionnelle%20en%20France

      L’explosion des risques psychosociaux (RPS) en entreprise constatée étude après étude et par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM : https://assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/2018-sante-travail-affections-psychiques) apporte de l’eau au moulin de l’ASD-pro : 1 814 maladies professionnelles relèvent de maladies psychiques, en augmentation régulière, note le rapport 2022. Quant au dernier baromètre du cabinet Empreinte humaine, publié en novembre 2023, il est sans équivoque : près d’un salarié sur deux (48 %) était en détresse psychologique en 2023.

      « Passage à l’acte brutal »

      La mécanique mortifère de la souffrance au travail est connue. « Les mécanismes à l’œuvre semblent être toujours liés : atteintes à la professionnalité et à l’identité professionnelle, perte de l’estime de soi, apparition d’un sentiment d’impuissance », explique Philippe Zawieja, psychosociologue au cabinet Almagora.
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      Tous les RPS ne conduisent pas au geste fatal. « Il y a moins de suicidés chez les #salariés que parmi les #chômeurs, et 90 % des suicides interviennent sur fond de problème psychiatrique antérieur », souligne M. Zawieja. Mais « il existe des actes suicidaires qui ne sont pas la conséquence d’un état dépressif antérieur, qui marquent un passage à l’acte brutal [raptus], lié à un élément déclencheur conjoncturel », indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html. Comme ce fut le cas du management toxique institutionnel à France Télécom. C’est alors que survient l’accident.

      « Pour Jean-Lou, tout s’est passé insidieusement, témoigne sa veuve. Il était en surcharge de travail depuis octobre-novembre 2021, avec des salariés non remplacés, des départs en retraite. Un jour de janvier, je l’ai vu buguer devant son ordinateur. A partir de là, j’ai été plus attentive. En mars [2022], ils ont allégé sa charge de travail mais insuffisamment. En avril, il a craqué. La médecine du travail a été prévenue. Il a finalement été mis en arrêt, sauf qu’il continuait à recevoir des mails. Ils lui avaient laissé son portable professionnel et il n’y avait pas de message de gestion d’absence renvoyant vers un autre contact. Jusqu’au bout, Orange n’a pas pris la mesure ».

      Le plus souvent, les suicides au travail sont invisibilisés, au niveau de l’entreprise d’abord, puis des statistiques. « Classiquement, l’entreprise, quand elle n’est pas tout simplement dans le déni, considère que c’est une affaire privée et que le travail n’en est pas la cause », explique le juriste Loïc Lerouge, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste du sujet.

      Un déni qui a valu à Renault la première condamnation pour « faute inexcusable de l’employeur pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires alors qu’il avait conscience du danger » concernant les salariés du Technocentre de Guyancourt (Yvelines) qui ont mis fin à leurs jours dans les années 2000. [en 2012 https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/12/suicide-au-technocentre-renault-condamne-pour-faute-inexcusable_1700400_3224 « On reconnaît pleinement la responsabilité de la personne morale de l’entreprise depuis l’affaire #France_Télécom », précise M. Lerouge.

      Caractérisation délicate

      L’#invisibilisation des suicides commence par le non-dit. En réaction aux deux suicides de juin 2023 à la Banque de France, où l’une des victimes avait laissé une lettre incriminant clairement ses conditions de travail, la direction a déclaré avoir « fait ce qui s’impose » après un tel drame https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/10/a-la-banque-de-france-le-suicide-de-deux-salaries-empoisonne-le-dialogue-soc . Puis, lors des vœux 2024 adressés au personnel le 2 janvier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, n’a pas prononcé le mot « suicide », évoquant les « décès dramatiques de certains collègues ». Et s’il a déclaré « prendre au sérieux les résultats et les suggestions » de l’enquête qui acte le problème de #surcharge_de_travail, présentée au comité social et économique extraordinaire du 18 janvier, il n’a pas mis sur pause le plan de réduction des effectifs dans la filière fiduciaire. Celle-là même où travaillaient les deux salariés qui ont mis fin à leurs jours. « Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail et sont en souffrance. Il existe à la Banque de France une forme de maltraitance généralisée », affirme Emmanuel Kern, un élu CGT de l’institution.

      La caractérisation des suicides en accidents du travail est un exercice délicat, au cœur de la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur. Pour Santé publique France, la définition est assez simple (« Surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail », 2021). Il s’agit de tout suicide pour lequel au moins une des situations suivantes était présente : la survenue du décès sur le lieu du travail ; une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs.

      Mais pour l’administration, le champ est beaucoup plus restreint : l’Assurance-maladie prend en compte « l’acte intervenu au temps et au lieu de travail ». Et la reconnaissance n’aura pas lieu si des éléments au cours de l’enquête permettent d’établir que « le travail n’est en rien à l’origine du décès », précise la charte sur les accidents du travail rédigée à destination des enquêteurs de la Sécurité sociale https://www.atousante.com/wp-content/uploads/2011/05/Charte-des-AT-MP-acte-suicidaire-et-accident-du-travail.pdf. « En dehors du lieu de travail, c’est à la famille de faire la preuve du lien avec l’activité professionnelle », explique Michel Lallier, président de l’ASD-pro. Une vision nettement plus restrictive, qui explique cet écart entre les bilans des suicides au travail.

      #suicide_au_travail #risques_psychosociaux #médecine_du_travail #conditions_de_travail #management #cadences #pression #surcharge_de_travail

    • Manque de sécurité sur les chantiers : « Notre fils est mort pour 6 000 euros », Aline Leclerc
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/07/manque-de-securite-sur-les-chantiers-notre-fils-est-mort-pour-6-000-euros_62

      Pour réduire les coûts et tenir les délais, certaines entreprises du bâtiment accumulent les négligences et infractions au code du travail, susceptibles d’engendrer de graves accidents du travail

      Alban Millot avait trouvé l’offre d’emploi sur Leboncoin. Touche-à-tout débrouillard enchaînant les petits boulots, il n’avait aucune expérience dans la pose de panneaux photovoltaïques ni dans le travail en hauteur. Trois semaines après son embauche, il est passé à travers la toiture d’un hangar, le 10 mars 2021. Une chute mortelle de plus de 5 mètres. Le jour de ses 25 ans.

      « Quand le gendarme vous l’annonce, il parle d’un “accident”, comme on dit quand quelqu’un meurt sur la route », se rappelle douloureusement Laurent Millot, son père. La chute renvoie toujours d’abord l’idée d’une erreur d’attention, d’un déséquilibre. La faute à pas de chance. Et à la victime surtout – Alban n’a-t-il pas marché sur une plaque translucide qu’il savait fragile ?

      Ce n’est que quelque temps après que reviennent en mémoire ces petites phrases qui donnent à l’« accident » un autre sens. « J’avais eu Alban au téléphone une semaine avant. Il m’a dit que son travail était hyperdangereux, et qu’il allait s’acheter son propre harnais parce que celui fourni par la boîte était bas de gamme », raconte Véronique Millot, sa mère. Quand pour la rassurer il lui a dit : « Je fais ça seulement jusqu’à l’été », elle a répondu : « Te tue pas pour un boulot… »

      Inexpérimentés

      L’enquête, étoffée dans ce dossier, a mis en évidence une effarante liste de dysfonctionnements et d’infractions au code du travail de la PME qui l’employait, dont l’activité officiellement enregistrée (son code NAF ou APE) était « commerce de détail en quincaillerie, peintures ». Le seul technicien dûment diplômé avait quitté la société deux mois avant l’embauche d’Alban. Sur les vingt-cinq salariés, une dizaine de commerciaux et seulement trois équipes de deux poseurs, lesquels étaient en conséquence soumis à un rythme intense pour honorer les commandes.

      Avant sa mort, Alban et son collègue de 20 ans, et trois mois d’ancienneté seulement, étaient partis le lundi de Narbonne (Aude) pour un premier chantier en Charente, puis un autre en Ille-et-Vilaine, avant un troisième, le lendemain, dans les Côtes-d’Armor, et un ultime, le mercredi, en Ille-et-Villaine, où a eu lieu l’accident. Alban, seul à avoir le permis, avait conduit toute la route.

      Inexpérimentés, les deux hommes n’avaient reçu qu’une formation sommaire à la sécurité. Et, surtout, ne disposaient pas de harnais complets pour s’attacher, comme l’a constaté l’inspectrice du travail le jour du drame.

      « Méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant

      Sans matériel, ils ont loué sur place une échelle chez Kiloutou. « Combien pèse une plaque photovoltaïque ? », a demandé le président du tribunal correctionnel de Rennes, lors du procès en première instance. « Dix-huit kilos », a répondu le chef d’entreprise. « Il faut monter l’échelle avec le panneau sous le bras ? », s’est étonné le président. « Cela dépend du chantier. »

      Il sera démontré pendant l’enquête, puis à l’audience, la « méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant, commercial de formation, de la réglementation en vigueur sur le travail en hauteur comme sur les habilitations électriques. Il n’avait entrepris aucune démarche d’évaluation des risques. Et ce, alors que deux autres accidents non mortels avaient eu lieu peu de temps avant sur ses chantiers.

      Dans son jugement du 6 juin 2023, le tribunal a reconnu l’employeur – et non l’entreprise, déjà liquidée – coupable d’homicide involontaire, retenant la circonstance aggravante de « violation manifestement délibérée » d’une obligation de sécurité ou de prudence, « tant l’inobservation était inscrite dans ses habitudes ».

      Enjeux financiers

      Car ces négligences tragiques cachent aussi des enjeux financiers. Monter un échafaudage, c’est plusieurs heures perdues dans un planning serré, et un surcoût de 6 000 euros, qui aurait doublé le devis, a chiffré un ouvrier à l’audience. « En somme, notre fils est mort pour 6 000 euros », souligne Mme Millot.

      L’affaire résonne avec une autre, dans laquelle Eiffage Construction Gard et un sous-traitant ont été condamnés en première instance comme en appel lors des procès qui se sont tenus en mai 2021 et avril 2022, à Nîmes. Mickaël Beccavin, cordiste de 39 ans, a fait une chute mortelle le 6 mars 2018, alors qu’il assemblait des balcons sur les logements d’un chantier d’envergure. Pour une raison restée inexpliquée, une corde sur laquelle il était suspendu a été retrouvée sectionnée, trop courte de plusieurs mètres. Quand la défense de l’entreprise a plaidé la seule responsabilité de la victime, qui aurait mal vérifié son matériel, l’inspecteur du travail a proposé une autre analyse.

      « On peut vous expliquer que le cordiste doit faire attention, mais la question n’est pas que là. La question est : est-ce qu’on devait faire appel à des cordistes pour ce chantier ? », a expliqué Roland Migliore à la barre, en mai 2021. Car la législation n’autorise les travaux sur cordes, particulièrement accidentogènes, qu’en dernier recours : cette pratique n’est possible que si aucun autre dispositif de protection dite « collective » (échafaudage, nacelle…) n’est envisageable. « La protection collective protège le salarié indépendamment de ce qu’il peut faire lui. S’il s’attache mal, il est protégé, rappelle l’inspecteur du travail. Au contraire, si l’on choisit la protection individuelle, on fait tout reposer sur le salarié. »

      « Précipitation »

      Le recours à la corde était apparu à l’audience comme un choix de dernière minute, sur un chantier où « tout le monde était pressé ». L’inspecteur du travail avait alors souligné cet aspect : « Malheureusement, dans le BTP, les contraintes sur les délais de livraison poussent à la précipitation : on improvise, quitte à ne pas respecter le plan général de coordination. »

      Secrétaire CGT-Construction, bois et ameublement de Nouvelle-Aquitaine, Denis Boutineau n’en peut plus de compter les morts. « Très souvent, c’est lié à un manque de sécurité. Quand vous êtes en ville, regardez les gens qui travaillent sur les toits, il n’y a aucune protection ! Pourquoi ? Pour des raisons économiques ! » Il cite ainsi le cas d’un jeune couvreur passé à travers un toit Everite. « L’employeur avait fait deux devis ! Un avec la mise en sécurité, un sans ! Bien sûr, le second était moins cher. Lequel croyez-vous qu’a accepté le client ? »

      Caroline Dilly reste, elle aussi, hantée par un échange avec son fils Benjamin, 23 ans, quelque temps avant sa mort, le 28 février 2022. Couvreur lui aussi, il aurait chuté en revenant dans la nacelle après avoir remis une ardoise en place sur un toit. Il n’était pas titulaire du certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (Caces), nécessaire à l’utilisation de cet engin. Et la nacelle était-elle adaptée pour réaliser ce chantier ? C’est ce que devra établir la procédure judiciaire, encore en cours.

      Mais avant de rejoindre cette entreprise, Benjamin avait été renvoyé par une autre, au bout de quinze jours. « Il avait refusé de monter sur un échafaudage qui n’était pas aux normes », raconte sa mère, qui s’entend encore lui faire la leçon : « Y a ce que t’apprends à l’école et y a la réalité du monde du travail ! » « Je m’en veux tellement d’avoir dit ça… J’ai pris conscience alors à quel point prendre des risques au travail était entré dans nos mœurs. Tout ça pour aller plus vite. Comment en est-on arrivés à ce que la rentabilité prime sur le travail bien fait, en sécurité ? », se désole-t-elle.

      « Quand on commence, on est prêt à tout accepter »

      Depuis qu’elle a rejoint le Collectif familles : stop à la mort au travail, elle est frappée par la jeunesse des victimes : « Quand on commence dans le métier, on n’ose pas toujours dire qu’on a peur. Au contraire, pour s’intégrer, on est prêt à tout accepter. »

      Alexis Prélat avait 22 ans quand il est mort électrocuté sur un chantier, le 5 juin 2020. Son père, Fabien, bout aujourd’hui d’une colère qui lui fait soulever des montagnes. Sans avocat, il a réussi à faire reconnaître par le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux la « faute inexcusable » de l’employeur.

      C’est-à-dire à démontrer que ce dernier avait connaissance du danger auquel Alexis a été exposé et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le jeune homme est descendu dans une tranchée où était clairement identifiée, par un filet rouge, la présence d’un câble électrique. « Le préposé de l’employeur sous les ordres duquel travaillait la victime ce jour-là aurait dû avoir connaissance du danger », dit le jugement rendu le 11 mai 2023, qui liste des infractions relevées par l’inspecteur du travail, notamment l’« absence d’habilitation électrique » et l’« absence de transcription de l’ensemble des risques dans le document unique d’évaluation des risques ».

      Fabien Prélat relève également que, comme pour Alban Millot, le code APE de l’entreprise ne correspond pas à son activité réelle. Elle est identifiée comme « distribution de produits informatiques, bureautique et papeterie ». Il estime par ailleurs que le gérant, « de fait », n’est pas celui qui apparaît sur les documents officiels. « Bien sûr, ce n’est pas ça qui a directement causé la mort de mon fils. Mais si l’Etat contrôlait mieux les choses, ces gens-là n’auraient jamais pu s’installer », s’emporte-t-il.

      « Pas assez de contrôles de l’inspection du travail »

      Cheffe du pôle santé et sécurité à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), syndicat patronal, et elle-même gestionnaire d’une PME de charpente et couverture dans le Puy-de-Dôme, Cécile Beaudonnat s’indigne de ces pratiques. « Ce sont des gens contre qui on lutte, explique-t-elle. On les repère quand leurs clients nous contactent, dépités, quand ils comprennent que l’entreprise qui leur a mal installé des panneaux solaires n’avait ni les techniciens qualifiés, ni l’assurance professionnelle décennale », explique-t-elle.

      Normalement, pour s’installer, il y a l’obligation d’avoir une formation professionnelle qualifiante homologuée (au moins un CAP ou un BEP) ou de faire valider une expérience de trois ans sous la supervision d’un professionnel. « Malheureusement, il n’y a pas assez de contrôles de l’inspection du travail », déplore-t-elle. Avant d’ajouter : « Pour nous, c’est avant tout au chef d’entreprise d’être exemplaire, sur le port des équipements de protection, en faisant ce qu’il faut pour former ses salariés et en attaquant chaque chantier par une démarche de prévention des risques. Nous sommes une entreprise familiale, on n’a aucune envie d’avoir un jour un décès à annoncer à une famille. »

      « Il y a une bataille à mener pour faire changer les mentalités. Y compris chez les ouvriers, pour qu’ils ne se mettent pas en danger pour faire gagner plus d’argent à l’entreprise ! Quand on voit les dégâts que ça fait sur les familles… », s’attriste Denis Boutineau.

      Les deux parents d’Alexis Prélat ont obtenu, chacun, 32 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sa sœur 18 000 euros. Ils espèrent maintenant un procès en correctionnelle. « La meilleure façon de changer les choses, c’est d’obtenir des condamnations exemplaires », estime Fabien Prélat.

      Fait rare, l’employeur d’Alban Millot a, lui, été condamné en correctionnelle à trente-six mois de prison dont dix-huit ferme. Il a fait appel du jugement. « Avant le procès, j’avais la haine contre ce type, confie Laurent Millot. L’audience et, surtout, une sanction telle que celle-là m’ont fait redescendre. »

    • Accidents du travail : quand les machines mettent en péril la vie des salariés
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/08/accidents-du-travail-quand-les-machines-tuent_6215360_3234.html

      Dans l’industrie, le BTP ou l’agriculture, les accidents liés à l’utilisation de machines comptent parmi les plus graves et les plus mortels. Employeurs, fabricants et responsables de la maintenance se renvoient la faute.

      Lorsqu’il prend son poste, ce lundi 27 décembre 2021, cela fait déjà plusieurs mois que Pierrick Duchêne, 51 ans, peste contre la machine qu’il utilise. Après deux décennies dans l’agroalimentaire, il est, depuis cinq ans, conducteur de presse automatisée dans une agence Point P. de fabrication de parpaings, à Geneston (Loire-Atlantique). Depuis un an et demi, la bonne ambiance au boulot, cette fraternité du travail en équipe qu’il chérit tant, s’est peu à peu délitée. L’atmosphère est devenue plus pesante. La cadence, toujours plus infernale. Les objectifs de #productivité sont en hausse. Et ces #machines, donc, « toujours en panne », fulmine-t-il souvent auprès de sa femme, Claudine.

      Ce jour-là, il ne devait même pas travailler. Mais parce qu’il était du genre à « toujours aider et dépanner », dit Claudine, il a accepté de rogner un peu sur ses vacances pour participer à la journée de maintenance et de nettoyage des machines. Pierrick Duchêne a demandé à son fils qu’il se tienne prêt. Dès la fin de sa journée, à 15 heures, ils devaient aller à la déchetterie. Mais, vers 11 h 30, il est retrouvé inconscient, en arrêt cardiorespiratoire, écrasé sous une rectifieuse à parpaing. Dépêché sur place, le service mobile d’urgence et de réanimation fait repartir son cœur, qui s’arrête à nouveau dans l’ambulance. Pierrick Duchêne meurt à l’hôpital, le 2 janvier 2022.

      Son histoire fait tragiquement écho à des centaines d’autres, se produisant chaque année en France. En 2022, la Caisse nationale d’assurance-maladie a recensé 738 accidents du travail mortels dans le secteur privé, selon son rapport annuel publié en décembre 2023. 1 % d’entre eux sont liés au « risque machine » – auquel on peut ajouter les accidents liés à la « manutention mécanique », de l’ordre de 1 % également. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui répertorie plus précisément les incidents de ce type, les machines sont mises en cause dans 10 % à 15 % des accidents du travail ayant entraîné un arrêt supérieur ou égal à quatre jours, ce qui représente environ 55 000 accidents. Dont une vingtaine sont mortels chaque année.

      « La peur suppure de l’usine parce que l’usine au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence les hommes qu’elle utilise (…), ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l’ordre », écrivait Robert Linhart, dans L’Etabli (Editions de Minuit), en 1978. L’industrie, et notamment la métallurgie, est un secteur d’activité dans lequel les risques pour la santé des ouvriers sont amplifiés par l’utilisation d’outils et de machines. Les employés agricoles, les salariés de la chimie ou les travailleurs du BTP sont aussi très exposés. Sur le terrain, les services de l’inspection du travail font régulièrement état de la présence de machines dangereuses.

      « Aveuglement dysfonctionnel »

      Si leur fréquence baisse depuis les années 1990, ces accidents sont souvent les plus graves, avec des blessures importantes, et les procédures qui s’ensuivent sont extrêmement longues. La responsabilité peut être difficile à établir, car plusieurs acteurs sont en jeu : l’employeur, le fabricant de la machine, l’installateur, la maintenance. La plupart du temps, chacun se renvoie la faute. Comme si la machine permettait à tous de se dédouaner.

      « Le risque zéro n’existe pas », entend-on régulièrement au sujet des accidents du travail, qui plus est quand une machine est en cause. Pourtant, le dysfonctionnement brutal que personne ne pouvait anticiper, qui accréditerait la thèse d’une infortune létale, n’est quasiment jamais à l’œuvre. Au contraire, les défaillances des machines sont souvent connues de tous. « Il peut s’installer une sorte d’aveuglement dysfonctionnel, analyse Jorge Munoz, maître de conférences en sociologie à l’université de Bretagne occidentale. Le problème est tellement récurrent qu’il en devient normal. »

      Une situation qui hante encore les jours et les nuits de Delphine et de Franck Marais, les parents de Ludovic. Personne ne pouvait soupçonner que ce jeune apprenti barman de 19 ans mettait sa vie en péril en servant pintes et cafés derrière le comptoir d’une brasserie réputée de Tours. Mais, le 16 décembre 2019, quelques minutes avant de rentrer chez lui, à 23 h 45, sa tête est percutée par le monte-charge des poubelles.

      La machine fonctionnait depuis des mois, voire plusieurs années, avec les grilles de protection ouvertes. « Quelqu’un a désactivé la sécurité qui empêchait le monte-charge de démarrer ainsi, grilles ouvertes », raconte Franck, le père. Qui ? Un salarié, pour gagner du temps ? L’employeur, pour que ses salariés aillent plus vite ? Le responsable de la maintenance, à la demande de l’employeur ? Un oubli du technicien ? « On ne saura probablement jamais, mais, finalement, là n’est pas la question, estime l’avocate des parents, Marion Ménage. Ce qui compte, c’est que l’entreprise savait qu’il fonctionnait grilles ouvertes et qu’elle n’a rien fait. »

      « Il se sentait en danger »

      Sécurité désactivée, maintenance non assurée, prévention déconsidérée… Les mêmes logiques, les mêmes légèretés face à des machines dangereuses reviennent méthodiquement dans les récits, soulignant le caractère systémique de ces événements dramatiques. « Les dispositifs de sécurité ralentissent parfois le processus de travail et empêchent de tenir la cadence, analyse Jorge Munoz. On peut être tenté de défaire le mécanisme et, donc, de mettre en péril l’utilisateur. » C’est cette logique mortifère qui a été fatale à Flavien Bérard. Le jeune homme de 27 ans était sondeur pour la Société de maintenance pétrolière (SMP), une entreprise de forage et d’entretien de puits pétroliers, gaziers et de géothermie.

      D’abord employé sur un site dans le Gard, où il s’épanouit malgré les conditions de travail difficiles, Flavien Bérard est transféré après une semaine à Villemareuil, en Seine-et-Marne. Il se retrouve sur un chantier de forage pétrolier dont est propriétaire SMP, « les puits du patron », comme on surnomme le lieu. Industrie lourde, à l’ancienne, rythme en trois-huit, rendements à tout prix… Flavien est confronté à un milieu dur et peu accueillant. « Il nous a vite dit que c’était difficile, se souvient sa mère, Fabienne. Le gaillard de 1,84 mètre, plus de 80 kilos, corps de rugbyman, est pourtant du genre à tenir physiquement.

      « Il nous a surtout dit qu’il se sentait en danger, que les machines étaient dangereuses et qu’il avait des doutes sur la sécurité », déplore aujourd’hui Fabienne Bérard. Ses inquiétudes s’avèrent prémonitoires. Alors qu’il avait décidé de ne pas poursuivre sur le site une fois sa mission arrivée à son terme, le 5 mars 2022, vers 4 heures, une pièce métallique d’une trentaine de kilos se détache d’une machine de forage et percute Flavien à la tête, une quinzaine de mètres plus bas. Il meurt le lendemain, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

      « On nous a tout de suite parlé d’une erreur humaine, avec une sécurité désactivée », explique le père de la victime, Laurent Bérard. Selon l’avocat des parents, Lionel Béthune de Moro, le rapport machine de l’expert judiciaire ferait état de « 373 non-conformités », dont 3 concerneraient le système responsable de l’accident. « Une sécurité essentielle a été désactivée, pour le rendement », ajoute-t-il. « On nous a même dit que ce n’était pas la première fois qu’il y avait un problème avec cette machine », renchérit Fabienne Bérard.

      Complexité des procédures

      Ces exemples posent la question de la #prévention et de la maintenance. « L’objectif, c’est que les entreprises voient celles-ci comme un profit et non comme un coût », affirme Jean-Christophe Blaise, expert de l’INRS. L’institut a justement pour mission de développer et de promouvoir une culture de prévention des accidents du travail au sein des entreprises. « Dans certains cas, elle peut être perçue comme quelque chose qui alourdit les processus, qui coûte plus cher, complète Jorge Munoz. Mais l’utilisation d’une machine nécessite une organisation spécifique. »

      D’autant qu’une politique de prévention se déploie sur le long terme et nécessite des actions régulières dans le temps. Les agents de l’INRS travaillent sur trois aspects pour éviter les drames autour des machines : les solutions techniques, l’organisation du travail et le levier humain (formation, compétences, etc.). « Un accident du travail est toujours multifactoriel et il faut agir sur tout à la fois, souligne M. Blaise. La clé, c’est la maintenance préventive : anticiper, prévoir plutôt que subir. »

      Les accidents du travail liés aux machines ont un autre point commun : la complexité des procédures qui s’ensuivent. Plus de deux ans après les faits, Claudine Duchêne ne connaît toujours pas les circonstances exactes de la mort de son mari. « Je sais juste que la machine n’aurait pas dû fonctionner en ce jour de maintenance, qu’il n’aurait pas dû y avoir d’électricité », assure-t-elle. L’enquête de la gendarmerie a été close en juillet 2022, celle de l’inspection du travail a été remise à la justice en juin 2023. Celle-ci révélerait « une faute accablante sur l’organisation de la journée de maintenance », précise Claudine Duchêne. Depuis, elle attend la décision du parquet de Nantes.

      Aux enquêtes de police et de l’inspection du travail peut s’ajouter une expertise judiciaire, ralentissant encore un peu plus la procédure, comme dans le cas de Flavien Bérard. « L’attente est longue et douloureuse pour les familles, souligne Me Béthune de Moro. Plus il y a d’intervenants, plus cela alourdit les choses, mais c’est toujours pour éclairer la situation, dans un souci de manifestation de la vérité. » La famille attend désormais d’éventuelles mises en examen et une ordonnance de renvoi dans l’année pour un procès en 2025.

      Après l’accident de Ludovic Marais, le monte-charge a été mis sous scellé jusqu’en mars 2023, une procédure indispensable mais qui allonge encore les délais. Cela a empêché l’intervention d’un expert judiciaire pendant plus de trois ans. « Le nouveau juge d’instruction a décidé de lever les scellés et une nouvelle expertise est en cours », confie Me Ménage. Le rapport pourrait arriver d’ici à l’été. Sachant que les avocats de la défense pourront éventuellement demander une contre-expertise. La brasserie, le patron, la tutrice du jeune apprenti, Otis (la société ayant installé le monte-charge) et un de ses techniciens chargé de la maintenance sont mis en examen pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail ». Un procès pourrait avoir lieu fin 2024 ou en 2025. La fin d’un chemin de croix judiciaire pour qu’enfin le deuil soit possible.

    • Accidents du travail : les jeunes paient un lourd tribut
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/09/accidents-du-travail-les-jeunes-paient-un-lourd-tribut_6215566_3234.html

      Entre les entreprises peu scrupuleuses et la nécessité pour les jeunes de faire leurs preuves dans un monde du travail concurrentiel, les stagiaires, élèves de lycées professionnels ou apprentis sont les plus exposés aux risques professionnels.

      Quatre jours. L’unique expérience professionnelle de Jérémy Wasson n’aura pas duré plus longtemps. Le #stage d’observation de cet étudiant en première année à l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP) devait durer deux mois, dans l’entreprise Urbaine de travaux (filiale du géant du BTP Fayat). Le 28 mai 2020, il est envoyé seul sur le toit du chantier du centre de commandement unifié des lignes SNCF de l’Est parisien, à Pantin (Seine-Saint-Denis). A 13 h 30, il fait une chute en passant à travers une trémie de désenfumage – un trou laissé dans le sol en attente d’aménagement – mal protégée. Il meurt deux jours plus tard, à 21 ans.

      L’accident de Jérémy a laissé la grande école du bâtiment en état de choc. « C’est ce qui m’est arrivé de pire en trente ans d’enseignement supérieur », exprime Joël Cuny, directeur général de l’ESTP, directeur des formations à l’époque. La stupeur a laissé la place à de vibrants hommages. Un peu courts, toutefois… L’ESTP ne s’est pas portée partie civile au procès, regrette Frédéric Wasson, le père de Jérémy, qui souligne que « Fayat est l’entreprise marraine de la promo de [s]on fils… », ou que, dès 2021, Urbaine de travaux reprenait des dizaines de stagiaires issus de l’école.

      #Stagiaires, élèves de lycées professionnels en période de formation en milieu professionnel, #apprentis… Les jeunes paient un lourd tribut parmi les morts au travail : trente-six travailleurs de moins de 25 ans n’ont pas survécu à un accident du travail en 2022, selon le dernier bilan de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). C’est 29 % de plus qu’en 2019. Et encore cela ne porte que sur les salariés du régime général. La CNAM souligne aussi que, par rapport aux autres accidents du travail, il s’agit davantage d’accidents « classiques, c’est-à-dire hors malaises et suicides », et d’accidents routiers.

      « Irresponsabilité totale »

      L’inexpérience de ces jeunes, quand elle n’est pas compensée par un accompagnement renforcé, explique en partie cette surmortalité. Quelque 15 % des accidents graves et mortels surviennent au cours des trois premiers mois suivant l’embauche, et plus de la moitié des salariés de moins de 25 ans morts au travail avaient moins d’un an d’ancienneté dans le poste.

      Tom Le Duault a, lui, perdu la vie le lundi 25 octobre 2021. Cet étudiant en BTS technico-commercial entame alors son quatrième contrat court dans l’abattoir de LDC Bretagne, à Lanfains (Côtes-d’Armor). Sa mère y travaille depuis vingt-neuf ans, et il espère ainsi mettre un peu d’argent de côté. Comme lors de ses premières expériences, il est « à la découpe », où il s’occupe de mettre en boîte les volailles. Ce matin-là, un salarié est absent. Tom doit le remplacer dans le réfrigérateur où sont stockées les caisses de viande. Il est censé y empiler les boîtes avec un gerbeur, un appareil de levage.

      « Sur les dernières images de vidéosurveillance, on le voit entrer à 9 h 53. Il n’est jamais ressorti, et personne ne s’est inquiété de son absence », regrette Isabelle Le Duault, sa mère. Il est découvert à 10 h 45, asphyxié sous deux caisses de cuisses de volaille. Elle apprend la mort de son fils par hasard. « J’ai vu qu’il y avait plein de monde dehors. Une fille m’a dit qu’il y avait un accident grave, elle m’a dit de demander si ce n’était pas mon fils au responsable. Il m’a demandé : “C’est Tom comment ?” C’était bien lui… »

      Les conclusions des enquêtes de gendarmerie et de l’inspection du travail ont vite écarté une éventuelle responsabilité du jeune homme. Jean-Claude Le Duault, son père, en veut à l’entreprise. « Tom n’a pas voulu les décevoir, vu que sa mère travaillait là. Mais on ne met pas un gamin de 18 ans seul dans un atelier, une heure, sans vérifier, sur un gerbeur. Il ne connaît pas les dangers, les règles de sécurité. C’est une irresponsabilité totale, à tous les étages. »

      Manquements

      Dans un monde du travail concurrentiel, les jeunes se doivent de faire leurs preuves. A quel prix ? Selon une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications publiée en 2020, 59 % des jeunes sortant de la voie professionnelle sont exposés à des risques de blessures ou d’accidents. Or, dans le même temps, ils n’ont pas la même connaissance de leurs droits. Toujours dans cette étude, 42 % déclaraient ne pas avoir reçu de formation ou d’informationsur la santé et la sécurité à l’arrivée sur leur poste. C’est le cas de Tom Le Duault, qui n’avait même pas de fiche de poste. Comme son utilisation du gerbeur n’était pas prévue, il avait été formé sur le tas.

      « Il avait déjà travaillé avec un appareil de levage lors de son précédent contrat, et il s’était déjà blessé à la cheville, ce qui avait causé trois semaines d’arrêt, fulmine Ralph Blindauer, avocat de la famille. Il a été formé par un autre intérimaire. C’était une formation à l’utilisation, pas à la sécurité ! »

      A l’absence d’encadrement et de formation s’ajoutent d’autres manquements, détaillés lors du procès de l’entreprise au pénal : l’appareil était défaillant, ce qui a vraisemblablement causé l’accident, et les salariés de LDC avaient l’habitude d’empiler les caisses sur trois niveaux au lieu de deux, faute de place dans la chambre froide, ce qui est contraire aux règles de sécurité.

      Le rôle du tuteur est crucial

      LDC Bretagne a été condamné, en mai 2023, à une amende de 300 000 euros, tandis que l’ancien directeur de l’#usine – devenu, entre-temps, « chargé de mission » au sein de l’entreprise – a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Reconnaissant ses manquements, l’entreprise n’a pas fait appel, chose rare. La direction de cette grosse PME déclare que des mesures complémentaires ont été prises à la suite du décès de Tom, notamment un « plan de formation renforcé à la sécurité, des habilitations, une évaluation complète et approfondie des risques sur les différents postes, des audits par des cabinets indépendants ou le suivi d’indicateurs ».

      Un badge est désormais nécessaire pour se servir d’un gerbeur, ajoute Isabelle Le Duault. Elle a choisi de rester dans l’entreprise, mais à mi-temps. « Moi, je ne peux plus passer devant cette usine, ou même dans cette ville », renchérit son mari.

      En stage ou en apprentissage, le rôle du tuteur est crucial. Sur le chantier d’Urbaine de travaux, à Pantin, l’arrivée de Jérémy Wasson n’avait pas été anticipée. Le lundi matin, personne ne s’occupe de lui, car le chantier est en retard. Il ne reçoit rien d’autre qu’un livret d’accueil et un rendez-vous de quinze minutes pendant lequel on lui parle surtout des gestes barrières. « Jérémy s’est très vite interrogé sur la nature de son stage. Dès le premier jour, on lui a fait faire du marteau-piqueur, le mercredi soir, il trouvait ça fatigant et inintéressant. Ce soir-là, on a hésité à prévenir l’école… », raconte son père.

      Renforcer la formation à la sécurité

      La société Urbaine de travaux a été condamnée, en 2022, à 240 000 euros d’amende pour « homicide involontaire », et l’ingénieure en chef du chantier à 10 000 euros et deux ans de prison avec sursis. Cette décision du tribunal de Bobigny a confirmé les lourdes conclusions de l’inspection du travail, notamment la violation délibérée d’une obligation de #sécurité, l’absence d’encadrement et de formation de Jérémy et l’absence de #sécurisation de la trémie. L’entreprise a fait appel.

      Face à la violence de ces récits, qui concernent parfois des mineurs, le sujet a été érigé en axe prioritaire dans le plan santé au travail du gouvernement. Mais le choix du ministère du travail de publier deux mémentos qui mettent jeunes et entreprises sur le même plan, les invitant à « respecter toutes les consignes », peut étonner.

      Les écoles et centres de formation ont aussi un rôle à jouer pour renforcer la formation à la sécurité. En 2022, la CNAM a recensé plus de 1 million d’élèves et apprentis (CAP et bac professionnel) ayant reçu un enseignement spécifique en santé et sécurité au travail.

      Faciliter la mise en situation des adolescents

      A la suite du décès de Jérémy, l’ESTP a renforcé les enseignements – déjà obligatoires – sur la sécurité. Un élève ne peut se rendre en stage sans avoir obtenu une certification. « En cas de signalement, on fait un point avec les RH de l’entreprise, et si ça ne se résout pas, nous n’avons pas de scrupules à arrêter le stage. Mais je ne remets pas en cause la volonté des entreprises de créer un environnement de sécurité pour accueillir nos élèves », déclare Joël Cuny.

      Un argument difficile à entendre pour la famille de Jérémy Wasson… Car les #entreprises restent les premières responsables de la santé des jeunes sous leur responsabilité, comme du reste de leurs salariés. Le nombre d’apprentis a explosé ces dernières années, la réforme du lycée professionnel souhaite faciliter la mise en situation des adolescents.

      Par ailleurs, le gouvernement a annoncé l’obligation pour les élèves de 2de générale et technologique, dès 2024, d’effectuer un stage en entreprise ou en association de deux semaines, semblable au stage de 3e. La question ne s’est jamais autant posée : les employeurs mettront-ils les moyens pour protéger tous ces jeunes ?

      #apprentissage

    • Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade, Anne Rodier
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/10/avec-la-sous-traitance-des-accidents-du-travail-en-cascade_6215798_3234.html

      Pression économique des donneurs d’ordre, délais resserrés, manque de prévention… Les salariés des entreprises en sous-traitance, en particulier sur les chantiers et dans le nettoyage, sont plus exposés aux accidents du travail. Surtout lorsqu’ils sont #sans-papiers.

      https://justpaste.it/axscq

      #sous-traitance

  • Bunkers et fermes bio : comment les ultrariches préparent l’avenir
    https://reporterre.net/Bunkers-et-fermes-bio-comment-les-riches-preparent-l-avenir

    Face à la crise climatique, le survivalisme est devenu l’ultime lubie des milliardaires qui planifient leur exode et tentent d’échapper au monde commun.

    Les ultrariches se préparent à la catastrophe qu’ils ont eux-mêmes contribué à provoquer. Alors que le monde plonge peu à peu dans le chaos climatique, ils se bâtissent des bunkers, s’achètent des îles privées et s’aménagent des existences qu’ils rêvent à l’abri des violences, pour continuer à vivre dans le luxe, le calme et la volupté.

    Voilà déjà quelques années que les médias ont révélé le phénomène. La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont tout accéléré. Avec leurs jets privés, leurs yachts et leurs « gated communities » (quartiers résidentiels privés), les milliardaires ont décidé de faire sécession.

    La Nouvelle-Zélande et la Patagonie sont devenues leurs repaires. Ils investissent aussi dans des contrées isolées comme l’Alaska, la Scandinavie ou le Kamtchatka en Russie. Steve Huffman, le cofondateur du réseau social Reddit, le dit lui-même : une bonne moitié de ses collègues milliardaires de la Silicon Valley ont acheté des « biens immobiliers apocalyptiques » dans le monde. Les médias anglo-saxons évoquent même « un rush ».

    #riches #climat