• En #Algérie, la France coloniale a aussi détruit la #nature

    L’accaparement colonial de la terre en Algérie a détruit des modes d’organisation et de gestion de la terre en commun. Le développement des monocultures et d’une agriculture d’exportation a aussi bouleversé l’environnement.

    Après avoir été suspendu de RTL début mars pour avoir évoqué les massacres français en Algérie au XIXe siècle, Jean-Michel Apathie a décidé de quitter la station. En pleine surenchère du ministre Bruno Retailleau avec l’Algérie et face à une extrême droite qui clame les bienfaits de la colonisation, le flot de réactions hostiles aux propos de l’éditorialiste rappelle que nombre de Français ne connaissent pas l’ampleur des crimes coloniaux commis par la France en Algérie.

    Face aux tentatives de révisionnisme historique, Reporterre s’est intéressé à un pan méconnu de la colonisation française en Algérie : ses dégâts sur la nature. À l’aube de la colonisation, le socle de la société algérienne reposait sur la paysannerie, l’agriculture était la principale source de richesse et rythmait la vie des populations qui alternait entre le travail de la terre et les transhumances saisonnières. Mais de 1830 jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, l’accaparement des terres par les colons a complètement bouleversé cet équilibre.

    « L’arrivée des colons en Algérie signe l’accaparement des ressources environnementales et celle du foncier. C’était une pratique d’expropriation sans explication, sans excuse et avec une grande brutalité. Pour les Algériens, c’est un monde qui s’effondre littéralement », relate Antonin Plarier, maître de conférence à l’université Lyon 3 et spécialiste de l’histoire environnementale des sociétés coloniales.

    Au total, d’après ses calculs, plus d’1,2 million d’hectares ont été transférés aux Européens entre 1830 et 1917 : soit l’équivalent de 1 000 fois la superficie de Paris, et trois fois celle de la Belgique.

    Pour réquisitionner des terres algériennes, la France a développé un arsenal juridique légalisant un paradoxe : celui d’une société qui défendait le droit à la propriété et d’une colonisation qui foulait au pied celle des Algériens. L’administration coloniale pouvait ainsi s’emparer de n’importe quelle propriété algérienne, qu’elle soit celle d’un individu comme d’une tribu entière.
    Détruire la paysannerie pour « soumettre le pays »

    La doctrine coloniale et militaire se lit à travers les écrits du maréchal Bugeaud, le militaire qui a permis d’étendre la conquête de l’Algérie. Voici notamment ce que précise cette violente figure de la colonisation, spécialiste des enfumades (pratique consistant à asphyxier des personnes réfugiées ou enfermées dans une grotte en allumant devant l’entrée des feux) : « J’y ai réfléchi bien longtemps, en me levant, en me couchant ; eh bien ! Je n’ai pu découvrir d’autre moyen de soumettre le pays que de saisir l’intérêt agricole ». Il faut donc empêcher les populations « de semer, de récolter, de pâturer », pour les priver des moyens d’existence, souligne l’historien Hosni Kitouni, chercheur en histoire à l’université d’Exeter.

    En filigrane, il s’agissait de punir tous ceux qui tentaient de se révolter, et de dissuader ceux qui en avaient l’intention. En 1838, l’ordonnance royale du maréchal Bugeaud indiquait que toute tribu s’insurgeant contre la domination française pouvait voir ses terres séquestrées. Cette politique monta encore d’un cran en 1871 à la suite d’une insurrection initiée contre la puissance coloniale.

    Cette « tempête des spoliations », selon l’expression d’Hosni Kitouni, a non seulement dispersé les populations, contraintes d’abandonner leurs maisons, leurs cultures, leur bétail, mais a également entraîné leur paupérisation, voire pire, leur famine, puis leur mort. En parallèle, la violence des razzias, ces opérations militaires menées dans des campements, a détruit les habitations et les récoltes. Les arbres fruitiers étaient rasés dans les zones de guerre.
    Spoliation de l’eau et des forêts

    « Devenus des paysans sans terre, sans bétail, sans abris, n’ayant que la force de leurs bras à vendre, ils vont alimenter la masse des candidats à toutes les servitudes », écrit Hosni Kitouni. D’anciens propriétaires algériens sont alors parfois revenus sur leurs terres louer leur force de travail aux colons français. « Des paysans algériens vont revenir cultiver la terre, fournir les semences, et les instruments agraires, en échange de quoi ils vont pouvoir récupérer un ou deux cinquièmes de la récolte, le reste revenant au propriétaire », raconte à Reporterre Antonin Plarier.

    Au-delà des terres, la colonisation s’est emparée des communs que sont les forêts et l’eau. Au XIXe siècle, plusieurs opérations de maîtrise des cours d’eau ont fleuri, toujours dans le but d’irriguer les terres des colons. Dans les années 1860, un projet de barrage a vu le jour dans le département d’Oran. Antonin Plarier pointe ainsi ce qui tient de l’évidence : « Lorsqu’une source en eau est maîtrisée, elle l’est uniquement au bénéfice des colons, et donc au détriment des agriculteurs algériens qui en sont de fait dépossédés. »

    La question de l’eau a entraîné plusieurs conflits, tout comme celle des forêts. Dès les années 1830, l’imposition du Code forestier par les colons a restreint peu à peu aux Algériens l’artisanat, le passage du bétail, le ramassage du bois de chauffe, et la coupe de bois pour les diverses constructions.

    Résultat : entre un tiers et la moitié des ressources économiques de la paysannerie algérienne a été menacée par ce nouveau cadre légal, estime Antonin Plarier. Il faut dire que l’administration coloniale y a très vite vu un filon : l’exploitation des forêts en vue de leur commercialisation.

    Dans la montagne de Beni Khalfoun, dans la vallée de l’Isser, l’administration octroya par exemple une concession d’environ 1 000 hectares de chênes-lièges, un bois cher et prisé pour la fabrication de bouchons, à un exploitant français. Difficile de donner un chiffre précis, mais cet accaparement de ressources essentielles n’a pas été sans conséquences sur l’écosystème algérien.

    « C’est toute une série d’éléments liés à la colonisation qui vont contribuer à dégrader l’environnement algérien. En asséchant les sols via la déforestation, l’État colonial a par exemple favorisé l’érosion des sols », dit l’historienne Hélène Blais, professeure d’histoire contemporaine à l’ENS et autrice de L’empire de la nature. Une histoire des jardins botaniques coloniaux.
    Monocultures et rentabilité

    En Algérie, comme ailleurs, la colonisation s’est accompagnée de l’introduction de nouvelles espèces jugées plus rentables, et d’un bouleversement dans les pratiques agricoles tournées vers une pratique intensive et exportatrice correspondant davantage aux besoins de la métropole.

    Ce qui fait dire à Alain Ruscio, historien spécialiste de la période coloniale, que « la totalité de l’écosystème algérien a été affectée par la colonisation » : « Au fur et à mesure que l’armée française considérait qu’une région était complètement contrôlée, des monocultures étaient rapidement mises en place. D’où aussi la construction de routes servant à acheminer ces marchandises vers la France », nous explique-t-il.

    C’est l’exemple de la vigne et de sa vinification, qui priva une partie de la population d’un accès à la culture de céréales, et entraîna la disparition de terres en jachères — qui fournissaient des pâturages jusqu’ici essentiels pour le bétail des paysans algériens. Mais aussi de l’introduction massive de l’eucalyptus, cette plante endémique d’Australie, dès les années 1860 pour tenter d’assainir les zones humides dans lesquelles le paludisme décimait des colons.

    « Des millions d’arbres ont ainsi été plantés. Dans certains endroits, cela a asséché plus qu’il était nécessaire, au détriment d’autres espèces endémiques qui ont été abattues ou abandonnées dans ce cadre », analyse Hélène Blais. L’historienne a également observé des tentatives d’introduction de moutons mérinos, apporté pour sa laine prisée en Europe.
    Chasses coloniales

    Sans oublier les chasses coloniales qui attiraient des Français originaires de tout l’Hexagone venus traquer hyènes, panthères, lions et autres animaux sauvages. Considérés comme des animaux nuisibles, leurs têtes furent mises à prix via une circulaire du général Bugeaud de 1844 offrant une récompense pour tout animal tué « proportionné à la puissance de chaque bête ». D’après les recherches d’Hosni Kitouni, rien qu’en 1860, ce ne furent pas moins de 61 panthères et 38 lions qui avaient été abattus. Si bien qu’à la fin du XIXe siècle, le plus gros de la faune sauvage avait disparu. Le dernier lion fut abattu en 1958.

    « L’ordre colonial s’accommode peu avec la différence biologique, écologique, humaine qui résiste à sa domination, conclut l’historien auprès de Reporterre. D’où la politique de mise en ordre à force de violence et de juridictions d’exception, empêchant la société autochtone de se développer à son rythme selon ses lois naturelles. »

    Au-delà des crimes commis sur les Algériens, peu d’historiens se sont jusqu’ici emparés des destructions des écosystèmes. L’ampleur d’un éventuel écocide lié à la colonisation française reste à quantifier et est un angle de mort de la recherche.

    https://reporterre.net/En-Algerie-la-France-coloniale-a-aussi-detruit-la-nature
    #destruction #paysage #colonisation #France #France_coloniale #histoire #terres #accaparement_des_terres #communs #agriculture #exportation #monoculture #paysannerie #foncier #expropriation #brutalité #violence #réquisition #droit_à_la_propriété #lois #maréchal_Bugeaud #enfumades #moyens_d’existence #insurrection #paupérisation #famine #razzias #arbres_fruitiers #eau #forêts #forêt #barrage #conflits #Code_forestier #érosion_des_sols #ressources #montagne #déforestation #environnement #érosion_des_sols #rentabilité #routes #vigne #jachères #terres_en_jachères #céréales #pâturages #eucalyptus #zones_humides #paludisme #arbres #laine #chasse #chasses_coloniales #ordre_colonial #animaux_sauvages #écocide
    #géographie_culturelle #géographie_du_droit #legal_geography

  • La bataille pour le #Groenland, nouvelle frontière des industries minières
    https://lvsl.fr/la-bataille-pour-le-groenland-nouvelle-frontiere-des-industries-minieres

    De longue date, le Groenland subit des pressions multiformes pour s’ouvrir aux investissements étrangers. Entre autres procès, cette terre riche en minéraux est attaquée par la société australienne ETM, qui lui réclame une indemnisation de 11,5 milliards de dollars pour rupture de contrat. Avec Donald #Trump, l’ambition des États-Unis s’affiche désormais sans fard : au nom […]

    #International #Danemark #impérialisme #Métaux_rares #Routes_de_la_soie #Terres_rares

  • A cartography of genocide

    Since the start of Israel’s military campaign in Gaza in October 2023, Forensic Architecture has been collecting data related to attacks against civilians and the destruction of civilian infrastructure by the Israeli military. Our analysis of this conduct reveals the near-total destruction of civilian life in Gaza. We have also collected and analysed evacuation orders issued by the Israeli military directing Palestinian civilians to areas of Gaza designated as ‘safe’. These orders have resulted in the repeated, large-scale displacement of the Palestinian population across Gaza, often to areas which subsequently came under Israeli attack.

    Our findings indicate that Israel’s military campaign in Gaza is organised, systematic, and intended to destroy conditions of life and life-sustaining infrastructure.

    To this end, ‘A Cartography of Genocide’ platform and accompanying report develops a comprehensive mapping of military conduct in Gaza since 7 October 2023. It deploys a range of methods to observe the ways in which Israel’s military operations engendered widespread harm and suggests how these observations might inform broader assessments of Israel’s military conduct during this period.

    We use here the term ‘genocide’ within the meaning developed by Raphael Lemkin, whose thinking behind this term was instrumental for the definition formulated in Article II of the Genocide Convention. Genocide, according to Lemkin, signifies a coordinated plan of actions aimed at the destruction of essential foundations of the life of national groups, with the aim of annihilating the groups themselves.

    The results of more than a year of FA’s monitoring and research are now published as:

    - An interactive cartographic platform: ‘A Cartography of Genocide’
    - An 827-page text report: ‘A spatial analysis of the Israeli military’s conduct in Gaza since October 2023’

    To identify patterns across thousands of data points, we developed an interactive cartographic platform. The platform turns rows of data into a navigable ‘map’ of Gaza, within which it is possible to define regions, periods in time, and select certain categories of events. This filtering enables not only the identification of trends within the data but of relationships between different datasets (for instance, between the military ground invasion and the destruction of medical infrastructure). We used the platform as the basis for a written report that details and analyses the spatial logic of Israel’s military conduct in Gaza.

    Our report seeks to identify patterns within this conduct between 7 October 2023 and 30 June 2024. It interrogates the scale and nature of attacks, the extent of damage and the number of victims, as well as the organised nature of the acts of violence and the improbability of their random occurrence.

    In our analysis, we understand patterns to mean the order of repetition of same, similar or related incidents, at different times and places. Such patterns may indicate that these attacks are designed, formally or informally, rather than occurring at random.

    Because military actions are multifaceted, patterns can exist across actions. The effect of military actions on the civilian population may not be fully captured by studying the repetition of a single type of action in isolation. The simultaneous, or proximate, application of different types of actions in the same territory may generate a cumulative and compounded effect, each action aggravating the effect of another. Establishing relations between different types of actions can consequently help to determine whether these acts have been organised. We explore these interrelations between different types of military actions in Chapter 8 of our report.

    https://forensic-architecture.org/investigation/a-cartography-of-genocide

    signalé aussi par @kassem :
    https://seenthis.net/messages/1078908

    #cartographie #visualisation #génocide #Gaza #Palestine #Israël #architecture_forensique #frappes_aériennes #destruction #invasion #schoaricide #écoles #universités #routes #infrastructure_médicale #serres #terres_agricoles #buffer_zone #militarisation #Netzarim_corridor #Philadelphi_corridor #présence_militaire #aide_humanitaire #déplacements_forcés #zones_humanitaires #famine #inhabitabilité #vidéo

  • Economist Shir Hever: Israelis have “no faith” in their economy’s future

    via https://diasp.eu/p/17154305

    https://www.youtube.com/watch?v=1jdZHyp2e3U

    Topic: The rapid decline of the #Israeli #economy and the ongoing military actions in #Gaza, #WestBank and #Lebanon

    Shir Hever, living in #Germany, can be considered one of the most insightful Jewish commentators on #Israel's economic/domestic situation, trade relations, and military/digital technologies.

    Those who followed “The Real News” more than 10 years ago will remember still his competent commentaries from the second half of the 2000s and the first half of the 2010s.

  • Sur la « #route_de_l’apartheid » : en #Cisjordanie, la #ségrégation à grande vitesse

    En Cisjordanie occupée, les gigantesques #routes_israéliennes ouvrent depuis longtemps la voie à une #annexion de facto et favorisent la #colonisation. Depuis le 7 octobre, les colons construisent routes et avant-postes illégaux à un rythme sans précédent.

    Autrefois, Saleh Mahmoud venait tous les jours sur la terre de sa famille. Ce Palestinien de 69 ans descendait d’Issawiya, où il habite, crapahutait une centaine de mètres à travers champs jusqu’aux oliviers en contrebas et passait quelques heures sur place. Mais depuis janvier 2019, lorsque Israël a inauguré la route 4370 reliant Jérusalem aux colonies israéliennes du sud de la Cisjordanie, l’axe de béton a littéralement coupé l’accès direct à sa terre. Un long #mur jouxte l’autoroute, et les flots de voitures ne se mélangent pas. D’un côté, les Israéliens, de l’autre, les Palestiniens. Ces derniers l’appellent « la route de l’apartheid ».

    Saleh Mahmoud prend le temps d’expliquer comment est né leur #isolement. Comment ils se sont battus, en vain, pour faire modifier le tracé de la route et quels chemins détournés ils sont désormais obligés d’emprunter – en voiture – pour se rendre sur leur champ. Il raconte comment le village d’Al Za’im, où se trouve sa terre, est cerné par les #colonies et les #implantations_sauvages, coincé entre plusieurs ponts. « La logique des Israéliens, c’est de tout prendre. Surtout ce qui est à proximité de Jérusalem », confie, las, le vieil homme à la barbe grisonnante en haussant les épaules.

    Depuis des années, la question des #axes_routiers est cruciale dans l’accélération de la #colonisation_israélienne. Çà et là, quelques affiches publicitaires vantent – en hébreu – la future construction d’immeubles ultramodernes dans les colonies, et sur les bas-côtés, du nord au sud de la Cisjordanie, des bulldozers dévorent les montagnes et creusent des tunnels.

    Le gouvernement israélien a engagé depuis 2015 la construction de 107 kilomètres de nouvelles routes et l’extension de 230 kilomètres de voies existantes pour les prochaines années. « Ces routes relient les colonies entre elles et les rapprochent en temps de trajet des villes israéliennes, une manière d’attirer davantage de population », explique Dror Etkes, fondateur de Kerem Navot, expert de la politique de la colonisation. « Ce sont aussi des #barrières infranchissables pour les Palestiniens. » Un quadrillage des terres palestiniennes, en somme, qui répond à une véritable logique de ségrégation et à la volonté de briser toute #continuité_territoriale pour un hypothétique État palestinien.

    Le Luna Park est désormais silencieux

    Les Palestinien·nes n’ont d’autre choix que de s’adapter. « Il suffit d’entendre des chauffeurs de taxi palestiniens parler entre eux, confirme Mahmoud Muna, écrivain et militant palestinien de Jérusalem. Même leur vocabulaire a changé ces dernières années. Avant, ils se donnaient les itinéraires en parlant des villages palestiniens. Maintenant, vous les entendrez parler des noms des colonies pour se conseiller des trajets. »

    Ces axes contraignent aussi toute possibilité de développement des enclaves palestiniennes. Du moins, quand ils n’impliquent pas la démolition des infrastructures déjà existantes. « Nous savions que le gouvernement travaillait sur cette route de contournement de Huwara pour les colons. Mais je ne m’attendais pas à ce que le Cogat [un organe du ministère israélien de la défense – ndlr] vienne toquer à ma porte avec un avis me demandant de vider et de détruire ma piscine car elle est sur le tracé de la route », explique Ashraf Awda, propriétaire de Luna Park, un des rares parcs d’attractions du nord de la Cisjordanie.

    Ce parc de loisirs, Ashraf en rêvait depuis qu’il était enfant. Le businessman local a les yeux pétillants lorsqu’il raconte sa construction – sur sa terre, en zone C, mais sans permis car le gouvernement israélien n’en délivre pas ici – et l’ouverture au public en 2012. Sur son téléphone, nostalgique, il fait défiler des vidéos du grand bassin bondé, de la file d’attente pour les attractions et des cris de joie des jeunes enfants.

    Désormais, tout est silencieux et lugubre : les nacelles de la grande roue, immobile, se balancent dans le vide et les autos tamponneuses sont rouillées. « On nous dit que cette route est au bénéfice de la population palestinienne, mais c’est faux. La plupart des habitants ont vu leurs terres confisquées pour sa construction. Si on en profite, ce ne sera que par ricochet… juste parce qu’il y aura moins d’embouteillages dans le village », souffle-t-il. En perdant sa piscine, la petite entreprise familiale perd 40 % de ses revenus annuels.

    Un peu plus au nord, depuis un terrain vague à proximité du mont Gerizim, on devine l’avant-poste de Givat Sne Ya’akov et ses quelques préfabriqués à flanc de colline. La vue est imprenable sur les oliveraies, les villages palestiniens dans la vallée et les colonies au sommet. Immédiatement, une jeep de l’armée israélienne s’approche et deux jeunes soldats en uniforme en sortent, regard méfiant, fusil d’assaut en bandoulière et doigt sur la détente. Une fois qu’ils se rendent compte que nous sommes deux journalistes – et non des Palestiniens –, leur ton change radicalement.

    « C’est dangereux de rester ici, il y a plein de terroristes », lance l’un d’eux dans un anglais médiocre en faisant un geste du menton en direction de Huwara. L’autre, 26 ans, kippa de tricot sur la tête, raconte qu’il s’est installé avec ses cinq enfants dans la colonie à proximité, Har Brakha, dont on aperçoit les barbelés. Il coupe le moteur du véhicule et suit de son doigt, à l’horizon, le tracé de cette nouvelle route qui contourne la ville palestinienne. « C’est pour éviter les confrontations. Pour nous, Israéliens, c’est bien plus rassurant. Ma femme ne me laissait plus traverser #Huwara par exemple », fait-il remarquer, sans préciser que, pour la construction de cette route, les Israéliens ont saisi 40 hectares de terres palestiniennes.

    Ce réserviste est convaincu de son bon droit à résider en territoire palestinien. « C’est notre terre, c’est notre pays, ce n’est pas nous les agresseurs », répète-t-il, comme s’il devait s’en persuader. Pourtant, la violence organisée des colons ne cesse de croître. En intensité et en nombre d’attaques, 2023 a été la pire année en la matière, d’après l’ONG israélienne Yesh Din, mais lui n’y croit pas une seconde. « Ce ne sont que des histoires inventées !, continue le jeune soldat, déblatérant des paroles qu’il a entendues en boucle sur les chaînes de télévision israéliennes. Citez-moi un seul colon violent. Les Arabes violents, nous ne les comptons plus. Juste en bas, ils ont assassiné deux jeunes ! »

    L’attaque à laquelle il fait référence remonte à février 2023. Un Palestinien avait ouvert le feu sur une voiture, tuant deux frères âgés de 22 et 20 ans, Hillel et Yagel Yaniv, de la colonie israélienne voisine. À cette date, depuis un an déjà, Huwara s’était transformée en poudrière et dès la mort des soldats, les représailles contre les habitant·es n’avaient pas tardé.

    Les colons des alentours, lourdement armés, s’étaient rendus dans la vallée, incendiant voitures, commerces et maisons, tuant par balle un Palestinien du village voisin, blessant une centaine d’autres. À l’époque, rarement les attaques avaient été si violentes sous le regard d’une base de l’armée toute proche. Mais aux yeux de ce jeune, le cataclysme du 7 octobre n’a fait que confirmer qu’il fallait plus de « fermeté » envers les Palestiniens. « Les Arabes vont nous faire la même chose que ce qu’ils ont fait près de Gaza dès qu’ils en auront la possibilité », rétorque-t-il.

    Plus au sud, entre Bethléem et Hébron, comme à quasiment chaque portion de la route 60, des tractopelles s’affairent et quelques travailleurs, truelle en main, escaladent un échafaudage. Tous sont palestiniens. « La route, c’est pour les colons, soupire Nabil, 43 ans, un des ouvriers, comme s’il était conscient qu’il participait malgré lui à l’entreprise de colonisation. Mais la terre, c’est la nôtre. » Pour beaucoup, crise économique oblige, le réalisme prend le pas sur l’idéologie et la politique.

    Depuis le 7 octobre et les mouvements contraints des Palestinien·nes en Cisjordanie, il n’y a pas que les chantiers des axes routiers gouvernementaux qui s’accélèrent en Cisjordanie. Les routes illégales – reliant les avant-postes entre eux – se bâtissent elles aussi à une vitesse sans précédent. « Historiquement, on sait qu’en temps de guerre, les colons profitent de l’occasion pour bâtir davantage, raconte Yonatan Mizrahi, de l’organisation La Paix maintenant. Des colonies, des avant-postes et des routes : entre le 7 octobre et début décembre, on en a recensé dix-huit. Depuis, j’ai arrêté de compter. Les colons savent surtout que l’administration civile sera occupée par d’autres choses et ne s’occupera pas de l’application de la loi. »

    « L’apartheid », « l’#enclavement » et « l’#annexion_de_facto » sont des termes que les Palestiniens utilisent depuis longtemps pour parler de leur sort. Jamal Sa’ed en sait quelque chose. L’endroit où il vit, Khallet Sakariya, est entouré de seize colonies et se trouve littéralement au sein de deux implantations. Dans ce minuscule hameau palestinien, les trente-quatre maisons ont toutes reçu des ordres de démolition. « L’armée israélienne vient toutes les nuits et, en attendant, ces immeubles poussent comme des champignons », soupire l’homme de 51 ans, les traits tirés et la moustache grisonnante, montrant les tours des colonies israéliennes qui se construisent à l’autre bout de son jardin.

    Depuis 2015, la communauté entière se sent coupée du monde. Il n’y a plus aucun transport public pour rejoindre les villes palestiniennes, et leurs plaques d’immatriculation ne permettent pas aux habitant·es d’emprunter la route qui est réservée aux colons. « Comme si c’était pour mieux nous pousser à partir », souffle Ghada, la femme de Jamal, en servant le café délicatement. Elle jette un regard aux fillettes du village qui crapahutent dans le terrain vague voisin entre les oliviers et les amandiers. « Je ne sais pas ce qu’elles deviendront », ajoute-t-elle la voix basse, précisant que déjà seize familles ont dû partir, faute de place dans le village, faute de pouvoir construire.

    Un exil que les résident·es ont vécu comme un transfert forcé. « Parfois, mes enfants font la comparaison avec les colons. Ils me demandent pourquoi ils ont une meilleure école, pourquoi ils ont de meilleurs jeux, pourquoi ils ont une meilleure route. » La mère de famille marque une pause puis hausse les épaules. Que pourrait-elle répondre ? « Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que ça me brise le cœur. »

    https://www.mediapart.fr/journal/international/210724/sur-la-route-de-l-apartheid-en-cisjordanie-la-segregation-grande-vitesse
    aussi signalé par @loutre : https://seenthis.net/messages/1062983

    #infrastructure #infrastructure_routière

  • Nelo Magalhães : « Une autoroute, c’est un produit idéologique » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/080624/nelo-magalhaes-une-autoroute-c-est-un-produit-ideologique

    En effet, l’autoroute, c’est d’abord une imposante matérialité. En plus du ciment et du bitume, il faut environ 100 mètres cubes de terre et 30 tonnes de sable et gravier par mètre. Il faut des pentes bien plates, des courbes de la bonne dimension, des sols rigides. Donc, ouvrir des milliers de carrières, arracher des arbres par dizaines de milliers, exploser des collines, transformer les sols, etc. Les reliefs reflètent donc, à grande échelle, le paradigme des transports : tout doit s’adapter au trafic, présenté comme une donnée indiscutable. Sur le temps long, ces milliards de tonnes et mètres cubes modifient le paysage. Les ingénieurs eux-mêmes parlent des « saignées » que font les autoroutes dans les sols.
    [...]
    Il y a un réductionnisme du débat général sur la question du carbone, qui est évidemment compréhensible, puisque le climat est un enjeu majeur de nos sociétés. Mais mon travail sur les infrastructures de transport montre que ce sont elles qui mobilisent les plus grands flux de matière du capitalisme français.

    On extrait de la matière encore aujourd’hui à 80 % pour les travaux publics, c’est-à-dire pour les grandes infrastructures, et pas pour le bâtiment. Les travaux publics, ce sont les routes, les aéroports, les ports, les canaux, les lignes de chemin de fer, qui incluent tous les ouvrages d’art comme on les appelle : ponts, viaducs, tunnels, etc.

    C’est intéressant parce que cela montre que même si on construisait tous les bâtiments avec de la terre et de la paille, tant qu’on garde les infrastructures telles qu’elles existent, on doit continuer à extraire énormément de matière. Donc l’enjeu de ce point de vue, c’est vraiment les grandes infrastructures. De plus, matériellement, ce type d’infrastructure exige une maintenance énorme du fait du poids des véhicules, notamment des camions. Cela ne changera pas même si tous les véhicules roulent à l’air pur.
    [...]}
    En fait, pour construire des infrastructures, il faut surtout déplacer de la terre. Les volumes de terre occasionnés par ces chantiers sont sous-estimés parce que la terre de terrassement [la modification du relief d’un terrain pour y réaliser un ouvrage – ndlr] n’a pas de valeur monétaire. Donc, au niveau national, elle n’est pas prise en compte dans les comptabilités environnementales.
    [...]
    Utiliser des déchets de mines ou du BTP comme matière première pour une infrastructure (remblai, fabrication du bitume, ciment, etc.) est-il un gain écologique ?

    Il y a une symbiose matérielle entre les grandes infrastructures et les grandes industries fordistes. Plus on a besoin de masses de matière gigantesques, et plus c’est intéressant pour les industriels de se débarrasser de leur masse aussi énorme. Donc les uns veulent se débarrasser de leur matière et les autres nécessitent beaucoup de matière.

    Il y a une boucle vicieuse qu’on appellerait aujourd’hui de la valorisation, ou de l’économie circulaire. Mais cela ne sert à rien puisqu’en fait, pour valoriser beaucoup de matière, il faut construire beaucoup d’infrastructures. Et donc produire beaucoup de déchets. Il n’y a quasiment jamais de recyclage là-dedans.

    Cela remet en question toute cette idée que valoriser des matières, c’est une bonne chose pour l’environnement. Historiquement, le « réusage » de déchets dans les infrastructures a été massif en France, pris en charge par des pouvoirs très importants, ce n’était pas du tout quelque chose d’anecdotique. Et il n’a servi qu’à créer des boucles entre des grandes industries et des grands chantiers de l’époque fordiste.

    C’est du business as usual, de la valorisation. L’extraction n’a pas du tout baissé. On n’a jamais produit autant de ciment. On n’a jamais consommé autant de ciment et on n’a jamais autant valorisé dans l’industrie cimentière. Valoriser beaucoup de masse de matière ne change absolument rien aux questions environnementales, tant que le niveau de production ne baisse pas.
    [...]
    Dans votre livre, vous expliquez qu’il n’y aurait pas d’autoroute sans libre-échange. Pourquoi ?

    Ce que j’ai réalisé en enquêtant sur les techniques de construction, c’est que les routes sont faites matériellement pour les camions : en rigidité, en masse, en épaisseur, en largeur… La voiture ne compte pas du tout, ceci pour une raison technique qui m’est apparue en étudiant des débats dans le début des années 1960 : l’impact d’un véhicule sur une chaussée est exponentiel au poids. Cela signifie que si on passe d’un camion de 44 tonnes à un camion de 60 tonnes, comme la Commission européenne le veut aujourd’hui, l’impact en poids sera des millions de fois plus important.

    Donc le choix de la route aujourd’hui, c’est le camion. Les routes sont construites, entretenues et maintenues pour les camions. C’est un choix qui a des conséquences énormes car aujourd’hui l’extraction des carrières sert d’abord à la maintenance des routes, et pas à leur construction. Or le camion sert le libre-échange, qui est depuis le début au cœur de la constitution européenne. On va fluidifier les marchandises en Europe. Aujourd’hui, on veut créer des corridors européens de camions d’Espagne vers les Pays-Bas. C’est aussi le cas pour les grands ports. Le fret maritime transporte une grande partie du commerce international. Les ports sont dimensionnés pour les plus grands navires : les plus grands vraquiers, les plus grands minéraliers. Le port de Fos-sur-Mer doit pouvoir accueillir des pétroliers de 200 000 tonnes.

    Tant qu’on ne change pas ce verrou du libre-échange, les infrastructures devront toujours être maintenues et réparées. Même si on mettait des panneaux solaires et du béton vert là-dedans, le poids matériel des infrastructures se maintiendrait.

    • FISSURER L’EMPIRE DU BÉTON, Un lundisoir avec Nelo Magalhães
      https://lundi.am/Fissurer-l-empire-du-beton

      Où se cache « le pouvoir » ? On a pu dire qu’il résidait entre les mains de quelques grands hommes, puis convenir qu’il se diffusait à travers l’#économie, on l’a vu traverser les corps et prendre la forme de #dispositifs_de_contrôle, a aussi dit qu’il était désormais dans les #infrastructures et qu’il prenait une forme #cybernétique. Nelo Magalhães est allé le dénicher dans sa forme la plus homogène et solide, dans la manière dont il a recouvert la planète, imposé ses lignes et constitué l’essentiel de notre environnement humain, trop humain : le #béton. Son livre, Accumuler du béton, tracer des routes - Une histoire environnementale des grandes infrastructures (La Fabrique) s’ouvre sur une drôle d’#histoire, extraite d’un livre passé inaperçu, la bétonite. Le béton est atteint d’un virus qui l’amène à s’effriter, le virus s’étend à chaque centimètre cube du fameux matériaux et c’est la totalité de l’édifice social qui s’effondre et la vie entière qui doit se donner de nouveaux repères.

      À voir mardi 11 à partir de 19h

      #routes

  • Les méfaits de l’automobile : Un examen global des dommages causés par l’automobilité aux personnes et à l’environnement
    http://carfree.fr/index.php/2024/02/22/les-mefaits-de-lautomobile-un-examen-global-des-dommages-causes-par-lautomob

    Voici un article scientifique paru dans le Journal of Transport Geography de février 2024. Ecrit par les chercheurs Patrick Miner, Barbara M. Smith, Anant Jani, Geraldine McNeill et Alfred Gathorne-Hardy, Lire la suite...

    #Argumentaires #Destruction_de_la_planète #Etalement_urbain #Fin_de_l'automobile #Insécurité_routière #Pollution_automobile #Réchauffement_climatique #Ressources #automobilité #économie #environnement #justice #monde #mort #mortalité #nuisances #pollution #recherche #routes #santé #science #sécurité_routière #société #violence

  • #José_Vieira : « La #mémoire des résistances face à l’accaparement des terres a été peu transmise »

    Dans « #Territórios_ocupados », José Vieira revient sur l’#expropriation en #1941 des paysans portugais de leurs #terres_communales pour y planter des #forêts. Cet épisode explique les #mégafeux qui ravagent le pays et résonne avec les #luttes pour la défense des #biens_communs.

    Né au Portugal en 1957 et arrivé enfant en France à l’âge de 7 ans, José Vieira réalise depuis plus de trente ans des documentaires qui racontent une histoire populaire de l’immigration portugaise.

    Bien loin du mythe des Portugais·es qui se seraient « intégré·es » sans le moindre problème en France a contrario d’autres populations, José Vieira s’est attaché à démontrer comment l’#immigration_portugaise a été un #exode violent – voir notamment La Photo déchirée (2001) ou Souvenirs d’un futur radieux (2014) –, synonyme d’un impossible retour.

    Dans son nouveau documentaire, Territórios ocupados, diffusé sur Mediapart, José Vieira a posé sa caméra dans les #montagnes du #Caramulo, au centre du #Portugal, afin de déterrer une histoire oubliée de la #mémoire_collective rurale du pays. Celle de l’expropriation en 1941, par l’État salazariste, de milliers de paysans et de paysannes de leurs terres communales – #baldios en portugais.

    Cette #violence étatique a été opérée au nom d’un vaste #projet_industriel : planter des forêts pour développer économiquement ces #territoires_ruraux et, par le même geste, « civiliser » les villageois et villageoises des #montagnes, encore rétifs au #salariat et à l’ordre social réactionnaire de #Salazar. Un épisode qui résonne aujourd’hui avec les politiques libérales des États qui aident les intérêts privés à accaparer les biens communs.

    Mediapart : Comment avez-vous découvert cette histoire oubliée de l’expropriation des terres communales ou « baldios » au Portugal ?

    José Vieira : Complètement par hasard. J’étais en train de filmer Le pain que le diable a pétri (2012, Zeugma Films) sur les habitants des montagnes au Portugal qui sont partis après-guerre travailler dans les usines à Lisbonne.

    Je demandais à un vieux qui est resté au village, António, quelle était la définition d’un baldio – on voit cet extrait dans le documentaire, où il parle d’un lieu où tout le monde peut aller pour récolter du bois, faire pâturer ses bêtes, etc. Puis il me sort soudain : « Sauf que l’État a occupé tous les baldios, c’était juste avant que je parte au service militaire. »

    J’étais estomaqué, je voulais en savoir plus mais impossible, car dans la foulée, il m’a envoyé baladé en râlant : « De toute façon, je ne te supporte pas aujourd’hui. »

    Qu’avez-vous fait alors ?

    J’ai commencé à fouiller sur Internet et j’ai eu la chance de tomber sur une étude parue dans la revue de sociologie portugaise Análise Social, qui raconte comment dans les années 1940 l’État salazariste avait pour projet initial de boiser 500 000 hectares de biens communaux en expropriant les usagers de ces terres.

    Je devais ensuite trouver des éléments d’histoire locale, dans la Serra do Caramulo, dont je suis originaire. J’ai passé un temps fou le nez dans les archives du journal local, qui était bien sûr à l’époque entièrement dévoué au régime.

    Après la publication de l’avis à la population que les baldios seront expropriés au profit de la plantation de forêts, plus aucune mention des communaux n’apparaît dans la presse. Mais rapidement, des correspondants locaux et des éditorialistes vont s’apercevoir qu’il existe dans ce territoire un malaise, qu’Untel abandonne sa ferme faute de pâturage ou que d’autres partent en ville. En somme, que sans les baldios, les gens ne s’en sortent plus.

    Comment sont perçus les communaux par les tenants du salazarisme ?

    Les ingénieurs forestiers décrivent les paysans de ces territoires comme des « primitifs » qu’il faut « civiliser ». Ils se voient comme des missionnaires du progrès et dénoncent l’oisiveté de ces montagnards peu enclins au salariat.

    À Lisbonne, j’ai trouvé aussi une archive qui parle des baldios comme étant une source de perversion, de mœurs légères qui conduisent à des enfants illégitimes dans des coins où « les familles vivent presque sans travailler ». Un crime dans un régime où le travail est élevé au rang de valeur suprême.

    On retrouve tous ces différents motifs dans le fameux Portrait du colonisé d’Albert Memmi (1957). Car il y a de la part du régime un vrai discours de colonisateur vis-à-vis de ces régions montagneuses où l’État et la religion ont encore peu de prise sur les habitants.

    En somme, l’État salazariste veut faire entrer ces Portugais reculés dans la modernité.

    Il y a eu des résistances face à ces expropriations ?

    Les villageois vont être embauchés pour boiser les baldios. Sauf qu’après avoir semé les pins, il faut attendre vingt ans pour que la forêt pousse.

    Il y a eu alors quelques histoires d’arrachage clandestin d’arbres. Et je raconte dans le film comment une incartade avec un garde forestier a failli virer au drame à cause d’une balle perdue – je rappelle qu’on est alors sous la chape de plomb du salazarisme. D’autres habitants ont aussi tabassé deux gardes forestiers à la sortie d’un bar et leur ont piqué leurs flingues.

    Mais la mémoire de ces résistances a peu été transmise. Aujourd’hui, avec l’émigration, il ne reste plus rien de cette mémoire collective, la plupart des vieux et vieilles que j’ai filmés dans ce documentaire sont déjà morts.

    Comment justement avez-vous travaillé pour ce documentaire ?

    Quand António me raconte cette histoire d’expropriation des baldios par l’État, c’était en 2010 et je tournais un documentaire, Souvenirs d’un futur radieux. Puis lorsqu’en 2014 un premier incendie a calciné le paysage forestier, je me suis dit qu’il fallait que je m’y mette.

    J’ai travaillé doucement, pendant trois ans, sans savoir où j’allais réellement. J’ai filmé un village situé à 15 kilomètres de là où je suis né. J’ai fait le choix d’y suivre des gens qui subsistent encore en pratiquant une agriculture traditionnelle, avec des outils de travail séculaires, comme la roue celte. Ils ont les mêmes pratiques que dans les années 1940, et qui sont respectueuses de l’écosystème, de la ressource en eau, de la terre.

    Vous vous êtes aussi attaché à retracer tel un historien cet épisode de boisement à marche forcée...

    Cette utopie industrialiste date du XIXe siècle, des ingénieurs forestiers parlant déjà de vouloir récupérer ces « terres de personne ». Puis sous Salazar, dans les années 1930, il y a eu un débat intense au sein du régime entre agrairistes et industrialistes. Pour les premiers, boiser ne va pas être rentable et les baldios sont vitaux aux paysans. Pour les seconds, le pays a besoin de l’industrie du bois pour décoller économiquement, et il manque de bras dans les villes pour travailler dans les usines.

    Le pouvoir central a alors même créé un organisme étatique, la Junte de colonisation interne, qui va recenser les baldios et proposer d’installer des personnes en leur donnant à cultiver des terres communales – des colonies de repeuplement pour résumer.

    Finalement, l’industrie du bois et de la cellulose l’a emporté. La loi de boisement des baldios est votée en 1938 et c’est en novembre 1941 que ça va commencer à se mettre en place sur le terrain.

    Une enquête publique a été réalisée, où tout le monde localement s’est prononcé contre. Et comme pour les enquêtes aujourd’hui en France, ils se sont arrangés pour dire que les habitants étaient d’accord.

    Qu’en est-il aujourd’hui de ces forêts ? Subsiste-t-il encore des « baldios » ?

    Les pinèdes sont exploitées par des boîtes privées qui font travailler des prolos qui galèrent en bossant dur. Mais beaucoup de ces forêts ont brûlé ces dernière décennies, notamment lors de la grande vague d’incendies au Portugal de 2017, où des gens du village où je filmais ont failli périr.

    Les feux ont dévoilé les paysages de pierre qu’on voyait auparavant sur les photos d’archives du territoire, avant que des pins de 30 mètres de haut ne bouchent le paysage.

    Quant aux baldios restants, ils sont loués à des entreprises de cellulose qui y plantent de l’eucalyptus. D’autres servent à faire des parcs d’éoliennes. Toutes les lois promues par les différents gouvernements à travers l’histoire du Portugal vont dans le même sens : privatiser les baldios alors que ces gens ont géré pendant des siècles ces espaces de façon collective et très intelligente.

    J’ai fait ce film avec en tête les forêts au Brésil gérées par les peuples autochtones depuis des siècles, TotalEnergies en Ouganda qui déplace 100 000 personnes de leurs terres pour du pétrole ou encore Sainte-Soline, où l’État aide les intérêts privés à accaparer un autre bien commun : l’eau.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/021223/jose-vieira-la-memoire-des-resistances-face-l-accaparement-des-terres-ete-

    #accaparement_de_terres #terre #terres #dictature #histoire #paysannerie #Serra_do_Caramulo #communaux #salazarisme #progrès #colonisation #colonialisme #rural #modernité #résistance #incendie #boisement #utopie_industrialiste #ingénieurs #ingénieurs_forestiers #propriété #industrie_du_bois #Junte_de_colonisation_interne #colonies_de_repeuplement #cellulose #pinèdes #feux #paysage #privatisation #eucalyptus #éoliennes #loi #foncier

  • Bulgaria : lottare per vivere, lottare per morire

    Di morti insepolti, notti insonni e domande che non avranno risposta

    “ГРАНИЦИТЕ УБИВАТ”, ovvero “I confini uccidono”. Questa scritta campeggia su delle vecchie cisterne arrugginite lungo la statale 79, la strada che collega Elhovo a Burgas, seguendo il confine bulgaro-turco fino al Mar Nero. L’abbiamo fatta noi del Collettivo Rotte Balcaniche (https://www.facebook.com/profile.php?id=100078755275162), rossa come il sangue che abbiamo visto scorrere in queste colline. Volevamo imprimere nello spazio fisico un ricordo di chi proprio tra questi boschi ha vissuto i suoi ultimi istanti, lasciare un segno perché la memoria avesse una dimensione materiale. Dall’altra parte, volevamo lanciare un monito, per parlare a chi continua a transitare su questa strada ignorandone la puzza di morte e a chi ne è direttamente responsabile, per dire “noi sappiamo e non dimenticheremo”. Ne è uscita una semplice scritta che forse in pochi noteranno. Racchiude le lacrime che accompagnano i ricordi e un urlo che monta dentro, l’amore e la rabbia.

    Dall’anno passato il confine bulgaro-turco è tornato ad essere la prima porta terrestre d’Europa. I dati diffusi dalla Polizia di frontiera bulgara contano infatti oltre 158 mila tentativi di ingresso illegale nel territorio impediti nei primi nove mesi del 2023, a fronte dei 115 mila nel corrispondente periodo del 2022, anno in cui le medesime statistiche erano già più che triplicate 1. Il movimento delle persone cambia a seconda delle politiche di confine, come un flusso d’acqua alla ricerca di un varco, così la totale militarizzazione del confine di terra greco-turco, che si snoda lungo il fiume Evros, ha spostato le rotte migratorie verso la più porosa frontiera bulgara. Dall’altro lato, la sempre più aggressiva politica di deportazioni di Erdogan – che ha già ricollocato con la forza 600 mila rifugiatə sirianə nel nord-ovest del paese, sotto il controllo turco, e promette di raggiungere presto la soglia del milione – costringe gli oltre tre milioni di sirianə che vivono in Turchia a muoversi verso luoghi più sicuri.

    Abbiamo iniziato a conoscere la violenza della polizia bulgara più di un anno fa, non nelle inchieste giornalistiche ma nei racconti delle persone migranti che incontravamo in Serbia, mentre ci occupavamo di distribuire cibo e docce calde a chi veniva picchiatə e respintə dalle guardie di frontiera ungheresi. Siamo un gruppo di persone solidali che dal 2018 ha cominciato a viaggiare lungo le rotte balcaniche per supportare attivamente lə migrantə in cammino, e da allora non ci siamo più fermatə. Anche se nel tempo siamo cresciutə, rimaniamo un collettivo autorganizzato senza nessun riconoscimento formale. Proprio per questo, abbiamo deciso di muoverci verso i contesti caratterizzati da maggior repressione, laddove i soggetti più istituzionali faticano a trovare agibilità e le pratiche di solidarietà assumono un valore conflittuale e politico. Uno dei nostri obiettivi è quello di essere l’anti-confine, costruendo vie sicure attraverso le frontiere, ferrovie sotterranee. Tuttavia, non avremmo mai pensato di diventare un “rescue team”, un equipaggio di terra, ovvero di occuparci di ricerca e soccorso delle persone disperse – vive e morte – nelle foreste della Bulgaria.

    La prima operazione di salvataggio in cui ci siamo imbattutə risale alle notte tra il 19 e il 20 luglio. Stavo per andare a dormire, verso l’una, quando sento insistentemente suonare il telefono del Collettivo – telefono attraverso cui gestiamo le richieste di aiuto delle persone che vivono nei campi rifugiati della regione meridionale della Bulgaria 2. Era M., un signore siriano residente nel campo di Harmanli, che avevo conosciuto pochi giorni prima. «C’è una donna incinta sulla strada 79, serve un’ambulanza». Con lei, le sue due bambine di tre e sei anni. Chiamiamo il 112, numero unico per le emergenze, dopo averla messa al corrente che probabilmente prima dell’ambulanza sarebbe arrivata la polizia, e non potevamo sapere cosa sarebbe successo. Dopo aver capito che il centralino ci stava mentendo, insinuando che le squadre di soccorso erano uscite senza aver trovato nessuno alle coordinate che avevamo segnalato, decidiamo di muoverci in prima persona. Da allora, si sono alternate settimane più e meno intense di uscite e ricerche. Abbiamo un database che raccoglie la quarantina di casi di cui ci siamo in diversi modi occupatə da fine luglio e metà ottobre: nomi, storie e foto che nessunə vorrebbe vedere. In questi mesi tre mesi si è sviluppata anche una rete di associazioni con cui collaboriamo nella gestione delle emergenze, che comprende in particolare #CRG (#Consolidated_Rescue_Group: https://www.facebook.com/C.R.G.2022), gruppo di volontariə sirianə che fa un incredibile lavoro di raccolta di segnalazioni di “distress” e “missing people” ai confini d’Europa, nonché di relazione con lə familiari.

    Ricostruire questo tipo di situazioni è sempre complicato: le informazioni sono frammentate, la cronologia degli eventi incerta, l’intervento delle autorità poco prevedibile. Spesso ci troviamo ad unire tessere di un puzzle che non combacia. Sono le persone migranti stesse a lanciare l’SOS, oppure, se non hanno un telefono o è scarico, le “guide” 3 che le accompagnano nel viaggio. Le richieste riportano i dati anagrafici, le coordinate, lo stato di salute della persona. Le famiglie contattano poi organizzazioni solidali come CRG, che tra lə migrantə sirianə è un riferimento fidato. L’unica cosa che noi possiamo fare – ma che nessun altro fa – è “metterci il corpo”, frapporci tra la polizia e le persone migranti. Il fatto che ci siano delle persone bianche ed europee nel luogo dell’emergenza obbliga i soccorsi ad arrivare, e scoraggia la polizia dal respingere e torturare. Infatti, è la gerarchia dei corpi che determina quanto una persona è “salvabile”, e le vite migranti valgono meno di zero. Nella notte del 5 agosto, mentre andavamo a recuperare il cadavere di H., siamo fermatə da un furgone scuro, senza insegne della polizia. È una pattuglia del corpo speciale dell’esercito che si occupa di cattura e respingimento. Gli diciamo la verità: stiamo andando a cercare un ragazzo morto nel bosco, abbiamo già avvisato il 112. Uno dei soldati vuole delle prove, gli mostriamo allora la foto scattata dai compagni di viaggio. Vedendo il cadavere, si mette a ridere, “it’s funny”, dice.

    Ogni strada è un vicolo cieco che conduce alla border police, che non ha nessun interesse a salvare le vite ma solo ad incriminare chi le salva. Dobbiamo chiamare subito il 112, accettando il rischio che la polizia possa arrivare prima di noi e respingere le persone in Turchia, lasciandole nude e ferite nel bosco di frontiera, per poi essere costrette a riprovare quel viaggio mortale o imprigionate e deportate in Siria? Oppure non chiamare il 112, perdendo così quel briciolo di possibilità che veramente un’ambulanza possa, prima o poi, arrivare e potenzialmente salvare una vita? Il momento dell’intervento mette ogni volta di fronte a domande impossibili, che rivelano l’asimmetria di potere tra noi e le autorità, di cui non riusciamo a prevedere le mosse. Alcuni cambiamenti, però, li abbiamo osservati con continuità anche nel comportamento della polizia. Se inizialmente le nostre azioni sono riuscite più volte ad evitare l’omissione di soccorso, salvando persone che altrimenti sarebbero state semplicemente lasciate morire, nell’ultimo mese le nostre ricerche sono andate quasi sempre a vuoto. Questo perché la polizia arriva alle coordinate prima di noi, anche quando non avvisiamo, o ci intercetta lungo la strada impedendoci di continuare. Probabilmente non sono fatalità ma stanno controllando i nostri movimenti, per provare a toglierci questo spazio di azione che ci illudevamo di aver conquistato.

    Tuttavia, sappiamo che i casi che abbiamo intercettato sono solo una parte del totale. Le segnalazioni che arrivano attraverso CRG riguardano quasi esclusivamente persone di origini siriane, mentre raramente abbiamo ricevuto richieste di altre nazionalità, che sappiamo però essere presenti. Inoltre, la dottoressa Mileva, capo di dipartimento dell’obitorio di Burgas, racconta che quasi ogni giorno arriva un cadavere, “la maggior parte sono pieni di vermi, alcuni sono stati mangiati da animali selvatici”. Non sanno più dove metterli, le celle frigorifere sono piene di corpi non identificati ma le famiglie non hanno la possibilità di venire in Bulgaria per avviare le pratiche di riconoscimento, rimpatrio e sepoltura. Infatti, è impossibile ottenere un visto per venire in Europa, nemmeno per riconoscere un figlio – e non ci si può muovere nemmeno da altri paesi europei se si è richiedenti asilo. In alternativa, servono i soldi per la delega ad unə avvocatə e per effettuare il test del DNA attraverso l’ambasciata. Le procedure burocratiche non conoscono pietà. Le politiche di confine agiscono tanto sul corpo vivo quanto su quello morto, quindi sulla possibilità di vivere il lutto, di avere semplicemente la certezza di aver perso una sorella, una madre, un fratello. Solo per sapere se piangere. Anche la morte è una conquista sociale.

    «Sono una sorella inquieta da 11 mesi. Non dormo più la notte e passo delle giornate tranquille solo grazie ai sedativi e alle pillole per la depressione. Ovunque abbia chiesto aiuto, sono rimasta senza risposte. Vi chiedo, se è possibile, di prendermi per mano, se c’è bisogno di denaro, sono pronta a indebitarmi per trovare mio fratello e salvare la mia vecchia madre da questa lenta morte». Così ci scrive S., dalla Svezia. Suo fratello aveva 30 anni, era scappato dall’Afghanistan dopo il ritorno dei Talebani, perché lavorava per l’esercito americano. Aveva lasciato la Turchia per dirigersi verso la Bulgaria il 21 settembre 2022, ma il 25 non era più stato in grado di continuare il cammino a causa dei dolori alle gambe. In un video, gli smuggler che guidavano il viaggio spiegano che lo avrebbero lasciato in un determinato punto, nei pressi della strada 79, e che dopo aver riposato si sarebbe dovuto consegnare alla polizia. Da allora di lui si sono perse le tracce. Non è stato ritrovato nella foresta, né nei campi rifugiati, né tra i corpi dell’obitorio. È come se fosse stato inghiottito dalla frontiera. S. ci invia i nomi, le foto e le date di scomparsa di altre 14 persone, quasi tutte afghane, scomparse l’anno scorso. Lei è in contatto con tutte le famiglie. Neanche noi abbiamo risposte: più la segnalazione è datata più è difficile poter fare qualcosa. Sappiamo che la cosa più probabile è che i corpi siano marciti nel sottobosco, ma cosa dire allə familiari che ancora conservano un’irrazionale speranza? Ormai si cammina sulle ossa di chi era venuto prima, e lì era rimasto.

    –—

    1. РЕЗУЛТАТИ ОТ ДЕЙНОСТТА НА МВР ПРЕЗ 2022 г., Противодействие на миграционния натиск и граничен контрол (Risultati delle attività del Ministero dell’Interno nel 2022, Contrasto alla pressione migratoria e controllo delle frontiere), p. 14.
    2. Per quanto riguarda lə richiedenti asilo, il sistema di “accoglienza” bulgaro è gestito dall’agenzia governativa SAR, e si articola nei campi ROC (Registration and reception center) di Voenna Rampa (Sofia), Ovcha Kupel (Sofia), Vrajdebna (Sofia), Banya (Nova Zagora) e Harmanli, oltre al transit centre di Pastrogor (situato nel comune di Svilengrad), dove si effettuano proceduredi asilo accelerate. […] I centri di detenzione sono due: Busmantsi e Lyubimets. Per approfondire, è disponibile il report scritto dal Collettivo.
    3. Anche così sono chiamati gli smuggler che conducono le persone nel viaggio a piedi.

    https://www.meltingpot.org/2023/10/bulgaria-lottare-per-vivere-lottare-per-morire

    #Bulgarie #Turquie #asile #migrations #réfugiés #frontières #décès #mourir_aux_frontières #street-art #art_de_rue #route_des_Balkans #Balkans #mémoire #morts_aux_frontières #murs #barrières_frontalières #Elhovo #Burgas #Evros #Grèce #routes_migratoires #militarisation_des_frontières #violence #violences_policières #solidarité #anti-frontières #voies_sures #route_79 #collettivo_rotte_balcaniche #hiréarchie_des_corps #racisme #Mileva_Galya #Galya_Mileva

    • Bulgaria, lasciar morire è uccidere

      Collettivo Rotte Balcaniche Alto Vicentino: la cronaca di un’omissione di soccorso sulla frontiera bulgaro-turca


      I fatti si riferiscono alla notte tra il 19 e il 20 luglio 2023. Per tutelare le persone coinvolte, diffondiamo questo report dopo alcune settimane. Dopo questo primo intervento, come Collettivo Rotte Balcaniche continuiamo ad affrontare emergenze simili, agendo in prima persona nella ricerca e soccorso delle persone bloccate nei boschi lungo la frontiera bulgaro-turca.

      01.00 di notte, suona il telefono del Collettivo. “We got a pregnant woman on Route 79“, a contattarci è un residente nel campo di Harmanli, amico del marito della donna e da noi conosciuto qualche settimana prima. E’ assistito da un’interprete, anch’esso residente nel campo. Teme di essere accusato di smuggling, chiede se possiamo essere noi a chiamare un’ambulanza. La route 79 è una delle strade più pattugliate dalla border police, in quanto passaggio quasi obbligato per chi ha attraversato il confine turco e si muove verso Sofia. Con l’aiuto dell’interprete chiamiamo la donna: è all’ottavo mese di gravidanza e, con le due figlie piccole, sono sole nella jungle. Stremate, sono state lasciate vicino alla strada dal gruppo con cui stavano camminando, in attesa di soccorsi. Ci dà la sua localizzazione: 42.12.31.6N 27.00.20.9E. Le spieghiamo che il numero dell’ambulanza è lo stesso della polizia: c’è il rischio che venga respinta illegalmente in Turchia. Lei lo sa e ci chiede di farlo ugualmente.

      Ore 02.00, prima chiamata al 112. La registriamo, come tutte le successive. Non ci viene posta nessuna domanda sulle condizioni della donna o delle bambine, ma siamo tenuti 11 minuti al telefono per spiegare come siamo venuti in contatto con la donna, come ha attraversato il confine e da dove viene, chi siamo, cosa facciamo in Bulgaria. Sospettano un caso di trafficking e dobbiamo comunicare loro il numero dell’”intermediario” tra noi e lei. Ci sentiamo sotto interrogatorio. “In a couple of minutes our units are gonna be there to search the woman“, sono le 02.06. Ci rendiamo conto di non aver parlato con dei soccorritori, ma con dei poliziotti.

      Ore 03.21, è passata un’ora e tutto tace: richiamiamo il 112. Chiediamo se hanno chiamato la donna, ci rispondono: “we tried contacting but we can’t reach the phone number“. La donna ci dice che in realtà non l’hanno mai chiamata. Comunichiamo di nuovo la sua localizzazione: 42.12.37.6N 27.00.21.5E. Aggiungiamo che è molto vicino alla strada, ci rispondono: “not exactly, it’s more like inside of the woods“, “it’s exactly like near the border, and it’s inside of a wood region, it’s a forest, not a street“. Per fugare ogni dubbio, chiediamo: “do you confirm that the coordinates are near to route 79?“. Ci tengono in attesa, rispondono: “they are near a main road. Can’t exactly specify if it’s 79“. Diciamo che la donna è svenuta. “Can she dial us? Can she call so we can get a bit more information?“. Non capiamo di che ulteriori informazioni abbiano bisogno, siamo increduli: “She’s not conscious so I don’t think she’ll be able to make the call“. Suggeriscono allora che l’interprete si metta in contatto diretto con loro. Sospettiamo che vogliano tagliarci fuori. Sono passati 18 minuti, la chiamata è stata una farsa. Se prima temevamo le conseguenze dell’arrivo della polizia, ora abbiamo paura che non arrivi nessuno. Decidiamo di metterci in strada, ci aspetta 1h e 40 di viaggio.

      Ore 04.42, terza chiamata. Ci chiedono di nuovo tutte le informazioni, ancora una volta comunichiamo le coordinate gps. Diciamo che stiamo andando in loco ed incalziamo: “Are there any news on the research?“. “I can’t tell this“. Attraverso l’interprete rimaniamo in costante contatto con la donna. Conferma che non è arrivata alcuna searching unit. La farsa sta diventando una tragedia.

      Ore 06.18, quarta chiamata. Siamo sul posto e la strada è deserta. Vogliamo essere irreprensibili ed informarli che siamo arrivati. Ripetiamo per l’ennesima volta che chiamiamo per una donna incinta in gravi condizioni. Il dialogo è allucinante, ricominciano con le domande: “which month?“, “which baby is this? First? Second?“, “how old does she look like?“, “how do you know she’s there? she called you or what?“. Gli comunichiamo che stiamo per iniziare a cercarla, ci rispondono: “we are looking for her also“. Interveniamo: “Well, where are you because there is no one here, we are on the spot and there is no one“. Si giustificano: “you have new information because obviously she is not at the one coordinates you gave“, “the police went three times to the coordinates and they didn’t find the woman, the coordinates are wrong“. Ancora una volta, capiamo che stanno mentendo.

      Faremo una quinta chiamata alle 06.43, quando l’avremo già trovata. Ci richiederanno le coordinate e ci diranno di aspettarli lungo la strada.

      La nostra ricerca dura pochi minuti. La donna ci invia di nuovo la posizione: 42.12.36.3N 27.00.43.3E. Risulta essere a 500 metri dalle coordinate precedenti, ma ancor più vicina alla strada. Gridiamo “hello” e ci facciamo guidare dalle voci: la troviamo letteralmente a due metri dalla strada, su un leggero pendio, accasciata sotto un albero e le bambine al suo fianco. Vengono dalla Siria, le bambine hanno 4 e 7 anni. Lei è troppo debole per alzarsi. Abbiamo per loro sono dell’acqua e del pane. C’è lì anche un ragazzo, probabilmente minorenne, che le ha trovate ed è rimasto ad aiutarle. Lo avvertiamo che arriverà la polizia. Non vuole essere respinto in Turchia, riparte solo e senza zaino. Noi ci guardiamo attorno: la “foresta” si rivela essere una piccola striscia alberata di qualche metro, che separa la strada dai campi agricoli.

      Dopo poco passa una ronda della border police, si fermano e ci avvicinano con la mano sulla pistola. Non erano stati avvertiti: ci aggrediscono con mille domande senza interessarsi alla donna ed alle bambine. Ci prendono i telefoni, ci cancellano le foto fatte all’arrivo delle volanti. Decidiamo di chiamare un’avvocata locale nostra conoscente: lei ci risponde che nei boschi è normale che i soccorsi tardino e ci suggerisce di andarcene per lasciar lavorare la polizia. Nel frattempo arrivano anche la gendarmerie e la local police.

      Manca solo l’unica cosa necessaria e richiesta: l’ambulanza, che non arriverà mai.

      Ore 07.45, la polizia ci scorta nel paese più vicino – Sredets – dove ci ha assicurato esserci un ospedale. Cercano di dividere la donna e le bambine in auto diverse. Chiediamo di portarle noi tutte assieme in macchina. A Sredets, tuttavia, siamo condotti nella centrale della border police. Troviamo decine di guardie di frontiera vestite mimetiche, armate di mitraglie, che escono a turno su mezzi militari, due agenti olandesi di Frontex, un poliziotto bulgaro con la maglia del fascio littorio dei raduni di Predappio. Siamo relegati nel fondo di un corridoio, in piedi, circondati da cinque poliziotti. Il più giovane urla e ci dice che saremo trattenuti “perché stai facendo passare migranti clandestini“. Chiediamo acqua ed un bagno per la donna e le bambine, inizialmente ce li negano. Rimaniamo in attesa, ora ci dicono che non possono andare in ospedale in quanto senza documenti, sono in stato di arresto.

      Ore 09.00, arriva finalmente un medico: parla solamente in bulgaro, visita la donna in corridoio senza alcuna privacy, chiedendole di scoprire la pancia davanti ai 5 poliziotti. Chiamiamo ancora una volta l’avvocata, vogliamo chiedere che la donna sia portata in un ambulatorio e che abbia un interprete. Rimaniamo inascoltati. Dopo a malapena 5 minuti il medico conclude la sua visita, consigliando solamente di bere molta acqua.

      Ore 09.35, ci riportano i nostri documenti e ci invitano ad andarcene. E’ l’ultima volta che vediamo la donna e le bambine. Il telefono le viene sequestrato. Non viene loro permesso di fare la richiesta di asilo e vengono portate nel pre-removal detention centre di Lyubimets. Prima di condurci all’uscita, si presenta un tale ispettore Palov che ci chiede di firmare tre carte. Avrebbero giustificato le ore passate in centrale come conversazione avuta con l’ispettore, previa convocazione ufficiale. Rifiutiamo.

      Sulla via del ritorno ripercorriamo la Route 79, è estremamente pattugliata dalla polizia. Pensiamo alle tante persone che ogni notte muoiono senza nemmeno poter chiedere aiuto, oltre alle poche che lo chiedono invano. Lungo le frontiere di terra come di mare, l’omissione di soccorso è una precisa strategia delle autorità.

      L’indomani incontriamo l’amico del marito della donna. Sa che non potrà più fare qualcosa di simile: sarebbe accusato di smuggling e perderebbe ogni possibilità di ricostruirsi una vita in Europa. Invece noi, attivisti indipendenti, possiamo e dobbiamo continuare: abbiamo molto meno da perdere. Ci è chiara l’urgenza di agire in prima persona e disobbedire a chi uccide lasciando morire.

      Dopo 20 giorni dall’accaduto riusciamo ad incontrare la donna con le bambine, che sono state finalmente trasferite al campo aperto di Harmanli. Sono state trattenute quindi nel centro di detenzione di Lyubimets per ben 19 giorni. La donna ci riferisce che, durante la loro permanenza, non è mai stata portata in ospedale per eseguire accertamenti, necessari soprattutto per quanto riguarda la gravidanza; è stata solamente visitata dal medico del centro, una visita molto superficiale e frettolosa, molto simile a quella ricevuta alla stazione di polizia di Sredets. Ci dà inoltre il suo consenso alla pubblicazione di questo report.

      https://www.meltingpot.org/2023/08/bulgaria-lasciar-morire-e-uccidere

      #laisser_mourir

    • Bulgaria, per tutti i morti di frontiera

      Collettivo Rotte Balcaniche Alto Vicentino: un racconto di come i confini d’Europa uccidono nel silenzio e nell’indifferenza


      Da fine giugno il Collettivo Rotte Balcaniche Alto Vicentino è ripartito per un nuovo progetto di solidarietà attiva e monitoraggio verso la frontiera più esterna dell’Unione Europea, al confine tra Bulgaria e Turchia.
      Pubblichiamo il secondo report delle “operazioni di ricerca e soccorso” che il Collettivo sta portando avanti, in cui si racconta del ritrovamento del corpo senza vita di H., un uomo siriano che aveva deciso di sfidare la fortezza Europa. Come lui moltə altrə tentano il viaggio ogni giorno, e muoiono nelle foreste senza che nessuno lo sappia. Al Collettivo è sembrato importante diffondere questa storia perchè parla anche di tutte le altre storie che non potranno essere raccontate, affinché non rimangano seppellite nel silenzio dei confini.

      Ore 12, circa, al numero del collettivo viene segnalata la presenza del corpo di un ragazzo siriano di trent’anni, H., morto durante un tentativo di game in prossimità della route 79. Abbiamo il contatto di un fratello, che comunica con noi attraverso un cugino che fa da interprete. Chiedono aiuto nel gestire il recupero, il riconoscimento e il rimpatrio del corpo; ci mandano le coordinate e capiamo che il corpo si trova in mezzo ad un bosco ma vicino ad un sentiero: probabilmente i suoi compagni di viaggio lo hanno lasciato lì così che fosse facilmente raggiungibile. Nelle ore successive capiamo insieme come muoverci.

      Ore 15, un’associazione del territorio con cui collaboriamo chiama una prima volta il 112, il numero unico per le emergenze. Ci dice che il caso è stato preso in carico e che le autorità hanno iniziato le ricerche. Alla luce di altri episodi simili, decidiamo di non fidarci e iniziamo a pensare che potrebbe essere necessario metterci in viaggio.

      Ore 16.46, chiamiamo anche noi il 112, per mettere pressione ed assicurarci che effettivamente ci sia una squadra di ricerca in loco: decidiamo di dire all’operatore che c’è una persona in condizioni critiche persa nei boschi e diamo le coordinate precise. Come risposta ci chiede il nome e, prima ancora di informazioni sul suo stato di salute, la sua nazionalità. E’ zona di frontiera: probabilmente, la risposta a questa domanda è fondamentale per capire che priorità dare alla chiamata e chi allertare. Quando diciamo che è siriano, arriva in automatico la domanda: “How did he cross the border? Legally or illegally?“. Diciamo che non lo sappiamo, ribadiamo che H. ha bisogno di soccorso immediato, potrebbe essere morto. L’operatore accetta la nostra segnalazione e ci dice che polizia e assistenza medica sono state allertate. Chiediamo di poter avere aggiornamenti, ma non possono richiamarci. Richiameremo noi.

      Ore 17.54, richiamiamo. L’operatrice ci chiede se il gruppo di emergenza è arrivato in loco, probabilmente pensando che noi siamo insieme ad H. La informiamo che in realtà siamo a un’ora e mezzo di distanza, ma che ci possiamo muovere se necessario. Ci dice che la border police “was there” e che “everything will be okay if you called us“, ma non ha informazioni sulle sorti di H. Le chiediamo, sempre memori delle false informazioni degli altri casi, come può essere sicura che una pattuglia si sia recata in loco; solo a questo punto chiama la border police. “It was my mistake“, ci dice riprendendo la chiamata: gli agenti non lo hanno trovato, “but they are looking for him“. Alle nostre orecchie suona come una conferma del fatto che nessuna pattuglia sia uscita a cercarlo. L’operatrice chiude la chiamata con un: “If you can, go to this place, [to] this GPS coordinates, because they couldn’t find this person yet. If you have any information call us again“. Forti di questo via libera e incazzatə di dover supplire alle mancanze della polizia ci mettiamo in viaggio.

      Ore 18.30, partiamo, chiamando il 112 a intervalli regolari lungo la strada: emerge grande indifferenza, che diventa a tratti strafottenza rispetto alla nostra insistenza: “So what do you want now? We don’t give information, we have the signal, police is informed“. Diciamo che siamo per strada: “Okay“.

      Ore 20.24, parcheggiamo la macchina lungo una strada sterrata in mezzo al bosco. Iniziamo a camminare verso le coordinate mentre il sole dietro di noi inizia a tramontare. Richiamiamo il 112, informando del fatto che non vediamo pattuglie della polizia in giro, nonostante tutte le fantomatiche ricerche già partite. Ci viene risposto che la polizia è stata alle coordinate che noi abbiamo dato e non ha trovato nessuno; gli avvenimenti delle ore successive dimostreranno che questa informazione è falsa.

      “I talked with Border Police, today they have been in this place searching for this guy, they haven’t find anybody, so“

      “So? […] What are they going to do?“

      “What do you want from us [seccato]? They haven’t found anyone […]“

      “They can keep searching.”

      “[aggressivo] They haven’t found anybody on this place. What do you want from us? […] On this location there is no one. […] You give the location and there is no one on this location“.

      Ore 21.30, arriviamo alle coordinate attraverso un bosco segnato da zaini e bottiglie vuote che suggeriscono il passaggio di persone in game. Il corpo di H. è lì, non un metro più avanti, non uno più indietro. I suoi compagni di viaggio, nonostante la situazione di bisogno che la rotta impone, hanno avuto l’accortezza di lasciargli a fianco il suo zaino, il suo telefono e qualche farmaco. E’ evidente come nessuna pattuglia della polizia sia stata sul posto, probabilmente nessuna è neanche mai uscita dalla centrale. Ci siamo mosse insieme a una catena di bugie. Richiamiamo il 112 e l’operatrice allerta la border police. Questa volta, visto il tempo in cui rimaniamo in chiamata in attesa, parrebbe veramente.

      Ore 21.52, nessuno in vista. Richiamiamo insistendo per sapere dove sia l’unità di emergenza, dato che temiamo ancora una volta l’assoluto disinteresse di chi di dovere. Ci viene risposto: “Police crew is on another case, when they finish the case they will come to you. […] There is too many case for police, they have only few car“. Vista la quantità di posti di blocco e di automobili della polizia che abbiamo incrociato lungo la route 79 e i racconti dei suoi interventi continui, capillari e violenti in “protezione” dei confini orientali dell’UE, non ci pare proprio che la polizia non possegga mezzi. Evidentemente, di nuovo, è una questione di priorità dei casi e dei fini di questi: ci si muove per controllare e respingere, non per soccorrere. Insistiamo, ci chiedono informazioni su di noi e sulla macchina:

      “How many people are you?“

      “Three people“

      “Only women?”

      “Yes…”

      “Have patience and stay there, they will come“.

      Abbiamo la forte percezione che il fatto di essere solo ragazze velocizzerà l’intervento e che di certo nessuno si muoverà per H.: il pull factor per l’intervento della polizia siamo diventate noi, le fanciulle italiane in mezzo al bosco da salvare. Esplicitiamo tra di noi la necessità di mettere in chiaro, all’eventuale arrivo della polizia, che la priorità per noi è il recupero del corpo di H. Sentiamo anche lə compagnə che sono rimastə a casa: davanti all’ennesimo aggiornamento di stallo, in tre decidono di partire da Harmanli e di raggiungerci alle coordinate; per loro si prospetta un’ora e mezzo in furgone: lungo la strada, verranno fermati tre volte a posti di blocco, essendo i furgoni uno dei mezzi preferiti dagli smuggler per muovere le persone migranti verso Sofia.

      Ore 22, continuiamo con le chiamate di pressione al 112. E’ una donna a rispondere: la sua voce suona a tratti preoccupata. Anche nella violenza della situazione, registriamo come la socializzazione di genere sia determinante rispetto alla postura di cura. Si connette con la border police: “Police is coming to you in 5…2 minutes“, ci dice in un tentativo di rassicurarci. Purtroppo, sappiamo bene che le pratiche della polizia sono lontane da quelle di cura e non ci illudiamo: l’attesa continuerà. Come previsto, un’ora dopo non è ancora arrivato nessuno. All’ennesima chiamata, il centralinista ci chiede informazioni sulla morfologia del territorio intorno a noi. Questa richiesta conferma quello che ormai già sapevamo: la polizia, lì, non è mai arrivata.

      Ore 23.45, delle luci illuminano il campo in cui siamo sedute ormai da ore vicine al corpo di H. E’ una macchina della polizia di frontiera, con sopra una pattuglia mista di normal police e border police. Nessuna traccia di ambulanza, personale medico o polizia scientifica. Ci chiedono di mostrargli il corpo. Lo illuminano distrattamente, fanno qualche chiamata alla centrale e tornano a noi: ci chiedono come siamo venute a sapere del caso e perchè siamo lì. Gli ribadiamo che è stata un’operatrice del 112 a suggerici ciò: la cosa ci permette di giustificare la nostra presenza in zona di confine, a fianco ad un corpo senza vita ed evitare le accuse di smuggling.

      Ore 23.57, ci propongono di riaccompagnarci alla nostra macchina, neanche 10 minuti dopo essere arrivati. Noi chiediamo cosa ne sarà del corpo di H. e un agente ci risponde che arriverà un’unità di emergenza apposita. Esplicitiamo la nostra volontà di aspettarne l’arrivo, vogliamo tentare di ottenere il maggior numero di informazioni da comunicare alla famiglia e siamo preoccupate che, se noi lasciamo il campo, anche la pattuglia abbandonerà il corpo. Straniti, e forse impreparati alla nostra presenza e insistenza, provano a convincerci ad andare, illustrando una serie farsesca di pericoli che vanno dal fatto che sia zona di frontiera interdetta alla presenza di pericolosi migranti e calabroni giganti. Di base, recepiamo che non hanno una motivazioni valida per impedirci di rimanere.

      Quando il gruppo di Harmanli arriva vicino a noi, la polizia li sente arrivare prima di vederli e pensa che siano un gruppo di migranti; a questo stimolo, risponde con la prontezza che non ha mai dimostrato rispetto alle nostre sollecitazioni. Scatta verso di loro con la mano a pistola e manganello e le torce puntate verso il bosco. Li trova, ma il loro colore della pelle è nello spettro della legittimità. Va tutto bene, possono arrivare da noi. Della pattuglia di sei poliziotti, tre vanno via in macchina, tre si fermano effettivamente per la notte; ci chiediamo se sarebbe andata allo stesso modo se noi con i nostri occhi bianchi ed europei non fossimo stati presenti. Lo stallo continua, sostanzialmente, fino a mattina: la situazione è surreale, con noi sdraiati a pochi metri dalla polizia e dal corpo di H. L’immagine che ne esce parla di negligenza delle istituzioni, della gerarchia di vite che il confine crea e dell’abbandono sistematico dei corpi che vi si muovono intorno, se non per un loro possibile respingimento.

      Ore 8 di mattina, l’indifferenza continua anche quando arriva la scientifica, che si muove sbrigativa e sommaria intorno al corpo di H., vestendo jeans e scattando qualche fotografia simbolica. Il tutto non dura più di 30 minuti, alla fine dei quali il corpo parte nella macchina della border police, senza comunicazione alcuna sulla sua direzione e sulle sue sorti. Dopo la solita strategia di insistenza, riusciamo ad apprendere che verrà portato all’obitorio di Burgas, ma non hanno nulla da dirci su quello che avverrà dopo: l’ipotesi di un rimpatrio della salma o di un possibile funerale pare non sfiorare nemmeno i loro pensieri. Scopriremo solo in seguito, durante una c​hiamata con la famiglia, che H., nella migliore delle ipotesi, verrà seppellito in Bulgaria, solo grazie alla presenza sul territorio bulgaro di un parente di sangue, da poco deportato dalla Germania secondo le direttive di Dublino, che ha potuto riconoscere ufficialmente il corpo. Si rende palese, ancora una volta, l’indifferenza delle autorità nei confronti di H., un corpo ritenuto illegittimo che non merita nemmeno una sepoltura. La morte è normalizzata in questi spazi di confine e l’indifferenza sistemica diventa un’arma, al pari della violenza sui corpi e dei respingimenti, per definire chi ha diritto a una vita degna, o semplicemente a una vita.

      https://www.meltingpot.org/2023/08/bulgaria-per-tutti-i-morti-di-frontiera

  • Europe spent more on roads than rail in the last 25 years: These 10 countries bucked the trend

    A new report reveals how European countries are cutting railways and building roads.

    Europe’s rail network has dramatically declined over the past three decades, new research has warned, while investment in roads has soared.

    But with the funding gap between the two narrowing, could there be a light at the end of the (previously shuttered) tunnel?

    The length of motorways in Europe grew 60 per cent between 1995 and 2020, or 30,000km, according to research conducted by German thinktanks Wuppertal Institute and T3 Transportation and commissioned by Greenpeace.

    Meanwhile, railways shrank by 6.5 per cent, or 15,650km, and more than 2,500 railway stations were closed.

    The figures expose how governments prioritise cars over rail, warned Greenpeace EU senior climate campaigner Lorelei Limousin.

    “Millions of people outside cities have no option but to own a car to get to work, take kids to school or access basic services, living in areas with little or no public transport,” she said.

    “This is a direct result of governments dismantling local and regional rail networks while pouring money into roads.”

    However, there is a slight silver lining to the sobering research: the funding gap is narrowing.

    Between 1995 and 2018, European countries spent 66 per cent more on roads than railways. During the years 2018-2021, European countries spent 34 per cent more on extending roads than on extending railways.

    Nonetheless, the disparity is still jarring, Limousin commented.

    “Governments and the EU must hit the brakes on this dismantling of our train lines, reopen disused tracks and invest in rail – and stop the massive subsidies for roads that wreck the climate, pollute the air and make people’s lives miserable,” she said.
    Which European countries have invested in public transport?

    Trains are one of the most eco-friendly ways of getting around. Cars, vans and trucks are responsible for 72 per cent of Europe’s transport emissions, while rail accounts for only 0.4 per cent.

    But governments continue to pour money into polluting car infrastructure.

    EU-27 countries, Norway, Switzerland and the UK spent approximately €1.5 trillion on road infrastructure and only €930 billion on rail over this 1995-2020 period.

    Ten countries report a net increase of their railway networks’ lengths since 1995. These are Belgium, Croatia, Estonia, Finland, Ireland, Italy, Netherlands, Slovenia, Spain and Switzerland.

    The bulk of the railway closures took place in Germany (reduced by 6,706 km), Poland (by 4,660 km) and France (by 4,125 km). Despite this, these three countries still represent the longest total network lengths, followed by the UK and Spain.

    Between 2018 and 2021, Austria, Belgium, Denmark, France, Italy, Luxembourg and the UK invested more in rail than roads. The other countries spent more on roads than rail. In Romania, the funding gap was particularly stark, with the government spending 12 times as much on roads as it did on rail.

    Motorways grew most in Ireland, Romania and Poland, and least in Lithuania, Latvia and Belgium. In 15 out of the 30 countries analysed, the motorway length more than doubled, including Spain, Norway and Greece.
    What do researchers think should be done to improve the European rail network?

    Several European countries have launched cheap public transport fares in a bid to reduce emissions. More than three million people have purchased Germany’s Deutschlandticket, priced at €49 a month.

    But inexpensive fares are not enough. Greenpeace urged policymakers to pour money into railways, public transport, and cycle lanes, and divert it away from motorways and airports.

    The researchers believe that more than 13,500km of closed railway lines could be reopened “relatively easily.”

    “European nations have a commitment to reduce energy and transport poverty, and

    they are committed to the Paris Agreement,” the report authors urge.

    “Therefore, from a social and environmental perspective, the funding priorities for transport infrastructure need to shift accordingly.

    https://www.euronews.com/green/2023/09/19/europe-spent-more-on-roads-than-rail-in-the-last-25-years-these-10-countri

    #transports_publics #transports #rail #train #routes #automobile #investissements #transport_ferroviaire #Europe #transport_routier

    • Europe lost 15,000 km of rail, built 30,000 km of motorway since 1995

      Since 1995, European countries invested on average 66% more in expanding and refurbishing roads than in railways, new research has found. The new study (https://greenpeace.at/uploads/2023/09/analysis_development-of-transport-infrastructure-in-europe_2023.pdf) by the Wuppertal Institut and T3 Transportation Think Tank, commissioned by Greenpeace Central and Eastern Europe, looked at the investments in road and rail infrastructure by the 27 EU countries, as well as Norway, Switzerland and the UK.

      The study shows that European countries have spent approximately €1.5 trillion on road infrastructure and only €930 billion on rail in the last three decades, encouraging people to use cars instead of sustainable public transport.

      Click here (https://greenpeace.at/uploads/2023/09/factsheet_key-findings-and-country-data_transport-infrastructure-report_s) for a factsheet of the study’s main findings and country data.

      Lorelei Limousin, Greenpeace EU senior climate campaigner, said: “Millions of people outside cities have no option but to own a car to get to work, take kids to school or access basic services, living in areas with little or no public transport. This is a direct result of governments dismantling local and regional rail networks while pouring money into roads. Climate pollution from transport is through the roof, and we’ve seen people around Europe and across the world suffer the consequences. Governments and the EU must hit the brakes on this dismantling of our train lines, reopen disused tracks and invest in rail – and stop the massive subsidies for roads that wreck the climate, pollute the air and make people’s lives miserable.”

      This lopsided funding has come with a 60% increase in the length of Europe’s motorways since 1995 – more than 30,000 km – while European rail lines shrank by 6.5%, or 15,650 km. This contributed to a 29% increase in demand for motorised road transport between 1995 and 2019. Cars, vans and trucks are responsible for 72% of Europe’s transport emissions, while rail accounts for only 0.4%.

      About 13,700 km of mostly regional railway lines and more than 2,500 railway stations have been temporarily or permanently closed to passenger trains. This disproportionately affects rural communities, which suffer from reduced access to rail and other public transport. More than half of the kilometres of closed railway line could be reopened relatively easily, according to the study.

      The study looks at how the funding gap between road and rail in Europe has evolved over time, and finds that since 2018 the gap has begun to narrow, from 66% in favour of roads before 2018 to 34% since then. However, despite this, many European countries continued to close further railway lines and stations, and to plan and build new motorways and airport extensions.

      Transport remains the only sector in the EU that has consistently increased its domestic greenhouse gas emissions. Greenhouse gas emissions from transport have actually increased by 15% in the period from 1995 to 2019. At the same time, an average train journey in Europe produces 77% less greenhouse gas emissions than a car trip per passenger kilometre. Data shows that a dense and well-developed rail network is key to making public transport accessible and attractive to people, which brings pollution down.

      As European governments prepare to set their budgets for next year, Greenpeace is calling on national and EU policymakers to finally shift funding priorities from road to rail, better maintaining rail infrastructure, and making public transport more affordable.

      https://www.greenpeace.org/eu-unit/issues/climate-energy/46794/europe-lost-15000-km-of-rail-built-30000-km-of-motorway-since-1995
      #comparaison #rapport #étude #autoroutes #statistiques

  • #Pantelleria, arrivati più di 150 migranti nelle ultime 24 ore

    Sono 161 i migranti sbarcati o soccorsi in mare nelle ultime 24 ore al largo di Pantelleria. Quasi tutti tunisini, tra loro una decina di donne, e 35 minori, dei quali 27 non accompagnati. A intervenire sono state le unità della guardia costiera.

    L’ultimo soccorso in mare stamattina, a bordo di una unità in difficoltà c’erano 13 uomini, 3 minori e una donna. Si tratta di sbarchi e viaggi autonomi, non ci sono scafisti, persone che lasciano la Tunisia a bordo di mezzi di fortuna, gommoni o barche, in un caso addirittura in mare è stato soccorso un migrante che navigava in solitaria su di un barchino. Trattenuti nel centro di accoglienza dell’Isola, gli ultimi sbarcati nelle prossime 48 ore verranno trasferiti, con il traghetto di linea, al centro di identificazione di contrada Milo a Trapani.

    Nell’ultimo anno, durante tutto il 2022, a Pantelleria il numero dIe migranti giunti sull’isola ha superato quota 6 mila.

    Intanto domani una imbarcazione Ong dovrebbe giungere in porto a Trapani con a bordo 78 migranti soccorsi nel Mediterraneo. Si attende l’ufficialità dal Viminale.

    Frattanto si è tenuta stamane dinanzi al gup del Tribunale di Trapani, giudice Samuele Corso, l’ulteriore udienza del procedimento relativo all’indagine sui cosiddetti “taxi del mare”. Si tratta dell’inchiesta che nel 2017 portò la magistratura trapanese a sequestrare la nave Juventa della Ong tedesca Jugend Rettet. L’udienza preliminare ha come imputati 21 persone, componenti di equipaggi di altre due Ong, Medici Senza Frontiere e Save the Children. Nell’udienza di oggi le difese hanno proseguito a proporre al giudice eccezioni preliminari, le ultime odierne hanno riguardato la richiesta di nullità dell’avviso conclusione indagini, in quanto la discovery degli atti all’epoca depositati avrebbe mostrato l’assenza di documenti giudiziari e prodotti successivamente. Il prossimo 14 aprile toccherà ai pm Agnello, Mucaria e Sardoni, replicare a queste eccezioni.

    L’udienza preliminare va avanti da oltre un anno, mentre si attende il responso della Cassazione sulla competenza territoriale del Tribunale di Trapani. Il giudice Corso infatti alla precedente udienza ha deciso di trasmettere gli atti alla massima Corte, questo dopo altre eccezioni delle difese. Se venisse accolta una parte del procedimento verrebbe trasmesso non ad uno ma a diversi Tribunali coincidenti con i porti dove sono stati sbarcati i migranti soccorsi da queste tre Ong nel periodo compreso tra il 2016 e il 2017.

    https://livesicilia.it/pantelleria-arrivati-piu-di-150-migranti-nelle-ultime-24-ore
    #île #Italie #routes_migratoires #asile #migrations #réfugiés #Méditerranée #île_de_Pantelleria

  • L’évaporation du #trafic automobile
    http://carfree.fr/index.php/2023/06/28/levaporation-du-trafic-automobile

    C’est arrivé à certains d’entre nous. Vous vouliez créer une rue sans voiture, mais on vous a opposé des prévisions convaincantes d’augmentation du trafic dans les rues avoisinantes. Bien que Lire la suite...

    #Fin_de_l'automobile #Fin_des_autoroutes #allemagne #angleterre #autoroutes #congestion #Europe #histoire #italie #japon #londres #lyon #new-york #routes #Suisse #usa

  • La génération du #trafic automobile
    http://carfree.fr/index.php/2023/06/26/la-generation-du-trafic-automobile

    Réduire le trafic. C’est la raison la plus souvent invoquée pour justifier la construction d’une nouvelle route ou d’un contournement, ou l’ajout d’une voie. C’est un argument qu’il est souvent Lire la suite...

    #Etalement_urbain #Fin_de_l'automobile #Fin_des_autoroutes #angleterre #autoroutes #congestion #france #histoire #londres #lyon #routes #usa

  • Les 7 péchés capitaux de la #France libérale | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/7-peches-capitaux-de-france-liberale/00107264

    « Une France ultralibérale ? La bonne blague ! », titre l’éditorialiste des Echos Dominique Seux, le 28 mars dernier. La raison ? « Un pays qui assume des dépenses publiques équivalentes à 58,1 % du PIB et des ponctions fiscales et sociales aussi considérables reste un pays largement socialisé. » Le tournant #néolibéral de la France ? Un « mythe » pour l’économiste Elie Cohen le 17 mai dernier, qui plus est « ressassé ad nauseam » alors que « l’argument est parfois indigent ».

    Les libéraux usent et abusent régulièrement de l’idée : un haut niveau d’imposition, de #dépenses_publiques, de protection sociale, de redistribution, de déficits budgétaires et de dette publique serait la preuve que la France n’a pas connu d’évolution vers un fonctionnement toujours plus marqué par le libéralisme économique.

    #Libéralisme à tous crins

    C’est pourtant bien ce qui s’est passé depuis une quarantaine d’années. Les libéraux sont focalisés sur les #impôts et les dépenses publiques, en fait sur la remise en cause de la protection sociale qui nourrit les prélèvements obligatoires et les dépenses, parce que c’est leur dernière cible. Tout ce qui faisait par ailleurs l’intervention de l’Etat dans la période d’après-guerre a été progressivement remis en cause. Et la liste est longue.

    Ce sont les sept péchés capitaux du libéralisme économique français : une #finance libéralisée, le #libre-échange, un marché du travail libéralisé, des #privatisations, une contre-révolution fiscale au service des plus riches, une chute des #investissements publics, une domination de la lecture libérale du monde, à l’université et dans les médias. Libéralisation économique, il y a bien eu donc. Et le bilan, négatif, de toutes ces dynamiques, est impressionnant.

    Le cadre général a été porté par des évolutions mondiales vers le libre-échange et la libéralisation financière dans lesquelles la France s’est engouffrée vite et fort. Une fois la main mise dans l’engrenage libéral, le bras y passe, et le reste de l’économie aussi, dans une dynamique difficilement arrêtable.
    La libéralisation financière entraîne la mise en concurrence des régimes fiscaux qui obligent à baisser les impôts sur les acteurs les plus mobiles, les riches et les grandes entreprises.

    Ces dernières profitent de la liberté de circulation des marchandises pour s’implanter à l’étranger et de celle des capitaux pour mobiliser des actionnaires étrangers qui poussent à donner plus de place aux dividendes qu’à l’investissement.

    Recul de l’#Etat

    Des défaillances de marché, qui justifiaient l’intervention de l’Etat, on passe aux défaillances de l’Etat qui justifient de donner toute la place au marché. Il faut alors réduire l’intervention publique directe dans l’économie.

    L’investissement public chute : depuis les années 1990, il a été divisé par six, il représente aujourd’hui moins d’un quart de point de PIB.

    Concrètement, au nom de la baisse des dépenses publiques et des recettes fiscales des collectivités locales, les #écoles, les #routes, les #universités, etc., ne reçoivent plus les moyens nécessaires à leur développement.

    L’enseignement supérieur français craque de partout et ouvre la voie à un school business privé qui ne profite qu’à ceux qui en ont les moyens. Sans oublier les conditions de travail précarisées d’une partie des enseignants et des personnels administratifs.

    L’Etat intervenait également directement dans l’économie par l’intermédiaire des entreprises publiques. Droite et gauche confondues ont mené un long et important processus de #privatisations aux lourdes conséquences.

    Les entreprises rendues au privé se sont engagées dans une course au rendement qui a eu plusieurs conséquences néfastes : moindre effort de recherche que dans les autres pays, internationalisation plus poussée qu’ailleurs, désintérêt pour le développement des sites de production sur le territoire, priorité donnée aux actionnaires sur l’investissement, course à la baisse des prélèvements et à la hausse des subventions, à la #précarisation des contrats de travail. On a là la combinaison fatale de la #désindustrialisation française.

    Quant aux privatisations, ou au recul de l’Etat, dans les entreprises concernées par les services publics, le résultat n’a pas été meilleur. Des prestations plus chères, de moins bonne qualité, avec des conditions de travail dégradées pour les personnels.

    Tout cela est porté par un climat intellectuel dans lequel think tanks, économistes et éditorialistes libéraux occupent une place de plus en plus sans partage.

    Certes, même avec tout cela, la France n’est pas devenue un enfer ultralibéral. L’Etat social fait de la résistance en dépit de toutes ces attaques, et heureusement !

    Les temps semblent même commencer à changer : on reparle politique industrielle, taxation des riches, juste effort fiscal des multinationales, souveraineté économique, protectionnisme, etc. Il est temps : la France libérale est dans l’impasse.

  • Highway to hell
    http://carfree.fr/index.php/2023/06/23/highway-to-hell

    En pleine lutte supposée contre le réchauffement, les chantiers (auto)routiers continuent d’être légion. Tout – les considérations environnementales, mais aussi logistiques – pointe vers l’irrationnalité de tels projets. Comment expliquer Lire la suite...

    #Fin_de_l'automobile #Fin_des_autoroutes #autoroutes #castres #france #routes #Suisse #toulouse

  • Calabria, la seconda porta per l’Italia

    La rotta migratoria che dalla Turchia porta alle coste calabresi è in continuo aumento, anche prima della strage di Steccato di Cutro. Cronache dal futuro hotspot di Roccella Jonica

    Il naufragio avvenuto la notte fra sabato 25 e domenica 26 febbraio a 200 metri dalla spiaggia di Steccato di Cutro, in provincia di Crotone, ha messo sotto i riflettori una rotta migratoria finora praticamente ignorata dall’opinione pubblica. Eppure la Calabria è il secondo approdo in Italia, dopo l’isola di Lampedusa. Dalla Turchia alla Calabria, la traversata dura dai cinque ai sette giorni di navigazione, il doppio di quella che dal Nord Africa porta alla Sicilia. Il tratto in mare è solo l’ultima estenuante parte di un viaggio che per migliaia di persone è iniziato mesi prima.

    Sulle spiagge calabresi sono arrivati migranti dalla Siria, dall’Afghanistan, dall’Iran, dal Pakistan e dall’Armenia: persone il più delle volte in fuga da una parte di pianeta in guerra da decenni. Sono anche arrivati cittadini ucraini, turchi, russi, egiziani, migranti a loro volta spesso coinvolti dai trafficanti nel trasporto degli altri profughi dalle coste meridionali della Turchia, trampolino di un continuo flusso di esseri umani a questa seconda porta d’ingresso in Italia.

    L’inchiesta in breve

    - Per i migranti, la Calabria è la seconda porta d’accesso all’Italia. Nel 2022 gli arrivi sono stati più di 18mila, contro i 10mila del 2021. Anche prima della strage di Steccato di Cutro, la rotta dalla Turchia alla Calabria destava preoccupazioni: è molto più lunga e meno sorvegliata del triangolo tra Libia, Tunisia e Sicilia.
    - Il Governo Meloni ha dichiarato guerra agli “scafisti” ma in realtà già oggi tanti timonieri delle barche finiscono in carcere. Solo nel 2022 sono stati 61, secondo i dati del Tribunale di Locri. Su 29 procedimenti penali per traffico di esseri umani, il 65% è già a sentenza.
    - Ma gli scafisti non sono i trafficanti, per quanto il governo mescoli le responsabilità. E ci sarà mercato finché esisterà la domanda di oltrepassare i confini senza documenti. La rotta dalla Turchia alla Calabria, infatti, ha incrementato le partenze dopo che si sono ridotte le partenze verso la Grecia.
    – L’avamposto dell’accoglienza calabrese è Roccella Jonica, principale destinazione di chi sbarca in Calabria. L’arrivo di persone in stato di necessità è continuo, ma la struttura di prima accoglienza non è adeguata ai numeri.

    Secondo i dati elaborati da Pagella Politica (https://pagellapolitica.it/articoli/dove-sbarcano-migranti-italia), nel 2022 in Calabria ci sono stati in tutto 18.092 sbarchi (tra autonomi, ovvero senza che le imbarcazioni di migranti siano state intercettate da altre navi, attraverso l’intervento della Guardia costiera o con l’aiuto delle ong), mentre in Sicilia, l’ingresso principale all’Europa, sono stati 78.586. Il tasso di crescita in Calabria è molto significativo, visto che nel 2021 gli approdi sono stati pochi più di 10 mila.

    Dal primo sbarco nella Locride alla fine degli anni ‘90 a oggi, quasi niente in questo viaggio è cambiato. Medesima la rotta che collega le province sud orientali della Turchia a quelle della Calabria ionica così come identiche, ed estenuanti, continuano ad essere le modalità di questa traversata. Anche la zona di sbarco individuata dai trafficanti resta incatenata ai soliti posti: pochi chilometri di costa compresi tra Cirò e Le Castella e tra Monasterace e Palizzi, estremo pezzo meridionale delle province di Crotone e Reggio Calabria. Si tratta di un fenomeno radicato nel tempo, ma ogni anno affrontato dalle istituzioni alla stregua di una nuova emergenza in termini di sicurezza.

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    All’inizio fu #Riace

    Il primo luglio del 1998, un tecnico di laboratorio percorre in auto la strada che di solito dalla scuola in cui lavora lo riporta a casa. Solo all’apparenza si avvia un pomeriggio qualunque di un giorno qualsiasi della sua vita. A un certo punto della strada però vede qualcosa di inconsueto. Sulla spiaggia vicina a quella che 25 anni prima aveva restituito i famosi Bronzi, è approdato dalle coste turche un barcone carico di profughi curdi. Questo è l’inizio di una storia che conoscono tutti: quella di Mimmo Lucano e dell’accoglienza di Riace. Il borgo è uno dei tanti “paesi sdoppiati” della Ionica in cui il centro storico va verso lo spopolamento, mentre la vita si riorganizza a valle, lungo la costa. Le case vuote per ospitare i migranti non mancano. Lucano inizia poi a studiare alcune pratiche di accoglienza attuate in un altro Comune “sdoppiato”, Badolato. Da questo incontro nasce un percorso politico che lo porta a diventare sindaco nel 2004.

    Per Riace, ottiene fondi regionali per la ristrutturazione delle case dismesse nel borgo e fornisce accoglienza e ospitalità ai rifugiati e ai richiedenti asilo che lavorano nel Comune attraverso laboratori artigiani e, nell’attesa dell’erogazione dei fondi, spendono per le proprie necessità una moneta locale creata ad hoc. Rieletto per un secondo mandato nel 2009, Lucano diventa sempre più conosciuto fino a quando, nel 2016, la rivista americana Fortune lo inserisce al quarantesimo posto fra i 50 leader più influenti al mondo. Nell’ottobre del 2017, però, la Procura di Locri lo iscrive nel registro degli indagati per truffa, abuso d’ufficio e peculato proprio nell’ambito della gestione del sistema d’accoglienza di Riace. Sostenuto da manifestazioni di solidarietà in tutta Italia, Lucano sarà comunque messo agli arresti domiciliari, sospeso dal ruolo di sindaco e subirà anche il divieto di dimora a Riace. Il 30 settembre 2021 il Tribunale di Locri lo condanna a 13 anni e 4 mesi di reclusione, praticamente raddoppiando le richieste del pubblico ministero e nel 2022 si apre il processo d’Appello a Reggio Calabria, con la procura generale che il 26 ottobre chiede 10 anni e 3 mesi per Lucano.

    Qualunque sarà il suo verdetto finale, questo è comunque un processo giudiziario che porta con sé effetti incontrovertibili. Oggi a Riace arrivano alla spicciolata richiedenti asilo e rifugiati per i quali è scaduto il tempo di permanenza nelle strutture “ufficiali”. Cercano diritti basilari, soprattutto quello all’assistenza sanitaria. Per loro la destinazione è l’ambulatorio Jimuel, fondato nel 2017 dal medico anestesista Isidoro Napoli, per tutti Sisi. Insieme a lui una ventina di medici volontari, fra cui una cardiologa, due ginecologhe, un pediatra, un ecografista e diversi radiologi, presta la propria opera gratuita a chiunque ne abbia bisogno.

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    L’emergenza è in mare

    Le barche che ingrossano la rotta turca sono nella maggioranza dei casi velieri monoalbero in vetroresina, rubati nei porti dell’Anatolia e poi guidati a motore. In condizioni ottimali potrebbero trasportare in sicurezza al massimo una ventina di persone e possono essere guidati per piccoli tragitti turistici anche senza disporre di una grossa esperienza nautica. Viaggiano invece per notti e giorni senza sosta, in media con dieci volte il carico di persone consentito, e non solo non possono contare su sufficienti presidi di salvataggio, ma spesso i migranti non sanno nemmeno nuotare.

    L’emergenza c’è insomma, ma è in mare, ed è di natura umanitaria. È difficile stabilire quanti eventi di naufragio siano avvenuti nei decenni di navigazione al largo delle coste italiane, anche perché sullo specchio d’acqua che fa da scenario a questo evento mancano le ong, a differenza della rotta dalla Libia alla Sicilia. La prima strage di cui si ha conoscenza risale al 2007, quando annegarono in sette a largo di Roccella Jonica, ma tragedie meno eclatanti per il numero di persone coinvolte sono purtroppo frequenti.

    Mohamed Nasim è afghano ed è approdato vicino Crotone a metà giugno, in una giornata di mare calmo. Era fra i pochi a parlare inglese, perciò alla mediatrice culturale e al personale della Guardia di finanza che l’hanno interrogato e verbalizzato ha ricostruito al dettaglio le tappe del suo viaggio. Racconta di essere partito dal suo Paese per l’Iran, dove è rimasto tre mesi, per poi raggiungere Istanbul, dove è rimasto circa nove mesi. Per organizzare il viaggio ha ricevuto i contatti necessari da altri connazionali già arrivati in Europa. Ha avuto un numero di telefono che ha contattato, poi ha versato circa 10 mila euro da un conto corrente iraniano a un altro. Racconta che tramite sua madre i soldi sono stati spostati sul conto corrente di un “garante terzo” in Turchia, il quale liquiderà i trafficanti solo dopo il suo arrivo in Italia, elemento che differisce da quanto accade lungo la rotta del Mediterraneo Centrale. Alla domanda sul come siano stati avvertiti del suo arrivo risponde: «Loro lo sanno».

    Racconta di essere partito da Bodrum, l’antica Alicarnasso. Nell’antichità era sede della tomba di Mausolo, una delle sette meraviglie del mondo, oggi è un porto turistico frequentato dalla borghesia turca. Dell’organizzazione ricorda «un uomo grande e grosso» che ha requisito i cellulari e distrutto le Sim card, minacciando che altrimenti sarebbero stati scoperti dalle polizie europee. Prima di andarsene, ha ordinato a tutti di restare sottocoperta e di muoversi il meno possibile per evitare di ribaltarsi. Le stanze erano tre, ognuna delle quali con venti persone. Per i primi tre giorni, i migranti non hanno potuto mangiare. Qualunque imbarcazione in quelle condizioni, è da considerare a rischio naufragio. A dirlo è la logica prima che i regolamenti internazionali. Ed è la regola, lungo la rotta dalla Turchia alla Calabria.
    Scafisti VS trafficanti

    Dalla politica da anni viene riproposta una soluzione che finora non ha risolto nulla: la caccia allo scafista. La parola indica chi guida le imbarcazioni, ritenuti parte dell’organizzazione criminale anche quando si tratta di un migrante che ha accettato il compito solo per pagare di meno. Durante il Consiglio dei ministri organizzato a Cutro il 9 marzo, la presidente del Consiglio Giorgia Meloni ha annunciato il decreto legge per «sconfiggere la tratta di esseri umani responsabile di questa tragedia». Per gli scafisti, il decreto introduce il reato di «morte o lesioni come conseguenza di delitti in materia di immigrazione clandestina», con pene dai dieci ai 30 anni. «Il reato – ha aggiunto la presidente del Consiglio in conferenza stampa – verrà perseguito dall’Italia anche se commesso fuori dai confini nazionali».

    Nelle parole della prima ministra non c’è distinzione tra trafficanti, cioè coloro che organizzano le traversate, e scafisti; né tra tratta di persone, reato previsto per chi forza o induce una persona a entrare in Italia illegalmente per sfruttarla, e traffico di esseri umani, che invece riguarda l’organizzazione dell’ingresso in Italia di persone prive di documenti. Per quest’ultima fattispecie, le pene per lo scafista sono già inquadrate dall’articolo 12 del Testo Unico Immigrazione. E già oggi nelle carceri di Locri e di Reggio Calabria sono diversi i detenuti, alcuni già condannati, per questo reato, circostanza che però non ha interrotto le partenze.

    I presunti scafisti sono giovani, quasi tutti sotto i 30 anni. Al 29 di novembre del 2022, al Tribunale di Locri, competente per territorio nella zona con il maggior numero degli approdi di questa rotta, risultano 29 procedimenti penali svolti nel corso dell’anno con l’accusa di traffico di esseri umani. Di questi procedimenti, oltre il 65% è arrivato a sentenza con giudizio immediato, direttissimo o abbreviato e solo il 31% risulta in fase di indagini preliminari.

    Dal 2009, le aggravanti previste per gli scafisti sono severe e di immediata verifica, come il favoreggiamento qualificato che scatta se le persone introdotte illegalmente in Italia grazie alla condotta dell’imputato siano più di cinque persone, e fanno sì che le pene e le multe comminate siano davvero significative: nei casi più estremi si arriva fino a 15 anni di carcere e un milione di euro di sanzione.

    Secondo i dati della Procura le persone fermate o arrestate con questa accusa nella Locride sono in totale 61 nel 2022. La loro provenienza nel 2022 – a causa anche della guerra in Ucraina – è molto cambiata rispetto agli anni scorsi: vengono soprattutto dalla Turchia (34%) e dall’Egitto (21%), mentre in passato la nazionalità più frequente era ucraina. Nonostante i tentativi di coinvolgere le Direzioni distrettuali antimafia allo scopo di allargare le indagini e individuare i vertici delle organizzazioni, finora i risultati sono stati pochi.

    Come è cambiata la migrazione dalla Turchia verso i Paesi europei

    L’incremento delle partenze dalla Turchia si può spiegare per un concatenarsi di diversi fattori, spiega Luigi Achilli, ricercatore che insegna all’istituto universitario europeo (Eui) di Firenze che in questi anni ha lavorato sulla comparazione tra i traffici lungo il confine USA-Messico e lungo le rotte del Mediterraneo. «È come quando tappi una falla e l’acqua sgorga più forte da un’altra parte – spiega -. Negli scorsi anni, soprattutto quelli successivi alle crisi siriane, molti sono rimasti bloccati in Turchia e così ha ripreso vigore soprattutto la rotta del Mediterraneo centrale. Però in Libia le dinamiche sono cambiate e il business della migrazione si è trasformato in un business della detenzione». E la Libia è diventata un nuovo tappo.

    Invece oggi in Turchia i controlli delle autorità di frontiera sono meno severi, soprattutto a seguito del terremoto dello scorso 6 febbraio, che ha provocato la morte di almeno 49 mila persone. Non ci sono grossi gruppi criminali, ma piccole organizzazioni che agiscono con il sostegno almeno di alcune autorità locali.

    Nel 2016, l’Unione europea ha stretto un accordo con la Turchia affinché bloccasse i migranti sul proprio territorio, impedendo loro di prendere il mare. Finora la Grecia è stata nettamente la meta principale. Per ogni richiedente asilo respinto in Turchia dalle isole greche, l’accordo prevede anche che i Paesi europei avrebbero preso un richiedente asilo residente in Turchia. L’accordo ha portato fino al 2020 sei miliardi di euro nelle casse turche, a cui si è aggiunta la promessa di altri tre miliardi nel triennio 2021-2023. Evidentemente in questo momento è sufficiente per sigillare la rotta verso la Grecia, ma non verso l’Italia.

    «Per le organizzazioni criminali – aggiunge Achilli – questo significa puntare sul viaggio che dalle coste sud orientali della Turchia arriva in Italia bypassando la Grecia, trovando qualcuno disposto a guidare le barche».
    La guerra senza quartiere agli scafisti difficilmente sarà un deterrente per le partenze: «I trafficanti esistono e continueranno a esistere finché ci sarà criminalizzazione dell’immigrazione – continua Achilli -. Per la mia esperienza non bisogna guardare a sistemi verticistici e a grosse organizzazioni internazionali, ma a piccoli gruppi locali spesso composti a loro volta da migranti». Per quanto possano girare molti soldi in queste attività, invece che concentrarsi in organizzazioni verticistiche, si perdono in mille rivoli. «Per la criminalità organizzata – conclude – resta più conveniente il viaggio di una barca piena di cocaina invece che di persone povere».

    Il centro nevralgico della prima accoglienza calabrese

    Il centro nevralgico dei soccorsi e della prima accoglienza in Calabria è il Porto turistico delle Grazie di Roccella Jonica, in provincia di Reggio Calabria. Qui i 1.200 migranti arrivati nel 2020 sono diventati più di cinquemila nel 2021. Numeri già superati nei soli primi sei mesi del 2022 e in crescita esponenziale dalla seconda metà di agosto in poi, quando in questa struttura di prima accoglienza hanno cominciato a susseguirsi arrivi con un media registrata, nel periodo di punta fra il 18 agosto e il 22 settembre, di 50 persone ogni 24 ore. Il bilancio finale nel 2022 di Roccella Jonica si è attestato su 86 eventi di sbarco e 6.994 persone accolte. Se si tiene conto dei circa 20 sbarchi autonomi registrati, per la Questura si tratta di circa novemila persone arrivate in un anno in un paese che conta soli seimila abitanti.

    L’attività di questo centro è stata avviata dalla prefettura di Reggio Calabria il 25 ottobre del 2021 e si avvale della presenza di diversi enti, istituzioni, organizzazioni e realtà associative. Innanzitutto, la Croce Rossa Italiana con il Comitato Riviera dei Gelsomini, che ha allestito una tensostruttura che può ospitare circa 150 persone e che impiega giornalmente dodici fra operatori e volontari. Si occupano della distribuzione di generi di prima necessità e di conforto al momento dell’arrivo al porto delle persone migranti, alla distribuzione dei kit igiene e vestiario forniti dalla Prefettura e a tutte le attività di supporto per gli accolti fino al loro successivo trasferimento in altre strutture.

    Tutti i giorni è presente anche il personale di Medici Senza Frontiere, ong che opera un’equipe composta da un medico, un infermiere e due mediatori culturali. È anche presente personale dell’Alto commissariato Onu per i rifugiati (UNHCR) e sono operative anche due unità Save The Children con compiti di supporto psicosociale, di informativa legale e ascolto. Sono presenti anche due professionisti dell’Agenzia dell’Unione europea per l’asilo (EUAA, la vecchia EASO, ndr) con il compito di supporto nell’attività di informativa sull’asilo. Per quanto riguarda la sicurezza, le forze dell’ordine assicurano un presidio interforze h24 con tre equipaggi e, infine, con un team di undici unità, c’è anche Frontex, l’agenzia europea per il pattugliamento dei confini, a cui spetta il compito di intervistare i migranti, scambiare informazioni con le forze di polizia ed essere di supporto alla Polizia scientifica. Sono loro, con le difficoltà dettate dalla delicatezza dell’intervento e dalla scarsità di risorse a disposizione, a presidiare questa scalcinata porta d’Europa.

    La giornata tipo al Porto delle Grazie inizia molto presto. Il primo approdo annunciato conta una cinquantina di persone da accogliere. Pochi uomini, di più le donne e tanti bambini, alcuni davvero piccolissimi. Una motovedetta della Guardia di finanza li ha intercettati a bordo di un’imbarcazione alla deriva subito dopo il sorgere del sole, a largo di Riace e appena dentro il limite delle acque territoriali. Li scorta in modo lento e vigile lungo la linea della costa, davanti a turisti e bagnanti che hanno imparato a considerare la scena come parte del paesaggio. Intanto al porto si mette in moto il meccanismo per l’accoglienza che, anche se ormai rodato, comporta sempre qualche nervosismo.

    Le forze dell’ordine pattugliano entrambi i lati dello spazio adibito alla prima accoglienza. Lo spazio è off-limits per i giornalisti, ma sulle sue criticità si esprime chiara una relazione ispettiva del Siulp (Sindacato italiano unitario lavoratori polizia) di Reggio Calabria datata 5 luglio 2022. Un documento che parla di clima «assolutamente invivibile durante il periodo estivo, tanto da costringere i migranti a trascorrere la notte all’esterno», in una piccola pineta «attigua alle ridicole mura perimetrali, assolutamente inefficaci ed inefficienti, che favoriscono l’allontanamento arbitrario degli ospiti».

    Il rapporto, corredato di foto, mette in fila le numerose falle rilevate dal sindacato di polizia all’interno della tensostruttura e racconta anche di un tentativo di fuga di massa esacerbato dalle condizioni di invivibilità. «Esasperazione determinata da attese snervanti, da caldo asfissiante e dai ritardi alle operazioni di identificazione a loro volta alimentate dalla farraginosa difficoltà di reperire mediatori culturali. Mediatori che vedono un contratto rinnovato, ma non perfezionato dalla Corte dei conti con parallelo devastante effetto nelle realtà periferiche: costringere i locali utilizzatori di quel servizio – ufficio immigrazioni – a reperire volta per volta, in occasione di sbarchi, interpreti di varie lingue e dialetti e richiedere le necessarie autorizzazioni preventive in Prefettura per “contratti occasionali” di lavoro».

    Secondo il Siulp di Reggio Calabria, impattanti sulla normale regolarità del servizio sono anche i miasmi causati dal mancato adeguamento fognario: vengono anche segnalate e puntualmente fotografate buche scavate con le mani per tentativi di fuga favorite dalla scarsa illuminazione, tutto in una forbice tra personale operante e ospiti migranti che si presenta troppo larga, con gli operatori della Polizia di stato e dei Carabinieri (uno ogni circa 15 ospiti, secondo il rapporto) «sottoposti a condizioni di lavoro disumane e indegne, con i colleghi costretti ad una esposizione continua al sole anche per più di 12 ore al giorno».

    Negli ultimi mesi si accoda la serie di operazioni ispettive intraprese dall’Associazione per gli studi giuridici sull’immigrazione (Asgi). Il lavoro di monitoraggio della struttura ha fatto emergere che come a Lampedusa «si è in procinto di realizzare a Roccella Jonica un punto di crisi sul modello “hotspot”, per il quale sarebbero in corso di esecuzione le attività necessarie» e «una gestione che risponde come di consueto ad una logica emergenziale, informale e scarsamente strutturata, tanto da un punto di vista materiale quanto procedurale, che implica, naturalmente, la contrazione dei diritti delle persone ospitate all’interno della struttura».

    Il clima di tensioni e stress è palpabile già al mattino del nostro arrivo, quando gli operatori chiamati a fare le pulizie dopo la notte – a garantire cioè che le panche e le brande occupate dai migranti arrivati la notte prima siano pronte per quelli che stanno arrivando – sollecitano ad alta voce l’aiuto dei mediatori culturali e degli agenti: è un’operazione che va fatta presto e bene, e non può permettersi resistenze. Dopo un po’ di discussioni si procede con i primi aiuti umanitari, le interviste e le foto, si prosegue con i tamponi e le visite mediche. Si impartiscono e ricevono ordini, file di persone esauste si spostano caracollando. Il caldo è davvero asfissiante, e solo la pineta attigua alla struttura riesce a dare qualche cono d’ombra di riparo, che in poco si riempie di colori e di voci.

    Poco dopo le due del pomeriggio, approda un’altra imbarcazione: il termometro segna 38 gradi, l’umidità percepita è sfiancante. Il gruppo di nuovi arrivati, stipato su un piccolo veliero con bandiera statunitense, viene scortato fino alla banchina Sud, proprio davanti al tendone allestito dalla Croce Rossa. Qualche ora più tardi, la Guardia costiera scorta un nuovo veliero, poco più che un rottame, intercettato a oltre 70 miglia al largo della costa. Sono passate da poco le 18:00, non c’è stato nemmeno il tempo di ripulire il piazzale dalle coperte termiche e dai beni di prima necessità utilizzati per il gruppo precedente. Questa volta arrivano in 76, in prevalenza siriani, partiti dalla spiaggia di Abdeh, in Libano, un porto anomalo rispetto alla rotta consuetudinaria. Tra loro ci sono una ventina di bambini, tre hanno meno di un anno.

    Il sole tramonta ma gli sbarchi non si fermano. Una motovedetta della Guardia di finanza sta trainando l’ennesimo piccolo veliero. Quando i due natanti rientrano, è da poco passata l’una del mattino. Il monoalbero viene svuotato dei suoi passeggeri poco alla volta, lentamente. Le luci sono fioche e riflettono i propri raggi dal mare nero. All’interno e all’esterno dell’imbarcazione i viaggiatori appaiono immobili, stipati letteralmente come tonni. Questa volta sono in 85: tanti adolescenti non accompagnati e diversi anziani che hanno fatto l’ultima parte del viaggio in coperta, viste le temperature più rigide della notte. I più piccoli vengono fuori dalla pancia della barca per ultimi, stretti al collo dei soccorritori, alle 2:30 del mattino.

    Fino a notte tarda il piazzale del porto è ancora in piena attività: qui davvero non ci si riposa mai. La segnalazione dell’ennesimo barchino è arrivata dai mezzi aerei che monitorano questa porzione di Mediterraneo. Ad uscire questa volta sarà una pattuglia della Capitaneria. Manca qualche minuto alle tre del mattino, una nuova giornata di questa storia infinita sta per cominciare.

    https://www.youtube.com/watch?v=-Z1vpHa5W3I&embeds_euri=https%3A%2F%2Firpimedia.irpi.eu%2F&feature=


    https://irpimedia.irpi.eu/mediterraneocentrale-calabria-seconda-porta-per-italia-rocella-jonica
    #Calabre #Méditerranée #routes_migratoires #Italie #Turquie #Roccella_Jonica #migrations #asile #réfugiés #Riace #hotspot #statistiques #chiffres #Steccato_di_Cutro

    voir aussi:
    https://seenthis.net/messages/995483

    • Dove sbarcano di più i migranti in Italia

      Nel 2022 circa il 75 per cento è arrivato in Sicilia, poi seguono la Calabria e la Puglia

      Nella serata di martedì 24 gennaio il governo ha indicato alla nave Ong Geo Barents, con a bordo 69 migranti soccorsi al largo della Libia, di dirigersi verso la città di La Spezia, in Liguria. Nelle scorse settimane altre navi Ong avevano dovuto far sbarcare le persone salvate nel Mar Mediterraneo in porti del Nord e Centro Italia, come Ancona, nelle Marche, e Ravenna, in Emilia-Romagna.

      Secondo il governo, che nelle scorse settimane ha approvato anche un nuovo codice di condotta per le Ong, questa strategia è giustificata dall’elevato numero di sbarchi nelle regioni meridionali. Secondo i critici, invece, il governo vuole rendere più complicate le operazioni di salvataggio delle Ong, con giorni aggiuntivi di navigazione prima di arrivare in un porto, a fronte di numeri ridotti rispetto a quelli degli sbarchi totali.

      Numeri alla mano, vediamo negli scorsi anni dove sono sbarcati di più i migranti in Italia, che poi vengono ripartiti nei centri di accoglienza sul territorio nazionale.

      Secondo i dati dell’Alto commissariato delle Nazioni Unite per i rifugiati (Unhcr) e dell’Istituto per gli studi di politica internazionale (Ispi), nel 2022 in Italia sono sbarcati circa 105 mila migranti, di cui oltre 10 mila a bordo di navi Ong, un numero pari a circa il 10 per cento. Il restante 90 per cento dei migranti sbarcati è stato soccorso dalle navi della Guardia costiera oppure ha raggiunto autonomamente le coste italiane.

      Secondo le elaborazioni dei dati fatte da Vittorio Nicoletta, dottorando in decision systems all’Université Laval del Québec (Canada), nel 2022 quasi il 75 per cento dei migranti è sbarcato in Sicilia. Al secondo posto troviamo la Calabria, con il 17 per cento circa degli sbarchi, seguita dalla Puglia, con meno del 5 per cento.

      Nel 2021, quando gli sbarchi erano stati meno di 70 mila, la percentuale di migranti arrivati con le navi Ong era stata intorno all’11 per cento. La regione con più sbarchi era stata la Sicilia, seguita da Calabria e Puglia. La stessa classifica delle regioni vale per il 2020, mentre nel 2019 la Puglia era al secondo posto, tra Sicilia e Calabria. Nel complesso, tra il 2019 e il 2022, oltre 160 mila migranti sono sbarcati sulle coste siciliane.

      https://pagellapolitica.it/articoli/dove-sbarcano-migranti-italia
      #arrivées

  • Pour un moratoire sur les projets routiers destructeurs
    http://carfree.fr/index.php/2022/10/10/pour-un-moratoire-sur-les-projets-routiers-destructeurs

    En janvier 2022, plusieurs collectifs en lutte se sont rassemblés pour créer une coalition interlutte contre les projets routiers destructeurs. Nous avons publié en mai un appel à coalition des Lire la suite...

    #Etalement_urbain #Fin_de_l'automobile #Fin_des_autoroutes #Pétitions #autoroutes #routes

  • Le système alimentaire mondial menace de s’effondrer

    Aux mains de quelques #multinationales et très liée au secteur financier, l’#industrie_agroalimentaire fonctionne en #flux_tendu. Ce qui rend la #production mondiale très vulnérable aux #chocs politiques et climatiques, met en garde l’éditorialiste britannique George Monbiot.

    Depuis quelques années, les scientifiques s’évertuent à alerter les gouvernements, qui font la sourde oreille : le #système_alimentaire_mondial ressemble de plus en plus au système financier mondial à l’approche de 2008.

    Si l’#effondrement de la finance aurait été catastrophique pour le bien-être humain, les conséquences d’un effondrement du #système_alimentaire sont inimaginables. Or les signes inquiétants se multiplient rapidement. La flambée actuelle des #prix des #aliments a tout l’air du dernier indice en date de l’#instabilité_systémique.

    Une alimentation hors de #prix

    Nombreux sont ceux qui supposent que cette crise est la conséquence de la #pandémie, associée à l’#invasion de l’Ukraine. Ces deux facteurs sont cruciaux, mais ils aggravent un problème sous-jacent. Pendant des années, la #faim dans le monde a semblé en voie de disparition. Le nombre de personnes sous-alimentées a chuté de 811 millions en 2005 à 607 millions en 2014. Mais la tendance s’est inversée à partir de 2015, et depuis [selon l’ONU] la faim progresse : elle concernait 650 millions de personnes en 2019 et elle a de nouveau touché 811 millions de personnes en 2020. L’année 2022 s’annonce pire encore.

    Préparez-vous maintenant à une nouvelle bien plus terrible : ce phénomène s’inscrit dans une période de grande #abondance. La #production_alimentaire mondiale est en hausse régulière depuis plus de cinquante ans, à un rythme nettement plus soutenu que la #croissance_démographique. En 2021, la #récolte mondiale de #blé a battu des records. Contre toute attente, plus d’humains ont souffert de #sous-alimentation à mesure que les prix alimentaires mondiaux ont commencé à baisser. En 2014, quand le nombre de #mal_nourris était à son niveau le plus bas, l’indice des #prix_alimentaires [de la FAO] était à 115 points ; il est tombé à 93 en 2015 et il est resté en deçà de 100 jusqu’en 2021.

    Cet indice n’a connu un pic que ces deux dernières années. La flambée des prix alimentaires est maintenant l’un des principaux facteurs de l’#inflation, qui a atteint 9 % au Royaume-Uni en avril 2022 [5,4 % en France pour l’indice harmonisé]. L’alimentation devient hors de prix pour beaucoup d’habitants dans les pays riches ; l’impact dans les pays pauvres est beaucoup plus grave.

    L’#interdépendance rend le système fragile

    Alors, que se passe-t-il ? À l’échelle mondiale, l’alimentation, tout comme la finance, est un système complexe qui évolue spontanément en fonction de milliards d’interactions. Les systèmes complexes ont des fonctionnements contre-intuitifs. Ils tiennent bon dans certains contextes grâce à des caractéristiques d’auto-organisation qui les stabilisent. Mais à mesure que les pressions s’accentuent, ces mêmes caractéristiques infligent des chocs qui se propagent dans tout le réseau. Au bout d’un moment, une perturbation même modeste peut faire basculer l’ensemble au-delà du point de non-retour, provoquant un effondrement brutal et irrésistible.

    Les scientifiques représentent les #systèmes_complexes sous la forme d’un maillage de noeuds et de liens. Les noeuds ressemblent à ceux des filets de pêche ; les liens sont les fils qui les connectent les uns aux autres. Dans le système alimentaire, les noeuds sont les entreprises qui vendent et achètent des céréales, des semences, des produits chimiques agricoles, mais aussi les grands exportateurs et importateurs, et les ports par lesquels les aliments transitent. Les liens sont leurs relations commerciales et institutionnelles.

    Si certains noeuds deviennent prépondérants, fonctionnent tous pareil et sont étroitement liés, alors il est probable que le système soit fragile. À l’approche de la crise de 2008, les grandes banques concevaient les mêmes stratégies et géraient le risque de la même manière, car elles courraient après les mêmes sources de profit. Elles sont devenues extrêmement interdépendantes et les gendarmes financiers comprenaient mal ces liens. Quand [la banque d’affaires] Lehman Brothers a déposé le bilan, elle a failli entraîner tout le monde dans sa chute.

    Quatre groupes contrôlent 90 % du commerce céréalier

    Voici ce qui donne des sueurs froides aux analystes du système alimentaire mondial. Ces dernières années, tout comme dans la finance au début des années 2000, les principaux noeuds du système alimentaire ont gonflé, leurs liens se sont resserrés, les stratégies commerciales ont convergé et se sont synchronisées, et les facteurs susceptibles d’empêcher un #effondrement_systémique (la #redondance, la #modularité, les #disjoncteurs, les #systèmes_auxiliaires) ont été éliminés, ce qui expose le système à des #chocs pouvant entraîner une contagion mondiale.

    Selon une estimation, quatre grands groupes seulement contrôlent 90 % du #commerce_céréalier mondial [#Archer_Daniels_Midland (#ADM), #Bunge, #Cargill et #Louis_Dreyfus]. Ces mêmes entreprises investissent dans les secteurs des #semences, des #produits_chimiques, de la #transformation, du #conditionnement, de la #distribution et de la #vente au détail. Les pays se divisent maintenant en deux catégories : les #super-importateurs et les #super-exportateurs. L’essentiel de ce #commerce_international transite par des goulets d’étranglement vulnérables, comme les détroits turcs (aujourd’hui bloqués par l’invasion russe de l’Ukraine), les canaux de Suez et de Panama, et les détroits d’Ormuz, de Bab El-Mandeb et de Malacca.

    L’une des transitions culturelles les plus rapides dans l’histoire de l’humanité est la convergence vers un #régime_alimentaire standard mondial. Au niveau local, notre alimentation s’est diversifiée mais on peut faire un constat inverse au niveau mondial. Quatre plantes seulement - le #blé, le #riz, le #maïs et le #soja - correspondent à près de 60 % des calories cultivées sur les exploitations. La production est aujourd’hui extrêmement concentrée dans quelques pays, notamment la #Russie et l’#Ukraine. Ce #régime_alimentaire_standard_mondial est cultivé par la #ferme_mondiale_standard, avec les mêmes #semences, #engrais et #machines fournis par le même petit groupe d’entreprises, l’ensemble étant vulnérable aux mêmes chocs environnementaux.

    Des bouleversements environnementaux et politiques

    L’industrie agroalimentaire est étroitement associée au #secteur_financier, ce qui la rend d’autant plus sensible aux échecs en cascade. Partout dans le monde, les #barrières_commerciales ont été levées, les #routes et #ports modernisés, ce qui a optimisé l’ensemble du réseau mondial. On pourrait croire que ce système fluide améliore la #sécurité_alimentaire, mais il a permis aux entreprises d’éliminer des coûts liés aux #entrepôts et #stocks, et de passer à une logique de flux. Dans l’ensemble, cette stratégie du flux tendu fonctionne, mais si les livraisons sont interrompues ou s’il y a un pic soudain de la demande, les rayons peuvent se vider brusquement.

    Aujourd’hui, le système alimentaire mondial doit survive non seulement à ses fragilités inhérentes, mais aussi aux bouleversements environnementaux et politiques susceptibles de s’influencer les uns les autres. Prenons un exemple récent. À la mi-avril, le gouvernement indien a laissé entendre que son pays pourrait compenser la baisse des exportations alimentaires mondiales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. Un mois plus tard, il interdisait les exportations de blé, car les récoltes avaient énormément souffert d’une #canicule dévastatrice.

    Nous devons de toute urgence diversifier la production alimentaire mondiale, sur le plan géographique mais aussi en matière de cultures et de #techniques_agricoles. Nous devons briser l’#emprise des #multinationales et des spéculateurs. Nous devons prévoir des plans B et produire notre #nourriture autrement. Nous devons donner de la marge à un système menacé par sa propre #efficacité.

    Si tant d’êtres humains ne mangent pas à leur faim dans une période d’abondance inédite, les conséquences de récoltes catastrophiques que pourrait entraîner l’effondrement environnemental dépassent l’entendement. C’est le système qu’il faut changer.

    https://www.courrierinternational.com/article/crise-le-systeme-alimentaire-mondial-menace-de-s-effondrer

    #alimentation #vulnérabilité #fragilité #diversification #globalisation #mondialisation #spéculation

  • Au #col_du_Portillon, entre la #France et l’#Espagne, la #frontière de l’absurde

    L’ordre est tombé d’en haut. Fin 2020, Emmanuel Macron annonce la fermeture d’une quinzaine de points de passage entre la France et l’Espagne. Du jour au lendemain, le quotidien des habitants des #Pyrénées est bouleversé.

    C’est une histoire minuscule. Un #col_routier fermé aux confins des Pyrénées françaises des mois durant sans que personne n’y comprenne rien. Ni les Français ni les Espagnols des villages alentour, pas même les élus et les forces de l’ordre chargés de faire respecter cette fermeture. L’histoire de cette « mauvaise décision », qui a compliqué la vie de milliers de personnes pendant treize mois, débute à l’automne 2020.

    Les journaux gardent en mémoire la visite d’Emmanuel Macron au Perthus, le poste-frontière des Pyrénées-Orientales, département devenu depuis quelques années la voie privilégiée des migrants venus du Maroc, d’Algérie et d’Afrique subsaharienne. Sous un grand soleil, inhabituel un 5 novembre, le président de la République, un masque noir sur le visage, avait alors annoncé une fermeture temporaire des frontières françaises d’une ampleur jamais connue depuis la création de l’espace Schengen, en 1985 : une quinzaine de points de passage, situés tout le long des 650 kilomètres de frontière entre la France et l’Espagne, seraient désormais barrés.

    L’objectif officiel, selon les autorités, étant « d’intensifier très fortement les contrôles aux frontières » pour « lutter contre la menace terroriste, la lutte contre les trafics et la contrebande (drogue, cigarettes, alcools…) mais aussi contre l’immigration clandestine ». Aux préfets concernés de s’organiser. Ils ont eu deux mois.

    Une mesure « ubuesque »

    6 janvier 2021. Loin du Perthus, à quelque 300 kilomètres de là, il est 20 heures lorsque les premières automobiles sont refoulées au col du Portillon, l’un des points de passage concernés par cette mesure. Ce jour-là, il n’y a pourtant pas plus de neige que d’habitude. La frontière est fermée jusqu’à nouvel ordre, annoncent les gendarmes. Lutte contre le terrorisme. Les refoulés sont dubitatifs. Et inquiets. La dernière fois qu’on les a rembarrés comme ça, c’était au lendemain de l’attaque de Charlie Hebdo, quand, comme partout, les contrôles aux frontières avaient été renforcés. Ça aurait recommencé ? A la radio et à la télévision, on ne parle pourtant que de l’assaut du Capitole, à Washington, par des centaines de trumpistes survoltés, pas d’une attaque en France.

    « Ça n’a l’air de rien, mais, deux fois cinquante minutes au lieu de deux fois quinze minutes, ça vous change une journée. » Michel, retraité

    Comme il n’existe pas trente-six manières de matérialiser une frontière, Etienne Guyot, le préfet de la région Occitanie et de la Haute-Garonne, a fait installer de gros plots en béton armé et autant d’agents de la police aux frontières (PAF) en travers de cette route qui permet de relier Bagnères-de-Luchon à la ville espagnole de Bossòst, située dans le val d’Aran. Au bout de quelques jours, parce que les plots étaient trop espacés, les agents ont fait ajouter des tas de gravier et de terre pour éviter le passage des motos et des vélos. Mais les deux-roues ont aimé gravir les petits cailloux. De gros rochers sont donc venus compléter l’installation.

    Ce chantier à 1 280 mètres d’altitude, au milieu d’une route perdue des Pyrénées, n’a pas intéressé grand monde. Quelques entrefilets dans la presse locale – et encore, relégués dans les dernières pages – pour un non-événement dans un endroit qui ne dit rien à personne, sauf aux mordus du Tour de France (magnifique victoire de Raymond Poulidor au Portillon en 1964) et aux habitants du coin.

    Cette décision – l’une de celles qui se traduisent dans les enquêtes d’opinion par une défiance vis-à-vis des dirigeants – a été vécue comme « ubuesque », « injuste », « imposée par des Parisiens qui ne connaissent pas le terrain ». Elle a achevé d’excéder une région déjà énervée par un confinement jugé excessif en milieu rural et, avant cela, par une taxe carbone mal vécue dans un territoire où la voiture est indispensable.

    « Le carburant ça finit par chiffrer »

    Si la fermeture du col n’a engendré aucune conséquence tragique, elle a sérieusement entamé des activités sociales et économiques déjà fragilisées après le Covid-19. Prenez Michel, retraité paisible à Bagnères-de-Luchon, habitué à faire ses courses trois fois par semaine à Bossòst, côté espagnol. Un petit quart d’heure sépare les deux villes si l’on emprunte le col du Portillon, avec une distance d’à peine 17 kilomètres. Mais, depuis janvier 2021, il faut faire le tour et franchir le pont du Roi. Soit un détour de 42 kilomètres. « Ça n’a l’air de rien, concède le septuagénaire. Mais, deux fois cinquante minutes au lieu de deux fois quinze minutes, ça vous change une journée. Et le carburant, ça finit par chiffrer. »

    Dans ce coin, le Pays Comminges, qui s’étend depuis les coteaux de Gascogne jusqu’à la frontière espagnole, la frontière n’existait pas. « Pas dans les têtes, en tout cas », assure Pierre Médevielle. Bien que le sénateur indépendant de la Haute-Garonne boive de l’eau plate à l’heure du déjeuner, il correspond en tout point à l’idée que l’on se fait d’un élu de la Ve République du siècle dernier. Il donne rendez-vous dans un restaurant qui sert du canard, il a 62 ans, un look gentleman-farmer de circonstance (un week-end en circonscription), une passion pour la chasse et la pêche, une fidélité de longue date pour les partis centristes et une connaissance encyclopédique de l’histoire de sa région.

    Le Comminges, c’est plus de 77 000 habitants, une densité de 36 habitants au kilomètre carré, un déclin démographique inquiétant, une vallée difficile à développer, un accès routier complexe… Une véritable petite diagonale du vide dans le Sud-Ouest. « Juste après le Covid, la fermeture du Portillon a été vécue comme une sanction, explique le sénateur. Elle a bouleversé le quotidien de nombreux frontaliers. »

    Des questions laissées sans réponse

    Les Aranais vont et viennent dans les hôpitaux et les cabinets médicaux de Toulouse et de Saint-Gaudens – un accord de coopération sanitaire lie les deux pays –, et leurs enfants sont parfois scolarisés dans les écoles et le collège de Luchon. Les Français considèrent, eux, le val d’Aran comme un grand supermarché low cost planté au milieu d’une nature superbe. Ils achètent, à Bossòst – des alcools, des cigarettes et des produits bon marché conditionnés dans d’immenses contenants (céréales, pâte à tartiner, shampoing, jus d’orange…). Le samedi matin, les Espagnols, eux, se fournissent en fromage et en chocolat côté français, dans le gigantesque Leclerc d’Estancarbon. D’un côté comme de l’autre, on parle l’occitan, qu’on appelle gascon en France et aranais en Espagne.

    Pierre Médevielle a fait comme il a pu. Il a posé des questions dans l’Hémicycle. Il a adressé des courriers au ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Il a beaucoup discuté avec celui qui est alors le secrétaire d’Etat chargé de la ruralité, Joël Giraud, et avec son homologue espagnol, Francés Boya Alós, chargé du défi démographique (l’autre nom de la ruralité). Ils ont tous trois fait état des pétitions citoyennes et des motions votées par les élus des communes concernées, suppliant Gérald Darmanin de revenir sur une décision « incompréhensible ».

    Eric Azemar, le maire de Bagnères-de-Luchon, estime, lui, les conséquences « catastrophiques » pour sa ville, notamment pour la station thermale, déjà éprouvée par la pandémie : « De 11 000 curistes, nous sommes passés à 3 000 en 2020 et à peine à 5 000 en 2021. » Il a appris la fermeture de la frontière le matin même du 6 janvier 2021. En recevant l’arrêté préfectoral. « Point. » Point ? « Point. » En treize mois, aucun de ces élus n’est parvenu à arracher un courriel ou la moindre invitation à une petite réunion de crise à la préfecture. Rien. Le silence.

    Contourner l’obstacle

    « Le mépris », déplore Patrice Armengol, le Français sur qui cette décision a le plus pesé. Il vit à Bagnères-de-Luchon et travaille exactement au niveau du Portillon mais côté espagnol. A 2 kilomètres près, il n’était pas concerné par cette affaire, mais, voilà, son parc animalier, l’Aran Park – km 6 puerto del Portillón –, est, comme son nom et son adresse l’indiquent, installé dans le val d’Aran. Val d’Aran, Catalogne, Espagne. Il a cru devenir fou, il est devenu obsessionnel. « Leur barrage était mal fichu mais aussi illégal, commente-t-il. Là, vous voyez, le panneau ? Le barrage était à 1 kilomètre de la frontière française. »

    C’est exact. Appuyé contre son 4 × 4, il fait défiler les photos du barrage, prises au fil des mois. Lui est allé travailler tous les jours en franchissant le col : il roulait en voiture jusqu’au barrage, déchargeait les kilos de viande et de fruits secs périmés achetés pour ses bêtes dans les supermarchés français, franchissait le barrage à pied et chargeait le tout dans une autre voiture garée de l’autre côté des plots. Le soir, il laissait une voiture côté espagnol et repartait dans celle qui l’attendait côté français. « Ils m’ont laissé faire, heureusement », dit-il.

    Il a trouvé héroïques les habitants qui, autour du col de Banyuls, dans les Pyrénées-Orientales, ont régulièrement déplacé les blocs de pierre avec toujours le même message : « Les Albères ne sont pas une frontière. » Le geste ne manquait pas de panache, mais lui-même ne s’y serait pas risqué : « Une violation des frontières, c’est grave. Je n’avais pas envie d’aller en prison pour ça. » Patrice Armengol s’est donc contenté de limiter les dégâts. S’il a perdu près d’un tiers de ses visiteurs, il a pu maintenir le salaire de ses trois employés espagnols à plein temps.

    La fin du calvaire mais pas du mystère

    Gemma Segura, 32 ans, s’occupe des visites scolaires dans le parc et, pour défendre l’ouverture du col, elle a rejoint l’association des commerçants de Bossòst, où elle vit. Fille d’un boucher à la retraite et d’une enseignante d’aranais, elle est née à Saint-Gaudens comme beaucoup de frontaliers espagnols. « Je suis toujours allée chez le médecin à Saint-Gaudens et mes grands-mères consultent des cardiologues français. Nos banques sont françaises. Nos familles vivent des deux côtés de la frontière. Et, quand je jouais au foot, je participais à la Coupe du Comminges, en France. »

    « Les gens s’interrogent et on ne sait pas quoi répondre. On applique les décisions prises en haut. » Un agent chargé de surveiller la zone

    Après des études de sciences de l’environnement à Barcelone, elle a préféré revenir ici, dans ce coin, certes un peu enclavé, mais si beau. Certains parlent aujourd’hui de quitter Bossòst, leurs commerces ayant été vides pendant des mois. Mais le « miracle » s’est enfin produit le 1er février 2022, et, cette fois, l’information a fait la « une » de La Dépêche du Midi : « Le col du Portillon est enfin ouvert. »

    De nouveau, personne n’a compris. La possibilité d’une ouverture avait été rejetée par le premier ministre Jean Castex lui-même à peine un mois plus tôt lors d’un déplacement à Madrid. Perplexité du maire de Bagnères-de-Luchon : « Pourquoi maintenant ? Il y a sans doute une raison logique, le ministre ne fait pas ça pour s’amuser. » Même les agents chargés de surveiller la zone sont surpris : « Pourquoi avoir fermé ? C’était mystérieux, mais on l’a fait. Et, maintenant, on ouvre, mais on doit intensifier les contrôles. Les gens s’interrogent et on ne sait pas quoi répondre. On applique les décisions prises en haut. »

    « En haut », au ministère de l’intérieur et à la préfecture, on est peu disert sur le sujet. Le service de presse de la préfecture nous a envoyé, sans empressement, ces explications parcimonieuses : « Depuis quelques mois, la police aux frontières a constaté une recrudescence de passeurs au cours de différentes opérations menées sur les points de passage autorisés. (…) Les dispositifs de contrôle sur la frontière ont permis de nombreuses interpellations de passeurs (quatorze en 2021 et un en 2022). »

    Une voie migratoire sous surveillance

    Ces chiffres sont autant d’histoires qui atterrissent sur le bureau du procureur de Saint-Gaudens, Christophe Amunzateguy. Le tribunal, comme les rues de la ville, est désert ce 31 janvier. Il est 18 heures et Christophe Amunzateguy, qui assure la permanence, est parfaitement seul. Comme tout le monde ici, les décisions de la préfecture le prennent de court. On ne l’informe de rien, jamais. Il pointe du doigt le journal ouvert sur son bureau. « Je l’apprends par La Dépêche. La préfecture ne m’en a pas informé. »

    Il parle de l’ouverture du col du Portillon. Il lit à voix haute que le préfet promet des renforts. « Eh bien, très bonne nouvelle, mais, s’il y a des renforts, il y aura une multiplication des interpellations et, s’il y a des interpellations, c’est pour qui ? Pour moi. » Dans cette juridiction, l’une des plus petites de France, ils ne sont que deux procureurs et six magistrats du siège. Après avoir connu les parquets turbulents de Nancy et de Lille – il a suivi l’affaire du Carlton –, Christophe Amunzateguy se sent « dépaysé » dans ce « bout du monde ». « C’est une expérience, résume-t-il. Ici, on fait tout, tout seul. »

    « C’est ça, aussi, l’histoire du Comminges, une communauté de destins d’un côté et de l’autre de la frontière » Jacques Simon

    C’est au mois de septembre 2021, soit neuf mois après la fermeture du col du Portillon, que la « vague » d’arrivée de migrants s’est amplifiée. La police de l’air et des frontières l’a alerté à la mi-août : des clandestins arriveraient par le point de passage du pont du Roi. Ce mois-là, les interpellations se sont succédé : quatorze d’un coup.

    Sur les quatre derniers mois de 2021, neuf passeurs algériens ont été condamnés à des peines de prison ferme en Haute-Garonne. Et seize passeurs ont été jugés à Saint-Gaudens en 2021. Le profil ? « Des personnes de nationalité algérienne, explique le procureur. Par pur opportunisme, elles prennent en charge des personnes en situation irrégulière et leur font passer la frontière contre 200 à 600 euros, dans leur voiture ou dans une voiture de location. »

    Une délinquance d’opportunité

    Au début de l’année 2022, ça a recommencé. Le 4 janvier, à 10 h 40, alors qu’ils contrôlaient une Golf à Melles – la routine –, les agents de la PAF ont aperçu un Scénic tenter une manœuvre de demi-tour avant que quatre passagers n’en descendent précipitamment et se mettent à courir. Tentative désespérée et totalement vaine : tous ont été arrêtés en un rien de temps. Le chauffeur de la Golf a été embarqué aussitôt que les agents se sont aperçus qu’il était le propriétaire officiel du Scénic. Tous ont été conduits au tribunal de Saint-Gaudens, où le procureur a pu reconstituer leur parcours.

    Arrivés d’Algérie quelques jours plus tôt, les trois passagers à l’arrière du Scénic tentaient de gagner Toulouse. Un premier passeur, payé 200 euros, les a d’abord conduits à Alicante où le chauffeur de la Golf les a contactés par téléphone. Chargé de les conduire à la gare de Toulouse contre 200 euros par personne, il a roulé toute la nuit avant de crever. Un de ses « amis » est venu de France (en Scénic) pour réparer la voiture et les « aider » à poursuivre le voyage, qui s’est donc terminé à Melles.

    Concernant les conducteurs du Scénic et de la Golf, la conclusion est la même que pour l’écrasante majorité des dossiers de 2021 : « Ils sont en free-lance. » Dans le vocabulaire de la justice, ça s’appelle de la « délinquance d’opportunité ». Les passeurs n’appartiennent pas à des réseaux ; ils arrondissent leurs fins de mois.

    Les passeurs du 4 janvier ont été condamnés à quatre et six mois d’emprisonnement et incarcérés à la maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne). L’un des deux a écopé de cinq ans d’interdiction du territoire français et leurs deux véhicules ont été saisis. Le procureur assume cet usage de la « manière forte » : garde à vue systématique, comparution immédiate, saisie des véhicules (« ils sont sans valeur, ce sont des poubelles »), confiscation du numéraire trouvé sur les passeurs (« je ne prends pas l’argent sur les personnes transportées »). Il précise ne pas en faire une question de politique migratoire mais prendre au sérieux la question de la traite des êtres humains : « On ne se fait pas d’argent sur le malheur des autres. »

    La frontière, terre de fantasme

    Christophe Amunzateguy se souvient du 19 janvier 2021. Il était dans son bureau, seul comme d’habitude, quand il a reçu un coup de fil de la gendarmerie lui signalant qu’une bande d’activistes habillés en bleu et circulant à bord de trois pick-up a déroulé une banderole sur une zone EDF située dans le col du Portillon. Sur les réseaux sociaux, il apprend qu’il s’agit de militants de Génération identitaire, un mouvement d’ultra-droite, tout à fait au courant, eux, contrairement au reste du pays, que le col du Portillon a été bloqué.

    Le procureur découvre, quelques jours plus tard, une vidéo de l’opération commentée par Thaïs d’Escufon, la porte-parole du groupuscule, affirmant qu’il est « scandaleux qu’un migrant puisse traverser la frontière ». Elle a été condamnée au mois de septembre 2021 à deux mois d’emprisonnement avec sursis pour les « injures publiques » proférées dans cette vidéo.

    Que la frontière soit depuis toujours un espace naturel de trafics et de contrebande n’est un secret pour personne. Pourquoi fermer maintenant ? En vérité, explique le procureur, c’est du côté des Pyrénées-Orientales qu’il faut chercher la réponse. En 2021, 13 000 personnes venues du Maghreb et d’Afrique subsaharienne ont été interpellées au sud de Perpignan, à Cerbère. Un chiffre « record » qui a entraîné l’intensification des contrôles. Les passeurs ont donc choisi d’emprunter des voies moins surveillées. Le bouche-à-oreille a fait du point de passage du pont du Roi une entrée possible.

    Le procureur est formel : le phénomène est contenu. Quant au fantasme des migrants qui franchissent les montagnes à pied, cela lui paraît improbable. L’hiver, c’est impraticable ; aux beaux jours, il faut être un alpiniste chevronné et bien connaître le coin. Un peu plus loin, du côté du Pas de la Case, deux passeurs de tabac sont morts en montagne : l’un, algérien, de froid, en 2018, et l’autre, camerounais, après une chute, en 2020.

    La route de la liberté

    Ces chemins, désormais surveillés et fermés, ont longtemps été synonymes de liberté. C’est par là qu’ont fui les milliers de réfugiés espagnols lors de la Retirada, en 1939, après la guerre civile. Par là aussi que, dans l’autre sens, beaucoup ont pu échapper aux nazis au début des années 1940. La mémoire de cette histoire est ravivée par ceux qui l’ont vécue et par leurs descendants qui se regroupent en associations depuis une vingtaine d’années.

    « Sur cette chaîne pyrénéenne, on évalue à 39 000 personnes les personnes qui fuyaient le nazisme », explique Jacques Simon, fondateur et président des Chemins de la liberté par le Comminges et le val d’Aran, créée en mars 2018. Son grand projet est de labelliser la nationale 125, depuis le rond-point de la Croix-du-Bazert, à Gourdan-Polignan, jusqu’au pont du Roi, pour en faire une « route de la liberté » comme il existe une route des vins, une route de la ligne Maginot et une Voie sacrée.

    L’un des récits de traversée que raconte souvent Jacques Simon est celui qui concerne seize compagnons partis clandestinement de la gare de Saléchan la nuit du 25 octobre 1943. En pleine montée du pic du Burat, les passeurs se perdent et les trois femmes du groupe, dont une enfant, peinent. « Leurs chaussures n’étaient pas adaptées et elles portaient des bas en rayonne. C’est une matière qui brûle au contact de la neige, explique Jacques Simon, qui a recueilli les souvenirs des derniers témoins. Elles ont fini pieds nus. » Le groupe est arrivé en Espagne et tous ont survécu.

    « On ne sera jamais riches, mais on a du temps. Pour être en famille, pour retaper notre baraque, pour faire des conserves. » Philippe Petriccione

    Parmi eux, Paul Mifsud, 97 ans, l’un des deux résistants commingeois toujours en vie. Le second, Jean Baqué, 101 ans, avait 19 ans quand il s’est engagé dans la Résistance. Arrêté par la milice en novembre 1943, il parvient à s’échapper des sous-sols de l’hôtel Family, le siège de la Gestapo à Tarbes. Dans sa fuite, il prend une balle dans les reins, ce qui ne l’empêche pas d’enfourcher un vélo pour se réfugier chez un républicain espagnol. « Il m’a caché dans le grenier à foin et a fait venir un docteur. »

    En décembre 2021, Jean Baqué est retourné sur les lieux, à Vic-en-Bigorre. Il est tombé sur le propriétaire actuel, qui lui a raconté que l’Espagnol, Louis Otin, avait été fusillé en 1944 par la milice. « Je ne l’avais jamais su. » Jean Baqué a organisé quelques jours plus tard une cérémonie en sa mémoire dans le bois de Caixon, là où l’homme a été assassiné. « C’est ça, aussi, l’histoire du Comminges, une communauté de destins d’un côté et de l’autre de la frontière », résume Jacques Simon.

    L’ivresse des sommets

    Ces chemins, Philippe Petriccione les connaît comme sa poche et il accepte de nous guider. A l’approche du col du Portillon, en apercevant depuis son 4 × 4 quatre agents de la PAF occupés à contrôler des véhicules, le guide de haute montagne raconte un souvenir qui date du lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, en janvier 2015. C’était ici même : « Les Mossos d’Esquadra [la force de police de la communauté autonome de Catalogne] ont débarqué. Ils ne sont pas toujours très tendres. Ils ont toqué à la vitre de ma bagnole avec le canon de leur fusil. J’avais envie de leur dire : “C’est bon, moi, je vais faire du ski, les gars.” »

    Le 4 × 4 s’engage sur un chemin. Les stalactites le long des rochers enchantent les passagers, le gel sous les roues, moins. Philippe arrête la voiture. « On y va à pied. » En réalité, « on y va » à raquettes. Après quelques kilomètres, la vue spectaculaire lui redonne le sourire. C’est pour cela qu’il est venu vivre à la montagne. Né à Paris dans le 18e arrondissement, il a vécu ici et là avant de s’installer il y a une dizaine d’années à Luchon avec sa femme et leurs enfants. « On ne sera jamais riches, mais on a du temps. Pour être en famille, pour retaper notre baraque, pour faire des conserves. »

    On se tient face à un vallon enneigé dont les pentes raides dévalent dans un cirque de verdure. Le guide tend le bras vers le côté gauche. Il montre une brèche recouverte de glace : le port de Vénasque, à 2 444 mètres d’altitude (« col » se dit « port » dans les Pyrénées) : « Il est devenu célèbre sous Napoléon, qui a eu une idée de stratège. Il s’est dit : “Je vais faire passer mon armée par là.” Il a tracé un chemin pour passer avec les chevaux et les canons. » On distingue la limite géographique appelée le carrefour des Trois-Provinces. A gauche, la Catalogne. A droite, l’Aragon et, face à nous, la Haute-Garonne. Il y a huit ports, soit autant de passages possibles pour traverser le massif. « L’histoire dit que 5 000 personnes sont passées en quarante-huit heures en avril 1938… »

    Philippe connaît par cœur cet épisode, puisqu’il a l’habitude de le raconter aux touristes et aux collégiens qui viennent parfois depuis Toulouse découvrir « en vrai » ces chemins. Il fait comme aujourd’hui. Il tend le bras et montre au loin les pentes raides de ce paysage de la Maladeta et la vue sur l’Aneto, le plus haut sommet du massif. Un rectangle sombre perce l’étendue blanche. En approchant, on distingue une borne en béton, « F356E » : c’est la frontière. F pour France, E pour Espagne. Ces bornes, il y en a 602 tout le long de la frontière. Le tracé, qui date de la fin du XIXe siècle, part de la borne numéro 1, sur les bords de la Bidassoa, et va jusqu’au pied du cap Cerbère, en Méditerranée, explique le guide. Allongé sur la neige, il répète qu’ici c’est une montagne particulière. « Il n’y a jamais personne. »

    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/04/29/au-col-du-portillon-entre-la-france-et-l-espagne-la-frontiere-de-l-absurde_6

    #montagne #frontières #fermeture #points_de_passage #contrôles_frontaliers #terrorisme #lutte_contre_le_terrorisme #Bagnères-de-Luchon #Bossòst #val_d'Aran #plots #PAF #gravier #terre #rochers #Pays_Comminges #gascon #aranais #migrations #asile #réfugiés #pont_du_Roi #délinquance_d’opportunité #passeurs #politique_migratoire #traite_d'êtres_humains #génération_identitaire #Thaïs_d’Escufon #Cerbère #parcours_migratoires #routes_migratoires #Pas_de_la_Case #histoire

    via @karine4
    ping @isskein

  • Le privilège des #routes
    http://carfree.fr/index.php/2022/03/25/le-privilege-des-routes

    Le graphique précédent est tiré d’un intéressant article paru sur le site France Info et intitulé « Transports : l’aménagement du territoire est-il le moteur de l’utilisation de la voiture ? » Il nous Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Etalement_urbain #Fin_de_l'automobile #Fin_du_pétrole #Transports_publics #autoroutes #carte #histoire #sncf #trains

  • Iran e Azerbaijan: la crisi dei camion
    https://www.balcanicaucaso.org/aree/Azerbaijan/Iran-e-Azerbaijan-la-crisi-dei-camion-213440

    Dopo due settimane di tensioni crescenti tra Iran e Azerbaijan ora pare finalmente che si sia ridato voce alla diplomazia. Al centro della crisi le rotte commerciali che passano attraverso il Nagorno Karabakh

  • Le Monde selon #Modi, la nouvelle #puissance indienne

    « Aucune puissance au monde ne peut arrêter un pays de 1,3 milliard d’habitants. Le 21e siècle sera le siècle de l’Inde ».
    #Narendra_Modi, nationaliste de droite, à la tête de l’Inde depuis 2014, est le nouvel homme fort de la planète. 3ème personnalité la plus suivie sur Twitter, au centre de « l’Indopacifique », une nouvelle alliance contre la Chine. C’est l’histoire d’un tournant pour l’Inde et pour le monde.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/62159_1

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  • A pied, en train, en voiture et en bateau à voiles... Nantes et la Loire-Atlantique vues du ciel | Mediacités
    https://www.mediacites.fr/reportage/nantes/2021/07/22/a-pied-en-train-en-voiture-et-en-bateau-a-voiles-nantes-et-la-loire-atlantique-vues-du-ciel/?mc_cid=82171f17bd&mc_eid=ab7ba58333

    Vivre sur un territoire c’est d’abord et peut-être avant tout y accéder, y circuler. Vu du ciel l’importance des axes et des infrastructures de transport saute aux yeux. Soit qu’ils quadrillent le terrain, le balisent, l’organisent, le balafrent parfois. Soit qu’ils s’imposent au milieu de l’image, massifs, monumentaux, envahissants. De retour sur le plancher des vaches, les chiffres valident cette impression. Dans une région et un département qui comptent parmi les plus artificialisés de France, les routes, les rails et les pistes d’aviation occupent une place non négligeable. A elles seules, les routes occupaient 3,1 % de la superficie de la Loire-Atlantique en 2014, selon l’Insee. Un chiffre qui a encore dû augmenter depuis.

    #territoires #transports #routes #urbanisme #paywall