• Routes nationales : « La privatisation d’une partie de l’espace public constitue une régression politique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/21/routes-nationales-la-privatisation-d-une-partie-de-l-espace-public-constitue

    Tribune. Ça s’est passé au creux de l’été. Le 14 août, a été publié au Journal officiel, un décret du premier ministre, « relatif au classement de certaines sections de routes dans la catégorie des autoroutes », comme nous l’apprend Le Monde du 19 septembre dans l’article « La loi autorise la privatisation de kilomètres de nationales ».

    De quoi s’agit-il ? Tout simplement, de privatiser des parties de routes nationales. Il s’agit, somme toute, d’étendre à des routes nationales le régime de concession des autoroutes au secteur privé, à des entreprises, ce qui contribue à réduire encore un peu l’emprise de l’Etat sur la circulation dans notre pays. Sans doute importe-t-il de s’interroger sur la signification de cette mesure nouvelle concernant la circulation dans notre pays.

    D’abord, ne nous trompons pas : il s’agit d’une forme nouvelle de régression sociale. Tout se passe ainsi comme si nous revenions, une fois de plus, aux institutions de l’Ancien Régime, aux logiques d’aménagement de l’espace qui dominaient notre pays avant la Révolution de 1789. En privatisant certaines sections de routes nationales, l’exécutif fait revenir notre pays au régime de circulation qui prévalait avant l’émergence des idées et des projets révolutionnaires du XVIIIe siècle, en quelque sorte, finalement avant l’apparition de ce que l’on a appelé la philosophie des Lumières.

    L’espace public est une figure qui a deux significations.
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    La première, celle que l’on connaît bien depuis que Jürgen Habermas a publié L’Espace public en 1962, où le philosophe désigne ainsi l’espace du débat public, l’espace dans lequel les idées et les engagements sont librement formulés, débattus, confrontés les uns aux autres, dans l’éveil d’une vie politique réelle.
    Au final également, une régression économique

    Mais il existe une autre signification de l’espace public, celle que l’on pourrait désigner comme ce qui le fonde : sa dimension proprement spatiale. Ce que l’on appelle l’espace public désigne l’espace du peuple, l’espace dans lequel le peuple se retrouve. Ce que les Romains désignaient comme l’ager publicus était un espace qui n’appartenait à personne, et où tout le monde pouvait travailler la terre, en particulier un espace qui était dévolu aux cultures destinées à la population pour les éventuelles périodes de famine.

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