• Russell Banks : « Surtout pas de Patriot Act à la française ! »
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    La désespérante solitude de l’homme moderne

    Dans le nouveau recueil de Russell Banks, il y a toute l’Amérique, et ces 12 nouvelles tiennent ainsi de la gageure. L’Amérique glorieuse, symbolisée par cet artiste qui reçoit le prix MacArthur, provoquant la jalousie de son ami écrivain non reconnu. L’Amérique sombre, celle des junkies mythomanes dont il faut se tenir éloigné, celle de ces SDF qui poignardent un homme saoul pour lui dérober son portefeuille. Il y a l’Amérique des médias, incarnée par cette journaliste qui vient filmer une femme enfermée dans un parking, traquée par un pitbull, et qui repart avec son reportage en poche, laissant la femme seule - avec le chien. Il y a même l’Amérique consumériste et ces vendeurs cyniques et obséquieux qui veulent vendre une voiture à 6 000 dollars à une petite employée timide qui n’a que 3 500 dollars en poche.
    A travers l’exploration de ces différents mondes qui coexistent sur un même continent, et par les portraits de personnages terriblement odieux, terriblement pathétiques, Russell Banks pointe surtout l’extrême solitude de l’homme moderne. Voyez la détresse de Harold, ancien mari cocu, mais nostalgique, qui assiste impuissant aux nouvelles noces de son ex-femme. Cette extrême solitude, inhérente à la condition humaine, selon l’écrivain, se mue en égoïsme cruel chez certains, à l’image de ce serveur qui voit un homme se faire poignarder, sans lui porter secours, et qui rentre tranquillement chez lui. Ou elle se transforme en incohérence, chez cet autre qui donne ses dernières économies à une droguée dans la rue - qui de surcroît l’a insulté. Oui, Banks sait décrire le désespoir sans verser dans le pathos. Il sait aussi écrire sans juger. Il a confiance en son lecteur, bien plus qu’en son époque ; car le lecteur réfléchira, alors que l’époque va vite, trop vite. Un recueil de nouvelles émouvant, que tout le monde devrait lire parce qu’il parle à tout le monde.

    #russel-banks #solitude