• « Les moins riches, ils n’ont pas de voiture » : les propos d’Agnès Pannier-Runacher sur les ZFE font polémique Gautier Cruchaudet - le figaro

    Une telle déclaration, prononcée ce mardi par Agnès Pannier-Runacher, n’est pas passée inaperçue. Interrogée sur le fait que les restrictions de circulation imposées par les vignettes « Crit’Air 3 » concernent aussi les « moins riches », la ministre de la Transition écologique a affirmé de but en blanc que « les moins riches, ils n’ont pas de voitures, ce sont en ceux qui sont le moins équipés ».

    La ministre était invitée dans l’émission « Première Édition » de BFM TV pour évoquer le sujet de la pollution de l’air. Le sujet brûlant des Zones à faible émission (ZFE) était au centre de la discussion, alors que l’Assemblée nationale examine ce mardi 8 avril un texte demandant leur suppression.


    « Les ZFE sont un des outils pour baisser la pollution de l’air »
    Source : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/les-moins-riches-ils-n-ont-pas-de-voiture-la-maladresse-de-pannier-runacher
    #bourgeoisie #racisme #ville #zfe #ville #inégalités #zones_à_faibles_émissions #ecologie #écologie #politique les #camions ne polluent donc pas ! #agnès_pannier-runacher #domination des riches

  • Une double relégation : l’accès aux soins des immigré·es dans un « désert médical »
    https://metropolitiques.eu/Une-double-relegation-l-acces-aux-soins-des-immigre-es-dans-un-deser

    À partir d’une enquête dans le Grand Est, Ana Portilla montre comment l’argument de la « pénurie de soins » pour l’ensemble de la population justifie l’éloignement des immigré·es vis-à-vis du système de santé en milieu rural et accentue leur relégation sociospatiale. Le cas des immigré·es en milieu rural est révélateur des #inégalités d’accès aux soins dans ce qu’on appelle couramment les « déserts médicaux ». À travers une enquête de terrain menée en 2022-2023 dans une petite ville rurale de la région Grand Est, #Terrains

    / santé, inégalités, #désert_médical, #ségrégation, #accès_aux_droits, #droit, ruralité, #migrants

    #santé #ruralité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_portilla.pdf

  • Soutien d’Handi-Social à Karine Brailly, poussée à la mort parce que privée d’une vie digne - Handi-Social
    https://www.youtube.com/watch?v=oN7h7f01jPM

    Le 13 janvier 2025, Karine Brailly a confirmé à Jérôme Pélissier, un de ses amis militant d’Handi-Social, sa demande qu’Handi-Social médiatise et organise un rassemblement devant l’hôpital Purpan de Toulouse le 14 janvier à 14h afin de dénoncer les refus du CHU de Toulouse de lui permettre de continuer à vivre chez elle avec l’accompagnement qu’elle avait choisi et de lui refuser l’accès à des traitements thérapeutiques expérimentaux. Refus qui l’ont conduit à au moins accélérer le recours à la mort.

    [...]

    #Hospitalisée_de_force par la HAD Relais Santé en raison d’un manque d’#auxiliaires_de_vie, résultat de politiques nationales et départementales qui organisent la #maltraitance à domicile, Karine a été privée de ses outils de communication adaptés. Alors qu’elle souhaitait légitimement retourner vivre chez elle, accompagnée par un mandataire de son choix qui pouvait lui garantir des assistants-es de vie et une vie autonome, l’hôpital a refusé cette option. Au lieu de cela, l’#hôpital a tenté de l’envoyer dans une institution puis d’imposer à Karine le prestataire Vitalliance, connu pour ses pratiques maltraitantes et son incapacité à respecter les besoins fondamentaux des personnes qu’il accompagne. Une telle décision, contre l’avis de Karine, constitue une violence et violation flagrante de son droit à l’autodétermination et à la dignité.

    Face à cette situation insupportable, et faute de choix, Karine a finalement pris la décision de demander une #sédation_profonde, acceptée par ses médecins, qui lui ont refusé en même temps des conditions de vie digne.

    La sédation profonde fait durer la mise à mort, un alibi pour les médecins.

    #handicap #ségrégation #médecine #fin_de_vie #aide_à_mourir #loi_fin_de_vie

  • La question raciale et le vote républicain
    https://laviedesidees.fr/La-question-raciale-et-le-vote-republicain

    Les propos racistes tenus notamment à l’encontre des immigrés en situation irrégulière par Donald Trump ne l’ont pas empêché d’obtenir les voix d’un nombre croissant d’électeurs noirs, hispaniques et asiatiques lors du scrutin de novembre 2024. Que peut-on conclure de ce paradoxe apparent ?

    #International #États-Unis #race #ségrégation
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20241126_sabbagh3.pdf

  • Les revers de la modernité au #Maroc
    https://metropolitiques.eu/Les-revers-de-la-modernite-au-Maroc.html

    À travers une enquête ethnographique au sein des quartiers marginalisés de la capitale économique marocaine, Cristiana Strava montre les évolutions des politiques qui visent à les moderniser, mais aussi les continuités qui caractérisent le rejet et le contrôle des #classes_populaires de l’ère coloniale à nos jours. Dans Precarious Modernities, Cristiana Strava aborde la modernité depuis les marges de la ville de #Casablanca. Par son analyse des évolutions urbanistiques, économiques et politiques du #Commentaires

    / Casablanca, Maroc, #quartiers_populaires, #périphérie, #rénovation_urbaine, #ségrégation, #capitalisme, classes populaires, (...)

    #résistance
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_amarouche.pdf

  • Comment les retraités façonnent la structure sociale des villes françaises
    https://metropolitiques.eu/Comment-les-retraites-faconnent-la-structure-sociale-des-villes-fran

    Les recherches sur la ségrégation des villes françaises tiennent rarement compte de la population retraitée, dont le poids démographique est pourtant croissant. En l’intégrant à l’analyse, cette enquête offre une image renouvelée de la ségrégation entre les aires urbaines hexagonales. Le vieillissement est l’une des évolutions démographiques majeures de la population française : les plus de 65 ans représentaient 15 % de la population en 1995, plus de 20 % en 2020 et on estime qu’ils seront près de 30 % à #Terrains

    / #personnes_âgées, #démographie

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/gourdon-et-al.pdf

  • Sur la « #route_de_l’apartheid » : en #Cisjordanie, la #ségrégation à grande vitesse

    En Cisjordanie occupée, les gigantesques #routes_israéliennes ouvrent depuis longtemps la voie à une #annexion de facto et favorisent la #colonisation. Depuis le 7 octobre, les colons construisent routes et avant-postes illégaux à un rythme sans précédent.

    Autrefois, Saleh Mahmoud venait tous les jours sur la terre de sa famille. Ce Palestinien de 69 ans descendait d’Issawiya, où il habite, crapahutait une centaine de mètres à travers champs jusqu’aux oliviers en contrebas et passait quelques heures sur place. Mais depuis janvier 2019, lorsque Israël a inauguré la route 4370 reliant Jérusalem aux colonies israéliennes du sud de la Cisjordanie, l’axe de béton a littéralement coupé l’accès direct à sa terre. Un long #mur jouxte l’autoroute, et les flots de voitures ne se mélangent pas. D’un côté, les Israéliens, de l’autre, les Palestiniens. Ces derniers l’appellent « la route de l’apartheid ».

    Saleh Mahmoud prend le temps d’expliquer comment est né leur #isolement. Comment ils se sont battus, en vain, pour faire modifier le tracé de la route et quels chemins détournés ils sont désormais obligés d’emprunter – en voiture – pour se rendre sur leur champ. Il raconte comment le village d’Al Za’im, où se trouve sa terre, est cerné par les #colonies et les #implantations_sauvages, coincé entre plusieurs ponts. « La logique des Israéliens, c’est de tout prendre. Surtout ce qui est à proximité de Jérusalem », confie, las, le vieil homme à la barbe grisonnante en haussant les épaules.

    Depuis des années, la question des #axes_routiers est cruciale dans l’accélération de la #colonisation_israélienne. Çà et là, quelques affiches publicitaires vantent – en hébreu – la future construction d’immeubles ultramodernes dans les colonies, et sur les bas-côtés, du nord au sud de la Cisjordanie, des bulldozers dévorent les montagnes et creusent des tunnels.

    Le gouvernement israélien a engagé depuis 2015 la construction de 107 kilomètres de nouvelles routes et l’extension de 230 kilomètres de voies existantes pour les prochaines années. « Ces routes relient les colonies entre elles et les rapprochent en temps de trajet des villes israéliennes, une manière d’attirer davantage de population », explique Dror Etkes, fondateur de Kerem Navot, expert de la politique de la colonisation. « Ce sont aussi des #barrières infranchissables pour les Palestiniens. » Un quadrillage des terres palestiniennes, en somme, qui répond à une véritable logique de ségrégation et à la volonté de briser toute #continuité_territoriale pour un hypothétique État palestinien.

    Le Luna Park est désormais silencieux

    Les Palestinien·nes n’ont d’autre choix que de s’adapter. « Il suffit d’entendre des chauffeurs de taxi palestiniens parler entre eux, confirme Mahmoud Muna, écrivain et militant palestinien de Jérusalem. Même leur vocabulaire a changé ces dernières années. Avant, ils se donnaient les itinéraires en parlant des villages palestiniens. Maintenant, vous les entendrez parler des noms des colonies pour se conseiller des trajets. »

    Ces axes contraignent aussi toute possibilité de développement des enclaves palestiniennes. Du moins, quand ils n’impliquent pas la démolition des infrastructures déjà existantes. « Nous savions que le gouvernement travaillait sur cette route de contournement de Huwara pour les colons. Mais je ne m’attendais pas à ce que le Cogat [un organe du ministère israélien de la défense – ndlr] vienne toquer à ma porte avec un avis me demandant de vider et de détruire ma piscine car elle est sur le tracé de la route », explique Ashraf Awda, propriétaire de Luna Park, un des rares parcs d’attractions du nord de la Cisjordanie.

    Ce parc de loisirs, Ashraf en rêvait depuis qu’il était enfant. Le businessman local a les yeux pétillants lorsqu’il raconte sa construction – sur sa terre, en zone C, mais sans permis car le gouvernement israélien n’en délivre pas ici – et l’ouverture au public en 2012. Sur son téléphone, nostalgique, il fait défiler des vidéos du grand bassin bondé, de la file d’attente pour les attractions et des cris de joie des jeunes enfants.

    Désormais, tout est silencieux et lugubre : les nacelles de la grande roue, immobile, se balancent dans le vide et les autos tamponneuses sont rouillées. « On nous dit que cette route est au bénéfice de la population palestinienne, mais c’est faux. La plupart des habitants ont vu leurs terres confisquées pour sa construction. Si on en profite, ce ne sera que par ricochet… juste parce qu’il y aura moins d’embouteillages dans le village », souffle-t-il. En perdant sa piscine, la petite entreprise familiale perd 40 % de ses revenus annuels.

    Un peu plus au nord, depuis un terrain vague à proximité du mont Gerizim, on devine l’avant-poste de Givat Sne Ya’akov et ses quelques préfabriqués à flanc de colline. La vue est imprenable sur les oliveraies, les villages palestiniens dans la vallée et les colonies au sommet. Immédiatement, une jeep de l’armée israélienne s’approche et deux jeunes soldats en uniforme en sortent, regard méfiant, fusil d’assaut en bandoulière et doigt sur la détente. Une fois qu’ils se rendent compte que nous sommes deux journalistes – et non des Palestiniens –, leur ton change radicalement.

    « C’est dangereux de rester ici, il y a plein de terroristes », lance l’un d’eux dans un anglais médiocre en faisant un geste du menton en direction de Huwara. L’autre, 26 ans, kippa de tricot sur la tête, raconte qu’il s’est installé avec ses cinq enfants dans la colonie à proximité, Har Brakha, dont on aperçoit les barbelés. Il coupe le moteur du véhicule et suit de son doigt, à l’horizon, le tracé de cette nouvelle route qui contourne la ville palestinienne. « C’est pour éviter les confrontations. Pour nous, Israéliens, c’est bien plus rassurant. Ma femme ne me laissait plus traverser #Huwara par exemple », fait-il remarquer, sans préciser que, pour la construction de cette route, les Israéliens ont saisi 40 hectares de terres palestiniennes.

    Ce réserviste est convaincu de son bon droit à résider en territoire palestinien. « C’est notre terre, c’est notre pays, ce n’est pas nous les agresseurs », répète-t-il, comme s’il devait s’en persuader. Pourtant, la violence organisée des colons ne cesse de croître. En intensité et en nombre d’attaques, 2023 a été la pire année en la matière, d’après l’ONG israélienne Yesh Din, mais lui n’y croit pas une seconde. « Ce ne sont que des histoires inventées !, continue le jeune soldat, déblatérant des paroles qu’il a entendues en boucle sur les chaînes de télévision israéliennes. Citez-moi un seul colon violent. Les Arabes violents, nous ne les comptons plus. Juste en bas, ils ont assassiné deux jeunes ! »

    L’attaque à laquelle il fait référence remonte à février 2023. Un Palestinien avait ouvert le feu sur une voiture, tuant deux frères âgés de 22 et 20 ans, Hillel et Yagel Yaniv, de la colonie israélienne voisine. À cette date, depuis un an déjà, Huwara s’était transformée en poudrière et dès la mort des soldats, les représailles contre les habitant·es n’avaient pas tardé.

    Les colons des alentours, lourdement armés, s’étaient rendus dans la vallée, incendiant voitures, commerces et maisons, tuant par balle un Palestinien du village voisin, blessant une centaine d’autres. À l’époque, rarement les attaques avaient été si violentes sous le regard d’une base de l’armée toute proche. Mais aux yeux de ce jeune, le cataclysme du 7 octobre n’a fait que confirmer qu’il fallait plus de « fermeté » envers les Palestiniens. « Les Arabes vont nous faire la même chose que ce qu’ils ont fait près de Gaza dès qu’ils en auront la possibilité », rétorque-t-il.

    Plus au sud, entre Bethléem et Hébron, comme à quasiment chaque portion de la route 60, des tractopelles s’affairent et quelques travailleurs, truelle en main, escaladent un échafaudage. Tous sont palestiniens. « La route, c’est pour les colons, soupire Nabil, 43 ans, un des ouvriers, comme s’il était conscient qu’il participait malgré lui à l’entreprise de colonisation. Mais la terre, c’est la nôtre. » Pour beaucoup, crise économique oblige, le réalisme prend le pas sur l’idéologie et la politique.

    Depuis le 7 octobre et les mouvements contraints des Palestinien·nes en Cisjordanie, il n’y a pas que les chantiers des axes routiers gouvernementaux qui s’accélèrent en Cisjordanie. Les routes illégales – reliant les avant-postes entre eux – se bâtissent elles aussi à une vitesse sans précédent. « Historiquement, on sait qu’en temps de guerre, les colons profitent de l’occasion pour bâtir davantage, raconte Yonatan Mizrahi, de l’organisation La Paix maintenant. Des colonies, des avant-postes et des routes : entre le 7 octobre et début décembre, on en a recensé dix-huit. Depuis, j’ai arrêté de compter. Les colons savent surtout que l’administration civile sera occupée par d’autres choses et ne s’occupera pas de l’application de la loi. »

    « L’apartheid », « l’#enclavement » et « l’#annexion_de_facto » sont des termes que les Palestiniens utilisent depuis longtemps pour parler de leur sort. Jamal Sa’ed en sait quelque chose. L’endroit où il vit, Khallet Sakariya, est entouré de seize colonies et se trouve littéralement au sein de deux implantations. Dans ce minuscule hameau palestinien, les trente-quatre maisons ont toutes reçu des ordres de démolition. « L’armée israélienne vient toutes les nuits et, en attendant, ces immeubles poussent comme des champignons », soupire l’homme de 51 ans, les traits tirés et la moustache grisonnante, montrant les tours des colonies israéliennes qui se construisent à l’autre bout de son jardin.

    Depuis 2015, la communauté entière se sent coupée du monde. Il n’y a plus aucun transport public pour rejoindre les villes palestiniennes, et leurs plaques d’immatriculation ne permettent pas aux habitant·es d’emprunter la route qui est réservée aux colons. « Comme si c’était pour mieux nous pousser à partir », souffle Ghada, la femme de Jamal, en servant le café délicatement. Elle jette un regard aux fillettes du village qui crapahutent dans le terrain vague voisin entre les oliviers et les amandiers. « Je ne sais pas ce qu’elles deviendront », ajoute-t-elle la voix basse, précisant que déjà seize familles ont dû partir, faute de place dans le village, faute de pouvoir construire.

    Un exil que les résident·es ont vécu comme un transfert forcé. « Parfois, mes enfants font la comparaison avec les colons. Ils me demandent pourquoi ils ont une meilleure école, pourquoi ils ont de meilleurs jeux, pourquoi ils ont une meilleure route. » La mère de famille marque une pause puis hausse les épaules. Que pourrait-elle répondre ? « Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que ça me brise le cœur. »

    https://www.mediapart.fr/journal/international/210724/sur-la-route-de-l-apartheid-en-cisjordanie-la-segregation-grande-vitesse
    aussi signalé par @loutre : https://seenthis.net/messages/1062983

    #infrastructure #infrastructure_routière

  • Scarsdale Is What We Thought It Was
    https://jacobin.com/2024/06/jamaal-bowman-defeat-class-politics

    Suite à un investissement massif du lobby israëlien dans sa circonscription électorale, un élu socialiste de New York perd son siège au congrès. Dans les parties pauvres de sa circonscription il obtient toujours 80 pour cent des votes contre huit dans les parties riches.

    26.6.2024 by Matt Karp - Jamaal Bowman’s defeat is another reminder that left-wing politics cannot live or die in the rich suburbs.

    The most expensive House primary in US history has ended in defeat for democratic socialist Jamaal Bowman, soundly beaten by Westchester county executive George Latimer.

    According to the New York Times and much of the national media, the winners and losers here are fairly straightforward. Bowman’s defeat was a victory for the pro-Israel lobby, which spent $14 million to oust a major critic of the war in Gaza, and for leading centrist Democrats, from Hillary Clinton to Josh Gottheimer, who had endorsed Latimer. “The outcome in this race,” said an American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) spokesman quoted by the Times, “once again shows that the pro-Israel position is both good policy and good politics.”

    Meanwhile, the paper called the election “an excruciating blow for the left,” including Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez, and “the Squad” in Congress. They had rallied behind Bowman but could not save the gaffe-prone representative from his own voters, who ultimately rejected him as “too extreme to help solve the nation’s problems.”

    Every single element of this fable is perfectly accurate — if only the entire district, the national Democratic coalition, and the whole of the American body politic resided in the village of Scarsdale, New York.

    This elite Westchester suburb, with its manicured lawns, seven-figure mansions, and an average income of over $500,000 a year, had given Bowman nearly 40 percent of its vote in his upset victory four years ago. But this year Scarsdale decided it could not abide the congressman’s “far-left views,” on Israel or anything else: in the early vote there, Latimer led Bowman by the astonishing margin of 92 to 8 percent.

    This was the pattern across wealthy Westchester suburbs, like Rye, Harrison, and Mamaroneck, where the early vote showed Latimer winning over 80 percent support. Residents there may have indeed rejected what the Times suggested were Bowman’s “extreme viewpoints,” including support for a cease-fire in Gaza, where Israel’s war has killed nearly fifteen thousand children.

    Yet in most working-class portions of the district, Bowman’s far-left views seem to have held up just fine. He took 84 percent of the vote in the Bronx. Analysts looking to find a popular repudiation of pro-Palestine politics will have to look somewhere beyond working-class Yonkers and Mount Vernon, where the congressman led the early vote by margins similar to his victory in 2020.

    Unfortunately for Bowman, too much of his district did, in fact, reside in Scarsdale or somewhere similar. Though Times reporters did not see fit to mention it, last year NY-16 was redrawn so that the Westchester share of its primary vote jumped from about 60 percent to over 90 percent. This was of course the story of the entire election. The new and wealthy suburban areas in the district — including parts of Tarrytown and at least five additional country clubs north of Rye — all voted heavily against Bowman.

    The good news for Bowman’s national supporters is that losing Westchester to an AIPAC-funded centrist is not a meaningful defeat for the American left. Any real challenge to corporate Democrats or the pro-Israel lobby will have to come from somewhere else. Scarsdale is what we thought it was — a tiny, eccentric sliver of an enormous, diverse, and largely working-class country.

    The bad news is that the American left has not managed to make many inroads into that giant country, either. Perhaps the brand of politics that gave us the Squad in the first place — nine members in a Congress of four hundred and thirty-five — has run its course. If Bowman’s defeat is a wake-up call, it is not because he lost the neighborhoods around the Horseshoe Harbor Yacht Club and Blind Brook Country Club, but because the Left found itself fighting a battle there in the first place.

    Matt Karp is an associate professor of history at Princeton University and a Jacobin contributing editor .

    Westchester county
    https://en.m.wikipedia.org/wiki/Westchester_County,_New_York

    The annual per capita income for Westchester was $67,813 in 2011. The 2011 median household income of $77,006 was the fifth-highest in New York (after Nassau, Putnam, Suffolk, and Rockland counties) and the 47th highest in the United States.[9] By 2021, the county’s median household income had risen to $105,387. Westchester County ranks second in the state after New York County for median income per person, with a higher concentration of incomes in smaller households. Simultaneously, Westchester County had the highest property taxes of any county in the United States in 2013.

    Westchester County is one of the centrally located counties within the New York metropolitan area. The county is positioned with New York City, plus Nassau and Suffolk counties (on Long Island, across the Long Island Sound), to its south; Putnam County to its north; Fairfield County, Connecticut, to its east; and Rockland County and Bergen County, New Jersey, across the Hudson River to its west. Westchester was the first suburban area of its scale in the world to develop, due mostly to the upper-middle-class development of entire communities in the late 19th century and the subsequent rapid population growth.

    Westchester County has numerous road and mass transit connections to New York City, and the county is home to the headquarters of large multinational corporations including IBM, Mastercard, PepsiCo, and Regeneron Pharmaceuticals. Westchester County high school students often feature prominently as winners of the International Science and Engineering Fair and similar STEM-based academic

    #USA #élections #gauche #découpage_électoral #gerrymanderung #racisme #ségrégation #New_York #banlieues

  • Repenser la race avec Jim Crow
    https://laviedesidees.fr/Repenser-la-race-avec-Jim-Crow

    Aux États-Unis, Jim Crow désigne un ensemble de lois qui a maintenu la #ségrégation raciale dans certains états sudistes pendant près d’un siècle. À partir de l’abondante littérature historique sur la période, le sociologue Loïc Wacquant forge un modèle de ce régime afin de l’étendre à d’autres systèmes de #domination raciale.

    #Société #Entretiens_vidéo #racisme

  • Histoire de la domination raciale aux États-Unis : les lois Jim Crow | France Culture
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-book-club/histoire-de-la-domination-raciale-aux-etats-unis-les-lois-jim-crow-57894


    « L’esclavage aboli, les lynchages ont commencé aux États-Unis », par Loïc Wacquant (abonnés, avril 2024) // https://www.monde-diplomatique.fr/66764

    C’est pour « assurer la démocratie au monde » que les États-Unis s’engagèrent dans la première guerre mondiale alors que la ségrégation raciale des Noirs du Sud était plus méticuleuse que les futures lois nazies de Nuremberg. Dans cette seconde partie des bonnes feuilles de « Jim Crow. Le terrorisme de caste en Amérique », #Loïc_Wacquant analyse ce système politique et répressif qui a survécu jusqu’aux années 1960.

    https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/jim-crow
    #ségrégation_raciale #Jim_Crow

  • #JO 2024 : des migrants et sans domicile fixe "parisiens" envoyés en Belgique ? RTBF - Françoise Walravens

    Depuis quelques mois, beaucoup d’associations françaises dénoncent des expulsions forcées, des éloignements… Certains parlent même de "nettoyage social". L’État Français réfute cet "objectif zéro SDF à la rue".

    Et pourtant, à Bruxelles, plusieurs personnes travaillant sur le terrain ont constaté que de migrants et sans domicile fixe "parisiens" ont débarqué chez nous !


    Chassés de Paris par qui ? Et Comment sont-ils arrivés jusqu’à Bruxelles ?
    Elise Tordeur est responsable de l’asbl Bulle, une wasserette solidaire et mobile qui lave le linge des plus démunis.

    Toutes les semaines, elle parcoure Bruxelles et va à la rencontre des "sans chez soi" : _ »Nous avons constaté depuis quelque temps effectivement une hausse des personnes, de sans-abri qui viennent de Paris d’origine française ou même d’origine étrangère. Les profils varient. Cela se passe surtout autour de la gare du midi qui est une vraie plaque tournante." ¨

    Sa collègue Marine Anthoons précise : "Ce sont des Français, des migrants sans papiers ou des mineurs non accompagnés. Ils arrivent par vague. Cela fait déjà depuis un petit temps, depuis décembre ou janvier."

    Est-ce sur base volontaire ? "Je ne pense pas non", avoue Elise.

    Nous demandons si elle pense qu’ils sont obligés de partir ? "On les invite en tout cas à partir par tous les moyens possibles et imaginables", souligne Elise.

    "Un jour, on peut voir 5 ou 10 nouvelles personnes venues de Paris et puis, ne plus les voir pendant 3, 4 semaines vu que c’est une logique de survie à la rue", explique Elise.


    Jean-Luc distribue des repas chauds aux personnes en situation de précarité. Ce sont ses amis restaurateurs qui les cuisinent gratuitement et spécialement pour eux.

    Presque tous les jours, cet artiste sillonne Bruxelles avec son vélo-cargo et ils en croisent de plus en plus.

    Il y a peu, il est venu en aide à un groupe de migrants qui arrivaient de Paris : "Ils étaient une quinzaine. Ils avaient même une page A4 qui leur disait qu’ils pouvaient aller dans telle boulangerie, tel endroit. Plusieurs adresses où ils seraient bien reçus."

    On ne demande pas l’avis des SDF, dans le système ce sont des gens qui ne comptent pas…", ajoute Jean-Luc.

    Il précise aussi : "J’ai rencontré plusieurs petits groupes mais ils disparaissent très vite des rues de Bruxelles. Il y en a qui partent à Mons, d’autres à Liège ou encore à Namur. Certains même retournent à Paris parce que dans leur tête, c’est chez eux."

    Suite et source : https://www.rtbf.be/article/jo-2024-des-migrants-et-sans-domicile-fixe-parisiens-envoyes-en-belgique-113802

    #jo #jeux_olympiques #France #Paris #expulsion des #sdf #sans-abris #anne_hidalgo #ségrégation #guerre_aux_pauvres

  • Des universités françaises au bord de l’#asphyxie : « Ça craque de partout »

    Locaux vétustes, #sous-financement structurel, #pénurie d’enseignants, inégalités sociales et scolaires… Les universités de Créteil, Villetaneuse ou encore Montpellier-III cumulent les difficultés. Le fossé se creuse encore entre les établissements prestigieux et les autres.

    A l’#université_Sorbonne-Paris_Nord, sur le campus de Villetaneuse, en Seine-Saint-Denis, la visite guidée se transforme immanquablement en un passage en revue du #délabrement. Tel couloir ou telle salle, inondés à chaque forte pluie, cumulent vétusté et moisissures sur les murs. Des amphithéâtres aux sièges cassés, des prises abîmées depuis des années, et des vidéoprojecteurs qui, régulièrement, ne fonctionnent pas. Les filets de fortune qui retiennent des bouts de plafond qui s’écroulent au-dessus d’une passerelle reliant plusieurs bâtiments. Cet ascenseur, également, en panne depuis la rentrée, rendant le deuxième étage du département des lettres inaccessible aux étudiants à mobilité réduite.

    De façon moins visible, une grande partie des bâtiments contient encore de l’#amiante, plus ou moins bien protégée. « Là ou encore là, le sol est abîmé, montre Stéphane Chameron, maître de conférences en éthologie, membre du comité social d’administration, encarté SUD-Education, en désignant des dalles usées dans des couloirs ou des escaliers. Donc il peut arriver que de la poussière amiantée soit en suspension dans l’air. C’est une #mise_en_danger. »

    Selon la Cour des comptes, 80 % du bâti de l’université Sorbonne-Paris Nord est aujourd’hui vétuste. Mais le constat national n’est guère réjouissant non plus, avec un tiers du #patrimoine_universitaire jugé dans un état peu ou pas satisfaisant. « Honnêtement, on a honte de faire travailler les étudiants dans ces conditions » , souligne une des enseignantes de l’établissement qui, comme beaucoup, a demandé à rester anonyme.

    En matière d’#encadrement aussi, « la situation est critique », alerte Marc Champesme, chargé du département d’informatique de Paris Nord, membre du syndicat Snesup-FSU. Dans sa composante, le nombre d’étudiants en première année a été multiplié par plus de trois entre 2010 et 2022, et par deux sur les trois années de licence. Dans le même temps, le nombre d’enseignants titulaires n’a pas bougé. « On est maintenant contraints de faire des travaux dirigés en amphi avec soixante étudiants parce qu’on manque de professeurs , réprouve-t-il. Alors même que les pouvoirs publics ne cessent de dire qu’il faut former plus d’informaticiens et de spécialistes de l’IA [intelligence artificielle] , que c’est l’avenir. »

    « Sans l’État, ce ne sera pas possible »

    Ici, comme dans d’autres facultés, les personnels ont été désespérés par le signal envoyé, en février, avec l’annonce de coupes budgétaires de près de 1 milliard d’euros dans l’enseignement supérieur – en contradiction avec la volonté affichée, fin 2023 par Emmanuel Macron, de « donner plus de moyens » pour la recherche. « On nous disait que l’université serait une priorité, mais cela a vite été oublié. C’est un #délaissement total. Et les premiers à trinquer, ce sont nous, universités de banlieue populaire ou de petites villes déjà en mauvaise forme » , s’exaspère un autre enseignant-chercheur de Sorbonne-Paris Nord.

    Cette réalité s’impose comme le signe d’une université française en crise, qui maintient sa mission de service public en poussant les murs, colmatant les brèches et serrant les dents. La conséquence de décennies pendant lesquelles les établissements ont absorbé une augmentation significative de la #population_étudiante, sans que les moyens aient suivi. Entre 2008 et 2021, le nombre d’étudiants a augmenté de 25 %, quand le #budget de l’enseignement supérieur a progressé de moins de 10 %. Quant aux fonds versés par l’Etat liés spécifiquement au #bâti, ils stagnent depuis plus de dix ans.

    Désormais, « ça craque de partout » , résume un enseignant dans un Baromètre des personnels réalisé en 2023 par la Conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche. A Villetaneuse, « on essaie de mettre les bouchées doubles depuis trois ans pour les travaux urgents. On a investi 6 millions d’euros sur fonds propres. Mais on ne dispose pas de ressources infinies. Sans l’Etat, ce ne sera pas possible » , souligne son président, Christophe Fouqueré. Sur tout le territoire, la pression budgétaire contraint les établissements à se contenter de rafistoler un bâti vieillissant plutôt que d’entamer des travaux de #rénovation nécessaires, ou encore à geler les embauches de #titulaires et à avoir recours à des #vacataires précaires – à présent majoritaires au sein des personnels enseignants dans les universités.

    Mais, à l’image de Sorbonne-Paris Nord, certaines se trouvent plus en difficulté que d’autres en matière de conditions d’études. « La question du bâti et de son délabrement éclaire en fait toutes les #inégalités entre élèves, et entre établissements du supérieur : d’abord entre universités et grandes écoles type Sciences Po, mieux loties, et désormais entre universités elles-mêmes, analyse la sociologue Annabelle Allouch, qui mène un projet de recherche sur le #bâti_universitaire. Mais elle renforce aussi ces inégalités, en encourageant des étudiants à adopter des stratégies d’évitement de certains campus. »

    De fait, des #écarts se sont creusés. Si certains campus ont bénéficié de belles rénovations, comme de moyens plus conséquents pour l’enseignement, d’autres universités, moins subventionnées, décrochent. « On a été oubliés du #plan_Campus de 2008, qui a permis à d’autres universités, y compris voisines, de se remettre à niveau » , regrette le président de Sorbonne-Paris Nord. « L’Etat avait fait le choix de porter les efforts sur 21 sites seulement. Cela a créé un premier différentiel, qui n’a cessé de s’accentuer puisque ces universités lauréates ont été, par la suite, mieux placées, aussi, pour répondre à des appels à projet sur le patrimoine » , explique Dean Lewis, vice-président de France Universités.

    Se sont ajoutées les diverses politiques d’ « #excellence », mises en œuvre durant la dernière décennie, et notamment les labels #Initiative_d’excellence, décernés à certains établissements prestigieux, avec des moyens supplémentaires correspondants. « On a été face à des politiques qui ont décidé de concentrer les moyens sur un petit nombre d’établissements plutôt que de les distribuer à tout le monde » , résume la sociologue Christine Musselin.

    #Violence_symbolique

    Une situation qui laisse de plus en plus apparaître une université à plusieurs vitesses. « Quand je passe de mon bureau de recherche de l’ENS [Ecole normale supérieure] aux locaux où j’enseigne, la différence me frappe à chaque fois », témoigne Vérène Chevalier, enseignante en sociologie à l’#université_Paris_Est-Créteil (#UPEC), qui subit aussi, avec ses élèves, un environnement dégradé. Dans certains bâtiments de cette université, comme celui de la Pyramide, les cours ont dû être passés en distanciel, cet hiver comme le précédent, en raison d’une défaillance de #chauffage, la #température ne dépassant pas les 14 0C. En avril, le toit d’un amphi, heureusement vide, s’est effondré sur un site de Fontainebleau (Seine-et-Marne) – en raison d’une « malfaçon », explique la présidence.

    Plongée dans une #crise_financière, avec un #déficit abyssal, l’UPEC est dans la tourmente. Et la présidence actuelle, critiquée en interne pour sa mauvaise gestion des finances. « Mais lorsqu’on voit arriver 10 000 étudiants en cinq ans, on se prend de toute façon les pieds dans le tapis : cela veut dire des heures complémentaires à payer, des locations ou l’installation de préfabriqués très coûteuses » , défend le président, Jean-Luc Dubois-Randé.

    Au sein d’un même établissement, des fossés peuvent se former entre campus et entre disciplines. « Quand mes étudiants vont suivre un cours ou deux dans le bâtiment plus neuf et entretenu de l’IAE [institut d’administration des entreprises] , dont les jeunes recrutés sont aussi souvent plus favorisés socialement, ils reviennent dans leur amphi délabré en disant : “En fait, ça veut dire que, nous, on est les pauvres ?” » , raconte Vérène Chevalier, qui y voit une forme de violence symbolique.

    Ce sont des étudiants « qu’on ne voit pourtant pas se plaindre », constate l’enseignant Stéphane Chameron. « Pour beaucoup issus de classes moyennes et populaires, ils sont souvent déjà reconnaissants d’arriver à la fac et prennent sur eux » , a-t-il observé, comme d’autres collègues.

    Dans le bâtiment Pyramide, à Créteil, une dizaine d’étudiants en ergothérapie préparent leurs oraux collectifs de fin d’année, assis au sol dans le hall, faute de salles disponibles. « Les conditions, cela nous paraît normal au quotidien. C’est quand on met tout bout à bout qu’on se rend compte que cela fait beaucoup » , lâche Charlotte (qui a souhaité rester anonyme, comme tous les étudiants cités par leur prénom), après avoir égrené les #dysfonctionnements : les cours en doudoune cet hiver, l’impossibilité d’aérer les salles, l’eau jaunâtre des robinets ou l’absence de savon dans les toilettes… « Ça va » , répondent de leur côté Amina et Joséphine, en licence d’éco-gestion à Villetaneuse, citant la bibliothèque récemment rénovée, les espaces verts et l’ « ambiance conviviale », malgré « les poubelles qu’il faut mettre dans les amphis pour récupérer l’eau qui tombe du plafond quand il pleut » .

    Dans l’enseignement supérieur, les dynamiques récentes ont renforcé un phénomène de #polarisation_sociale, et les étudiants les plus favorisés se retrouvent aussi souvent à étudier dans les établissements les mieux dotés. La sociologue Leïla Frouillou y a documenté l’accélération d’une #ségrégation_scolaire – qui se recoupe en partie avec la #classe_sociale. Favorisées par #Parcoursup, les universités « parisiennes » aspirent les bacheliers avec mention très bien des autres académies. « Se pose la question du maintien de la #mixité dans nos universités » , souligne-t-elle.

    En l’occurrence, un campus en partie rénové ne protège pas nécessairement ni d’une situation financière délétère, ni de difficultés sociales plus importantes que la moyenne du territoire. L’un des lauréats du plan Campus de 2008, l’#université_Montpellier-III, présente en majesté l’#Atrium. Une bibliothèque universitaire (BU) tout de verre vêtue, un bijou architectural de 15 000 m2 financé par l’Etat, la région et la métropole, et livré en avril à la porte de l’établissement. L’ouvrage masque un campus quinquagénaire arboré et aussi quelques classes en préfabriqué posées provisoirement à proximité du parking… il y a vingt et un ans. Montpellier-III reste l’une des universités les moins bien dotées de France.

    Un peu plus loin, derrière le bâtiment S, Jade attend patiemment son tour. En première année de licence de cinéma et boursière, comme 48 % des étudiants de son université (quand la moyenne nationale est de 36 %), elle s’apprête à remplir un panier de vivres à l’#épicerie_solidaire de l’établissement. Une routine hebdomadaire pour cette étudiante qui a fait un saut dans la #précarité en rejoignant l’université.

    « Nous avons des étudiants qui ne mangent pas à leur #faim » , regrette Anne Fraïsse, présidente de l’université. Ils sont, par ailleurs, ceux qui auraient le plus besoin d’encadrement. Quand, en 2022, l’#université_Gustave-Eiffel, implantée dans différentes régions, reçoit une subvention pour charge de service public de 13 195 euros par étudiant, Montpellier-III en reçoit 3 812. Les universités de lettres, de droit et de sciences humaines et sociales sont traditionnellement moins bien dotées que les universités scientifiques, dont les outils pédagogiques sont plus onéreux.

    Mais dans les établissements d’une même spécialité, les écarts sont considérables. Nanterre, la Sorbonne-Nouvelle, à Paris, Bordeaux-Montaigne ou Toulouse-Jean-Jaurès : toutes ces universités de #sciences_humaines ont une dotation supérieure de plus de 30 % à celle de Montpellier-III. « Si nous étions financés à la hauteur de ce que reçoit Toulouse-II, c’est 30 millions de budget annuel supplémentaire que l’on recevrait, calcule Florian Pascual, élu CGT au conseil scientifique de l’université Montpellier-III. Nous pourrions cesser de gérer la pénurie, embaucher des enseignants. »

    « Un poids pédagogique »

    En février, le conseil d’administration de l’université a voté un budget affichant un déficit prévisionnel de 5 millions d’euros. Alors que l’établissement a augmenté ses effectifs étudiants (+ 7 % sur la période 2018-2021) pour répondre au #boom_démographique, la #dotation de l’Etat par étudiant a, pour sa part, dégringolé de 18,6 % entre 2016 et 2022. Un rapport rendu en juin 2023 par l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, reconnaît « une situation de #sous-financement_chronique et un état de #sous-encadrement_structurel » . L’université doit néanmoins répondre à l’injonction du gouvernement de se serrer la ceinture. « C’est ne pas tenir compte des grandes inégalités entre établissements » , répond Anne Fraïsse.

    « Ce que nous répète l’Etat, c’est de fermer des postes, en réduisant l’administration et en remplaçant des professeurs par des contractuels ou des enseignants du secondaire. Pourtant, dans treize départements, la moitié des cours ne sont plus assurés par des professeurs titulaires, rappelle la présidente de l’université . Cela a un poids pédagogique pour les étudiants. Pour augmenter les taux de réussite, il faut créer des heures d’enseignement et mettre des professeurs devant les étudiants. »

    La pression démographique absorbée par ces universités amène avec elle une autre difficulté insoupçonnée. « Chez nous, le taux d’utilisation des amphis est de 99 %, on n’a quasiment plus le temps de les nettoyer. Alors si on devait faire des chantiers, on n’aurait tout simplement plus d’endroit pour faire cours, et c’est le cas partout » , soulève Julien Gossa, enseignant à l’université de Strasbourg. « Mais plus on attend, plus ça se dégrade et plus ce sera cher à rénover » , souligne Dean Lewis, de France Universités.

    Or, dans certaines facultés, comme en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, la démographie étudiante ne devrait pas ralentir. « Nous ne sommes pas sur un reflux démographique comme d’autres, en raison d’un phénomène d’installation des classes moyennes en grande couronne. On envisage une trajectoire d’augmentation de deux mille étudiants par an durant encore un moment. Il va falloir trouver une façon de les accueillir dignement » , souligne Jean-Luc Dubois-Randé, de l’UPEC. D’autant que, malgré les difficultés matérielles, « les profs sont passionnés et les cours très bons », assure une étudiante, en licence de psychologie à Villetaneuse.

    Conscients de cette valeur des cours dispensés et des diplômes délivrés, les enseignants contactés marchent sur des œufs. En mettant en lumière les points de craquage de l’université, ils craignent d’accélérer la fuite vers l’#enseignement_privé, qui capitalise sur l’image dégradée du public. Pourtant, « former la jeunesse est une mission de l’Etat, baisser les dépenses en direction de l’enseignement, au profit du privé, c’est compromettre notre avenir » , rappelle Anne Fraïsse.

    Le nombre de #formations_privées présentes sur Parcoursup a doublé depuis 2020, et elles captent plus d’un quart des étudiants. « Mais même si elles peuvent se payer des encarts pub dans le métro avec des locaux flambant neufs, elles sont loin d’avoir toutes la qualité d’enseignement trouvée à l’université, qui subsiste malgré un mépris des pouvoirs publics » , souligne l’enseignant Stéphane Chameron.

    La fatigue se fait néanmoins sentir parmi les troupes, essorées. « Comme à l’hôpital, on a des professionnels attachés à une idée du #service_public, gratuit, accessible à tous et adossé à une recherche de haute volée , observe le président de l’UPEC, ancien cadre hospitalier. Mais le sentiment d’absence de #reconnaissance pèse, et on observe de plus en plus de #burn-out. » De la même manière que, dans les couloirs des urgences hospitalières, les équipes enseignantes interrogent : souhaite-t-on laisser mourir le service public ?

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2024/05/11/des-universites-francaises-au-bord-de-l-asphyxie-ca-craque-de-partout_623255
    #ESR #France #université #facs #enseignement_supérieur #recherche

  • Logement : « Le splendide isolement du gouvernement ne peut que conduire à renforcer la ségrégation et à approfondir la crise »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/08/logement-le-splendide-isolement-du-gouvernement-ne-peut-que-conduire-a-renfo

    Le mal-logement, qui touche près de quatre millions de personnes, et l’explosion du nombre de #sans-domicile (330 000 aujourd’hui, 2,3 fois plus qu’il y a dix ans) constituent les manifestations les plus visibles d’une crise du #logement qui n’affecte pas seulement les plus pauvres. L’explosion des prix de l’immobilier (le prix des logements anciens a été multiplié par trois depuis 1998, selon le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre) renforce les inégalités patrimoniales en même temps qu’elle pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, qui consacrent désormais plus du quart de leur budget à cette dépense contrainte.

    La crise rejaillit sur les entreprises, qui peinent à recruter dans les territoires où les prix des logements ont atteint des niveaux qui les rendent inaccessibles aux classes moyennes. Elle contribue à la crise écologique en repoussant ces dernières vers des espaces périurbains toujours plus lointains, au prix d’une #artificialisation_des_sols et d’une automobilité contrainte. Elle renforce enfin la ségrégation sociospatiale, dont on mesure chaque jour les effets délétères sur la cohésion sociale et les inégalités.

    Le « choc d’offre » annoncé par Gabriel Attal dans son discours de politique générale pour résoudre cette crise, décliné dans un projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables bientôt soumis au Parlement, laisse pour le moins circonspect. La promesse avait déjà été faite par le candidat Macron en 2017, mais les mesures adoptées depuis ont produit l’effet inverse.

    La ponction étatique sur les recettes des bailleurs sociaux, à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an, a abouti à un effondrement de la construction HLM, passée sous le seuil des cent mille unités par an depuis 2020 (contre 126 000 en 2016). Combinée avec la hausse des taux d’intérêt, cette mesure a fait plonger la production neuve, qui a diminué de 35 % entre 2017 et 2023. Le gouvernement s’enferre ainsi dans une politique inefficace, restant sourd aux interpellations et aux propositions des acteurs du secteur comme aux analyses des chercheurs.

    Assouplissement des contraintes

    Le Conseil national de la refondation (CNR) logement, mis en place en septembre 2022, avait pourtant permis de rapprocher des acteurs aux intérêts éloignés, des promoteurs privés aux bailleurs sociaux en passant par les associations de défense des personnes mal logées. La concertation avait abouti à l’élaboration de nombreuses propositions visant à renforcer l’accès de toutes et tous à un logement digne, abordable et durable.

    La suite est connue : le ministre qui avait porté le CNR [Olivier Klein] a été exfiltré du gouvernement un mois après la fin de ses travaux, et son successeur [Patrice Vergriete] est resté en poste moins de six mois. Il a été remplacé en février dernier par Guillaume Kasbarian, dont les initiatives et les prises de position lorsqu’il était député laissaient peu de doute quant aux suites qui seraient données aux propositions du CNR.

    Le projet gouvernemental va aussi à rebours des connaissances établies par les chercheuses et les chercheurs, y compris lorsque celles-ci ont été réalisées à l’occasion de démarches évaluatives lancées par les administrations compétentes. C’est notamment le cas pour la #loi_SRU [loi solidarité renouvellement urbain] et son article 55 [qui vise à rééquilibrer l’offre de #logement_social sur l’ensemble du territoire], dont les effets et les limites ont été précisément mesurés à l’occasion de son 20e anniversaire.

    Le bilan aurait dû conduire à un durcissement des contraintes pesant sur les communes réfractaires au logement social. Au contraire, le gouvernement prévoit leur assouplissement, avec l’intégration des logements dits intermédiaires (s’adressant à des ménages dont les revenus dépassent les plafonds) dans les quotas de logements sociaux.

    « Préférence communale »

    Cet allégement de la loi SRU n’était demandé par personne, si ce n’est une poignée de maires de communes très favorisées qui transgressent délibérément la loi depuis de longues années, préférant payer des amendes plutôt que d’accueillir sur leur territoire du logement social. Le blanc-seing donné à ces élus délinquants, qui bénéficient d’une indulgence coupable de certains préfets, marque l’abandon de la principale mesure de l’arsenal législatif de la lutte contre la ségrégation résidentielle.

    La deuxième mesure annoncée par le premier ministre et reprise dans le projet de loi a été moins commentée, alors même que sa combinaison avec la première ne pourrait qu’amplifier la #ségrégation et réduire à néant les perspectives de mobilité résidentielle et d’accès à un logement digne pour des centaines de milliers de ménages. La promesse de « donner la main aux maires pour la première attribution des nouveaux logements sociaux construits sur leur commune » revient en effet à inscrire dans la loi une « préférence communale » qui est déjà une réalité dans de nombreux territoires, du fait d’arrangements informels entre élus, bailleurs sociaux et préfectures.
    Dans un contexte d’explosion des files d’attente à l’entrée du parc HLM (plus de 2,6 millions de personnes sont en attente d’un logement social en 2023), donner aux seuls maires la possibilité de choisir les locataires en limitera l’accès aux ménages déjà présents dans la commune et bloquera de façon corollaire les possibilités de mobilité de tous les autres.

    Ouvrir aux marchés financiers

    Au-delà de ces mesures affectant le logement social, c’est l’orientation austéritaire sous-tendant l’ensemble de la politique du logement menée depuis 2017 qui mérite d’être interrogée. L’effort public pour le logement a atteint un point historiquement bas : 1,6 % du produit intérieur brut en 2023, alors qu’il s’élevait à 2,2 % en 2010.

    Ce désengagement étatique s’accompagne d’incitations pressantes pour que les bailleurs sociaux vendent leur patrimoine. Depuis 2018, les tentatives se multiplient pour ouvrir le secteur aux marchés financiers, sans véritable succès jusqu’à présent – mais jusqu’à quand, compte tenu des pressions structurelles qui pèsent sur les bailleurs ? Comme le montrent, là encore, moult travaux scientifiques, les effets à moyen et long terme de ces politiques ne peuvent être que ravageurs.

    En enterrant les propositions du CNR et en restant sourde aux connaissances scientifiques solidement établies par les politistes, sociologues, géographes, économistes, etc., la politique du logement apparaît pour ce qu’elle est réellement : à l’antipode des principes de rationalité et de concertation sur lesquels le président comme le gouvernement prétendent fonder leur action, une politique guidée par une idéologie néolibérale et austéritaire. Ce splendide isolement ne peut que conduire à renforcer la ségrégation et à approfondir une crise du logement qui a déjà franchi plusieurs points de rupture, contribuant à dégrader durablement les vies de millions de nos concitoyens et la cohésion, y compris politique, du pays. Au moins les incendiaires sont-ils prévenus des conséquences de leurs décisions.

    Retrouvez ici la liste complète des signataires. https://sharedocs.huma-num.fr/wl/?id=4tAFm0kaPH2JzLRFuwaopsZjdR4pfquj&fmode=open
    Premiers signataires : Marine Bourgeois, maîtresse de conférences à Sciences Po Grenoble ; Anne Clerval, maîtresse de conférences à l’université Gustave-Eiffel ; Fabien Desage, maître de conférences à l’université de Lille ; Renaud Epstein, professeur des universités à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye ; Pierre Gilbert, maître de conférences à l’université Paris-VIII Vincennes-Saint-Denis ; Antoine Guironnet, chercheur associé au CEE, Sciences Po ; Ludovic Halbert, chargé de recherche au CNRS ; Thomas Kirszbaum, chercheur associé au Centre d’études et de recherches administratives politiques et sociales ; Pierre Madec, chargé d’étude à l’OFCE, Sciences Po Paris ; Valérie Sala Pala, professeure des universités à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne.

    • Alerte !! Droit au logmùent (DAL), reçu par mel

      Droit Au Logement a pris connaissance de l’avant-projet de loi « développement de l’offre de logements abordables » et constate que ce texte attaque le #droit_au_logement, les victimes de la crise du logement, ses #locataires, et des fondements du logement social. Il acte une nouvel étape du désengagement de l’État dans le logement social et le logement des ménages modestes.

      Sous le titre trompeur « développer l’offre de logement abordable », ce projet de loi vise essentiellement à renforcer la production de #LLI logements intermédiaires, destinés aux catégories aisées, à compenser les effets désastreux de la réforme des APL et à relancer un nouveau cycle spéculatif pour un secteur #immobilier pris à son propre piège, celui du logement cher.

      Faute de rétablir les aides publiques nécessaires, le projet de loi ne permet pas de relancer à un niveau suffisant la production de logements sociaux au plus bas et érige des obstacles au relogement des prioritaires DALOs, des sans-abris et des ménages les plus vulnérables.

      Le Gouvernement tente une diversion en pointant les locataires-HLM-riches -qui-abusent-du-système, or ses effets seront marginaux. Par contre aucune sanction ne s’applique au locataire d’un LLI lorsqu’il dépasse les plafonds de ressource sans limitation une fois dans les lieux. 2 poids 2 mesures ; une loi pour les amis ?

      Pour loger des privilégiés en LLI dans des communes riches, la loi SRU est affaiblie, tandis que les #maires auront la main sur l’attribution des logements sociaux neufs. Ils pourront choisir « leurs » locataires, relançant le #clientélisme_municipal, social, voire la #préférence_nationale dans l’attributions des #HLM et pire encore ...

      Le Préfet pourra déléguer à Action Logement son contingent qui porte sur 25% des attributions annuelles logements sociaux et est dédié aux prioritaires. Si les prioritaires salariés pourront en bénéficier, que deviennent les non salariés et non employables exclus par Action Logement : retraités, personnes porteuses d’un handicap lourd, bénéficiaire de minimas sociaux (RSA, parents isolés ... ) ?

      Ce projet, plutôt que de restituer aux bailleurs sociaux les moyens financiers confisqués (RLS et aides à la pierre), remet en cause leur vocation initiale. Il prévoit :
      – d’augmenter les #loyers HLM des nouveaux locataires, créant un obstacle à l’accès des ménages modestes ;
      – de faciliter la #vente_de_logements_sociaux pour édifier des LLI : c’est des logements sociaux en moins ;
      – de faire le métier de promoteur pour vendre au privé des logements de rapport, faisant glisser les HLM vers les métiers spéculatifs et à haut risque, sans garantir que les recettes seront investies dans le logement social.

      Un durcissement du texte à sa lecture au Sénat courant Juin, est déjà annoncé dans le contexte actuel de surenchère politique anti-pauvre et xénophobe.

      Droit au Logement se mobilisera avec les sans-logis, les mal-logés, les locataires, les demandeurs HLM, les prioritaires DALO et toute les forces sociales engagées contre ce projet de loi qui fait encore reculer le droit au logement pour touTEs et les conquêtes sociales de ces dernières décennies, qui pousse les bailleurs sociaux à spéculer, augmenter les loyers et produire pour loger les cadres-sup.

      Réalisation de 200 000 vrais logement sociaux par an, arrêt des ventes et des démolitions de HLM,

      Baisse des loyers, des charges, et interdiction d’airbnb&Co,

      Lutte contre la fraude aux rapports locatifs, taxation des profits tirés de la spéculation immobilière,

      Application de la loi de réquisition et moratoire des expulsions,

      Renforcement des compétences de l’état en matière d’urbanisme et de politiques du logement,

      Abrogation de la loi Kasbarian-Bergé et abandon de toute poursuites contre les locataires en difficulté et les sans-logis qui occupent des locaux vacants pour se protéger .

      #guerre_aux_pauvres

  • « Il n’y a rien à attendre du corps enseignant » - Frustration Magazine
    https://www.frustrationmagazine.fr/corps-enseignant

    Prendre conscience que l’on n’est qu’un rouage dans cette grande machine à reproduction sociale constitue à mon sens un préalable pour questionner le rapport de l’enseignant aux élèves et à l’institution. Déconstruire l’idée rassurante selon laquelle nous serions au service de la réussite des élèves. Cesser de penser l’école comme un “sanctuaire”, c’est-à-dire comme un espace évoluant en dehors du régime capitaliste. Ne plus se leurrer quant à l’idée que les élèves sont triés en fonction de leur aptitude à se montrer dociles et maîtrisant les codes de la culture dominante. C’est ici qu’intervient la question de la laïcité, pensée comme le mode opératoire central de l’autorité.

    #éducation_nationale #reproduction_sociale #ségrégation #mépris_de_classe #corps_enseignant

    • À cela s’ajoutent les injonctions contradictoires que doivent subir ces adolescent-e-s. On leur martèle au quotidien l’idée que la liberté d’expression est sacrée lorsque dans le même temps tout propos non conforme à ce qu’attend l’institution est signalé à la direction et/ou au procureur. Dans mon collège, des enfants se sont ainsi retrouvés avec leurs parents au commissariat après des paroles formulées en classe. Ce qu’ont compris ces élèves, c’est que la laïcité sert de paravent à l’islamophobie de l’Etat et du service public de l’éducation. Dans le même temps, rien d’étonnant de constater qu’ils ont intériorisé une vision punitive et répressive de la laïcité. La novlangue de l’institution cache mal la fonction première de la laïcité, consistant à racialiser les problèmes sociaux et donc à appréhender ces élèves à partir de leur condition de racisés.

    • le “syndrome du bon élève” que j’ai pu observer chez une majorité d’enseignants : n’étant jamais sorti du système éducatif, ces derniers rejouent ce qu’ils ont vécu comme élève, en intériorisant les normes à respecter et en faisant ce qu’on attend d’eux. Beaucoup de profs ont donc des dispositions innées au conformisme et/ou à l’indifférence, tout en se vautrant dans le fatalisme et l’apitoiement. C’est, à mon sens, ce qui explique la dépolitisation d’une partie du corps enseignant et son incapacité à se mobiliser massivement. C’est ce qui explique aussi que la nature anti-démocratique des instances scolaires ne soit pas questionnée.

      j’ai lu ailleurs : 25% des profs ont voté LePen. ?!?

    • L’élève est libre d’exprimer son opposition à l’ordre dissident et il lui est interdit d’afficher son opposition à l’ordre dominant.

      Son éducation consiste à lui laver le cerveau pour qu’il réagisse instinctivement de cette manière.

    • j’ai lu ailleurs : 25% des profs ont voté LePen

      Pas surprenant : déjà en 2002, il m’avait été rapporté que certains « collègues » avaient voté Le Pen (père). Je ne connais pas le pourcentage national mais ces gens-là étaient en poste sur des ZEP (zones d’éducation prioritaire).

    • Mais ce positionnement de gauche [des votes des enseignants du public] est désormais de 50% environ si l’on intègre le vote pour les candidats d’extrêmegauche. La majorité des enseignants du public (52%) ont voté pour le centre-droit ou la droite en y incluant les 20% d’entre eux qui ont voté pour les candidats de la droite radicale [MLP+EZ+NDA], ce qui paraît peu par rapport aux 47% que cette droite réunit chez les policiers et militaires mais ce qui témoigne d’une évolution profonde du milieu enseignant qui, jusque-là, était resté un bastion de lutte contre l’extrême-droite.

      https://sciencespo.hal.science/hal-03790691

  • Les territoires des émeutes
    https://laviedesidees.fr/Les-territoires-des-emeutes

    Le haut niveau de #ségrégation urbaine constitue le meilleur prédicteur des violences. La différence la plus marquante entre 2023 et 2005 est l’entrée en scène des villes petites et moyennes, où les adolescents de cités d’habitat social s’identifient aux jeunes des banlieues de grandes métropoles.

    #Société #jeunesse #banlieue #révolte #urbanisme #gilets_jaunes
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240412_emeutes.pdf

    • Conclusion

      Le retour sur les émeutes de #2005 a permis de mettre en évidence à la fois des continuités et des changements par rapport à celles de #2023. Si de façon générale, les communes les plus défavorisées ont de plus fortes probabilités de connaître des émeutes, c’est surtout la ségrégation des situations sociales les plus précaires et des immigrés dans des quartiers spécifiques (#QPV) qui apparaît comme un élément de contexte crucial. À profil social et urbain équivalent, avoir un QPV augmente de façon très significative la probabilité de connaître des émeutes. De plus, cette #ségrégation_sociale et ethnique s’accompagne d’une forte #ségrégation_scolaire dont nous avons pu mesurer également l’impact : plus elle est importante, plus les émeutes sont intenses et violentes.

      Les quartiers en question sont ceux directement concernés par la #politique_de_la_ville (QPV, #PNRU, #NPNRU) depuis plusieurs décennies. Si des changements sont indiscutables sur le plan de l’amélioration du cadre de vie des habitants et plus particulièrement des #conditions_de_logement, un grand nombre de ces quartiers continuent de concentrer une large part de la jeunesse populaire d’origine immigrée, celle la plus touchée par la #relégation, les #discriminations et les #violences_policières, et donc celle aussi la plus concernée par les émeutes. Si la #mixité_sociale et ethnique s’est sensiblement améliorée dans certains quartiers, d’autres demeurent des espaces de très forte #homogénéité_sociale et ethnique, que l’on retrouve dans les #écoles et les #collèges. Ceux où les interventions de l’#ANRU ont été moins intenses ont même vu le nombre de ménages pauvres augmenter. En Île-de-France, la quasi-totalité des communes qui avaient connu des émeutes en 2005, pourtant concernées par la politique de la ville, en ont connu également en 2023.

      Notre approche socio-territoriale met d’autant plus en évidence les limites d’une analyse au niveau national, que les émeutes de 2023 se sont diffusées dans un plus grand nombre de petites villes et villes moyennes auparavant moins touchées par ces événements. Cette plus grande diversité territoriale est frappante lorsque l’on compare les banlieues des très grandes métropoles, à commencer par les banlieues parisiennes, aux #petites_villes et #villes_moyennes. Le poids du #logement_social, de l’immigration, la suroccupation des logements, le niveau de #pauvreté, mais aussi la façon dont ces dimensions se rattachent aux #familles_monoparentales et nombreuses, renvoient à des réalités différentes. Pourtant, dans tous les cas, la ségrégation joue un rôle déterminant.

      Cette approche contextuelle ne suffit pas à expliquer l’ensemble des mécanismes sociaux à l’œuvre et ce travail devra être complété à la fois par des analyses plus fouillées et qualitatives, ciblées sur les réseaux sociaux, la police et les profils des protagonistes, mais aussi des études de cas renvoyant aux différentes configurations socio-territoriales. Des études qualitatives locales devraient permettre de mieux comprendre comment, dans les différents contextes, les dimensions sociales et ethno-raciales interagissent lors des émeutes. Cela permettrait par exemple de mieux saisir l’importance de la mémoire des émeutes dans les quartiers populaires des banlieues des grandes métropoles, sa transmission et le rôle des réseaux militants et associatifs. Dans le cas des petites villes et des villes moyennes, la comparaison avec le mouvement des Gilets jaunes apporte un éclairage particulièrement intéressant sur l’intersection et la différenciation des formes que peuvent prendre la colère sociale et le ressentiment.

      #émeutes #violence #villes #urban_matter #violences_urbaines #banlieues #ségrégation_urbaine #violences #statistiques #chiffres

  • Rénover #Cleveland : démolition, #racisme et #agriculture_urbaine dans l’Amérique abandonnée
    https://metropolitiques.eu/Renover-Cleveland-demolition-racisme-et-agriculture-urbaine-dans-l-A

    Un autre #déclin urbain est-il possible ? Dans leur dernier ouvrage, Max Rousseau et Vincent Béal éclairent les ambiguïtés d’une politique qui organise la décroissance et la #ségrégation raciale de Cleveland, entre management par les algorithmes et verdissement de la ville. Nous sommes dans la #Rust_Belt, dans l’envers méconnu de la première puissance mondiale, l’Amérique qui connait la désurbanisation, marquée par la crise des subprimes, le racisme et la ségrégation. Nous sommes plus précisément à #Commentaires

    / déclin, #désinstrualisation, ségrégation, racisme, agriculture urbaine, #États-Unis, Cleveland, Rust Belt, #algorithme, #démolition, renouvellement (...)

    #renouvellement_urbain
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_calenge-gerardot.pdf

  • École : et si les familles de milieux populaires ne se laissaient pas faire ?
    https://www.inegalites.fr/Ecole-et-si-les-familles-de-milieux-populaires-ne-se-laissaient-pas-faire

    Il n’est pas nécessaire de lire dans une boule de cristal pour savoir de quelle catégorie sociale seront les élèves qui seront affectés dans les groupes de « niveau faible ». On dit que ce sera provisoire, mais on sait bien que ça risque de devenir définitif. On peut comprendre que des professeurs y voient une solution aux difficultés bien réelles qu’ils rencontrent. On se doute bien aussi que regrouper les élèves en difficulté en protégeant, par là-même, les autres élèves de leur fréquentation va rassurer les parents des élèves qui vont bien, ces Français qui, si on entend le ministre, « payent des impôts » et qui « veulent un retour sur investissement ». Le « retour sur investissement » impliquerait donc l’aggravation du séparatisme scolaire déjà à l’œuvre dans notre école ?

    • Si ça peut aider :

      http://www.afef.org/halte-la-casse-de-lecole-une-riposte-collective-simpose-0

      Ce texte d’appel pour reconstruire l’école républicaine fait suite à une rencontre en ligne, proposée par l’AFEF le 13 décembre 2023, annoncée dans le Café pédagogique du 22 novembre 2023. Les associations, syndicats, chercheurs présents ont approuvé le projet d’une riposte collective aux annonces ministérielles et présidentielle pour l’école, particulièrement inadaptées aux défis éducatifs actuels, et dangereuses. Ils ont décidé d’une action à long terme pour analyser la situation de l’école et de son environnement, pour chercher des propositions communes, notamment lors d’un Grenelle alternatif de l’école, et pour les diffuser largement. Ce texte constitue une première base, un premier état des lieux des problèmes pour lancer ce chantier.

      https://digipad.app/p/623073/e9b15ab6ebcb2

    • On ne peut alors manquer de s’étonner de la diminution des crédits consacrés aux #bourses et aux fonds sociaux alloués en 2024 aux élèves modestes. Certes, la démographie est en baisse, mais on aurait pu en profiter pour augmenter le montant des bourses en période d’inflation sévère. Ne sait-on pas que ces aides sont essentielles pour aider à acheter une tenue de sport, à payer la cantine ou une sortie scolaire ? On n’ose imaginer qu’on prendrait dans les crédits destinés aux familles pauvres pour financer l’#uniforme scolaire de leurs enfants… Il est vrai aussi qu’on ne peut pas augmenter comme il le faudrait les bourses et les fonds sociaux pour les élèves pauvres et trouver, « en même temps », l’argent que la loi de 2019 oblige le ministère de l’Éducation nationale à donner aux écoles maternelles privées.

      [...] On aurait tort de minimiser l’ampleur du ressentiment des milieux populaires face à l’échec scolaire encore trop massif de leurs enfants. Les politiques actuelles, en accentuant les inégalités sociales face à l’école, précipitent les classes populaires dans les bras de l’extrême droite.

      #école #école_privée #collège_unique #ségrégation #groupes_de_niveau

    • Les politiques actuelles, en accentuant les inégalités sociales face à l’école, précipitent les classes populaires dans les bras de l’extrême droite.

      Et un malheur n’arrivant jamais seul, l’extrême-droite ne fera strictement « pas grand chose » pour améliorer le sort des « classes populaires ». L’extrême-droite n’a pas besoin de prendre le pouvoir : elle est déjà en train de gouverner.
      (La victoire idéologique, toussa)

  • Le programme d’Attal lorsqu’il était ministre de l’éducation reste celui de Oudéa Castéra

    Collège unique : les réformes à faire | Fondation IFRAP [2015]
    https://www.ifrap.org/education-et-culture/college-unique-les-reformes-faire

    L’intention des réformateurs du « collège unique » était louable au premier abord puisqu’il s’agissait pour eux de réussir la démocratisation de l’éducation après avoir réussi sa « massification ». Mais les résultats de ces politiques de nivellement ne se sont pas faits attendre et perdurent jusqu’à aujourd’hui : ce fut l’échec massif, dont les indicateurs les plus terribles sont le quasi illettrisme après la classe de 3ème pour 12% des élèves (source : JAPD) et les sorties sans qualification du système éducatif, enkystées autour de 15% d’une classe d’âge (soit environ 120 000 élèves par an).

    #école #élèves #collège_unique -> tenue unique et #groupes_de_niveau #ségrégation

  • Julien Grenet : « L’école privée sera majoritaire à Paris dans dix ans »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/070224/julien-grenet-l-ecole-privee-sera-majoritaire-paris-dans-dix-ans

    Il n’y a pas une augmentation du nombre d’élèves inscrits dans le privé, c’est davantage lié à la baisse démographique très forte, amorcée depuis 2010, que connaît la capitale. Entre 2010 et 2023, on est passé de 30 000 à 20 000 naissances par an à Paris. Cette très forte baisse se répercute déjà dans le nombre d’élèves inscrits dans les écoles, avec un peu de décalage sur l’entrée en sixième. Et cette baisse se répercute quasi intégralement sur l’enseignement public. Le privé parvient, lui, à maintenir ses effectifs.

    Combien d’élèves le privé à Paris scolarise-t-il aujourd’hui par rapport au public ?

    En pourcentage, Paris est déjà à un taux de privé sous contrat très élevé. Cela s’accentue encore depuis 2023 : la part du privé en élémentaire, c’est 27 %, au collège, 37 % et dans les lycées, 40 %. On est très loin de la répartition d’usage, qui tourne autour de 80 % pour le public et 20 % pour le privé. Le taux d’élèves scolarisés à Paris est deux fois plus élevé que la moyenne en France.

    Pendant longtemps, tout cela était stable, mais la tendance est à une augmentation très forte si l’on regarde l’entrée en CP et en sixième. En sixième, la part augmente d’un point par an. En 2020, on était à 35 %, trois ans plus tard, presque à 39 %. Chaque année, cela augmente au même rythme.

    Et dans dix ans ?

    Ce taux va continuer à augmenter si l’on ne décide pas de fermer des classes dans le privé. Dans le scénario, réaliste, qui est celui d’un maintien des effectifs du public, on sera en 2034 à 51 % d’élèves scolarisés au collège dans le privé. Le privé sous contrat deviendrait donc majoritaire. Pourquoi c’est un problème ? La conséquence d’un tel laisser-faire se traduirait par un niveau insupportable de ségrégation sociale dans le système scolaire parisien.

    Car le privé ne recrute pas n’importe quel type d’élèves…

    S’il maintient ses effectifs en période de baisse démographique, c’est qu’il y a plus de demandes que de places. La baisse démographique permet d’avoir un accès encore plus facile au privé, et d’aller encore moins dans le public. Aujourd’hui, 55 % des familles scolaires les plus favorisées font le choix du privé. Le cap a été franchi cette année. Dans dix ans, on sera à 76 %. Seuls 6% des enfants d’ouvriers ou dont les parents sont sans activité professionnelle seront inscrits dans le privé*. On peut vraiment parler d’une école à deux vitesses.

    Vous avez présenté ces travaux aux élu·es parisien·nes à l’hôtel de ville. Quelle a été leur réaction et quels sont les leviers disponibles, selon vous ?

    Il y a toujours une forme de fatalisme, mais qui tend à diminuer. On peut et on doit faire quelque chose : le premier levier, c’est cette règle du 80-20 dans l’allocation des postes enseignants. Le ministère doit réduire le nombre de postes attribués dans le privé dans l’académie de Paris, c’est une nécessité. À la rentrée 2023, rien ne s’est passé, on a maintenu le même nombre d’élèves que l’an passé, alors qu’on ferme des classes dans le public. Cette demande doit être formulée par le rectorat et par la ville. Avec 30 % d’élèves en moins au total en raison de la baisse démographique, il faut des fermetures de classes, c’est incontournable, mais pourquoi seul le public est-il concerné ?

    Le deuxième levier, c’est le contrôle : il me semblerait parfaitement légitime que soit mise en place une plateforme obligatoire pour recenser les inscriptions dans l’enseignement privé. Pas pour réguler, pas encore, mais au moins pour savoir qui candidate et qui est retenu. L’article 1 de la loi Debré est parfaitement clair : l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État, et tous les enfants sans distinction d’origine, de croyance, ou sociale doivent y avoir accès.

    Qui le vérifie aujourd’hui ? Si l’enseignement privé n’accueille que 3 % des élèves les moins favorisés, est-ce parce que 3 % seulement postulent ou parce que les autres sont recalés ? Ce serait un outil très puissant pour ensuite négocier fermement avec le secteur sous contrat. Cela éviterait les questionnaires d’entrée délirants comme à Stanislas, où l’on demande aux familles si les enfants sont baptisés ou ont fait leur communion...

    Il faut aussi un contrôle pédagogique et financier accru, ce que demande la Cour des comptes, et moduler les financements publics en fonction de critères sociaux. La Haute-Garonne l’a fait, même si ce n’est que sur le forfait éducatif, une toute petite part du financement. Paris a voté un vœu en ce sens, il faut passer aux actes.

    On pourrait vous opposer qu’en le rendant encore plus accessible, on va jeter encore plus de monde dans les bras du privé, même si c’est à des fins, louables, de mixité sociale.

    Oui, j’ai bien conscience que cela comporte des risques. Mais si l’on regarde froidement les chiffres, on est déjà dans un système de ségrégation. Soit on prend acte et on contrôle mieux la part de l’enseignement privé, en essayant de faire en sorte qu’il prenne sa part socialement, soit on choisit le statu quo.

    Bien sûr, on peut ensuite aller plus loin et mettre fin à cette exception très française qui octroie plus de 76 % de son financement à un système scolaire tout en le laissant maître de son recrutement. Il faudra à terme des critères et des quotas.

    • A Paris, la perspective d’un enseignement privé majoritaire à l’entrée au collège, source de nouvelles tensions politiques
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/04/a-paris-la-perspective-d-un-enseignement-prive-majoritaire-a-l-entree-au-col

      Le bouleversement des équilibres entre public et privé tient surtout à la baisse démographique considérable que connaît la capitale et qui, faute d’action ministérielle jusqu’à présent, n’affecte pas le privé et le public dans les mêmes proportions. En 2023, 21 700 naissances ont été enregistrées à Paris, soit 10 000 de moins qu’en 2010. Cette diminution se répercute quelques années plus tard dans les établissements scolaires et est essentiellement absorbée par l’enseignement public.

      Les écoles publiques parisiennes ont ainsi connu une chute de près d’un quart de leurs effectifs de CP depuis 2016, quand ceux des écoles privées sous contrat n’ont baissé que de 4,5 %. Le choc démographique atteint désormais le collège et se traduit par une diminution de 13 % du nombre d’élèves entrant en 6e dans le public depuis 2020, mais il n’a pour l’heure presque aucune incidence sur le nombre d’élèves scolarisés dans le privé. Même si ce dernier n’augmente pas, le poids du privé s’alourdit ainsi mécaniquement.

      [...]

      Comme pour le public, c’est en effet au ministère de l’éducation nationale d’attribuer les postes d’enseignants pour le privé et de décider des ouvertures et des fermetures de classes. Au niveau national, la Rue de Grenelle attribue les moyens en fonction de la proportion d’élèves dans chaque système (20 % des moyens du public attribué au privé). Mais, « à l’échelle d’une académie, il n’y a pas nécessairement de symétrie entre les évolutions de moyens du privé et du public », reconnaît la direction des affaires financières, qui gère les moyens de l’enseignement privé. En 2023, le ministère a ainsi décidé de 337 suppressions de postes d’enseignants dans le public, mais seulement 17 dans le privé.

      « Pour maintenir les équilibres actuels, il faut une action extrêmement volontariste : pour deux classes fermées dans le public, une classe fermée dans le privé », affirme Julien Grenet, pour qui ces projections posent à nouveau l’enjeu de « la régulation d’un secteur subventionné aux trois quarts par l’argent public ». Selon les scénarios qu’il a établis, pour maintenir le statu quo, avec un peu moins de 40 % des élèves de 6e scolarisés dans le privé dans la capitale dans dix ans, il faudrait fermer des classes du privé sous contrat à un rythme de 2,6 % par an.

  • Ecole inclusive : alertes sur un système qui craque

    De 134 000 enfants handicapés scolarisés en milieu dit « ordinaire » en 2004, ils étaient plus de 436 000 en 2022. Faute de formation et d’accompagnement, les professeurs se disent démunis et en souffrance, dans des classes déjà surchargées.

    .... les familles rappellent que de nombreux enfants handicapés recensés comme scolarisés ne le sont pas à temps plein, et que certains n’ont pas accès du tout à l’éducation – le ministère dit en ignorer l’effectif ; la jeune association Ambition école inclusive les estime à 200 000. De l’autre, « un véritable cri s’élève de la part des personnels » de l’éducation nationale au sujet de l’inclusion, prévenaient, en octobre 2023, Benjamin Moignard et Eric Debarbieux, auteurs de l’enquête sur le climat scolaire dans le premier degré. Près des trois quarts du personnel s’y disaient confrontés à des difficultés « fréquentes », voire « très fréquentes », avec des enfants « gravement perturbés » ou « présentant des troubles du comportement », soit deux fois plus qu’en 2011.

    « Enseignants démunis »

    A tel point que le Snudi-FO, syndicat minoritaire du premier degré, a appelé à la grève, le 25 janvier, contre l’« inclusion systématique et forcée » des élèves en situation de handicap en « milieu ordinaire ». Ce mot d’ordre, inédit, a indigné de nombreuses associations et n’a pas été repris par les autres organisations syndicales. Il est toutefois révélateur d’un désarroi dont tous les représentants des enseignants se font l’écho : la dénonciation de l’« école inclusive sans moyens » faisait partie des motifs de la grève intersyndicale du 1er février.

    « Les enseignants sont démunis face à certains troubles, notamment du neurodéveloppement, qui ne relèvent pas de nos compétences pédagogiques. C’est devenu l’une des principales causes de souffrance au travail », s’alarme Guislaine David, à la tête du premier syndicat du primaire, le SNUipp-FSU, soulignant la hausse des situations signalées dans les registres santé et sécurité au travail. Elle s’inquiète désormais que les « tensions résultant du manque de moyens » n’alimentent un rejet du principe même de l’inclusion – il a été attaqué, en 2022, par le candidat Reconquête ! à l’élection présidentielle Eric Zemmour.


    https://www.lemonde.fr/education/article/2024/02/06/ecole-inclusive-alertes-sur-un-systeme-qui-craque_6214976_1473685.html

    https://justpaste.it/cawb8

    edit les commentaires plaident pour la relégation dans des « structures spécialisées » (IME, etc.)

    #école #école_inclusive #ségrégation #AESH

    • Les accompagnants des élèves en situation de handicap, très précaires piliers de l’école inclusive
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/03/les-accompagnants-des-eleves-en-situation-de-handicap-tres-precaires-piliers

      Un rapport d’information du Sénat, publié mercredi, dresse un sévère bilan de la gestion et des conditions de travail de ces personnels, qui représentent pourtant le deuxième métier de l’éducation nationale en effectifs.
      Par Eléa Pommiers, 03 mai 2023

      En moins de dix ans, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont devenus le deuxième métier de l’éducation nationale. Leur effectif a été multiplié par cinq en sept ans pour atteindre presque 124 000 personnes en 2022, presque exclusivement des femmes. Une progression fulgurante, dans le sillage de celle des enfants en situation de handicap dans les écoles, au nombre de 432 000 en 2023, contre 321 000 en 2017 et 134 000 en 2004. Ces professionnels sont désormais « le principal moyen de compensation du handicap », notait, dans un rapport rendu public en décembre 2022, l’inspection générale de l’éducation, et, de fait, les chevilles ouvrières de la scolarisation des élèves handicapés dans le cadre de « l’école inclusive ».

      Mais « l’essor, sur le plan quantitatif, de la fonction d’AESH ne s’est pas accompagné d’une même dynamique sur le plan qualitatif », déplore un rapport d’information du Sénat publié mercredi 3 mai. Une semaine après la conférence nationale du handicap (CNH), lors de laquelle le président de la République, Emmanuel Macron, a promis des mesures encore floues pour les accompagnants des élèves, le sénateur (Les Républicains) de la Savoie Cédric Vial, rapporteur de cette mission d’information, dresse un bilan sévère de la gestion « totalement inadaptée » de ces personnels par l’éducation nationale. Cette dernière, constate le rapport, n’était « indéniablement pas préparée à gérer, tant sur le plan juridique, administratif que budgétaire, cette nouvelle catégorie d’agents ».

      Dix ans après la création de ce métier en 2014, les AESH ne bénéficient toujours d’aucun statut de la fonction publique et cochent toutes les cases de la #précarité. Près de 80 % d’entre eux travaillent en contrat à durée déterminée (#CDD) – une proposition de loi adoptée en décembre 2022 autorise toutefois désormais le passage en contrat à durée indéterminée (CDI) après trois ans en CDD, contre six jusqu’alors.

      Leur rémunération moyenne est comprise, selon les sources, entre 750 et 850 euros net mensuels. La conséquence d’une grille de #salaire au #smic [horaire] sur les neuf premières années, doublée de l’impossibilité pour l’éducation nationale de proposer des temps complets à ces personnels, qu’elle ne peut embaucher que sur le temps de classe et non sur la pause méridienne et le temps périscolaire, à la charge des collectivités territoriales. Les temps complets concernent à peine moins de 2 % des accompagnants des élèves en situation de handicap. « Avec ces contrats, vous ne vivez pas », résume Elisabeth Garnica, présidente du collectif AESH.

      « Mon formateur, c’est Google »

      Dans le cadre de la CNH, Emmanuel Macron a réitéré sa promesse de campagne de proposer, en partenariat avec les collectivités, des contrats de trente-cinq heures aux AESH [absolument délirant en terme de charge de travail !]-, mais aucune modalité concrète de mise en œuvre n’a été avancée, alors que persistent des obstacles de financement et d’organisation du temps de travail pour les personnels.

      En plus de son contrat de vingt-quatre heures avec l’éducation nationale, Clarisse (elle n’a pas souhaité donner son nom, comme toutes les personnes citées par leur prénom), qui exerce dans le Val-de-Marne, cumule par exemple déjà les employeurs pour compléter les 800 euros qui rémunèrent ses vingt-quatre heures d’accompagnement : en plus de son contrat avec l’éducation nationale, elle a signé avec la ville pour deux heures quotidiennes sur la pause méridienne, et avec une association pour une heure trente d’études le soir.
      « Je fais des journées continues de dix heures quatre jours par semaine, et je n’atteins même pas 1 000 euros net par mois, ce n’est pas possible de nous faire travailler comme ça », s’agace cette accompagnante de 50 ans.

      Cette précarité salariale se double de conditions de travail unanimement décrites comme « pénibles » par les AESH, amenés à côtoyer tout type de handicap, du handicap moteur aux troubles du spectre autistique, en passant par les troubles de l’attention ou encore les troubles des apprentissages, sans formation spécifique. « Mon formateur, c’est Google », ironise Clarisse. Il lui a fallu cinq ans avant de recevoir la #formation de soixante heures désormais promise à tous les AESH durant leurs trois premiers mois d’exercice, mais c’était « trop tard » et « trop peu » pour la préparer à la diversité des situations individuelles.

      La plupart des accompagnants des élèves en situation de handicap accompagnent plusieurs élèves chaque semaine, l’#aide_mutualisée a pris le pas sur l’aide individuelle ces dernières années.
      « On est censé écouter les cours, comprendre, reformuler pour les élèves, les aider à écrire quand c’est nécessaire, rappeler les consignes, les canaliser, les calmer s’ils font des crises… Et on en a parfois plusieurs dans une même classe_, détaille Isabelle, qui travaille dans l’Hérault. Il faut être en alerte sans arrêt, après une journée de six heures vous êtes vidé. »

      « Défections de plus en plus nombreuses »

      La tâche est d’autant plus difficile que, comme le constatait l’inspection générale en décembre 2022, et comme le confirme à présent le Sénat dans son rapport, des enfants qui devraient être orientés vers des « établissements et services spécialisés » du fait de leur handicap sont scolarisés en « milieu ordinaire » faute de places dans les établissements médico-sociaux, et dépendent alors entièrement de l’aide humaine que représentent les AESH.

      Nadia accompagne ainsi une fillette de CP à Saint-Etienne qui attend une place dans un institut médico-éducatif. « Nous n’arrivons pas à nous comprendre, elle hurle dans la classe, me mord jusqu’au sang… », déplore l’accompagnante, payée 900 euros par mois pour son CDD de vingt-six heures, qu’elle envisage de ne pas renouveler à l’issue des trois ans. « On sait qu’on fait un travail utile, mais les conditions sont impossibles, c’est de l’exploitation », juge cette femme de 47 ans. L’ancienneté moyenne dans le métier est inférieure à trois ans.

      Le rapport d’information du Sénat s’ajoute à une série d’études précédentes alertant sur des conditions à l’origine d’un profond manque d’attractivité du métier, qui « fait face à une pénurie de plus en plus inquiétante de candidats, à une volatilité grandissante de ses personnels en poste, à des défections de plus en plus nombreuses ». Les remplacements n’étant pas assurés, les ruptures de prise en charge sont ainsi fréquentes pour les élèves. Bien qu’il estime que le recours de plus en plus systématique à « l’aide humaine » traduit « les dysfonctionnements d’un système d’inclusion scolaire » qui a « atteint ses limites », le rapport de Cédric Vial invite à une réforme urgente des « conditions d’emploi des AESH », dont le métier demande encore à être « professionnalisé ».

      Faudra-t-il pour cela redéfinir leurs fonctions afin de pouvoir proposer des temps complets ? Les spécialiser dans l’accompagnement du handicap et donc créer davantage de ponts avec le secteur médico-social, ou bien élargir leur mission à « l’accompagnement à la scolarité » et rapprocher leur travail de celui de personnels de vie scolaire comme les assistants d’éducation ? Cette dernière piste – loin de faire l’unanimité – a été avancée par l’exécutif dans le cadre de la CNH, mais le ministère de l’éducation explique que des « concertations » sont nécessaires et prendront du temps [En fait, la fusion des deux fonctions a manqué d’être adoptée sous forme de cavalier législatif dans la loi de finance, ndc]. Quoi qu’il en soit, conclut le rapport, « il ne peut pas y avoir de politique d’inclusion efficace et pérenne sans évolution notable du statut, du temps de travail et donc de la rémunération des agents chargés de l’accompagnement des élèves en situation de handicap ».

      Les revendications des AESH, qui se sont plus mobilisés que quiconque dans l’éduc nat ces dernières années
      https://www.sudeducation.org/tracts/la-lutte-continue-en-greve-le-3-octobre-aesh-un-metier-un-statut-une-r

      . la titularisation sans condition de concours, d’ancienneté ni de nationalité de tou·tes les AESH dans un corps de fonctionnaire par la création d’un métier d’éducateur·trice scolaire spécialisé·e ;
      . l’augmentation des salaires avec une grille de progression salariale à l’ancienneté, un salaire minimum à 2200 euros bruts (soit environ 1870 euros nets, primes et indemnités comprises) ;
      . l’accès aux primes et indemnités dans les mêmes conditions et aux mêmes montants que ceux fixés pour les autres personnels (notamment l’indemnité REP/REP+) ;
      . la reconnaissance d’un temps plein pour 24 heures d’accompagnement auxquelles s’ajoutent les heures connexes pour le travail de préparation, de suivi et de concertation ;
      l’abandon des PIAL et de la logique de mutualisation ;
      une véritable formation initiale et continue, sur temps de service ;
      . la création de brigades de remplacement pour assurer le remplacement des collègues absent·es ;
      . un droit à la mobilité, interacadémique et intra-académique.

    • Face aux défaillances de l’Etat, des accompagnants privés pour les élèves en situation de handicap
      https://www.lemonde.fr/education/article/2022/09/13/face-aux-defaillances-de-l-etat-des-accompagnants-prives-pour-les-eleves-en-


      AUREL

      Des parents sont contraintes d’engager leur propre AESH dit privé, souvent par le biais d’associations, avec l’accord des rectorats ou des chefs d’établissement. Au risque de la rupture d’égalité.
      Par Carla Monaco, 13 septembre 2022

      « Bonjour, nous recherchons une AESH privée pour accompagner notre enfant pour l’année scolaire 2022-2023. Nous proposons un contrat en milieu scolaire et des heures en plus en dehors si possible. » Bien avant la rentrée, les petites annonces de parents à la recherche d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) fleurissaient sur plusieurs groupes Facebook. Comme pour les enseignants, le métier d’accompagnant souffre d’un manque d’attractivité.

      L’annonce, en juillet, par le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, du recrutement de 4 000 AESH à la rentrée 2022 n’a pas résolu entièrement le problème. Le 1er septembre, de nombreux enfants à besoins éducatifs particuliers (BEP, selon la terminologie officielle), pourtant notifiés d’un accompagnement par la Maison départementale des personnes handicapées, se sont retrouvés seuls, sans AESH, au risque de voir leur accès en classe entravé. Selon une enquête du syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN-UNSA), publiée mardi 13 septembre, 44 % des personnels de direction du second degré manquaient d’au moins un AESH pour accompagner leurs élèves au moment de la rentrée.
      Face aux carences de l’Etat, des familles recherchent par elles-mêmes, ou par le biais d’associations, des AESH dits privés. « Nous étions obligés car la directrice nous a dit que notre fille ne pouvait pas être scolarisée sans AESH », raconte Sabrina (le prénom a été modifié), mère d’une enfant porteuse du trouble du spectre autistique (TSA). Avec son mari, ils ont embauché un accompagnant durant quelques mois en 2020 pour intervenir quinze heures par semaine aux côtés de leur petite fille dans son école à Courbevoie (Hauts-de-Seine) mais également à domicile. Malgré un contrat chèque emploi-service universel, qui permet que les dépenses soient remboursées à 50 % grâce au crédit d’impôt, le couple peine à couvrir toutes les dépenses, déjà acculé financièrement par le coût de la supervision de l’association et les honoraires des professionnels de santé pour son enfant. « On avait dû faire un crédit, c’était très compliqué. La psychologue superviseuse [de l’association] nous coûtait 70 euros de l’heure », ajoute Sabrina.

      « Rupture d’égalité »

      Le montant d’une prise en charge peut se révéler conséquent. L’association B-aba Autisme le chiffre à 1 141 euros par mois pour seize heures par semaine, accompagnement scolaire, supervision par des professionnels médico-sociaux et « coaching des intervenants et des parents » compris. « Il y a une vraie rupture d’égalité parce que les classes populaires n’y ont pas accès, ce n’est pas un service public », relève Manuel Guyader, AESH et représentant syndical SUD-Education, tout en déplorant que « la version service public » soit « vraiment au rabais, autant pour les personnels que pour les élèves ».

      Le recours à des AESH privés s’est développé principalement dans l’accompagnement d’enfants autistes et se pratique surtout dans les académies d’Ile-de-France. De nombreuses associations y proposent leur offre. Auparavant AESH dans le public, avant de s’arrêter après la naissance de son enfant, Céline Le Clanche a repris l’exercice en privé en mars dans l’académie de Versailles. « J’ai vu une annonce sur Facebook postée par une dame qui habitait la même ville que moi. J’ai sauté sur l’occasion. Après l’entretien avec les parents et la psychologue de l’association, j’ai été embauchée », retrace-t-elle. Elle intervient entre douze et seize heures par semaine en classe, et à domicile pendant les vacances. Lorsqu’elle s’est présentée pour la première fois à l’école, personne ne lui a rien demandé. « C’est assez étonnant. La psychologue avait dû envoyer mon CV », présume-t-elle.

      Initialement, l’intervention d’un accompagnant se faisait plutôt dans les établissements privés, plus souples. Mais depuis la loi dite handicap de 2005, qui garantit notamment l’inclusion scolaire des enfants handicapés, l’éducation nationale a progressivement ouvert ses portes mais a parfois du mal à assurer ce droit. « Quand il n’y a plus d’argent, l’accompagnement cesse et on invite les familles à se tourner vers des associations pour que l’enfant reste en classe. C’est un chantage, un stratagème illégal car une AESH peut seulement être recrutée par l’éducation nationale », tonne Jean-Luc Duval, du Collectif Citoyen Handicap, qui organise des opérations militantes.

      Convention particulière

      Le procédé peut surprendre, surtout avec le plan Vigipirate, limitant l’accès dans les écoles pour toute personne extérieure. Comment ces travailleurs peuvent-ils y intervenir ? Et leur « psychologue référent », censé leur rendre visite ? « Ces personnels embauchés sous statut privé n’ont pas un statut d’AESH. Si des familles ont recours à des personnes pour l’accompagnement de leur enfant, ce ne peut pas être dans la classe, sauf avec l’accord express du directeur d’école ou du chef d’établissement des professeurs concernés… », rappelle le ministère. L’autorisation prend la forme d’un papier signé par le chef d’établissement, l’association et l’inspecteur. L’AESH prend dès lors d’autres noms, comme accompagnant psycho-éducatif.

      Certaines associations bénéficient néanmoins d’une convention avec les services académiques. Après avoir présélectionné leurs accompagnants, elles les soumettent à l’Etat qui les recrute directement. « Leur coût est beaucoup moins élevé pour des familles qui n’auraient pas eu les moyens de se payer une accompagnante privée », se réjouit Jean-René Buisson, président de Sur les bancs de l’école, conventionnée depuis deux ans en Ile-de-France. Le rectorat de Paris reconnaît collaborer avec certains acteurs associatifs « pour le recrutement d’AESH dits privés comme explicitement prévu pour le champ de l’autisme via la loi de 2005 », et se félicite d’un « service de grande qualité avec une rotation moindre notamment du fait de leur formation de qualité ».

      Mieux payés, mieux formés que dans le public

      Salariés ou non de l’éducation nationale, ces accompagnants sont supervisés et formés par les associations, alors même qu’aucun lien hiérarchique officiel ne les y relie. C’est dans cet encadrement officieux que des AESH trouvent satisfaction. « Cette supervision fait tout parce que ce n’est pas un métier si facile. On peut parler des petites choses qui se sont moins bien passées avec un psychologue qui nous conseille et nous remotive », explique Astrid (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), qui a accompagné un collégien porteur de TSA pendant un an. En 2020, cette ancienne employée d’entreprise décide de se tourner vers l’accompagnement privé par le biais d’une association, « freinée » par la rémunération modeste proposée par l’éducation nationale, de 750 euros mensuels en moyenne. « J’étais mieux payée qu’une AESH publique », indique-t-elle, sans vouloir préciser ce qu’elle touchait.

      Mieux payés que dans le public, mieux formés aussi. Formations spécifiques sur l’autisme, les troubles « dys » et de déficit d’attention, méthodes d’apprentissages alternatives sont dispensées au sein des associations, sur le temps libre des accompagnants.

      Du côté de l’éducation nationale, la formation initiale s’étale sur 60 heures mais elle arrive souvent bien après la prise de fonction. Quant à son contenu, beaucoup le jugent insuffisant. « C’est plus que survolé, se souvient Christelle Stock, éducatrice spécialisée libérale, ancienne AESH dans le public et le privé dans le Vaucluse. Une grande partie porte sur le fonctionnement de l’éducation nationale. Or, nous, ce qu’on veut savoir c’est : qu’est-ce que l’autisme ? Un enfant qui a des troubles neurodéveloppementaux ou des troubles du comportement ? »

      Meilleure reconnaissance

      La différence public-privé se ressent aussi en matière de reconnaissance. Céline Le Clanche et Astrid disent s’être senties vues comme de vraies professionnelles et non des « pions » utilisés parfois pour « faire autre chose ». Un sentiment qui a pu s’exacerber avec la mise en place décriée des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL). Ce dispositif de mutualisation lancé en 2019 consiste à répartir les AESH sur les établissements d’un même secteur et donc entre plusieurs élèves, diminuant du même coup le nombre d’heures d’accompagnement.

      « Je rencontre beaucoup d’AESH qui sont prêtes soit à laisser tomber la profession, soit à travailler différemment. Elles sont très demandeuses car on leur propose de suivre un seul enfant, lorsque les PIAL leur en font suivre plusieurs », remarque Gladys Lauzeat, créatrice du groupe Facebook « AESH privées et parents : recrutements, placements, formation, conseils ». Ex-accompagnante éducation nationale, elle a lancé son service de mise en relation de parents et d’AESH. L’idée lui est venue durant les confinements, lorsque des AESH se sont retrouvés sans nouvelles des enfants accompagnés car, dans le système public, ils n’ont pas le droit d’entrer en contact avec les familles en l’absence de l’enseignant.

      Très sollicités, Gladys Lauzeat et Jean-René Buisson demeurent conscients que leur offre d’accompagnement ne peut être la réponse aux carences de l’Etat, du fait de son caractère inégalitaire. « Nous étions satisfaits par ce service mais c’est une solution de dernier recours. L’école étant un droit, l’enfant doit pouvoir être accompagné », souligne pour sa part Sabrina, soulagée que sa fille soit de nouveau accompagnée par une AESH publique en cette rentrée.

    • .... avec les groupes de niveau, le ministère entend faire une nouvelle économie de personnels AESH. Si les groupes de niveau sont mis en place, les élèves en situation de handicap, qui réussissent moins bien faute d’adaptation et de compensation, seront orientés vers les groupes d’élèves faibles dès la classe de sixième. Avec la mutualisation mise en place depuis 2017 par le ministère, il pourra être demandé à un⋅e personnel AESH d’accompagner simultanément tou⋅tes les élèves en situation du groupe qu’importe leur handicap et leurs besoins.

      https://www.sudeducation.org/communiques/les-mauvaises-reponses-de-gabriel-attal-pour-lecole-inclusive-aesh-ces

      #groupes_de_niveau #AESH_mutualisé

  • Pour l’inclusion scolaire, « il faut désormais investir massivement dans la compétence des équipes pédagogiques »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/pour-l-inclusion-scolaire-il-faut-desormais-investir-massivement-dans-la-com

    Le 25 janvier, des enseignants se sont mis en grève pour demander l’arrêt de l’inclusion à l’école. En parallèle, des associations d’adultes handicapés se battent pour le respect de la charte de l’Organisation des Nations unies (ONU) par la France. Cette dernière exige l’arrêt de la ségrégation dans des établissements spécialisés. Par ailleurs, les réseaux sociaux sont emplis de témoignages de parents qui se battent pour l’effectivité des droits de leurs enfants à une scolarité dans leur école de quartier ou dans une structure spécialisée. Comment renouer le dialogue entre ces désirs inconciliables et permettre un droit réel à une scolarité de qualité, inclusive et en proximité pour tous ?
    Vice-présidente du département de la Loire-Atlantique chargée du handicap, siégeant aux conseils d’administration de collèges et professeure des écoles, j’ai la chance d’avoir un pied dans chaque monde : le médico-social et l’éducation nationale. Sur le terrain, en centre-ville comme en réseau d’éducation prioritaire (REP+) ou en milieu rural. C’est un poste d’observation privilégié des pratiques des uns et des autres.

    La situation kafkaïenne actuelle est, sans ambiguïté, issue de la loi de 2005 – qui voulait affirmer le droit à l’éducation pour tous les enfants. Cette loi n’a envisagé l’accès à l’école que sous l’angle du droit, sans penser les adaptations et moyens nécessaires qui permettraient de réussir ce défi.

    Au lieu de former les enseignants et de partir des besoins des enfants, c’est la politique d’insertion qui a été sollicitée en proposant des emplois précaires, mal payés et sans formation à des femmes en réinsertion. On a construit des rampes, créé des formulaires et des sigles : PPI (projet pédagogique individuel), PPS (projet personnalisé de scolarisation), GEVA-sco (guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation) sans jamais se poser la question de l’adaptation initiale des contenus. C’était à l’enfant de s’adapter, par des compensations, à la norme inchangée et inaccessible.

    Un succès pour de nombreux enfants

    Vingt ans après, l’inclusion des enfants en situation de handicap s’est massifiée, avec plus de 400 000 enfants scolarisés. Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) représentent le deuxième contingent de l’Etat en matière d’effectifs, toujours précaires et peu formés, affectés à n’importe quels enfants. Ce sont donc les personnes les moins formées qui ont la charge des enfants avec le plus de besoins. Faute de #formation et de temps spécifique, les #enseignants ont réparti la difficulté dans toutes les classes. Elles comprennent chacune un à plusieurs élèves handicapés, sans bénéficier d’adaptation des programmes à cette hétérogénéité grandissante.

    Cette montée en puissance des AESH a été financée par un gel des structures spécialisées, et les listes d’attente ont enflé. Il y a en moyenne quatre ans d’attente, passés en classe ordinaire ou en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS). L’autonomie de ces enfants stagne alors ou régresse.

    C’est le tableau bien sombre d’un navire qui prend l’eau de partout. Malgré tout, pour de nombreux enfants, la scolarité inclusive est un succès. Nos enfants ont été sensibilisés à la différence. Ils trouvent normal que certains aient des aides humaines ou techniques pour accéder à l’école. Il y a désormais autant d’élèves en ULIS au collège qu’en primaire. Et de plus en plus d’entre eux poursuivent en CAP, en BTS ou à l’université.

    Il faut désormais changer de braquet, et se décider à investir massivement dans la compétence des équipes pédagogiques. La #maternelle est souvent l’âge du repérage des troubles du comportement, et l’élémentaire, celui des troubles « dys » – la dyslexie, la dyspraxie, la dyscalculie ou la dysphasie. Ces particularités devraient être maîtrisées par chaque enseignant, avec une formation généralisée au handicap, initiale et continue. Ces professeurs ne doivent pas être seulement aptes à remplir un formulaire.

    Ils devraient pouvoir proposer des contenus accessibles à tous, disposer de #matériel_adapté et savoir l’utiliser, organiser les espaces de la classe pour réduire les sursollicitations sensorielles. Les programmes doivent être revus en prenant en compte l’hétérogénéité des classes : des enfants à besoins différents ne peuvent pas tous apprendre la même chose en même temps.

    La nécessité de prises en charge de proximité

    S’ils sont mis dans de bonnes conditions, les enfants avec des troubles prononcés ont toute leur place à l’école. L’exemple de nos voisins italiens et portugais le prouve. Encore faut-il décrire ces bonnes conditions. Elles commencent par de la stabilité affective et un nombre d’adultes formés renforcé.

    Plutôt que de répartir les moyens dans chaque classe, en saupoudrage, il faut concentrer les renforts pour plusieurs enfants. Pour cela, il faut créer des classes de cycle dans chaque école, où les enfants restent sur la durée du cycle avec les mêmes adultes, en mélangeant, sur la base du volontariat, élèves ordinaires et à besoins spécifiques. Les effectifs doivent y être limités à quinze élèves au maximum, avec la présence de deux professeurs en coenseignement, dont un spécialisé, et un AESH.
    Chaque circonscription devrait bénéficier d’une école avec une unité d’enseignement adaptée à l’autisme, ainsi que de dispositifs ULIS, afin de permettre des prises en charge médico-sociales de qualité en proximité, et arrêter de mettre les enfants dans des taxis pour rejoindre de lointains instituts médico-éducatifs.

    Au #collège, l’équipe de vie scolaire devrait comporter un éducateur spécialisé pour accompagner les jeunes hors des temps de classe. De même, il est nécessaire d’avoir une classe par division à effectifs restreints, un AESH spécifique et une salle de classe fixe pour éviter les angoisses liées aux changements de lieux toutes les heures.

    Sans révolutionner l’éducation nationale, ces mesures de bon sens, généralisées, permettraient de limiter la perte de repères et l’essoufflement des familles comme des professionnels face au challenge de l’inclusion. Ces mesures – un AESH faisant partie d’une équipe de classe dans une seule école, l’évolution de parcours pour les enseignants en cours de carrière par la spécialisation, la satisfaction de voir progresser les élèves avec des moyens concentrés sur les besoins… le tout en étant répartis en proximité sur le territoire – apaiseraient le climat scolaire et sécuriseraient des professions.

    Ombeline Accarion est par ailleurs vice-présidente EELV Personnes en situation de handicap et Autonomie de Loire-Atlantique.

    #école #élèves #ségrégation #AESH

  • Désavoué par Amélie Oudéa-Castéra dans sa réforme des classes prépa, le recteur de Paris démissionne | Actu Paris
    https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/desavoue-par-amelie-oudea-castera-dans-sa-reforme-des-classes-prepa-le-recteur-

    « La reproduction sociale caractérise encore beaucoup trop notre système éducatif. Paris en est un exemple, certains diront un miroir grossissant. » Ces termes, forts, ne sont pas de Pierre Bourdieu, mais bien de Christophe Kerrero. Le recteur de l’académie de Paris vient d’annoncer sa démission dans une lettre adressée aux personnels enseignants de l’académie de Paris. Une crise de plus à gérer pour la ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra.

    • Le recteur avait averti à l’automne 2023 de la fermeture de quatre #classes_préparatoires et l’ouverture de trois autres à la rentrée 2024, mais un moratoire sur ces fermetures a été annoncé au Conseil supérieur de l’éducation du 31 janvier par Amélie Oudéa-Castéra, sans que Christophe Kerrero en ait été informé. Le sujet était arbitré « en faveur » du recteur il y a plusieurs semaines. « Cela était clos et entendu avec Matignon. Le recteur de Paris a découvert la décision de la ministre via les réseaux sociaux des syndicats », assure-t-on dans son entourage.

      Dans son long courrier, le recteur semble regretter le choix de surseoir à cette évolution de la carte des formations parisiennes. Il revient sur le projet de prépa au concours de professeur des écoles, en évoquant un dispositif destiné à « aller chercher des bacheliers pour qui l’enseignement constitue une voie de promotion sociale et pour former des professeurs dont nous manquons cruellement ». Il assume également d’avoir choisi « pour cela [de] fermer, en effet, quelques classes au sein d’une carte parisienne dont l’offre dépasse largement les besoins ».

      Le recteur évoque également le grand chantier de ces dernières années : mettre fin aux « #lycées_de_niveau » et aux ghettos scolaires qui se renforçaient jusqu’alors dans les lycées publics parisiens. Pour réussir ce pari, le recteur d’académie avait lancé dès l’hiver 2020-2021 une réforme de la plate-forme d’Affectation des lycéens par le Net (Affelnet), entrée en application en 2008 et utilisée partout en France pour répartir les élèves de 3e dans les lycées – avec un paramétrage différent pour Paris.

      A l’issue de cette réforme, « en l’espace de deux ans, la ségrégation sociale des lycées publics de la capitale, qui était supérieure de 15 % à la moyenne des autres académies, est devenue inférieure de 26 % à cette moyenne », résumaient Julien Grenet et Pauline Charousset, chercheurs à l’Ecole d’économie de Paris, dans une note d’analyse diffusée le 8 février 2023. L’année suivante, le dispositif est élargi aux prestigieux lycées Louis-le-Grand et Henri-IV, non sans provoquer de polémiques.

      Dans sa lettre de démission, Christophe Kerrero rappelle qu’il a « été l’un de ces élèves en échec ». « Il s’en est fallu de peu que je ne rejoigne la cohorte des exclus si certains professeurs, dans un autre cadre, n’avaient cru à mes capacités révélées plus tardivement », poursuit-il.

      https://justpaste.it/2s9pi

      Le beau geste d’un libéral hostile aux rentes de situation
      https://seenthis.net/messages/852711

      #école #élèves #Paris #éducation_nationale #groupes_de_niveau #ségrégation_sociale #classes_préparatoires #démission

  • L’alerte des chefs d’établissement scolaire sur la mise en place des groupes de niveau
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/24/l-alerte-des-chefs-d-etablissement-scolaire-sur-la-mise-en-place-des-groupes

    L’initiative est rare de la part d’une organisation syndicale représentant des cadres de l’#éducation_nationale peu coutumière des oppositions frontales au ministère. Le SNPDEN-UNSA, largement majoritaire chez les #chefs_d’établissement du public, a remis lundi 22 janvier un courrier « d’alerte » à la ministre de l’éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra, sur les #groupes_de_niveau au collège. Cette mesure, décidée en décembre 2023 par Gabriel Attal lorsqu’il occupait encore son poste Rue de Grenelle, est « contraire à nos valeurs » et « engendre de nombreuses difficultés techniques et organisationnelles », dénonce le syndicat. « Il n’y a rien de plus difficile pour des cadres que de porter un projet auquel ils ne croient pas, et contraire à ce qu’ils ont toujours porté », prévient le courrier.

    https://justpaste.it/bwpfl

    La #ségrégation / #relégation est trop franche ?

    #défection ?

    • « Nous sommes à certains moments obligés de procéder à certaines fermetures de classes. Les écoles peuvent être performantes, mais si le nombre d’enfants est trop réduit pour une classe donnée c’est toute l’émulation qui est remise en cause », assure @AOC1978.

      Avant d’être démise, une défense inévitablement pernicieuse des sureffectifs scolaire et de la compétition.

      #école

  • « Faire du brevet l’examen de l’entrée en seconde, c’est la fin programmée du collège unique », Claude Lelièvre

    Invité à préciser ce qu’il entendait par « libéralisme avancé », le président de la République Valéry Giscard d’Estaing (« VGE ») déclarait, sur RTL, le 20 mai 1975 : « Il y a dans la pensée de gauche des éléments positifs importants dont je compte bien m’inspirer ; ce qui fait que, dans l’action libérale avancée, il y a beaucoup d’idées de gauche qui doivent être mises en œuvre. »

    Quelques-unes d’entre elles ont alors défrayé la chronique : création d’un secrétariat à la condition féminine, loi Veil sur l’IVG, abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans, regroupement familial pour les immigrés, collège unique.

    On aurait pu penser qu’avec son antienne du « en même temps », la présidence d’Emmanuel Macron s’inscrirait dans cette filiation. On voit clairement qu’il n’en est rien. La loi Veil sur l’IVG a été adoptée avec l’appui de l’ensemble des députés de gauche le 20 décembre 1974 et une minorité de parlementaires de droite.

    A contrario, la récente loi sur l’immigration a été adoptée avec l’appui de l’ensemble des députés du Rassemblement national. Par ailleurs, Michelle Perrot, la grande spécialiste de l’histoire des femmes, a pu se dire « scandalisée » par les propos d’Emmanuel Macron concernant l’affaire Depardieu.

    Rupture avec la « tradition républicaine »

    La conception du « collège unique » est une version française de l’« école de base » suédoise (sociale-démocrate), de la « comprehensive school » (travailliste), de la « Gesamtschule » (sociale-démocrate). Dans le cadre du « libéralisme avancé », le collège unique a été voulu et porté personnellement par Valéry Giscard d’Estaing, mais a rencontré de nombreuses oppositions, en particulier dans son propre camp politique. Encore en octobre 1991, Alain Juppé (alors secrétaire général du RPR) proclamait qu’il fallait « casser le collège unique ». Mais, dans son livre paru en vue de la campagne présidentielle de 2017, il ne prônait plus que quelques aménagements.

    Marine Le Pen, elle, a proposé dans son programme pour l’élection présidentielle de 2022 une arme de « destruction massive » afin d’en finir avec le collège unique : « Le diplôme national du brevet deviendra un examen d’orientation post-troisième. » L’ex-ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, a repris pour l’essentiel cette prescription en annonçant que le brevet serait désormais une condition nécessaire pour entrer en seconde (générale et/ou technologique ?), ce qu’il n’a jamais été jusque-là. Faire du brevet l’examen de l’entrée en seconde, c’est choisir sans appel que le collège doit être une propédeutique au lycée, et non pas la deuxième phase d’une instruction obligatoire (pour tous).

    C’est la fin programmée du collège unique et de son sens originel initié dans le cadre du libéralisme « avancé ». « VGE » avait été très net, en 2001 : « Le débat doit se concentrer sur cette question : quels savoirs donner à cet ensemble de jeunes qui constituent un acquis culturel commun ? On n’a guère avancé depuis vingt-cinq ans. Au lieu d’avoir rabattu tout l’enseignement des collèges vers l’enseignement général, les rapprochant des classes de la 6e à la 3e des lycées d’autrefois, en un peu dégradé, il aurait mieux valu en faire une nouvelle étape de la construction du cycle scolaire. »

    Le renoncement aux ambitions portées par le libéralisme « avancé » dans certains domaines peut parfois aller plus loin et rompre non seulement avec le « libéralisme avancé » mais même avec la simple « tradition républicaine ». On peut en prendre pour exemple significatif la volonté réitérée constamment ces derniers mois par l’ex-ministre de l’éducation nationale d’aller vers une forte « labellisation » ministérielle des manuels scolaires.

    Le choix des manuels scolaires, question vive

    La question du choix des manuels scolaires a été une question vive lors de l’instauration de l’école républicaine et laïque, sous la IIIe République. Le 6 novembre 1879, le directeur de l’enseignement primaire, Ferdinand Buisson, dans une note adressée à Jules Ferry, indique qu’« il y aurait de graves inconvénients à imposer aux maîtres leurs instruments d’enseignement » et qu’« il n’y en a aucun à leur laisser librement indiquer ce qu’ils préfèrent ».

    En conséquence, Jules Ferry signe, le 16 juin 1880, un arrêté qui fait largement appel au concours des maîtres et il souligne que « cet examen en commun deviendra un des moyens les plus efficaces pour accoutumer les enseignants à prendre eux-mêmes l’initiative, la responsabilité et la direction des réformes dont leur enseignement est susceptible ». Le 13 octobre 1881, une circulaire établit, pour les professeurs de collèges et lycées, des réunions mensuelles en leur confiant le choix des livres de classe.

    L’école républicaine instituée sous la IIIe République s’est ainsi distinguée nettement de ce qui l’a précédée et de ce qui l’a suivie dans ce domaine. Par exemple, François Guizot, ministre de l’instruction publique en 1833, a fait paraître des manuels scolaires officiels dans les cinq matières principales de l’école primaire. Et, dès l’arrivée de Philippe Pétain au pouvoir, un décret du 21 août 1940 a mis un terme à l’attitude libérale qui avait prévalu : ce décret ne traite plus de la liste « des livres propres à être mis en usage » mais de celle « des livres dont l’usage est exclusivement autorisé ».

    A la Libération, le 9 août 1944, une ordonnance annule « tous les actes relatifs à l’interdiction de livres scolaires ou instituant des commissions à l’effet d’interdire certains livres ».

    En miroir, on peut rappeler la réponse du ministre de l’éducation nationale Alain Savary à une question écrite de parlementaires en avril 1984 à propos d’un manuel incriminé : « Le ministre ne dispose pas du pouvoir d’injonction lui permettant de faire retirer ni même de faire amender un ouvrage. Il n’exerce aucun contrôle a priori sur le contenu des manuels scolaires et il n’a pas l’intention de modifier la politique traditionnellement suivie à cet égard. Il n’existe pas de manuels officiels, pas plus qu’il n’existe de manuels recommandés ou agréés par le ministère de l’éducation nationale. Il y a eu dans le passé des tentatives allant dans ce sens, avec risques de censure. »

    Oui, dans bien des domaines, on est désormais loin de l’horizon d’un certain libéralisme « avancé » qui se voulait « moderniste » : ce qui se profile, c’est presque sans fard un libéralisme « d’attardés » plus ou moins assumé.

    Claude Lelièvre est l’auteur de L’Ecole d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire (Odile Jacob, 2021).

    https://www.lemonde.fr/education/article/2024/01/16/faire-du-brevet-l-examen-de-l-entree-en-seconde-c-est-la-fin-programmee-du-c

    #école #BEPC #collège

    • « Si le récit égalitaire perdure, l’Etat organise une forme d’optimisation scolaire », Laurent Frajerman
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/16/si-le-recit-egalitaire-perdure-l-etat-organise-une-forme-d-optimisation-scol

      L’ancien ministre Gabriel Attal avait annoncé, en novembre 2023, avant sa nomination comme premier ministre le 9 janvier, un important train de mesures pour réformer l’éducation nationale, incluant d’aborder la « question du tabou du #redoublement » et de créer des #groupes_de_niveau au collège. Au regard des enquêtes internationales, personne ne conteste plus la baisse du niveau des #élèves français, même de ceux qui figurent parmi les meilleurs.

      L’ex-ministre en avait conclu que l’#enseignement doit se montrer plus exigeant, ce qui correspond à un sentiment très majoritaire. Outre les menaces qu’elles font peser sur la liberté pédagogique, on peut douter que les mesures soient à la hauteur de l’enjeu. Toutefois, ces critiques ne peuvent dissimuler que cela fait plus de dix ans que la dynamique positive qui a démocratisé l’école française a disparu. La panne du modèle actuel, miné par la #ségrégation_sociale et des cures d’#austérité à répétition, impose des changements. Tout l’enjeu étant de savoir si c’est pour revenir aux années 1950 ou pour relancer sa démocratisation.

      Les politiques éducatives menées depuis le général de Gaulle œuvraient pour la scolarisation de tous les élèves du même âge dans une structure identique, dans l’objectif de leur délivrer le même enseignement. En conséquence, les classes ont été marquées par une hétérogénéité croissante, avec son corollaire : une baisse d’exigence, afin de faciliter l’accès de tous les élèves aux anciennes filières élitistes.

      Avec succès, puisque l’#accès_aux_études a été considérablement élargi. Cela s’accompagne du passage presque automatique en classe supérieure. A la fin des années 1960, le redoublement constituait la règle : un tiers des élèves redoublait la classe de CP, contre 1,3 % aujourd’hui. En 2021, seulement 12 % des élèves arrivaient en seconde avec du retard. Devenu résiduel, le redoublement a changé de nature, ne concernant plus que des élèves en forte difficulté, qu’elle soit structurelle ou conjoncturelle.

      Classes moyennes supérieures

      Les enseignants affichent leur scepticisme. Ils ne considèrent pas le redoublement comme une recette miracle, car il peut générer ennui et découragement. Toutefois, ils se trouvent démunis devant l’écart grandissant entre les meilleurs élèves, qu’il faut stimuler, et ceux qui cumulent les difficultés de compréhension. Ils constatent que plus les années de scolarité passent, plus l’échec s’enkyste, moins la notion de travail scolaire ne revêt de sens, générant quelquefois une attitude perturbatrice.

      Gabriel Attal en a tiré d’ailleurs argument pour dénoncer l’absurdité de cette situation et la souffrance qu’elle génère pour les élèves. Nombre d’enseignants vivent une situation d’autant plus ingérable que, paradoxalement, si l’affichage est homogène, le rêve de l’école commune s’éloigne.

      Jusque-là, la sociologie de l’éducation dénonçait les limites de cette politique de massification. Les inégalités sociales étant structurelles, le système est d’abord soumis aux effets de la #ségrégation-spatiale. Quoi de commun entre un collège en éducation prioritaire et un autre situé en centre-ville d’une métropole ?

      Quatre types d’école cohabitent, donc : l’#école_publique normale, celle en #éducation_prioritaire, l’école publique élitiste, et l’#école_privée. Aujourd’hui, avec le développement d’un #marché_scolaire, nous vivons une nouvelle phase. L’Etat aggrave la fracture existante en créant des établissements dérogatoires et de nouvelles #filières_élitistes sélectionnant par les langues, critère socialement discriminant. Pire, il subventionne massivement sa propre concurrence, l’enseignement privé.

      Le privé accueille de plus en plus d’élèves des milieux favorisés, au détriment de la mixité sociale. Les difficultés se concentrent alors dans l’école publique « normale ». Seule à supporter réellement les contraintes de la démocratisation, celle-ci n’en est que plus répulsive pour les classes moyennes et supérieures, générant un terrible cercle vicieux. Si le récit égalitaire perdure, l’Etat organise en réalité une forme d’#optimisation_scolaire au détriment de ceux qui n’ont pas d’échappatoire.

      Depuis une quinzaine d’années, les enquêtes internationales nous alertent sur l’aggravation du poids des #inégalités_sociales dans les résultats scolaires. Ce constat est dissimulé par l’invisibilisation de la #compétition. D’un côté, les notes ont été remplacées par les compétences, de l’autre, elles connaissent une inflation qui, malheureusement, ne reflète pas une hausse du niveau réel. En 2022, 59 % des bacheliers ont obtenu une mention. Ils étaient moins de 25 % en 1997… Le flou qui en résulte bénéficie aux familles les plus informées sur la règle du jeu, ou capables de payer coachs et cours particuliers.

      Politique éducative « discount »

      Le second vice de fabrication de la démocratisation scolaire est son caractère « discount ». Par exemple, l’argent économisé par la quasi-suppression du redoublement n’a guère été réinvesti dans des dispositifs permettant d’épauler les élèves en difficulté. Autrefois, les enseignants encadraient les élèves dans leurs exercices et l’apprentissage du cours en dehors des heures de classe. Aujourd’hui, ce type de travail est généralement confié à des étudiants bénévoles ou à des animateurs ou surveillants peu qualifiés. Même dans le dispositif « Devoirs faits » en collège, la présence d’enseignants est optionnelle.

      De nombreux choix proviennent de la #rationalisation_budgétaire : chasse aux options, suppression progressive des dédoublements de classe. Par exemple, en 2010, un élève de 1re L avait obligatoirement six heures de cours en demi-groupe (en français, langues, éducation civique, mathématiques et sciences). Aujourd’hui, les établissements ont toujours la latitude de créer de tels groupes, mais en prenant dans une enveloppe globale qui se réduit d’année en année et sans qu’un nombre maximum d’élèves ne soit prévu.
      Le pouvoir d’achat des #enseignants a baissé d’environ 20 %, source d’économie massive sur les salaires. Les effets commencent seulement à en être perçus : crise du recrutement, hausse exponentielle des démissions et professeurs en place démotivés par le déclassement de leur métier. Les promoteurs de cette politique leur préfèrent des enseignants précaires et sous-qualifiés, sommés de suivre les injonctions pédagogiques du moment. Remarquons que ces #contractuels sont nettement plus nombreux dans les établissements difficiles de l’enseignement public…

      Depuis 2002, les gouvernements de droite et de centre droit suppriment des postes d’enseignant. Malgré le redressement opéré sous François Hollande, le solde reste négatif, avec moins 36 500 postes. Le second degré a été particulièrement affecté, avec un solde de moins 54 700 postes, au nom de la priorité au primaire. Un maillon essentiel de la chaîne éducative a donc été fragilisé, alors que c’est le lieu de maturation des contradictions du système. Quel sens cela a-t-il d’habituer un élève de REP + à des classes de quinze élèves pour, devenu adolescent, le mettre dans une classe de vingt-cinq au collège ? Ces politiques de ciblage, censées produire des résultats visibles à un moindre coût, créent souvent inégalités et incohérences.

      Aujourd’hui, la France dépense 1 point de moins du PIB pour l’éducation qu’en 1995. Si on appliquait aujourd’hui les ratios en usage à l’époque, le budget consacré à l’avenir du pays augmenterait de 24 milliards d’euros, dont 15,5 milliards d’euros dépensés par l’Etat. Ce sous-investissement chronique se paie par la crise de notre #système_scolaire. Un débat sans arguments d’autorité s’impose donc, sous peine que les idéaux généreux et les politiques cyniques aboutissent définitivement à une école à plusieurs vitesses, dans laquelle les #classes_populaires seront assignées à un enseignement public dégradé.

      Laurent Fajermann est professeur agrégé d’histoire au lycée Lamartine, sociologue, chercheur associé au Centre de recherches sur les liens sociaux, du CNRS

    • Philippe Mangeot (philippe.duke ) sur Instagram :

      Lecture effarée du rapport de l’enquête administrative de l’Inspection générale sur le collège Stanislas, que publie dans son intégralité @mediapart. Toutes les informations qui circulaient sur les pratiques de cet établissement privé sous contrat sont corroborées et objectivées : contournement de la loi et de Parcoursup, pédagogie brutale et assumée comme telle, programmes non respectés, enseignement sexiste et homophobe..

      À ce stade, le scandale n’est pas seulement que la ministre de l’Éducation nationale ait choisi d’y inscrire ses enfants, contournant l’enseignement public au profit d’une école privée où se cultive l’entre-soi. Il est que le ministère dirigé à l’époque par Gabriel Attal a mis ce rapport sous le boisseau depuis qu’il lui a été rendu en juillet dernier, refusant de le rendre public.

      Mais il est également que cette institution privée, qui viole en toute impunité le contrat qui la lie à l’État, est mieux dotée, sur fonds publics, que la quasi-totalité des établissements scolaires publics de Paris, comme l’a révélé en janvier dernier une enquête de @lemondefr. L’argent public favorise Stanislas, c’est-à-dire les familles les plus fortunées : les « trois petits garçons » de Madame Oudéa-Castéra ont coûté plus cher à l’État.que les élèves du public.

      L’anagramme de Stanislas dit une vérité : la complaïisäncé : des pouvoirs publics à l’égard d’un établissement qui devrait n’avoir aucune place dans « l’École de la République », comme dit la ministre, nous salit tous et toutes.