#sable_bitumineux

  • Total investit massivement au Canada #tarsands
    L’annonce, jeudi 31 octobre, des résultats trimestriels de Total, avec un bénéfice net en recul sous l’effet de coûts d’exploration élevés et d’une activité de raffinage en difficulté en Europe, a coïncidé avec l’annonce d’un nouvel investissement majeur. Le groupe va débourser plus de 5 milliards de dollars canadiens (3,5 milliards d’euros) dans les sables bitumineux au Canada. C’est le deuxième investissement en quelques jours pour le géant français du pétrole.

    Un peu plus d’une semaine après avoir remporté, le 22 octobre, l’enchère pour le plus grand gisement pétrolier offshore du Brésil, celui, présalifère, de Libra au sein d’un consortium rassemblant également Shell, Petrobras et les chinois CNPC et CNOO, le groupe français se relance au Canada. Ce pays est devenu en quelques années un nouvel acteur pétrolier de premier plan grâce à ses ressources non conventionnelles que constituent les sables bitumineux, très décriés du point de vue de l’environnement et dont l’exploitation est régulièrement dénoncée. Il permet une diversification géographique à Total, particulièrement implanté en Afrique et au Moyen-Orient, sa terre de naissance.

    Au Canada, Total va s’associer avec le canadien Suncor et le minier Teck, dans une société commune, Fort Hills Energy, dont il détiendra 39,2 % du capital, pour exploiter les sables de Fort Hills, en Alberta. C’est avec Suncor que le groupe français avait déjà investi dans un projet d’usine destinée à fluidifier des schistes bitumineux. Coûteux, ce projet était rapidement apparu comme non rentable sous l’effet d’un pétrole de schiste bon marché rendant plus compétitive une technique alternative de dilution. La facture s’était élevée à 1,6 milliard de dollars canadiens.

    « GAGE D’UNE CROISSANCE DE LA PRODUCTION À LONG TERME »

    Avec 3 milliards de barils estimés, le projet de Fort Hills ne représente pas un potentiel comparable à Libra et ses 10 milliards de barils. Sa production qui pourrait atteindre 180 000 barils par jour à partir de 2017, sur une période de cinquante ans, est cependant cruciale pour le groupe pétrolier pour maintenir l’objectif d’une production globale de 3 millions de barils par jour, un seuil psychologique auquel Total est attaché. « C’est le gage d’une croissance de la production à long terme », estime l’analyste indépendant Aymeric de Villaret.

    Le pétrole produit en Alberta doit être exporté par un oléoduc qui devrait être réalisé par la société Enbridge, retenue par le groupe Fort Hills Energy, mais qui doit encore obtenir les autorisations nécessaires. Dans le contexte du blocage aux Etats-Unis, pour des raisons politiques, du projet géant Keystone XL, destiné à relier l’Alberta au Golfe du Mexique, une société canadienne, TransCanada, a par ailleurs annoncé, en août, le lancement d’un projet d’oléoduc, d’un coût de 12 milliards de dollars canadiens, pour acheminer le pétrole de l’Alberta sur la côte atlantique.

    Cette perspective suscite la colère des écologistes canadiens qui ont assuré tout mettre en oeuvre pour la faire échouer. L’acceptabilité de Fort Hills sera sans doute également un enjeu pour le consortium Fort Hills energy. Total mise sur les progrès de la technologie pour réduire les atteintes à l’environnement associées à l’exploitation des sables bitumineux, qui représentent également un coût, mais il aura fort à faire pour convaincre les scientifiques ou les prix Nobel qui se sont exprimés contre le recours à cette ressource et qui ont notamment invité l’Union européenne à interdire l’importation de pétrole issu de cette exploitation.

    RÉSULTAT NET EN RECUL

    Au cours des derniers mois, la suractivité de Total et la multiplication de ses investissements ont pu susciter les interrogations. S’il reste encore dans les cartons du groupe français des projets ambitieux et coûteux, comme le projet d’usine de liquéfaction de gaz en Sibérie Yamal LNG, les décisions prises au Brésil et au Canada pourraient néanmoins être le prélude à un rythme moins soutenu d’investissements.

    De fait, selon les chiffres rendus publics mercredi matin, le résultat net ajusté du troisième trimestre de Total est en recul de 19 % en euros, et de 14 % en dollars alors que dans le même temps son concurrent Shell annonce une chute de 35 %. Le groupe anglo-néerlandais s’estime notamment pénalisé par des détournements de production alors que Total voit au contraire la production augmenter pour le deuxième trimestre et son ratio d’endettement baisser à 23 %.

    Total dit payer au troisième trimestre le prix d’une politique d’exploration particulièrement agressive qui pèse sur ses charges. Il est enfin pénalisé, comme Shell, par le marasme du secteur du raffinage en Europe où les marges ont été divisées par cinq au cours des derniers mois. Le groupe français mise sur ses réorganisations internes, le rapprochement du raffinage et de la pétrochimie, pour limiter les dégâts. Dans ce contexte d’entre-deux, Total a enfin choisi de laisser inchangé le montant de l’acompte sur dividende au troisième trimestre.

    Gilles Paris

    Une extraction polluante

    Ressource non conventionnelle. Le sable bitumineux est un mélange de pétrole brut, de sable, d’argile et d’eau. L’obtention de brut de synthèse requiert l’extraction du bitume par des procédés qui utilisent beaucoup d’eau, puis sa conversion chimique. Ces opérations génèrent trois fois plus de gaz à effet de serre que la production de pétrole classique.

    Réserves. Les principales réserves de sables bitumineux se situent en Alberta (Canada) et dans le bassin du fleuve Orénoque, au Venezuela.

    Le Canada, acteur pétrolier. Les sables bitumineux ont placé, fin 2009, le Canada au 2e rang mondial pour les réserves prouvées de pétrole, derrière l’Arabie saoudite.