• Covid-19 : le prolétariat dévoilé
    http://www.regards.fr/politique/article/covid-19-le-proletariat-devoile

    En valorisant subitement les travailleurs les plus précarisés, en les exposant plus que les autres au risque sanitaire, la pandémie a provoqué l’implacable retour du réel social et dévoilé la structure de classe de notre société.

    Comme pour toutes les perturbations durables du fonctionnement de l’activité économique et sociale (catastrophes naturelles, crises, guerres, etc.), la pandémie s’est traduite par la visibilisation de l’invisibilisé. Ce que l’idéologie dominante parvient habituellement à masquer s’impose par le simple spectacle du réel. Ce que les médias dominants parviennent classiquement à voiler surgit au premier plan. Le mécanisme de crédibilisation par des « débats écrans » (sur le « communautarisme », le « danger islamisme », les « assistés sociaux parasites », etc.) perd son efficace. Bref, la pandémie fait fonction de révélateur du réel social.


    L’ampleur de la polarisation sociale
    Un premier dévoilement, déjà enclenché avec le mouvement des « Gilets jaunes », a été celui de l’ampleur de la polarisation sociale, que deux images résument : celle des départs vers les résidences secondaires à l’annonce du confinement et celle des travailleurs restés au « front » (caissières, personnels hospitaliers, éboueurs, etc.). Le retour de la faim dans les quartiers populaires a été une autre illustration de cette polarisation qui s’est installée dans la société française du fait des politiques néolibérales de ces quatre dernières décennies.

    Loin du roman d’une société subissant de manière identique un fléau, ce qui est apparu de manière évidente pour une partie majoritaire de notre société est l’inégalité devant le risque de contamination, la vulnérabilité à géométrie variable selon l’appartenance sociale, l’existence de deux pôles sociaux vivant des quotidiennetés matérielles aux antipodes les unes des autres. Le bilan humain de la pandémie sera à cet égard parlant, à la condition qu’il soit établi en prenant en compte les critères du niveau de revenu et du territoire d’habitation. L’exigence d’un tel bilan doit, pour cette raison, être intégrée dans les luttes sociales à venir.

    Sans jamais avoir lu Marx, chacun a pu se rendre compte que l’ « accumulation des richesses à un pôle (…), c’est égale accumulation de pauvreté (…) au pôle opposé » (Le Capital, livre premier). Tous ceux qui ne sont pas entièrement déconnectés des quartiers populaires peuvent constater l’ampleur de la colère sociale qui s’exprime – non pas du fait de la misère et de la précarité (qui étaient antérieures à la pandémie), mais en raison de la conscientisation de la polarisation sociale. Le spectacle médiatique de ceux qui trouvaient des vertus au confinement (par réinvestissement de la sphère familiale, retour sur soi, pratique du sport, de la cuisine ou du jardinage, etc.) et les tentatives idéologiques des grands médias visant à l’« esthétiser » ont encore plus accentué cette conscience d’une société polarisée. Les habitants des HLM surpeuplés et plus largement des logements populaires urbains, pour qui le confinement était invivable, se sont trouvés devant l’image indéniable d’une profonde dualité sociale.

    L’utilité sociale des emplois négligés
    Le second dévoilement, inédit cette fois depuis plusieurs décennies, fut l’inversion de l’ordre de valorisation des différents types d’emploi dans notre société. Contrainte de répondre à l’urgence sur le plan sanitaire et soucieuse de faire fonctionner l’économie pour préserver le plus possible ses profits, la classe dominante ne pouvait pas ne pas modifier son discours de légitimation. Infirmières, éboueurs ou travailleurs de l’industrie furent ainsi pragmatiquement mis à l’honneur. Alors que, depuis le tournant néolibéral de la décennie 80, le sommet de l’échelle de la valorisation sociale s’exprimait par les termes de « gagnant », de « start-uppeur », de « premier de cordée », d’« entrepreneurs », etc., ce furent les emplois habituellement négligés qui démontrèrent par les faits leur utilité sociale, leur caractère économiquement incontournable et vital pour l’ensemble du fonctionnement social. Ce qui se dévoile ainsi, c’est la base matérielle de la structure sociale. Ce qui devient indéniable, c’est l’existence contemporaine d’un « prolétariat » que des décennies de luttes idéologiques ont tenté d’occulter au prétexte des mutations réelles des différentes classes sociales.

    Sans jamais avoir lu Karl Marx, chacun a pu constater l’existence d’un prolétariat, c’est-à-dire d’une « classe des travailleurs salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre » (Friedrich Engels, note du Manifeste du parti communiste, 1888). Les salariés qui ont été contraints de continuer à travailler et à prendre les transports en commun – y compris ceux des secteurs « non vitaux » ou sans que les conditions de protection ne soient réunies – n’avaient pas moins peur que les autres. Ceux qui étaient confinés et espéraient, du fait de la dégradation brusque de leur revenu, une reprise rapide du travail – même avec des protections insuffisantes – n’étaient pas des inconscients et des irresponsables. Ils étaient simplement contraints de « vendre leur force de travail pour vivre ». Seule la réduction idéologique de la notion de « prolétariat » aux travailleurs de l’industrie ou aux travailleurs surexploités avait pu banaliser l’idée d’une disparition du « prolétariat ». L’expérience de la pandémie contribue à déchirer ce voile déformant.

    La visibilisation soudaine de ce prolétariat fait apparaître au grand jour son statut social, c’est-à-dire ses niveaux de revenu et ses conditions de travail. C’est ainsi la dégradation ininterrompue de ce statut depuis le tournant néolibéral – en d’autres termes, l’accélération des processus de précarisation, de paupérisation et de flexibilisation de la condition salariale subalterne – qui surgit sur le devant de la scène. La centration sur les personnels de santé liée à l’urgence sanitaire a mis en exergue qu’aucun secteur n’était épargné par cette dégradation continue. Non seulement le prolétariat s’est imposé comme réalité incontestable, mais la tendance à sa transformation en précariat généralisé également. La réapparition de la faim dans les quartiers populaires situe le pôle extrême de ce précariat constitué par tous ceux contraints au travail informel (celui couramment mal nommé « travail au noir »), à l’intérim ou aux CDD à répétition. Pour eux, la baisse de revenu fut immédiate et sans filet. Pour eux, la pandémie fut synonyme de restrictions alimentaires.

    Les travailleurs pour ce qu’ils sont
    Le troisième dévoilement réalisé par l’épreuve de la pandémie et du confinement fut la mise en évidence du caractère coloré et sexué de ce prolétariat en voie de précarisation généralisée. Tout en étant peu mis en exergue par les commentaires journalistiques, la féminisation des emplois les plus précaires a ainsi été exposée quotidiennement. #Caissières, #aides-soignantes, #infirmières, etc. : ces emplois avaient tendance à être idéologiquement construits comme naturellement « féminins », alors qu’ils ne le sont que par assignation discriminante.

    Le même dévoilement s’est opéré à propos de la « race » visibilisant l’assignation des immigrés et de leurs héritiers français dans ces secteurs brusquement considérés comme absolument vitaux et qui sont, comme pour les « emplois féminins », caractérisés par la précarité, les faibles salaires et les mauvaises conditions de travail. Alors que ces salariés étaient absents des écrans et des discours, les reportages sur les éboueurs, les chauffeurs ou les ouvriers du bâtiment les ont fait apparaître pour ce qu’ils sont : des travailleurs assignés aux segments les plus surexploités du marché du travail.

    Ceux qui n’apparaissaient médiatiquement que sous des figures stigmatisantes (à l’occasion de reportages sur « la crise des banlieues », sur le « communautarisme », sur « l’islamisme », etc.) ont pour une fois eu un autre visage. Même les sans-papiers ont vu – certes de manière marginale et peu relayée médiatiquement – leur image se transformer par les demandes émanant de grosses exploitations agricoles en faveur d’une autorisation exceptionnelle pour les employer. Ce que rend ainsi visible la pandémie est l’ampleur de la segmentation sexiste et raciste du marché du travail. Le sexe et la « race » apparaissent comme des modes de gestion du rapport de classes.

    Une conscience plus aiguë
    Le quatrième dévoilement porte sur l’autre extrémité de la polarisation sociale, celle de la classe dominante. Les premières mesures économiques du gouvernement ont été prises en sa faveur. Alors que se succédaient les plans d’aide sectoriels, aucune mesure significative d’allégement n’a été prise pour les salariés. Le gel des loyers et des charges n’a jamais été envisagé, alors même que le confinement faisait baisser drastiquement les revenus des plus précaires. Le « plan d’urgence économique » voté le 23 avril prévoit 900 millions d’euros pour les ménages touchant le RSA, 4 milliards pour les primes des personnels soignants et 20 milliards pour la recapitalisation des grandes entreprises publiques. Aucune contrepartie à ces nouvelles aides aux entreprises n’est prévue : ni le gel de la distribution des dividendes, ni la fixation de conditions de maintien de l’emploi. En somme, la logique qui s’exprime reste la logique néolibérale résumée dans la formule « socialisation des pertes et privatisation des bénéfices ». L’État assure bien une fonction de redistribution, mais du bas vers le haut. Un ruissellement à l’envers, en quelque sorte.

    Les quatre dévoilements rapidement décrits ci-dessus dessinent le visage de la société française contemporaine : une société fortement polarisée socialement ; segmentée selon, entre autres, des critères sexistes et racistes ; comprenant un pôle marqué par le précariat absolu ; inscrite dans une tendance au déclassement généralisé ; et gérant les impacts économiques de la pandémie par une redistribution vers le haut. Les classes populaires, tous segments confondus, sortent également de cette expérience douloureuse avec une conscience plus aiguë de ces réalités habituellement déformées par l’idéologie dominante. Plus que jamais, la lutte des classes – dans les formes multiples qu’elle peut prendre – est une réalité prégnante. L’issue de l’étape actuelle de cette lutte, c’est-à-dire celle de la question « Qui paiera l’impact économique de la pandémie ? », sera fonction de notre capacité collective à forger un « nous » incluant les différents segments des classes populaires et prenant comme centralité les plus paupérisés, les plus précaires, les plus discriminés.

    Saïd Bouamama

     #saïd_bouamama à propos des #déplorables #Social #pauvreté #précarisation #médias #ruissellement #Gilets_jaunes #travail #pandémie #invisibles

  • Séparatisme et ensauvagement. Le vocabulaire officiel accompagnant le libéralisme autoritaire et la fascisation | Saïd Bouamama
    http://www.contretemps.eu/separatisme-ensauvagement-liberalisme-autoritaire-fascisation

    Les innovations langagières dans le vocabulaire politique dominant, qui pour paraphraser Marx à propos de l’idéologie est celui de la classe dominante1), sont rarement anodines. Elles expriment et reflètent les rapports de force et les enjeux des luttes sociales et se faisant y participent. Deux nouveautés lexicales sont apparues récemment avec la promotion de deux termes : séparatisme et ensauvagement. Ces termes ont en commun de signaler des pseudo-dangers contre lesquels il faudrait lutter sous peine de voir disparaître les fondements mêmes de la vie sociales, les « valeurs de la République », la sécurité des citoyens, etc. Source : (...)

  • Propos sur un colloque censuré : le révélateur d’une fascisation rampante 15 Juil 2019 - Saïd Bouamama - Le blog de S. Bouamama

    Devant participer à la présentation les 3 et 4 juillet dernier des résultats d’une recherche sur les « Mécaniques de extrémisme violent » au cours d’un colloque international à visée comparative, je me suis vu interdire de participation et de parole par l’institution porteuse suite aux pressions du ministère de l’intérieur. Cette recherche pluridisciplinaire à laquelle je contribue depuis son début s’est étendue sur 4 ans et était adossée à un dispositif d’accompagnement pour des jeunes considérés comme « radicalisés ». L’accompagnement et la recherche ont touchés 105 jeunes français et les conclusions de l’investigation devaient être mises en comparaison avec des expériences de Belgique, du Canadienne, du Brésil, des Etats-Unis et du Tchad. La censure qui m’a touché fait suite à une « lettre ouverte à Castaner » du Rassemblement National relayée immédiatement par le Figaro, Valeurs actuelles, Français de Souche, etc., présentant les « intitulés des tables-rondes » comme faisant « transparaître une idéologie laxiste et l’éternelle culture de l’excuse chère à l’extrême-gauche » d’une part et moi-même comme « islamo-gauchiste » d’autre part.
     

     
    Cette interdiction n’est pas la première. Au cours de ces dernières années plusieurs débats et un colloque ont été reportés et/ou annulés en raison de campagnes de diffamation menées par l’extrême-droite ou par le Printemps Républicain. Cette fois-ci la capitulation immédiate à une injonction de l’extrême-droite porte sur une recherche (dont on peut certes ne pas partager la méthode ou les conclusions et en débattre) ce qui est lourd de signification. Avec les violences et arrestations subies par les Gilets Jaunes (qui sont déjà depuis de nombreuses décennies une réalité meurtrière dans les quartiers populaires), les pressions sur certains journalistes, les restrictions au droit de manifester, etc., cette censure est un révélateur d’une logique de fascisation qu’il est urgent de contrecarrer.
    Je publie ci-dessous la première intervention que je devais présenter au colloque restituant quelques axes méthodologique de l’équipe de recherche. Chacun pourra ainsi se rendre compte par soi-même de son pseudo « islamo-gauchisme » et de sa « complaisance avec le djihadisme ». Les participants aux colloques ne s’y sont pas trompés en applaudissant chaleureusement mon intervention lue en mon absence. Je remercie vivement les 130 personnalités qui m’ont apportés leur soutien dans une tribune à Médiapart intitulée « En soutien à Saïd Bouamama » (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/090719/en-soutien-said-bouamama). Transformée en pétition celle-ci peut être signée à l’adresse suivante : http://chng.it/mCcHVFyY
    Nous reviendrons dans notre prochain article à la fois sur les résultats de la recherche et sur notre analyse de cette censure dangereuse.
     
    Voici cette intervention :
     
    Un « bricolage méthodologique » au service d’un objet complexe  
    Tenter, comme nous avons tenté de le faire, de saisir le processus du « devenir extrémiste violent » ou la « mécanique de l’extrémisme violent » est une épreuve redoutable dont on ne sort pas entièrement indemne en dépit des protections et garde-fous absolument nécessaire mais toujours insuffisant que nous pouvons et que nous avons posés. L’épreuve en question n’est, en effet, rien de moins que la confrontation à l’innommable et à l’impensable : des enfants envisageant de tuer et de se tuer. Une partie de nos enfants en arrive donc à réduire leur champ des possibles qu’à une seule unique perspective mortifère. Face à une telle épreuve nous avons formalisée de manière transdisciplinaire quelques éléments de postures méthodologiques dès l’enclenchement de notre expérience. Celles-ci avaient pour vocation et objectifs de nous écarter des tentations par soucis de protection à savoir : la tentation de recycler sur notre objet des savoirs acquis pour d’autres objets ; la tentation de la mise en typologie inadéquate à des trajectoires aussi diverses et aussi complexes ; la tentation de la recherche de la causalité unique ou déterminante ; la tentation du choix d’un système de conceptualisation définitif. Sans être exhaustif nous pouvons formaliser ces postures méthodologiques comme suit :
     
    1. Notre première posture est celle de l’humilité. Nous sommes devant un objet et un chantier entièrement inédit sur lequel le champ des savoirs existant nous dit peu de chose quelle que soit la science sociale ou humaine mobilisée. La prétention au savoir préexistant sur un tel objet est heuristiquement inefficace, elle produit de la cécité et de la surdité aux bruits et aux vacarmes de notre réel contemporain inédit et elle rend indisponible à l’écoute d’une souffrance qui n’a plus de mots pour se dire. Le pari était dans l’Inversion de la RA en AR.
    2. Notre seconde posture fut celle du refus de l’essentialisation. Nous ne sommes pas en présence d’un groupe humain homogène, ahistorique, sans mouvement et sans interactions avec les autres groupes sociaux. Nous sommes bien en présence de sujets divers ayant été et s’étant bricolés à partir d’une histoire, d’un héritage, d’épreuves, de rencontres et de non rencontres, etc. Bref ces enfants, nos enfants, sont une production « made in France » constituant un analyseur de notre société et de ses failles, de notre protection de l’enfance et de ses limites, de notre système éducatif et de ses manques, etc.
    3. Notre troisième posture fut celle du choix du déséquilibre. Notre objet et sa complexité nous confronte aux limites de chacune de nos disciplines. La réalité sociale qui affleure avec de tels objets ne se laisse pas découper dans les frontières de chaque discipline. Il fallait donc que chacun d’entre nous accepte de sortir de sa zone de confort pour entrer, non pas dans un mélange désordonné des disciplines mais dans l’acceptation d’une alternance permanente entre les disciplines. Le pari était de rester sociologue ou psychologue par moment tout en soumettant les résultats et questionnements acquis aux autres approches disciplinaires. Il est vrai que nous avions un point d’appuis préalable pour ce faire. Tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire ont croisé Frantz Fanon dans le processus de formation intellectuel, dans la fabrique de leur subjectivité, dans le choix de leurs sujets d’étude. Or ce dernier est sans doute, un des penseurs qui a le plus maintenu l’interrogation permanente pluridisciplinaire tout en étant centré en permanence sur son approche scientifique.

    Sur la base de ces postures que vous trouverez détaillés dans le rapport intermédiaire et le rapport final de l’étude nous nous sommes donné quelques repères méthodologiques provisoires. Ces repères étaient en effet, tout comme nos concepts d’ailleurs, comme pouvant évoluer à l’épreuve de l’avancée de notre travail d’investigation. Ces repères étaient conçus comme des hypothèses en mutation ouvertes sur la remise en cause en fonction de l’écoute du réel et de sa complexité.
    Le premier repère méthodologique était le refus d’une centration sur l’offre de « djihadisme » pour nous intéresser à la demande de « djihadisme ». Nous ne sommes pas en présence de sujet ayant simplement été contaminé par « un virus extérieur » qu’il s’agirait d’éradiquer pour régler le problème. L’offre quand elle a existée a rencontré une demande préexistante que nous voulions tenter de comprendre dans toutes ses dimensions. Cette offre a même fréquemment été recherchée et parfois longuement avant d’avoir été trouvée. La centration unilatérale sur l’offre, encore souvent trop fréquente en sciences sociales empêche d’aborder notre objet en termes de « processus de devenir extrémiste violent ». Pour paraphraser Simone de Beauvoir nous pourrions dire que l’on ne nait pas « extrémiste violent, on le devient ». Formulé ainsi, cela peut sembler une banalité mais c’est alors une banalité trop souvent oubliée.

    Notre second repère a constitué en la distinction permanente des notions de causalité et de déclencheur tant dans l’analyse de chacune des trajectoires que dans la l’analyse transversale constituant notre recherche. Les évènements ou rencontres déclencheurs actualisent et accélèrent des processus préexistant, donnent chair à des tendances déjà-là, coagulent des mouvements profonds déjà présent antérieurement.

    Notre troisième repère méthodologique a été la vieille et classique distinction hégélienne trop souvent oubliée entre apparence et essence, forme et fond. Cela nous a conduits à une posture de méfiance à l’égard des approches privilégiant le facteur religieux. Nous n’avons rencontrés que très peu le religieux en général et l’Islam en particulier et nous avons rencontrés fréquemment un mode spécifique du religieux en général et de l’islam en particulier ayant comme fonction de soigner, de combler, de raccrocher, de soutenir. C’est la raison pour laquelle nous avons adoptée dès le début une démarche comparative avec d’autres extrémismes violents et nos séjours de confrontations au Brésil, au Canada et aux USA sont venus confirmer nos convictions.

    Notre quatrième posture méthodologique se résume dans la figure de l’iceberg. Les jeunes avec lesquels nous avons vécu cette expérience constituée, selon nous, le haut d’un iceberg porté par une base beaucoup plus large constituée par une partie non négligeable de notre jeunesse caractérisée par une fragilisation insoutenable des assises et des stabilités individuelles, familiales et sociales. C’est dire l’ampleur du chantier de prévention qui s’ouvre, selon nous, à l’issue de cette recherche. C’est dire également l’ampleur des mutations que nos institutions doivent parcourir pour apporter à temps les espaces de consolidation dont cette jeunesse a besoin. Les jeunes rencontrés font ainsi fonction d’analyseur, non pas de l’ensemble de la jeunesse mais da sa partie désaffiliée. Ils sont également, selon nous, un analyseur de nos institutions de jeunesse (éducation nationale, protection de l’enfance et bien d’autres.

    Ces repères étant posés nous pouvions alors opérer les choix de méthode de recueil des données, d’entrée dans les trajectoires et d’ordonnancement de ceux-ci. Nous pouvons restituer ces choix comme suit :
    • Le choix de la rencontre signifiante du sujet : Il s’agissait pour nous de partir de lui et sa non-demande, de ses besoins et non des besoins de notre recherche, de ses temporalités et non des nôtres, de ses priorités et non des nôtres. De ce premier choix en découle de nombreux autres : le choix d’une première rencontre avec la compétence psychologique et psychanalytique ; le choix d’une rencontre progressive du reste de l’équipe et des autres compétences scientifiques ; le choix de nous adapter aux espaces et au temps du sujet ; le choix de travailler sur les questions concrètes et/ou matérielles marquant la quotidienneté du sujet ; etc. C’est ce travail de disponibilité qui est, selon nous, créateur des conditions nous permettant l’accès aux trajectoires tant pour construire l’accompagnement que pour mener à bien la recherche. Il s’agissait pour nous de partir du regard incarné pour aller vers le regard distancié pour ensuite construire un aller-retour permanent entre les deux regards.
    • L’interrogation systématique de trois niveaux historiques dans chaque trajectoire. La première histoire interrogée est celle de l’histoire longue et des effets de cette macro-histoire sur les trajectoires familiales. La seconde est celle de la trajectoire familiale, de ses déterminants, de sa connaissance plus ou moins explicite, de ses évènements marquants, de ses bifurcations, etc. La troisième est chronologique et aborde les processus de bricolage identitaire du sujet. Ces histoires sont, bien entendu, en interactions et ce sont ces interactions que nous voulions analyser dans chaque trajectoire d’une part et en termes de récurrences transversales d’autre part.
    • La recherche des données sur les modalités du lien social qui relie le sujet au socius dans le passé, dans le présent et dans l’idéal qu’élabore et que recherche le sujet consciemment ou non. Nos travaux antérieurs sur les jeunes issus des classes populaires dans un contexte de déstabilisation sans précédent de la culture d’affiliation et de socialisation qu’était la culture ouvrière, avait en effet attiré notre attention sur les processus d’affiliation et de désaffiliation. La proportion non négligeables des mal-nommés « convertis » et les crises du lien que révèlent leurs trajectoires sont venues confirmer notre choix.
    • La recherche de données sur les identifications dans l’histoire passée, présente et dans l’idéal du sujet a été une autre orientation. Les identités sont à la fois toujours plurielles et bricolées, contradictoires et en mouvement. Elles constituent un état d’équilibre entre stabilité et mouvement, invariance et mutation, héritage et production de soi. Nous recherchions en conséquence dans chacune des trajectoires les points de tension identitaire éventuel, les moments et évènement de déséquilibre, les facteurs empêchant la stabilisation minimum.

    Le recueil de toutes ces données s’est mis en place en diversifiant au maximum les espaces-temps de collecte et leurs modalités : lors des séances d’accompagnement psychologiques, dans des espaces collectifs, lors des démarches diverses effectués avec le sujet, lors d’entretien sociologiques, etc. De cette façon accompagnement thérapeutique et démarche de recherche se sont alimentés en permanence au prix il est vrai d’un coût humain considérablement plus élevé que dans une recherche classique. Plus élevé en termes de temps et de disponibilité certes mais aussi en termes d’épreuves existentielles pour chacun d’entre nous.

    Ces données recueillies pour chaque trajectoire convergent ensuite vers l’espace d’analyse et d’élaboration qui structure notre recherche. Au sein de cet espace, il est demandé à chaque participant de se centrer sur sa discipline dans un premier temps et de fournir une lecture des données spécialisée disciplinairement. Dans un second temps les analyses disciplinaires sont soumises à l’interrogation des autres disciplines présentes dans l’équipe ou sollicitées de l’extérieur selon les besoins. Progressivement ainsi prend forme une analyse commune résultat de l’ensemble du processus. L’analyse des récurrences entre trajectoire peut alors se mettre en place, de même que la correction de nos concepts et de nos points de méthodes. Pour ne citer qu’un exemple nous avions formalisée initialement le concept de « basculement nihiliste » que nous avions ensuite abandonné ; d’abord du fait que le mouvement progressif est beaucoup plus prégnant dans les trajectoire, qu’il est fait d’essais et d’aller-retour et qu’en conséquence le terme « bascule » est inapproprié ; Ensuite parce que la dimension nihiliste est certes présentes mais au côté d’autres tout aussi prégnantes : altruiste ou recherche de liens par exemple.

    L’analyse transversale des récurrences a également confronté à une analyse seconde de données recueillis à d’autres fins. Ainsi en est-il des données recueillies dans l’expérience mené au lycée avec une classe expérimentale et de celles recueillis dans notre animation de séances de formation à destination des acteurs de terrain sur thème de la dite « radicalisation ». Ces données sont dites seconde parce qu’elles ont été recueillis à d’autres fins : formative dans un cas et dans une logique de prévention dans l’autre. Toutefois la même équipe étant mobilisée pour ces trois pratiques (formation, prévention et accompagnement-recherche) nous avons pu par cette confrontation revisiter nos concepts et nos méthodes à plusieurs reprises au cours de l’expérience.

    La démarche méthodologique que je viens de résumer s’est déployé dans un contexte difficile. Elle allait à contre-courant d’un certain nombre de tendances dans notre société productrices de bruits et d’attentes immédiates auxquelles nous avons due résister. Cela n’a pas été sans difficulté avec notre institution porteuse ayant des exigences nous semblant parfois contradictoires avec les conditions posées par nous pour notre recherche. Nous avons due également résister à l’attente de résultats exploitables en termes de ce qui est mal nommé « déradicalisation » rapidement alors même que nous étions persuadés que nous étions devant un objet complexe nécessitant la durée pour commencer à être intelligible. Nous avons due enfin apprendre à travailler en pluridisciplinarité sans jamais confondre celle-ci avec la simple juxtaposition d’approches disciplinaires. A l’issue de cette expérience nous ne pouvons qu’en appeler à la mobilisation de tous tant les souffrances humaines des enfants que nous avons rencontrées, de nos enfants sont importantes.

    Je cède maintenant la parole à ma collègue Elisa pour restituer comment s’incarne concrètement notre approche complexe dans les interactions sociales avec le sujet accompagné.

     
    Source : Le blog de S. Bouamama https://bouamamas.wordpress.com/2019/07/14/propos-sur-un-colloque-censure-le-revelateur-dune-fascisation-r
    et Investigaction https://www.investigaction.net/fr/propos-sur-un-colloque-censure-le-revelateur-dune-fascisation-rampan

    #Saïd_Bouamama #anti_racisme #répression #resistances #antifascisme #racisme #répression #antifascisme

  • Autopsie du renouveau / C’est l’heure de l’mettre
    http://www.campuslille.com/index.php/entry/autopsie-du-renouveau
    CE MERCREDI 31 MAI 2017 à 18H30 C’EST « L’HEURE DE L’METTRE »

    Les odes à la Gloire de notre Bienaimé Dirigeant occupent l’espace idéologique où nous sommes contraints au Grand Abaissement.

    On connaît la chanson. Le Même est venu, mais la Forme a changé. Le changement, c’est toujours pareil.


    Nous ne nous adresserons pas aux naïfs, aux éternels trompés, à ceux qui font de la politique une fois tous les cinq ans, puis s’en retournent au confort factice qu’on trouve à l’arrière du front. Non.
    Non que cela soit sans utilité mais... Ce mercredi, nous penserons à d’autres, ceux qui, nombreux, n’en reviennent pas de cet abaissement qui semble sans fond. Ceux qui savent que tout va continuer comme avant, en pire.

    Le camp d’en face est décidé au grand affrontement, et les bruits qui polluent nos consciences nous parlent de trêve. Comment considérer dès lors cette faille entre le réel et la propagande ?

    Nous procéderons, scientifiquement, avec méthode, à l’autopsie du renouveau qui nous écrase. La présence de Saïd Bouamama https://bouamamas.wordpress.com dans nos studios nous y aidera.

    Le lien direct vers le MP3 fonctionne)
    http://www-radio-campus.univ-lille1.fr/ArchivesN/LibrePensee/CHDM170531.mp3
    L’heure de l’mettre

    Les Ephémérides de C’est l’heure de l’mettre sur Arte Radio. Cette semaine, c’est la  Saint sans fautes ! http://audioblog.arteradio.com/blog/3047789/l_heure_de_l_mettre

    #Radio #Audio #Analyse_politique #Saïd_Bouamama

  • Sociologie du spectacle / C’est l’heure de l’mettre ! Radio Campus Lille - Mercredi 22 février 2017

    http://www.campuslille.com/index.php/entry/sociologie-du-spectacle

    – CE MERCREDI 22 FEVRIER 2017 à 18h30

    C’était mieux avant. Il y avait le candidat de droite bien réac, avec sa chemise bleu ciel et sa cravate sombre. Et en face, le candidat rose bien tentant, avec sa chemise de gauche et sa cravate au centre.
    En ce temps-là, l’élection présidentielle fleurait bon la France d’antan, avec ses clochers sur les affiches, le petit rosé au comptoir, et les paluches prolétaires serrées sur des marchés même pas boursiers.


    Les candidats, à la tribune, exhibaient leur couperose rassurante et leurs promesses grandiloquentes, qu’un électorat solidement campé sur ses préjugés ou ses illusions, considérait à travers des lunettes en noir et blanc.

    Le peuple, dans l’épaisseur monarchique des prétendants au trône, voyait sa propre grandeur dans leurs grandes paroles, et inscrivait dans l’Histoire avec un grand H son destin de perdant du PMU.

    C’était le bon temps. C’était avant. C’était l’ordre des choses.
    Aujourd’hui, il y a des publicités au milieu du film. Et même le film ressemble à une publicité. Ceux d’en haut ne savent plus donner le même spectacle. Ils sont le spectacle. Permanent.

    Un spectacle donné à des multitudes mouvantes, sondables en temps réel, connectées à des réseaux volatiles. Un spectacle insensé, inquiétant et grossier, qui laisse le spectateur hébété.

    Tout aurait-il donc changé ? Ou la forme du spectacle électoral ne serait-elle que l’expression d’une crise politique déterminée par la crise du capitalisme ?

    Et la lutte des classes, c’est du poulet ?

    (C’est à cette ultime question que nous répondrons, en compagnie de Saïd Bouamama, ( https://bouamamas.wordpress.com ) ce mercredi. Pour tenter de dessiner une sociologie de ce spectacle.)

    L’heure de l’mettre

    Le fil de l’émission
    
- Le générique quinquenal

    – 3mn05s Ephéméride : Saint Corbillard

    – 10mn45s La météo de la crise, avec Saïd Bouamama
    – 88mn Rubrique cassette, 27 Octobre 1999 c’était la sainte #MNEF, bref rappel.

    #Audio #Radio #Ephéméride #Radio #Radios_Libres #Radio_Campus_Lille #Analyse_Politique #Saïd_Bouamama #Candidats #Elections_Présidentielles #Société

  • Sankara et l’actualité de la révolution burkinabè | Saïd Bouamama
    http://www.contretemps.eu/sankara-revolution-burkina-bouamama

    Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara était assassiné dans des circonstances extrêmement troubles (où le rôle de l’impérialisme français reste encore à déterminer). Dans ce texte, Saïd Bouamama – sociologue et militant du FUIQP (Front uni des immigrations et des quartiers populaires) – restitue le parcours, les idées et l’action du dirigeant révolutionnaire burkinabè. Si le processus ouvert par la révolution sankariste fit face à des obstacles de taille et connut des limites importantes, il en souligne l’actualité du point de vue des combats anti-colonialiste et anticapitaliste, mais aussi concernant l’écologie, l’oppression des femmes et la dette. Source : (...)

  • Le soupir de la créature opprimée / C’est l’heure de l’mettre avec Saïd Bouamama , sur Radio Campus Lille !

    CE MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2016 à 18H30
    
Il y a parfois, à gauche, dans la manière de voir le fait religieux, un aveuglement et un fanatisme qui rejoignent la pensée magique des intégristes les plus obtus. Ainsi donc, il y aurait, indiscutable et sacrée, une République et sa laïcité, à défendre contre l’ennemi désigné.

    Peu importe que ladite République soit vécue comme une oppression pour les millions de chômeurs, de précaires, de travailleurs et d’enfants de colonisés, qui forment ce qu’on appelait jadis, quand on avait un peu de vocabulaire, la classe ouvrière. Peu importe, il y a des principes au-delà de cet ici-bas où l’on s’écrase...


    Ephéméride à 3mn, la saint Gaulois
    Said Bouamama à 11mn20

    
Cet acte de foi envers les « valeurs de notre pays » - et qui prend pour prétexte les avancées bien réelles que nous avons conquises sous le régime de la République bourgeoise - sous les dehors d’une défense de « notre modèle » et dans les habits d’une gauche confortable, finit par rejoindre, dans les faits, les poncifs franchouillards les plus éculés et, à la fin, le fascisme.

D’aucuns se souvenant encore que la lutte des classes demeure le moteur de l’Histoire, jugent avec davantage de hauteur le fait religieux. D’un point de vue matérialiste, une dizaine de maillots de bain reste un épiphénomène sociologique. D’un point de vue religieux, c’est une grave atteinte à « notre » mode de vie.
    Faudrait-il dès lors minimiser l’intégrisme religieux ? Ne pas voir en quoi il est éminemment réactionnaire ? Serions-nous, en dignes descendants des judéo-bolcheviks, ces islamo-gauchistes « collabos », incapables de deviner, par lâcheté, derrière les barbes et derrière les voiles, les divisions grandissantes que l’ennemi masse à nos frontières ?

    Mais que faisions-nous lorsque « la gauche » soutenait la livraison de pays entiers aux barbes mercenaires de l’impérialisme ? Qui s’est élevé dès le début contre la destruction de la Syrie ? Et qui a chanté la destruction de la Libye au nom de « nos valeurs » ? Qui a soutenu, et soutient encore, de fait, la réaction la plus sordide qui verrouille les puits de pétrole et les gisements de gaz ?

    Ceux qui refusent aujourd’hui qu’on mène ce pays à la guerre contre une partie de la classe ouvrière , sur des bases religieuses, ne sont pas ceux qui ont acquiescé aux aventures impérialistes françaises, dont les derniers avatars viennent s’échouer sur la Promenade des Anglais et peupler nos cauchemars.

    Il y a quelques mois encore, ce déchaînement incessant de propagande antisémite était impensable. (Islamophobe, pas antisémite, mais ce lapsus devrait faire réfléchir, on le garde...). Qui construit cet « ennemi de l’intérieur » et qui nourrit cette politique de la peur ? Qui va y gagner ? Qui en sera victime ? Ce n’est pas la laïcité qui va y gagner, et « nos valeurs », même de gauche, risquent étrangement de ressembler à l’image que nous en renvoient Zemmour et les autres à sa suite, si nombreux et cacophoniques qu’on n’entend plus Le Pen...

    Si l’on en reste à une analyse de classe, au réel plutôt qu’à son au-delà, ceux qui nous mènent à la détestation, à la peur et à la guerre sont ceux-là même qui cassent notre droit du travail et toutes nos conquêtes sociales, et avec le même objectif  : casser tout ce qui pourrait nous unir contre eux. Celles et ceux qui auront à en souffrir les premiers, derrière les barbes et derrière les voiles, appartiennent à la classe des exploités. Et c’est toute cette classe qui va y perdre...

    On aime à citer Marx sur le fait religieux, bien souvent en ne le citant pas en entier. Volontairement, nous ne citerons que ce qui est habituellement tu : " La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit."

    C’est l’heure de l’mettre ! En visant bien...
    (Ce mercredi, nous nous entretenons avec Saïd Bouamama : https://bouamamas.wordpress.com)

    #audio #radio #Radios_libres #Radio_Campus_Lille #Analyse #Saïd_Bouamama #religions #Gaule #Gaulois

  • Leçons et conséquences d’un été révélateur : la construction progressive des conditions d’un pogrome

    Publié le 31 août 2016 par bouamamas

    #Saïd_Bouamama

    [...]

    Il s’agit plus simplement de la stigmatisation des musulmans réels et supposés diffusée largement par une multitude d’#islamalgames : islam incompatible avec le féminisme, avec la laïcité, avec la république, etc. Même pour les femmes invoquant leur croyance religieuse pour porter cette tenue de bain les explications dominantes inversent la réalité. Alors que cette tenue est un signe d’une volonté de présence dans l’espace public, il est interprété comme « communautarisme ». Alors qu’elle est un indicateur d’une « intégration à la plage », elle est présentée comme « menace pour l’ordre public ».

    Les débats de cet été qu’ont dû une nouvelle fois subir nos concitoyens musulmans ou supposés tels ont été marqués par trois postures qui sont révélatrices d’une société malade qui refuse de regarder sa maladie en face pour pouvoir la soigner.

    [...]

    La participation active de citoyens à la dénonciation de femmes portant le #burkini, les appels téléphoniques à la police pour signaler leur présence sur une plage ou l’applaudissement des policiers lors des verbalisations sont des attitudes qui se sont multipliées au fur et à mesure du délire politique et médiatique de cet été. Elles nous renseignent sur l’enracinement de l’#islamophobie dans une partie de la population française. Plus de vingt ans de discours médiatiques et politiques posant l’Islam comme problème pour la société française révèle aujourd’hui leurs effets. Deux décennies d’instrumentalisation politique donnent aujourd’hui des fruits amers et acides.

    Ce qui s’est passé à Cisco n’est que ce qui s’annonce ailleurs et à une plus grande échelle si nous ne réagissons pas collectivement pour stopper la logique dominante actuelle. Une rixe entre des « maghrébins » et des « riverains » pour reprendre les termes de la presse, se transforme dès le lendemain en manifestation de plus de cinq cents personnes scandant des slogans significatifs comme « aux armes », « on est chez nous », etc.
    C’est par en haut que l’islamophobie contemporaine s’est développée en France à coup de débats et de lois successives désignant les musulmans ou les supposés tels comme problème et comme danger. L’hystérisation du débat est le fait des médias et d’une partie conséquente de la classe politique et non d’une brusque et soudaine épidémie d’islamophobie.

    [...] Il existe dans la société française un héritage culturel islamophobe hérité de l’#histoire_coloniale française et qui n’a jamais été déconstruit et combattu sérieusement. Celui-ci n’est d’ailleurs qu’un segment d’un racisme colonial plus vaste construit en même temps que la pensée républicaine dominante. C’est ce qui explique la possibilité d’un « #racisme_républicain ». Cet élément de vérité est justement nié par la troisième réaction qui a marquée l’été français. Tout ne serait affaire que d’instrumentalisation pour masquer d’autres questions sociales telles que le vote de la loi El Khomri.

    En fait le deux dernières thèses sont indissociables et ne peuvent être séparées. C’est parce qu’il existe un terreau hérité de l’histoire que des hommes et des femmes politiques font le choix d’une stratégie de diversion et d’instrumentalisation. A l’inverse l’instrumentalisation renforce systématiquement le terreau existant conduisant à la réunion progressive des conditions d’un futur #pogrome. Ni simple racisme préexistant, ni résultat de la seule instrumentalisation, l’islamophobie contemporaine est le résultat de la logique infernale constituée par la juxtaposition historique de ces deux réalités. Le caractère infernal de la logique est encore renforcé par le contexte mondial des guerres pour le pétrole et de la théorie du « choc des civilisations » qui les légitime.

    C’est aujourd’hui qu’il faut réagir pour détruire cette logique dominante. Cela passe par une véritable prise en compte de la lutte contre l’islamophobie dans les agendas politiques et militants. Sans une telle mobilisation nous assisterons impuissant à une #fascisation de notre société et à la réunion progressive des conditions d’un pogrome à l’ombre desquels le projet ultralibéral pourra se déployer avec de moins en moins de contestation. Une telle logique ne disparaît pas seule ou par la « discrétion ». Elle ne s’arrête que par le rapport des forces.

    https://bouamamas.wordpress.com/2016/08/31/lecons-et-consequences-dun-ete-revelateur-la-construction-progr

  • « Le terrorisme est une série de premiers coups » : Agamben sur l’absurdité d’une politique sécuritaire @Teleramapic.twitter.com/WNkjPxlVq3
    https://twitter.com/gdelagasnerie/status/753893425796173824

    « Le terrorisme est une série de premiers coups » : Agamben sur l’absurdité d’une politique sécuritaire @Teleramapic.twitter.com/WNkjPxlVq3

    • "Les dispositifs de sécurité ont d’abord été inventés pour identifier les criminels récidivistes : comme on a pu le voir ces jours-ci et comme il devrait être évident, ils servent pour empêcher le deuxième coup, mais pas le premier. Or le terrorisme est par définition une série de premiers coups, qui peuvent frapper n’importe quoi et n’importe où. Cela, les pouvoirs politiques le savent parfaitement. S’ils persistent à intensifier les mesures de sécurité et les lois restrictives des libertés, c’est donc qu’il visent autre chose.
      Ce qu’il visent, peut-être sans en avoir conscience, car il s’agit là de transformations profondes qui touchent l’existence politique des hommes, est le passage des démocraties de masse modernes à ce que les politologues américains appellent le Security State, c’est-à-dire à une societé où la vie politique devient de fait impossible et où il ne s’agit que de gérer l’économie de la vie reproductive. Le paradoxe est ici qu’on voit un libéralisme économique sans bornes cohabiter parfaitement avec un étatisme sécuritaire tout aussi illimité. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cet Etat, dont le nom renvoie étymologiquement à une absence de souci, ne peut au contraire que nous rendre plus soucieux des dangers qu’il entraîne pour la démocratie. Une vie politique y est devenue impossible, et une démocratie sans vie politique n’a pas de sens. C’est pour cela qu’il est important que les Français se battent contre le projet annoncé par le gouvernement d’une enième loi contre le terrorisme.
      Je pense aussi qu’il faut situer le prétendu affrontement entre le terrorisme et l’Etat dans le cadre de la globalisation économique et technologique qui a bouleversé la vie des sociétés contemporaines. Il s’agit de ce que Hannah Arendt appelait déjà en 1964 la « guerre civile mondiale », qui a remplacé les guerres traditionnelles entre Etats. Or ce qui caractérise cette situation, c’est justement qu’on ne peut pas distinguer clairement les adversaires et que l’étranger est toujours à l’intérieur. Dans un espace globalisé, toute guerre est une guerre civile et, dans une guerre civile, chacun se bat pour ainsi dire contre lui-même. Si les pouvoirs publics étaient plus responsables, ils se mesureraient à ce phénomène nouveau et essayeraient d’apaiser cette guerre civile mondiale au lieu de l’alimenter par une politique étrangère démentielle qui agit au même titre qu’une politique intérieure."

    • Or ce qui caractérise cette situation, c’est justement qu’ on ne peut pas distinguer clairement les adversaires et que l’étranger est toujours à l’intérieur. Dans un espace globalisé, toute guerre est une guerre civile et, dans une guerre civile, chacun se bat pour ainsi dire contre lui-même. Si les pouvoirs publics étaient plus responsables, ils se mesureraient à ce phénomène nouveau et essayeraient d’apaiser cette guerre civile mondiale au lieu de l’alimenter par une politique étrangère démentielle qui agit au même titre qu’une politique intérieure

      Cela me fait confusément penser à la nécessité pour notre pauvre extrême gauche de commencer de parvenir à concevoir enfin cet #internationalisme_de_l'intérieur (ou interne, je cite l’expression de mémoire) qu’appellent depuis quelques temps des gens comme #Saïd_Bouamama

    • Les fauteurs de guerre civile
      https://blogs.mediapart.fr/antoine-peillon/blog/170516/les-fauteurs-de-guerre-civile#_ftn1

      Il y a une relation organique entre le mensonge généralisé et la montée de la violence. Les discours fallacieux des dirigeants politiques de notre pays sur les tenants et les aboutissants du terrorisme, sur l’appareil sécuritaire de l’État, sur la catastrophe économique et sociale qui désarticule la société, sur les corruptions protégées... ne font qu’alimenter toutes les violences.

  • La Ligne rouge, l’analyse politique de Saïd Bouamama
    La contestation, tant qu’elle reste dans son coin, c’est tolérable. Tant qu’elle reste dans son rôle. C’est-à-dire quand elle est vouée à l’échec. Alors, on la regarde d’en haut, on la snobe, c’est juste le carnaval traditionnel de quelques « privilégiés ». Tant qu’on touche pas à l’outil de production, la condescendance est un peu amusée. Après, les choses rentrent dans l’ordre, la « réforme » passe, et on peut préparer la suivante. Ce petit manège permet de vanter au tout-venant le caractère démocratique des exploiteurs organisés en classe, lesquels n’aiment rien tant que le « dialogue social », la caution des travailleurs au système écrasant qui entend leurs doléances.

    http://www-radio-campus.univ-lille1.fr/ArchivesN/LibrePensee/CHDM160603.mp3
    L’analyse, à partir de la 9 iéme minute.

    Mais lorsque la contestation fait un pas de côté, sort du cadre réglementaire, contrevient aux convenances établies, brusque les calendriers, franchit la ligne rouge, quand, en bref, elle s’en prend à l’outil de production, à la propriété privée, alors, toutes les règles élémentaires de la politesse de classe volent en éclats.
    http://www.campuslille.com/index.php/entry/la-ligne-rouge
    La contestation est « réactionnaire » (sic). La contestation est « terroriste ». Les coups pleuvent, les calomnies, les chantages, les menaces, et soudain, la bourgeoisie, si policée dans l’exercice du bavardage démocratique, devient grossièrement policière. Et rien ne ressemble plus à un flic qu’un voyou. Gattaz devient vulgaire, Hollande est dégueulasse, Valls est brutal, Macron ordurier, Berger sordide, et l’éditorialiste mondain prend ses rêves de milicien pour la réalité de demain. On parle d’interdire les grèves, les manifestations, la CGT... Il a suffi qu’on dépasse un peu leurs bornes pour voir que derrière la quiétude bourgeoise de la vieille République, se tapit le grand méchant loup du Capital, prêt à toutes les violences, prêt à casser toutes ses vitrines « sociales » pour conserver le dessus.

    Désormais les choses sont claires : dans ce système, nous ne sommes plus en sécurité. Chaque coin de rue peut devenir un guet-apens. A la nuit tombée, on peut se faire détrousser par la première « réforme » venue. Le type en costard qui croise notre chemin est peut-être l’assassin. Les bruits de bottes qui se rapprochent, c’est peut-être pour nous...

    (Parce que notre ligne est rouge, et que par conséquent nous sommes des voyous, nous allons bloquer notre antenne ce mercredi, en compagnie de notre camarade Saïd Bouamama. Rejoignez-nous ! Plus on est de voyous, plus on rit !)
    Source : http://www.campuslille.com/index.php/entry/la-ligne-rouge
    #audio #radio #Radios_libres #manifestations #loi_travail #analyse_politique #Saïd_Bouamama

  • La planification d’une déportation de masse : Chronique de « l’ensauvagement » de l’UE , par Said Bouamama
    http://www.investigaction.net/La-planification-d-une-deportation.html

    Dans un silence médiatique et politique assourdissant, les premiers bateaux transportant plusieurs centaines de réfugiés ont commencé la mise en pratique de la plus importante déportation de masse en Europe occidentale depuis la seconde guerre mondiale. Il s’agit ni plus ni moins que d’un nouveau crime historique de l’Union Européenne.Que celui-ci soit légal (en vertu de l’accord signé avec la Turquie) ne change bien entendu rien à son caractère violent et attentatoire aux droits humains. Nous avons affaire ici à un nouveau palier de « l’ensauvagement » de l’Europe riche pour paraphraser Aimé Césaire. Aux portes de cette Europe se multiplient et se multiplieront les camps financés par l’Union Européenne et gérés par Le grand démocrate Erdogan.(...)

    Du côté de l’Union Européenne l’enjeu est de sous-traiter ou d’externaliser la politique de refoulement et de répression des réfugiés. Une telle pratique n’est pas nouvelle. Elle est au cœur des accords qu’impose l’Union Européenne aux pays africains pour faire de ceux-ci des gardes-chiourmes frontaliers (i). Elle est la mission première de l’agence FRONTEX consistant à « délocaliser peu à peu les frontières extérieures de l’UE vers l’Est et vers le Sud pour « mieux repousser les migrants (ii) » ». Tout en continuant ses politiques de pillages et de guerres, l’Union Européenne se dédouane ainsi des conséquences de sa politique étrangère impérialiste.

    Quelques liens référencés dans l’article :

    Echanges et partenariats, Frontex et l’externalisation des contrôles migratoires. L’exemple de la coopération avec les Etats africains,
    >>> http://emi-cfd.com/echanges-partenariats/?p=4154

    Claire Rodier, Des frontières et des hommes, Claire Rodier, spécialiste des questions de politique migratoire, a décrit le processus de délocalisation des frontières extérieures de l’UE qui est en cours. 2009
    >>> http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2009/11/conf-claire-rodier/index.html

    Aurélie Ponthieu, Accord UE-Turquie, réduire les vies des réfugiés à de simples chiffres. Médecins sans frontières -2016
    >>> http://www.msf.fr/actualite/articles/accords-ue-turquie-reduire-vies-refugies-simples-chiffres

    Gilles de Kerchove, Daech ou Al-Qaïda n’ont pas besoin de faire passer des terroristes parmi les réfugiés 2015
    https://www.euractiv.fr/section/justice-affaires-interieures/interview/_aesh-ou-al-qaida-n-ont-pas-besoin-de-faire-passer-des-terroristes-parmi-le

    Boyko Vassilev, Médias et réfugiés : halte aux clichés et au prêt-à-parler ! - 2015
    >>> https://www.euractiv.fr/section/justice-affaires-interieures/interview/daesh-ou-al-qaida-n-ont-pas-besoin-de-faire-passer-des-terroristes-parmi-le

    Hanane Karimi, De la banalité du sexisme et du racisme, Retour sur les événements de Cologne et leur traitement médiatique,
    >>> http://lmsi.net/De-la-banalite-du-sexisme-et-du

    #migrants #réfugiés #marchandisation_des_migrants #déportation #racisme #droits_de_l'homme #frontière #Frontex #UE #Erdogan
    #médias #Said_Bouamama#Investig’Action

  • http://www.b-a-m.org/2016/02/o-s-entretien-avec-s-bouamama-et-a-morice-autour-des-politiques-migratoires-d

    [O-S] POLITIQUES MIGRATOIRES, CITOYENNETÉS ET LUTTES
Entretien avec S. Bouamama et A. Morice (Part. 2)

    Emission difusée le 19 février 2016, deuxième partie de l’entretien croisé entre deux sociologues, S. Bouamama et A. Morice, enregistré le 29 janvier 2016.

    #radio #offensive_sonore #radio_libertaire #audio #migration#imigration #luttes #citoyenneté #sans-papiers #expulsion #nation#état #france #Saïd_Bouamama #Alain_Morice #Terrorisme #Identité#Charlie #Jesuischarlie #jesuispascharlie #intégration #soral

  • One, Two, Three, Four, We don’t want your fucking war !
    http://blogs.radiocanut.org/onestpasdescadeaux/2016/02/06/one-two-three-four-we-dont-want-your-fucking-war

    Five six seven eight, Organise and demonstrate ! Deux interventions de Saïd Bouamama, militant, chercheur et sociologue engagé, à Grenoble, dans le quartier de la Villeneuve le 20 novembre 2015 et à Montpellier, le 11 décembre 2015 sur les causes des attentats de 2015 en France, les enjeux géopolitiques mais aussi les enjeux nationaux. Durée : 1h03. Source : Radio Canut

    http://blogs.radiocanut.org/onestpasdescadeaux/podpress_trac/web/998/0/saidboumama.320kbs.mp3

    • " La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. " Victor Hugo

      Dans son livre « Les intellectuels faussaires, le triomphe médiatique des experts en mensonge », Pascal Boniface épingle Caroline Fourest qu’il affuble du titre de « serial-menteuse » : « Au tribunal de Fourest, l’acte d’accusation tient lieu de preuve. La vigueur de l’accusation est inversement proportionnelle à la rigueur de la démonstration. »
      Dans le chapitre qui lui est consacré Pascal Boniface écrit notamment :

      La grande force de Caroline Fourest est d’enfourcher des chevaux de bataille largement majoritaires dans l’opinion et plus encore parmi les élites médiatiques. Qui oserait se déclarer contre la laïcité, contre l’égalité hommes et femmes, pour la répression des minorités sexuelles ou en faveur de l’antisémitisme ? Ce qui pose problème, ce n’est pas que Caroline Fourest défend, c’est la façon dont elle le fait. Régulièrement, elle attribue à ses adversaires des positions, sans doute critiquables, mais qui ne sont pas les leurs, ou des faits répréhensibles.. inexistants.

      > Caroline Fourest, « sérial-menteuse » / Atlantico http://www.atlantico.fr/decryptage/caroline-fourest-tariq-ramadan-frere-tariq-bernard-henri-levy-149309.html

      > Entretien avec Pascal Boniface https://blogs.mediapart.fr/daniel-salvatore-schiffer/blog/041011/entretien-avec-pascal-boniface-propos-des-intellectuels-f

      Un des ouvrages de la journaliste, « La Tentation obscurantiste », a reçu en 2003 le prix du livre politique de l’Assemblée nationale. A son propos, cinq universitaires spécialisés dans l’étude de l’islam moderne et/ou de la laïcité, ont publié une tribune dans Le Monde," Les Lauriers de l’obscurantisme".

      Bruno Etienne, Franck Fregosi, Vincent Geisser, Raphaël Liogier et Jean Baubérot tenaient à mettre en garde l’opinion publique" contre « l’obscurantisme » de Fourest, contre sa « haine viscérale de la connaissance scientifique », contre son « trafic des émotions et des peurs » et contre son usage des « raccourcis ».

      La « méthode » (éminemment non scientifique) de sélection de la « vérité » consiste à prendre pour pertinent un discours caricatural, inquisitorial, pamphlétaire, truffé de préjugés, accessoirement d’erreur, et essentiellement destiné à dénoncé les « autres » : musulmans, islamologues refusant de se soumettre au sens commun, journalistes, hommes politiques, militants antiracistes, laïques pragmatiques.

      Bien moins que la paix sociale, cette désignation de l’autre ( et accessoirement de « sa » religion) permet d’éviter d’assumer ses propres turpitudes, ses propres préjugés. Elle permet d’éluder la question des alliances surprenantes entre les héros ’ hérauts) d’un républicanisme forcené et les nostalgiques d’une France éternellement monoconfessionnelle et mono-ethnique. Elle permet d’exploiter tranquillement, et avec la bonne conscience de la morale pseudo-universaliste le vieux fond de commerce de la peur de l’autre.

      > Les Lauriers de l’obscurantisme http://www.lemonde.fr/idees/article/2006/04/17/les-lauriers-de-l-obscurantisme_762492_3232.html

      En septembre 2015, Julien Salingue publie un article « Les coupables amitiés de Caroline Fourest (par Caroline Fourest) » qui fait le point sur la méthode et les obsessions de la « journaliste spécialisée dans l’à-peu-prisme. »

      (...) Dernier exemple en date, une attaque au vitriol contre le vainqueur des primaires du Labour britannique, Jeremy Corbyn, accusé (entre autres) de complaisance à l’égard de l’intégrisme et de l’antisémitisme.

      Une méthode éprouvée, dont le principal ressort est de déformer un peu, beaucoup, voire passionnément, la réalité, pour alimenter un propos à charge contre les cibles préférées de Caroline Fourest : les « islamistes ». Mais aussi les amis des « islamistes », les amis de leurs amis et, par extension, tous ceux qui connaissent quelqu’un dont le voisin a un jour partagé une banquette de métro avec la sœur d’un individu signataire par le passé d’une pétition également signée par un écrivain dont un article a été publié sur un site internet relayant ar ailleurs des articles révisionnistes.

      Pour rendre hommage à la journaliste et à ses méthodes de travail, nous avons décidé d’utiliser les mêmes procédés afin de révéler la face cachée de Caroline Fourest, à la manière de Caroline Fourest.

      > Le Blog de Julien Salingue http://resisteralairdutemps.blogspot.fr/2015/09/les-coupables-amities-de-caroline.html

      Saïd Bouamama, sociologue, et Pierre Tevanian, philosophe, pris à partie par Caroline Fourest après l’annulation d’un débat, en 2012 à la Fête de l’Humanité, publièrent un article « Caroline Fourest, l’incendiaire qui crie au feu ! » où sont mis en relief quelques procédés de la journaliste.

      Caroline Fourest est coutumière de ce type de campagnes, obéissant toujours au même schéma narratif (violence, agression, menaces, intégristes, escorte policière), contre des gens qui n’ont eu le tort que de la critiquer ou, au pire, de la chahuter. Il faudrait un jour que des journalistes d’investigation reviennent sur l’hallucinante campagne qu’elle avait lancée en 2004 contre l’Institut du monde arabe, suite à un débat tout à fait calme et policé (dont doit bien exister un enregistrement), et qui avait amené l’IMA à publier un démenti officiel. Un exemple plus récent est la manière dont un chahut tout à fait bon enfant (dont un enregistrement filmé existe sur youtube) a été transformé, par les soins de Caroline Fourest, en agression islamiste.

      > L’incendiaire qui crie au feu - Mediapart https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/180912/caroline-fourest-lincendiaire-qui-crie-au-feu

      Pour d’autres réjouissances : Caroline et l’inhumé malgré lui (2008), Caroline et l’agression des femmes voilés (2013), Caroline et l’arrachage des yeux (2014), Caroline entend des voix à Charlie Hebdo, Caroline et sa nouvelle croisade en Tunisie... voir :
      http://zec.hautetfort.com/archive/2015/01/11/caroline-fourest-clerc-obscur.html

      #Caroline_Fourest #serail_menteuse #clerc_obscur #obscurantisme "morale_pseudo-universaliste #Pascal_Boniface #Julien_Salingue #Saïd_Bouamama #Pierre_Tevanian #Bruno_Etienne #Franck_regosi, #Vincent_Geisser #Raphaël_Liogier Jean_Baubérot

  • Pour une critique matérialiste de la "mythologie de gauche" française

    "L’hégémonie culturelle est un concept proposé par Antonio Gramsci pour décrire la domination culturelle des classes dominantes. Le concept s’inscrit dans l’analyse des causes du non développement des révolutions annoncées par Marx pour les pays industrialisés d’Europe en dépit de la vérification des conclusions économiques de Marx (crise cycliques, paupérisation de la classe ouvrière, etc.). L’hypothèse de Gramsci est que cet « échec » des révolutions ouvrières est explicable par l’emprise de la culture de la classe dominante sur la classe ouvrière et ses organisations. La classe dominante domine certes par la force mais aussi par un consentement des dominés culturellement produit. L’hégémonie culturelle de la classe dominante agit par le biais de l’État et de ses outils culturels hégémoniques (écoles, médias, etc.) pour produire une adoption par la classe dominée des intérêts de la classe dominante. L’hégémonie culturelle décrit donc l’ensemble des processus de production du consensus en faveur des classes dominantes.

    La radicalité des luttes de classes dans l’histoire française (Révolution antiféodale radicale en 1789-1793, Insurrection de juillet 1830, Révolution de février 1848, et enfin et surtout la Commune de Paris) a amené la classe dominante à comprendre très tôt que son pouvoir ne pouvait pas être assuré uniquement par la force des armes et de la répression (ce que Gramsci appelle la domination directe). Le processus de construction d’un « roman national » fut mis en œuvre afin d’assurer l’hégémonie culturelle de la classe dominante (domination indirecte). Les ingrédients de ce roman national sont essentiellement la diffusion de « légendes nationales » : pensée des Lumières, Révolution française et Déclaration des droits de l’homme, école républicaine et laïcité, etc. À la différence du mythe, la légende s’appuie sur quelques faits historiques identifiables qui sont absolutisés. La mise en légende se réalise par occultation des contradictions et enjeux sociaux, négation de l’histoire et transformation de résultats historiques (avec leurs contradictions, leurs limites, etc.) en caractéristiques permanentes et spécifiques de la « francité », du « génie français », de la « spécificité française », du « modèle français », etc.

    L’objectif de l’hégémonie culturelle étant de produire du consensus en faveur des classes dominantes, c’est bien entendu à l’intention des classes dominées et de leurs organisations que sont produites et diffusées les légendes nationales (modèle français de laïcité, modèle français d’intégration, pensée des Lumières comme caractéristique typiquement « française », abrogation de l’esclavage comme volonté de l’état français et non comme résultat de la lutte des esclaves, colonisation française posée comme différente des autres dans ses aspects « humanitaires » et « civilisateurs », etc.). La question n’est donc pas celle du jugement des faits, des hommes et des opinions de la pensée des lumières ou de la Révolution française par exemple. Ces événements et ses pensées sont inscrits dans l’histoire et les hommes de ces périodes ne pouvaient penser le monde qu’avec les données de leurs époques. En revanche le maintien d’une approche non critique, non historicisée, essentialisée, etc. de ces processus historiques est à interroger dans ses causes et dans ses effets désastreux contemporains. Sans cette approche critique, les légendes de la classe dominante s’inscrivent comme données d’évidence dans les lectures de la réalité contemporaine, deviennent des représentations sociales qui déforment la réalité, produisent des logiques de pensées qui empêchent de saisir les enjeux sociaux et les contradictions sociales. Sans être exhaustif abordons deux des légendes de l’hégémonie culturelle construite au 19ème siècle et qui ont fortement imprégnées les organisations de « gauche »."

    Said Bouamama

    http://blogs.mediapart.fr/blog/brigitte-pascall/050315/les-fondements-ideologiques-du-racisme-respectable-de-la-gauche

  • Procès de Saïd Bouamama et Saïdou. | quartierslibres
    https://quartierslibres.wordpress.com/2015/01/22/proces-de-said-bouamama-et-saidou

    (...) Le premier témoin appelé par l’avocat de Saïdou et Bouamama, Mme Dominique Lagorgette, Maitre de Conférence en sciences du langage à l’université de Savoie. Comme lors du procès de La Rumeur, elle propose une analyse linguistique du texte afin de le resituer dans son contexte complet.

    Après avoir montré en quoi il répondait aux caractéristiques du discours polémique pamphlétaire (opposition à la polémique sur l’identité nationale, reprise d’argument venant de l’« ennemi » – « ennemi intérieur », « barbare », « sauvage » –, prise de parole au nom d’un peuple opprimé…), elle indique que ce texte s’inscrit dans la tradition de la chanson française. Elle explique avoir relevé 15 chansons (Brassens, Renaud, Souchon, Perret, Zebda…) depuis 1969 qui soulèvent les mêmes thèmes de l’identité nationale, de l’égalité et du racisme. Elle s’arrête notamment sur la chanson « Le patriote » du chanteur Raphael, qu’elle qualifie de « plus virulente » que celle de ZEP.

    L’avocat des prévenus réagit alors : « Raphael est blond aux yeux bleus, lui [Saïdou], il est… comme il est ! », avant de demander à Dominique Lagorgette si l’on n’entend pas les choses différents en fonction du locuteur, pour conclure « C’est ça qui est intéressant, on fait des procès à eux, et pas à Raphael ! »

    [Paroles de la chanson en question de Raphael, signé chez EMI : En première page des magazines / Ils sont partout dégueulants / Leurs réformes et leur grippe porcine / Le bon peuple et son président / Mais la France parfois ça m’déprime / et les français sont désolants / (…) Les étrangers, ça va dans des camps / On va quand même pas sauver le monde / Et mes Santiago dans tes dents / C’est toujours mieux que d’te répondre (…) Il faut chanter la marseillaise / Et avé’ la main sur le cœur / Moi je la siffle avec les beurs / Prie pour qu’au foot on soit de la baise / L’ordre moral est bien partout / La démago de gauche à droite / J’aime mieux attendre qu’ils soient bien saouls / Avant de me battre »]

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    Le deuxième témoin appelé est Olivier Legrand-Maison, enseignant en sciences-politiques à l’université d’Evry-Val d’Essonne et spécialiste de l’histoire coloniale. Il explique qu’il considère l’expression « Nique la France et son passé colonialiste » comme justifiée au regard du passé colonial français, et du traitement infligé à des populations entières assujetties, notamment en Algérie.

    Il fait ensuite le parallèle entre Saïdou et celles et ceux qui se sont exprimés pour dénoncer les fondements et les effets de la colonisation. Il cite Albert Londres sur le Congo, Simone Weil contre le travail forcé, ou encore Paulette Péju (dont les textes avaient été saisis chez son Editeur avant diffusion), qui, dit-il, « à sa façon, en d’autres termes, elle aussi niquait la France colonialiste ».

    #Saïd_Bouamama #Saïdou

  • Le racisme est un rapport social

    Comme toutes les exploitations et les dominations, le racisme n’est pas un objet mais un rapport social. Analysant le capital, Marx souligne que « Le capital est non un objet, mais un rapport social de la production, adéquat à une forme historiquement déterminée de la société et représenté par un objet, auquel il communique un caractère social spécifique[v] ». Un rapport social ne décrit pas une simple relation entre deux groupes sociaux, il relie ces interactions entre groupes à une surdétermination systémique hiérarchisante. C’est cette dimension systémique qui produit à la fois l’exploiteur et l’exploité, le dominant et le dominé, le raciste et le racisé infériorisé.

    Elle tend également à produire l’intériorisation du rapport chez les uns comme chez les autres. Nous parlons de tendance parce que, bien entendu, des contre-tendances existent inévitablement du côté du dominé. Si la forme des résistances du dominé peuvent être multiples, elles existent inévitablement : soumission apparente, valorisation de ce qui est déprécié par le dominant, ironie et humour, repli sur soi et fuite du dominant, résistance organisée pacifique ou violente, etc. Avec leurs sens de la formule, Mao et Mandela résument comme suit ce constat : « partout où il y a oppression il y a résistance[vi] » et « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte[vii] ».

    Cette approche matérialiste du racisme s’oppose aux versions idéalistes multiples : [...]

    [...]
    La perception de la réalité qui élimine la subjectivité des dominés ne peut pas percevoir et même pas s’approcher de l’ordre des priorités qui s’imposent à eux. Comment prétendre parler de l’oppression sexiste si l’on est un homme et que l’on ne se pose pas la question de notre détermination sociale comme homme ? Comment prétendre prendre en compte la domination raciste si l’on est un blanc et que l’on ne se pose même pas la question de notre détermination sociale comme membre du groupe « majoritaire » ? Comment penser pouvoir restituer l’exploitation ouvrière, si l’on appartient aux couches moyennes et que l’on ne se pose même pas la question de notre détermination de classe ?
    [...]

    EXHIBIT B : Quiproquo ou analyseur
    Publié le 18 décembre 2014

    Said Bouamama

    https://bouamamas.wordpress.com/2014/12/18/exhibit-b-quiproquo-ou-analyseur

    #Saïd_Bouamama
    #Racisme
    #Matérialisme
    #Exhibit_B
    #Brett_Bailley

  • #Afrique
    Figures de la révolution africaine. De Kenyatta à Sankara. #Saïd_BOUAMAMA

    #Jomo_Kenyatta, #Aimé_Césaire, #Ruben_Um_Nyobè, #Frantz_Fanon, #Patrice_Lumumba, #Kwame_Nkrumah, #Malcolm_X, #Mehdi_Ben_Barka, #Amílcar_Cabral, #Thomas_Sankara... Longtemps regardés avec dédain par ceux qui, depuis les années 1980, décrétèrent la mort du tiers-mondisme et le triomphe du néolibéralisme, ces noms reviennent à l’ordre du jour. Avec l’atmosphère de révolte que l’on sent monter aux quatre coins du monde, ces figures majeures de la libération africaine suscitent un intérêt croissant auprès des nouvelles générations.
    Refusant d’en faire de simples icônes, Saïd Bouamama redonne corps et chair à ces penseurs de premier plan qui furent aussi des hommes d’action. Leurs vies rappellent en effet que la bataille pour la libération, la justice et l’égalité n’est pas qu’une affaire de concepts et de théories : c’est aussi une guerre, où l’on se fourvoie parfois et dans laquelle certains se sacrifient. S’il ne cache pas son admiration pour ces figures rebelles, dont la plupart moururent effectivement au combat, Saïd Bouamama n’en fait pas des martyrs absolus : la pensée en action est toujours située, incertaine, inachevée.
    C’est pourquoi ce livre s’attache, avec beaucoup de pédagogie, à inscrire ces parcours dans leurs contextes sociaux, géographiques et historiques. On comprend mieux dès lors comment ces hommes, qui ne vécurent pas tous sur le continent africain, mais furent tous confrontés à l’acharnement des puissances impériales, cherchèrent les armes pour sortir l’Afrique de la nuit coloniale et faire émerger une nouvelle universalité.
    À l’heure où l’on se demande comment avoir prise sur le monde, ce portrait politique collectif rappelle qu’il a toujours été possible, hier comme aujourd’hui, de changer le cours des choses.
    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index.php?ean13=9782355220371