• #Santé_mentale et migration

    #Marie-Caroline_Saglio-Yatzimirski, directrice adjointe de l’Institut Convergence Migrations, anthropologue et psychologue, explique comment les vécus pré-migratoires (#violences extrêmes, #tortures, #viols, #emprisonnement…), migratoires (séparations, pertes familiales…) et post-migratoires (déracinement, perte identitaire, précarité et stigmatisation, conditions d’accueil…) peuvent détériorer la santé mentale.
    Parmi ces personnes, certaines vivent dans des conditions particulièrement précaires (rue, camps), certaines sont très vulnérables (jeunes mères, mineurs non accompagnés…).

    Les violences sont répétées dans les longs parcours migratoires et les conditions d’accueil ont tendance à dégrader la santé mentale des personnes. En conséquence, il y a une prévalence des troubles stress post-traumatiques et des dépressions chez les migrants.
    Malgré leur besoin de prise en charge, ces personnes rencontrent des difficultés d’accès aux soins.

    #Andréa_Tortelli, psychiatre et chercheuse à l’INSERM, souligne que de nombreuses barrières s’opposent à la prise en charge des migrants : la nécessité d’interprétariat par exemple, l’absence d’adresse stable, des services psychiatriques peu concentrés sur les pathologies des migrants. Quant aux personnes migrantes, la #santé n’est pas prioritaire par rapport aux besoins vitaux de se nourrir, de nourrir les enfants. Ils sont isolés et ont une méconnaissance du système. La #prise_en_charge est surtout un travail de #prévention des facteurs de #détresse : accompagnement social, somatique, et psychiatrique. La prise en charge idéale est globale.
    Ces personnes ont fait de longs parcours et ont déjà fait preuve de facteurs de résilience.

    https://www.youtube.com/watch?v=NYmqTxHRVnA&t=5s

    #migrations #réfugiés #précarité #vulnérabilité

  • Dominique Eddé : « Le #Liban, c’est le monde à l’essai »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/16/dominique-edde-le-liban-c-est-le-monde-a-l-essai_6049067_3232.html

    Ce qui s’est passé dans le port de la ville, le 4 août, est le produit d’une #faillite générale, monumentale, qui engage certes et avant tout nos gouvernants criminels, mais aussi le monde entier. Pourquoi le monde entier ? Parce que nous vivons le bon à tirer d’un processus de #décomposition engagé il y a plusieurs décennies dans cette partie du monde. Parce que nous tardons tous à comprendre que le mal est partout dans l’air, à l’image du coronavirus. Le désarroi des Libanais découvrant brusquement qu’ils sont en deuil, sans toit, peut-être bien sans pays, est le raccourci foudroyant du mal qui a dévasté l’Irak, la Syrie, la Palestine…

    • Ce qui s’est passé dans le port de la ville, le 4 août, est le produit d’une faillite générale, monumentale, qui engage certes et avant tout nos gouvernants #criminels, mais aussi le monde entier. Pourquoi le monde entier ? Parce que nous vivons le bon à tirer d’un processus de décomposition engagé il y a plusieurs décennies dans cette partie du monde. Parce que nous tardons tous à comprendre que le mal est partout dans l’air, à l’image du coronavirus. Le désarroi des Libanais découvrant brusquement qu’ils sont en deuil, sans toit, peut-être bien sans pays, est le raccourci foudroyant du mal qui a dévasté l’Irak, la Syrie, la Palestine...

      Nous nous obstinons à ignorer qu’il n’est plus une plaie, plus un pays, plus une partie du corps, plus une partie du monde qui puisse se penser isolément. Les dictatures arabes, les armées islamistes, la brutalité et l’#impunité de la politique israélienne, les grandes et moyennes puissances prédatrices, les solidarités morbides – Nord et Sud confondus –, le règne sans bornes de l’argent, les intérêts communs des ennemis déclarés, le #fanatisme religieux, les trafics d’armements, tout cela est en cause dans le port de Beyrouth. Le langage de la #géopolitique peut encore informer, trier, analyser. Mais il ne peut plus voir au-delà de ce dont il traite . Il est prisonnier de la convention selon laquelle on peut fabriquer et vendre des armes d’un côté et fabriquer la paix de l’autre. Le #clivage est si profond, le #mensonge si bien organisé, que nous pouvons encore feindre la #cohérence. Mais jusqu’à quand ?

      Outre l’effondrement économique et social, nous vivons sous la menace d’un grand danger psychiatrique. Les têtes sont elles aussi au bord de la #faillite. Si rien ne change, au rythme où elles sont menées, elles ne tiendront qu’à l’une de ces deux conditions : perdre la raison ou se robotiser. Les autres, celles qui préfèrent la liberté à la fusion, se cognent déjà un peu partout aux barreaux de l’extrême solitude. Et ce constat qui vaut pour le #Liban vaut bien au-delà. La #fusion, c’est le #fascisme, la #dictature, le pouvoir entre les mains d’une poignée d’hommes ou de #machines.

      Bocal explosif

      A force d’avoir tout vu, tout entendu, tout encaissé, durant les cinquante dernières années, les Libanais sont sans doute mieux armés que d’autres pour traiter avec la #folie. Mais à trop tirer sur la corde, elle risque de se rompre d’un moment à l’autre. Les habitants de ce pays peuvent se serrer les coudes comme ils peuvent s’entre-tuer . Ils peuvent remonter la pente comme ils peuvent s’écraser à jamais. Ils n’en peuvent plus d’être si solidaires et si divisés à la fois . Ils ne pourront s’en sortir que par eux-mêmes, certes, mais, comme tous les grands blessés, ils ne pourront s’en sortir par eux-mêmes sans secours. Ils n’y parviendront que si cette partie du monde sort du #piège dans lequel elle est enfermée. Enfermée par elle-même et par les puissances étrangères. Il y a, ici, un #cercle_vicieux qui sabote toutes les énergies positives.

      Avec un million et demi de réfugiés – plus d’un quart de la population – sur leur sol, les Libanais sont entassés dans un bocal explosif. Pris en otage par leurs chefs de communautés respectives, ils sont animés, pour la plupart, par une égale envie d’en finir mais aussi, compte tenu de leurs réflexes ataviques et de l’absence d’Etat, par une égale incapacité à franchir le pas. Ils ne savent plus qui ils sont. Ils n’en peuvent plus de repartir à zéro. Le Liban était pris en tenaille par la Syrie et Israël. Il l’est à présent par Israël et le Hezbollah. Que s’est-il passé le 4 août à 18 heures ? Deux déflagrations successives se sont produites sur le lieu d’un gigantesque dépôt de nitrate d’ammonium à proximité d’un hangar dont on nous dit qu’il abritait des armes. La criminalité des pouvoirs libanais qui ont endossé cet effroyable stockage est flagrante, indiscutable. Sera-t-elle déterminée, jugée, punie ? Pourquoi le récit séquencé de l’horreur ne nous a-t-il pas encore été livré ? Quelle est l’origine de la première explosion ? Qu’y avait-il dans ce dépôt ? Qui protège qui de quoi ?

      « Raisonnements circulaires »

      Lors de sa visite au Liban, le 6 août, le président Emmanuel Macron a rencontré une vingtaine de personnes issues de la « société civile », dont j’étais. Cette brève rencontre se tenait à l’ambassade de France au terme d’une table ronde entre lui et les chefs de guerre qui s’était tenue dans la pièce à côté.

      A l’issue de l’entretien, il nous a dit notamment cette petite phrase qui, depuis, a fait son chemin : « Je suis frappé par vos raisonnements circulaires. Aussi bien dans la pièce à côté (celle des mafieux) que dans celle-ci (celle où nous nous trouvions) ». J’aurais aimé que la comparaison fût évitée, mais c’est vrai me suis-je dit, sur-le-champ, il a raison, nous sommes prisonniers de raisonnements circulaires. Nous n’arrivons pas à nous organiser. L’opposition commence à peine à s’unir. Puis, tel un souvenir que l’on tarde à s’approprier, la phrase m’a révélé son sens à retardement. Le mot « circulaire » qui évoque le cercle vicieux, la quadrature, l’enfermement, m’est apparu comme « un déplacement » au sens freudien du terme, comme une projection. Le cercle n’était pas dans nos raisonnements mais dans le sujet. Je dirais même que nous avons ici une capacité obligée et quasi inhumaine à penser la complexité.

      C’est elle, c’est la réalité qui tourne en rond. C’est la donne. Le pays. La région. Le manège du monde. La règle du jeu. C’est le jeu qui impose le cercle. La rotation, telle qu’elle est, rejette de tous côtés la moindre velléité de solution. Le Liban est dans l’œil du cyclone. Tout œil extérieur est désormais obligé de comprendre que pour rompre cette spirale infernale, c’est au cyclone qu’il faut s’en prendre. Par « s’en prendre » je veux dire décider, de la base au sommet, d’un coin du monde à l’autre, que la paix régionale est préférable à la guerre. Rien que ça ? L’utopie ou la mort ? Oui. A petite et à grande échelle, je ne vois rien d’autre . « Paix régionale » signifiant l’exact contraire du sordide arrangement qui vient de se faire entre Mohammed Ben Zayed [le prince héritier d’Abou Dhabi] et Benyamin Nétanyahou [le premier ministre israélien] sous la houlette de Donald Trump [le président américain].

      Le Liban, c’est le monde à l’essai. S’il se vide de son #sens, de ses #différences, de sa jeunesse, il sera le signe avant-coureur d’une catastrophe bien supérieure à celle qui se vit actuellement sur son sol. Il est trop tard pour défendre souveraineté et territoires à coups de #murs, de #ghettos et de frontières physiques. Il n’est plus d’autre issue que d’activer à l’échelle de la planète un coup de théâtre hissant la pulsion de vie au-dessus de la pulsion de mort . Le sujet du jour – au Liban aujourd’hui et partout ailleurs dans un second temps –, c’est la #santé_mentale, c’est l’avenir de l’être. Livré à la réalité telle qu’elle est, l’inconscient collectif ne sera pas moins inflammable, à terme, qu’un hangar de nitrate d’ammonium. Il suffira, pour mettre le feu, du largage d’un missile, réel ou symbolique, physique ou verbal. Ce ne seront plus des morceaux de villes mais des morceaux de pays qui partiront en fumée.