• Céréales, légumes... Les Français surexposés au cadmium
    https://reporterre.net/Cereales-legumes-Les-Francais-surexposes-au-cadmium

    Ça continue

    Or, les Français sont surexposés au #cadmium, avertit #Santé Environnement France. L’association s’appuie sur deux études de Santé publique France, la première réalisée en 2006-2007 et l’autre entre 2014 et 2016. L’agence nationale démontre qu’entre les deux, l’imprégnation moyenne au cadmium a bondi de 75 % chez les adultes français. Cette surimprégnation concerne près d’1 adulte sur 2, selon l’association. Plus inquiétant encore, 18 % des enfants dépassent les seuils définis par l’Agence nationale de sécurité sanitaire et alimentaire nationale (Anses), notamment ceux qui mangent des céréales au petit-déjeuner.

    Pour réduire les conséquences sur notre santé, le ministère de l’Agriculture a proposé fin novembre de réduire la teneur en cadmium de 60 à 40 mg par kilo dans les #engrais. Toutefois, cette baisse reste insuffisante pour les autorités sanitaires, qui recommandent pas plus de 20 mg par kilo.

    #agro-industrie

  • Le monde Diplomatique  : Soignants suspendus, autopsie d’une erreur

    « Antivax », « complotistes »… Les soignants qui ont refusé la vaccination ont subi l’opprobre, en plus des suspensions. Leurs décisions n’étaient pourtant pas étrangères à la rationalité mais l’exécutif ne les a pas écoutés. Trop occupé à faire entendre sa raison. . . . . . .

    Source et suite : https://www.monde-diplomatique.fr/2024/02/FAUQUETTE/66566

    #Santé #Soignants #Antivax #complotistes #complotisme #vaccins #covid #covid-19 #coronavirus #pandémie #diplo #Monde-Diplomatique

  • L’autre menace pour Gaza : sols et air pollués, eau contaminée
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/01/sols-pollues-armes-au-phosphore-eau-contaminee-a-gaza-la-crise-sanitaire-pou

    L’autre menace pour Gaza : sols et air pollués, eau contaminée
    Si les attaques israéliennes ont déjà provoqué plus de 25 000 morts dans la bande de Gaza, leurs conséquences sur l’environnement des habitants les exposent à des risques tout aussi fatals.
    [...]

    Les bombardements israéliens sur Gaza, menés en représailles de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, tuent des centaines de Palestiniens chaque jour. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 25 000 personnes ont été tuées par les offensives successives d’Israël depuis quatre mois, et 85 % des 2,1 millions d’habitants de l’enclave palestinienne ont été déplacés. Mais ces attaques pourraient avoir d’autres conséquences fatales pour les Gazaouis.

    « Les opérations militaires israéliennes à Gaza ont des conséquences désastreuses, notamment à cause d’une pollution carbone énorme, que ce soit dans l’air, l’eau, les sols, exposant les Palestiniens à un large panel de substances toxiques », explique au Monde le Canadien David R. Boyd, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains et l’environnement. En octobre 2023, l’organisation Human Rights Watch avait révélé que du phosphore blanc, une substance toxique inflammable à l’apparence jaunâtre, pouvant brûler jusqu’à une température de 800 °C, avait été utilisé par Israël à Gaza et dans le sud du Liban.

    L’ONG a analysé des séries d’images, concluant à l’emploi de « projectiles d’artillerie au phosphore blanc de 155 mm ». Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne rentrant directement en contact avec du phosphore blanc risque des nausées, des vomissements et des diarrhées, des douleurs abdominales sévères, des sensations de brûlure. « La mort peut advenir sous vingt-quatre à quarante-huit heures à cause d’un collapsus cardiovasculaire », complète l’agence fédérale américaine de santé publique. L’utilisation de cette substance par Israël sur Gaza est « une grave violation du droit international », ajoute M. Boyd.

    En 2009, Israël avait admis avoir « utilisé des munitions contenant du phosphore blanc » pendant son offensive militaire contre Gaza, entre décembre 2008 et janvier 2009, précisant qu’elles « ne visaient pas directement les zones civiles ».

    Destruction de terrains agricoles
    Plus de 25 000 tonnes de bombes auraient été larguées sur la bande de Gaza entre le 7 octobre et le début du mois de novembre 2023, estime l’ONG Euromed Droits, qui accuse l’armée israélienne d’avoir utilisé des « armes à sous-munitions ». Selon le service de lutte contre les mines des Nations unies, ce sont des « munitions classiques conçues pour disperser ou libérer des sous-munitions explosives dont chacune pèse moins de 20 kilos ». L’usage de ce type d’artillerie a été déclaré illégal, car particulièrement meurtrier, par 119 Etats signataires de la convention d’Oslo de 2008, dont l’Etat hébreu n’est pas partie prenante. De plus, selon la Croix-Rouge internationale, « un grand nombre de ces sous-munitions n’éclatent pas comme prévu, leur présence rend l’agriculture dangereuse et entrave les reconstructions ». Israël a déjà utilisé ce type d’armes, notamment au Liban en 2006.

    La dégradation, voire la destruction, des terres représente un autre enjeu. « Des images satellites montrent que des terres agricoles sont détruites de manière délibérée », affirme Omar Shakir, directeur Israël-Palestine de Human Rights Watch. Il fait notamment référence à la zone de Beit Hanoun, dans le Nord, tapissée par les bombes pour, selon l’armée israélienne, atteindre des tunnels et des cibles du Hamas et où des bulldozers frayent de nouvelles routes aux véhicules militaires. « Nous avons pu constater qu’approximativement 30 % des terres agricoles ont été endommagées », explique He Yin, chercheur en géographie à l’université d’Etat de Kent (Ohio), qui a contribué à concevoir des cartes satellites permettant d’observer les destructions de terres à Gaza.

    Créé par deux universitaires américains, Jamon Van Den Hoek (université de l’Oregon) et Corey Scher (université de New York), pour visualiser, grâce à des images satellites, les dégâts provoqués par le conflit, l’outil Conflict Damage révèle que, au 17 janvier, « 49,7 % à 61,5 % des bâtiments de Gaza ont probablement été endommagés ou détruits ». Or, lorsque les édifices, infrastructures ou résidences explosent, d’énormes quantités de poussières et de débris sont rejetées dans l’environnement. En 2021, un rapport de la Banque mondiale portant sur la campagne militaire israélienne cette année-là à Gaza estimait que « 30 000 tonnes de déchets dangereux, y compris amiante, pesticides, engrais, (…) tuyaux en amiante-ciment » avaient contaminé le territoire.

    Un scénario aujourd’hui décuplé par l’ampleur de l’offensive israélienne. « Nous souffrons d’un air pollué à cause des bombes. De plus en plus de gens tombent malades », témoigne par message Adam, un jeune homme originaire de Jabaliya, dans le nord de la bande, et actuellement réfugié à Rafah, dans le Sud.

    Accès à l’eau potable préoccupant
    Auteur d’un rapport pour l’ONG néerlandaise Pax for Peace portant sur les risques environnementaux et sanitaires de la guerre à Gaza, l’expert en désarmement Wim Zwijnenburg explique que les substances contenues dans ce type de débris ont été analysées dans des conflits précédents, comme en Syrie, ou lors de catastrophes naturelles, comme le séisme de février 2023 dans le sud de la Turquie, et « peuvent provoquer de graves maladies ».

    A cet air difficilement respirable vient s’ajouter un accès à l’eau potable devenu extrêmement rare. Cette difficulté n’est pas nouvelle. Dès 2012, un rapport des Nations unies estimait que 90 % du volume disponible était impropre à la consommation. Dix jours après le début de l’offensive israélienne d’octobre 2023, les capacités de pompage des nappes phréatiques étaient tombées à 5 % par rapport à leur niveau habituel, selon l’Unicef.

    D’après le Wall Street Journal, Israël aurait commencé début décembre à inonder des tunnels de Gaza d’eau de mer afin d’en déloger le Hamas. L’armée israélienne a confirmé mardi 30 janvier avoir procédé à l’inondation de certains tunnels. « Des rapports, non corroborés, affirment que des hydrocarbures et autres substances sont présentes dans ces tunnels. Si c’est le cas, elles pourront donc affecter le sol et s’infiltrer dans l’aquifère », souligne Wim Zwijnenburg.

    L’OCHA ajoute qu’une vingtaine d’infrastructures liées à l’eau, à l’assainissement ou à l’hygiène auraient été détruites par des attaques. « Les gens passent la plus grande partie de leur journée à essayer de trouver de l’eau pour boire », affirme Omar Shakir, de Human Rights Watch.

    Zones inhabitables
    Les eaux usées se déversent dans les lieux de vie. Le 4 janvier, une vidéo diffusée sur WhatsApp et consultée par Le Monde montrait un journaliste palestinien se filmant en train d’avancer au milieu d’une inondation d’eaux usées dans l’école servant de camp de réfugiés à Jabaliya. Ces déchets liquides peuvent également être déversés dans la mer, constituant un danger pour la santé humaine et la biodiversité. Un rapport du Programme pour l’environnement de l’ONU en 2020 affirmait avoir « trouvé des preuves substantielles de changements environnementaux et d’une dégradation du territoire palestinien ». Sur les soixante-cinq stations d’épuration d’eau que compte Gaza, la plupart seraient actuellement hors service, selon l’ONG Oxfam.

    La présence de certaines bactéries dans l’eau accroît de plus la résistance aux antibiotiques. Une étude publiée dans The Lancet, le 25 novembre 2023, rappelle l’urgence de la situation. « Sans une action rapide, cette guerre menace de redéfinir l’épidémiologie de la résistance aux antimicrobiens à Gaza et au-delà », peut-on lire. Selon un rapport de l’ONU du 2 janvier 2024, on comptait à Gaza 179 000 cas d’infections respiratoires aiguës, 136 400 cas de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans, 55 400 cas de gale et de poux et 4 600 cas de jaunisse.

    « Nous verrons plus de gens mourir de maladies que nous n’en voyons tués par les bombardements si nous ne pouvons pas remettre en place un système de santé », alertait Margaret Harris, porte-parole de l’OMS, à Genève, le 28 novembre 2023. Pour Wim Zwijnenburg, certaines parties de la bande de Gaza peuvent déjà être considérées comme inhabitables. « Les gens ne pourront pas retourner dans ces endroits. Il n’y a rien pour espérer rebâtir une société humaine », conclut-il.

    #gaza #sols #eau #pollution #risques #maladies

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • Albanie : la Cour constitutionnelle approuve l’accord avec l’Italie sur l’externalisation des demandes d’asile - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54855/albanie--la-cour-constitutionnelle-approuve-laccord-avec-litalie-sur-l

    Actualités
    Albanie : la Cour constitutionnelle approuve l’accord avec l’Italie sur l’externalisation des demandes d’asile
    Par La rédaction Publié le : 30/01/2024
    Bloqué par une procédure judiciaire, l’accord migratoire entre Rome et Tirana a finalement obtenu le feu vert de la Cour constitutionnelle albanaise. D’ici quelques mois, l’Albanie accueillera donc deux centres d’accueil pour les demandeurs d’asile secourus dans les eaux italiennes, malgré les nombreuses critiques visant le projet.
    Feu vert pour le projet italien. Lundi 29 janvier, la Cour constitutionnelle albanaise a approuvé la construction dans le pays de deux centres d’accueil pour les migrants secourus dans les eaux italiennes. L’accord entre Tirana et Rome « ne nuit pas à l’intégrité territoriale de l’Albanie », a tranché la Cour, faisant fi des nombreuses critiques d’ONG et de l’opposition albanaise qui l’avait saisie estimant que l’accord « violait la Constitution albanaise ». (..)
    Cet accord ne nuit pas non plus, selon le communiqué de la Cour, « aux droits humains et aux libertés », et est « conforme à la Constitution albanaise ». Il doit maintenant être ratifié par le Parlement, ce qui devrait être une formalité puisque le Premier ministre et signataire de l’accord, le socialiste Edi Rama, y dispose d’une majorité. Signé en novembre entre les deux pays, le texte prévoit l’ouverture d’un centre dans le port de Shëngjin (nord), servant à l’enregistrement des demandeurs d’asile. La structure sera construite sur un périmètre d’environ 240 mètres, et sera entouré d’une clôture de 4 mètres de haut, rehaussée de barbelés. Le centre de Gjader, lui, hébergera les migrants dans l’attente d’une réponse à leur demande d’asile.
    Ces deux centres qui seront gérés par l’Italie sur le territoire d’un pays qui ne fait pas partie de l’Union européenne (UE) - mais y aspire - pourront accueillir jusqu’à 3 000 migrants arrivés en Italie par voie maritime. Avec ce traité, les migrants récupérés en mer ne débarqueront pas en Italie, et ne fouleront même pas son sol. Ils seront directement emmenés vers les ports albanais. Rome contourne ainsi la responsabilité légale d’accueil qui lui incombe lorsqu’un demandeur d’asile est secouru sur son territoire, maritime en l’occurrence. En Italie, l’accord, avant même son éventuelle entrée en vigueur, a suscité de très nombreuses critiques. « Publicité électorale » en vue des élections européennes de juin, « inutile et coûteux », « inhumain et illégitime » : les députés d’opposition italiens n’ont pas manqué de dénoncer durement cet accord au cours du débat parlementaire. Ils en ont également critiqué le coût, estimé entre 650 et 750 millions d’euros sur cinq ans. Les dépenses pour la construction de ces deux centres et des infrastructures nécessaires, pour leur fonctionnement, pour la sécurité ainsi que pour les soins médicaux des demandeurs d’asile seront en effet couvertes à 100% par la partie italienne, selon les autorités albanaises.
    Un coût prohibitif qui s’ajoutent aux nombreuses critiques d’ONG et d’institutions contre le projet. L’International Rescue Committee (IRC) a fustigé un accord « déshumanisant », quand Amnesty International dénonçait une « proposition irréalisable, nuisible et illégale ». Le Conseil de l’Europe, lui, avait considéré en novembre que ce « régime d’asile extraterritorial se caractérise par de nombreuses ambiguïtés légales ». Il risque « d’aboutir à un traitement différent entre ceux dont les demandes d’asile seront examinées en Albanie et ceux pour qui cela se déroulera en Italie », avait estimé la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic dans un communiqué. Cela n’a pas empêché les députés italiens d’adopter le projet le 24 janvier, par 155 voix pour et 115 contre, avec deux abstentions. Le Sénat, où la coalition ultraconservatrice au pouvoir de Giorgia Meloni dispose d’une large majorité parlementaire, devrait aussi l’approuver sans difficulté.
    Faciliter les expulsions Le nombre de personnes tentant de rejoindre l’Europe via l’Italie a beaucoup augmenté l’an dernier. Selon le ministère italien de l’Intérieur, 157 652 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes en 2023, contre 105 131 en 2022.
    Depuis quelques mois, Rome multiplie donc les mesures pour dissuader les exilés de débarquer sur son sol. Le 28 novembre, la Chambre des députés a voté à la majorité le décret Cutro 2, qui fixe notamment les conditions d’hébergement des exilés sur son sol. Avec la nouvelle législation par exemple, toute personne reconnue coupable, même avec une peine non définitive, de blessures corporelles sur des individus mineurs ou infirmes ne pourra entrer en Italie. Aussi, le délai de recours contre l’expulsion d’un étranger titulaire d’un titre de séjour de longue durée dans l’Union européenne est réduit de 30 à 15 jours.
    Le 24 septembre, un centre d’hébergement flambant neuf a par ailleurs été inauguré à Pozzallo en Sicile. Il accueillera uniquement les exilés provenant de « pays sûrs », qui ont donc très peu d’espoir d’obtenir une protection en Italie. Objectif affiché de cette nouvelle structure ? Accélérer le traitement des demandes d’asile, et donc les expulsions.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#albanie#UE#accordmigratoire#payssur#protection#droit#sante

  • Algérie : près de 2 000 migrants expulsés vers le « Point zéro » au Niger en deux semaines - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54862/algerie--pres-de-2-000-migrants-expulses-vers-le-point-zero-au-niger-e

    Actualités
    Algérie : près de 2 000 migrants expulsés vers le « Point zéro » au Niger en deux semaines
    Par Charlotte Boitiaux Publié le : 30/01/2024
    Entre le 1er et le 17 janvier, 1 939 migrants ont été expulsés par l’Algérie dans le Sahara à la frontière nigérienne, une zone appelée « Point zéro ». Du jamais vu, selon le collectif Alarme Phone Sahara qui a effectué le recensement. Parmi les exilés expulsés, se trouvent majoritairement des Subsahariens et des Africains de l’Ouest. Certains habitaient en Algérie, d’autres avaient déjà été expulsés des pays frontaliers comme la Tunisie, la Libye ou le Maroc.
    « L’année 2024 a commencé avec des expulsions au Niger », a tweeté le collectif Alarme Phone Sahara sur les réseaux sociaux. Et les chiffres sont « alarmants », selon Azizou Chehou, le coordinateur du collectif, contacté par InfoMigrants : 1 939 migrants ont été renvoyés illégalement d’Algérie dans le désert nigérien en un peu plus de deux semaines. « Du jamais vu », affirme-t-il.
    C’est en plein Sahara aux portes du désert du Ténéré que sont envoyés les exilés. La zone frontalière est aussi appelée au « Point zéro ». Selon les équipes d’Alarme Phone Sahara - basées à Agadez, Assamaka, Arlit, Niamey, dans la région de Kawar (sur la route vers la Libye) - les migrants expulsés ces deux dernières semaines viennent du Sahel et d’Afrique de l’Ouest principalement.
    « Les mesures de l’UE pour retenir les migrants sur le continent africain sont en grande partie responsables de la situation », juge Azizou Chehou, d’Alarme Phone en évoquant les partenariats migratoires signés entre Bruxelles et le Maroc, la Tunisie, la Libye. « Ils font tout pour que les pays africains empêchent les départs, donc les migrants sont bloqués puis renvoyés plus au sud ».
    Alarme Phone Sahara évoque aussi la reprise des rafles par les autorités algériennes dans les villes du pays. « Ces arrestations arbitraires ont toujours existé mais leur fréquence varie. Aujourd’hui, on arrête les Noirs dans leur appartement, dans la rue, sur leur lieu de travail, sur les terrains de sport et puis on les envoie vers Point zéro », explique-t-il.
    Il existe aussi des renvois transfrontaliers. Depuis des mois, par exemple, la Tunisie expulse illégalement des Subsahariens vers l’Algérie. « Quand les autorités algériennes constatent que des Noirs ont traversé la frontière, ils les arrêtent ». Les migrants qui viennent de Tunisie « se reposent généralement quelques jours » puis « sont expulsés à leur tour », détaille Azizou Chehou. Ces renvois sont loin d’être nouveaux. Entre les mois de juillet et octobre 2023, environ 5 000 migrants avaient été expulsés vers « Point Zéro ». En 2021 déjà, de nombreuses expulsions avaient eu lieu. Et les dangers sont réels. Les exilés sont généralement abandonnés à la tombée de la nuit. Lorsqu’ils sont lâchés, ils sont livrés à eux-mêmes. Sans eau ni nourriture, ils doivent parcourir 15 kilomètres à pied pour rejoindre le village nigérien le plus proche, Assamaka. C’est là que se trouve le centre de transit de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l’ONU qui assiste les retours volontaires des migrants vers leur pays d’origine. Chaque année, de nombreux exilés disparaissent aussi sans laisser de trace dans le Sahara. Ils peuvent se perdre, mourir de déshydratation, ou être victimes de groupes mafieux. Amadou, un migrant contacté par InfoMigrants en juillet 2020, racontait avoir vu trois personnes mourir sous ses yeux dans le désert. « Ils étaient tellement fatigués qu’ils se sont effondrés au sol », avait expliqué le jeune Africain qui travaillait depuis deux ans en Algérie avant d’être arrêté

    #Covid-19#migrant#migration#niger#algerie#assamaka#sahara#routemigratoire#OIM#frontiere#expulsion#libye#agadez#arlit#niamey#sante

  • Espagne : plus de 600 demandeurs d’asile s’entassent dans un terminal de l’aéroport de Madrid - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54870/espagne--plus-de-600-demandeurs-dasile-sentassent-dans-un-terminal-de-

    Actualités Espagne : plus de 600 demandeurs d’asile s’entassent dans un terminal de l’aéroport de Madrid
    Par Marlène Panara Publié le : 30/01/2024 Dernière modification : 31/01/2024
    Plus de 600 exilés, marocains et sénégalais notamment, patientent actuellement dans l’aéroport de la capitale espagnole « dans des conditions insalubres ». Ces migrants, passagers de vols à destination de l’Amérique du Sud, ont demandé l’asile lors de leur escale à Madrid.
    La crise s’enlise à l’aéroport Barajas de Madrid. Près de 600 demandeurs d’asile s’entassent actuellement dans le terminal T4, qui accueille les passagers en transit en Espagne. Dimanche, 200 personnes supplémentaires, réparties dans quatre vols en provenance de Casablanca au Maroc, ont rejoint 400 autres migrants en attente du traitement de leur demande d’asile.
    Ce mardi 30 janvier, une salle d’accueil supplémentaire de 500m2 a été ouverte dans le terminal 1 pour faire face à ces nouvelles arrivées. Elle pourra accueillir jusqu’à 162 personnes, affirme RTVC.
    Ces deux dernières semaines, quatre salles d’accueils avaient déjà été ouvertes pour accueillir les demandeurs d’asile. Mais face aux arrivées presque quotidiennes, ces pièces d’attente, d’une capacité de 60 à 70 personnes, sont désormais saturées. « La surpopulation et les conditions insalubres ont atteint des points critiques, provoquant des infestations de punaises de lit, une accumulation d’ordures et une pénurie de serviettes pour l’hygiène personnelle », avait prévenu la semaine dernière l’ONG Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR) dans un communiqué.
    Certains exilés patientent donc désormais dans les couloirs de service du terminal et dorment sur des cartons. « Tous sont visibles du reste des voyageurs », puisqu’ils patientent « dans la zone de récupération des bagages », précise El Mundo. « Une image inhumaine et tout à fait regrettable », déplorent des voyageurs interviewés par le journal. D’autres migrants se sont installés ailleurs à l’aéroport, « pour échapper à la foule et à l’accumulation d’ordures concentrées dans les salles d’attente ». La situation a d’ailleurs poussé la Croix-Rouge, en charge jusqu’ici de l’accueil des demandeurs d’asile, à stopper ses activités dans le terminal. La promiscuité et les mauvaises conditions d’attente attisent aussi les tensions. D’après El Mundo, la police, « complètement débordée », a déjà dû intervenir dans plusieurs litiges entre les exilés.
    Depuis le 1er janvier, les autorités ont ordonné 108 expulsions depuis l’aéroport. Et selon le ministère de l’Intérieur, 864 demandes d’asile ont déjà été traitées par les responsables de la police et de l’Office d’Asile et Refuge (OAR). Depuis quelques mois, de nombreux exilés en provenance du Sénégal, du Maroc de la Somalie, du Venezuela et de la Colombie demandent l’asile à leur arrivée à Madrid, escale de leur vol à destination de la Bolivie, du Brésil ou du Salvador. Cette voie concerne aussi les jeunes migrants. Entre le 1er et le 17 janvier 2024, 188 mineurs isolés ont débarqué au terminal de Madrid pour rester dans le pays, via un vol à destination de l’Amérique latine.
    Pour freiner ces arrivées, l’Espagne a rendu obligatoire la semaine dernière un visa de transit aéroportuaire (TAP) pour les ressortissants sénégalais en escale dans les aéroports espagnols. Cette décision, déjà en vigueur pour les citoyens kényans, prendra effet le 19 février. Aucune mesure n’a encore été prise en revanche à l’encontre des voyageurs marocains. Mais la situation pourrait évoluer ce mardi 30 janvier, à l’issue de la rencontre prévue entre le ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska et le nouvel ambassadeur espagnol au Maroc, Enrique Ojeda.,Celle-ci intervient après des échanges entre les deux entités la semaine dernière, visant à la plus grande vigilance quant aux voyageurs qui prendraient un vol depuis Casablanca à bord de la compagnie nationale Royal Air Maroc. Le 20 janvier, Fernando Grande-Marlaska, en visite à Rabat, a par ailleurs assuré « travailler pour éviter […] une utilisation frauduleuse lors des escales aériennes » de ces « avions pateras », du nom donné aux embarcations de fortune qui débarquent en Espagne par la mer.
    La très grande majorité des migrants atteignent l’Espagne après avoir traversé l’océan Atlantique ou la mer Méditerranée. En 2023, plus de 55 000 migrants sont arrivés dans le pays par la mer, sur un total de 57 000. Environ 37 000 d’entre eux emprunté la route migratoire des Canaries. Cette année-là aussi, plus de 163 000 demandes d’asile ont été enregistrées en Espagne, un record. Ces chiffres placent d’ailleurs Madrid au troisième rang des pays de l’Union européenne recevant le plus de demandes d’asile. D’après le ministère de l’Intérieur, plus de trois quarts de ces demandes ont été effectuées par des ressortissants latino-américains.

    #Covid-19#migrant#migration#espagne#maroc#senegal#visas#asile#canaries#routemigratoire#venezuela#bolivie#bresil#somalie#sansalvador#sante

  • La pollution de l’air dans les écoles élémentaires est responsable de dizaine de milliers de cas d’asthme chaque année, d’après Santé publique France
    https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/la-pollution-de-l-air-dans-les-ecoles-elementaires-est-responsable-de-d


    Encore 30 ans et on va pondre des normes sanitaires de qualité de l’air…

    Non, je déconne : ils sont en train de piétiner la qualité de l’eau, difficilement obtenue.

    Le moyen-âge, c’est eux.

    Santé publique France a publié mardi les résultats intermédiaires de travaux analysants pour la première fois les conséquences de la pollution de l’air dans les salles de classe sur la santé des élèves.

  • La semaine de Naïm : Gabriel Attal chez les agriculteurs, les JO 2024, le tri sélectif, Alain Duhamel en avance sur son temps

    « Alors, Gabriel, il va voir les agriculteurs et il leur dit quoi ? Il leur dit, « L’agriculture, c’est au-dessus de tout. » La semaine dernière, il a dit, « L’école, c’est au-dessus de tout. » Tout est au-dessus de tout maintenant. Ça y est, la France, c’est plus un pays, c’est un nuage.

    https://www.youtube.com/watch?&v=DeJzgrFVeP0

    #gabriel_attal #emmanuel_macron #France École #Santé #Poubelles #actualités_françaises #école #en_vedette #éducation #politique #Humour

  • « Faute de bras, l’immigration est en hausse constante au Japon »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/30/faute-de-bras-l-immigration-est-en-hausse-constante-au-japon_6213857_3234.ht

    « Faute de bras, l’immigration est en hausse constante au Japon »
    Philippe Escande
    Pour la première fois de son histoire, l’archipel nippon a dépassé en 2023 le seuil des 2 millions de travailleurs immigrés. Cette tendance, qui s’étend à tous les secteurs, cache un grand mystère : la stagnation des salaires, en dépit de la pénurie. Tout un défi pour le gouvernement et la Banque du Japon, note Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ».
    Ils sont vietnamiens, chinois, philippins, indonésiens, birmans ou népalais. Ils rêvent désormais d’une vie meilleure au Japon. Progressivement, le pays du Soleil-Levant ouvre ses portes à ses voisins, pourvu qu’ils sachent s’occuper de malades, construire des immeubles ou travailler en usine. L’archipel nippon n’a pas vraiment le choix. Les derniers chiffres publiés, mardi 30 janvier, par le ministère du travail l’attestent. Avec un chômage à 2,4 % en décembre 2023, il existe 120 offres d’emploi pour 100 demandeurs. Désormais, de nombreuses petites entreprises sont poussées à la faillite, faute de bras.
    Résultat, l’immigration est en hausse constante. Commencée dans les hôpitaux, elle s’étend à tous les secteurs. Pour la première fois de son histoire, le pays a dépassé en 2023 le seuil des 2 millions de travailleurs immigrés sur son sol, soit 12 % de plus qu’en 2022. Selon les statistiques dévoilées vendredi 26 janvier, un quart de ces employés étrangers viennent du Vietnam, près de 20 % de Chine et 11 % des Philippines. Mais la palme de la progression revient aux Indonésiens, dont le nombre est en progression de 56 % sur un an.
    Pour canaliser ce flux, le pays a créé des classes de visa. Il distingue les « compétences spécifiques » pour les métiers en pénurie et même les « hautes compétences » pour les chercheurs et ingénieurs les plus recherchés. Ceux-là sont les seuls à pouvoir emménager avec leur famille.
    D’après le Fonds monétaire international, les gens arrêtent d’émigrer d’un pays quand, dans celui-ci, le produit intérieur brut (PIB) par habitant atteint 7 000 dollars (6 500 euros), car la différence de salaire ne vaut plus le coup. Le Vietnam, avec son PIB par tête d’un peu plus de 4 000 dollars, a encore de la marge, tout comme l’Indonésie, avec ses 4 700 dollars. Cette réalité, encore très contrôlée, de l’immigration japonaise cache un grand mystère, celui de la stagnation des salaires, en dépit de la pénurie. Ceux-ci ont encore baissé de 3 % en valeur réelle en 2023. C’est un souci majeur pour le gouvernement, et un drame pour la Banque du Japon, qui tente désespérément de faire monter l’inflation. Ils espèrent un regain à l’occasion des négociations annuelles, qui démarrent en février dans les entreprises.
    Sans rebond de la hausse des prix et des salaires, la banque centrale ne pourra pas s’extraire du piège dans lequel elle est enfermée. Détentrice désormais de plus de 50 % de la gigantesque dette nationale, elle ne sait plus comment sortir de sa politique de taux négatifs destinée à doper une croissance anémique. Et ce ne sont pas les travailleurs vietnamiens ou philippins qui pourront résoudre ce problème. Philippe Escande

    #Covid-19#migrant#migration#japon#economie#maindoeuvre#immigration#chine#vietnam#philippines#indonesie#metierenpenurie#visas#competence#sante

  • Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/28/loi-immigration-le-conseil-a-manque-l-occasion-de-se-prononcer-sur-les-limit

    Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    Tribune Samy Benzina Constitutionnaliste
    En censurant essentiellement les « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a laissé en suspens la question de la conformité de la « préférence nationale » aux droits et libertés constitutionnels, explique, dans une tribune au « Monde », Samy Benzina, professeur de droit public à l’université de Poitiers.
    La décision du Conseil constitutionnel restera comme l’une des plus habiles qu’ait rendues l’institution de la rue de Montpensier : elle lui a permis de se sortir de la situation inextricable dans laquelle l’avait injustement placée la majorité présidentielle. Le juge constitutionnel n’a en principe vocation qu’à contrôler la constitutionnalité des dispositions d’une loi adoptée par la majorité et contestée par l’opposition. Or, il s’est trouvé saisi d’un texte, fruit d’un compromis entre le gouvernement et les parlementaires de droite, dont des ministres et des membres de la majorité ont pointé publiquement, de manière inédite, les potentiels vices de constitutionnalité.
    L’objet du contrôle de constitutionnalité a priori s’en trouvait dès lors détourné : la majorité présidentielle (relative) entendait en faire un mécanisme lui permettant de remporter juridiquement ce qu’elle n’avait pas su obtenir politiquement. Voilà pourquoi le gouvernement n’a pas pleinement exercé sa fonction de défenseur de la constitutionnalité de la loi devant le juge constitutionnel : il s’en est remis, de manière inhabituelle, « à la sagesse du Conseil constitutionnel » à propos du nombre de dispositions introduites par les sénateurs républicains avec lesquelles il était en désaccord.
    Le Conseil constitutionnel se trouvait dès lors placé dans une impasse présentant des risques significatifs pour sa légitimité. Une censure des dispositions les plus sensibles du texte au regard de leur contrariété à certains droits ou libertés aurait conduit à la vive mise en cause de l’institution et au retour de l’antienne sur le « gouvernement des juges » – un risque bien réel au vu des attaques dont il avait fait l’objet, en 1993, à la suite de sa décision de censure d’une loi relative à l’immigration. A l’inverse, une déclaration de conformité aurait provoqué des doutes sur sa capacité à être un véritable gardien des droits et libertés constitutionnels.
    En choisissant de qualifier l’essentiel des dispositions les plus controversées de la loi de « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a privilégié une solution ingénieuse : tout en se fondant sur une jurisprudence bien établie et sur un raisonnement juridique en apparence imparable, il évite de se prononcer sur l’atteinte éventuelle de ces dispositions aux droits et libertés constitutionnels. Cette habileté du Conseil constitutionnel ne le préservera cependant pas de certaines critiques légitimes.
    D’abord, si la jurisprudence relative aux « cavaliers législatifs » est ancienne, elle a en effet été appliquée avec un zèle particulier dans le cadre du contrôle de cette loi, et ce en dépit de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait justement vocation à desserrer son contrôle. Rappelons qu’en l’état du droit, lorsqu’il contrôle une disposition qui a été ajoutée par voie d’amendement, le juge constitutionnel doit contrôler qu’elle présente un lien, même indirect, avec le contenu du projet de loi initialement déposé devant le Parlement.
    La décision sur la loi « immigration » montre que ce contrôle n’est pas toujours exercé avec la même vigilance ou cohérence : dans sa décision sur la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, il avait ainsi admis des dispositions relatives à la nationalité sans y voir de « cavalier » alors qu’il vient de faire le contraire sans qu’on puisse objectivement expliquer cette différence.
    Ensuite, ce choix de censurer une grande partie de la loi pour un motif procédural surprend d’autant plus quand on le met en parallèle avec sa décision du 14 avril 2023 sur la loi de réforme des retraites. Dans cette dernière, le Conseil constitutionnel avait refusé de voir un quelconque vice de constitutionnalité dans l’emploi, par le gouvernement, d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et l’accumulation du recours aux mécanismes de rationalisation du parlementarisme, et ce alors même que cela avait largement tronqué les débats parlementaires.
    La décision de censurer plus d’un tiers des articles de la loi « immigration » largement issus d’amendements parlementaires donne de ce fait l’impression d’un deux poids, deux mesures : le Conseil paraît appliquer les règles procédurales de manière plus pointilleuse à l’égard des parlementaires que du gouvernement.
    Enfin, cette décision laisse en suspens la question de la conformité aux droits et libertés constitutionnels de certaines dispositions particulièrement controversées, comme l’article 19, qui instaure une « préférence nationale » en restreignant l’accès à certaines prestations sociales non contributives pour nombre d’étrangers. Certes, il y a peu de chance que ces articles soient de nouveau discutés à court terme : on imagine mal la majorité présidentielle soutenir la réintroduction de dispositions qu’elle a contestées publiquement et que le gouvernement n’a pas défendues devant le Conseil constitutionnel.
    La question de la constitutionnalité de certains dispositifs va cependant inévitablement se reposer, au moins dans le cadre des campagnes électorales, dès lors que certains partis défendent cette « préférence nationale ». Le juge constitutionnel a manqué l’occasion de se prononcer au fond sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers. Une telle décision aurait pu informer les citoyens sur la compatibilité du programme politique de certains partis avec la Constitution, information qui apparaît d’autant plus nécessaire que la révision de la Constitution n’est pas chose aisée. Ainsi, si la décision du Conseil constitutionnel a le mérite d’empêcher la promulgation de dispositions contestables, elle ne marque pas pour autant un progrès de l’Etat de droit.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#constitution#preferencenationale#etranger#egalite#sante#droit

  • Traversées de la Manche : plus de 1 000 migrants arrivés en 15 jours au Royaume-Uni - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54840/traversees-de-la-manche--plus-de-1-000-migrants-arrives-en-15-jours-au

    Actualités : Traversées de la Manche : plus de 1 000 migrants arrivés en 15 jours au Royaume-Uni
    Par La rédaction Publié le : 29/01/2024
    Entre le 15 et le 29 janvier, plus de 1 000 exilés ont traversé la Manche depuis la France pour rejoindre les côtes anglaises. Après une période d’accalmie, les départs ont donc repris. Les traversées restent meurtrières : quatre migrants ont trouvé la mort dans la nuit du 13 au 14 janvier. L’eau était à neuf degrés.
    Après 25 jours sans arrivées, Londres a renoué le 13 janvier avec les débarquements de canots de migrants sur ses côtes. En 15 jours, 1 057 exilés ont traversé la Manche. Dans le détail, 358 personnes ont par exemple été recensées pour la journée du 17 janvier, 139 pour le 14 janvier et 276 pour le 28 janvier, selon les chiffres communiqués par le Home Office.
    Les départs ont donc repris malgré le froid et la température de l’eau qui n’excède pas 10 degrés. La police française se déploie sur tout le littoral pour empêcher les canots de se mettre à l’eau. Les autorités ont ainsi empêché mercredi 17 janvier le départ en mer d’une centaine d’exilés, dont des enfants. Ils s’apprêtaient à partir depuis la plage de Sangatte. Cette arrestation est intervenue quatre jours après un naufrage dramatique survenu au large de Wimereux, à quelques kilomètres de Sangatte. Dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 janvier, cinq personnes sont mortes noyées alors qu’elles tentaient de rejoindre une embarcation en partance pour le Royaume-Uni. Deux adolescents syriens de 14 et 16 ans figurent parmi les victimes.
    Depuis des années, la France et le Royaume-Uni multiplient les mesures pour empêcher les traversées de la Manche. En mars 2023, les deux États ont signé un énième accord pour le déploiement de patrouilles supplémentaires côté français notamment. Coût du dispositif pour Londres : près de 500 millions d’euros.
    Le Royaume-Uni s’était même félicité en début d’année d’avoir récolté les fruits de ses lourds investissements dans la militarisation de sa frontière maritime. Le nombre de personnes atteignant le littoral anglais a baissé d’un tiers en 2023. Londres a enregistré 29 437 arrivées de migrants en « small boat » cette année-là, contre 45 000 en 2022.
    Un facteur important permet d’explique cette baisse : l’accord signé entre Londres et l’Albanie en décembre 2022 pour lutter contre l’immigration clandestine. De nombreux Albanais traversent la Manche : en 2022, près d’un tiers des 45 000 arrivées sur le sol anglais concernaient des Albanais partis de France, souvent des hommes majeurs seuls. A l’été 2022, les Albanais ont même représenté jusqu’à 50 % des passagers de « small boats ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#grandebretagne#smallboat#militarisatiion#manche#traversee#mortalite#sante

  • Mayotte : des barrages de collectifs citoyens contre l’insécurité et l’immigration
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/29/mayotte-des-barrages-de-collectifs-citoyens-contre-l-insecurite-et-l-immigra

    Mayotte : des barrages de collectifs citoyens contre l’insécurité et l’immigration
    Par Nathalie Guibert et Jérôme Talpin (Saint-Denis (La Réunion), correspondant)
    Le préfet Thierry Suquet a peut-être annoncé un peu prématurément, samedi 27 janvier, le « rétablissement de la liberté d’aller et venir » à Mayotte, après la levée par les forces de l’ordre des barrages qui ont entravé la circulation de l’île durant la semaine. Celle-ci a vu se multiplier des blocages de collectifs de citoyens excédés par l’insécurité et l’immigration, tandis que des bandes de quartiers barraient d’autres axes à l’occasion d’affrontements intervillages, une pratique devenue courante.
    Lundi 29 janvier, de nouveau, des routes ont été barrées dans plusieurs localités. Alors que la crise de l’eau commence tout juste à se résorber grâce à la saison des pluies, le département de l’océan Indien connaît un énième accès de fièvre.Plusieurs collèges sont restés fermés à l’issue du week-end, pour des raisons diverses. Notamment celui de Koungou, attaqué mercredi dernier par des bandes venues y régler leurs différends à coups de machettes et de pierres. Des heurts ont encore eu lieu aux abords de l’établissement ce lundi, et le recteur, qui s’est rendu sur place, a été la cible d’un caillassage sur son trajet, a rapporté la chaîne La 1ère.
    Dans la soirée de dimanche, c’est la brigade de gendarmerie de Sada qui a subi l’assaut d’une cinquantaine de jeunes hommes. « Ils ont jeté des pierres et des cocktails Molotov sur la caserne sans faire de dégâts majeurs. Avec l’arrivée de renforts, le calme est revenu vers 23 heures », a indiqué le commandement de la gendarmerie. Le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale a de son côté été déployé à Mramadoudou. Une sorte de routine, même si la gendarmerie dit devoir désormais gérer des « profils de délinquants » classiques ciblant les forces de l’ordre.
    S’ajoutant à ces affrontements réguliers, de nouvelles tensions ont éclaté quand des collectifs de citoyens, minoritaires mais très visibles sur l’île, s’en sont pris au campement de migrants installé autour du stade de Cavani à Mamoudzou. Quelque 500 Africains venus de République démocratique du Congo, du Burundi, du Rwanda et de Somalie, s’y sont installés dans des abris précaires depuis le mois de mai, une partie d’entre eux ont un statut de demandeurs d’asile. Leur nombre croissant aurait agi auprès d’eux comme un élément déclencheur.
    « Les autorités nous expliquent qu’ils sont protégés par le droit d’asile mais nous ne pouvons le comprendre dans nos conditions de vie actuelles », alerte Haoussi Boinahedja, syndicaliste présent sur un barrage constitué de branchages et de carcasses de voitures, sur la RN3, à Chirongui. « L’immigration illégale déstabilise et étouffe ce petit territoire qui est le plus pauvre de France. J’entends la colère des gens. Je crains le pire. » Selon lui, l’Etat doit mettre fin au « titre de séjour territorialisé » qui contraint les immigrés détenteurs à rester à Mayotte.
    Avec les « mamans » de son Collectif des citoyens de Mayotte 2018, Safina Soula organise, elle, un sit-in depuis le 6 décembre devant le service des étrangers de la préfecture, entravant le traitement des dossiers. « Ce camp, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, proteste-t-elle. Il y a l’immigration clandestine venue des Comores voisines et maintenant c’est l’Afrique qui voit Mayotte comme un sas d’entrée en France et en Europe. » Quant à la lutte contre l’insécurité : « Nous avons demandé l’état d’urgence. Rien. Mayotte va exploser. » L’opération Wuambushu, déployée par le ministère de l’intérieur d’avril à août 2023 sur les deux fronts de l’immigration illégale et de l’insécurité, n’aura apporté qu’un court répit.
    Les barrages sont tenus par des pères et des mères de famille, assure Safina Soula. « Ce ne sont pas des fous mais des agents hospitaliers, des pompiers, des chauffeurs de transports scolaires qui n’en peuvent plus de se faire caillasser tous les jours, juge-t-elle. Le confinement à Mayotte ne s’est pas arrêté en 2020. La population est cloîtrée en fonction de l’humeur des délinquants. Le soir, tout le monde essaie de rentrer avant 18 heures pour être en sécurité et a peur pour ses enfants ».
    La préfecture a commencé à démanteler le camp du stade de Cavani le 25 janvier. Le vendredi 26, les « mamans » du collectif ont été délogées de l’entrée principale de la préfecture. Mais elles y sont revenues lundi matin, tandis que les barrages des collectifs réapparaissaient. « Il existe un deux poids deux mesures par rapport à l’attitude du gouvernement avec les agriculteurs, souligne Mme Soula. Nous vivons un manque de considération. »La situation met en danger toute la population, s’est alarmé le directeur de l’hôpital, Jean-Mathieu Defour, sur La 1ère. « La mobilité des soignants est gravement entravée. Cette situation exceptionnelle conduit le centre hospitalier de Mayotte à fonctionner avec moins de 50 % de son personnel. »
    « Anarchie à Mayotte », a dénoncé pour sa part dans un tweet la députée (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) Estelle Youssouffa. La parlementaire accuse le préfet Thierry Suquet de se montrer plus ferme vis-à-vis des Mahorais des collectifs qu’envers les fauteurs de troubles des quartiers. Le haut fonctionnaire, sur le départ, a défendu le bilan de l’Etat dans un long courrier adressé à l’association des maires de Mayotte le 26 janvier.
    « Depuis maintenant deux ans, le gouvernement a fortement augmenté les moyens humains et matériels dédiés à la sécurité et à la lutte contre l’immigration clandestine », assure le préfet. Et de citer les escadrons de gendarmerie, pérennisé (pour un d’entre eux) ou envoyés en renfort (deux), le détachement de dix agents du Raid, l’arrivée de drones, la création d’une brigade de gendarmerie effective début 2024, ou « l’affectation de 200 à 300 policiers et gendarmes dédiés à la sécurisation du transport scolaire chaque jour ». Depuis novembre, indique-t-il encore, « plus de 50 délinquants impliqués dans des troubles à l’ordre public et des faits de violence ont été interpellés et les deux tiers condamnés à des peines de prison ». Et les communes ont reçu 1,8 million d’euros de dotations en équipements de sécurité. Le préfet vante un « résultat historique », quant aux interceptions de migrants illégaux venus des Comores par la mer : « En 2023 ce sont plus de 660 kwassas [barques] transportant près de 8660 personnes qui ont été interceptés », soit plus des trois quarts d’entre eux, affirme-t-il. Mais quelque 23 000 étrangers arrivent et repartent de Mayotte chaque année, des chiffres stables en dépit des promesses de durcissement du ministère de l’intérieur.

    #Covid-19#migrant#migration#frannce#mayotte#crise#kwassas#traversee#comores#migrationirreguliere#campement#securite#sante

  • Aux Etats-Unis, la question migratoire, entre urgence sécuritaire et blocage politique
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/30/aux-etats-unis-la-question-migratoire-entre-urgence-securitaire-et-blocage-p

    Aux Etats-Unis, la question migratoire, entre urgence sécuritaire et blocage politique
    Par Piotr Smolar (Washington, correspondant)
    Washington, le 24 janvier 2024. J. SCOTT APPLEWHITE / AP
    Un gouverneur, au Texas, qui refuse d’appliquer une décision de la Cour suprême. Le favori des primaires républicaines, Donald Trump, qui incite les élus de son camp à rejeter tout compromis avec les démocrates. Le président, Joe Biden, qui annonce son intention de fermer la frontière avec le Mexique en cas d’urgence, si le Congrès lui en donne les moyens. Une opinion publique gagnée par l’inquiétude. Les foyers d’incendie se multiplient aux Etats-Unis sur la question migratoire.
    En cette année d’élection présidentielle, elle s’impose au cœur du débat public et constitue l’une des vulnérabilités de Joe Biden. Mais elle expose aussi les calculs politiques des républicains, prêts à attiser le feu à des fins électorales et à bloquer tout nouveau paquet d’aide à l’Ukraine, un dossier devenu connexe.Cette question migratoire n’est ni un fantasme ni une manipulation. La pression est forte à la frontière avec le Mexique. Ses raisons sont multiformes, en amont, sur le reste du continent américain – répressions politiques, catastrophe économique et climatique, etc. –, poussant des millions de personnes sur les routes de l’exil vers le nord. Elle est due aussi à l’impossibilité, de longue date, de refonder les dispositifs fédéraux de traitement des migrants et de revoir le droit d’asile américain de façon bipartisane.
    « Le système est cassé », reconnaît Joe Biden. Pendant les deux premières années de son mandat, ce dernier a voulu détricoter les politiques controversées de son prédécesseur, avant d’être confronté aux flux croissants de migrants. Depuis janvier 2023, il a tenté de reconfigurer son approche. L’idée de la Maison Blanche était d’obliger les candidats à l’asile à déposer leur demande dans les pays de transit, ou à prendre rendez-vous par une application, avant d’arriver aux Etats-Unis.Mais la pression s’est accrue. Au cours du mois de décembre, près de 302 000 migrants sans papiers ont été interpellés, avec des pics réguliers à 10 000 par jour. Des chiffres sans précédent. Entre octobre 2022 et septembre 2023, la police aux frontières a contrôlé 2,4 millions de personnes, après un nombre similaire l’année précédente. Parmi eux figuraient 169 individus inscrits sur la « terrorist watchlist », un fichier de près de deux millions de personnes considérées comme nécessitant un intérêt particulier de la part des services américains. La crainte que des terroristes en puissance s’infiltrent par une frontière poreuse est abondamment relayée par les élus républicains.
    L’un des acteurs de cette crise politique et sécuritaire est Greg Abbott, le gouverneur républicain du Texas. L’an passé, il s’était fait remarquer en organisant le transfert de plus de 90 000 sans-papiers vers de grandes villes administrées par les démocrates – telles Los Angeles, Chicago ou New York –, prétendument au nom d’un partage du fardeau. Greg Abbott a récemment ordonné l’installation en urgence d’un mur de barbelés le long du Rio Grande, autour de la ville d’Eagle Pass. Déployés sur près de cinquante kilomètres, ces barbelés devaient décourager les candidats au franchissement, du côté mexicain. Mais ils empêchaient l’accès à la frontière aux forces fédérales, dont c’est pourtant la prérogative.
    Le 22 janvier, la Cour suprême a donné raison au gouvernement fédéral. En réponse, Greg Abbott a accusé la Maison Blanche de ne pas assumer ses « devoirs constitutionnels ». Ayant déclaré une « invasion » du Texas, le gouverneur invoque le droit de son Etat à « se défendre et à se protéger ». Cette révolte étatique contre le gouvernement fédéral inspire d’autres gouverneurs. Ils sont vingt-quatre républicains à avoir signé un texte de soutien à leur collègue du Texas, expliquant que les Etats pouvaient se substituer à Washington si le pouvoir fédéral n’assumait pas ses responsabilités.
    A Washington, les élus républicains se retrouvent dans une position inconfortable. Eux qui depuis des mois accusaient la Maison Blanche d’inaction sont dorénavant décidés à faire de l’obstruction, pour bloquer un accord sénatorial bipartisan, négocié depuis quatre mois. A la Chambre des représentants, le speaker Mike Johnson, sous la pression permanente des élus trumpistes, a estimé que le texte du Sénat serait « mort-né » en arrivant à la Chambre, alors même qu’il n’a pas encore été rendu public.
    Ce projet prévoit de compliquer significativement la voie vers l’asile et d’accroître la sécurisation de la frontière et les capacités de rétention avant expulsion. Il représente pourtant un compromis difficile pour les démocrates. Il suscite déjà une vive hostilité dans l’aile gauche du parti. « Ce qui est négocié serait, si cela prenait force de loi, la plus forte et juste série de réformes pour sécuriser la frontière qu’on n’ait jamais eues dans notre pays, a expliqué Joe Biden dans un communiqué assumant sa volte-face, le 26 janvier. Cela me donnerait, comme président, une nouvelle autorité d’urgence pour fermer la frontière lorsqu’elle deviendrait submergée. Si cette autorité m’était accordée, je l’utiliserais le jour même où je promulguerais le texte de loi. »
    Le sénateur républicain James Lankford (Oklahoma), qui conduit les négociations au Sénat, dénonce les « rumeurs sur Internet » et rappelle ses propres collègues à leurs responsabilités en matière de sécurité nationale. Il jouit du soutien du chef de file républicain, Mitch McConnell. Mais ce dernier a reconnu, lors d’une réunion derrière des portes closes, que Donald Trump rejetait tout compromis bipartisan. « Un mauvais accord sur la frontière est bien pire que pas d’accord », a expliqué l’ancien président, samedi, sur son réseau Truth Social. L’argument des trumpistes consiste à dire à présent que Joe Biden peut agir sans nouveau cadre législatif. Depuis plus de deux ans, ils prétendaient le contraire.
    La crise migratoire représente pour Donald Trump un angle d’attaque privilégié contre l’administration Biden. Il préfère entretenir la crise par ses pressions sur les élus, plutôt que d’offrir un répit politique à son successeur démocrate. Il emploie aussi ce sujet comme un argument contre sa dernière rivale pour l’investiture républicaine, Nikki Haley, présentée comme une « mondialiste profrontières ouvertes ».Les chaînes conservatrices, elles, en font un motif d’angoisse, confondant volontiers la question migratoire avec celle de la criminalité et de la drogue, plus précisément du fentanyl, cet opioïde de synthèse qui ravage les villes américaines.
    De leur côté, les républicains à la Chambre, dominés par un courant MAGA (« Make America Great Again ») hostile par principe et posture à la notion de compromis, ont l’intention de lancer, mardi 30 janvier, la procédure d’impeachment contre le secrétaire à la sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas. Peu importe que ce règlement de comptes politique ne repose sur aucune accusation crédible. Pour le mouvement MAGA, il s’agit d’un coup d’éclat sans autre fin que le bruit engendré.
    Balançant entre passivité et déni, la Maison Blanche n’est pas exempte de responsabilités dans la crise actuelle, qui, par association, met en danger un pan majeur de sa politique étrangère. Confrontée à l’épuisement de l’aide militaire à l’Ukraine fin septembre 2023, elle a subi les convulsions républicaines à la Chambre des représentants. Début octobre, Kevin McCarthy a été évincé du poste de speaker par son propre groupe, après avoir accepté une extension temporaire du financement du gouvernement fédéral. Pour assumer cet acte responsable, il avait abandonné les discussions sur un nouveau paquet d’aide pour l’Ukraine.
    Par la suite, Joe Biden a appelé de façon solennelle les républicains à voter une enveloppe globale de 111 milliards de dollars (102 milliards d’euros), dont 61 milliards de dollars pour l’Ukraine et 14 milliards de dollars pour Israël. Mais les élus du « Grand Old Party » (GOP) ont décidé de lier cyniquement cette aide – qui met en jeu la crédibilité américaine et la vitalité de ses alliances dans le monde – à la question migratoire. Et ce alors que le paquet de 111 milliards de dollars comprenait aussi 14 milliards uniquement destinés à renforcer les moyens policiers et judiciaires à la frontière.
    Les proches de Joe Biden, à commencer par le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, n’ont cessé de prétendre qu’il existait toujours une majorité bipartisane en faveur d’une aide massive à Kiev, face à l’agression russe. Ils semblent avoir sous-estimé l’emprise de Donald Trump sur le GOP et la montée dans la base militante – au poids déterminant dans les primaires républicaines – d’un isolationnisme fort, d’une priorité exigée pour les affaires intérieures. A commencer par l’urgence migratoire. Mais, aujourd’hui, une seule urgence semble dominer chez les trumpistes et elle n’a rien à voir avec la sécurité nationale ou les intérêts américains : battre Joe Biden en novembre.

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#crisemigratoire#politique#frontiere#asile#mexique#migrationirreguliere#sante

  • Vivre et lutter dans un monde toxique. #Violence_environnementale et #santé à l’âge du #pétrole

    Pour en finir avec les success stories pétrolières, voici une histoire des territoires sacrifiés à la transformation des #hydrocarbures. Elle éclaire, à partir de sources nouvelles, les #dégâts et les #luttes pour la santé au XXe siècle, du #Japon au #Canada, parmi les travailleurs et travailleuses des enclaves industrielles italiennes (#Tarento, #Sardaigne, #Sicile), auprès des pêcheurs et des paysans des « #Trente_Ravageuses » (la zone de #Fos / l’étang de# Berre, le bassin gazier de #Lacq), ou encore au sein des Premières Nations américaines et des minorités frappées par les #inégalités_environnementales en #Louisiane.
    Ces différents espaces nous racontent une histoire commune : celle de populations délégitimées, dont les plaintes sont systématiquement disqualifiées, car perçues comme non scientifiques. Cependant, elles sont parvenues à mobiliser et à produire des savoirs pour contester les stratégies entrepreneuriales menaçant leurs #lieux_de_vie. Ce livre expose ainsi la #tension_sociale qui règne entre défense des #milieux_de_vie et #profits économiques, entre santé et #emploi, entre logiques de subsistance et logiques de #pétrolisation.
    Un ouvrage d’une saisissante actualité à l’heure de la désindustrialisation des #territoires_pétroliers, des #conflits sur la #décarbonation des sociétés contemporaines, et alors que le désastre de #Lubrizol a réactivé les interrogations sur les effets sanitaires des dérivés pétroliers.

    https://www.seuil.com/ouvrage/vivre-et-lutter-dans-un-monde-toxique-collectif/9782021516081

    #peuples_autochtones #pollution #toxicité #livre

    • Ces territoires sacrifiés au pétrole

      La société du pétrole sur laquelle s’est bâtie notre prospérité ne s’est pas faite sans sacrifices. Gwenola Le Naour et Renaud Bécot, co-directeurs d’un ouvrage sur ce sujet, lèvent le voile sur les dégâts causés par cette « pétrolisation » du monde, en France et à l’étranger.

      Si le pétrole et ses produits ont permis l’émergence de notre mode de vie actuel, l’activité des raffineries et autres usines de la pétrochimie a abîmé les écosystèmes et les paysages et a des effets de long terme sur la santé humaine. Dans le livre qu’ils ont coordonné, Vivre et lutter dans un monde toxique (Seuil, septembre 2023), Gwénola Le Naour et Renaud Bécot lèvent le voile sur les dégâts causés par cette « pétrolisation » du monde, selon leurs propres mots. Ils ont réuni plusieurs études de cas dans des territoires en France et à l’étranger pour le démontrer. Un constat d’autant plus actuel que la société des hydrocarbures est loin d’être révolue : la consommation de pétrole a atteint un record absolu en 2023, avec plus de 100 millions de barils par jour en moyenne.

      À la base de votre ouvrage, il y a ce que vous appelez « la pétrolisation du monde ». Que recouvre ce terme ?
      Gwenola Le Naour1. Dans les années 1960, s’est développée l’idée que le pétrole était une énergie formidable, rendant possible la fabrication de produits tels que le plastique, les textiles synthétiques, les peintures, les cosmétiques, les pesticides, qui ont révolutionné nos modes de vie et décuplé les rendements agricoles. La pétrolisation désigne cette mutation de nos systèmes énergétiques pendant laquelle les hydrocarbures se sont imposés partout sur la planète et ont littéralement métamorphosé nos territoires physiques et mentaux.

      L’arrivée du pétrole et de ses dérivés nous est le plus souvent présentée comme une épopée, une success story. On a mis de côté la face sombre de cette pétrolisation, avec ses territoires sacrifiés comme Fos-sur-Mer, qui abrite depuis 1965 une immense raffinerie représentant aujourd’hui 10 % de la capacité de raffinage de l’Hexagone, ou Tarente, dans le sud de l’Italie, où se côtoient une raffinerie, une usine pétrochimique, un port commercial, une décharge industrielle et la plus grande aciérie d’Europe.

      Comment des territoires entiers ont-ils pu être ainsi abandonnés au pétrole ?
      Renaud Bécot2. L’industrie du pétrole et des hydrocarbures n’est pas une industrie comme les autres. Les sociétés pétrolières ont été largement accompagnées par les États. Comme pour le nucléaire, l’histoire de l’industrie pétrolière est étroitement liée à l’histoire des stratégies énergétiques des États et à la manière dont ils se représentent leur indépendance énergétique. L’État a soutenu activement ces installations destinées à produire de la croissance et des richesses. Pour autant, ces industries ne se sont pas implantées sans résistance, malgré les discours de « progrès » qui les accompagnaient.

      Des luttes ont donc eu lieu dès l’installation de ces complexes ?
      G. L. N. Dès le début, les populations locales, mais aussi certains élus, ont compris l’impact que ces complexes gigantesques allaient avoir sur leur environnement. Ces mobilisations ont échoué à Fos-sur-Mer ou au sud de Lyon, où l’installation de la raffinerie de Feyzin et de tout le complexe pétrochimique (le fameux « couloir de la chimie ») a fait disparaître les bras morts du Rhône et des terres agricoles... Quelques-unes ont cependant abouti : un autre projet de raffinerie, envisagé un temps dans le Beaujolais, a dû être abandonné. Il est en revanche plus difficile de lutter une fois que ces complexes sont installés, car l’implantation de ce type d’infrastructures est presque irréversible : le coût d’une dépollution en cas de fermeture est gigantesque et sans garantie de résultat

      Les habitants qui vivent à côté de ces installations finissent ainsi par s’en accommoder… En partie parce qu’ils n’ont pas d’autre choix, et aussi parce que les industriels se sont efforcés dès les années 1960-1970 et jusqu’à aujourd’hui de se conduire en « bons voisins ». Ils négocient leur présence en finançant par exemple des infrastructures culturelles et/ou sportives. Sans oublier l’éternel dilemme entre les emplois apportés par ces industries et les nuisances qu’elles génèrent. Dans le livre, nous avons qualifié ces arrangements à l’échelle des districts pétrochimiques de « compromis fordistes territorialisés ».

      Que recouvre ce terme de compromis ?
      R. B. En échange de l’accaparement de terres par l’industrie et du cortège de nuisances qui l’accompagne, les collectivités locales obtiennent des contreparties qui correspondent à une redistribution partielle des bénéfices de l’industrie. Cette redistribution peut être régulière (via la taxe professionnelle versée aux communes jusqu’en 2010, notamment), ou exceptionnelle, après un accident par exemple. Ainsi, en 1989, après une pollution spectaculaire qui marque les habitants vivant près de Lubrizol en Normandie, l’entreprise a versé 100 000 francs à la municipalité du Petit-Quevilly pour qu’elle plante quatre-vingts arbres dans la ville...

      Mais ce type de compromis a également été très favorable aux industries en leur offrant par exemple des allégements fiscaux de long terme, comme en Sicile près de Syracuse où se situe l’un des plus grands sites chimiques et pétrochimiques qui emploie plus de 7 000 personnes, voire une totale exonération fiscale comme en Louisiane, sur les rives du Mississippi. Des années 1950 aux années 1980, pas moins de 5 000 entreprises sur le sol américain – majoritairement pétrochimiques, pétrolières, métallurgiques ainsi que des sociétés gazières – ont demandé à bénéficier de ces exonérations, parmi lesquelles les sociétés les plus rentables du pays telles que DuPont, Shell Oil ou Exxon...

      Ces pratiques, qui se sont développées surtout lors des phases d’expansion de la pétrochimie, rendent plus difficile le retrait de ces industries polluantes. Les territoires continuent de penser qu’ils en tirent un bénéfice, même si cela est de moins en moins vrai.

      On entend souvent dire, concernant l’industrie pétrolière comme le nucléaire d’ailleurs, que les accidents sont rares et qu’on ne peut les utiliser pour remettre en cause toute une industrie… Est-ce vraiment le cas ?
      G. L. N. On se souvient des accidents de type explosions comme celle de la raffinerie de Feyzin, qui fit 18 morts en 1966, ou celle d’un stock de nitrates d’ammonium de l’usine d’engrais AZF à Toulouse en 2001, qui provoqua la mort de 31 personnes – car ils sont rares. Mais si l’on globalise sur toute la chaîne des hydrocarbures, les incidents et les accidents – y compris graves ou mortels pour les salariés – sont en réalité fréquents, même si on en entend rarement parler au-delà de la presse locale (fuites, explosions, incendies…). Sans oublier le cortège des nuisances liées au fonctionnement quotidien de ces industries, telles que la pollution de l’air ou de l’eau, et leurs conséquences sur la santé.

      Pour qualifier les méfaits des industries pétrochimiques, sur la santé notamment, vous parlez de « violence lente ». Pouvez-vous expliquer le choix de cette expression ?
      G. L. N. Cette expression, créée par l’auteur nord-américain Rob Nixon, caractérise une violence graduelle, disséminée dans le temps, caractéristique de l’économie fossile. Cette violence est également inégalitaire car elle touche prioritairement des populations déjà vulnérables : je pense notamment aux populations noires américaines de Louisiane dont les générations précédentes étaient esclaves dans les plantations…

      Au-delà de cet exemple particulièrement frappant, il est fréquent que ces industries s’installent près de zones populaires ou touchées par la précarité. On a tendance à dire que nous respirons tous le même air pollué, or ce n’est pas vrai. Certains respirent un air plus pollué que d’autres. Et ceux qui habitent sur les territoires dévolus aux hydrocarbures ont une qualité de vie bien inférieure à ceux qui sont épargnés par la présence de ces industries.

      Depuis quand la nocivité de ces industries est-elle documentée ?
      G. L. N. Longtemps, les seules mesures de toxicité dont on a disposé étaient produites par les industriels eux-mêmes, sur la base des seuils fixés par la réglementation. Pourtant, de l’aveu même de ceux qui la pratiquent, la toxicologie est une science très imparfaite : les effets cocktails ne sont pas recherchés par la toxicologie réglementaire, pas plus que ceux des expositions répétées à faibles doses sur le temps long. De plus, fixer des seuils est à double tranchant : on peut invoquer les analyses toxicologiques pour protéger les populations, l’environnement, ou les utiliser pour continuer à produire et à exposer les gens, les animaux, la nature à ces matières dangereuses. Ainsi, ces seuils peuvent être alternativement présentés comme des seuils de toxicité, ou comme des seuils de tolérance… Ce faisant, la toxicologie produit de l’imperceptibilité.

      R. B. Des études alternatives ont cependant commencé à émerger, avec des méthodologies originales. Au Canada, sur les territoires des Premières Nations en Ontario, au Saskatchewan précisément, une étude participative a été menée au cours de la décennie 2010 grâce à un partenariat inédit entre un collectif de journalistes d’investigation et un groupe de chercheurs. En distribuant très largement des kits de mesure, peu coûteux et faciles d’utilisation, elle a permis de démontrer que les populations étaient exposées aux sulfures d’hydrogène, un gaz toxique qui pénètre par les voies respiratoires. Grâce à cette démarche participative, des changements de règlementation et une meilleure surveillance des pollutions ont été obtenus. Il s’agit d’une réelle victoire qui change la vie des gens, même si l’industrie n’a pas été déplacée.

      Qu’en est-il des effets sur la santé de tous ces polluants ? Sont-ils documentés ?
      G. L. N. En France, les seuls travaux menés à ce jour l’ont été autour du gisement de gaz naturel de Lacq, exploité de 1957 à 2013 dans les Pyrénées. Une première étude, conduite en 2002 par l’université, concluait à un surrisque de cancer. Deux autres études ont été lancées plus récemment : une étude de mortalité dévoilée en 2021, qui montre une plus forte prévalence des décès par cancer, et une étude de morbidité toujours en cours. À Fos-sur-Mer, l’étude « Fos Epseal », conduite entre 2015 et 20223, s’est basée sur les problèmes de santé déclarés par les habitants. Ses résultats révèlent que près des deux-tiers des habitants souffrent d’au moins une maladie chronique – asthme, diabète –, ainsi que d’un syndrome nez-gorge irrités toute l’année qui n’avait jamais été identifié jusque-là.

      R. B. Ce que soulignent les collectifs qui évoquent des problèmes de santé liés à l’industrie pétrochimique – maladies chroniques de la sphère ORL, diabètes, cancers, notamment pédiatriques, etc. –, c’est la difficulté de prouver un lien de corrélation entre ces maladies et telle ou telle exposition toxique.

      L’épidémiologie conventionnelle ne le permet pas, en tout cas, car elle travaille à des échelles larges, sur de grands nombres, et est mal adaptée à un déploiement sur de plus petits territoires. C’est pourquoi les collectifs militants et les scientifiques qui travaillent avec eux doivent faire preuve d’inventivité, en faisant parfois appel aux sciences humaines et sociales, avec des sociologues qui vont recueillir des témoignages et trajectoires d’exposition, des historiens qui vont documenter l’histoire des lieux de production…

      Cela suppose aussi la mise au point de technologies, d’outils qui permettent de mesurer comment et quand les gens sont exposés. Cela nécessite enfin une coopération de longue haleine entre chercheurs de plusieurs disciplines, militants et populations. Car l’objectif est d’établir de nouveaux protocoles pour mieux documenter les atteintes à la santé et à l’environnement avec la participation active de celles et ceux qui vivent ces expositions dans leurs chairs.

      https://lejournal.cnrs.fr/articles/ces-territoires-sacrifies-au-petrole

  • La #nouvelle du jeudi 20:42
    https://framablog.org/2024/01/25/la-nouvelle-du-jeudi-2042

    Chaque jour de cette semaine, à 20:42, une nouvelle de 2042 concoctée avec amour par les participant⋅es des ateliers #solarpunk #UPLOAD de l’Université Technologique de #Compiègne (UTC). Aujourd’hui, sous le regard étonné des enfants de 2042, une exposition sur Compiègne … Lire la suite­­

    #Communs_culturels #Enjeux_du_numérique #UPLOAD #atelier #Democratie #écriture #indices #LowTech #oligarchie #PIB #Politique #représentation #RIP #Sante #soin #Solarpunk #UTC #Voitures

  • L’Espagne instaure un visa de transit aéroportuaire pour les Sénégalais
    https://www.seneweb.com/news/International/l-espagne-instaure-un-visa-de-transit-ae_n_431388.html

    L’Espagne instaure un visa de transit aéroportuaire pour les Sénégalais
    Par : AFP - Seneweb.com | 24 janvier, 2024 à 16:01:25 | Lu 19569
    L’Espagne a annoncé mercredi que les Sénégalais faisant escale dans ses aéroports devront désormais être munis d’un visa de transit, alors que l’aéroport de Madrid fait face à un afflux inédit de demandeurs d’asile, bloqués dans les zones d’accueil dédiées.
    La mesure entrera en vigueur le 19 février, a annoncé l’ambassade d’Espagne au Sénégal sur le réseau social X, sans donner d’autre explication.Cette annonce intervient quelques jours après la mise en place d’une mesure similaire en Espagne pour les ressortissants kényans.L’aéroport de Madrid, le plus fréquenté d’Espagne, a connu une « augmentation exponentielle » du nombre de demandeurs d’asile, et les zones d’accueil qui leur sont réservées s’en trouvent débordées, selon la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR)."La surpopulation et les conditions insalubres ont atteint des niveaux critiques, provoquant des épidémies de punaises de lit, une accumulation d’ordures et une pénurie de serviettes de bain", a alerté dans un communiqué cette organisation non gouvernementale.L’ONG s’est également plainte des retards dans le traitement des demandes d’asile. Sur les 390 personnes bloquées dans des conditions « indignes » à l’aéroport, environ 182 n’ont pas pu formaliser leurs réclamations, indique-t-elle.
    Les syndicats de police se plaignent depuis des semaines du fait que de nombreux détenteurs de passeports sénégalais censés se rendre au Brésil ont demandé l’asile lors d’une escale à Madrid.

    #Covid-19#migration#migrant#espagne#senegal#visa#aeroport#demandeurdasile#routemigratoire#sante

  • Calais : 24 migrants retrouvés dans un camion frigorifique en partance vers l’Angleterre - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54715/calais--24-migrants-retrouves-dans-un-camion-frigorifique-en-partance-

    Actualités : Calais : 24 migrants retrouvés dans un camion frigorifique en partance vers l’Angleterre
    Par La rédaction Publié le : 24/01/2024
    Vingt-quatre migrants ont été découverts mardi dans un camion frigorifique par des agents du port de Calais, dans le nord de la France. Le véhicule était en partance vers le Royaume-Uni. Les exilés, de nationalité érythréenne, sont tous en bonne santé.
    Il n’y a pas que par bateau que les migrants tentent de rallier le Royaume-Uni. Mardi 23 janvier, vers 6h30 du matin, 24 migrants ont été retrouvés par des agents du port de Calais entassés dans un camion frigorifique.
    Parmi ces exilés originaires d’Érythrée, on compte six femmes, indique le média local Nord Littoral. Le véhicule, conduit par un chauffeur italien, se rendait en Angleterre. Le conducteur a été « placé en garde à vue pour aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière », a précisé au journal Franck Touillou, chef de la police aux frontières de Calais. Les 24 migrants ont été transférés dans les locaux de la police en attendant l’examen de leur situation administrative. Tous sont en bonne santé, la température du camion s’élevant à quatre degrés. Mais parfois, ce mode de transport peut entraîner des drames.
    Le 17 novembre 2023, deux personnes sont décédées et quatre autres ont été blessées après avoir été percutées par un camion alors qu’elles « marchaient sur la bande d’arrêt d’urgence », selon une source policière.Au mois de septembre, un migrant avait perdu la vie après avoir été percuté par un train de marchandises roulant vers Dunkerque alors qu’il marchait sur la voie ferrée au niveau de Calais. Début juillet, un migrant est mort lui aussi sur l’autoroute A16. Il était tombé d’un camion dans lequel il essayait de se cacher pour rejoindre le Royaume-Uni. Fin mai, un autre migrant, de nationalité soudanaise, est décédé près de Calais, percuté par un poids lourd dans lequel il tentait de monter. Quelques jours plus tôt, un autre exilé avait lui aussi été fauché par un véhicule. Il n’avait pas non plus survécu.
    Depuis des années, les migrants tentent de monter dans les camions qui circulent sur l’A16 en direction du Royaume-Uni. Mais depuis que des systèmes de très haute sécurité ont été mis en place aux abords de l’Eurotunnel et autres terminaux de ferries, impossible ou presque aujourd’hui de passer inaperçus dans les poids lourds. Les candidats au départ se tournent presque tous désormais vers la mer pour essayer de rejoindre l’Angleterre.
    Reste que les migrants n’ont pas tous les moyens de payer un passeur pour embarquer sur les canots. Ceux-là essayent donc de passer au Royaume-Uni en se cachant dans des poids lourds. Une traversée pas moins dangereuse que celle via la Manche, mais beaucoup moins onéreuse.

    #Covid-19#migrant#migration#france#calais#grandebretagne#migrationirreguliere#eurotunnel#sante

  • Médecins diplômés à l’étranger : le gouvernement prolonge les autorisations de travail des praticiens ayant échoué au concours
    https://www.lemonde.fr/sante/article/2024/01/22/medecins-diplomes-a-l-etranger-le-gouvernement-prolonge-leurs-autorisations-

    Médecins diplômés à l’étranger : le gouvernement prolonge les autorisations de travail des praticiens ayant échoué au concours
    Le Monde avec AFP
    Un peu de répit administratif pour les médecins qui ont un diplôme étranger et qui étaient menacés de perdre leur poste s’ils avaient échoué à un concours sélectif cette année. Le gouvernement a annoncé lundi 22 janvier prolonger leurs autorisations de travail et permettre aux lauréats du concours de rester dans leurs services actuels.
    Dans un communiqué, la ministre du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, explique vouloir, à la demande du président de la République, « sécuriser la situation des Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne), médecins devenus indispensables à notre système de santé ». Les médecins qui n’ont pas eu le concours « ne seront pas laissés sans solution : le gouvernement les autorisera à continuer de travailler durant les mois à venir », précise Catherine Vautrin.
    Ces praticiens, qui travaillent souvent depuis plusieurs années dans les établissements de santé français, étaient cette année contraints de réussir un concours appelé « épreuves de vérification des connaissances » (EVC), pour pouvoir continuer à exercer. Un régime dérogatoire qui permettait auparavant aux établissements d’embaucher des non-lauréats sous divers statuts précaires s’est « éteint » au 31 décembre 2023, rendant impossible leur maintien en poste.
    Le nombre limité de places à ce concours, avec 2 700 postes pour plusieurs milliers de candidats, dont certains le passent à l’étranger, avait laissé une grande partie d’entre eux sur le carreau. Certains se sont même retrouvés sans papiers, car leur carte de séjour est souvent conditionnée à leur travail. Les chefs de service et syndicats hospitaliers avaient aussi dénoncé la répartition territoriale prévue pour les lauréats du concours, dont l’affectation est faite par les services de l’Etat, estimant qu’elle allait priver de nombreux services d’une partie de leurs bras.
    La prolongation des autorisations de travail pour les médecins qui ont un diplôme étranger vaudra jusqu’à « la publication des textes d’application de la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels [dite loi Valletoux], qui permettra la délivrance d’attestations provisoires d’exercice dans l’attente d’un nouveau passage des EVC en 2024 », précise la ministre.
    « La situation des près de 2 700 candidats lauréats » est elle aussi « clarifiée » : « pour garantir la continuité des soins et ne pas désorganiser les services (…), les lauréats exerçant déjà sur le territoire national seront maintenus dans leurs fonctions et structures actuelles », assure-t-elle. « Les autres lauréats choisiront leurs postes dans les prochaines semaines. »
    « Notre système de santé souffre d’un manque de moyens humains. Nous ne pouvons nous passer de ces milliers de femmes et d’hommes qui contribuent à assurer l’offre de soins », a déclaré Catherine Vautrin à l’Agence France-Presse. « Il était temps, c’est un premier élément de réponse à cette situation d’urgence qui était inacceptable », a réagi la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Mais des points « restent à régler », dont la durée « trop courte » des titres de séjour. Pour ceux qui se voient prolongés jusqu’aux EVC 2024, « si c’est pour refaire le même concours ça ne sert à rien », a-t-elle ajouté, estimant que ce concours est « trop académique » et « discriminant pour des médecins qui bossent soixante heures par semaine ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#PADHUE#personnelmedical#immigration#systemedesante#economie#sante#santementale#regularisation

  • En Guinée, un « cycle de violences ininterrompu » poussent des dizaines de milliers de personnes à l’exil - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54445/en-guinee-un-cycle-de-violences-ininterrompu-poussent-des-dizaines-de-

    Grand angle :En Guinée, un « cycle de violences ininterrompu » poussent des dizaines de milliers de personnes à l’exil
    Par Marlène Panara Publié le : 22/01/2024
    Avec plus de 18 000 de ses ressortissants débarqués en Italie en 2023, la Guinée est la première nationalité représentée parmi les migrants arrivés dans le pays. En cause ? Une précarité enracinée et une répression politique sans merci qui s’abat à la moindre dissidence. Et ce, depuis des années, quel que soit le régime en place.Fin du cauchemar pour Banfa. Après deux jours et une nuit sur un frêle bateau en fer, le Guinéen de 27 ans et les autres passagers de son canot sont secourus par les garde-côtes italiens au large de Lampedusa. Ce jour-là, le 12 septembre 2023, la petite île italienne fait face à un afflux d’exilés en provenance de Tunisie, qui sature son unique centre de premier d’accueil. À proximité du hotspot, une serviette sur la tête pour se protéger du soleil, Banfa avait partagé son amertume à InfoMigrants. « Tu es parti de chez toi, tu as quitté tes parents… Sans connaître la Méditerranée. On ne sait pas comment naviguer […] Et souvent les bateaux coulent », avait-il soufflé.
    La dangerosité de cette route en Méditerranée centrale, la plus meurtrière au monde, n’entame pas la détermination des candidats à l’exil. En 2023, 157 652 personnes ont débarqué en Italie, un record. Parmi eux, 18 211 Guinéens. Soit la première nationalité représentée par les migrants arrivés dans le pays, devant la Tunisie et la Côte d’Ivoire.Qu’est-ce qui poussent autant de citoyens guinéens à risquer leur vie en mer ? Pour Alhassane Balde, directeur du Laboratoire d’analyse socio-anthropologique de Guinée à l’Université du Québec, « l’instabilité politique » qui règne dans le pays, conjuguée à une situation économique moribonde constituent la cause de cet exode. « Tous les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance ont échoué à sortir le pays du sous-développement, engendrant des crises sociales à répétition. Résultat, en Guinée, il n’y a ni sécurité, ni réussite possible ».
    Depuis 1958 et la prise de pouvoir du père de l’indépendance Sékou Touré, la Guinée peine à endiguer la pauvreté. Malgré des sous-sols riches en bauxite, en or et en diamants, le pays stagne à la 182e place du dernier Indice de développement humain (IDH) de l’ONU publié en 2022, deux rangs derrière l’Afghanistan.
    Le coup d’État perpétré le 5 septembre 2021 par le colonel Mamadi Doumbouya - qui a précipité la chute du président Alpha Condé après onze ans en poste - avait pourtant « suscité de l’espoir chez tous les Guinéens », dont 61,6 % auraient moins de 25 ans, affirme Alhassane Balde. « La population s’attendait à ce que les choses changent. Mais sans bases solides, le développement prend plus de temps. Alors l’impatience grandit, génère de la frustration, qui s’exprime dans des manifestations lourdement réprimées. Créant un cycle de violences ininterrompu », explique l’enseignant.
    Malgré les promesses d’un autre « système » de gouvernance « respectueux de la justice et axé sur la lutte contre la corruption », le nouveau régime en place a rapidement fait siennes les méthodes de ses prédécesseurs. Les 28 et 29 juillet 2022, des manifestations anti-régime à Conakry ont été réprimées dans le sang, faisant au moins 5 morts.Le 21 septembre dernier, Mamadi Doumbouya a douché les derniers espoirs des Guinéens. Invité à la tribune de l’ONU à New York, le colonel s’est insurgé contre « le modèle démocratique insidieusement, savamment imposé à l’Afrique ». « La greffe n’a pas pris », a-t-il conclu.
    Ancien blogueur à Conakry, Ibrahima a fui le pays à 27 ans, par peur d’être emprisonné. En plus de ses écrits, le jeune homme participait régulièrement à des meetings et des marches « pour dénoncer la mauvaise gouvernance et la corruption ». « J’avais peur, car on savait qu’il y avait des tueries, des arrestations. Mais la défense de la démocratie était une cause qui me tenait vraiment à cœur », raconte-t-il à InfoMigrants.
    Un jour de 2017, lors d’une énième manifestation contre le régime en place, Ibrahima reçoit un appel inquiétant de son père. « Il m’a dit : ‘Ne rentre pas à la maison’. J’avais reçu une convocation de la police. En clair, j’allais être jeté à la Maison centrale [la prison de Conakry, où 1 200 détenus peuvent parfois s’y entasser pour une capacité de 400 places, ndlr], comme beaucoup de mes camarades ».
    Ibrahima se cache alors quelques semaines, avant de quitter définitivement la Guinée « dans le coffre d’une voiture, sous des bagages ». D’abord pour le Mali, puis l’Algérie et la Libye, où il enseigne pendant deux ans le français dans des écoles. Comme la plupart des ressortissants guinéens qui quittent leur pays, prendre la mer pour l’Europe n’est venu qu’en ultime recours : Ibrahima a pris sa décision lorsque des rafles anti-migrants ont été perpétrées en banlieue de Tripoli.
    « Franchement, tout ça, ce n’était pas prévu. Après mes études, j’étais bien, j’avais mon petit quotidien en Guinée. Mais vivre sous Alpha Condé, c’était trop dangereux pour moi, confie le jeune homme aujourd’hui en France. Après le coup d’État, je m’étais dit que je pourrais enfin revoir ma famille. Mais la junte au pouvoir n’a rien changé. Je reçois toujours des menaces ».
    Si la majorité des exilés sont de jeunes hommes, voire des mineurs, de nombreuses Guinéennes s’engagent sur les mêmes routes migratoires. Au manque de perspectives professionnelles, à la précarité et aux persécutions politiques s’ajoutent d’autres maux, comme « la polygamie, les mariages précoces et les mariages forcés », « encore la norme [en Guinée] », écrit le romancier Tierno Monénembo dans une tribune au Point Afrique."C’est la société patriarcale portée à son plus haut degré. Et la coutume l’emportant presque toujours sur la loi, la fillette, jusqu’à sa mort, est confrontée à la possibilité de violences de toutes sortes, de violences sans limites".
    De nombreuses femmes fuient aussi les mutilations génitales. Le pays détient d’ailleurs le deuxième taux d’excision du monde (96 %), derrière la Somalie. "Il n’y a aucune évolution à ce sujet, l’excision est toujours aussi présente en Guinée, déplore Diaryatou Bah, présidente de l’association « Excision, parlons-en ! », basée à Paris. L’État a tellement de problématiques à gérer que l’excision est très, très loin des préoccupations".À l’échelle familiale aussi, cette tradition reste très ancrée. « Si une famille arrête d’exciser, c’est mal vu, on va dire qu’elle trahit les coutumes. Il y a beaucoup de chemin à faire pour changer les mentalités, ajoute Diaryatou Bah. Mais il faut garder espoir. Un jour, ça changera ».

    #Covid-19#migrant#migration#guinee#crise#emigration#sante#mgf#patriarcat#sante

  • Le Canada limite le nombre d’étudiants étrangers pour une période de deux ans
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/22/le-canada-limite-le-nombre-d-etudiants-etrangers-pour-une-periode-de-deux-an

    Le Canada limite le nombre d’étudiants étrangers pour une période de deux ans
    En 2024, le Canada prévoit d’octroyer 364 000 permis d’études internationaux, un chiffre en baisse de 35 % par rapport à 2023, en réponse à la pression sur les logements et les soins de santé exercés dans certaines provinces par les étudiants étrangers.
    Le Monde avec AFP
    Le Canada a annoncé lundi 22 janvier la mise en place d’un plafond sur les permis pour les étudiants étrangers, dont le nombre a explosé ces dernières années, accentuant la crise du logement selon le gouvernement.« Pour garantir qu’il n’y ait pas de nouvelle croissance du nombre d’étudiants [étrangers] au Canada en 2024, nous fixons un plafond national des demandes pour une période de deux ans », a déclaré le ministre de l’immigration, Marc Miller. En 2024, le Canada prévoit donc d’octroyer 364 000 permis d’études internationaux, ce qui représente une baisse de 35 % par rapport à 2023.Le plafond ne va s’appliquer que sur les nouvelles demandes de permis et les étudiants étrangers déjà inscrits dans les universités canadiennes ne seront pas concernés, a assuré le gouvernement de Justin Trudeau, qui travaille avec les provinces, chargées du système éducatif, pour appliquer le plafond.
    « L’annonce d’aujourd’hui vise à protéger un système qui a ouvert la voie à des abus et à soutenir une croissance démographique durable au Canada », a poursuivi Marc Miller. Une estimation officielle indique que plus d’un million d’étudiants étrangers sont établis au Canada. La hausse « rapide » de leur nombre « exerce une pression sur les logements, les soins de santé et d’autres services » dans certaines provinces, a expliqué le ministre, déplorant sans les nommer le « peu de diversité » des pays d’où viennent les étudiants.
    Ce plafond vise également à empêcher certaines écoles privées de profiter du système. « Des établissements privés ont profité des étudiants étrangers en exploitant des campus dépourvus de ressources et en imposant des frais de scolarité élevés, tout en augmentant de manière considérable le nombre d’étudiants étrangers qu’ils accueillent », a déclaré Marc Miller.
    Avec le nouveau système, l’Ontario et la Colombie-Britannique – qui comptent de nombreuses universités à Toronto et Vancouver – devraient accueillir moins d’étudiants étrangers, contrairement au Québec, à l’Alberta et à la Saskatchewan. Le Canada, dont la population a franchi en juin la barre des 40 millions d’habitants, fait face à une importante crise du logement qui frappe toutes les régions du pays.

    #Covid-19#migrant#migration#canada#immigration#etudiant#logement#crise#sante

  • Ce que coûte vraiment l’aide médicale d’État

    En décembre 2023, le projet de loi « immigration » a finalement été adopté en excluant le volet dédié à l’aide Médicale d’État (AME). Mais la première ministre d’alors, Élisabeth Borne, avait promis, dans un courrier envoyé au président du Sénat, d’engager une réforme de l’AME au premier trimestre 2024. La question est de savoir si cet engagement est toujours d’actualité avec l’arrivée à Matignon d’un nouveau premier ministre, Gabriel Attal.

    Le projet de loi « immigration » illustre combien les idées défendues par l’extrême droite trouvent aujourd’hui une nouvelle audience jusque dans la majorité présidentielle.
    Un droit non automatique et complexe à obtenir

    L’AME permet aux sans-papiers de bénéficier d’une couverture des frais médicaux pendant un an renouvelable s’ils peuvent prouver leur présence en France depuis au moins 3 mois et si leurs ressources ne sont pas supérieures à 810 euros mensuels.

    L’AME ne concerne qu’une partie des migrants, les plus précaires par leur statut administratif et les plus pauvres. Il s’agit d’un droit quérable (il faut le demander), qui plus est particulièrement complexe à obtenir du fait de la lourdeur des démarches administratives pour des personnes en difficultés financières et linguistiques qui craignent d’être signalées aux autorités et expulsées.
    Remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence présentée comme moins onéreuse

    Dans le projet de loi « immigration » qui a finalement été adopté en décembre 2023, il n’est plus fait état de l’AME. Mais une réforme de l’AME était intégrée dans une version précédente proposée par le Sénat. Elle visait à « transformer » l’AME en aide médicale d’urgence (AMU) pour la réserver aux soins vitaux. Reste à savoir si c’est sur cette base que pourrait être modifié ce dispositif en 2024.

    Si la réforme de l’AME devait suivre les préconisations du Sénat, les soins de premier recours ne seraient plus pris en charge par l’Assurance maladie et il faudrait attendre d’être à l’article de la mort pour pouvoir être soigné à l’hôpital. L’AMU existe déjà. Il ne s’agit donc pas de transformer l’AME en AMU mais tout simplement de supprimer l’AME.
    L’AME, c’est 0,5 % des dépenses annuelles de santé

    C’est un rapport parlementaire récent qui est à l’origine du projet de remplacement de l’AME par une AMU. Selon ce rapport, l’AMU ne coûterait que 70 millions d’euros contre 1,1 milliard d’euros pour l’AME de droit commun dont bénéficiaient 350 000 patients en 2021.

    Or l’AME en tant que telle ne représente qu’une goutte d’eau dans les dépenses de santé, soit 0,468 %. Ainsi on peut se demander si c’est vraiment son coût qui pose problème, ou si ce ne sont pas plutôt les patients concernés qui sont visés, c’est-à-dire les sans-papiers.

    Pour obtenir ce pourcentage de presque 0,5 %, les dépenses de 1,1 milliard d’euros correspondants à l’AME sont comparés à l’ensemble des dépenses de santé qui s’établissaient à 235,8 milliards d’euros pour l’année 2022.

    Le montant de 1,1 milliard est jugé trop élevé pour sauver des migrants. Mais à titre de comparaison, selon certaines estimations, les assurés paient, par exemple, 3 milliards d’euros par an en dépassements d’honoraires à l’hôpital ou chez le médecin de ville (on parle de « dépassements d’honoraires » quand les soins sont facturés à des tarifs qui dépassent ceux fixés par l’Assurance maladie).

    De plus, s’il faut attendre que les patients soient gravement malades pour les prendre en charge, la dépense de santé ne sera pas seulement différée, elle sera majorée. Les malades seront soignés dans des situations plus critiques qui nécessiteront des soins plus lourds donc plus coûteux. La collectivité a toujours intérêt à prendre en charge précocement les malades à la fois au nom de la santé publique mais aussi au nom des finances publiques.
    Le risque d’aggraver la surcharge des services dédiés aux plus précaires

    Il en va particulièrement des sans-papiers dont la vie en France est particulièrement difficile du fait de la précarité des revenus et du délabrement des logements qui accroissent substantiellement la probabilité d’être malade. On ne comprend pas bien ce que la collectivité a à gagner à laisser les problèmes de santé physique et mentale s’aggraver. La santé des uns dépend aussi de celle des autres.

    La transformation de l’AME en AMU ne supprimerait pas la maladie. Elle ne ferait qu’interdire la prise en charge des frais de santé si le pronostic vital n’est pas engagé. En supprimant l’AME, on organiserait le renoncement aux soins et on planifierait le retard de soin. Le risque serait d’aggraver le marasme de l’hôpital, épuisé par la crise Covid.

    On programmerait ainsi une surcharge insoutenable des Permanences d’accès aux soins de santé dédiées aux personnes démunies (PASS) et des Services d’accueil et d’urgences (SAU) déjà saturés. Cela planifierait aussi un surcroît de mortalité chez les migrants comme le montre le cas espagnol.
    Les sans-papiers avec AME ne vont pas davantage chez le médecin

    L’hôpital, et notamment ses services d’urgence, serait impacté par une suppression de l’AME du fait de l’arrivée des personnes malades dans des situations de santé plus dégradées. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le fait que ce sont les soins de ville, les séances chez le généraliste, qui sont visés par cette mesure.

    l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé IRDES a comparé la consommation de soins en médecine de ville d’un échantillon de la population bénéficiaire de l’AME avec un échantillon de la population couverte par la Couverture maladie universelle complémentaire (la CMU-C, qui s’appelle aujourd’hui la Complémentaire santé solidaire, est destinée aux personnes à faibles revenus en situation régulière).

    La comparaison est menée avec les mêmes caractéristiques d’âge et de sexe, les mêmes critères de revenus pour être éligibles (moins de 810 euros mensuels) et sur un panier de soins à couverture identique, ce qui exclue de l’étude les soins dentaires et d’optique qui sont moins bien pris en charge par l’AME que par la CMU-C.

    Il en ressort que pour les deux populations, l’assurance santé permet surtout d’accéder aux généralistes avant d’arriver à l’hôpital ou aux urgences quand les choses sont aggravées, ce que précisément le projet de loi veut supprimer.

    Il n’y a pas de surcroît de consommation de soins par les sans-papiers. En d’autres termes, les sans-papiers qui bénéficient de l’AME ne se rendent pas plus chez le médecin que les personnes en situation régulière dont la situation de vie est comparable. Ce n’est pas le titre de séjour qui dicte la consommation mais l’état de santé.
    Près d’une personne éligible sur deux n’a pas l’AME

    Le mythe de « l’appel d’air » a pourtant la vie dure. Ce serait pour séjourner à l’hôpital Avicenne de Bobigny en Seine-Saint-Denis, ou ailleurs en France, que les migrants prendraient la mer sur des canots de fortune. Ils décideraient de traverser le désert libyen, d’affronter les passeurs et de risquer leur vie pour se précipiter gaiement aux guichets de l’administration française et affronter le labyrinthe administratif décuplé par la détérioration des services publics.

    La réalité est tout autre. Comment l’AME pourrait-elle décider des migrations alors que les migrants ne la demandent pas ? Alors même qu’ils tombent malades sur le sol français ? En effet, l’une des caractéristiques essentielles de l’AME est qu’elle fait l’objet d’un non recours exceptionnel de 49 %. Même après cinq années ou plus de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n’ont pas l’AME.
    Le mythe de « l’appel d’air » battu en brèche par les études scientifiques

    La thèse du tourisme médical ou de l’appel d’air est absurde. Selon un rapport du Comede (2019), dans la plupart des cas (70 % pour l’ensemble des pathologies), les migrants découvrent leur maladie après leur arrivée en France. Rien dans les travaux scientifiques ne vient corroborer la thèse de l’appel d’air.

    Aucune étude n’a montré que les migrants venaient en France pour des raisons de santé. Au contraire, la santé est une raison secondaire. Aucune justification médicale ne vient soutenir la suppression de l’AME. Les médecins y voient au contraire une atteinte à ce qui fait la fierté de leur métier. Le débat sur l’AME est exemplaire de l’impuissance des scientifiques à ébranler les spéculations des dogmatiques.
    Les immigrés contribuent aux budgets sociaux

    Alors qu’il n’y a pas de spécificité de la santé des migrants, la prise en charge de leurs soins est systématiquement agitée en problème politique distinctif. Tout ça parce que derrière la dénonciation de l’AME, c’est l’immigration qui est attaquée en brandissant une AME fantasmée alimentée par de nombreuses désinformations listées par Médecins du monde.

    Les immigrés sont des contributeurs nets aux budgets sociaux (ils contribuent davantage qu’ils ne reçoivent de prestations sociales). Les immigrés actifs, âgés de 25 à 54 ans et représentant environ 50 % de la population immigrée en moyenne entre 2016 et 2022, ne génèrent initialement aucun coût en matière d’éducation ou de prestations sociales à leur arrivée en France.

    En bonne santé, en raison des exigences d’entrée strictes de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), ces travailleurs étrangers cotisent et ont un faible impact sur les dépenses des caisses de sécurité sociale. Les immigrés âgés de 55 ans et plus, représentant environ 30 % des immigrés en moyenne entre 2016 et 2022, contribuent de manière indirecte à alléger les dépenses de santé en France.
    L’AME : un problème d’intégration dans le système de santé, non d’immigration

    Les problèmes de l’AME ne sont pas ceux de l’immigration mais ceux de l’absence d’intégration. L’AME est un système administratif parallèle à la Sécurité sociale et un loupé de l’universalisation de la protection santé. Toute l’histoire de la sécurité sociale a consisté à permettre à tous les résidents de bénéficier de la même couverture de base.

    En isolant les sans-papiers des autres, il devient facile de les montrer du doigt pour laisser s’exprimer le ressentiment d’une partie de la population dont les frais de santé sont en augmentation, du fait des stratégies de privatisation de la santé.

    L’absence de régime commun permet de sortir les personnes sans titre de séjour de la société comme s’ils n’étaient pas des égaux ou des semblables. C’est au contraire la fusion de l’AME dans le régime général de Sécurité sociale qui garantira un droit inaliénable aux soins de santé, protégeant la dignité de tout être humain.

    https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/ce-que-coute-vraiment-l-aide-medicale-d-etat-988286.html

    #France #coût #économie #aide_médicale_d'Etat (#AME) #santé #migrations #asile #réfugiés #budget #aide_médicale_d'urgence (#AMU) #sans-papiers #appel_d'air #welfare_state

    via @karine4

    –—

    ajouté à la métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration :
    https://seenthis.net/messages/971875

    • Le mythe de « l’appel d’air » battu en brèche par les études scientifiques
      La thèse du tourisme médical ou de l’appel d’air est absurde. Selon un rapport du Comede (2019), dans la plupart des cas (70 % pour l’ensemble des pathologies), les migrants découvrent leur maladie après leur arrivée en France. Rien dans les travaux scientifiques ne vient corroborer la thèse de l’appel d’air.
      Aucune étude n’a montré que les migrants venaient en France pour des raisons de santé. Au contraire, la santé est une raison secondaire. Aucune justification médicale ne vient soutenir la suppression de l’AME. Les médecins y voient au contraire une atteinte à ce qui fait la fierté de leur métier. Le débat sur l’AME est exemplaire de l’impuissance des scientifiques à ébranler les spéculations des dogmatiques.

      #appel_d'air

  • France : les médecins étrangers se mobilisent une nouvelle fois pour une régularisation administrative - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54619/france--les-medecins-etrangers-se-mobilisent-une-nouvelle-fois-pour-un

    France : les médecins étrangers se mobilisent une nouvelle fois pour une régularisation administrative
    Par RFI Publié le : 19/01/2024
    Ils représentent environ un quart des effectifs dans les hôpitaux de France. Des médecins étrangers se sont mobilisés à Paris devant le ministère de la Santé jeudi 18 janvier pour réclamer leur maintien en poste et la régularisation de leur situation administrative.
    À cause de conditions météorologiques entrainant la suppression de plusieurs trains, ils étaient moins nombreux que prévu, mais les quelques dizaines présents ont bien donné de la voix sous les fenêtres de leur ministère pour demander la régularisation de tous les Padhue, les praticiens titulaires d’un diplôme obtenu hors Union européenne.
    Parmi les quelques dizaines de soignants à diplômes étrangers présents à la manifestation du jeudi 18 janvier à Paris, le docteur Bienvenu Luemba. Ce médecin généraliste de formation est arrivé du Congo-Brazzaville il y a moins d’un an. Marié à une Française, il n’a pas de problèmes administratifs, mais beaucoup de ses confrères sont dans une situation stressante, explique-t-il. « Ils sont tout le temps stressés, ils ne peuvent pas vraiment avoir de projets à long terme. Je connais un ami, par exemple, il ne peut pas aller voir sa famille dans son pays parce que son visa a expiré depuis octobre. Il l’a renouvelé, sauf que depuis, [le visa] n’est toujours pas sorti, et il n’est valable que six mois et chaque six mois, il faut le renouveler. »
    2 000 à 3 000 médecins étrangers risquent d’être licenciés
    Solidaires de leurs confrères étrangers, des praticiens français sont à leurs côtés comme le docteur Cyrille Venet, chef du service de soins intensifs au CHU de Grenoble. « Oui, je suis là par solidarité, mais je ne suis pas seulement là par solidarité, je suis là aussi pour mon intérêt propre, parce que mon intérêt, c’est que je puisse hospitaliser des malades, et pour ça, j’ai besoin de lits, et il se trouve que les collègues font le même boulot que nous – tiennent les services, tiennent les consultations, tiennent les listes de garde – et ça va nous impacter, donc on ne tiendra pas. »
    Ces médecins, comme l’a rappelé le président Emmanuel Macron mardi lors de sa conférence de presse, « tiennent parfois à bout de bras les services de soins en France ». Ils sont en effet plusieurs milliers à exercer dans les hôpitaux français où ils représentent environ un quart des effectifs. Depuis le 1er janvier dernier, selon les syndicats, 2 000 à 3 000 médecins étrangers qui exercent dans des établissements français risquent d’être licenciés de leur poste faute de renouvellement de leur contrat.
    Depuis plus de 20 ans, la désertification médicale a conduit de nombreux établissements de santé à recruter des médecins diplômés en dehors de l’Union européenne (UE). Très mal rémunérés et précaires, ils pouvaient espérer obtenir une « autorisation de plein exercice » après une procédure complexe de plusieurs années.
    Un régime temporaire supprimé en décembre
    Ces praticiens diplômés hors UE doivent en principe passer un concours sélectif, appelé « épreuves de vérification des connaissances », puis suivre un parcours de consolidation de compétences de deux ans à l’hôpital, avant de voir leur dossier examiné en commission. Mais un régime dérogatoire a longtemps existé, permettant aux hôpitaux de recruter des non-lauréats sous divers statuts très précaires, rémunérés entre 1 500 et 2 200 euros net par mois.
    Ce régime temporaire, plusieurs fois prolongé, s’est définitivement éteint au 31 décembre 2023. Impossible aujourd’hui de renouveler leurs contrats. Ils devaient tous réussir les épreuves requises cette année pour continuer à exercer. « Sauf qu’avec 10 000 candidats au concours - dont une partie inscrits de l’étranger - pour 2 700 postes ouverts, c’est impossible », déplore Halim Bensaïdi.
    Le docteur Halim Abdelhalim Bensaïdi, est venu d’Algérie. Ce diabétologue travaille depuis 2019 en France, il est le vice-président de l’association Ipadecc, Intégration des praticiens à diplôme hors Union européenne."Mon contrat a expiré hier et je n’ai toujours pas de réponse pour [mon] renouvellement ! Le président de la République promet de nous régulariser, sauf qu’officiellement, on n’a pas de texte qui nous permet de continuer l’exercice de notre noble métier, qu’on exerce dignement depuis des années, regrette-t-il."Sur le terrain, on est 2 000 médecins qui ne sont pas régularisés jusqu’à ce jour, malgré le discours du président de la République. On se pose des questions sur notre sort : qu’est-ce qu’on va devenir demain ? Et pour certains qui ont été licenciés le 31 décembre, qui ont reçu des OQTF [Obligation de quitter le territoire français, ndlr], on se pose vraiment cette question du manque de personnel médical alors qu’aujourd’hui, en France, on licencie et on donne des OQTF à des médecins qui sont prêts à exercer leur métier. Des gens sont payés entre 1 400 et 2 000 euros, c’est juste indigne par rapport à leur dévouement total au sein des hôpitaux français."

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#PADHUE#sante#regularisation#CHU#systemesante#OQTF#personneldesante

  • Les mineurs étrangers non accompagnés, si loin de leurs parents : « Je ne peux pas tout raconter à ma mère. Ça la tuerait »
    https://www.lemonde.fr/intimites/article/2024/01/20/les-mineurs-etrangers-non-accompagnes-si-loin-de-leurs-parents-je-ne-peux-pa

    Les mineurs étrangers non accompagnés, si loin de leurs parents : « Je ne peux pas tout raconter à ma mère. Ça la tuerait »
    Par Audrey Parmentier
    Patrice, 17 ans, est fier de présenter l’appartement où il a été placé, dans le 19e arrondissement de Paris : « Ici, c’est la chambre d’un Malien, là celle d’un Ivoirien et voici ma chambre. » L’adolescent camerounais, qui (comme tous les autres mineurs interrogés) a décidé de ne pas dévoiler son identité, montre une pièce ordonnée à la décoration sommaire. Posée sur son bureau dégagé, une pochette bordeaux. A l’intérieur, une boîte d’antidépresseurs. « C’est le psychiatre qui me les a prescrits. »
    Celui qui suit une formation de menuiserie a traversé de nombreuses étapes avant d’arriver à Paris. S’il a quitté le Cameroun, c’est pour une seule personne : sa mère malade. « Elle vendait des beignets dans la rue, elle s’est intoxiquée avec la fumée », relate ce mineur non accompagné (MNA) arrivé en France en mai 2022. A Douala, capitale économique, son père tenait le foyer à bout de bras. « Il est mort il y a trois ans à cause d’une maladie à l’estomac. » Patrice gagnait un peu d’argent pour nourrir sa mère et son frère jumeau : il portait les sacs des clients dans les supermarchés contre une poignée de francs CFA. Une rémunération insuffisante qui l’a poussé à traverser la frontière sans prévenir sa famille.
    « Ma mère n’aurait jamais accepté que je parte », confie Patrice. Sa vie, il l’avait d’abord imaginée au Nigeria, où il est resté deux jours avant de marcher vers l’Europe : Niger, Algérie puis Libye. Assis sur son lit, le jeune homme raconte son calvaire à Tripoli : il y est fait esclave et emprisonné à deux reprises. « Ces choses sont trop douloureuses, je ne peux pas les raconter à ma mère. Ça la tuerait. » La veille, Patrice lui a encore envoyé de l’argent : « Mon éducatrice me conseille de tout garder, mais je ne veux pas. Ce n’est pas grave si je ne mange pas. » De la précarité qu’il connaît à Paris, sa mère ne saura rien. « Ici, c’est pire que la Libye. Quand tu arrives en France, tu penses que le cauchemar s’arrête, mais non. »
    A son arrivée dans la capitale, Patrice est évalué par le Département, qui refuse sa prise en charge, estimant que le jeune homme n’est pas mineur. Sans ressources, Patrice vit plusieurs mois dans le bois de Vincennes, le temps de former un recours devant le tribunal des enfants. En octobre 2022, il est placé par l’aide sociale à l’enfance (ASE). D’abord dans un hôtel à Châtillon (Hauts-de-Seine), puis dans cet appartement, en septembre 2023.
    Un parcours similaire à celui d’une grande majorité des mineurs non accompagnés. En attendant une date d’audience pour la reconnaissance de leur minorité, et ainsi leur prise en charge par l’ASE, ils subissent la précarité et dorment dehors. « Je mentais à ma famille, car la vérité était trop dure. Je disais que je mangeais à ma faim et que je dormais dans un lit », se souvient Thierno (prénom modifié), 17 ans, maintenant placé dans un foyer de l’ASE des Yvelines.
    Cacher la vérité permet de camoufler une désillusion amère : « Quand j’étais au pays, je voyais les choses en grand. Aujourd’hui, je me rends compte que les professeurs de géographie nous ont menti. » Le jeune homme guinéen a longtemps rêvé d’Europe. C’est d’ailleurs pour rejoindre le « Vieux Continent » qu’il a abandonné le nid familial contre l’avis de ses parents.« J’ai pris cette décision à 50 %. Un ami de mon oncle voulait que je parte avec lui et il m’a emmené », raconte ce fils d’un commerçant et d’une mère au foyer. Pendant deux mois, sa famille reste sans nouvelles de lui. « Je ne voulais pas l’avoir au téléphone, j’avais peur que ma mère me dise de revenir », ajoute Thierno, les larmes aux yeux. Parler de ses parents, cela lui fait « remonter des émotions ».
    Une fois en France, une chape de plomb s’abat sur le passé de ces garçons. Un silence alimenté par le processus de reconnaissance de leur minorité. Au cours d’une évaluation, les MNA doivent prouver deux choses : avoir moins de 18 ans et être isolés. Pour satisfaire aux critères de l’évaluateur, il leur est conseillé de dire, par exemple, que leurs parents sont morts. Même si cela n’est pas toujours vrai.Ces adolescents marchent sans arrêt sur un fil, rapporte Noémie Paté, chercheuse en sociologie et maîtresse de conférences à l’Institut catholique de Paris. « D’un côté, le juge des enfants les encourage à renouer avec leur famille, mais de l’autre, ces jeunes savent que le titre de séjour est facilité quand ils n’ont plus de contact avec leurs parents. » En 2022, 14 782 mineurs non accompagnés sont entrés dans le dispositif de protection de l’enfance.
    « Je regrette de n’avoir personne qui veille sur moi, explique Thierno, qui vit douloureusement la séparation d’avec sa famille. Hier, j’avais mal au ventre. L’éducatrice de l’ASE ne répondait pas et je voulais aller aux urgences. Quand tu as tes parents, ce sont eux qui s’occupent de ça. » Il se tourne vers Marie (qui préfère ne pas donner son nom), bénévole aux Midis du Mie, une association d’aide aux adolescents étrangers. C’est elle qu’il a contactée récemment pour une opération chirurgicale. En deuxième année de CAP boulangerie, Thierno a été mis en arrêt maladie pendant trois semaines après son opération. Angoissé, il essaie d’arracher quelques paroles rassurantes à Marie : « Tu penses que mon patron me croit ? » A plusieurs reprises, il répète ressentir « une pression » du fait de se retrouver livré à lui-même.
    En face de lui, Adama acquiesce. Flanqué d’un tee-shirt de l’équipe de France orange et violet, le jeune Malien, 19 ans, a besoin d’une vingtaine de minutes avant de se sentir à l’aise. « Il faut se cogner la tête pour se souvenir », plaisante le jeune homme avant de dérouler son histoire. En 2018, il quitte la Mauritanie direction « la tour Eiffel ». Une décision qu’il prend seul : il ment à sa mère, lui disant qu’il part à Nouakchott, la capitale. A la place, il rejoint le Maroc avec d’autres jeunes de son âge. A 14 ans, Adama laisse derrière lui un petit boulot de berger payé au lance-pierre et quatre sœurs. « Je ne regrette pas, je n’avais pas d’avenir en Mauritanie », justifie celui qui, sur les 475 euros gagnés par mois grâce à son CAP plomberie, envoie un peu d’argent à sa mère. « J’ai mis du temps avant de lui dire que j’étais à Paris, elle était très inquiète. »
    Son titre de séjour en poche, Adama est fier de son parcours. Son prochain objectif : retourner en Mauritanie pour rendre visite à sa famille qu’il n’a pas vue depuis cinq ans. Selon Noémie Paté, « certains jeunes voient le départ comme un acte d’émancipation. Ils prennent la route dans l’objectif de rompre avec la tradition parentale et de conquérir une place sociale ». L’un des schémas classiques est celui de l’aîné de la fratrie qui migre en Europe pour subvenir aux besoins de sa famille.
    Loin de leurs proches, et malgré leur maturité, ces jeunes continuent à avoir des besoins d’enfant. « Les MNA veulent être protégés, aller à l’école, avoir un lieu sûr… », considère Marie Rose Moro, cheffe de service de la Maison de Solenn, qui abrite dans le 14e arrondissement de Paris une antenne destinée aux mineurs non accompagnés. En 2022, plus de 150 jeunes y ont bénéficié d’un suivi psychologique.De temps en temps, l’intervention des parents est indispensable. Comme pour ce jeune Afghan, Massoud, qui a plusieurs tentatives de suicide à son actif. « Il avait fait le trajet depuis un camp de réfugiés en Iran avec son cousin qu’il avait perdu sur la route en Allemagne. A cause de cela, il disait avoir failli à sa mission de “chef de famille”. Il ne se sentait plus digne d’en faire partie », narre Marie Rose Moro. Face à cette situation d’urgence, la pédopsychiatre retrouve sa mère grâce à la Croix-Rouge : « Au téléphone, elle l’a rassuré et Massoud allait beaucoup mieux. »
    D’autres jeunes n’ont pas cette chance. A l’instar de Jean, un Camerounais de 16 ans, qui n’a jamais connu sa mère. Et son père ? Un voile se pose sur ses yeux : « Il était violent et voulait me mettre dans la magie noire… C’est pour cela que j’ai voulu m’échapper. » Emmitouflé dans une polaire orange fluo, le jeune homme décrit une vie sans parents : « Dès 9 ans, je dormais seul dans les rues. Très vite, je ne pouvais plus réfléchir comme un bébé. » Lui-même le constate, son enfance lui a été confisquée.
    En septembre 2023, Jean est arrivé en France et a été accueilli par une dame retraitée à Versailles, grâce au réseau de l’association d’aide aux personnes étrangères Utopia 56. Depuis, il se remet à rêver, surtout au basket, son sport préféré. « Je vais percer. Je dois me fixer la barre très haut pour réussir », dit ce fan des Lakers. Son hébergeuse lui a déjà offert un ballon, un équipement et des chaussures, pour un nouveau départ.

    #Covid-19#migration#migrant#france#MNA#sante#santementale#minorite#ASE#ONG

  • Face à la vague de froid en Ile-de-France, la détresse de jeunes exilés « ni majeurs ni mineurs » aux yeux de l’Etat
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/19/face-a-la-vague-de-froid-en-ile-de-france-la-detresse-de-jeunes-exiles-ni-ma

    Face à la vague de froid en Ile-de-France, la détresse de jeunes exilés « ni majeurs ni mineurs » aux yeux de l’Etat
    Par Fatoumata Sillah
    Lasso Camara a regardé, dans un froid glacial, les flocons de neige recouvrir Paris dans la nuit de mercredi à jeudi. Le thermomètre est descendu jusqu’à − 5 °C. Paire de gants, chaussettes, pulls et couette issus de dons ne suffisent pas à le réchauffer. Le jeune Guinéen de 17 ans, arrivé à Paris il y a trois semaines, dort dans une tente sous le pont de Notre-Dame, en face de la Seine, et ce, depuis le mardi 9 janvier. C’était sa première nuit dehors, alors qu’une vague de froid touchait déjà l’Hexagone avec des températures négatives sur presque tout le territoire. L’adolescent n’a pas trouvé de solution d’hébergement d’urgence.
    Aux yeux des associations, Lasso est un « mijeur » (contraction de mineur et majeur). Aux yeux de l’Etat, il n’entre dans aucune case administrative. Ni officiellement mineurs ni majeurs, ces exilés n’ont pas obtenu la reconnaissance de leur minorité à leur arrivée en France, après une évaluation du département où ils ont tenté leur chance. Leurs documents d’identité, quand ils en ont, les preuves écrites de leurs parcours, ainsi que leurs récits, témoignent pourtant du contraire. S’ensuit alors une bataille administrative durant laquelle ils sont exclus des dispositifs de protection de l’enfance et ne peuvent prétendre aux aides réservées aux majeurs.
    « Des évaluateurs partent du principe que ces jeunes sont malhonnêtes », plutôt que de prouver leur minorité, « ils vont tenter de prouver qu’ils mentent et qu’ils sont incohérents », analyse Patricia Mothes, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’Institut catholique de Toulouse, dont les recherches portent notamment sur la scolarisation des enfants migrants.
    Après que le plan Grand Froid a été déclenché, le gouvernement a annoncé le déblocage d’une enveloppe correspondant à 10 000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence en Ile-de-France. Paris a ouvert un gymnase pour mettre à l’abri cinquante jeunes durant quelques jours. Mais Lasso n’a pas obtenu de place. Ni lui, ni la centaine de migrants de toutes nationalités qui dorment dans les trente-neuf tentes de son campement, ou les près de six cents autres dispersés dans au moins une vingtaine de sites, identifiés par l’association de défense des exilés Utopia 56, dans Paris et sa première couronne.
    Le 115, numéro d’urgence pour les personnes sans abri, est, lui, saturé. « Quand on l’appelle, on ne nous répond pas, ou on nous rappelle que seuls les majeurs sont pris en charge. Quand on appelle le 119 [service de protection d’enfants en danger], personne ne vient nous chercher », rapporte Yacoub Cissé, 16 ans et voisin de Lasso. Alors, c’est la rue et pendant les épisodes de grand froid, « vraiment, c’est dur ». « Moi, j’ai cru que j’étais à la limite de mourir cette nuit. Il faisait tellement froid », témoigne, toujours choqué, Sekouba Traoré, 16 ans. Dans une boucle WhatsApp dédiée aux jeunes et aux familles qui campent dehors, Utopia 56 a diffusé des messages audio expliquant comment reconnaître une hypothermie et appeler les secours. Quand le jour se lève, Lasso, Yacoub et lui s’affairent à trouver des couches de vêtement en plus pour les prochaines nuits, si possible une couette et une couverture de survie pour le toit de la tente. « J’aimerais bien avoir au moins trois couvertures et plus de chaussettes », dit Lasso, qui espère, autrement, récupérer le duvet d’un de ses compagnons, là depuis plus longtemps, auquel il souhaite d’être enfin pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.
    A Utopia 56, « on fait des maraudes chaque soir », raconte Alice Bertrand, chargée des mineurs non accompagnés au sein de l’association. Dans la nuit de mercredi 17 à jeudi 18 janvier, trois bénévoles d’une vingtaine d’années font le tour de l’est et du centre de la capitale. « Bonsoir, c’est Utopia, on a du thé et du café », annoncent-ils à leur arrivée dans les campements qu’ils ont identifiés en amont. En anglais, en français ou avec des traducteurs, selon la langue de leurs interlocuteurs, « avez-vous besoin de gants, manteaux ou chaussures ? », demandent Elias Hufnagel, Maëlle Foix et Thomas Dufermont.
    Dans leur voiture, ils ont des cartons de produits d’hygiène, de vêtements, quelques Sheltersuit, cette veste imperméable et coupe-vent qui peut se transformer en combinaison une fois zippée sur un sac de couchage, et des tentes. Même si Alice Bertrand et Thomas Dufermont constatent que les dons ont été nombreux cet hiver, les dix-neuf tentes que les bénévoles peuvent distribuer sont insuffisantes par rapport à la demande. « En ce moment, nous comptons entre 90 et 150 nouveaux mineurs non accompagnés par semaine », selon Alice Bertrand. Utopia se prépare par ailleurs à récupérer – « aujourd’hui, demain, on ne sait pas » – les jeunes à l’abri dans le gymnase ouvert à Paris lorsque le plan Grand Froid sera désactivé et qu’ils se retrouveront à la rue. Des tentes leur seront données pour leur première nuit.
    En France, il n’existe aucune donnée fiable sur le nombre précis de mineurs non accompagnés présents sur le territoire, selon l’ONG Médecins du monde. Le ministère de la justice communique seulement sur le nombre de jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. En 2022, ils étaient 14 782, pour la plupart originaires de Côte d’Ivoire, de Guinée, de Tunisie, du Mali, d’Afghanistan ou encore du Bangladesh. L’association médicale et humanitaire estime toutefois que, dans 70 % des cas, la prise en charge est rejetée. Ces jeunes doivent faire une demande de recours pour que leur minorité soit finalement reconnue et faire valoir leur droit à être mis à l’abri. Le délai entre la saisine du juge des enfants et sa décision varie selon le département. « A Créteil, dans le 94 [Val-de-Marne], ça peut aller jusqu’à sept mois », d’après Renaud Mandel, de l’organisation Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers (Adjie). Le dossier de Lasso est à Créteil. Dans six mois et huit jours, il devra s’y représenter pour une première audience avec un juge. A l’issue de celle-ci, le magistrat peut demander des investigations complémentaires, comme un examen de maturation osseuse, pouvant prolonger de plusieurs semaines la décision, ou se prononcer. En attendant, Lasso sait qu’il continuera de dormir dehors. « On s’y habitue », lâche-t-il.
    Le traitement de ces jeunes migrants avant la reconnaissance de leur minorité ou lors de leur recours juridique est dénoncé par de nombreuses ONG, qui estiment que la Convention internationale des droits de l’enfant n’est pas respectée. La Cour européenne des droits de l’homme avait aussi condamné la France, en 2019, pour avoir infligé un « traitement dégradant » à un mineur isolé afghan lorsqu’il était en France. Cet enfant, âgé de 11 ans à l’époque, n’avait pas été pris en charge par les autorités. Il avait vécu environ six mois dans le bidonville de Calais (Pas-de-Calais). Unicef France a également interpellé la France à plusieurs reprises sur la situation de ces jeunes.
    L’Adjie a, de son côté, alerté, une nouvelle fois, la Mairie de Paris, en vain. « Nous vous demandons de bien vouloir, en urgence, demander la prise en charge de ces jeunes » face « à la situation de danger du fait de leur minorité et de leur isolement ». La vague de froid « ajoute un danger potentiel de mort pour ces jeunes aux organismes déjà affaiblis par de longues semaines d’errance dans les rues de la capitale », a écrit Renaud Mandel à Anne Hidalgo et Dominique Versini, l’adjointe à la maire de Paris en charge des droits de l’enfant et de la protection de l’enfance. « Avant on avait une réponse, maintenant plus personne nous répond », regrette-t-il. Dominique Versini n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. Pas plus que le ministère du logement, dont le cabinet est vide dans l’attente de la nomination de toute l’équipe du gouvernement de Gabriel Attal. L’adjointe à la maire de Paris en charge des solidarités, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, Léa Filoche, renvoie, elle, vers l’Etat.

    #Covid-19#migrant#migration#france#MNA#hebergement#urgence#ASE#ong#campement#minorite#iseolement#sante