On croirait volontiers que les treize Scènes d’enfants de Robert Schumann forment un ensemble d’une merveilleuse cohérence, alternant entre calme et agitation, réflexion et étourdissement... Et pourtant, lorsqu’il les coucha sur le papier dès 1838, il y en avait rien moins qu’une trentaine, sans ordre, sans objectif précis, ainsi qu’un peut en juger d’après une lettre à la lointaine bien-aimée Clara, datée du 19 mars 1838 : « Tant que j’y pense : ce que j’ai encore composé. C’était comme un écho de tes mots, lorsqu’une fois tu m’écrivis que je te semblais parfois être un enfant - en un mot, je me suis senti comme en costume d’angelot, et ai écrit une trentaine de petites choses mignonnes comme tout, parmi lesquelles j’en ai choisi douze que j’ai appelées Scènes d’enfants ». On fera remarquer qu’à cette époque, aucun des enfants de Schumann et Clara n’avait encore vu le jour, et que les éventuels modèles enfantins n’étaient donc pas immédiatement disponibles pour copie musicale d’après nature.
Douze pièces, trente pièces... Or, à la publication en 1839, Schumann en sélectionnera treize ; étaient-ce les mêmes que les douze initialement choisies, plus une dernière ? Ou bien a-t-il plus largement remanié son choix ? Toujours est-il que l’un des critiques et chroniqueurs les plus influents - et fielleux - de son temps, Ludwig Rellstab (celui-là même qui surnommera « Clair de lune » la quatorzième sonate de Beethoven, quelques années après la mort du compositeur qui aurait peut-être préféré un autre nom), se fendit d’un très long article, fichtrement ampoulé dont voici la traduction complète concoctée par votre serviteur, en gardant tant que possible les circonvolutions verbales un peu serpentines.