• Quenelle - la suite

    Merci à @booz pour http://seenthis.net/messages/212139

    Il était temps de revenir sur la question :

    Pour l’extrême droite et la partie la plus agressive de la classe dominante, l’important n’est pas d’être véritablement une alternative pour le peuple mais de se donner l’apparence de « rebelles ». Mais une fois au pouvoir, les dominés et les pauvres prennent de plein fouet la répression.

    C’est bien dit, mais c’est encore plus impressionnant quand on se rappelle les faits précis :

    Nuit des Longs Couteaux
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_des_Longs_Couteaux

    Depuis son accession au pouvoir, Hitler est confronté à des tensions croissantes qui opposent les milieux conservateurs et la Reichswehr à la Sturmabteilung (SA), dirigée par Ernst Röhm avec lequel il entretient des relations amicales. La violence, la terreur de rue, exercée par la SA, essentiellement entre 1926 et 1933 a été précieuse dans la conquête du pouvoir et immédiatement après celle-ci, au prix de plusieurs centaines d’assassinats. Cependant en 1934, elle est de moins en moins acceptable pour Hitler qui veut stabiliser son régime et qui a besoin de l’appui des partis conservateurs et de l’armée, notamment dans la perspective de la succession du président Paul von Hindenburg.

    ...

    L’attitude de Hitler n’empêche pas Ernst Röhm d’appeler à une poursuite de la Révolution allemande et d’exiger que les autres responsables nazis lancent des réformes sociales radicales. En juin 1933, il déclare dans un discours : « Le moment est venu pour la révolution nationale de venir à son terme et de devenir une révolution nationale-socialiste. [...] Il y a encore des hommes occupant aujourd’hui des positions officielles qui n’ont pas la moindre idée de l’esprit de la révolution. Nous nous débarrasserons d’eux sans pitié s’ils osent mettre en pratique leurs idées réactionnaires ».

    Il n’est pas le seul à vouloir « poursuivre la révolution » : le 9 mai 1933, le président de Haute-Silésie attaque vivement les gros industriels « dont la vie est une perpétuelle provocation » ; à Berlin, un représentant de la Fédération ouvrière nazie déclare que « le capitalisme s’arroge le droit exclusif de pouvoir donner du travail à des conditions qu’il fixe lui-même. Cette domination est immorale et il faut la briser » ; en juillet 1933, Wilhelm Kube, chef de groupe nazi au parlement de Prusse, affirme que « le gouvernement national-socialiste doit obliger les grands propriétaires fonciers à morceler leurs terres et à en mettre la plus grande partie à la disposition des paysans ».

    ...

    Le ministère des Affaires étrangères se plaint des agressions des SA envers les diplomates étrangers. Un tel comportement dérange les classes moyennes, les éléments conservateurs traditionnels et l’armée. Il suscite aussi des protestations des milieux de l’industrie, du commerce, des administrations locales et de l’Église protestante. Le ministre de l’Intérieur, Wilhelm Frick, estime que « les actes répréhensibles commis par des membres de la SA devront faire l’objet de poursuites énergiques ».

    ...

    Après plusieurs mois d’hésitation et de tergiversations, la purge débute par l’irruption, pistolet au poing, de Hitler à l’hôtel Hanselbauer à Bad Wiessee, où se trouvent Röhm et de nombreux responsables de la SA.

    La représentation des événements par Lucino Visconti dans Les Damnés
    http://www.youtube.com/watch?v=Zld0hYtl7Oc

    Vu dans ce contexte on découvre une coalition bizarre derrière la nuit des longs couteaux. Les amateurs des droits de l’homme restés en liberté, les hypocrites petit bourgeois, les industriels, les militaires et les nazis les plus réactionnaires étaient tous pour en finir avec les exactions de la SA et son penchant vers une révolution populaire allemande.

    Une fois arrivé au pouvoir un mouvement de droite est obligé d’éliminer les idées et les hommes qui ont fait son succès auprès des couches populaires. Il s’agit d’un processus comparable à celui qui touche les partis politiques actuels qui sont nés dans les mouvements populaires, mais en plus sanglant et radical. Si jamais de nouveau une droite décomplexée arrive au pouvoir, son interprétation de l’œuvre La nuit des longs couteaux dépassera celle de ses successeurs, honneur de nazi oblige.

    –—
    Enfin il est intéressant de comparer les textes de la version allemande et française de Wikipedia.
    http://de.wikipedia.org/wiki/R%C3%B6hm-Putsch
    Dans la version allemande on se perd dans une vaste accumulation de faits historiques, ainsi la dimension dépassant le conflit entre des tendances politiques au sein du parti nazi est occultée.
    Le texte français présente les mêmes faits dans un cadre structuré qui permet d’identifier les dimensions politiques et militaires tout comme les intérêts des classes économiques.
    Il est frappant à quel point la volonté idéologique écartant les conflits de classe de l’histoire perpétue son omniprésence dans l’image que l’Allemagne cherche à se donner.

    #quenelle synonyme
    http://dictionnaire.reverso.net/francais-synonymes/quenelle

    geste mélangeant une sorte de bras d’honneur et un salut nazi inversé, ou un bras d’honneur en gardant le bras tendu qui peut être pris comme un geste anti-système ou antisémite

    #allemagne #nazi #nsdap #revolution #humour #machtergreifung #sturmabteilung #schutzstaffel

    • Merci @Klaus
      Ce qui me frappe le plus, c’est l’entrée de WP qui décrit les faits : le Putsch de Röhm qui semble valider totalement le point de vue nazi de l’intervention préventive (je sais, aujourd’hui on dit préemptive …)

      La Nuit des longs couteaux est renvoyée comme une appellation « populaire »

      Der Volksmund sprach auch von der Nacht der langen Messer.

      Les deux articles (R-P et NlM) précisent pourtant bien que l’appellation Röhm-Putsch est une opération de propagande…