Pour la maison d’édition qui a publié le livre d’Andreas Malm « Comment saboter un pipeline », présent dans le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre, le gouvernement empêche un débat démocratique de la plus grande urgence sur l’utilisation des ressources communes dans l’intérêt général.
Les idées deviennent des armes quand elles s’emparent des masses. On n’attendait pas pareille concession à l’adversaire de la part de Macron et de son ministre de l’Intérieur mais c’est bien cet indémodable adage de Marx qui semble aujourd’hui gouverner leur politique répressive. Las de chasser les manifestants dans les rues, poursuivons donc les idées avant qu’elles ne s’emparent des masses.
Les idées, plus particulièrement celles qui contreviennent au capitalisme et à son monde, à l’air ambiant qu’il nous fait respirer, c’est un peu notre fonds de commerce à la Fabrique depuis vingt-cinq ans, comme à tous nos collègues qui font vivre avec leurs livres les pensées critiques et le débat démocratique.
Un pouvoir qui a perdu la bataille des idées
Mais les idées qui s’emparent des masses ne sortent pas de nulle part, elles émergent des contradictions du système, là où des mouvements lui résistent. Il se trouve qu’un mouvement de résistance a surgi de la catastrophe écologique en cours, un mouvement intelligent, puissant et déterminé : les Soulèvement de la Terre. Il se trouve aussi que nous avons échafaudé avec eux un projet de livre qui donnerait à voir tant la créativité pratique que l’élaboration théorique et politique des luttes écologistes contemporaines. A la suite de quelques actions spectaculaires, parmi tant d’autres initiatives de reprises de terres et d’expérimentations agroécologiques, on a voulu faire passer les Soulèvements pour une bande de saboteurs sans foi ni loi. Mais la centaine de milliers de personnes qui s’en revendiquent, chaque jour plus nombreuses, sont animées par une idée dont la justesse ne trouve déjà plus beaucoup de détracteurs honnêtes : nous allons dans le mur, propulsés par une clique irresponsable qui trouve encore son intérêt au désastre ; on ne peut pas les laisser faire.
On comprend que ça ne plaise ni à Gérald Darmanin ni à la FNSEA. Dans un réflexe typique d’un pouvoir qui a perdu la bataille des idées, les apprentis chimistes du ministère de l’Intérieur se sont ainsi mis en tête de dissoudre cette pensée qui fâche.
Mettre des livres à l’index
Et voilà que ceux qu’on entend jurer par Voltaire et Camus veulent mettre des livres à l’index, non par les procédures légales qui encadrent la liberté d’expression, de la presse et de l’édition, mais par le coup de force et l’intimidation. Le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre tourne à la paranoïa quand il croit trouver dans le livre d’un géographe suédois, Andreas Malm, publié à la Fabrique il y a plus de trois ans, le bréviaire d’un écoterrorisme fantasmé en France. Que dit ce livre ? Entre autres, que si les Etats persistent à laisser prospérer les activités industrielles qui menacent les conditions mêmes de la vie sur Terre, il faut s’attendre à ce que des mouvements de masse prennent le problème à bras-le-corps. C’est peu dire que le gouvernement actuel souffle sur les braises d’un scénario redoutable. L’acte de dissolution des Soulèvements de la Terre est injuste et sa justification effarante marque une escalade autoritaire particulièrement inquiétante. La répression tous azimuts des luttes écologistes, l’arrestation arbitraire de leurs militants avec les moyens de l’antiterrorisme, et maintenant la censure et la criminalisation des mots d’ordre, des prises de parole, des livres et de celles et ceux qui les lisent sont inacceptables.
En adoptant une rhétorique méprisante et belliqueuse Pour connaître nos conseils et la marche à suivre, ainsi que l’adresse à laquelle nous envoyer vos propositions, rendez-vous dans la section « Proposer une tribune » en bas de cette page.de urgence sur l’utilisation des ressources communes dans l’intérêt général, et prépare un soulèvement d’une autre ampleur. Qui sait quelles idées pourraient s’emparer des générations qui voient leur avenir à ce point assombri ?