Divisé par 5 en un demi-siècle, le nombre de morts sur la route serait désormais sur un « plateau ». En cause selon la Cour des comptes : une obsession de l’État pour les radars, au mépris des autres leviers de sécurité routière.
« De plus de 18 000 tués sur les routes de France en 1972, on est passé à moins de 3 500 en 2018 et en 2019. Il s’agit donc d’un succès incontestable. » De prime abord, le rapport de la Cour des comptes publié le 1er juillet pourrait sembler louangeur pour l’État. Mais quand on se plonge dans ses 300 pages, on y trouve une analyse bien plus critique.
Entre 2008 et 2013, le nombre de morts par million d’habitants « est passé de 69,4 à 52,2 », avance le rapport. Une baisse très importante, qui parachève une évolution en cours depuis les années 1970. Mais depuis 2013, le nombre de morts est sur un « plateau ». Et le classement de la France sur la sécurité routière en Europe s’est dégradé, de la 7e à la 14e place.
L’HÉRITAGE DE CHIRAC
Pour expliquer ce « plateau », la Cour des comptes avance l’hypothèse de l’erreur de restreindre la sécurité routière à son « orientation fondamentale », la répression des comportements des usagers. Cette orientation est une héritière directe de la politique lancée par le président Jacques Chirac en 2002. Tout juste réélu, il fait de la sécurité routière une des grandes causes de son quinquennat et exclut symboliquement les infractions routières de l’amnistie présidentielle.
Un an après, en 2003, le chef de l’État inaugure le premier radar automatique, qui sera le principal outil de cette politique. « Le centrage de la politique de sécurité routière sur le comportement des usagers de la route a été facilité, à partir de 2003, par l’apparition d’un outil efficient pour lutter contre les excès de vitesse : le radar automatique », relève le rapport.
LE RADAR AUTOMATIQUE, TAXE DES PAUVRES ?
Cette politique de sanction a prouvé son efficacité sécuritaire mais elle a également été régulièrement critiquée pour son injustice. Pour les Français les plus modestes et contraints à l’usage de la voiture, elle ressemble à un impôt caché et injuste, puisque non indexé sur les revenus. Une injustice encore renforcée par la limitation à 80 km/h.
Autre conséquence de l’invasion des radars automatiques (leur nombre a bondi de 70 % entre 2008 et 2018) : ces machines ont largement remplacé les gendarmes et policiers sur le bord des routes, leur nombre aurait baissé de 40 % depuis la mise en place des radars. Cette tendance, expliquée par l’automatisation des contrôles de vitesse mais aussi par la « redéfinition des priorités sécuritaires » comme la menace terroriste mettrait à mal la prévention et la répression des comportements dangereux liés à l’alcool ou aux stupéfiants.
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La Cour des comptes ne remet pas en cause l’utilité du levier des comportements dans la sécurité routière mais insiste pour qu’ils soient complétés par d’autres. Elle rappelle qu’il y a « trois grands facteurs d’accidents de la route : le comportement inadéquat des conducteurs, les défauts des infrastructures routières et, plus généralement, de « l’environnement » du conducteur, les défaillances des véhicules et de leurs équipements ». Trois facteurs d’accidents, donc trois champs sur lesquels intervenir. Une évidence que l’État aurait un peu oubliée.