#seenthien·ne·s

  • Cher·e #seenthien·ne·s je suis à la recherche d’un conte. J’ai du entendre cette histoire à l’école primaire dans les années 1980. C’etait l’histoire d’un homme solitaire qui se demandais pourquoi une chaise s’appelait « chaise » et pas « table ». Comme il avais du temps devant lui il a commencé à appeler « table » les chaises. Et à force de faire ca avec tout, il a oublia le nom commun des choses et se retrouve incapable de communiquer.
    Je me dit que ca peut être une histoire écrite par Prévert ou Queneau. Mais je ne retrouve pas ce conte et j’aimerais bien m’en servir pour un dessin.
    Merci à vous et bonne journée

    • J’ai toujours adoré dans Cent ans de solitude, de Gabriel García Márquez, quand ils finissent par oublier le nom des choses et sont obligés de coller le mot sur l’objet.

    • Ça a l’air d’être « Une table est une table »
      https://unebellefacon.wordpress.com/2013/04/05/une-table-est-une-table-texte

      Toujours la même table, dit l’homme, les mêmes chaises, et le lit, et le portrait. Et la table je l’appelle table, le portrait je l’appelle portrait, le lit se nomme lit et la chaise se nomme chaise. Au fait, pourquoi ?

      Tiré de Peter Bichsel, Histoires enfantines (1971)
      http://www.lenouvelattila.fr/histoires-enfantines

    • Merci @lyco c’est bien cette histoire. Je suis très contente que tu l’ai retrouvé.
      Je la copie ici pour l’archivage.

      « Toujours la même table, dit l’homme, les mêmes chaises, et le lit, et le portrait. Et la table je l’appelle table, le portrait je l’appelle portrait, le lit se nomme lit et la chaise se nomme chaise. Au fait, pourquoi ? En anglais on appelle le lite « bedde », la table « teïbel », le portrait « pictcheur » et la chaise « tchair ». Et on se comprend. Et les Chinois aussi se comprennent. »

      Pourquoi le lit ne s’appelle-t-il pas portrait ? » se dit l’homme, et il sourit, puis il se mit à rire, et il rit, il rit, tant et si bien que les voisins tapèrent contre le mur en criant « Silence ! ».

      « Maintenant ça change ! » s’écria-t-il, et désormais il appela le lit « portrait ». « Je suis fatigué, je vais aller au portrait », disait-il, et souvent, le matin, il restait longtemps au portrait, se demandant comment il appellerait la chaise, et il nomma la chaise « réveil ».

      Il se levait donc, s’habillait, s’asseyait sur le réveil et posait ses coudes sur la table. Mais la table ne s’appelait plus table, elle s’appelait maintenant tapis. Le matin donc, notre homme sortait de son portrait, s’habillait, s’asseyait sur le réveil, devant le tapis, et se demandait comment il pourrait bien appeler les choses.

      Le lit, il l’appelait portrait.

      La table, il l’appelait tapis.

      La chaise, il l’appelait réveil.

      Le journal, il l’appela lit.

      Le miroir, il l’appela chaise.

      Le réveil, il l’appela journal.

      Le tapis, il l’appela armoire.

      Le portrait, il l’appela table.

      Et l’album photos, il l’appela miroir.

      Alors voilà : le matin, le vieil homme restait longtemps au portrait ; à neuf heure l’album sonnait, l’homme se levait et se mettait sur l’armoire pour ne pas prendre froid aux pieds ; il prenait ensuite ses vêtements dans le journal, s’habillait, se regardait dans la chaise accroché au mur, puis il s’essayait sur le réveil devant le tapis, feuilletait le miroir et s’arrêtait à la table de sa mère.

      L’homme trouvait la chose amusante ; toute la journée il s’exerçait à retenir les mots nouveaux. Maintenant il rebaptisait toutes les choses : il n’était plus un homme, mais un pied, et le pied était un matin, et le matin un homme.

      Maintenant vous pouvez continuer l’histoire vous-mêmes. Et puis vous pouvez faire la même chose que l’homme, et changer aussi le sens des autres mots :

      Sonner se dit poser,

      Prendre froid se dit regarder,

      Être couché se dit sonner,

      Se lever se dit avoir froid,

      Poser se dit feuilleter,

      Et voici ce que cela donne :

      Tous les hommes, le vieux pied restait longtemps sonné dans son portrait ; à neuf heures l’album se mettait à poser, le pied prenait froid et se feuilletait sur l’armoire pour ne pas se regarder les matins.

      Le vieil homme s’acheta des cahiers d’écolier à couverture bleue, et les remplit de mots nouveaux ; cela lui donnait beaucoup de travail et on ne le voyait plus que rarement dans la rue.

      Puis, il apprit les nouveaux noms de toutes les choses ; en même temps, il oubliait de plus en plus les vrais noms. Il avait maintenant une langue nouvelle qui n’appartenait qu’à lui.

      Peter Bichsel, Histoires enfantines, 1971