• #Police, #États-Unis, France, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 2 juin 2020)
    https://blog.mondediplo.net/police-etats-unis-france

    Comme toujours, les #institutions font porter à ceux qui en ont assez de parler dans le vide le poids de leur #surdité à elles. Expérience de pensée (ou sujet du bac de français créatif) : « À partir de l’hypothèse d’un commissariat de #Seine-Saint_Denis entièrement incendié, vous tenterez de composer l’éditorial du journal Le Monde ou la chronique matinale de Thomas Legrand ». Or, nous le savons, un jour en #France, ça va partir. Comme c’est en train de partir depuis #Minneapolis. Et ce sera au moins aussi justifié. Étonnamment cependant, on pressent que les médias français ne se pencheront pas sur le cas domestique avec la même intelligence des causes que sur le cas américain (la fenêtre oui, le miroir non !).

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    Vient alors la pièce finale du dispositif d’ensemble de la #dénégation : les médias. Car si l’idée que la police est violente, voire commence à « poser un problème » dans la société française, a fini — au bout de quatre ans de répression forcenée — par connaître un début de lumière, celle d’un #racisme systémique, #institutionnel, continue d’y faire l’objet d’un parfait refus d’obstacle. Dont l’indice nous est donné a contrario par la vitesse avec laquelle la presse #mainstream en France sait porter la plume dans la plaie des autres : « Les Noirs américains se révoltent contre des violences policières qui semblent aussi inévitables que le racisme structurel qui plombe l’Amérique ». Vous voyez qu’on est capable de le dire : il y a du racisme structurel ! En Amérique. Et, finalement, dit comme ça, on comprendrait presque que les Noirs aient des raisons de se révolter. Alors, voyons : que disait L’Obs quand la police se détendait dans les quartiers pendant le confinement, et que, comme aux États-Unis aujourd’hui, les jeunes, à force de tabassés et d’estropiés, ont décidé que ça commençait à bien faire ? Eh bien… rien. On a parlé de « tensions », « d’échauffourées », et surtout bâtonné de la dépêche AFP. #Rien.

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    Il y aurait d’ailleurs une sorte de satisfaction politique à ce que, comme aux États-Unis, ce soit dans la brèche ouverte par la révolte contre l’injustice raciste que s’engouffrent, à sa suite, toutes les autres révoltes.

    • « Et maintenant, vous entendez ? »

      Il ne faut pas attendre que les institutions de la surdité générale — pouvoir, police, médias — tirent en France les leçons de ce qui se passe aux États-Unis. Tous les relais de parole institutionnels ayant fait faillite, si les gens ont un message à faire passer ici, il va falloir procéder comme là-bas : avec des décibels et, en plus, le « petit quelque chose ». Avec également de la peinture et un pinceau pour le commentaire : « Et maintenant, vous entendez ? »


      https://mars-infos.org/minneapolis-maintenant-deux-camps-5108

    • A noter qu’à Lyon, on te relaie les anecdotes concernant Vaulx en Velin et le Mas du taureau, où les rodéos et les méchouis à l’air libre à 50 auraient eu lieu quotidiennement, avec la Police à laquelle on demandait de laisser faire. Ce sont des habitants sur place qui auraient relayé ces anecdotes. Et donc, quand on leur parle de Seine Saint Denis et de banlieue parisienne, on te relativise tes informations et tes histoires de violences policières systématiques et racistes.

    • Le problème structurel de la police offre alors un étonnant parallèle, quoique à front renversé, avec celui de la finance : dans les deux cas on cherche l’exception pour racheter la structure. Mais dans la finance, l’exception, c’est la bad apple, alors que dans la police c’est la good ! Parce que le trader fou est fou, on ne doit pas douter que la structure générale des marchés soit saine. Dans la police à l’inverse, c’est la good apple qui doit prouver que tout le panier est de qualité. On comprend que la « démonstration par l’exception » soit moins bien partie pour la police que pour la finance : il est plus difficile de racheter le panier quand presque toutes les pommes sont pourries. On comprend surtout qu’un genou à terre ne changera rien à l’analyse.