• LES SOCIALISTES EN FRANCE DE 1871 À 1914

    Tome I - Les tentatives de construction d’un parti de classe – 1871 - 1898, de Thomas Rose

    Après la défaite de la Commune de Paris de 1871, la France s’industrialise et une classe ouvrière moderne se développe. Les idées de transformation de la société se propagent, ainsi que l’objectif de construction d’un parti ouvrier. Différentes organisations se réclamant du socialisme commencent à émerger.

    Le socialisme cherche son parti et sa voie.

    Les premières victoires électorales renforcent l’espoir chez bien des militants socialistes d’une transformation pacifique de la toute récente république en une « république sociale ». Et l’intégration à la vie parlementaire favorise l’électoralisme. La construction d’un parti de classe s’éloigne progressivement.

    Tome II - Du ministérialisme à l’Union sacrée 1898-1914

    À la toute fin du 19e siècle, les différents courants se réclamant du socialisme en France se renforcent et rencontrent des succès, en particulier sur le terrain électoral. Mais ils ont à faire face à de nombreux problèmes politiques, provoqués en particulier par l’entrée au gouvernement du socialiste #Millerand en 1898. Après de multiples tentatives, les multiples courants socialistes s’unifient en 1905 pour constituer la SFIO, section française de l’Internationale ouvrière. Mais, contre l’avis des militants restés fidèles aux enseignements marxistes, les réformistes, qui privilégient la voix parlementaire, prennent progressivement le dessus dans le Parti socialiste. Des militants ouvriers se détournent pendant un temps du parti socialiste pour former le courant syndicaliste révolution- naire avant d’être eux aussi submergés par le #réformisme.

    En août 1914, lors de la déclaration de guerre, la SFIO rejoint l’Union sacrée consacrant l’abandon progressif de toute perspective révolutionnaire.

    #socialisme #SFIO #parti_ouvrier

  • Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme

    https://www.lutte-ouvriere.org/publications/brochures/le-jeune-parti-communiste-du-combat-pour-creer-un-parti-revolutionna

    12 février 2021 #conferenceLO #archiveLO

    Sommaire :

    Avant le congrès de Tours  : des années décisives
    – La guerre accélératrice et révélatrice
    #Zimmerwald et ses clivages
    – La #révolution_russe et la vague révolutionnaire en Europe
    #Grèves en France en 1919
    – Les révolutionnaires, divisés et dispersés dans la #SFIO et dans la #CGT
    – 1920 : la grève du chemin de fer et ses conséquences politiques
    – Deuxième congrès de l’IC
    – Le #congrès_de_Tours

    1921-1924  : la lutte pour transformer le parti
    – Les interventions de Trotsky et des dirigeants de l’#IC
    – La question syndicale  : l’ISR et la #CGT-U
    – La #grève_du_Havre
    – Le reflux et le front unique
    – La crise dans le parti et le départ de #Frossard
    – L’#occupation_de_la_Ruhr, la politique antimilitariste et anticoloniale du PCF
    – Des femmes et des hommes engagés et dévoués
    – Janvier 1924  : une transformation inachevée

    La «  bolchevisation  » et le #stalinisme
    – La montée de la #bureaucratie en Union soviétique
    – La chasse aux soutiens de #Trotsky
    – La «  #bolchevisation  » du parti
    – Un langage encore révolutionnaire
    – La campagne contre la #guerre_du_Rif
    – Des zigzags politiques permanents
    – Un parti ouvrier réprimé
    – Dix ans après le congrès de Tours, un parti stalinien

    Conclusion

    #parti_communiste

  • #6_février_1934 #éphéméride

    Dix années de guerre civile (#Barta, 6 février 1944)

    Quand le 6 février 1934, sous prétexte de lutter contre la « corruption », les #bandes_fascistes faillirent s’emparer du Palais Bourbon, une grande émotion s’empara des ouvriers et des milieux populaires de Paris et de province.

    La veille encore de soi-disant chefs répétaient : « La France n’est pas l’Allemagne ». Mais en Allemagne aussi les ouvriers avaient été bernés par de pareils leaders qui leur disaient, en présence des bandes de Hitler, que « l’Allemagne n’est pas l’Italie ».

    Malgré l’échec en ce qui concerne le but principal, la tentative fasciste du colonel de la Rocque et des différentes ligues paramilitaires ouvrait en France une époque de guerre civile qui ne pouvait se terminer que par la victoire du capitalisme sur les masses réduites à l’impuissance et à un niveau de vie inférieur ("vaincre la crise") ou par la victoire du socialisme, c’est-à-dire l’expropriation des capitalistes par le prolétariat.

    L’entrée en scène des bandes fascistes pour soutenir le capitalisme ouvrit la série des gouvernements extra-parlementaires, les gouvernements des décrets-lois et des mesures anti-démocratiques, qui eurent ce caractère sans exception de Doumergue, en passant par Léon Blum, jusqu’à Daladier et Reynaud.

    Au coup fasciste les masses prolétariennes ripostèrent par la #grève_générale_du_12_février, qu’elles imposèrent à la direction capitularde de la #CGT et de la #SFIO, et au #PC qui avait manifesté seul le 9 février. Par une politique instinctive et par une volonté puissante de combat, les masses prolétariennes réalisaient ainsi l’unité prolétarienne de combat, par dessus la tête des vieilles organisations.

    L’histoire des années qui suivirent peut se résumer ainsi : les masses, et non seulement les masses ouvrières mais l’immense majorité de la population pauvre des villes et des campagnes, voulaient en finir avec un régime qui les vouait à la misère et à l’insécurité. Mais leur poussée se heurta à la politique des organisations ouvrières officielles (CGT, #CGTU, SFIO, #SFIC) qui, elles, s’accrochèrent au cadavre pourrissant du #parlementarisme. Les masses entrèrent en lutte d’une façon décisive en juin 1936. Mais au lieu de pousser la lutte, à travers les étapes nécessaires jusqu’au renversement de la bourgeoisie, le parti « communiste » donna le signal de la retraite sur la base des #accords_Matignon : « il faut savoir finir une grève », tel est le « bolchévisme » qu’enseigne Thorez aux travailleurs de France au moment-même où la révolution espagnole se transformait en LUTTE ARMEE.

    Toute l’histoire de la #classe_ouvrière montre que si l’on n’ose pas aller jusqu’au bout, toute demi-victoire mène à une grande défaite. Juin 1936 fut une demi-victoire que le #Front_Populaire (alliance des partis ouvriers avec les agents « démocratiques » de l’#impérialisme : Daladier, Sarraut, Cot, etc...) transforma en une grande défaite. A juin succédèrent les #fusillades_de_Clichy en 1937, quand le « socialiste » #Dormoy fit tirer sur les manifestants ouvriers. La #grève_générale de novembre 1938 à laquelle les masses participèrent avec dévouement sous le coup des sanctions impitoyables prises par le #gouvernement_Daladier, échoua parce qu’à la tête des organisations se trouvaient les mêmes chefs bons à encaisser les cotisations, mais non à se battre contre la bourgeoisie.

    Mais c’est la guerre impérialiste à l’extérieur qui permit à la bourgeoisie de porter le coup décisif aux masses. De novembre 1939 à juin 1940 #Daladier et Reynaud introduisirent le système des camps de concentration, de la chasse à l’étranger, des emprisonnements, des tortures et de la peine de mort contre les militants de la classe ouvrière adversaires de leur politique, montrant ainsi ce que cachait véritablement l’écran du parlementarisme : l’Etat bourgeois, c’est-à-dire « des hommes armés et des prisons » (Engels).

    Après juin 1940, avec l’#Occupation, ce système prit une ampleur exceptionnelle, sa violence décupla, centupla le nombre des victimes. Mais en aurait-il été autrement si #Reynaud était resté au pouvoir derrière des troupes se battant sur le front ?

    L’agonie du #capitalisme arrivé au stade impérialiste, ne laisse pas d’autre issue aux masses qu’une guerre civile menée jusqu’au bout, jusqu’au renversement du capitalisme. Sans cette volonté du prolétariat d’aller jusqu’au bout dans sa guerre civile contre la bourgeoisie c’est la bourgeoisie qui mène jusqu’au bout sa #guerre_impérialiste à l’extérieur et sa #guerre_civile à l’intérieur contre le #prolétariat.

    A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE !

    VIVE LA GUERRE CIVILE CONTRE LA BOURGEOISIE !

    #lutte_de_classe #fascisme #extrême_droite #émeutes_fascistes

  • Et soudain, il ne se passa rien | Mediapart | 04.10.22

    – Désolé, cher président, je ne serai pas là mercredi pour le conseil des ministres : je comparaîs devant la Cour de justice de la République.

    – Dans ce cas, pas de problème, cher Éric. Vous connaissez mon attachement à la présomption d’innocence. N’hésitez pas à prendre quelques jours pour préparer au mieux votre défense.

    Si c’est à Ibiza, sait-on jamais : peut-être que les médias s’empareront de l’affaire.

    Michaël Hajdenberg / Mediapart


    ...

    dans un autre article :

    « Ça va finir comme d’habitude, prophétise un député au sujet de l’avenir d’Éric Dupond-Moretti. La pression va monter, ils vont faire bloc dans un premier temps puis ils seront obligés de céder. C’est intenable. Contrairement à Kohler, qui est le double de Macron, ça ne coûte pas cher de le larguer. »

    • 2020 : Affaire Kohler : l’ardoise de #MSC s’élève à 2,6 milliards d’euros pour l’Etat
      https://www.mediapart.fr/journal/france/260620/affaire-kohler-l-ardoise-de-msc-s-eleve-26-milliards-d-euros-pour-l-etat

      C’est aussi cela la traduction du conflit d’intérêts d’#Alexis_Kohler. Gravement touché par la crise du Covid-19, l’armateur a obtenu la suspension de tous ses remboursements de crédits pendant un an. L’État se retrouve surexposé au risque du croisiériste. Une conséquence des facilités qui ont été consenties à MSC, lequel a obtenu pendant des années « un accès à la liquidité publique » sans contrainte.

      En mars, la Sfil, la banque publique qui assure le refinancement des crédits exports en France, a reçu une mauvaise nouvelle. Durement frappé par la crise du Covid-19, le groupe MSC, qui figure parmi ses principaux clients, lui a demandé, selon nos informations, de pouvoir suspendre le remboursement de toutes ses échéances pour cette année, puis d’étaler les arriérés sur cinq ans. Montant des sommes en jeu : 2,6 milliards d’euros. Et ce n’est qu’une partie de l’addition. Car il faut ajouter les garanties, les assurances consenties par les différentes entités publiques pour des montants inconnus.

      « L’information concernant une exposition individuelle comme celle sur MSC n’est pas publique. Nous vous confirmons néanmoins que l’ensemble des engagements de la Sfil sur MSC est effectivement de l’ordre de 2,6 milliards d’euros. Ceci n’est pas notre première exposition sur le secteur de la croisière puisque nos engagements avec le concurrent de MSC, l’armateur américain RCCL [Royal Caribbean – ndlr], sont supérieurs », nous a confirmé la direction de la Sfil.

      Celle-ci précise que la décision d’accepter la suspension de échéances et l’étalement sur cinq ans, consentis aussi bien à MSC qu’à son concurrent Royal Caribbean, s’inscrit dans le cadre de la gestion de la crise provoquée par la pandémie. « L’ensemble des pays européens disposant de chantiers navals actifs dans la croisière, dont la France mais aussi l’Italie et la Finlande, s’est rallié à l’initiative du gouvernement allemand, portée notamment par la banque publique KfW, de proposer à un certain nombre d’acteurs des secteurs les plus touchés, à savoir l’aéronautique et les transports maritimes, un étalement sur cinq ans des échéances de principal tombant au cours des 12 prochains mois », nous indique-t-elle.

      Cette mauvaise nouvelle n’est malheureusement pas une surprise. Avec le covid-19, le secteur des croisières fait face à la plus grande crise de son histoire. Et MSC, troisième groupe mondial de croisières, n’y échappe pas. Comme tous ses concurrents, l’armateur italo-suisse, qui exploite des paquebots gigantesques, a vu son activité s’effondrer en quelques semaines. Au fil du développement de la crise sanitaire, les croisières ont viré au cauchemar.

      Ces monstres marins qui accueillent entre 5 000 et 6 000 personnes, déjà décriés pour leur absence de sécurité – personne ne sait comment évacuer autant de personnes en cas d’avarie –, extrêmement polluants et sources d’énormes nuisances dans les villes où ils font escale, sont devenus des bombes sanitaires pendant la crise du coronavirus. Paquebots contaminés, croisiéristes confinés dans leur cabine, interdiction de faire escale… : le secteur est totalement sinistré. Et peut-être pour longtemps.

      Tous les groupes de croisières font eau de toutes parts. MSC comme les autres. Mais à la différence d’autres, lui a réussi à faire porter une partie de ses risques par un tiers : l’État français.
      Comment l’État français se retrouve-t-il exposé dans un des secteurs les plus risqués et les plus critiqués ? C’est toute l’histoire d’une capture organisée par un groupe familial privé, qui a su, usant de chantage, détourner à son profit les légitimes préoccupations industrielles, sociales et d’#emploi du monde politique pour ses chantiers navals.

      Mais une capture à si grande échelle n’aurait pas été possible sans une connaissance de l’appareil d’État et des appuis en son sein. Car c’est aussi cela la traduction du conflit d’intérêts d’Alexis Kohler. Il ne s’agit pas seulement d’une question de principe et de légalité. Les années durant lesquelles Alexis Kohler a accepté de dissimuler ses liens familiaux avec la famille Aponte, principal actionnaire de MSC, les arrangements entre petits comités, les interventions et les surveillances doivent se lire dans la ligne d’une stratégie précise.
      Une stratégie que MSC expose sans fard. En avril 2013, le groupe dévoile ses exigences par l’intermédiaire d’un mail du directeur financier de STX France, Jean-Philippe Neau : « Avoir accès à la liquidité publique sur la durée la plus long possible. » Bref, que l’État subventionne et finance sans restriction l’armateur italo-suisse – qui, au passage, ne paie quasiment pas d’#impôts en France –, en se cachant derrière le prétexte du carnet de commandes des chantiers de Saint-Nazaire.

      Jean-Philippe Neau, qui deviendra par la suite directeur financier de MSC au départ d’Alexis Kohler pour l’Élysée – sans que cela ne semble non plus soulever quelque problème que ce soit –, précisera dans le même mail que MSC « demande une réflexion de la France sur le leasing opérationnel, MSC n’étant pas attaché à être propriétaire de ses bateaux ». En d’autres termes, que l’État devienne propriétaire des bateaux en lieu et place du groupe italo-suisse et assume tous les risques.

      Officiellement, l’État français n’est pas encore #armateur de #paquebots_de_croisières, mais c’est tout comme. Car à l’exception des pertes d’exploitation, la garantie de l’État porte sur tout – le principal, les intérêts, les primes d’assurance et les dommages et intérêts éventuels – jusqu’à l’amortissement final de tous les prêts liés à l’acquisition de chaque navire. Les financements et les garanties pour assurer les commandes de MSC ont été conclus sur des durées longues, très longues. Plus de dix-sept ans en moyenne. Bien au-delà de la norme des financements habituels. L’État se retrouve donc engagé au long cours.

      Les pouvoirs publics auraient pu éviter de se retrouver dans un tel cul-de-sac. La concurrence entre les #chantiers_navals dans le monde est certes féroce. Les conditions de financement des bateaux – payés à crédit au moins à hauteur de 80 % – figurent parmi les éléments décisifs dans le choix d’un chantier par rapport à un autre. À cela s’ajoute un facteur typiquement européen : au nom de la « concurrence libre et non faussée », l’Europe interdit de subventionner les fabricants d’équipements mais pas les clients.

      Pourtant, malgré toutes ces contraintes, l’État actionnaire aurait peut-être pu impulser une nouvelle approche industrielle – développement de nouvelles activités, adossement à un groupe afin de pouvoir passer les gigantesques creux conjoncturels du maritime –, pour éviter de se retrouver coincé dans un chantage sans fin aux commandes et au financement. C’est d’ailleurs ce que recommandait une note d’un conseiller ministériel en 2010 : « Nous sommes bien d’accord. STX France doit absolument se diversifier », écrivait-il, en jugeant que miser toute l’activité de Saint-Nazaire sur les immenses paquebots était dangereux.

      Le chantage des commandes

      Mais les chantiers navals de Saint-Nazaire n’ont jamais pu s’extraire du piège qui leur était tendu par ses clients croisiéristes, à commencer par MSC. Et cela avec la complicité du directeur des chantiers Laurent Castaing et de l’État. Rabais incessants, équipements gratuits supplémentaires, financements sur mesure… MSC a tiré sur toutes les cordes, en faisant miroiter à chaque fois de nouvelles commandes pour obtenir des conditions toujours plus exorbitantes, obligeant Saint-Nazaire à travailler à perte. En un mot, l’État français lui a financé sa flotte.

      Et ce sans que l’administrateur représentant l’État chez STX, Alexis Kohler, ne s’en inquiète. Au contraire. Dès son deuxième conseil aux chantiers navals en avril 2009, où il s’agit d’approuver une commande passée par MSC, ce dernier prend la parole et fixe la stratégie : « Tous les efforts devront être déployés pour obtenir de nouvelles commandes de MSC », déclare-t-il .

      Tous les efforts vont être effectivement déployés. Dès l’année suivante, alors que le secteur maritime est durement atteint par la crise financière – les banques refusant le moindre crédit au secteur –, les chantiers de Saint-Nazaire enregistrent plusieurs annulations de commandes. Bien que très mal en point, MSC s’avance comme sauveur. Il est prêt à passer commande d’un nouveau bateau pour aider STX. Mais il n’a pas d’argent. Alors STX va devenir le banquier de MSC et lui avancer les 60 millions d’euros d’acomptes qu’il doit légalement verser. Un crédit qui ne sera jamais remboursé (voir notre article).

      En 2011, nouvelle catastrophe à Saint-Nazaire : un client libyen annule une commande après l’éclatement de la guerre en Libye. MSC se précipite en sauveur. Pour « rendre service », il est prêt à se substituer au client libyen et à reprendre la commande. Naturellement avec quelques aménagements. Les acomptes qu’a versés le client libyen, qui normalement reviennent au chantier naval, lui seront décomptés du prix final. Et tous les aménagements et équipements supplémentaires pour équiper le paquebot selon les normes de MSC seront gratuits.

      En 2013, MSC fait miroiter une nouvelle commande de deux paquebots gigantesques. Ce contrat Vista de 1,2 milliard d’euros doit se traduire par des millions d’heures de travail à Saint-Nazaire et sauver le plan de charge des chantiers de Saint-Nazaire, fait miroiter le directeur de STX, Laurent Castaing.

      L’ennui est que MSC est prêt à commander mais pas à payer. Aux côtés des 80 % financés à crédit avec l’aide et la garantie de l’État, l’armateur doit normalement assurer les 20 % restants au nom d’une prise de risque partagée. De retour d’une visite au siège de MSC à Genève, en octobre 2013, Laurent Castaing écrit au cabinet du ministre des finances Pierre Moscovici : « MSC a indiqué ne pouvoir apporter que 10 % pour les deux navires (130 millions d’euros). Il faut donc trouver les 10 % manquants. »

      L’alerte de la direction du budget

      Qu’à cela ne tienne, l’État y pourvoira. Les dossiers STX et MSC représentent des dizaines, voire des centaines d’heures de travail – on a même l’impression que, pour certains, c’est un temps plein – aux cabinets du ministre des finances et du redressement productif, à l’Agence des participations de l’État et au Trésor. Car c’est Bercy qui, à chaque fois, démarche les banques, négocie les contrats, apporte sa caution et sa signature, qui imagine les montages financiers pour le compte de MSC. Et cela dure pendant des mois. Alexis Kohler est informé de tout.
      Car le groupe italo-suisse souhaite bénéficier de tout, de l’accès au système bancaire grâce à l’appui de l’État, des crédits à taux imbattables avec la signature de l’État, de la prise en charge des risques par des structures publiques ou parapubliques, mais aussi de tous les montages « d’optimisation fiscale ». Et s’il rencontre un soupçon de résistance, l’armateur italo-suisse ne manque pas alors de faire savoir qu’un autre chantier naval lui a fait des propositions bien plus intéressantes qu’il est prêt à examiner.

      Bercy se retrouve ainsi à négocier avec les banques la création de special purpose vehicule (SPV), des entités ad hoc logées au Panama ou dans quelque autre #paradis_fiscal, qui servent à porter le financement de chaque bateau, MSC n’en étant que l’exploitant jusqu’au remboursement final.

      Au cabinet du ministre des finances, certains conseillers finissent par se demander si cette situation est bien normale, si c’est vraiment la fonction d’un cabinet ministériel d’aider un groupe étranger à échapper à la fiscalité française. Finalement, le feu vert est donné. « Les autorités fiscales pourraient accepter un tel schéma si cela respecte la politique fiscale et si la marge de STX reste acceptable », tranche le cabinet du ministre.
      Toutes les notes engageantes sur les financements publics signées par Bercy s’achèvent ainsi : préserver les intérêts de STX France. Dans les faits, les chantiers navals de Saint-Nazaire survivent à peine. Ils perdent des millions chaque année. Tous les efforts de productivité pour abaisser les coûts, les accords de performance tant vantés par Emmanuel Macron, les plans d’ajustement sont captés par ces deux grands clients – MSC et Royal Caribbean –, sans bénéfice aucun pour les chantiers de Saint-Nazaire. Car toutes les commandes sont prises à perte.

      En juillet 2016, une note portant sur une nouvelle commande de deux paquebots par MSC pour livraison 2019-2020 confirme les avertissements de l’Agence des participations de l’État, qui avait mis son veto à une commande en 2014. « L’allongement de la série devrait permettre à STX France d’équilibrer les pertes réalisées sur les deux premiers navires », écrit-elle. Saint-Nazaire a donc bien perdu encore de l’argent sur les commandes de MSC. La note poursuit : « Après la livraison des navires, l’exposition de l’État au risque MSC devrait atteindre 3,2 milliards d’euros, compte tenu des autres crédits Coface, et demeure acceptable, compte tenu de la mise en place d’un schéma de sûreté, notamment d’une hypothèque de 1er rang. »

      Une analyse que ne partage pas du tout la direction du Trésor. Dans une note en date du 15 juillet 2016, celle-ci avertit que l’exposition de l’État dans le secteur des croisières est déjà de 7,3 milliards d’euros. Elle demande que des négociations soient engagées avec les deux croisiéristes – MSC et Royal Caribbean –, afin de rehausser les taux de garantie de l’État dont ils bénéficient, pour mieux assurer le risque.
      Mais c’est la direction du budget, qui n’est jamais associée aux discussions sur les contrats de paquebots, qui se montre la plus alarmiste et la plus visionnaire. Dans une note de juillet 2016 toujours, dont Alexis Kohler est destinataire, celle-ci sonne l’alarme sur les risques pris par l’État sur STX et MSC. Elle insiste sur le fait que l’État négociant directement avec les banques et apportant sa garantie, aucune analyse de risque précise des groupes emprunteurs, comme les banques en font sur tous les dossiers de financement, n’est réalisée, donc que le risque MSC n’est pas évalué comme il se doit. Elle ajoute que les hypothèques prises sur les bateaux, présentées comme des garanties sûres, pourraient se révéler très illusoires, la valeur des bateaux pouvant être réduite à rien, en cas de crise.

      Dans les poches des épargnants français

      La fronde larvée de certains services de l’Etat contre les facilités exorbitantes accordées à STX et MSC est comme un avertissement. Mais entretemps, le cabinet du ministre des finances a trouvé une solution : faire dériver les risques et les engagements, trop visibles et contrôlés, pris par les finances publiques vers la #Caisse_des_dépôts. Vers l’épargne des Français, donc.

      Il y a longtemps que le ministère des finances lorgne sur les richesses accumulées de la Caisse des dépôts qui lui échappent. Mais là, c’est l’occasion rêvée. Le cabinet du ministre des finances a repéré la structure idéale pour faire disparaître le risque maritime des comptes publics : la Société de financement local (#Sfil). Une structure si discrète que tout le monde a oublié son existence.
      À l’origine, cette structure de défaisance a été créée pour gérer la suite de la faillite de Dexia, notamment les encours des prêts toxiques consentis aux collectivités locales. Cette entité présente de nombreux avantages : elle est hors bilan, donc ses engagements n’entrent pas dans les calculs de Maastricht ; elle bénéficie de la signature de la Caisse des dépôts, aussi bonne que celle de l’État ; elle se refinance aux conditions de l’État et est éligible auprès de la Banque centrale européenne. Autant dire que ses conditions de financement sont imbattables.

      Enfin, sa structure byzantine, où les responsables jonglent avec plusieurs entités (Caffil et Sfil), permet d’éviter un contrôle vigilant. Les parlementaires, qui normalement ont la responsabilité du contrôle de la Caisse des dépôts depuis la loi de 1816, sont de fait quasiment exclus. Et c’est bien ce que cherche le ministère des finances : contourner cette loi qui les empêche de disposer comme ils l’entendent de l’épargne des Français

      Le cabinet du ministre des finances Pierre Moscovici a été extrêmement sollicité dans la recherche de ce sur mesure, Alexis Kohler en tête, selon nos informations. Pierre Moscovici décide en 2014 d’une nouvelle mission pour la Sfil : celle de faire du crédit export et de l’assurance export pour les très grands contrats.
      Malgré les protestations de la Caisse des dépôts (#CDC) et de la Banque postale, qui sont actionnaires minoritaires de la Sfil aux côtés de l’État, la transformation est imposée. Pour renforcer les fonds propres de la Sfil afin de financer ce nouveau métier, la CDC et la Banque postale sont priées d’apporter 12,5 milliards d’euros, dont plus de 11 milliards pour la seule CDC. Mais l’État a désormais l’outil qui lui permet d’offrir un financement imbattable aux paquebots de MSC

      Il faudra quelque temps cependant pour obtenir le feu vert de la Commission européenne. Début 2017, tout est en place. Et les premières annonces de refinancement des crédits exports de la Sfil seront pour Royal Caribbean et MSC. « Sans un dispositif public, il n’aurait pas été possible de faire entrer en vigueur ces contrats si importants », avait assuré Jean-Philippe Neau, toujours directeur financier de STX France à l’époque, auprès du directeur de la Sfil, Philippe Mills, lors de la signature des premiers contrats de 2016-2017. C’est dire que tout le monde est sur la même longueur d’onde.

      Une surexposition aux risques maritimes

      Selon nos informations, la Sfil est surexposée dans son activité de crédit à l’exportation aux risques des deux #croisiéristes, bien au-delà des ratios prudentiels requis. Une situation que la direction de la Sfil conteste : « La Sfil applique rigoureusement toutes ses obligations en matière prudentielle et bancaire. Elle est supervisée depuis sa création par l’Acpr [l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ndlr] et, depuis novembre 2014, par la Banque centrale européenne, dont les revues concluent à un faible niveau de risque de nos activités (le plus faible même sur les 128 grandes banques européennes). »

      Elle nous indique également qu’elle a une parfaite connaissance de la situation financière de MSC et des risques potentiels : « MSC a fourni à la Sfil l’ensemble des informations et documents nécessaires pour accorder un crédit bancaire, notamment en termes d’actionnariat, de bénéficiaires finaux et d’éléments financiers. »
      Pourtant, il semble que l’armateur italo-suisse ait toujours le droit à un traitement un peu privilégié par rapport à son concurrent, comme nous l’avons déjà raconté. Le 19 juin 2018, à l’occasion de nouvelles négociations pour la commande de deux paquebots supplémentaires par MSC, un mail est ainsi adressé à l’ensemble des responsables de la Sfil pour faire état des demandes de l’armateur, qui se dit pressé de conclure. « MSC et STX ont insisté et demandent à la Sfil de considérer une baisse de notre prix de l’ordre de 5 points de base et de leur apporter les premiers éléments de réponse sur ce point le 25 juin. Nous comprenons qu’il s’agit d’une demande de baisse à caractère commercial car dans les faits, avec des prix à 60 points de base en deuxième phase, MSC aurait déjà un prix inférieur de 10 points de base à sa transaction précédente. Mais MSC, soutenu par STX, précise que l’ensemble des parties prenantes (Fininter et les banques commerciales) ont déjà consenti un effort significatif et qu’ils attendent également un geste de la Sfil », écrit un des négociateurs.
      « Et si on faisait un effort, on aurait quelle marge ? », lui demande dans les minutes qui suivent le président de la Sfil. Certaines parties prenantes feront valoir que les conditions de marché ne justifient pas un tel cadeau. Mais MSC réussit toujours à obtenir ce qu’il veut. Selon nos informations, les conditions de refinancement accordées au groupe italo-suisse par rapport à celles signées à quelques mois de distance par Royal Caribbean montrent que le spread de crédit, c’est-à dire la rémunération qu’exige la Sfil en tant que prêteur par rapport au taux conventionnel de l’Euribor, est de 20 à 25 % inférieure pour MSC. Sur des années, cet avantage se chiffre en dizaines de millions.

      Interrogée, la direction de la Sfil conteste faire la moindre faveur à MSC : « Nous précisions pour commencer que le taux d’intérêt payé par un emprunteur comme MSC est négocié avec l’ensemble des banques prêteuses initiales. Sfil intervient en refinancement des banques initiales qui souhaitent faire appel à Sfil (ce qui n’est pas le cas de toutes les banques prêteuses et, pour celles qui font appel à Sfil, pas pour la totalité de leur part dans le crédit).

      En tous les cas, votre affirmation est erronée. La Sfil applique une tarification vis-à-vis des banques qui est fonction des caractéristiques de l’opération (taille, durée, risque) et des conditions de marché en vigueur à la date de négociation du crédit. La méthodologie de cette tarification est la même pour l’ensemble des opérations de crédit export. »

      En guerre contre Fincantieri

      Dans un tel contexte, où MSC semble disposer sans restriction des garanties de l’État, la nervosité de l’armateur italo-suisse au sujet de la recomposition actionnariale des chantiers navals se comprend mieux. Tout changement majeur pourrait le priver de « l’accès à la liquidité publique ».

      Dès que la faillite de l’actionnaire principal de Saint-Nazaire, le sud-coréen STX, se confirme en 2013, MSC est sur le pont. Il fait savoir qu’il est prêt à prendre une participation dans les chantiers navals aux côtés de l’État. À Bercy, on planche aussi beaucoup pour trouver une solution. L’agence de participations de l’État plaide alors pour une recapitalisation urgente de Saint-Nazaire et pour une recomposition du tour de table. Mais rien ne se concrétise. Comme le dit Alexis Kohler, « le statu quo ne pose pas de problème ».

      Quand les chantiers navals publics italiens, Fincantieri, se portent candidats pour reprendre la participation du sud-coréen, l’APE plaide en faveur de cette solution. Ce rachat permettrait, selon elle, d’adosser industriellement Saint-Nazaire et de le soustraire du chantage exercé par ses clients. Même Julien Denormandie, officiellement chargé du dossier STX au cabinet du ministre, semble favorable à cette solution. Il se prend une volée de bois de vert par mail en retour de la part d’Alexis Kohler, qui lui rappelle qu’il y a une lettre d’intention de commandes signée avec MSC.

      Le directeur de STX France, Laurent Castaing, se dit lui aussi publiquement hostile à une reprise par Fincantieri. L’entrée de ses clients croisiéristes dans le capital de son entreprise lui semble être la meilleure solution, non pas pour obtenir de meilleures conditions pour leur commandes, « ce qui est fait » souligne-t-il, mais pour s’assurer des capacités de construction à l’avenir.
      Le 2 septembre 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, rencontre Gianluigi Aponte, le fondateur de MSC, et négocie directement avec lui. Il donne son accord à la proposition de l’armateur d’entrer au capital de STX France en faisant une proposition de racheter la participation de STX au liquidateur sud-coréen. En complément, le groupe italo-suisse est disposé à lever les options prises sur la commande de deux nouveaux paquebots.

      Mais l’accord s’enlise. La justice sud-coréenne traîne à trancher la liquidation de STX. MSC et Royal Caribbean se révèlent dans l’incapacité de monter un tour de table avec le constructeur naval néerlandais Damen, comme ils l’avaient promis, et de mobiliser 76 millions d’euros pour racheter la participation de STX dans les chantiers navals de Saint-Nazaire. Plusieurs services de l’État sont radicalement opposés à cette solution et défendent soit la nationalisation de Saint-Nazaire, soit le rachat par Fincantieri.

      En avril 2016, alors que les rumeurs de départ d’Emmanuel Macron du ministère s’amplifient, Laurent Castaing, le directeur de STX France, écrit une lettre pressante au directeur de l’APE, Martin Vial, et à Alexis Kohler. « Le statut quo n’est pas souhaitable, écrit-il. Sans assurance que nos chantiers ne peuvent tomber entre des mains considérées comme hostiles par nos clients [MSC et Royal Caribbean – ndlr], ils auront du mal à aller plus loin dans leur volonté de commandes. […] L’intérêt des armateurs pour les chantiers navals n’est jamais un intérêt prédateur. […] Pour conclure : je recommande une alliance avec MSC afin de débloquer le dossier actionnarial bloqué depuis trop longtemps. »
      Malgré ses efforts et les tentatives du cabinet d’Emmanuel Macron pour débloquer la situation, le dossier n’avance pas. Après son départ, Christophe Sirugue, secrétaire d’État à l’industrie, reprend le dossier et finit par se ranger à l’avis des services de l’État. Le 12 avril 2017, quelques jours avant l’élection présidentielle, un accord est signé entre l’État et Fincantieri autorisant ce dernier à reprendre la participation de STX France.
      C’est pour contrer cet accord que le gouvernement décide d’aller contre tous ses principes de libéralisation. Le 27 juillet, le ministre des finances, #Bruno_Le_Maire, annonce la #nationalisation surprise des chantiers de Saint-Nazaire, l’État décidant à faire jouer son droit de préemption sur la participation détenue par le sud-coréen STX. La décision crée une crise diplomatique avec le gouvernement italien.

      Mais certains intérêts semblent plus importants à préserver que d’autres. Et puis, le gouvernement l’assure : il ne s’agit que d’une nationalisation « temporaire » en vue de rééquilibrer les pouvoirs à Saint-Nazaire
      Mais cette nationalisation qui devait être provisoire s’éternise. Si les pouvoirs publics ont réussi à associer Naval Group (DCNS) et des industriels locaux au tour de table, les deux croisiéristes clients de Saint-Nazaire, eux, manquent toujours à l’appel. Finalement, en 2018, Bercy se résout à signer un accord final avec Fincantieri. Au même moment, Alexis Kohler négocie dans son bureau de l’Élysée un rapprochement entre Fincantieri et Naval Group. Un projet contre lequel nombre de spécialistes sont vent debout, dénonçant « un nouveau bradage industriel français » et la désintégration de l’industrie navale militaire.

      D’après l’accord signé, les chantiers publics italiens entreront comme actionnaire minoritaire mais l’État acceptera de lui prêter 1 % pour lui assurer la direction opérationnelle. Surtout, Laurent Castaing, directeur de Saint-Nazaire, reste en fonction. C’est bien là l’essentiel ! L’État ne saurait se passer d’un dirigeant qui a su si bien défendre les intérêts de ses clients.
      Le rachat de Saint-Nazaire par Fincantieri a été soumis à direction de la concurrence de la Commission européenne. Celle-ci devait rendre son avis en avril. Mais avec la crise du covid-19, tout est suspendu. Et il n’est pas sûr que les chantiers navals italiens aient aujourd’hui envie de reprendre les chantiers français, alors que le secteur des croisières est sinistré.

      Dans l’intervalle, le jeu avec MSC a pu continuer. En janvier, l’Élysée a annoncé des projets d’investissements à hauteur de 4 milliards d’euros pour prouver l’attractivité de la France. Et parmi eux, un grand contrat signé par MSC avec les Chantiers de l’Atlantique. À elle seule, la commande de deux nouveaux paquebots passée par l’armateur italo-suisse aux chantiers navals de Saint-Nazaire représentait la moitié des sommes annoncées. La construction à Saint-Nazaire des deux nouveaux paquebots de 6 700 passagers va générer « 14 millions d’heures de travail, correspondant à 2 400 emplois pendant trois ans et demi », et deux milliards d’euros d’engagements, s’était alors réjoui l’Élysée.
      Aujourd’hui, la sombre prédiction de la direction du budget de 2016 est en train de se réaliser. L’État se retrouve avec des engagements financiers immenses à l’égard du transport maritime, des garanties qui risquent de n’avoir aucune valeur et un chantier naval stratégiquement important mais sans vision industrielle, faute de l’avoir contraint à abandonner le court-termisme. Et dans cette affaire, il risque de ne pas y avoir d’ardoise magique. Ce sont bien les contribuables et les épargnants français qui vont devoir payer l’addition.

      #renard_libre #épargne #fiscalité #niche_fiscale

  • Cher.e électeur insoumis qui envisage de ne pas faire barrage à Le Pen - Lignes de crêtes
    https://www.lignes-de-cretes.org/cher-e-electeur-insoumis-qui-envisage-de-ne-pas-faire-barrage-a-le

    Et puis j’ai pensé aussi qu’on avait fait cause commune contre le fascisme et le racisme de Le Pen. En tous cas, c’est ce qu’on pouvait lire sur ton mur avant le 1er tour. Que l’Union Populaire, c’était le vote des quartiers populaires, c’était le vote des gens qui refusaient, en tant que victimes ou en tant qu’allié.es, la discrimination, l’islamophobie, la citoyenneté de seconde zone, voire le déni de citoyenneté. Que l’Avenir En Commun, c’était une promesse pour toutes et tous, personne laissé au bord de la VIème République. Tu semblais même convaincu.e comme moi que Le Pen était pire que Macron en matière sociale, écologique, patriarcale (https://bit.ly/3xBkqaa).

    Bon, pour être tout à fait franc avec toi, cet humanisme universaliste insoumis que tu as exposé sur ton mur avant le 1er tour, je ne vais pas te dire que j’y ai cru : je fais partie de ces 11% des électeurs de Mélenchon du 1er tour qui resteront à convaincre que l’Union Populaire n’est pas juste un attrape-tout électoraliste, une machine à prendre le pouvoir, une UMP ou LRM de gauche quoi. C’est même un peu plus grave, en fait. Parce qu’avec les casseroles fascistoïdes de LFI, avec mes potes antifascistes, on a longtemps débattu pour savoir s’il fallait vous qualifier plutôt « d’antifascistes des jours pairs », ou de « néofascistes des jours impairs ».

    Les casseroles fascistoïdes de LFI ? Rho, mais si, souviens toi : Kotarac passé direct de LFI au RN ; Kuzmanovic souverainiste poutinophile qui a inspiré la politique internationale du parti avant d’aller se prendre en photo avec Philippot, Asselineau et Dupont-Aignan ; le négationniste Chouard adoubé à de multiples reprises par Ruffin (oui je sais il a dit a posteriori qu’il ne le referait plus… à chaque fois) ; Ruffin que ça ne gêne pas de « faire des quenelles », ou de réclamer le « rétablissement des frontières sur les personnes », parce que les frontières ça permet aussi de « se construire » ; les interviews de Mélenchon (jusqu’une semaine avant les élections), comme celle de Ruffin auparavant, sur le média rouge-brun et pro-Poutine Thinkerview ; « Le Pen bienvenue en manif », à l’encontre du mot d’ordre syndical ; Les œillades antisémites (la « génuflexion contre les oukazes du CRIF », « l’ennemi ce n’est pas le musulman, c’est « le » financier ! », …) ; l’instrumentalisation de la peur du vaccin, et la promotion des « convois de la liberté » ; « Poutine va régler le problème en Syrie » après que ce dernier y a massacré des civils et la résistance à Bachar El Assad ; la mise en doute des armes chimiques utilisées par le boucher de Damas ; l’oppression des Ouïghours en Chine qui ne vaut pas d’être combattue ; le refus de qualifier Poutine de dictateur, parce que « l’intérêt de la France » ; la minimisation de la menace Russe en Ukraine malgré les 150 000 troupes déployées à la frontière, la justification de cette menace en osant parler publiquement d’« annexion de l’Ukraine par l’OTAN » ; puis quand les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par l’armée russe sont avérés, l’appel à ne pas soutenir la résistance ukrainienne parce qu’il faudrait défendre la paix (alors qu’en 2014, selon le même Mélenchon, en pleine annexion de la Crimée par la Russie, il fallait honorer nos contrats et livrer des armes offensives à Poutine).

    • ben explique, plutôt que de casser, non ?

      sinon, tu connais celle qui finit par « plaisir de fin gourmet » ? 😘

      ps : mon reply n’est pas un argument, c’est une question ; tu n’aimes pas les questions ?

    • les 2 paragraphes suivants du texte source [19 avril 2022] :

      Voilà, ça c’est pour les jours impairs. Mais il faut être juste, il y a aussi eu des jours pairs. Et récemment, Mélenchon et les leaders insoumis ont été parmi les seuls au sein de la gauche politique à porter la bataille de façon claire contre l’islamophobie et contre les violences policières. A dénoncer la loi séparatisme, et à dénoncer la manif du syndicat policier d’extrême-droite Alliance qui s’attaquait à l’institution judiciaire, quand les représentants des verts, du PCF et du PS s’y associaient. Ils ont appelé à marcher contre l’islamophobie. Et ça, très franchement, ça n’est pas rien.

      Alors voilà, même si je garde toutes mes réserves antifascistes contre l’appareil LFI, j’ai cru à ta sincérité quand tu appelais à voter barrage à Le Pen dès le 1er tour. Parce que tout le monde peut évoluer après tout. Et je me suis dit aussi que s’il y avait vraiment une dynamique de mobilisation des quartiers populaires et des camarades racisé.es, même si c’était derrière LFI avec ses casseroles, vu qu’il n’y avait aucune autre perspective du côté de la gauche politique, c’était un espoir dans une « union populaire » que je n’avais pas le droit de doucher.

    • mouais, la douche elle vient d’être offerte par Nunes qui a aidé au retrait de Taha Bouhafs, avec des larmes de crocodiles ("on l’a pas assez soutenu" dit JLM, vaste blague).

      un PS de gauche ne peut être antiraciste que sous la contrainte. malheureusement l’électoralisme reste une politique à courte vue, ce qui a valu pour la présidentielle ne marchera peut-être pas pour les législatives et ses parachutés. Faudra que ça se passe ailleurs.

      #LFI #SFIO #racisme

  • #Accaparement_de_terres : le groupe #Bolloré accepte de négocier avec les communautés locales
    –-> un article qui date de 2014, et qui peut intéresser notamment @odilon, mais aussi d’actualité vue la plainte de Balloré contre le journal pour diffamation. Et c’est le journal qui a gagné en Cour de cassation : https://www.bastamag.net/Bollore-perd-definitivement-son-premier-proces-en-diffamation-intente-a

    Des paysans et villageois du Sierra-Leone, de #Côte_d’Ivoire, du #Cameroun et du #Cambodge sont venus spécialement jusqu’à Paris. Pour la première fois, le groupe Bolloré et sa filiale luxembourgeoise #Socfin, qui gère des #plantations industrielles de #palmiers_à_huile et d’#hévéas (pour le #caoutchouc) en Afrique et en Asie, ont accepté de participer à des négociations avec les communautés locales fédérées en « alliance des riverains des plantations Bolloré-Socfin ». Sous la houlette d’une association grenobloise, Réseaux pour l’action collective transnationale (ReAct), une réunion s’est déroulée le 24 octobre, à Paris, avec des représentants du groupe Bolloré et des communautés touchées par ces plantations.

    Ces derniers dénoncent les conséquences de l’acquisition controversée des terres agricoles, en Afrique et en Asie. Ils pointent notamment du doigt des acquisitions foncières de la #Socfin qu’ils considèrent comme « un accaparement aveugle des terres ne laissant aux riverains aucun espace vital », en particulier pour leurs cultures vivrières. Ils dénoncent également la faiblesse des compensations accordées aux communautés et le mauvais traitement qui serait réservé aux populations. Les représentants africains et cambodgiens sont venus demander au groupe Bolloré et à la Socfin de garantir leur #espace_vital en rétrocédant les terres dans le voisinage immédiat des villages, et de stopper les expansions foncières qui auraient été lancées sans l’accord des communautés.

    https://www.bastamag.net/Accaparement-de-terres-le-groupe-Bollore-accepte-de-negocier-avec-les
    #terres #Sierra_Leone #huile_de_palme

    • Bolloré, #Crédit_agricole, #Louis_Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres
      –-> encore un article de 2012

      Alors que 868 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, selon l’Onu, l’accaparement de terres agricoles par des multinationales de l’#agrobusiness ou des fonds spéculatifs se poursuit. L’équivalent de trois fois l’Allemagne a ainsi été extorqué aux paysans africains, sud-américains ou asiatiques. Les plantations destinées à l’industrie remplacent l’agriculture locale. Plusieurs grandes entreprises françaises participent à cet accaparement, avec la bénédiction des institutions financières. Enquête.

      Au Brésil, le groupe français Louis Dreyfus, spécialisé dans le négoce des matières premières, a pris possession de près de 400 000 hectares de terres : l’équivalent de la moitié de l’Alsace, la région qui a vu naître l’empire Dreyfus, avec le commerce du blé au 19ème siècle. Ces terres sont destinées aux cultures de canne à sucre et de soja. Outre le Brésil, le discret empire commercial s’est accaparé, via ses filiales Calyx Agro ou LDC Bioenergia [1], des terres en Uruguay, en Argentine ou au Paraguay. Si Robert Louis Dreyfus, décédé en 2009, n’avait gagné quasiment aucun titre avec l’Olympique de Marseille, club dont il était propriétaire, il a fait de son groupe le champion français toute catégorie dans l’accaparement des terres.

      Le Groupe Louis-Dreyfus – 56 milliards d’euros de chiffre d’affaires [2] – achète, achemine et revend tout ce que la terre peut produire : blé, soja, café, sucre, huiles, jus d’orange, riz ou coton, dont il est le « leader » mondial via sa branche de négoce, Louis-Dreyfus Commodities. Son jus d’orange provient d’une propriété de 30 000 ha au Brésil. L’équivalent de 550 exploitations agricoles françaises de taille moyenne ! Il a ouvert en 2007 la plus grande usine au monde de biodiesel à base de soja, à Claypool, au Etats-Unis (Indiana). Il possède des forêts utilisées « pour la production d’énergie issue de la biomasse, l’énergie solaire, la géothermie et l’éolien ». Sans oublier le commerce des métaux, le gaz naturel, les produits pétroliers, le charbon et la finance.

      Course effrénée à l’accaparement de terres

      En ces périodes de tensions alimentaires et de dérèglements climatiques, c’est bien l’agriculture qui semble être l’investissement le plus prometteur. « En 5 ans, nous sommes passés de 800 millions à 6,3 milliards de dollars d’actifs industriels liés à l’agriculture », se réjouissait le directeur du conglomérat, Serge Schoen [3]. Le groupe Louis Dreyfus illustre la course effrénée à l’accaparement de terres agricoles dans laquelle se sont lancées de puissantes multinationales. Sa holding figure parmi les cinq premiers gros traders de matières premières alimentaires, avec Archer Daniels Midland (États-Unis), Bunge (basé aux Bermudes), Cargill (États-Unis) et le suisse Glencore. Ces cinq multinationales, à l’acronyme ABCD, font la pluie et le beau temps sur les cours mondiaux des céréales [4].

      L’exemple de Louis Dreyfus n’est pas isolé. États, entreprises publiques ou privées, fonds souverains ou d’investissements privés multiplient les acquisitions – ou les locations – de terres dans les pays du Sud ou en Europe de l’Est. Objectif : se lancer dans le commerce des agrocarburants, exploiter les ressources du sous-sol, assurer les approvisionnements alimentaires pour les États, voire bénéficier des mécanismes de financements mis en œuvre avec les marchés carbone. Ou simplement spéculer sur l’augmentation du prix du foncier. Souvent les agricultures paysannes locales sont remplacées par des cultures industrielles intensives. Avec, à la clé, expropriation des paysans, destruction de la biodiversité, pollution par les produits chimiques agricoles, développement des cultures OGM... Sans que les créations d’emplois ne soient au rendez-vous.

      Trois fois la surface agricole de la France

      Le phénomène d’accaparement est difficile à quantifier. De nombreuses transactions se déroulent dans le plus grand secret. Difficile également de connaître l’origine des capitaux. Une équipe de la Banque mondiale a tenté de mesurer le phénomène. En vain ! « Devant les difficultés opposées au recueil des informations nécessaires (par les États comme les acteurs privés), et malgré plus d’un an de travail, ces chercheurs ont dû pour l’évaluer globalement s’en remettre aux articles de presse », explique Mathieu Perdriault de l’association Agter.

      Selon la base de données Matrice foncière, l’accaparement de terres représenterait 83 millions d’hectares dans les pays en développement. L’équivalent de près de trois fois la surface agricole française (1,7% de la surface agricole mondiale) ! Selon l’ONG Oxfam, qui vient de publier un rapport à ce sujet, « une superficie équivalant à celle de Paris est vendue à des investisseurs étrangers toutes les 10 heures », dans les pays pauvres [5].

      L’Afrique, cible d’un néocolonialisme agricole ?

      L’Afrique, en particulier l’Afrique de l’Est et la République démocratique du Congo, est la région la plus convoitée, avec 56,2 millions d’hectares. Viennent ensuite l’Asie (17,7 millions d’ha), puis l’Amérique latine (7 millions d’ha). Pourquoi certains pays se laissent-il ainsi « accaparer » ? Sous prétexte d’attirer investissements et entreprises, les réglementations fiscales, sociales et environnementales des pays les plus pauvres sont souvent plus propices. Les investisseurs se tournent également vers des pays qui leur assurent la sécurité de leurs placements. Souvent imposées par les institutions financières internationales, des clauses garantissent à l’investisseur une compensation de la part de l’État « hôte » en cas d’expropriation. Des clauses qui peuvent s’appliquer même en cas de grèves ou de manifestations.

      Les acteurs de l’accaparement des terres, privés comme publics, sont persuadés – ou feignent de l’être – que seul l’agrobusiness pourra nourrir le monde en 2050. Leurs investissements visent donc à « valoriser » des zones qui ne seraient pas encore exploitées. Mais la réalité est tout autre, comme le montre une étude de la Matrice Foncière : 45% des terres faisant l’objet d’une transaction sont des terres déjà cultivées. Et un tiers des acquisitions sont des zones boisées, très rentables lorsqu’on y organise des coupes de bois à grande échelle. Des terres sont déclarées inexploitées ou abandonnées sur la foi d’imageries satellites qui ne prennent pas en compte les usages locaux des terres.

      40% des forêts du Liberia sont ainsi gérés par des permis à usage privés [6] (lire aussi notre reportage au Liberia). Ces permis, qui permettent de contourner les lois du pays, concernent désormais 20 000 km2. Un quart de la surface du pays ! Selon Oxfam, 60% des transactions ont eu lieu dans des régions « gravement touchées par le problème de la faim » et « plus des deux tiers étaient destinées à des cultures pouvant servir à la production d’agrocarburants comme le soja, la canne à sucre, l’huile de palme ou le jatropha ». Toujours ça que les populations locales n’auront pas...

      Quand AXA et la Société générale se font propriétaires terriens

      « La participation, largement médiatisée, des États au mouvement d’acquisition massive de terre ne doit pas masquer le fait que ce sont surtout les opérateurs privés, à la poursuite d’objectifs purement économiques et financiers, qui forment le gros bataillon des investisseurs », souligne Laurent Delcourt, chercheur au Cetri. Les entreprises publiques, liées à un État, auraient acheté 11,5 millions d’hectares. Presque trois fois moins que les investisseurs étrangers privés, propriétaires de 30,3 millions d’hectares. Soit la surface de l’Italie ! Si les entreprises états-uniennes sont en pointe, les Européens figurent également en bonne place.

      Banques et assurances françaises se sont jointes à cette course à la propriété terrienne mondiale. L’assureur AXA a investi 1,2 milliard de dollars dans la société minière britannique Vedanta Resources PLC, dont les filiales ont été accusées d’accaparement des terres [7]. AXA a également investi au moins 44,6 millions de dollars dans le fond d’investissement Landkom (enregistré dans l’île de Man, un paradis fiscal), qui loue des terres agricoles en Ukraine. Quant au Crédit Agricole, il a créé – avec la Société générale – le fonds « Amundi Funds Global Agriculture ». Ses 122 millions de dollars d’actifs sont investis dans des sociétés telles que Archer Daniels Midland ou Bunge, impliquées comme le groupe Louis Dreyfus dans l’acquisition de terres à grande échelle. Les deux banques ont également lancé le « Baring Global Agriculture Fund » (133,3 millions d’euros d’actifs) qui cible les sociétés agro-industrielles. Les deux établissement incitent activement à l’acquisition de terres, comme opportunité d’investissement. Une démarche socialement responsable ?

      Vincent Bolloré, gentleman farmer

      Après le groupe Louis Dreyfus, le deuxième plus gros investisseur français dans les terres agricoles se nomme Vincent Bolloré. Son groupe, via l’entreprise Socfin et ses filiales Socfinaf et Socfinasia, est présent dans 92 pays dont 43 en Afrique. Il y contrôle des plantations, ainsi que des secteurs stratégiques : logistique, infrastructures de transport, et pas moins de 13 ports, dont celui d’Abidjan. L’empire Bolloré s’est développée de façon spectaculaire au cours des deux dernières décennies « en achetant des anciennes entreprises coloniales, et [en] profitant de la vague de privatisations issue des "ajustements structurels" imposés par le Fonds monétaire international », constate le Think tank états-unien Oakland Institute.

      Selon le site du groupe, 150 000 hectares plantations d’huile de palme et d’hévéas, pour le caoutchouc, ont été acquis en Afrique et en Asie. L’équivalent de 2700 exploitations agricoles françaises ! Selon l’association Survie, ces chiffres seraient en deçà de la réalité. Le groupe assure ainsi posséder 9 000 ha de palmiers à huile et d’hévéas au Cameroun, là où l’association Survie en comptabilise 33 500.

      Expropriations et intimidations des populations

      Quelles sont les conséquences pour les populations locales ? Au Sierra Leone,
      Bolloré a obtenu un bail de 50 ans sur 20 000 hectares de palmier à huile et 10 000 hectares d’hévéas. « Bien que directement affectés, les habitants de la zone concernée semblent n’avoir été ni informés ni consultés correctement avant le lancement du projet : l’étude d’impact social et environnemental n’a été rendue publique que deux mois après la signature du contrat », raconte Yanis Thomas de l’association Survie. En 2011, les villageois tentent de bloquer les travaux sur la plantation. Quinze personnes « ont été inculpées de tapage, conspiration, menaces et libérées sous caution après une âpre bataille judiciaire. » Bolloré menace de poursuivre en justice pour diffamation The Oakland Institute, qui a publié un rapport en 2012 sur le sujet pour alerter l’opinion publique internationale.

      Au Libéria, le groupe Bolloré possède la plus grande plantation d’hévéas du pays, via une filiale, la Liberia Agricultural Company (LAC). En mai 2006, la mission des Nations Unies au Libéria (Minul) publiait un rapport décrivant les conditions catastrophiques des droits humains sur la plantation : travail d’enfants de moins de 14 ans, utilisation de produits cancérigènes, interdiction des syndicats, licenciements arbitraires, maintien de l’ordre par des milices privées, expulsion de 75 villages…. La LAC a qualifié les conclusions de la Minul « de fabrications pures et simples » et « d’exagérations excessives ». Ambiance... Plusieurs années après le rapport des Nations Unies, aucune mesure n’a été prise par l’entreprise ou le gouvernement pour répondre aux accusations.

      Une coopératives agricole qui méprise ses salariés

      Autre continent, mêmes critiques. Au Cambodge, la Socfinasia, société de droit luxembourgeois détenue notamment par le groupe Bolloré a conclu en 2007 un joint-venture qui gère deux concessions de plus de 7 000 hectares dans la région de Mondulkiri. La Fédération internationale des Droits de l’homme (FIDH) a publié en 2010 un rapport dénonçant les pratiques de la société Socfin-KCD. « Le gouvernement a adopté un décret spécial permettant l’établissement d’une concession dans une zone anciennement protégée, accuse la FIDH. Cette situation, en plus d’autres violations documentées du droit national et des contrats d’investissement, met en cause la légalité des concessions et témoigne de l’absence de transparence entourant le processus d’approbation de celles-ci. » Suite à la publication de ce rapport, la Socfin a menacé l’ONG de poursuites pour calomnie et diffamation.

      Du côté des industries du sucre, la situation n’est pas meilleure. Depuis 2007, le géant français du sucre et d’éthanol, la coopérative agricole Tereos, contrôle une société mozambicaine [8]. Tereos exploite la sucrerie de Sena et possède un bail de 50 ans (renouvelable) sur 98 000 hectares au Mozambique. Le contrat passé avec le gouvernement prévoit une réduction de 80% de l’impôt sur le revenu et l’exemption de toute taxe sur la distribution des dividendes. Résultat : Tereos International réalise un profit net de 194 millions d’euros en 2010, dont 27,5 millions d’euros ont été rapatriés en France sous forme de dividendes. « De quoi mettre du beurre dans les épinards des 12 000 coopérateurs français de Tereos », ironise le journaliste Fabrice Nicolino. Soit un dividende de 2 600 euros par agriculteur français membre de la coopérative. Pendant ce temps, au Mozambique, grèves et manifestations se sont succédé dans la sucrerie de Sena : bas salaires (48,4 euros/mois), absence d’équipements de protection pour les saisonniers, nappe phréatique polluée aux pesticides... Ce doit être l’esprit coopératif [9].

      Fermes et fazendas, nouvelles cibles de la spéculation

      Connues ou non, on ne compte plus les entreprises et les fonds d’investissement français qui misent sur les terres agricoles. Bonduelle, leader des légumes en conserve et congelés, possède deux fermes de 3 000 hectares en Russie où il cultive haricots, maïs et pois. La célèbre marque cherche à acquérir une nouvelle exploitation de 6 000 ha dans le pays. Fondée en 2007 par Jean-Claude Sabin, ancien président de la pieuvre Sofiproteol (aujourd’hui dirigée par Xavier Beulin président de la FNSEA), Agro-énergie Développement (AgroEd) investit dans la production d’agrocarburants et d’aliments dans les pays en développement. La société appartient à 51% au groupe d’investissement LMBO, dont l’ancien ministre de la Défense, Charles Millon, fut l’un des directeurs. Les acquisitions de terres agricoles d’AgroEd en Afrique de l’Ouest sont principalement destinées à la culture du jatropha, transformé ensuite en agrocarburants ou en huiles pour produits industriels. Mais impossible d’obtenir plus de précisions. Les sites internet de LMBO et AgroED sont plus que discrets sur le sujet. Selon une note de l’OCDE, AgroEd aurait signé un accord avec le gouvernement burkinabé concernant 200 000 hectares de Jatropha, en 2007, et négocient avec les gouvernements du Bénin, de Guinée et du Mali.

      « Compte tenu de l’endettement massif des États et des politiques monétaires très accommodantes, dans une optique de protection contre l’inflation, nous recommandons à nos clients d’investir dans des actifs réels et notamment dans les terres agricoles de pays sûrs, disposant de bonnes infrastructures, comme l’Argentine », confie au Figaro Franck Noël-Vandenberghe, le fondateur de Massena Partners. Ce gestionnaire de fortune français a crée le fond luxembourgeois Terra Magna Capital, qui a investi en 2011 dans quinze fermes en Argentine, au Brésil, au Paraguay et en Uruguay. Superficie totale : 70 500 hectares, trois fois le Val-de-Marne ! [10]

      Le maïs aussi rentable que l’or

      Conséquence de ce vaste accaparement : le remplacement de l’agriculture vivrière par la culture d’agrocarburants, et la spéculation financière sur les terres agricoles. Le maïs a offert, à égalité avec l’or, le meilleur rendement des actifs financiers sur ces cinq dernières années, pointe une étude de la Deutsche Bank. En juin et juillet 2012, les prix des céréales se sont envolés : +50 % pour le blé, +45% pour le maïs, +30 % pour le soja, qui a augmenté de 60 % depuis fin 2011 ! Les prix alimentaires devraient « rester élevés et volatils sur le long terme », prévoit la Banque mondiale. Pendant ce temps, plus d’un milliard d’individus souffrent de la faim. Non pas à cause d’une pénurie d’aliments mais faute d’argent pour les acheter.

      Qu’importe ! Au nom du développement, l’accaparement des terres continuent à être encouragé – et financé ! – par les institutions internationales. Suite aux famines et aux émeutes de la faim en 2008, la Banque mondiale a créé un « Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale » (GFRP). Avec plus de 9 milliards de dollars en 2012, son fonds de « soutien » au secteur agricole a plus que doublé en quatre ans. Via sa Société financière internationale (SFI), l’argent est distribué aux acteurs privés dans le cadre de programme aux noms prometteurs : « Access to land » (accès à la terre) ou « Land market for investment » (marché foncier pour l’investissement).

      Des placements financiers garantis par la Banque mondiale

      Les deux organismes de la Banque mondiale, SFI et FIAS (Service Conseil pour l’Investissement Étranger) facilitent également les acquisitions en contribuant aux grandes réformes législatives permettant aux investisseurs privés de s’installer au Sierra Leone, au Rwanda, au Liberia ou au Burkina Faso… Quels que soient les continents, « la Banque mondiale garantit nos actifs par rapport au risque politique », explique ainsi l’homme d’affaire états-unien Neil Crowder à la BBC en mars 2012, qui rachète des petites fermes en Bulgarie pour constituer une grosse exploitation. « Notre assurance contre les risques politiques nous protège contre les troubles civils ou une impossibilité d’utiliser nos actifs pour une quelconque raison ou en cas d’expropriation. »

      Participation au capital des fonds qui accaparent des terres, conseils et assistances techniques aux multinationales pour améliorer le climat d’investissement des marchés étrangers, négociations d’accords bilatéraux qui créent un environnement favorable aux transactions foncières : la Banque mondiale et d’autres institutions publiques – y compris l’Agence française du développement – favorisent de fait « la concentration du pouvoir des grandes firmes au sein du système agroalimentaire, (...) la marchandisation de la terre et du travail et la suppression des interventions publiques telles que le contrôle des prix ou les subventions aux petits exploitants », analyse Elisa Da Via, sociologue du développement [11].

      Oxfam réclame de la Banque mondiale « un gel pour six mois de ses investissements dans des terres agricoles » des pays en développement, le temps d’adopter « des mesures d’encadrement plus rigoureuses pour prévenir l’accaparement des terres ». Que pense en France le ministère de l’Agriculture de ces pratiques ? Il a présenté en septembre un plan d’action face à la hausse du prix des céréales. Ses axes prioritaires : l’arrêt provisoire du développement des agrocarburants et la mobilisation du G20 pour « assurer une bonne coordination des politiques des grands acteurs des marchés agricoles » Des annonces bien vagues face à l’ampleur des enjeux : qui sont ces « grands acteurs des marchés agricoles » ? S’agit-il d’aider les populations rurales des pays pauvres à produire leurs propres moyens de subsistance ou de favoriser les investissements de l’agrobusiness et des fonds spéculatifs sous couvert de politique de développement et de lutte contre la malnutrition ? Les dirigeants français préfèrent regarder ailleurs, et stigmatiser l’immigration.

      Nadia Djabali, avec Agnès Rousseaux et Ivan du Roy

      Photos : © Eric Garault
      P.-S.

      – L’ONG Grain a publié en mars 2012 un tableau des investisseurs

      – La rapport d’Oxfam, « Notre terre, notre vie » - Halte à la ruée mondiale sur les terres, octobre 2012

      – Le rapport des Amis de la Terre Europe (en anglais), janvier 2012 : How European banks, pension funds and insurance companies are increasing global hunger and poverty by speculating on food prices and financing land grabs in poorer countries.

      – Un observatoire de l’accaparement des terres

      – A lire : Emprise et empreinte de l’agrobusiness, aux Editions Syllepse.
      Notes

      [1] « En octobre 2009, LDC Bioenergia de Louis Dreyfus Commodities a fusionné avec Santelisa Vale, un important producteur de canne à sucre brésilien, pour former LDC-SEV, dont Louis Dreyfus détient 60% », indique l’ONG Grain.

      [2] Le groupe Louis Dreyfus ne publie pas de résultats détaillés. Il aurait réalisé en 2010 un chiffre d’affaires de 56 milliards d’euros, selon L’Agefi, pour un bénéfice net de 590 millions d’euros. La fortune de Margarita Louis Dreyfus, présidente de la holding, et de ses trois enfants, a été évaluée par le journal Challenges à 6,6 milliards d’euros.

      [3] Dans Le Nouvel Observateur.

      [4] L’ONG Oxfam a publié en août 2012 un rapport (en anglais) décrivant le rôle des ABCD.

      [5] Selon Oxfam, au cours des dix dernières années, une surface équivalente à huit fois la superficie du Royaume-Uni a été vendue à l’échelle mondiale. Ces terres pourraient permettre de subvenir aux besoins alimentaires d’un milliard de personnes.

      [6] D’après les ONG Global Witness, Save My Future Foundation (SAMFU) et Sustainable Development Institute (SDI).

      [7] Source : Rapport des Amis de la Terre Europe.

      [8] Sena Holdings Ltd, via sa filiale brésilienne Açúcar Guaraní.

      [9] Une autre coopérative agricole, Vivescia (Ex-Champagne Céréales), spécialisée dans les céréales, investit en Ukraine aux côtés Charles Beigbeder, fondateur de Poweo (via un fonds commun, AgroGeneration). Ils y disposent de 50 000 hectares de terres agricoles en location.

      [10] La liste des entreprises françaises dans l’accaparement des terres n’est pas exhaustive : Sucres & Denrée (Sucden) dans les régions russes de Krasnodar, Campos Orientales en Argentine et en Uruguay, Sosucam au Cameroun, la Compagnie Fruitière qui cultive bananes et ananas au Ghana…

      [11] Emprise et empreinte de l’agrobusiness, aux Editions Syllepse.


      https://www.bastamag.net/Bollore-Credit-agricole-Louis
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    • Crime environnemental : sur la piste de l’huile de palme

      L’huile de palme est massivement importée en Europe. Elle sert à la composition d’aliments comme aux agrocarburants. Avec le soutien de la région Languedoc-Roussillon, une nouvelle raffinerie devrait voir le jour à Port-la-Nouvelle, dans l’Aude. À l’autre bout de la filière, en Afrique de l’Ouest, l’accaparement de terres par des multinationales, avec l’expropriation des populations, bat son plein. Basta ! a remonté la piste du business de l’huile de palme jusqu’au #Liberia. Enquête.

      Quel est le point commun entre un résident de Port-la-Nouvelle, petite ville méditerranéenne à proximité de Narbonne (Aude), et un villageois du comté de Grand Cape Mount, au Liberia ? Réponse : une matière première très controversée, l’huile de palme, et une multinationale malaisienne, #Sime_Darby. D’un côté, des habitants de Port-la-Nouvelle voient d’un mauvais œil la création d’« une usine clés en main de fabrication d’huile de palme » par Sime Darby, en partie financée par le conseil régional du Languedoc-Roussillon. À 6 000 km de là, les paysans libériens s’inquiètent d’une immense opération d’accaparement des terres orchestrée par le conglomérat malaisien, en vue d’exploiter l’huile de palme et de l’exporter vers l’Europe, jusqu’à Port-la-Nouvelle en l’occurrence. Un accaparement de terres qui pourrait déboucher sur des déplacements forcés de population et mettre en danger leur agriculture de subsistance.

      Le petit port de l’Aude devrait donc accueillir une raffinerie d’huile de palme. Deux compagnies, la néerlandaise #Vopak et le malaisien #Unimills – filiale du groupe Sime Darby – sont sur les rangs, prêtes à investir 120 millions d’euros, venant s’ajouter aux 170 millions d’euros du conseil régional. La Région promet la création de 200 emplois, quand Sime Darby en annonce 50 pour cette usine qui prévoit d’importer 2 millions de tonnes d’huile de palme par an [1].

      Du Languedoc-Roussillon au Liberia

      Une perspective loin de réjouir plusieurs habitants réunis au sein du collectif No Palme [2]. Ces riverains d’une zone Seveso ont toujours en tête l’importante explosion de juillet 2010 dans la zone portuaire, après qu’un camion transportant du GPL se soit renversé. « La population n’a jamais été consultée ni informée de ce projet de raffinerie, relève Pascal Pavie, de la fédération Nature et Progrès. Ces installations présentent pourtant un risque industriel surajouté. » Le mélange du nitrate d’ammonium – 1 500 tonnes acheminées chaque mois à Port-la-Nouvelle – avec de l’huile végétale constituerait un explosif cocktail. Avec les allers et venues de 350 camions supplémentaires par jour. Cerise sur le gâteau, l’extension du port empièterait sur une zone côtière riche en biodiversité. « Notre collectif s’est immédiatement intéressé au versant international et européen de ce projet », explique Pascal.

      L’opérateur du projet, Sime Darby, est un immense conglomérat malaisien, se présentant comme « le plus grand producteur mondial d’huile de palme ». Présent dans 21 pays, il compte plus de 740 000 hectares de plantations, dont plus d’un tiers au Liberia. Et c’est là que remonte la piste de l’huile que l’usine devra raffiner.

      De Monrovia, la capitale, elle mène à Medina, une ville de Grand Cape Mount. D’immenses panneaux de Sime Darby promettent « un avenir durable ». Scrupuleusement gardés par des forces de sécurité privées recrutées par la compagnie, quelques bâtiments en béton émergent au milieu des pépinières d’huile de palme. C’est là que les futurs employés pourront venir vivre avec leurs familles. 57 « villages de travail » seront construits d’ici à 2025, promet la firme. Mais quid des habitants qui ne travailleront pas dans les plantations ? L’ombre d’un déplacement forcé de populations plane. « Quand Sime Darby a commencé à s’installer, ils ont dit qu’ils nous fourniraient des centres médicaux, des écoles, du logement… Mais nous n’avons rien vu, se désole Radisson, un jeune habitant de Medina qui a travaillé pour l’entreprise. Comment pourraient-ils nous déplacer alors qu’aucune infrastructure n’est prévue pour nous accueillir ? »

      Agriculture familiale menacée

      Le village de Kon Town est désormais entouré par les plantations. Seuls 150 mètres séparent les maisons des pépinières d’huile de palme. « Le gouvernement a accordé des zones de concession à la compagnie sans se rendre sur le terrain pour faire la démarcation », déplore Jonathan Yiah, des Amis de la Terre Liberia. Un accaparement qui priverait les habitants des terres cultivables nécessaires à leur subsistance. Les taux d’indemnisation pour la perte de terres et de cultures sont également sous-évalués. « Comment vais-je payer les frais scolaires de mes enfants maintenant ? », s’insurge une habitante qui ne reçoit qu’un seul sac de riz pour une terre qui, auparavant, donnait du manioc, de l’ananas et du gombo à foison.

      La compagnie Sime Darby se défend de vouloir déplacer les communautés. Pourtant, un extrait de l’étude d’impact environnemental, financée par la compagnie elle-même, mentionne clairement la possibilité de réinstallation de communautés, si ces dernières « entravent le développement de la plantation » [3]. Du côté des autorités, on dément. Cecil T.O. Brandy, de la Commission foncière du Liberia, assure que le gouvernement fait tout pour « minimiser et décourager tout déplacement. Si la compagnie peut réhabiliter ou restaurer certaines zones, ce sera préférable ». Faux, rétorque les Amis de la Terre Liberia. « En laissant une ville au milieu d’une zone de plantations, et seulement 150 mètres autour pour cultiver, plutôt que de leur dire de quitter cette terre, on sait que les habitants finiront par le faire volontairement », dénonce James Otto, de l’ONG. Pour les 10 000 hectares déjà défrichés, l’association estime que 15 000 personnes sont d’ores et déjà affectées.

      Des emplois pas vraiment durables

      L’emploi créé sera-t-il en mesure de compenser le désastre environnemental généré par l’expansion des monocultures ? C’est ce qu’espère une partie de la population du comté de Grand Cape Mount, fortement touchée par le chômage. Sime Darby déclare avoir déjà embauché plus de 2 600 travailleurs permanents, auxquels s’ajouteraient 500 travailleurs journaliers. Quand l’ensemble des plantations seront opérationnelles, « Sime Darby aura créé au moins 35 000 emplois », promet la firme. Augustine, un jeune de Kon Town, y travaille depuis deux ans. D’abord sous-traitant, il a fini par être embauché par la compagnie et a vu son salaire grimper de 3 à 5 dollars US pour huit heures de travail par jour. Tout le monde ne semble pas avoir cette « chance » : 90 % du personnel de l’entreprise disposent de contrats à durée déterminée – trois mois en général – et sous-payés ! Les chiffres varient selon les témoignages, de 50 cents à 3 dollars US par jour, en fonction de la récolte réalisée. « Dans quelle mesure ces emplois sont-ils durables ?, interroge Jonathan, des Amis de la Terre Liberia. Une fois que les arbres seront plantés et qu’ils commenceront à pousser, combien d’emplois l’entreprise pourra-t-elle maintenir ? »

      L’opacité entourant le contrat liant le gouvernement à Sime Darby renforce les tensions [4]. Malgré l’adoption d’une loi sur les droits des communautés, les communautés locales n’ont pas été informées, encore moins consultées. « Sime Darby s’est entretenu uniquement avec les chefs des communautés, raconte Jonathan Yiah. Or, la communauté est une unité diversifiée qui rassemble aussi des femmes, des jeunes, qui ont été écartés du processus de consultation. »

      Contrat totalement opaque

      Même de nombreux représentants d’agences gouvernementales ou de ministères ignorent tout du contenu du contrat, certains nous demandant même de leur procurer une copie. C’est ainsi que notre interlocuteur au ministère des Affaires intérieures a découvert qu’une partie du contrat portait sur le marché des crédits carbone. Des subventions qui iront directement dans la poche de la multinationale, comme le mentionne cet extrait en page 52 du contrat : « Le gouvernement inconditionnellement et irrévocablement (...) renonce, en faveur de l’investisseur, à tout droit ou revendication sur les droits du carbone. »

      « C’est à se demander si les investisseurs son vraiment intéressés par l’huile de palme ou par les crédits carbone », ironise Alfred Brownell, de l’ONG Green Advocates. « Nous disons aux communautés que ce n’est pas seulement leurs terres qui leur sont enlevées, ce sont aussi les bénéfices qui en sont issus », explique Jonathan Yiah.

      La forêt primaire remplacée par l’huile de palme ?

      Les convoitises de la multinationale s’étendent bien au-delà. Le militant écologiste organise depuis des mois des réunions publiques avec les habitants du comté de Gbarpolu, plus au nord. Cette région abrite une grande partie de la forêt primaire de Haute-Guinée. Sime Darby y a obtenu une concession de 159 827 hectares… Du contrat, les habitants ne savaient rien, jusqu’à ce que les Amis de la Terre Liberia viennent le leur présenter. La question de la propriété foncière revient sans cesse. « Comment le gouvernement peut-il céder nos terres à une compagnie alors même que nous détenons des titres de propriété ? », interrogent-ils. La crainte relative à la perte de leurs forêts, de leurs terres agricoles, d’un sol riche en or et en diamants s’installe.

      Lors d’une réunion, au moment où James énonce la durée du contrat, 63 ans – reconductible 30 ans ! –, c’est la colère qui prend le pas. « Que deviendront mes enfants au terme de ces 63 années de contrat avec Sime Darby ? », se désespère Kollie, qui a toujours vécu de l’agriculture, comme 70 % de la population active du pays. Parmi les personnes présentes, certaines, au contraire, voient dans la venue de Sime Darby la promesse d’investissements dans des hôpitaux, des écoles, des routes, mais aussi dans de nouveaux systèmes d’assainissement en eau potable. Et, déjà, la peur de nouveaux conflits germent. « Nous ne voulons de personne ici qui ramène du conflit parmi nous », lance Frederick. Les plaies des deux guerres civiles successives (1989-1996, puis 2001-2003) sont encore ouvertes. Près d’un million de personnes, soit un Libérien sur trois, avaient alors fui vers les pays voisins.

      Mea culpa gouvernemental

      « En signant une série de contrats à long terme accordant des centaines de milliers d’hectares à des conglomérats étrangers, le gouvernement voulait relancer l’économie et l’emploi, analyse James, des Amis de la Terre Liberia. Mais il n’a pas vu toutes les implications ». D’après un rapport de janvier 2012 réalisé par le Centre international de résolution des conflits, près de 40 % de la population libérienne vivraient à l’intérieur de concessions privées ! Aux côtés de Sime Darby, deux autres compagnies, la britannique Equatorial Palm Oil et l’indonésienne Golden Veroleum, ont acquis respectivement 169 000 et 240 000 hectares pour planter de l’huile de palme.

      Dans le comté de Grand Cape Mount, en décembre 2011, des habitants se sont saisis des clés des bulldozers de Sime Darby afin d’empêcher la poursuite de l’expansion des plantations et d’exiger des négociations. Une équipe interministérielle a depuis été mise en place, où siègent des citoyens du comté. « Oui, il y a eu des erreurs dans l’accord », reconnait-on à la Commission foncière. « Nous essayons de trouver des solutions pour que chacun en sorte gagnant », renchérit-on au ministère des Affaires intérieures. Difficile à croire pour les habitants du comté, qui n’ont rien vu, jusque-là, des grandes promesses philanthropes de Sime Darby.

      De l’huile de palme dans les agrocarburants

      Et si le changement venait des pays où l’on consomme de l’huile de palme ? Retour dans l’Aude, au pied du massif des Corbières. En décembre 2011, Sime Darby a annoncé geler pour un an son projet d’implantation de raffinerie à Port-la-Nouvelle. Les prévisions de commandes d’huile de palme sont en baisse, alors que le coût de l’usine grimpe. L’huile de palme commence à souffrir de sa mauvaise réputation, alimentaire et environnementale. De nombreuses marques l’ont retirée de la composition de leurs produits. L’huile de palme contribuerait à la malbouffe. Une fois solidifiée par injection d’hydrogène, elle regorge d’acides gras qui s’attaquent aux artères : un cauchemar pour les nutritionnistes. Dans les enseignes bios, elle commence également à être pointée du doigt comme l’une des causes de la déforestation, en Indonésie, en Afrique ou en Amérique latine. Pourtant, bien que la grande distribution réduise son besoin en huile de palme, cette dernière demeure aujourd’hui, et de loin, la première huile végétale importée en Europe. Merci les agrocarburants…

      « La consommation moyenne d’un Européen est d’environ 12 litres/an d’huile de palme, ce qui représente un accaparement d’environ 25 m2 de plantation de palmiers à huile dans un autre pays », souligne Sylvain Angerand, des Amis de la Terre France. « Relocaliser l’économie, développer les transports en commun, lutter contre l’étalement urbain seraient autant de mesures structurelles permettant de réduire notre consommation de carburant », propose l’écologiste. Réduire nos besoins ici, en Europe, pourrait diminuer partiellement l’accaparement des terres dans le Sud. À Port-la-Nouvelle, le collectif No Palme planche déjà sur des plans de développement alternatif pour le port. Avec en tête, les témoignages de leurs compères libériens.

      https://www.bastamag.net/Crime-environnemental-sur-la-piste

  • Congrès de Tours : « Beaucoup de militants pensaient que la révolution était à portée de main »
    https://larotative.info/congres-de-tours-beaucoup-de-2563.html

    https://larotative.info/home/chroot_ml/ml-tours/ml-tours/public_html/local/cache-vignettes/L700xH526/arton2563-1d6f8-a51d9.jpg?1514460693

    Du 25 au 30 décembre 1920, les socialistes français réunis à Tours débattent de l’adhésion de leur parti à la Troisième Internationale, créée à Moscou en 1919. Ce congrès aboutit à une scission, qui conduira à la création du Parti communiste français. Entretien avec Julien Chuzeville, auteur du livre Un court moment révolutionnaire, la création du parti communiste en France (1915-1924) chez #Libertalia

    Beaucoup de militants pensent que la révolution est à portée de main. Le gouvernement français le craint aussi. C’est pourquoi il fait arrêter en mai 1920 les principaux militants révolutionnaires, en particulier Fernand Loriot, Boris Souvarine et Pierre Monatte. Ils sont toujours en prison pendant le congrès de Tours.

    Les délégués présents au congrès sont appelés à se prononcer sur l’adhésion de la SFIO à l’Internationale communiste, créée par les bolcheviks à Moscou en mars 1919. Au moment des débats, que savent les socialistes français de la situation en Russie ?

    Il n’y a pas une ignorance complète, mais une vision déformée. Les révolutionnaires pensent souvent que les conseils ouvriers (« soviets », en russe) ont le pouvoir en Russie, que c’est l’autogestion. En fait, en décembre 1920 les soviets n’ont déjà plus qu’un rôle décoratif.

    Le souvenir de la Commune de Paris de 1871, moins de 50 ans auparavant, joue un rôle important : les communards avaient été accusés d’atrocités largement exagérées. En 1920, la presse conservatrice en France est très opposée aux bolcheviks. Elle publie souvent des fausses nouvelles — la mort de Trotski est par exemple plusieurs fois annoncée —, et diffuse des détails fantaisistes qui, pour les révolutionnaires, lui enlèvent toute crédibilité. Ils pensent que c’est la propagande anti-communarde qui recommence. Les russes blancs en exil diffusent des théories du complot. Il y a des « fake news » des deux côtés, ce qui empêche d’avoir une lecture claire de la situation. Et la voix des révolutionnaires russes opposés aux bolcheviks est alors quasiment inaudible en France.

    Enfin, l’Internationale communiste ne correspond pas à ce que les révolutionnaires avaient espéré : elle ne veut surtout pas d’une nouvelle synthèse entre marxisme, syndicalisme révolutionnaire, voire communisme libertaire. La bureaucratisation est rapide et s’accompagne d’un tournant idéologique autoritaire.

    A partir de 1924, les militants qui avaient été à la tête de la minorité internationaliste pendant la guerre se retrouvent en pointe dans la lutte contre la bolchevisation ordonnée par Moscou — qui va s’avérer être le début de la stalinisation. Ils forment une opposition communiste en interne, mais il n’y a plus de fonctionnement démocratique : ils sont donc exclus ou démissionnent.

    #pcf #sfio #communisme #libertaire #révolution cc @rezo @fil

  • Nestlé et la fin de l’ère Brabeck 20 Mai 2017 - Franklin Frederick - InvestigAction
    http://www.investigaction.net/nestle-et-la-fin-de-lere-brabeck

    « Trois phénomènes d’une considérable importance politique ont défini le XXème siècle : la progression de la démocratie, l’augmentation du pouvoir des entreprises et le déploiement massif de la propagande par les entreprises dans le but de maintenir leur pouvoir à l’abri de la démocratie. » (Alex Carey)

    Le jeudi 6 avril 2017, Peter Brabeck-Letmathe, 72 ans, a assisté pour la dernière fois à l’assemblée générale de Nestlé en tant que Président de son conseil d’administration. Il a travaillé 50 ans pour Nestlé, dont 20 ans en tant que Président du conseil d’administration. Il est indéniable que Brabeck est un homme intelligent et un brillant stratège, toujours prêt à défendre ses idées sur la place publique. Il a été si souvent vu dans des films et dans les médias en général qu’il est devenu une sorte de célébrité parmi les P.D.G. Il fait probablement partie des Autrichiens de notre époque les plus connus au monde, tout comme son compatriote Arnold Schwarzenegger, avec qui il a beaucoup en commun. Leurs opinions économiques et politiques semblent s’inspirer directement de celles de l’École autrichienne d’économie qui est née à Vienne à la fin du XIXème siècle. Selon l’économiste Michael Hudson, l’École autrichienne d’économie a fait brusquement son apparition comme « une manière de riposter aux réformes socialistes. En s’opposant aux règlementations publiques et aux nationalisations, l’École autrichienne d’économie a créé un univers parallèle dans lequel l’État apparait seulement comme étant un fardeau (…). » (1) 

    L’un et l’autre, en leur qualité respective (Peter Brabeck en tant que P.D.G. de Nestlé et membre du Conseil d’administration de plusieurs autres sociétés ; Arnold Schwarzenegger en tant que gouverneur de Californie), ont fait tout leur possible pour protéger le monde contre ce fléau qu’est l’État-providence, défendre les sociétés privées contre les réglementations étatiques et traquer l’intérêt commun où qu’il puisse être, tout en prêchant l’évangile de la privatisation comme garantissant le relèvement de l’économie, si ce n’est de la civilisation même. Cependant, contrairement à Schwarzenegger, Peter Brabeck eut une influence plus grande et plus durable sur l’économie et la société de manière générale. Il est donc important d’examiner de plus près l’héritage qu’il a laissé. 

    L’une des principales réussites de Brabeck fut la création du Water Resources Group (WRG), une sorte de groupe de réflexion, de lobby, et d’organisation de développement ayant pour but de promouvoir les partenariats public-privé dans le secteur de l’eau. Il est Président du conseil d’administration de WRG et, jusqu’à présent, rien ne laisse à penser qu’il va également se retirer de cette fonction. Le WRG a été fondé par Nestlé, Coca-Cola, Pepsi Co et SAB Miller, les géants de l’industrie de l’eau en bouteilles. D’autres membres puissants et influents en font partie, qui ne sont pas directement liés à l’industrie de l’eau embouteillée, telle la Société financière internationale (SFI), organisation membre du Groupe de la Banque Mondiale et dont l’activité consiste à conseiller les sociétés du secteur privé dans leurs projets. Philippe Le Houérou, P.D.G. de la SFI, est vice-président du conseil d’administration du WRG. La Direction du développement et de la coopération (DDC) est également membre du WRG. Manuel Sager, le chef de la DDC, fait partie du Conseil des gouverneurs du WRG, tout comme les P.D.G. de Coca-Cola et PepsiCo. 

    Le WRG fournit à Peter Brabeck le cadre institutionnel idéal pour intensifier sa politique de privatisation de l’eau. Les entreprises d’embouteillage d’eau, dont Nestlé, ont évidemment beaucoup d’avantages à tirer de la privatisation de l’eau ainsi que du démantèlement des services publics de l’eau. Grâce à sa puissance économique et politique, le WRG peut user de son influence sur les gouvernements du monde entier. En plus de cela, on oublie souvent les relations importantes du WRG : en 2015, le géant de l’industrie brassicole AB Inbev a fait l’acquisition de SABMiller, qui est membre du WRG. AB Inbev appartient à l’Empire de l’helvético-brésilien Jorge Paulo Lemann, première fortune du Brésil et deuxième fortune de la Suisse d’après le magazine FORBES. L’Empire économique de Lemann s’étend jusqu’au cœur des États-Unis et de l’Amérique latine. 

    Autre réussite d’importance, les relations de travail étroites que Brabeck a noué entre Nestlé et l’armée. Dans les années 70 et 80 du siècle dernier, Nestlé s’est trouvée confrontée à une très grande menace pour son image de marque et ses pratiques : la campagne « Nestlé tue les bébés » menée par des groupes issus des sociétés civiles européenne et américaine. Pour venir à bout de ce problème, Nestlé a recruté Raphael Pagan, officier des renseignements américains, qui fut chargé de développer des stratégies afin de « combattre » les critiques émanant des sociétés civiles. À ce moment-là, Brabeck n’était pas encore le P.D.G. de Nestlé, mais cette expérience a semble-t-il été couronnée de succès depuis que Brabeck lui en a donné une nouvelle dimension. Lorsqu’il était P.D.G. de Nestlé, Brabeck a embauché John Hedley, un ancien agent du MI6, en tant que chef de la sécurité chez Nestlé. Ce dernier a organisé une opération d’infiltration de mouvements issus de la société civile suisse qui se montraient critiques à l’égard de Nestlé, et particulièrement d’une organisation du nom d’ATTAC. En 2011, Nestlé a organisé son propre forum international de « Création de Valeur Partagée » en partenariat avec « l’Atlantic Council », une organisation de grandes sociétés proches de l’OTAN. Nestlé États-Unis a prévu un programme spécial pour l’emploi des anciens militaires. Voici ce que l’on peut lire sur leur site : 
    « Nestlé est fière d’offrir de nombreuses opportunités aux vétérans de l’armée américaine, en leur permettant de mettre à contribution leurs formations et compétences exceptionnelles au sein des différentes sociétés opérationnelles de notre organisation. » (2) 

    L’existence de liens étroits entre des sociétés transnationales et les services de renseignements de l’armée ou l’armée en général n’est pas propre à Nestlé. Mais, contrairement à la plupart des autres sociétés transnationales (STN), Peter Brabeck fut parmi les premiers à se lancer dans ce type de coopération. Les raisons en sont simples : les STN et le secteur financier sont les principales forces motrices des politiques néo-libérales, cette forme extrême et profondément antidémocratique du fondamentalisme de droite du marché. Les privatisations sont l’un des principaux outils politiques du projet des néo-libéraux, ce qui en réalité signifie transformer les biens communs en profits privés et qui, par définition, ne va pas vraiment attirer le soutien de la population…En conséquence, les politiques néo-libérales se heurtent forcément à la résistance du peuple et ne peuvent être appliquées que par l’utilisation de la violence ou de la duperie. Les services de renseignements de l’armée sont capables de fournir des informations sur la façon dont la société civile s’organise contre la mainmise des entreprises sur les ressources naturelles et l’appropriation de la démocratie par celles-ci, et ainsi, grâce à ces importants moyens, permettent aux entreprises de sauvegarder leur pouvoir. De plus, la plupart des ressources naturelles essentielles aux STN se trouvent dans les pays du Sud où coopérer avec l’armée peut être bien utile lorsqu’il s’agit de combattre les gouvernements et peuples locaux s’ils tentent d’utiliser leurs ressources naturelles pour leur propre développement, ce que l’establishment néo-libéral considère comme le crime suprême. C’est ce qui se passa au Chili lorsque Salvador Allende fut élu et que son gouvernement entreprit la nationalisation de certaines ressources naturelles du Chili dans l’objectif de développer le pays, au détriment des profits des multinationales. La première réaction du puissant establishment international fut alors de déclarer une guerre économique contre le Chili et, lorsque cela ne suffit pas, d’entreprendre un coup d’État sous la conduite du Général Augusto Pinochet. Il s’ensuivit une guerre contre le peuple chilien pendant plusieurs années durant lesquelles des milliers d’individus furent assassinés ou portés disparus. Du point de vue des néo-libéraux, ce fut une réussite : Pinochet a effectivement mis en œuvre tout un programme néolibéral au niveau du gouvernement. Peter Brabeck a eu l’occasion de voir de très près les actions de Pinochet : il se trouvait au Chili. Il a commencé sa carrière chez Nestlé au Chili à ce moment précis. Il a dû être impressionné par les mesures prises par Pinochet concernant l’opposition du peuple aux politiques de privatisation. 

    Cependant, il n’est pas toujours possible d’avoir recours ouvertement à la violence pour appliquer des politiques impopulaires. Le projet néolibéral a alors recours à la duperie en tentant de dissimuler les véritables objectifs de ses politiques et de convaincre le peuple qu’il œuvre en réalité dans son propre intérêt. Ainsi, les sociétés privées qui tentent d’imposer la privatisation des services publics par le biais, par exemple, de l’Accord sur le Commerce des Services (ACS), se sont baptisées les « Très Bons Amis des Services ». (3) Peter Brabeck qualifie la manière dont Nestlé procure des « effets positifs sur le long terme pour les actionnaires et la société » de « Création de Valeur Partagée ». L’eau en tant que bien commun est notre plus précieuse valeur partagée et celle-ci est clairement menacée par les politiques de privatisation de Brabeck. 

    Le projet néo-libéral essaie avant tout de rester secret. Selon un classement des « informations les plus censurées » établi par « Project Censored » (« Projet Censuré », une initiative visant à dénoncer et lutter contre la censure de l’information), l’information selon laquelle « la moitié de la richesse mondiale est détenue par 1 % de la population » fut la plus censurée de l’année 2015. Cette année (en 2017), 1 % de la population détient plus de la moitié de la richesse mondiale. Seulement 8 hommes possèdent effectivement l’équivalent de ce que la moitié de la population mondiale possède (5). Ceci nous indique clairement ceux à qui profitent réellement les politiques néo-libérales et les privatisations. Toujours en 2015, la « résistance du peuple à l’appropriation de l’eau par les sociétés privées » fut l’information qui occupait la 4ème place de ce même classement. (6) 

    Le fait de s’emparer de l’eau et de la privatiser concorde avec l’accumulation des richesses par les 1 % les plus riches, catégorie à laquelle appartient Peter Brabeck (et une réalité que ce dernier s’efforce de dissimuler). Il est également parvenu à faire taire la plupart des ONG suisses politiquement engagées, conscient que les débats et critiques concernant Nestlé en Suisse (son pays d’origine) pourraient nuire fortement à l’image de marque de Nestlé. 

    La retraite de Peter Brabeck, la fin de l’ère Brabeck, coïncide toutefois avec la fin du projet néo-libéral lui-même. Sa crédibilité a été érodée, ses réels objectifs dévoilés. Partout dans le monde, des mouvements de résistance se développent et, l’un après l’autre, chaque pays rejette fermement les politiques néo-libérales. Il vaut peut-être mieux que ceux qui fêtaient la fin de la Pink Tide (« Marée Rose ») en Amérique Latine, durant laquelle des gouvernements progressistes en Argentine, en Bolivie, en Équateur, au Paraguay, au Brésil et au Venezuela prirent le pouvoir politique, regardent ce qui est en train de se dérouler à nouveau sur ce continent. En Équateur, le peuple a élu Lenin Moreno, candidat soutenu par le Président Rafael Correa ; en Argentine, le président Macri, qui après son élection appliqua des politiques néo-libérales entraînant une hausse de la pauvreté en seulement quelques mois, est à présent confronté à une très forte opposition émanant du peuple et à une grève générale qui a paralysé tout le pays. Ce qu’a accompli Macri en Argentine jusqu’à présent n’est pas ce que l’on peut qualifier de réussite et, au grand désarroi de la classe néo-libérale, il est peu probable qu’il sera réélu. Au Brésil, où il a fallu un coup d’Etat parlementaire afin que les néo-libéraux puissent appliquer tout un programme et se lancer dans la privatisation des biens publics, le gouvernement illégitime du président Michel Temer est en pleine dislocation. Et, malgré la campagne menée par la presse traditionnelle contre l’ancien président Lula, c’est ce dernier qui a obtenu dans tous les sondages le plus de soutien de la part du peuple pour remporter les élections. Au Venezuela, malgré une guerre économique semblable à celle déclarée contre le président Allende au Chili et une campagne menée par la presse internationale contre le gouvernement vénézuélien, la politique selon laquelle les ressources naturelles du pays sont utilisées au profit du peuple continue d’être fièrement appliquée et ses résultats, notamment ses programmes d’alphabétisation ou de logement, sont impressionnants. Cependant, dans la situation actuelle, les résultats concrets et positifs obtenus grâce à des politiques différentes de celles du crédo néo-libéral doivent être minimisés ou complètement ignorés par la presse traditionnelle, le principal allié du néo-libéralisme. Il n’en reste pas moins que les signes des temps sont manifestes et que le projet néo-libéral est arrivé à sa fin. 

    Le successeur de Peter Brabeck chez Nestlé ne sera pas en mesure de faire autant que ce que Brabeck lui-même a fait pour le projet néo-libéral. Et il devra être beaucoup plus prudent face aux critiques émanant des mouvements issus de la société civile car, au final, c’est nous, le peuple, qui déciderons de la place que Nestlé et lui-même pourront occuper à l’avenir. 

    Source : Investig’Action

    Notes :
    (1) Lire Michael Hudson, “J is for Junk Economics”
    (2) https://recruitmilitary.com/Nestle
    (3) http://www.world-psi.org/en/psi-special-report-really-good-friends-transnational-corporations-agreeme
    (4) http://projectcensored.org/1-half-of-global-wealth-owned-by-the-1-percent 
    (5) https://www.oxfam.org/en/pressroom/pressreleases/2017-01-16/just-8-men-own-same-wealth-half-world
    (6) http://projectcensored.org/4-popular-resistance-to-corporate-water-grabbing

    #Eau #Nestlé #Brabeck-Letmathe #Arnold Schwarzenegger #privatisation #Ecole_autrichienne_d_économie #Water_Resources_Group #WRG #Coca-Cola #Pepsi #SABMiller #SFI #Philippe_Le_Houérou #Manuel_Sager #DDC #démantèlement_des_services_publics #AB_Inbev #Atlantic_Council #néo_libéralisme #Biens_Communs #Chili #ACS #Brésil #Argentine

    Nestlé, l’eau, antérieurement publié sur SeenThis

    https://seenthis.net/messages/593729

    https://www.youtube.com/watch?v=qrgtbgjMfu0


    https://seenthis.net/messages/516663

    https://seenthis.net/messages/132395

    https://seenthis.net/messages/86468

    https://seenthis.net/messages/86445

    https://seenthis.net/messages/17692

  • [AUDIO] Histoire du mouvement ouvrier, acte 3 : 1900-1922

    http://www.b-a-m.org/2017/04/audio-histoire-du-mouvement-ouvrier-acte-3

    De janvier à juin, Christian nous relate l’histoire du mouvement ouvrier en France de 1830 à nos jours. Le 15 mars 2017, il nous a fait un jus sur la période 1900-1922.

    Il nous raconte la période de 1900 à 1914, marquée par le développement de l’industrie (naissance de l’industrie automobile) et par l’esprit revanchard contre l’Allemagne qui amène au réarmement puis à la guerre. Cette période est également celle de l’expansion de la CGT (Confédération générale du travail) grâce, notamment, à l’intégration des bourses du travail et de l’unification du mouvement socialiste qui donna naissance à la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière). Christian nous raconte les grèves de Limoges (1905) et de Villeneuve-Saint-Georges (1908) en s’inspirant des travaux d’Anne Steiner. Puis, clin d’œil de l’histoire, il nous présente Émile Pataud, son homonyme, secrétaire de la fédération de l’éclairage qui organisa des coupures sauvages de courant.

    La période de 1914-1918 se résumerait presque à « maudite soit la guerre » sans la Révolution russe (1917). Cette guerre fut la grande défaite de l’internationalisme du mouvement ouvrier.

    De 1918 à 1922, le peuple panse ses plaies et pleure ses morts. C’est aussi le temps de la division du mouvement ouvrier suite à la création du Komintern : création de la SFIC (Section français de l’internationale communiste, le futur PCF – Parti communiste français), et la scission de la CGT (naissance de la CGT-U, U pour unifiée, syndicat inféodé au Parti).

    #audio #histoire #ouvrier #CGT #révolution #syndicats #SFIO #Anne_Seiner #PCF #anarchiste #internationale #communiste #anarchisme #communisme

  • Groupe de la Banque mondiale : Des détracteurs de projets sont menacés, harcelés et emprisonnés | Human Rights Watch
    https://www.hrw.org/fr/news/2015/06/22/groupe-de-la-banque-mondiale-des-detracteurs-de-projets-sont-menaces-harceles-e

    Le Groupe de la #Banque_mondiale n’a pas pris de mesures suffisantes pour empêcher ou dissuader les gouvernements d’intimider les personnes critiques à l’égard des projets financés par la Banque, ni pour surveiller les éventuelles représailles, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

    Le rapport de 144 pages, intitulé « At Your Own Risk : Reprisals against Critics of World Bank Group Projects » (« À vos propres risques : Représailles contre les détracteurs des projets du Groupe de la Banque mondiale ») expose la façon dont des gouvernements et de puissantes compagnies ont menacé, intimidé et poursuivi de manière abusive des membres des communautés ayant protesté contre les déplacements de personnes ou d’autres effets néfastes apparemment causés par des projets financés par la Banque mondiale et de sa filiale dédiée aux prêts au secteur privé, la Société financière internationale (SFI, ou IFC en anglais). La Banque mondiale et la #SFI ont omis de prendre des mesures appropriées pour aider à créer un environnement sûr dans lequel les personnes puissent exprimer leurs préoccupations ou leurs critiques à l’égard de projets financés par le Groupe de la Banque sans courir le risque de subir des représailles, a constaté Human Rights Watch.

    http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/worldBank0615_4Up.pdf
    #développement #progrès #aide #prédateurs

  • Marlière dans la Revue #Ballast sur la laïcité communautarienne
    http://www.larevuedesressources.org/marliere-dans-la-revue-ballast-sur-la-laicite-communautarienne

    Hommage à Ballast « Tenir tête, fédérer, amorcer » , telle est la devise de Ballast, la nouvelle revue trimestrielle collective de création politique, papier et numérique, publiée depuis novembre 2014 aux héroïques éditions Aden de #Gilles_Martin, — pas pour rien de Nizan radical à l’allure Punk de Corto Maltese, car défiant vents et marées et les contre-courants, — que j’avais eu le plaisir et l’honneur de croiser lors du premier Salon Off du livre à Bruxelles, où grâce à mes amis je tenais un stand pour (...)

    #Agora

    / #France, #Colonialisme, #XXe_siècle, #XXIe_siècle, #XIXe_siècle, #Religions, #Sciences_Politiques, Société, #Lénine, #Jean_Jaurès, #Maccarthisme, #Philippe_Marlière, #Aliette_G._Certhoux, #Entretien, La Revue des Ressources (La RdR), #Parti_Socialiste, Ballast, Revue Ballast , Histoire des (...)

    #Société #La_Revue_des_Ressources_La_RdR_ #Revue_Ballast_ #Histoire_des_luttes_de_classe #École_publique #Laïcité_communautarienne_ #République #La_Gauche #Idélogie #Identitaire #Criticalsecret #Elisabeth_Badinter #Philip_Pettit #Cécile_Laborde #Aristide_Briand #Edouard_Vaillant #Eugène_Varlin #Caroline_Fourest #Blanqui #Coralie_Delaume #SFIO

  • Blog de Paul Jorion » EMPRUNTS « TOXIQUES » : LE COMMERCE DES INDULGENCES POLITIQUES, par Zébu
    http://www.pauljorion.com/blog/?p=60034
    http://0.gravatar.com/avatar/e9d73a7b825d826716e5a25df85c1c8a?s=92&d=identicon&r=G

    Arguties spécieuses, car si le gouvernement actuel ne fait qu’endosser l’héritage du gouvernement passé, rien ne l’y obligeait en vérité à le faire tel quel, a fortiori en créant un fonds de compensation financé à moitié par l’État et ne couvrant que 45 % des IRA (Indemnités de Remboursement par Anticipation) calculés pour les emprunts dits ‘structurés’, et encore, uniquement ceux les plus ‘toxiques’, le restant étant payé par des collectivités locales qui auraient pu faire valoir leurs droits en justice.

    Arguties spécieuses, car l’État aurait très bien pu imposer de créer un fonds de compensation financé à 100 % par les banques, qui aurait permis de lever la reprise de l’aléa moral des banques par l’État et éviter ainsi à l’État de se retrouver piégé dans ce type de situation. En prenant pour base le fait que la Taxe sur les Risques Systémiques (TRS) passe de 0,50 % à 0,539 % pour répondre au financement du fonds de compensation pour les emprunts toxiques, soit 750 millions d’euros (50% x 100 millions x 15 ans), on obtiendrait donc 750 millions financés par 0,039 %. En multipliant cette même augmentation par 10, on obtiendrait donc logiquement une capacité de financement de 7,5 milliards d’euros sur 15 ans, le tout pour une taxe passant non pas de 0,50 % à 0,539 % mais bien de 0,50 % à 0,89 %, soit moins qu’un doublement de cette même taxe. Cette ‘TRS’ a-t-elle fait naître des faillites bancaires lors de son institution il y a 2 ans déjà ? Aucunement.

    #DEXIA
    #emprunt-toxiques
    #économie
    #finance
    #banksters
    #Caisse-des-dépôts-et-consignations
    #CNP-Assurances
    #SFIL Société de Financement Local
    #TEG (Taux Effectif Global)
    #BNP #Crédit-Agricole , ainsi que des banques étrangères, notamment anglo-saxonnes)
    #CAFFIL CAisse française de Financement Local
    #CDC (CAFFIL, créée pour pallier la disparition de la filiale DMA de DEXIA ..)
    #article_[60] revient à blanchir des banques ayant commis une faute,,,

  • CADTM - L’article 60 du projet de loi de finances pour 2014 : un article toxique pour les collectivités locales
    http://cadtm.org/L-article-60-du-projet-de-loi-de

    Le projet de loi de finances pour 2014 comporte dans son article 60 une disposition particulièrement scandaleuse. En effet, sous le couvert de la mise en place d’un fonds de soutien aux collectivités qui ont souscrit des produits toxiques, le gouvernement socialiste n’hésite pas à remettre en cause un des principes essentiels de notre droit, le principe de non-rétroactivité des lois, et à désavouer les juges dans le seul but d’aider les banques à spolier les collectivités publiques et la population.

    Dans cette étude, nous commencerons par rappeler le contexte dans lequel s’inscrit la loi de validation que constitue l’article 60 avant d’évaluer les conséquences de cette disposition. Nous présenterons ensuite les grandes lignes du régime juridique des lois de validation ainsi que la jurisprudence des quatre grandes institutions chargées d’en définir les contours, à savoir le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’Homme, le Conseil d’État et la Cour de cassation, puis nous mettrons l’article 60 à l’épreuve de cette jurisprudence. Enfin, en conclusion, nous proposerons aux collectivités et aux contribuables quelques pistes d’actions.

    L’ #article_60 du projet de loi de #finances pour #2014 : un article toxique pour les #collectivités_locales
    #prêts-toxiques
    #bankers
    #banques
    #SFIL ( Société de Financement local )
    #Etat
    #DEXMA (une entité de DEXIA)
    #TEG ( taux effectif global )
    #TGI